St Polycarpe mourut le 23 février 156 comme l’atteste la Lettre des Chrétiens de Smyrne relatant son martyre. Il est fêté en Orient à cette date. St Bède l’inscrivit au 26 janvier dans son martyrologe et sa fête se répand à cette date à partir du XIe siècle en Occident. Mais elle l’était déjà en Auvergne au VIe siècle, comme l’atteste Grégoire de Tour. Elle ne rentre au calendrier Romain qu’à la fin du XIIIe siècle.
Ant. ad Introitum. Dan. 3, 84 et 87. | Introït |
Sacerdótes Dei, benedícite Dóminum : sancti et húmiles corde, laudáte Deum. | Prêtres du Seigneur, bénissez le Seigneur ; saints et humbles de cœur, louez Dieu. |
Ibid., 57. | |
Benedícite, ómnia ópera Dómini, Dómino : laudáte et superexaltáte eum in sǽcula. | Œuvres du Seigneur, louez toutes le Seigneur, louez-le, et exaltez-le à jamais. |
V/. Glória Patri. | |
Oratio | Collecte |
Deus, qui nos beáti Polycárpi Mártyris tui atque Pontíficis ánnua sollemnitáte lætíficas : concéde propítius ; ut, cuius natalítia cólimus, de eiúsdem étiam protectióne gaudeámus. Per Dóminum. | O Dieu, qui nous donnez chaque année un nouveau sujet de joie par la solennité de votre Martyr et Pontife, le bienheureux Polycarpe, accordez-nous, dans votre miséricorde, de pouvoir ressentir les effets de la protection de celui dont nous célébrons la naissance. |
Léctio Epístolæ beáti Ioánnis Apóstoli. | Lecture de l’Epître de saint Jean Apôtre. |
1. Ioann. 3, 10-16. | |
Caríssimi : Omnis qui non est iustus, non est ex Deo, et qui non díligit fratrem suum : quóniam hæc est annuntiátio, quam audístis ab inítio, ut diligátis altérutrum. Non sicut Cain, qui ex malígno erat, et occídit fratrem suum. Et propter quid occídit eum ? Quóniam ópera eius malígna erant : fratris autem eius iusta. Nolíte mirári fratres, si odit vos mundus. Nos scimus quóniam transláti sumus de morte ad vitam, quóniam dilígimus fratres. Qui non díligit, manet in morte : omnis qui odit fratrem suum, homicída est. Et scitis, quóniam omnis homicída non habet vitam ætérnam in semetípso manéntem. In hoc cognóvimus caritátem Dei, quóniam ille ánimam suam pro nobis pósuit : et nos debémus pro frátribus ánimas pónere. | Mes bien-aimés : Quiconque n’est pas juste, n’est pas de Dieu, non plus que celui qui n’aime pas son frère. Car voici le message que vous avez entendu dès le commencement : c’est que vous vous aimiez les uns les autres ; loin de faire comme Caïn, qui était enfant du malin, et qui tua son frère. Et pourquoi le tua-t-il ? Parce que ses oeuvres étaient mauvaises, et celles de son frère justes. Ne vous étonnez pas, frères, si le monde vous haît. Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Quiconque hait son frère est un homicide ; et vous savez qu’aucun homicide n’a la vie éternelle demeurant en lui. A ceci nous avons connu l’amour de Dieu : c’est qu’Il a donné Sa vie pour nous ; et nous devons aussi donner notre vie pour nos frères. |
Graduale. Ps. 8, 6-7. | Graduel |
Glória et honóre coronásti eum. | Vous l’avez couronné de gloire et d’honneur. |
V/. Et constituísti eum super ópera mánuum tuárum, Dómine. | V/. Et vous l’avez établi sur les ouvrages de vos mains, Seigneur. |
Allelúia, allelúia. V/. Hic est Sacérdos, quem coronávit Dóminus. Allelúia. | Allelúia, allelúia. V/. C’est le Prêtre que le Seigneur a couronné. Alléluia. |
Post Septuagesimam, ommissis Allelúia et versu sequenti, dicitur | Après la Septuagésime, on omet l’Alléluia et son verset et on dit : |
Tractus. Ps. 111, 1-3. | Trait |
Beátus vir, qui timet Dóminum : in mandátis eius cupit nimis. | Heureux l’homme qui craint le Seigneur et qui met ses délices dans ses commandements. |
V/. Potens in terra erit semen eius : generátio rectórum benedicétur | V/. Sa race sera puissante sur la terre ; la postérité des justes sera bénie. |
V/. Glória et divítiæ in domo eius : et iustítia eius manet in sǽculum sǽculi. | V/. La gloire et les richesses sont dans sa maison, et sa justice demeure dans tous les siècles. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum. | Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu. |
Matth. 10, 26-32. | |
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Nihil est opértum, quod non revelábitur ; et occúltum, quod non sciétur. Quod dico vobis in ténebris, dícite in lúmine : et quod in aure audítis, prædicáte super tecta. Et nolíte timére eos, qui occídunt corpus, ánimam autem non possunt occídere ; sed pótius timéte eum, qui potest et ánimam et corpus pérdere in gehénnam. Nonne duo pásseres asse véneunt : et unus ex illis non cadet super terram sine Patre vestro ? Vestri autem capílli cápitis omnes numerári sunt. Nolíte ergo timére : multis passéribus melióres estis vos. Omnis ergo, qui confitébitur me coram homínibus, confitébor et ego eum coram Patre meo, qui in cælis est. | En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Il n’y a rien de caché qui ne se découvre, ni de secret qui ne finisse par être connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le dans la lumière, et ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-le sur les toits. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, et qui ne peuvent tuer l’âme ; mais craignez plutôt celui qui peut perdre et l’âme et le corps dans la géhenne. Deux passereaux ne se vendent-ils pas un as ? Cependant il n’en tombe pas un à terre sans la volonté de votre Père. Les cheveux même de votre tête sont tous comptés. Ne craignez donc point ; vous valez mieux que beaucoup de passereaux. C’est pourquoi, quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi moi-même devant mon Père qui est dans les cieux. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 88, 21-22. | Offertoire |
