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09/11 Dédicace de l’Archibasilique du Très Saint Sauveur

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Sommaire

  Introduction  
  Histoire et Signification: l'autel du Latran, centre de la liturgie catholique  
  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Le pape St Pie V étendit la fête de la dédicace de la cathédrale de Rome au calendrier universel en 1568 comme double. Léon XIII en fit un double majeur en 1897, et St Pie X un double de IIe classe qui prime donc ainsi sur le dimanche.

Même si ces deux fêtes sont distinctes, la liturgie, au bréviaire unit la dédicace du Latran et celles des deux basiliques de Saint-Pierre et de Saint-Paul : à l’Office, en effet [1], les lectures du 1er nocturne se suivent (Livre de l’Apocalypse [2]) et au 3ème nocturne, on lit le 9 novembre l’homélie prévue pour l’anniversaire de la dédicace (St Ambroise) et le 18 novembre, l’homélie prévue pour l’octave de la dédicace (St Grégoire).

Introduction

La constitution divine de l’Église est hiérarchique, hiérarchie des ministères du Pape aux évêques par la succession apostolique, de l’évêque au curé par la mission donnée par le Pasteur du Diocèse, du curé aux fidèles par l’éminente responsabilité du curé sur chacune des âmes du peuple de Dieu qui lui sont ainsi confiées par l’Église.

Cette hiérarchie se retrouve exprimée de manière liturgique par la hiérarchie des Autels. Les cérémonies d’installation de chaque nouveau successeur de Pierre se terminent par son installation sur la cathèdre de sa cathédrale et la célébration de sa première messe sur l’autel majeure de cette cathédrale, la basilique du Latran. Chaque année, l’Église convoque les fidèles pour l’anniversaire de la dédicace de cette « cathédrale des cathédrales » le 9 novembre.

Devant son autel cathédral, l’évêque de chaque diocèse paraît dans tout l’éclat de sa plénitude sacerdotale. Sanctificateur premier de son troupeau, il exerce sa primauté par excellence chaque fois qu’il célèbre dans l’Église Mère du diocèse, qu’il y confère les saints ordres ou consacre les saintes huiles qui serviront aux sacrements dispensés dans son diocèse. Comme pour la cathédrale du Pape, l’Église convoque les fidèles à l’anniversaire de la dédicace de l’Église Mère du diocèse.

Pour soumettre à l’action vivifiante de son sacerdoce jusqu’aux extrémités les plus reculées de son diocèse, l’évêque détache des prêtres et les envoie avec mission « d’offrir, de bénir de présider, d’instruire et de baptiser » en dépendance de lui, chacun devant l’autel paroissial que lui ou ses prédécesseurs ont dressé et consacré. Comme les prêtres dépendent de leur évêque, ainsi les églises paroissiales dépendent de l’Église Mère du diocèse.

L’extension du royaume surnaturel du Christ dans les âmes par le rayonnement de sa lumière et la diffusion de sa vie constitue une œuvre de conquête conduite par la hiérarchie sacerdotale de l’Église militante, qui, au fur et à mesure qu’elle enseigne les nations et les baptise au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, les groupe autour de ses autels comme autour d’autant de foyers où elle leur départit sans mesure la vie surnaturelle, la vie divine, la grâce qui émane de la plénitude du Christ. Dans un diocèse, les autels paroissiaux constituent les bornes miliaires de la prise de possession du royaume des âmes par l’Église.

Non seulement les fidèles sont convoqués chaque année pour l’anniversaire de la dédicace de leur église paroissiale, mais la liturgie en fait la solennité le dimanche suivant.