Invéni David servum meum, oleo sancto meo unxi eum : manus enim mea auxiliábitur ei, et bráchium meum confortábit eum. | J’ai trouvé David mon serviteur ; je l’ai oint de mon huile sainte ; car ma main l’assistera et mon bras le fortifiera. |
Secreta | Secrète |
Múnera tibi, Dómine, dicáta sanctífica : et, intercedénte beáto Polycárpo Mártyre tuo atque Pontífice, per éadem nos placátus inténde. Per Dóminum. | Sanctifiez, Seigneur, ces dons qui vous sont consacrés, grâce à eux et le bienheureux Polycarpe, votre Martyr et Pontife, jetez sur nous un regard de paix et de bonté. |
Ant. ad Communionem. Ps. 20, 4. | Communion |
Posuísti, Dómine, in cápite eius corónam de lápide pretióso. | Vous avez mis sur sa tête, Seigneur, une couronne de pierres précieuses. |
Postcommunio | Postcommunion |
Refécti participatióne múneris sacri, quǽsumus, Dómine, Deus noster : ut, cuius exséquimur cultum, intercedénte beáto Polycárpo Mártyre tuo atque Pontífice, sentiámus efféctum. Per Dóminum. | Rassasiés par la participation à ce don sacré, nous vous supplions, Seigneur notre Dieu, par l’intercession du bienheureux Polycarpe, votre Martyr et Pontife, de nous faire ressentir l’effet du sacrifice que nous célébrons. |
Leçons des Matines avant 1960
AU DEUXIÈME NOCTURNE.
Du livre de saint Jérôme, prêtre : Des Écrivains Ecclésiastiques.
Quatrième leçon. Polycarpe, disciple de l’Apôtre Jean, et ordonné par lui Évêque de Smyrne, fut le primat de toute l’Asie. Il eut pour maîtres, ou du moins il vit quelques-uns des Apôtres et plusieurs de ceux qui avaient vu le Seigneur. Au sujet de certaines questions qui s’étaient élevées sur le jour de la Pâque, sous l’empire d’Antonin le Pieux, alors qu’Anicet gouvernait l’Église, il vint à Rome, où il ramena à la foi un grand nombre de fidèles qui s’étaient laissés séduire par les artifices de Marcion et de Valentin. Rencontrant un jour par hasard Marcion, cet hérésiarque lui dit : « Me connais-tu ? » Polycarpe lui répondit : « Je te reconnais pour le fils aîné du diable ». Plus tard, sous les règnes de Marc-Antonin et de Lucius-Aurelius Commode, dans la quatrième persécution depuis celle de Néron, sous les yeux du proconsul de Smyrne, siégeant dans l’amphithéâtre, et du peuple entier faisant entendre des clameurs contre lui, il fut livré au feu. Il avait écrit aux Philippiens une épître fort utile qui se lit encore aujourd’hui dans les Églises d’Asie.
Les autres leçons au commun.
Au milieu des douceurs qu’il goûte dans la contemplation du Verbe fait chair, Jean le Bien-Aimé voit arriver son cher disciple Polycarpe, l’Ange de l’Église de Smyrne, tout resplendissant de la gloire du martyre. Ce sublime vieillard vient de répondre, dans l’amphithéâtre, au Proconsul qui l’exhortait à maudire le Christ : « Il y a quatre-vingt-six ans que je le sers, et il ne m’a jamais fait de mal ; que dis-je ? Il m’a comblé de biens. Comment pourrais-je maudire mon Roi qui m’a sauvé ? » Après avoir passé par le feu et par le glaive, il est arrivé aux pieds de ce Roi Sauveur, et va jouir éternellement du bonheur de sa présence, en retour des quatre-vingt-six ans qu’il l’a servi, des fatigues qu’il s’est données pour conserver dans son troupeau la foi et la charité, et de la mort sanglante qu’il a endurée.
Comme son maître apostolique, il s’est opposé avec énergie aux efforts des hérétiques qui altéraient la foi. Fidèle aux ordres de cet angélique confident de l’Homme-Dieu, il n’a pas voulu que celui qui corrompt la foi du Christ reçût de sa bouche le salut ; il a dit à l’hérésiarque Marcion qu’il ne le reconnaissait que pour le premier-né de Satan. Adversaire énergique de cette orgueilleuse secte qui rougissait de l’Incarnation d’un Dieu, il nous a laissé cette admirable Épître aux Philippiens, dans laquelle il dit : « Quiconque ne confesse pas que Jésus-Christ est venu dans la chair, est un Antéchrist. » Il convenait donc qu’un si courageux témoin fût appelé à l’honneur d’assister près du berceau dans lequel le Fils de Dieu se montre à nous dans toute sa tendresse, et revêtu d’une chair semblable à la nôtre. Honorons ce disciple de Jean, cet ami d’Ignace, cet Evêque de l’âge apostolique, qui mérita les éloges de Jésus-Christ même, dans la révélation de Pathmos. Le Sauveur lui avait dit par la bouche de Jean : « Sois fidèle jusqu’à la mort ; et je te donnerai la couronne de vie. » [1]. Polycarpe a été fidèle jusqu’à la mort ; c’est pourquoi il assiste couronné, en ces jours anniversaires de l’avènement de son Roi parmi nous.