Histoire et Signification: l'autel du Latran, centre de la liturgie catholique

Voir l’article : La hiérarchie des Autels

Textes de la Messe

die 9 novembris
le 9 novembre
IN DEDICATIONE ARCHIBASILICÆ SSMI SALVATORIS
DÉDICACE DE L’ARCHIBASILIQUE DU T. SAINT SAUVEUR
II classis (ante CR 1960 : duplex II classis)
IIème classe (avant 1960 : double de IIème classe)
Missa Terribilis, de Communi Dedicationis Ecclesiæ. Et fit Commemoratio S. Theodori Mart., ut in Missa sequenti ; ac dicitur Credo.Messe Terribilis, du Commun de la Dédicace des Eglises. Et on fait Mémoire de St Théodore Martyr, comme à la messe suivante. Et on dit le Credo.
Ant. ad Introitum. Gen. 28, 17.Introït
Terríbilis est locus iste : hic domus Dei est et porta cæli : et vocábitur aula Dei.Ce lieu est terrible : c’est la maison de Dieu et la porte du ciel, et on l’appellera le palais de Dieu.
Ps. 83, 2-3.
Quam dilécta tabernácula tua, Dómine virtútum ! concupíscit, et déficit ánima mea in átria Dómini.Que vos tabernacles sont aimables, ô Dieu des armées ! Mon âme soupire et languit après les parvis du Seigneur.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui nobis per síngulos annos huius sancti templi tui consecratiónis réparas diem, et sacris semper mystériis repæséntas incólumes : exáudi preces pópuli tui, et præsta ; ut, quisquis hoc templum benefícia petitúrus ingréditur, cuncta se impetrásse lætétur. Per Dóminum.O Dieu, qui renouvelez chaque année en notre faveur le jour où ce saint temple vous a été consacré, et qui nous conservez en état d’assister à vos saints mystères, exaucez les prières de votre peuple et accordez à quiconque entrera dans ce temple pour demander vos grâces, la joie de les avoir obtenues.
Et fit commemoratio S. Theodori Mart. :Et on fait mémoire de St Théodore, Martyr :
Oratio.Collecte
Deus, qui nos beáti Theodóri Mártyris tui confessióne gloriósa circúmdas et prótegis : præsta nobis ex eius imitatióne profícere, et oratióne fulcíri. Per Dóminum nostrum.O Dieu, qui nous donnez la glorieuse profession de foi de votre bienheureux Martyr Théodore, comme appui et protection, accordez-nous la grâce de profiter de ses exemples, et d’être soutenus de ses prières.
Léctio libri Apocalýpsis beáti Ioánnis Apóstoli.Lecture de l’Apocalypse de saint Jean Apôtre.
Apoc. 21, 2-5.
In diébus illis : Vidi sanctam civitátem Ierúsalem novam descendéntem de cælo a Deo, parátam sicut sponsam ornátam viro suo. Et audívi vocem magnam de throno dicéntem : Ecce tabernáculum Dei cum homínibus, et habitábit cum eis. Et ipsi pópulus eius erunt, et ipse Deus cum eis erit eórum Deus : et abstérget Deus omnem lácrimam ab óculis eórum : et mors ultra non erit, neque luctus neque clamor neque dolor erit ultra, quia prima abiérunt. Et dixit, qui sedébat in throno : Ecce, nova fácio ómnia.En ces jours-là, je vis la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête comme une épouse qui s’est parée pour son époux. Et j’entendis une voix forte venant du trône, qui disait : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes, et il habitera avec eux ; et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux, comme leur Dieu ; et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort n’existera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car ce qui était autrefois a disparu. Alors celui qui était assis sur le trône dit : Voici, je vais faire toutes choses nouvelles.
Graduale. Graduel
Locus iste a Deo factus est, inæstimábile sacraméntum, irreprehensíbilis est.Ce lieu a été fait par Dieu même : c’est un mystère inappréciable, il est exempt de toute souillure.
V/. Deus, cui astat Angelórum chorus, exáudi preces servórum tuórum.V/. O Dieu devant qui se tient le chœur des Anges, exaucez la prière de vos serviteurs.
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 137, 2. Adorábo ad templum sanctum tuum : et confitébor nómini tuo. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. J’adorerai dans votre saint temple, et je célébrerai votre nom. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 19, 1-10.
In illo témpore : Ingréssus Iesus perambulábat Iéricho. Et ecce, vir nómine Zachǽus : et hic princeps erat publicanórum, et ipse dives : et quærébat vidére Iesum, quis esset : et non póterat præ turba, quia statúra pusíllus erat. Et præcúrrens ascéndit in arborem sycómorum, ut vidéret eum ; quia inde erat transitúrus. Et cum venísset ad locum, suspíciens Iesus vidit illum, et dixit ad eum : Zachǽe, féstinans descénde ; quia hódie in domo tua opórtet me manére. Et féstinans descéndit, et excépit illum gaudens. Et cum vidérent omnes, murmurábant, dicéntes, quod ad hóminem peccatórem divertísset. Stans au tem Zachǽus, dixit ad Dóminum : Ecce, dimídium bonórum meórum, Dómine, do paupéribus : et si quid áliquem defraudávi, reddo quádruplum. Ait Iesus ad eum : Quia hódie salus dómui huic facta est : eo quod et ipse fílius sit Abrahæ. Venit enim Fílius hóminis quǽrere et salvum fácere, quod períerat.En ce temps-là, Jésus étant entré dans Jéricho, traversait la ville. Et voici qu’un homme, nommé Zachée, chef des publicains, et fort riche, cherchait à voir qui était Jésus ; et il ne le pouvait à cause de la foule, parce qu’il était petit de taille. Courant donc en avant, il monta sur un sycomore pour le voir, parce qu’il devait passer par là. Arrivé en cet endroit, Jésus leva les yeux ; et l’ayant vu, il lui dit : Zachée, hâte-toi de descendre ; car, aujourd’hui, il faut que je demeure dans ta maison. Zachée se hâta de descendre, et le reçut avec joie. Voyant cela, tous murmuraient, disant qu’il était allé loger chez un homme pécheur. Cependant Zachée, se tenant devant le Seigneur, lui dit : Seigneur, voici que je donne la moitié de mes biens aux pauvres ; et si j’ai fait tort de quelque chose à quelqu’un, je lui rends le quadruple. Jésus lui dit : Aujourd’hui le salut a été accordé à cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d’Abraham. Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.
CredoCredo
Ant. ad Offertorium. 1. Paral. 29, 17 et 18.Offertoire
Dómine Deus, in simplicitáte cordis mei lætus óbtuli univérsa ; et pópulum tuum, qui repertus est, vidi cum ingénti gáudio : Deus Israël, custódi hanc voluntátem, allelúia.Seigneur, mon Dieu, je vous ai offert toutes ces choses dans la simplicité de mon coeur et avec joie ; et j’ai été ravi de voir aussi tout ce peuple assemblé, ô Dieu d’Israël, conservez cette volonté, alléluia.
Secreta.Secrète
Annue, quǽsumus, Dómine, précibus nostris : ut, dum hæc vota præséntia réddimus, ad ætérna prǽmia, te adiuvánte, perveníre mereámur. Per Dóminum.Nous vous en supplions, Seigneur, accueillez favorablement nos prières et qu’en nous acquittant de nos vœux dans la vie présente, nous méritions de parvenir, grâce à votre secours, aux récompenses éternelles.
Pro S. TheodoroPour St Théodore
SecretaSecrète
Súscipe, Dómine, fidélium preces cum oblatiónibus hostiárum : et, intercedénte beáto Theodóro Mártyre tuo, per hæc piæ devotiónis offícia ad cæléstem glóriam transeámus. Per Dóminum.Agréez, Seigneur, les prières des fidèles avec l’offrande des hosties, et faites que le bienheureux Théodore, votre Martyr, intercédant en notre faveur, nous parvenions, en accomplissant ces devoirs d’une pieuse dévotion, à la gloire céleste.
In aliquibus diœcesibus, Præfatio de Dedicatione Ecclesiæ.Dans certains diocèses, Préface de la Dédicace .
Ant. ad Communionem. Matth. 21, 13.Communion
Domus mea domus oratiónis vocábitur, dicit Dóminus : in ea omnis, qui pétii, accipit ; et qui quærit, invénit ; et pulsánti aperiétur.Ma maison sera appelée une maison de prière, dit le Seigneur. Quiconque y demande reçoit ; et celui qui cherche trouve ; et on ouvrira à celui qui frappe.
Postcommunio.Postcommunion
Deus, qui de vivis et electis lapídibus ætérnum maiestáti tuæ prǽparas habitáculum : auxiliáre pópulo tuo supplicánti ; ut, quod Ecclésiæ tuæ corporálibus próficit spátiis, spirituálibus amplificétur augméntis. Per Dóminum nostrum. O Dieu qui préparez un temple éternel à votre majesté au moyen de pierres vivantes et choisies, venez en aide à votre peuple suppliant, afin que ce qui est utile à votre Église en fait d’espaces matériels soit l’occasion d’accroissements spirituels.
Pro S. TheodoroPour St Théodore
PostcommunioPostcommunion
Præsta nobis, quǽsumus, Dómine : intercedénte beáto Theodóro Mártyre tuo ; ut, quod ore contíngimus, pura mente capiámus. Per Dóminum nostrum.Accordez-nous, s’il vous plaît, Seigneur, que grâce à l’intercession de votre bienheureux Martyr Théodore, nous gardions dans un cœur pur ce que notre bouche a reçu.