L’Église, dans son Office, lit aujourd’hui, pour Légende, la courte notice, empruntée au livre de saint Jérôme : De Scriptoribus ecclesiasticis.
L’Église Grecque célèbre la gloire de saint Polycarpe dans ses Menées, auxquels nous empruntons les traits suivants :
Vous avez rempli toute retendue de votre nom, ô Polycarpe ! car vous avez produit beaucoup de fruits pour le Sauveur, durant les quatre-vingt-six ans que vous avez passés à son service. Ces fruits ont été les âmes nombreuses que vous avez gagnées au Christ, les vertus qui ont orné votre vie, enfin votre vie elle-même que vous avez rendue comme un fruit mûr à ce Sauveur. Quel bonheur a été le vôtre, d’avoir reçu les leçons du disciple qui se reposa sur la poitrine de Jésus ! Après une séparation de plus de soixante années, vous allez le rejoindre aujourd’hui ; et cet ineffable maître vous salue avec transport. Vous adorez ensemble ce divin Enfant dont vous avez imité la simplicité, et que vous aimiez uniquement ; demandez-lui pour nous de lui être comme vous « fidèles jusqu’à la mort ».
Cultivez encore du haut du ciel, ô Polycarpe, ce champ de l’Église, que vous avez fécondé par vos labeurs et arrosé de votre sang. Rétablissez la foi et l’unité au sein des Églises de l’Asie qui furent édifiées par vos mains vénérables. Hâtez, par vos prières, la dissolution de l’Islamisme, qui n’a dû ses succès et sa durée qu’aux tristes effets du schisme byzantin. Souvenez-vous de la France à qui vous avez envoyé d’illustres Apôtres, martyrs comme vous. Bénissez paternellement l’Église de Lyon qui vous révère comme son fondateur par le ministère de votre disciple Pothin, et qui prend elle-même une part si glorieuse dans l’Apostolat des Gentils, par son Œuvre de la Propagation de la Foi.
Veillez sur la conservation de la foi dans sa pureté ; gardez-nous du contact des séducteurs. L’erreur que vous avez combattue, et qui ne veut voir dans les mystères du Fils de Dieu incarné que des symboles stériles, s’est ranimée de nos jours. Marcion a reparu avec ses mythes orgueilleux ; soufriez sur ces derniers débris d’un système suranné qui égare encore quelques âmes. Rendant hommage à la Chaire Apostolique, vous aussi vous avez voulu voir Pierre ; et Rome vous a vu venir conférer avec son Pontife des intérêts de votre Église de Smyrne. Vengez les droits de ce Siège auguste, d’où découle, pour nos Pasteurs, la seule mission légitime, et pour tous, les enseignements souverains de la foi. Obtenez-nous de passer les derniers jours de cette pieuse quarantaine dans un recueillement profond et dans l’amour de notre Roi nouveau-né. Que cet amour, joint à la pureté de nos cœurs, nous obtienne faveur et miséricorde ; et, pour consommer notre carrière, demandez pour nous la couronne de vie.
La mémoire de cet insigne Père de l’Église naissante revient elle aussi fort opportunément durant le cycle de Noël, où il semble que les plus illustres défenseurs du dogme chrétien se soient donné rendez-vous autour de la crèche de l’Enfant Jésus. L’Église de Rome ne pouvait en outre omettre dans son calendrier la fête de saint Polycarpe. Autrefois, elle l’avait accueilli comme pèlerin, au temps du pape Anicet, quand il était venu aux bords du Tibre pour la controverse relative à la date de Pâques. A cette occasion, le Pontife, voulant honorer dignement le vénérable disciple de Jean l’Évangéliste, lui avait cédé l’honneur de célébrer à sa place la synaxe eucharistique.
Polycarpe souffrit le martyre dans l’amphithéâtre de Smyrne vers l’an 155, le 23 février, mais sa mémoire, dans le martyrologe romain, se présente aujourd’hui, parce que c’est aussi la date indiquée dans le hiéronymien.
La messe est celle du Commun des évêques martyrs, comme le jour de saint Eusèbe, le 16 décembre. Toutefois comme il s’agit d’un disciple de saint Jean l’Évangéliste, la première lecture est empruntée à l’épître de son maître, là où l’Apôtre de la sainte dilection traite de l’amour fraternel, qui doit se modeler sur celui que nous a porté le Seigneur. Dieu est amour, et c’est pourquoi celui qui aime demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. Au contraire le démon est haine, et parce qu’il hait Dieu, il se hait lui-même, il hait tout et tous. — Je suis ce malheureux qui n’aime pas, dit un jour le diable à sainte Catherine de Sienne. — Gardons-nous donc avec horreur de nourrir en nos cœurs des sentiments désordonnés de rancune, d’envie, de haine, tout ce qui, en somme, est contraire à la douce dilection chrétienne, puisque tous ces mouvements viennent du malin, comme ceux de Caïn.
L’Évangile est le même que pour la fête de saint Saturnin, le 29 novembre.
Le plus bel éloge qu’on puisse faire de saint Polycarpe est contenu dans le cri du peuple de Smyrne, soulevé contre lui dans l’amphithéâtre : « Celui-ci est le père des chrétiens, le maître de toute l’Asie. » Sans Dieu nous ne pouvons rien faire ; mais une âme vide d’elle-même et qui se prête docilement à la motion intime du Saint-Esprit, est capable de convertir et de sanctifier le monde tout entier.
Une voix retentit du haut du ciel : Courage, Polycarpe, combats virilement.
Saint Polycarpe. — Jour de mort : 23 février 155. Tombeau : église du tombeau sur le mont Mustapha, en Asie Mineure. Image : On le représente en évêque, avec la palme et la couronne et aussi avec une épée. Sa vie : Le martyrologe raconte avec respect : « A Smyrne, la mort de saint Polycarpe, disciple de saint Jean ; il avait été consacré par lui évêque de cette ville et se tenait à la tête de toutes les Églises d’Asie Mineure. Sous Marc Antonin et Lucius Aurelius Commode, le proconsul tint un jour à Smyrne des assises judiciaires. Alors, toute la population commença, dans l’amphithéâtre, à manifester contre Polycarpe et à réclamer sa tête. C’est pourquoi on le condamna à la mort sur le bûcher. Mais comme il était sorti sain et sauf de ce supplice, on le décapita avec l’épée, et ainsi il fut orné de la couronne du martyre. Avec lui douze autres chrétiens qui venaient d’arriver de Philadelphie souffrirent aussi la mort pour la foi. »
Saint Polycarpe est du petit nombre de ces hommes de l’âge apostolique dont le nom est venu jusqu’à nous. L’évêque de Smyrne est une des plus vénérables figures de martyrs de l’antiquité chrétienne. Sa vie et sa mort nous sont attestées par des Actes authentiques de son martyre, — les plus anciens que nous possédions — et par des écrivains contemporains. Rien n’est émouvant comme de lire dans saint Irénée, un disciple de saint Polycarpe : « Le souvenir de ce temps où j’étais encore enfant auprès de Polycarpe, en Asie Mineure, est aussi vivant dans ma mémoire que le présent. Maintenant encore, je pourrais montrer l’endroit où il s’asseyait pour enseigner, je pourrais décrire ses allées et venues, son extérieur et même sa manière de parler devant le peuple. Il me semble que je l’entends encore parler de Jean et des autres qui avaient vu le Seigneur, rapporter leurs paroles et ce qu’il avait appris d’eux sur le Seigneur et ses miracles... »
Ceux de nos lecteurs, qui peuvent se procurer les Actes de son martyre, feront bien de les lire, tous les ans, au jour de sa fête. On sent, dans ses écrits, le souffle de l’esprit de la primitive Église. Le proconsul le pressait d’apostasier en lui disant : « Abjure et je te rends la liberté, maudis le Christ. » « Alors saint Polycarpe de répondre : « Il y a soixante ans que je le sers. Il ne m’a jamais fait de mal, comment pourrais-je blasphémer mon Roi et mon Sauveur ? » — Attaché sur le bûcher, il pria ainsi vers le ciel : « Seigneur, Dieu Tout-Puissant, Père de ton Fils béni, Jésus-Christ, par lequel nous avons eu connaissance de toi, Dieu des anges, des Puissances, de toute la création et de toute la légion des justes qui vivent devant ta face ! Je te loue parce que, en ce jour et en cette heure, tu m’as jugé digne de participer, en union avec tes martyrs, au calice de ton Christ, pour la résurrection dans la vie éternelle selon le corps et l’âme, dans l’immortalité du Saint-Esprit. Parmi eux je voudrais ; être reçu aujourd’hui comme une victime grasse et agréable, comme tu m’y as préparé, Dieu infaillible : et véridique, comme tu me l’as annoncé d’avance et comme maintenant tu l’as accompli. C’est pourquoi je te loue aussi pour tout, je te bénis et te glorifie par ton Pontife éternel et céleste, Jésus-Christ, par lequel soit à toi et à lui et au Saint-Esprit honneur maintenant et dans tous les siècles. Amen. » Dès qu’il eut dit Amen et achevé sa prière, les bourreaux allumèrent le feu. « La flamme s’éleva violemment, alors nous (les chrétiens présents) vîmes un miracle. Le feu se courba comme une voile que bombe le vent et entoure ainsi le corps du martyr. Quant à lui, il se tenait au milieu, non comme une chair qui grille, mais comme un pain qui est déjà cuit ou comme de l’or et de l’argent que purifie le feu... a Pour finir, encore un passage d’une grande importance liturgique : « De cette façon, nous avons ensuite reçu ses ossements qui sont plus précieux pour nous que des pierreries... et nous les avons ensevelis dans un endroit convenable. Là, avec la grâce de Dieu, nous nous rassemblerons avec joie et allégresse et nous célébrerons l’anniversaire de son martyre en mémoire de ceux qui ont déjà soutenu le combat et pour préparer au combat ceux qui l’attendent encore. »
La messe (Sacerdotes Dei). — La messe (empruntée pour la plus grande partie aux textes des messes de commun) évoque souvent la vie de notre saint. Le vieil et vénérable évêque se tient devant nous dans la personne du prêtre célébrant. (Intr., Allél.).
A l’Épître, le maître apostolique de notre saint nous parle de la charité : « Nous reconnaissons l’amour de Dieu, en ce qu’il a donné sa vie pour nous. Ainsi devons-nous donner notre vie pour nos frères. » C’est ce qu’a fait saint Polycarpe. A la messe se renouvelle mystiquement cette double mort : celle du Christ et celle du Saint martyr. Le saint a également réalisé l’Évangile, il a, dans la lumière du monde, annoncé la foi au Christ, il a « confessé le Seigneur devant les hommes » ; main tenant le Seigneur « le confesse devant son Père céleste. » Au banquet eucharistique, nous recevons un rayon de cette gloire dont Polycarpe jouit dans la splendeur des cieux.