Office

Au premier nocturne.

Du livre de l’Apocalypse de saint Jean, Apôtre. Apoc. 21, 9-18.

Première leçon. Alors vint un des sept Anges qui avaient les sept coupes des dernières plaies, et il me parla, disant : Viens, et je te montrerai la nouvelle mariée, l’Épouse de l’Agneau. Et il me transporta en esprit sur une montagne grande et haute, et il me montra la cité sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, ayant la clarté de Dieu ; sa lumière était semblable à une pierre précieuse, telle qu’une pierre de jaspe, semblable au cristal.

Deuxième leçon. Elle avait une grande et haute muraille, ayant elle-même douze portes, et aux portes douze Anges, et des noms écrits, qui sont les noms des douze tribus des enfants d’Israël. A l’Orient étaient trois portes, au septentrion trois portes, au midi trois portes, et à l’occident trois portes. La muraille de la ville avait douze fondements, et sur ces fondements étaient les douze noms des Apôtres de l’Agneau. Celui qui me parlait avait une verge d’or pour mesurer la ville, ses portes et la muraille.

Troisième leçon. La ville est bâtie en carré ; sa longueur est aussi grande que sa largeur elle-même. Il mesura donc la ville avec sa verge d’or, dans l’étendue de douze milles stades ; or, sa longueur, sa largeur et sa hauteur sont égales. Il en mesura aussi la muraille, qui était de cent quarante-quatre coudées de mesure d’homme, qui est celle de l’Ange. La muraille était bâtie de pierres de jaspe ; mais la ville elle-même était d’un or pur, semblable à du verre très clair.

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Les rites que l’Église observe dans la consécration des temples et des autels, ont été institués par le Pape saint Sylvestre 1er. Bien que, depuis te temps des Apôtres, il existât des lieux dédiés à Dieu et appelés tantôt oratoires, tantôt églises, où, le Dimanche, se tenaient les assemblées et où le peuple chrétien avait coutume de prier, d’entendre la parole de Dieu et de recevoir l’Eucharistie, toutefois ces lieux n’étaient pas consacrés avec tant de solennité, et il ne s’y trouvait pas encore d’autel érigé en titre et oint du saint chrême, pour représenter Jésus-Christ, qui est notre autel, notre hostie et notre Pontife.

Cinquième leçon. Ce fut quand l’empereur Constantin eut obtenu la santé et le salut par le sacrement du baptême, qu’il fut permis pour la première fois aux Chrétiens, par une loi de ce prince, de bâtir partout des églises ; et il les excita à la construction de ces édifices sacrés, non seulement par son édit, mais encore par son exemple. Il dédia, en effet, dans son palais de Latran, une église au Sauveur, tout près de laquelle il édifia aussi une basilique sous le nom de saint Jean-Baptiste, au lieu même où, baptisé par saint Sylvestre, il avait été guéri de la lèpre de l’infidélité. Ce Pape consacra l’église du Sauveur le cinquième jour des ides de novembre ; et c’est de cette consécration qu’on célèbre aujourd’hui la mémoire, parce que c’est en ce jour que la première dédicace publique d’une église a été faite à Rome et que l’image du Sauveur apparut au peuple romain, peinte sur la muraille.

Sixième leçon. Si le bienheureux Sylvestre décréta dans la suite, en consacrant l’autel du prince des Apôtres, que l’on n’édifierait plus désormais d’autels qu’en pierre, et si cependant, celui de la basilique de Latran est en bois, il n’y a pas lieu de s’en étonner ; depuis saint Pierre jusqu’à Sylvestre, les Papes ne pouvaient, à cause des persécutions, résider en un lieu fixe : partout où la nécessité les poussait, soit dans les cryptes, soit dans les cimetières, soit dans les maisons de pieux fidèles, ils offraient le sacrifice sur cet autel de bois, qui était creux et en forme de coffre. Or, la paix ayant été rendue à l’Église, saint Sylvestre le plaça dans la première église, qui fut celle de Latran, et, en l’honneur du prince des Apôtres, que l’on dit avoir offert le Saint Sacrifice sur cet autel, ainsi que des autres Pontifes qui, jusque-là, s’en étaient servis pour la célébration des Mystères, il ordonna qu’aucun autre que le Pape n’y célébrerait jamais la messe. La basilique du Saint-Sauveur, successivement endommagée par des incendies, dévastée, renversée par des tremblements de terre, fut restaurée avec grand soin puis reconstruite par les Papes. Le vingt-huit avril mil sept cent vingt-six, le souverain Pontife Benoît XIII, de l’Ordre des Frères Prêcheurs, l’a consacrée solennellement et a décidé qu’on célébrerait en ce jour la mémoire de cette solennelle Dédicace. Selon ce que Pie IX avait projeté d’entreprendre, Léon XIII fit exécuter de grands travaux pour allonger et élargir le chœur du maître-autel, qui allait s’affaissant de vétusté ; il donna l’ordre de restaurer, selon les dessins antiques, les vieilles mosaïques, déjà réparées en beaucoup d’endroits, et de les transporter dans la nouvelle abside, magnifiquement construite et ornée ; il pourvut aussi à l’achèvement de l’ornementation du transept et à la réparation des caissons du plafond ; l’an mil huit cent quatre-vingt-quatre, il ajouta la sacristie, la demeure des chanoines et une galerie contiguë, menant au Baptistère de Constantin.

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Luc. Cap. 19, 1-10.
En ce temps-là : Jésus étant entré dans Jéricho, traversait la ville. Et voici qu’un homme, nommé Zachée, chef des publicains, et fort riche. Et le reste.

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

Septième leçon. Zachée, homme de fort petite taille, c’est-à-dire de basse extraction, et de peu de mérite, comme l’était le peuple Gentil, ayant entendu parler de la venue de notre Seigneur et Sauveur, désirait voir Celui que les siens n’avaient pas reçu. Mais personne ne voit facilement Jésus, aucun homme ne peut le voir s’il demeure à terre. Et parce que Zachée n’avait ni les Prophètes ni la loi, c’est-à-dire aucune grâce naturelle, il monta sur un sycomore, comme foulant aux pieds la vanité des Juifs et corrigeant aussi les égarements de sa vie passée ; c’est pourquoi il reçut Jésus, à table d’hôte, dans sa maison.