L’Église de Dieu qui séjourne à Smyrne à l’Église de Dieu qui séjourne à Philomelium et à toutes les communautés de la sainte Église catholique qui séjournent en tout lieu : que la miséricorde, la paix et l’amour de Dieu le Père et de notre Seigneur Jésus Christ vous soient données en plénitude.
1, 1. Nous vous écrivons, frères, au sujet des martyrs et du bienheureux Polycarpe, qui, par son martyre, a pour ainsi dire mis le sceau à la persécution en la faisant cesser. Presque tous les événements antérieurs sont arrivés pour que le Seigneur nous montre encore une fois un martyre conforme à l’Évangile.
2. Comme le Seigneur, en effet, Polycarpe a attendu d’être livré, pour que nous aussi nous soyons ses imitateurs, sans regarder seulement à notre intérêt, mais aussi à celui du prochain (cf. Ph 2,4). Car c’est le fait d’une charité vraie et solide que de ne pas chercher seulement à se sauver soi-même, mais aussi à sauver tous les frères.
II, 1. Bienheureux donc et généreux tous ces martyres qui sont arrivés selon la volonté te Dieu. Car il nous faut être assez pieux pour attribuer à Dieu la puissance sur toutes choses.
2. Qui n’admirerait la générosité te ces héros, leur patience, leur amour pour le Maître ? Déchirés par les fouets, au point qu’on pouvait voir la constitution de leur chair jusqu’aux veines et aux artères intérieures, ils demeuraient fermes si bien que les spectateurs eux-mêmes en gémissaient de compassion. Ils en vinrent à un tel degré de courage que pas un d’entre eux ne dit un mot ni ne poussa un soupir. Ils nous montrèrent à tous que dans leurs tortures les généreux martyrs du Christ n’étaient plus dans leur corps, ou plutôt que le Seigneur était là qui s’entretenait avec eux.
3. Attentif à la grâce du Christ, ils méprisaient les tortures de ce monde, et en une heure ils achetaient la vie éternelle. Le feu même des bourreaux inhumains était froid pour eux, car ils avaient devant les yeux la pensée d’échapper au feu éternel qui ne s’éteint pas, et des yeux te leur coeur ils regardaient les biens réservés à la patience, biens que l’oreille n’a pas entendus, que l’oeil n’a pas vus, auxquels le coeur de l’homme n’a pas songé (1 Co 2,9 ; cf. Is 64,3), mais que le Seigneur leur a montrés, à eux qui n’étaient plus des hommes, mais déjà des anges.
4. De même ceux qui avaient été condamnés aux bêtes enduraient te terribles supplices ; on les étendit sur des coquillages piquants, et on leur fit subir toutes sortes de tourments variés pour les amener à renier, si possible, par ce supplice prolongé.
III, 1. Le diable machinait contre eux toutes sortes de supplices, mais grâce à Dieu, il ne put l’emporter contre aucun d’entre eux. Le généreux Germanicus fortifiait leur timidité par sa constance ; il fut admirable dans la lutte contre les bêtes ; le proconsul voulait le fléchir et lui disait d’avoir pitié de sa jeunesse ; mais il attira sur lui la bête en lui faisant violence, voulant être plus vite délivré de cette vie injuste et inique.
2. Alors toute la foule, étonnée devant le courage de la sainte et pieuse race des chrétiens, s’écria : "A bas les athées ; faites venir Polycarpe. "
IV. Mais l’un d’entre eux, nommé Quintus, un Phrygien récemment arrivé de Phrygie, fut pris de peur à la vue des bêtes. C’est lui qui avait entraîné quelques frères à se présenter spontanément avec lui devant le juge. Le proconsul, par ses prières instantes, réussit à le persuader de jurer et de sacrifier. C’est pourquoi, frères, nous ne louons pas ceux qui se présentent d’eux-mêmes, puisque ce n’est pas l’enseignement de l’Évangile.
V, 1. Quant à l’admirable Polycarpe, tout d’abord il ne se troubla pas à ces nouvelles, mais il voulait rester en ville ; mais la plupart cherchaient à le persuader de s’éloigner secrètement. Il se retira donc dans une petite propriété située non loin de la ville, avec un petit nombre de compagnons ; nuit et jour il ne faisait que prier pour tous les hommes et pour les Églises du monte entier, comme c’était son habitude.
2. Et étant en prière, il eut une vision, trois jours avant d’être arrêté : il vit son oreiller entièrement brûlé par le feu ; et se tournant vers ses compagnons il leur dit : "Je dois être brûlé vif."
VI, 1. Comme on continuait à le chercher, il passa dans une autre propriété, et aussitôt arrivèrent ceux qui le cherchaient. Ne le trouvant pas, ils arrêtèrent deux petits esclaves, et l’un d’eux, mis à la torture, avoua.
2. Il lui était donc impossible d’échapper, puisque ceux qui le livraient étaient dans sa maison ; et l’irénarque, qui avait reçu le même nom qu’Hérode, était pressé de le conduire au stade ; ainsi lui, il accomplirait sa destinée, en entrant en communion avec le Christ, tandis que ceux qui l’avaient livré recevraient le châtiment de Judas lui-même.