Huitième leçon. C’est avec raison que Zachée monta sur un arbre, parce qu’il devait lui-même devenir un bon arbre portant de bons fruits, et, qu’étant détaché de l’olivier sauvage pour être greffé, contre sa nature, sur un bon olivier, il allait pouvoir porter le fruit de la loi. Car la loi était parmi les Juifs une racine sainte ; mais elle avait des rameaux inutiles : c’était une gloire vaine, et le peuple Gentil s’éleva plus haut qu’eux par la foi en la résurrection, comme par une certaine élévation corporelle. Zachée était donc sur le sycomore et l’aveugle au bord du chemin ; le Seigneur attend l’un pour lui faire miséricorde ; il ennoblit et honore l’autre en séjournant dans sa maison ; il interroge le premier pour le guérir et il s’invite lui-même chez le second qui ne l’invitait pas. Il savait combien la récompense de l’hospitalité qu’on lui accorderait serait abondante ; et il n’avait pas entendu la voix de Zachée l’inviter, il avait vu déjà les sentiments de son cœur.

Neuvième leçon. Mais de peur qu’il ne semble que ce soit par mépris des pauvres, que nous ayons si tôt quitté cet aveugle pour parler du riche Zachée, arrêtons-nous à considérer ce qui se passe à l’égard du premier, puisque le Seigneur aussi s’arrêta pour l’attendre ; interrogeons-le, puisque Jésus-Christ l’interrogea. Nous l’interrogerons parce que nous ne le connaissons pas ; Lui l’interrogea parce qu’il le connaissait. Nous l’interrogerons pour savoir comment il a été guéri ; Jésus l’interrogea, afin que nous apprissions par l’exemple d’un seul, ce que tous nous devons faire pour mériter de voir le Seigneur. Il l’a interrogé pour nous apprendre que personne ne peut être sauvé s’il ne confesse la vérité.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Au quatrième siècle de notre ère, la fin des persécutions sembla au monde un avant-goût de sa future entrée dans la cité de la paix sans fin. « Gloire au Tout-Puissant ! Gloire au Rédempteur de nos âmes ! » s’écrie, en tête du dixième et dernier livre de son Histoire, le contemporain Eusèbe. Et témoin du triomphe, il décrit l’admirable spectacle auquel donna lieu partout la dédicace des sanctuaires nouveaux. De villes en villes, s’assemblaient les évêques et s’empressaient les foules. De peuples à peuples, une telle bienveillance de mutuelle charité, de commune foi, d’allégresse recueillie harmonisait les cœurs, que l’unité du corps du Christ apparaissait aux yeux, dans cette multitude animée d’un même souffle de l’Esprit-Saint ; c’était l’accomplissement des anciennes prophéties : cité vivante du Dieu vivant où tout sexe et tout âge exaltaient l’auteur de tous biens. Combien augustes apparurent alors les rites de notre Église ! la perfection achevée qu’y déployaient les Pontifes, l’élan de la psalmodie, les lectures inspirées, la célébration des ineffables Mystères formaient un ensemble divin [3].

Constantin avait mis les trésors du fisc à la disposition des évêques, et lui-même stimulait leur zèle pour ce qu’il appelait dans ses édits impériaux l’œuvre des églises [4]. Rome surtout, lieu de sa victoire par la Croix et capitale du monde devenu chrétien, bénéficia de la munificence du prince. Dans une série de dédicaces à la gloire des Apôtres et des saints Martyrs, Silvestre, Pontife de la paix, prit possession de la Ville éternelle pour le vrai Dieu.

Aujourd’hui fut le jour natal de l’Église Maîtresse et Mère, dite du Sauveur, Aula Dei [5], Basilique d’or ; nouveau Sinaï [6], d’où les oracles apostoliques et tant de conciles notifièrent au monde la loi du salut. Qu’on ne s’étonne pas d’en voir célébrer la fête en tous lieux.

Si depuis des siècles les Papes n’habitent plus le palais du Latran, la primauté de sa Basilique survit dans la solitude à tout abandon. Comme au temps de saint Pierre Damien, il est toujours vrai de dire qu’ « en la manière où le Sauveur est le chef des élus, l’Église qui porte son nom est la tête des églises ; que celles de Pierre et de Paul sont, à sa droite et à sa gauche, les deux bras par lesquels cette souveraine et universelle Église embrasse toute la terre, sauvant tous ceux qui désirent le salut, les réchauffant, les protégeant dans son sein maternel [7]. » Et Pierre Damien appliquait conjointement au Sauveur et à la Basilique, sacrement de l’unité, les paroles du prophète Zacharie : Voici l’homme dont le nom est Orient ; il germera de lui-même, et il bâtira un temple au Seigneur ; il bâtira, dis-je, un temple au Seigneur, et il aura la gloire, et il s’assiéra : et sur son trône il sera Roi, et sur son trône il sera Pontife [8].

C’est au Latran que, de nos jours encore, a lieu la prise de possession officielle des Pontifes romains. Là s’accomplissent chaque année en leur nom, comme Évêques de Rome, les fonctions cathédrales delà bénédiction des saintes Huiles au Jeudi saint et, le surlendemain, de la bénédiction des fonts, du baptême solennel, de la confirmation, de l’ordination générale. Prudence, le grand poète de l’âge du triomphe, reviendrait en nos temps qu’il dirait toujours : « A flots pressés le peuple romain court à la demeure de Latran, d’où l’on revient marqué du signe sacré, du chrême royal ; et il faudrait douter encore, ô Christ, que Rome te fût consacrée [9] ! »

Tant de détails donnés dans les lectures de l’office de ce jour [10]courent le risque de sembler superflus aux profanes. En la manière cependant que le Pape est notre premier et propre pasteur à tous, son Église de Latran est aussi notre Église ; rien de ce qui la concerne ne saurait, ne devrait du moins, laisser le fidèle indifférent. Inspirons-nous à son endroit des belles formules qui suivent, et que nous donne le Pontifical romain au jour de la consécration des Églises ; elles ne sauraient s’appliquer mieux qu’à l’Église Mère.

ANTIENNES ET RÉPONS.

R/. La maison du Seigneur est fondée au sommet des monts ; elle est élevée sur les collines ; toutes les nations viendront à elle. * Et elles diront : Gloire à vous, Seigneur ! V/. Elles viendront avec transport, portant leurs moissons. * Et elles diront : Gloire à vous, Seigneur !

R/. Seigneur de toutes choses, qui n’avez nul besoin, vous voulez avoir au milieu de nous votre temple. * Gardez pure à jamais cette maison, Seigneur. V/. Seigneur, c’est la maison que vous choisîtes pour qu’y fût invoqué votre nom : maison de la prière et des supplications de votre peuple. * Gardez pure à jamais cette maison, Seigneur.

Ant. Paix éternelle à cette maison par l’Eternel ! Paix soit à cette maison la Paix sans fin, Verbe du Père ! Paix donne à cette maison le divin Consolateur !’

Ant. Oh ! combien redoutable est ce lieu ! c’est véritablement ici la maison de Dieu et la porte du ciel.

Ant. C’est la maison du Seigneur solidement bâtie, bien établie sur la pierre ferme.

Ant. Jacob vit une échelle dont le sommet atteignait les cieux, et les Anges qui descendaient, et il dit : Ce lieu est vraiment saint.

R/. Voici Jérusalem, la grande cité, céleste, ornée comme l’Épouse de l’Agneau. * C’est le vrai tabernacle. Alléluia. V/. Ses portes ne se fermeront point durant le jour ; quant à la nuit, elle y sera inconnue. * C’est le vrai tabernacle. Alléluia.

R/. Vos places, Jérusalem, seront pavées d’or pur, Alléluia, et l’on chantera en vous le cantique de joie, Alléluia. * Et par vos rues chacun dira : Alléluia, Alléluia. V/. Vous brillerez d’une lumière éclatante, et, vous voyant, toute la terre adorera. * Et par vos rues chacun dira : Alléluia, Alléluia.

Ant. Faites le tour de Sion , parcourez son enceinte , racontez ses merveilles en ses tours.

V/. Le Seigneur est grand, et digne de toute louange en la cité de notre Dieu, sur sa montagne sainte.
R/. Le Seigneur vous a revêtue d’un vêtement d’allégresse ; à votre front il a mis le diadème. * Il vous a parée de saints ornements.
V/. Vous brillerez d’une lumière éclatante, et, vous voyant, toute la terre adorera. * Il vous a parée.
V/. Les nations viendront à vous des plus lointains pays, apportant leurs dons et adorant le Seigneur ; votre terre sera pour elles la sainte terre ; elles invoqueront en vous le grand Nom. * Il vous a parée.
V/. Bénis seront vos constructeurs. Pour vous, vos fils seront votre joie ; car la bénédiction sera sur eux tous, et tous ensemble ils viendront au Seigneur. * Il vous a parée.

ORAISON.
Dieu tout-puissant et éternel, qui par votre Fils, la pierre d’angle, avez joint les deux murs divergents de la circoncision et de la gentilité, qui sous un même et seul pasteur avez uni par lui les deux troupeaux distincts ; ayez égard à notre dévotion : donnez à vos serviteurs l’indissoluble lien de la charité, pour qu’aucune division des ;1mes, pour qu’aucune perversion d’aucune sorte ne vienne à séparer ceux que rassemble en un troupeau unique la houlette de l’unique pasteur, ceux que gardent sous votre protection les barrières de l’unique bercail. Par le même Jésus-Christ.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Cette fête, devenue si importante, apparaît dans l’usage liturgique du Latran vers le XIIe siècle, époque où les divers Ordines Romani notent qu’en cette circonstance l’église était ornée de guirlandes, et qu’en ce jour, si le Pontife était à Rome, il célébrait lui-même la messe et les vêpres de la solennité.

Quand et comment apparut cet anniversaire de la dédicace du Latran, ignorée d’abord de la tradition liturgique classique de Rome, nous l’ignorons encore. Si toutefois nous remarquons qu’elle se présente dix jours avant celle des basiliques de Saint-Pierre et de Saint-Paul, nous serons tentés d’admettre qu’elle a été instituée en corrélation avec la solennité inaugurale des deux principaux sanctuaires apostoliques, afin de célébrer à quelques jours d’intervalle la dédicace des trois plus grandes basiliques constantiniennes de Rome.

Le martyrologe hiéronymien mentionne la dédicace des basiliques romaines restaurées ou construites par Sixte III comme Sainte-Marie-Majeure (5 août), Saint-Pierre ad vincula (1er août), les saints Sixte, Hippolyte et Laurent (2 novembre) tandis qu’il omet toute mention des dédicaces accomplies par le pape saint Sylvestre sur la voie Cornelia, sur la voie d’Ostie et in Lateranis.

Comment arriva-t-on, à Rome, à fixer au 9 novembre l’anniversaire de la dédicace de la basilique du Sauveur ? Les documents nous manquent, et nous ne pouvons faire que des hypothèses.

Il fut un temps où la tradition liturgique à Rome voulait qu’on célébrât aujourd’hui simultanément la dédicace des diverses églises dédiées au Sauveur. Peut-être, au début, le 9 novembre était-il simplement l’anniversaire de la dédicace de Saint-Sauveur in Thermis, dont Constantin aurait été également le premier fondateur ? Avec le temps, la dedicatio Sancti Salva-toris aurait été étendue à toutes les églises dédiées au Sauveur à Rome, à commencer par la basilique du Latran.

Il y a plus ; en ce même jour, les Orientaux fêtent la commémoration d’une image miraculeuse du Sauveur, profanée par les Juifs à Beyrouth, et de laquelle aurait jailli du sang. Il est possible que cette fête orientale du Sauveur, devenue populaire même chez les Latins et inscrite dès lors dans les martyrologes, ait été le point de départ de la solennité romaine de la basilique du Sauveur au Latran.

Mais même sans avoir la prétention de faire remonter la dédicace que nous célébrons aujourd’hui jusqu’au temps du pape Silvestre, pourquoi ne pas la mettre plutôt en relation avec celle qu’accomplit certainement au Latran Serge III (904-911) alors que, la vénérable basilique constantinienne s’étant écroulée en 897, il la releva entièrement ?

Comme on le voit, il faut actuellement laisser tous ces problèmes encore sans solution, et nous devons nous contenter, pour le moment, de savoir que la dedicatio Sancti Salvatoris a à son actif une antiquité d’au moins huit siècles, antiquité suffisamment vénérable par conséquent.

Le Latran apparaît pour la première fois dans l’histoire ecclésiastique en l’an 313, alors que, au dire d’Optat de Milève, fut célébré dans son enceinte, sous le pape Melchiade, un concile contre les Donatistes. Convenerunt in domum Faustae, in Lateranis [11]. C’est en effet vers cette époque que Constantin avait donné à l’Église romaine l’antique palais des Laterani, venu probablement en sa possession comme partie de la dot de sa femme Fausta, sœur de Maxence.