VII, 1. Prenant avec eux l’esclave, - c’était un vendredi vers l’heure tu souper -, les policiers et les cavaliers, armés comme à l’ordinaire, partirent comme pour courir "après un bandit" (cf. Mt 26,55). Et tard, dans la soirée, survenant tous ensemble, ils le trouvèrent couché dans une petite chambre à l’étage supérieur. Il pouvait encore s’en aller dans une autre propriété, mais il ne le voulut pas et dit : "Que la volonté de Dieu soit faite"
2. Apprenant donc que les agents étaient là, il descendit et causa avec eux ; ils s’étonnaient de son âge et de son calme, et de toute la peine qu’on prenait pour arrêter un homme aussi âgé. Aussitôt, à l’heure qu’il était, il leur fit servir à manger et à boire autant qu’ils voulaient ; il leur demanda seulement de lui donner une heure pour prier à son gré.
3. Ils le lui accordèrent, et debout, il se mit à prier, rempli de la grâce de Dieu au point que deux heures durant il ne put s’arrêter de parler, et que ceux qui l’entendaient en étaient étonnés et que beaucoup se repentirent d’être venus arrêter un si saint vieillard.
VIII, 1. Quant enfin, il cessa sa prière, dans laquelle il avait rappelé tous ceux qu’il avait jamais rencontrés, petits et grands, illustres ou obscurs, et toute l’Église catholique répandue par toute la terre, l’heure étant venue de partir, on le fit monter sur un âne, et on l’emmena vers la ville ; c’était jour de grand sabbat.
2. L’irénarque Hérode et son père Nicétès vinrent au-devant de lui, et le firent monter dans leur voiture ; assis à côté de lui, ils essayaient de le persuader en disant : "Quel mal y a-t-il à dire : César est Seigneur, à sacrifier, et tout le reste, pour sauver sa vie ?" Lui, d’abord, ne répondit pas, et, comme ils insistaient, il dit : "Je ne ferai pas ce que vous me conseillez."
3. Alors, ne réussissant pas à le persuader, ils lui dirent toutes sortes d’injures, et il le firent descendre de la voiture si précipitamment qu’il se déchira le devant de la jambe. Sans se retourner, et comme si rien ne lui était arrivé, il marchait allégrement ; il allait vers le stade, et il y avait un tel tumulte dans le stade que personne ne pouvait s’y faire entendre.
IX, 1. Quand Polycarpe entra dans le stade, une voix du ciel se fit entendre : "Courage, Polycarpe, et sois un homme." Personne ne vit celui qui parlait, mais la voix, ceux des nôtres qui étaient là l’entendirent. Enfin, on le fit entrer, et le tumulte fut grand quant le public apprit que Polycarpe était arrêté.
2. Le proconsul se le fit amener et lui demanda si c’était lui Polycarpe. Il répondit que oui, et le proconsul cherchait à le faire renier en lui disant : "Respecte ton grand âge" et tout le reste qu’on a coutume de dire en pareil cas ; "Jure par la fortune de César, change d’avis, dis : A bas les athées." Mais Polycarpe regarda d’un oeil sévère toute cette foule de païens impies dans le stade, et fit un geste de la main contre elle, puis soupirant et levant les yeux, il dit : "A bas les athées."
3. Le proconsul insistait et disait : "Jure, et je te laisse aller, maudis le Christ" ; Polycarpe répondit : "Il y a quatre-vingt six ans que je le sers, et il ne m’a fait aucun mal ; comment pourrais-je blasphémer mon roi qui m’a sauvé ?"
X, 1. Et comme il insistait encore et disait : "Jure par la fortune de César", Polycarpe répondit : "Si tu t’imagines que je vais jurer par la fortune de César, comme tu dis, et si tu fais semblant de ne pas savoir qui je suis, écoute je te le dis franchement : Je suis chrétien. Et si tu veux apprendre de moi la doctrine du christianisme, donne-moi un jour, et écoute-moi."
2. Le proconsul répondit : "Persuade cela au peuple. " Polycarpe reprit : "Avec toi, je veux bien discuter ; nous avons appris en effet à donner aux autorités et aux puissances établies par Dieu le respect convenable, si cela ne nous fait pas tort. Mais ceux-là, je ne les estime pas si dignes que je me défende devant eux."
XI, 1. Le proconsul dit : "J’ai des bêtes, et je te livrerai à elles si tu ne changes pas d’avis." Il dit : "Appelle-les, il est impossible pour nous de changer d’avis pour passer du mieux au pire, mais il est bon de changer pour passer du mal à la justice."
2. Le proconsul lui répondit : "Je te ferai brûler par le feu puisque tu méprises les bêtes, si tu ne changes pas d’avis." Polycarpe lui dit : "Tu me menaces d’un feu qui brûle un moment et peu de temps après s’éteint ; car tu ignores le feu du jugement à venir et du supplice éternel réservé aux impies. Mais pourquoi tarder ? Va, fais ce que tu veux."
XII, 1. Voilà ce qu’il disait et beaucoup d’autres choses encore ; il était tout plein de force et de joie et son visage se remplissait de grâce. Non seulement il n’avait pas été abattu ni troublé par tout ce qu’on lui disait, mais c’était au contraire le proconsul qui était stupéfait ; il envoya son héraut au milieu du stade proclamer trois fois : "Polycarpe s’est déclaré chrétien."
2. A ces paroles du héraut, toute la foule des païens et des Juifs, établis à Smyrne, avec un déchaînement de colère, se mit à pousser de grands cris : "Voilà le docteur de l’Asie, le père des chrétiens, le destructeur de nos dieux ; c’est lui qui enseigne tant de gens à ne pas sacrifier et à ne pas adorer." En disant cela, ils poussaient des cris et demandaient à l’asiarque Philippe de lâcher un lion sur Polycarpe. Celui-ci répondit qu’il n’en avait pas le droit, puisque les combats de bêtes étaient terminés.
3. Alors il leur vint à l’esprit de crier tous ensemble : "Que Polycarpe soit brûlé vif !" Il fallait que s’accomplît la vision qui lui avait été montrée : pendant sa prière, voyant son oreiller en feu, il avait dit d’un ton prophétique aux fidèles qui étaient avec lui : "Je dois être brûlé vif" (V,2).
XIII, 1. Alors les choses allèrent très vite, en moins de temps qu’il n’en fallait pour les dire : sur-le-champ la foule alla ramasser dans les ateliers et dans les bains du bois et des fagots, - les Juifs surtout y mettaient de l’ardeur, selon leur habitude.
2. Quand le bûcher fut prêt, il déposa lui-même tous ses vêtements et détacha sa ceinture, puis il voulut se déchausser lui-même : il ne le faisait pas auparavant, parce que toujours les fidèles s’empressaient à qui le premier toucherait son corps : même avant son martyre, il était toujours entouré de respect à cause de la sainteté de sa vie.
3. Aussitôt donc, on plaça autour de lui les matériaux préparés pour le bûcher ; comme on allait l’y clouer, il dit : "Laissez-moi ainsi : celui qui me donne la force de supporter le feu, me donnera aussi, même sans la protection de vos clous, de rester immobile sur le bûcher."
XIV, 1. On ne le cloua donc pas, mais on l’attacha. Les mains derrière le dos et attaché, il paraissait comme un bélier de choix pris d’un grand troupeau pour le sacrifice, un holocauste agréable préparé pour Dieu. Levant les yeux au ciel, il dit : "Seigneur, Dieu tout-puissant, Père de ton enfant bien-aimé, Jésus Christ, par qui nous avons reçu la connaissance de ton nom, Dieu des anges, des puissances, de toute la création, et de toute la race des justes qui vivent en ta présence,
2. je te bénis pour m’avoir jugé digne de ce jour et de cette heure, de prendre part au nombre de tes martyrs, au calice de ton Christ, pour la résurrection de la vie éternelle de l’âme et du corps, dans l’incorruptibilité de l’Esprit saint. Avec eux, puissé-je être admis aujourd’hui en ta présence comme un sacrifice gras et agréable, comme tu l’avais préparé et manifesté d’avance, comme tu l’as réalisé, Dieu sans mensonge et véritable.
3. Et c’est pourquoi pour toutes choses je te loue, je te bénis, je te glorifie, par le grand prêtre éternel et céleste Jésus Christ, ton enfant bien-aimé, par qui soit la gloire à toi avec lui et l’Esprit saint maintenant et dans les siècles à venir.
XV, 1. Quand il eut fait monter cet Amen et achevé sa prière, les hommes du feu allumèrent le feu. Une grande flamme brilla, et nous vîmes une merveille, nous à qui il fut donné de le voir, et qui avions été gardés pour annoncer aux autres ces événements.
2. Le feu présenta la forme d’une voûte, comme la voile d’un vaisseau gonflée par le vent, qui entourait comme d’un rempart le corps du martyr ; il était au milieu, non comme une chair qui brûle, mais comme un pain qui cuit, ou comme de l’or ou de l’argent brillant dans la fournaise. Et nous sentions un parfum pareil à une bouffée d’encens ou à quelque autre précieux aromate.
XVI, 1. A la fin, voyant que le feu ne pouvait consumer son corps, les impies ordonnèrent au confector d’aller le percer de son poignard. Quand il le fit, jaillit une quantité de sang qui éteignit le feu, et toute la foule s’étonna de voir une telle différence entre les incroyants et les élus.
2. Parmi ceux-ci fut l’admirable martyr de Polycarpe qui fut, en nos jours, un maître apostolique et prophétique, l’évêque de l’Église catholique de Smyrne ; toute parole qui est sortie de sa bouche s’est accomplie ou s’accomplira.
XVII, 1. Mais l’envieux, le jaloux, le mauvais, l’adversaire de la race des justes, voyant la grandeur de son témoignage et sa vie irréprochable dès le début, le voyant couronné de la couronne d’immortalité, et emportant une récompense incontestée, essaya de nous empêcher d’enlever son corps, bien que beaucoup d’entre nous voulussent le faire pour posséder sa sainte chair.
2. Il suggéra donc à Nicétès, le père d’Hérode, le frère d’Akè, d’aller trouver le magistrat pour qu’il ne nous livre pas le corps : "Pour qu’ils n’aillent pas, dit-il, abandonner le crucifié et se mettre à rendre un culte à celui-ci. " Il disait cela à la suggestion insistante des Juifs, qui nous avaient surveillés quand nous voulions retirer le corps du feu. Ils ignoraient que nous ne pourrons jamais ni abandonner le Christ qui a souffert pour le salut de tous ceux qui sont sauvés dans le monde, lui l’innocent pour les pécheurs, - ni rendre un culte à un autre.
3. Car lui, nous l’adorons, parce qu’il est le fils de Dieu ; quant aux martyrs, nous les aimons comme disciples et imitateurs du Seigneur, et c’est juste, à cause de leur dévotion incomparable envers leur roi et maître ; puissions-nous, nous aussi, être leurs compagnons et leurs condisciples.
XVIII, 1. Le centurion, voyant la querelle suscitée par les Juifs, exposa le corps au milieu et le fit brûler comme c’était l’usage.