A partir de cette époque, le Latran devint la résidence habituelle des Papes, et, à ce titre, nous pouvons le considérer comme un monument vivant, une pieuse relique de cette longue série de saints Pontifes qui y résidèrent durant près de dix siècles. Que d’histoire, de poésie et d’art enferment ces murailles presque deux fois millénaires, et qui virent une dynastie pontificale encore plus longue que la plus longue dynastie de souverains ?

C’est là, au Latran, que, à l’instigation du pape Sylvestre, Constantin transforma, ou érigea la première basilique dédiée, à Rome, au Sauveur. C’est ainsi que les salles de bains du vieux palais de Plaute Latran, mort victime de la cruauté de Néron, furent transformées en baptistère chrétien, où triompha cette même Croix que Néron avait voulu arracher de la Ville aux sept collines. Le butin de Néron devint, après trois siècles, l’héritage pacifique des successeurs de saint Pierre.

La dispute élevée pour savoir si le Latran est la cathédrale de Rome, ou si ce n’est pas plutôt la Basilique vaticane, n’a de sens que pour les siècles passés auxquels nous nous reportons. Ce serait un anachronisme que de parler de cathédrale à Rome durant le haut moyen âge, alors que, grâce à la liturgie stationnale, le Pape officiait, non pas dans une église déterminée mais dans toutes les basiliques et les titres de la Ville et de sa banlieue. Durant le haut moyen âge il résidait bien dans le vieux palais de Fausta, mais quand il devait célébrer quelque solennité, l’Épiphanie, le baptême pascal, l’Ascension, la Pentecôte, les ordinations, le couronnement des rois, c’était toujours à Saint-Pierre que la station avait lieu, parce que c’est là que, dans le baptistère, on conservait la chaire de saint Pierre. C’était donc là aussi que le Pape devait inaugurer son pontificat ; c’est là qu’il devait le clore un jour par sa sépulture.

Plus tard seulement, alors que l’usage de la liturgie stationnale déclinait, et que se développait la puissance extérieure de la papauté, sous l’influence d’une situation de fait on en vint à considérer le Latran, résidence du Pontife, comme étant aussi sa cathédrale, par rapport aux autres églises titulaires de Rome.

Cette idée se développa peu à peu, et s’affirma dans toute sa puissante splendeur vers le VIIIe siècle, alors que l’episcopium devint aussi le siège du gouvernement, et que le successeur de Silvestre recueillit sans contestation entre ses mains le double héritage de Pierre et de Constantin.

En face des diverses juridictions monastiques, capitulaires ou épiscopales qui se disputaient les différents sanctuaires de la Ville, la basilique du Sauveur s’éleva à la hauteur de symbole de l’universelle autorité pontificale. Dès lors, il ne suffit plus que de simples moines ou des prêtres quelconques célébrassent les louanges divines en cette enceinte sacrée. De même que sur les autels des Princes des Apôtres Pierre et Paul, depuis plusieurs siècles déjà, les prêtres des titres voisins se succédaient quotidiennement pour célébrer la messe solennelle, ainsi pour l’autel du Latran on désigna pour remplir les fonctions de célébrants hebdomadiers, dans la cathédrale du Pape, les évêques suburbicaires eux-mêmes. Le premier noyau du collège cardinalice autour du Pontife se trouva dès lors constitué.

Et nous voici arrivés à la célèbre inscription en vers léonins, gravés sur l’épistyle du portique du Latran :

DOGMATE • PAPALI • DATVR • AC • SIMVL • IMPERIALI
QVOD • SIM • CVNCTARVM • MATER • ECCLESIARVM
HIC • SALVATORIS • CAELESTIA • REGNA • DATORIS
NOMINE • SANXERVNT • CVM • CVNCTA • PERACTA • FVERVNT
QVAESVMVS • EX • TOTO • CONVERSI • SVPPLICE • VOTO
NOSTRA • QVOD • HAEC• AEDES• TIBI • CHRISTE • SIT• INCLYTA • SEDES
De droit papal et impérial, il est établi
que je sois la Mère de toutes les Églises.
Lorsque cet édifice fut entièrement terminé,
on voulut me dédier au Divin Sauveur, qui donne le royaume céleste.
A notre tour, par d’humbles vœux et tournés vers vous nous vous prions,
ô Christ, afin que de cet illustre temple vous fassiez votre siège glorieux.

Cathédrale papale et Mère de toutes les Églises, la basilique du Sauveur a été élevée par la foi du monde catholique à la dignité de symbole de l’autorité pontificale. Dante l’affirmait déjà en ces vers :

Vedendo Roma e l’ardua sua opra,
Stupefaceansi, quando Laterano
Alle cose mortali andò di sopra [12].

Quant à la liturgie, elle a consacré, elle aussi, cette foi de la famille catholique par la splendeur de ses rites ; en effet, l’anniversaire de la dédicace du Latran a été assimilé par Pie X aux plus grandes solennités du cycle des fêtes par son élévation au rite double de IIe classe pour toute l’Église latine. Et ainsi la liturgie a résolu pratiquement, en faveur de la basilique du Sauveur, la question agitée naguère au sujet du titre de cathédrale pontificale, revendiqué aussi par la basilique vaticane.

Inclinons-nous donc respectueusement pour baiser le seuil de cette aula sacrée du Sauveur, dans laquelle, au lendemain de la victoire de Constantin ad saxa nibra, brilla pour la première fois, aux yeux des Romains stupéfaits, le labarum gemmé et étincelant du triomphateur : In hoc vinces. Et ici en vérité le Pontificat romain, durant le long cours des siècles, dans l’alternance des luttes et des triomphes, des jours d’humiliation et de joyeuse victoire In hoc, par l’unique signe de la Croix, a combattu et vaincu le monde, sans que jamais les puissances de l’enfer, les portae inferi, aient réussi à prévaloir contre l’Église.

Nous avons déjà dit que cette fête n’est pas ancienne, ni, par suite, le formulaire de la messe, qui, sauf les collectes, est la même que celle du commun.

Dans l’antique liturgie romaine, une dédicace était régulièrement considérée comme une fête en l’honneur des Saints auxquels l’église était dédiée, et dont, par conséquent, on célébrait aussi l’office. C’est ainsi que les fêtes des saints Philippe et Jacques (1er mai), de saint Pierre aux Liens (1er août), de sainte Marie-Majeure (5 août), de saint Michel (29 septembre), de sainte Cécile (22 novembre), etc., ne rappelaient rien autre à l’origine que la dédicace de leurs basiliques respectives à Rome. Si la fête de ce jour était antique, au lieu du Commun Dedicationis Ecclesiae, nous aurions certainement une belle messe — peut-être celle du Christ-Roi — en l’honneur du divin Sauveur. Au contraire, lorsque la basilique du Latran a voulu avoir sa propre fête titulaire, elle a dû adopter celle de la Transfiguration, instituée seulement sous Callixte III.

Les collectes sont celles du Sacramentaire Grégorien.

Prière. — « Seigneur qui, chaque année, nous ramenez l’anniversaire de la dédicace de ce temple sacré, et nous accordez en outre d’en célébrer sains et saufs le sacrifice inaugural ; recevez les prières de votre peuple et, qui que ce soit qui vous demande des grâces, faites qu’en entrant en ce lieu il ait déjà à se réjouir d’avoir tout obtenu. »
Ce n’est pas la même chose que prier en particulier et hors de l’église, ou prier au contraire dans le saint lieu et prendre part aux rites de la liturgie catholique. Grâce à sa consécration, l’église est le trône de la miséricorde de Dieu et le lieu choisi par lui-même et où il opère principalement notre sanctification. Là, il accueille certainement nos supplications ; là, Jésus veut recevoir, de la société chrétienne, l’adoration solennelle, publique et sociale qui lui est due.

Sur les oblations. — « Écoutez, Seigneur, nos prières, afin que nous tous qui, réunis dans cette basilique, célébrons en ce jour l’anniversaire de sa dédicace, vous soyons agréables et vous soyons consacrés d’âme et de corps ; faites que l’oblation qui vous est présentée dans le temps nous vaille la grâce d’arriver à la récompense de l’éternité. »
De même que les paratonnerres, en attirant la foudre, épargnent la vie des hommes, ainsi l’Église, par l’efficace du rite sacré de la consécration de ses temples, élève de toutes parts des propitiatoires où Dieu est apaisé, où habite et bat son Cœur, où se fait sentir la puissance de son Nom adorable.

C’est pourquoi nos pères voulaient que tous leurs autels fussent consacrés, et que les .églises et même les petites chapelles fussent dédiées solennellement. On sait que saint Charles Borromée, en moins de trois semaines, consacra quinze églises ; et le pape Benoît XIII, qui consacra à Rome et ailleurs plusieurs centaines d’autels, exhorta les évêques à consacrer au moins toutes les églises paroissiales de leurs diocèses.

De nos jours, trop souvent le désir exagéré de simplifier les choses fait qu’on se contente d’encastrer une ancienne pierre sacrée dans les nouveaux autels, et que les nouvelles églises dédiées au culte de Dieu sont sommairement inaugurées par une simple bénédiction sacerdotale. Cela dénote un manque d’enthousiasme et de foi robuste ; heureux encore si l’absence du sentiment des choses de Dieu n’amène pas à employer une même salle centrale au double usage d’oratoire et de théâtre paroissial !

Cette coutume n’est guère conforme à l’esprit de l’Église. Non seulement elle prive le peuple chrétien des grâces spéciales et de l’efficace d’intercession attachées aux églises et aux autels consacrés, mais elle a aussi contribué à faire perdre aux fidèles ce pieux respect qui est toujours dû à la maison de Dieu. Quant au rite de la consécration des églises, outre qu’il est magnifique, il est aussi puissamment éducatif. Si aujourd’hui le peuple a perdu la notion de la sainteté du temple, c’est que, souvent, on a supprimé pratiquement la voix de la liturgie, elle qui, jadis, lui enseignait le catéchisme. Legem credendi lex statuât supplicandi.

Où est aujourd’hui en effet la foi du moyen âge, alors que la vénération envers les églises était si intense qu’on considérait comme des reliques les simples nappes recouvrant le saint autel ?

Le Sacramentaire Grégorien ne saurait renoncer en ce jour à nous offrir une de ses magnifiques préfaces : Vere dignum... aeterneDeus : et pro annua devotione tabernaculi huius, honorent tibi debitum referre per Christum Dominum nostrum, cuius virtus magna, pietas copiosa. Respice, quaesumus, de caelo, et vide, et visita domum istam, ut si quis in ea nomini tuo supplicaverit, libenter exaudias, et satisfacientibus libenter agnoscas. Hic tibi sacerdotes tui Sacrificium laudis offerant ; hic fidelis populus vota persolvat ; hic peccatorum onera deponantur ; hic fides sancta stabiliatur ; hic pietas absoluta redeat ; hic iniquitas emendata discedat. Inveniat apud te, Domine, locum veniae, quicumque satisfaciens huc confugerit, et conscio dolore victus, altaria tua rivis suarum eluerit lacrymarum. Hic, si quando populus tuus tristis moestusque convenerit, acquiesce rogari, et rogatus indulge petentibus. Per Quem etc.

Après la Communion. — « Seigneur, qui élevez le siège éternel de votre majesté avec des pierres choisies et animées, recevez les supplications de votre peuple, et que la dilatation matérielle de votre Église corresponde à son continuel et spirituel accroissement. »
Combien est sublime notre culte catholique, notre parfaite adoration en esprit et en vérité ! Voici que s’élève une nouvelle église, et que l’on célèbre l’anniversaire de sa dédicace. La liturgie ne se contente pourtant pas de ce nouveau siège matériel, et elle avertit les fidèles que la plus ou moins grande religion d’un peuple ne réside point dans la multiplication des temples, des statues et des cortèges, — les païens eux-mêmes faisaient cela, —mais elle consiste essentiellement à offrir notre âme à la Divinité comme un temple spirituel, et à vivre d’une manière conforme à cette dignité de temple, d’autel et de sacrifice au Père et au Fils, dans la sainteté et dans les ardeurs du Paraclet qui datus est nobis.

Il faut s’appliquer à mettre en évidence la pensée classique de la dedicatio. Nous, modernes, tout pénétrés de l’idée pratique de l’utilitarisme, nous érigeons des édifices cultuels pour qu’ils servent principalement aux besoins de la population. L’idée de les inaugurer par quelque rite religieux, une bénédiction le plus souvent, nous est suggérée par le rituel ; cependant c’est une idée généralement accessoire qui, si elle n’est pas exclue, n’est pourtant certes pas la principale. L’église — pensons-nous — est pour le peuple.