2. Ainsi, nous pûmes plus tard recueillir ses ossements plus précieux que des pierres de grand prix et plus précieux que l’or, pour les déposer en un lieu convenable.
3. C’est là, autant que possible que le Seigneur nous donnera de nous réunir dans l’allégresse et la joie, pour célébrer l’anniversaire de son martyre, de sa naissance, en mémoire de ceux qui ont combattu avant nous, et pour exercer et préparer ceux qui doivent combattre à l’avenir.
XIX, 1. Telle fut l’histoire du bienheureux Polycarpe, qui fut, avec les frères de Philadelphie, le douzième à souffrir le martyre à Smyrne ; mais de lui seul on garde le souvenir plus que des autres, au point que partout les païens eux-mêmes parlent de lui. Il fut non seulement un docteur célèbre, mais aussi un martyr éminent, dont tous désirent imiter le martyre conforme à l’Évangile du Christ.
2. Par sa patience, il a triomphé du magistrat inique, et ainsi il a remporté la couronne de l’immortalité ; avec les Apôtres et tous les justes, dans l’allégresse, il glorifie Dieu, le Père tout-puissant, et bénit notre Seigneur Jésus-Christ, le sauveur de nos âmes et le pilote de nos corps, le berger de l’Église universelle par toute la terre.
XX, 1. Vous aviez désiré être informés avec plus de détail sur ces événements ; pour l’instant, nous vous en avons donné un récit sommaire par notre frère Marcion. Quand vous aurez pris connaissance de cette lettre, transmettez-la aux frères qui sont plus loin pour qu’eux aussi glorifient le Seigneur qui fait son choix parmi ses serviteurs.
2. A celui qui, par sa grâce et par son don, peut nous introduire tous dans son royaume éternel par son fils unique Jésus Christ, à lui la gloire, l’honneur, la puissance, la grandeur dans les siècles (cf. 1 Tm 6,16 ; 1 Pi 4,11 ; Jude 25 ; Ap 1,16 ; 5,13 ; etc.). Saluez tous les saints (cf. Rm 16,15 ; Hé 13,24 ; etc.) Ceux qui sont avec nous vous saluent, et aussi Erariste qui a écrit cette lettre, avec toute sa famille.
XXI. Le bienheureux Polycarpe a rendu témoignage au début du mois de Xanthique, le deuxième jour, le septième jour avant les calendes de mars, un jour de grand sabbat, à la huitième heure. Il avait été arrêté par Hérode, sous le pontificat de Philippe de Tralles, et le proconsulat de Statius Quadratus, mais sous le règne éternel de notre Seigneur Jésus Christ ; à lui soit la gloire, l’honneur, la grandeur, le trône éternel de génération en génération. Amen.
XXII, 1. Nous vous souhaitons bonne santé, frères, marchez selon l’Évangile, dans la parole de Jésus-Christ ; avec lui, gloire à Dieu le Père et au saint Esprit, pour le salut des saints élus. C’est ainsi que témoigna le bienheureux Polycarpe ; puissions-nous marcher sur ses traces, et être trouvés avec lui dans le royaume de Dieu.
2. Gaïus a transcrit cette lettre sur le manuscrit d’Irénée, disciple de Polycarpe ; Gaïus a vécu avec Irénée. Et moi, Socrate, je l’ai copiée d’après la copie de Gaïus. La grâce soit avec tous.
3. Et moi, à mon tour, Pionius, je l’ai copiée sur l’exemplaire ci-dessus ; je l’ai recherché, après que le bienheureux Polycarpe me l’eût montré dans une révélation, comme je le raconterai par la suite. J’ai rassemblé les fragments presque détruits par le temps ; que le Seigneur Jésus Christ me rassemble aussi avec ses élus dans le royaume du ciel ; à lui la gloire avec le Père et le saint Esprit dans les siècles des siècles. Amen.
Appendice du manuscrit de Moscou.
1. Gaïus a copié ceci dans les écrits d’Irénée ; il avait vécu avec Irénée, qui fut disciple de saint Polycarpe.
2. Cet Irénée, qui était à Rome à l’époque du martyre de l’évêque Polycarpe, instruisit beaucoup de personnes. On a de lui beaucoup d’écrits très beaux et très orthodoxes ; il y fait mention de Polycarpe, disant qu’il avait été son disciple ; il réfuta vigoureusement toutes les hérésies et nous transmet la règle ecclésiastique et catholique, telle qu’il l’avait reçue du saint.
3. Il dit aussi ceci : Marcion, d’où viennent ceux qu’on appelle les Marcionites, ayant un jour rencontré saint Polycarpe, lui dit : "Reconnais-nous, Polycarpe." Mais lui dit à Marcion : "Je reconnais, je reconnais le premier-né de Satan."
4. On lit aussi ceci dans les écrits d’Irénée : Au jour et à l’heure où Polycarpe souffrit le martyre à Smyrne, Irénée se trouvant à Rome entendit une voix pareille à une trompette qui disait : Polycarpe a été martyrisé.
5. Comme on l’a dit, c’est donc dans les écrits d’Irénée que Gaïus a copié ceci, et Isocrate à Corinthe l’a transcrit sur la copie de Gaïus. Et moi, Pionius, à mon tour je l’ai copié sur l’exemplaire d’Isocrate, que j’avais recherché d’après une révélation de saint Polycarpe. J’en ai rassemblé les fragments presque détruits par le temps. Que le Seigneur Jésus Christ me rassemble aussi avec ses élus dans la gloire du ciel ; à lui la gloire avec le Père et le saint Esprit dans les siècles des siècles. Amen.
[1] Apoc. II, 10.