Pour nos pères la chose se présentait sous un autre angle. Le temple est pour Dieu. Abstraction faite de l’usage ou de l’utilité publique, le temple, l’autel, un cippe votif, étaient essentiellement des dons qu’on offrait à la Divinité au moyen d’un rite officiel qui les lui consacrait : — dedicatio. — Dans un grand nombre de temples classiques, le peuple ne pouvait pas pénétrer dans la cella habitée par le dieu, et l’autel destiné aux sacrifices s’élevait donc sur l’escalier extérieur. Durant le haut moyen âge, nous trouvons parfois à Rome, à Ravenne, à Milan, à Bologne, etc., surtout dans les abbayes bénédictines, des basiliques au nombre de quatre ou cinq, groupées ou séparées par une petite distance. La multiplicité de ces aulae sacrées n’était suggérée par aucun besoin des populations, mais avait simplement un caractère votif. Les Lombards parsemèrent les campagnes d’églises et de chapelles, et aujourd’hui encore, dans les antiques cités d’Italie, subsistent un grand nombre d’églises, de chapelles, d’oratoires, qui certes ne furent pas érigés pour les besoins religieux du peuple, lequel ne pouvait entrer nombreux dans l’étroite enceinte de ces sanctuaires votifs.

Quelle pensée inspira donc leurs fondateurs respectifs ? La pensée classique de la dedicatio : tous ces lieux sacrés, ces autels, ces églises, représentent simplement des munera, monuments ou dons votifs, offerts à la majesté de Dieu en action de grâces pour ses bienfaits, ou en souvenir de quelque Saint.

Nous rapportons ici, en l’honneur de la vénérable basilique du Sauveur, ces vers léonins qui ornaient jadis la chaire papale érigée dans l’hémicycle absidal de la nef du Latran :

HAEC • EST • PAPALIS • SEDES • ET • PONTIFICALIS
PRAESIDET • ET • CHRISTI • DE • IVRE • VICARIVS • ISTI
ET • QVIA • IVRE • DATVR • SEDES • ROMANA • VOCATVR
NEC • DEBET • VERE • NISI • SOLVS • PAPA • SEDERE
ET • QVIA • SVBLIMIS • ALII • SVBDVNTVR • IN • IMIS
C’est ici le trône papal et pontifical à la fois, où préside, conformément au droit, le Vicaire du Christ.
On l’appelle aussi : le siège de Rome, établi par le droit, et sur lequel, par conséquent, ne peut s’asseoir personne autre que le Pape.
Puisque il est le trône le plus élevé de la terre, tous les autres lui sont inférieurs et doivent lui être soumis.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

« Ce lieu est un inexprimable mystère »

La fête de la Dédicace. — Nous célébrons l’anniversaire de la dédicace de la première église de la chrétienté romaine, la basilique du Latran, qui est considérée comme « la mère et le chef de toutes les églises » (comme le dit l’inscription du portail). C’est elle qui est la propre cathédrale du pape (et non pas l’église Saint Pierre). Elle est consacrée au Très Saint Rédempteur ; elle le fut aussi plus tard à saint Jean Baptiste ; c’est l’antique église-baptistère de Rome, (l’église-type de tous les chrétiens de Rome) et l’une des plus célèbres églises de station. Nous nous rendons dans cette église aux grands jours qui sont en relation avec le mystère de Pâques et du baptême : le premier dimanche de carême, nous commencons là le combat spirituel ; le dimanche des Rameaux, nous dressons à la porte de l’église un arc de triomphe au Roi des martyrs. Le jeudi-saint, nous y célébrons sur le vénérable autel apostolique (en bois) le souvenir de la dernière Cène. L’Église y célèbre la plus grande solennité du christianisme dans la nuit de Pâques qui nous a tous régénérés dans l’eau baptismale. Vraiment nous avons motif de remercier Dieu aujourd’hui pour ces grâces. — Cette église fut érigée par l’empereur Constantin dans son palais du Latran, à l’endroit où il avait reçu le saint baptême de la main du pape Silvestre. L’autel de bois conservé dans cette église rappelle les temps de persécution pendant lesquels les évêques romains durent célébrer en différents lieux.

La Dédicace en général et la messe de la Dédicace : voir commentaire au commun.

Lecture d’Écriture (Apoc., XXI, 9-18), — Aujourd’hui, l’Église nous invite à porter nos regards sur la Jérusalem céleste ; elle se donne d’autre part comme le symbole particulièrement expressif du ciel : « Alors l’un des sept anges qui tenaient les sept coupes pleines des sept dernières plaies vint et me dit : « Viens, Je te montrerai la mariée, l’Épouse de l’Agneau. » Et il me transporta en esprit sur une haute montagne et il me montra la ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel d’auprès de Dieu dans la gloire de Dieu. Elle étincelait comme la pierre précieuse, comme la pierre de jaspe qui a la transparence du cristal, Elle avait une grande et haute muraille avec douze portes. Sur ces portes il y avait douze anges et des noms inscrits, les noms des douze tribus d’Israël, Il y avait trois portes à l’Orient, trois portes au septentrion, trois portes au midi et trois portes à l’occident, La muraille de la ville avait douze pierres fondamentales sur lesquelles étaient écrits les douze noms des douze Apôtres de l’Agneau. » — L’Église laisse de côté avec intention, aujourd’hui et le 18 novembre, l’Écriture occurrente et nous montre dans la maison de Dieu le symbole du ciel. De la sorte, ces deux fêtes sont mises en relation intime avec l’automne ecclésiastique. Nous pouvons donc dire que, par le symbole de l’église du Latran, nous sommes conduits aujourd’hui aux deux pierres angulaires de la vie divine : au lieu du baptême et au lieu de la gloire !

[1] Au moins jusqu’en 1960.

[2] Le Commun de la dédicace emploie lui le livre des Chroniques.

[3] Euseb. Hist. eccl. X, I-IV.

[4] Euseb. De Vita Constantini, II, XLV, XLVI.

[5] Palais de Dieu.

[6] Inscriptio vetus olim in apside majori.

[7] Petr. Dam. Epist. L. II, 1.

[8] Zach. VI, 12, 13.

[9] Prudent. Lib. I contra Symmachum, 586-588.

[10] Cfr. Matines, plus haut, leçons 4 à 6.

[11] De schism. Donat., I, 23. P. L., XI, col. 931.

[12] Parad., XXXI, 34.