Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Lecons des Matines |
La Messe |
Rome honore aujourd’hui l’un de ses illustres fils, Chrysogone, qui donna sa vie pour le Christ à Aquilée, sous l’empire de Dioclétien. La splendide église qui porte son nom, au Transtevere, garde le chef vénéré du Martyr, et elle remonte, quant à sa première origine, au temps même du triomphe de la foi sur l’idolâtrie. Chrysogone instruisit dans cette foi sainte la bienheureuse Anastasie, comme lui Martyre, et dont la mémoire se relie d’une façon si touchante au jour même de la naissance du Sauveur ; on sait comment, de temps immémorial, la deuxième Messe de Noël, celle de l’Aurore, se célèbre en l’église de Sainte-Anastasie. Chrysogone et sa fille spirituelle ont leurs noms prononcés tous les jours aux diptyques sacrés.
Chrysogone, appelé par les Grecs Megalomartyr (Grand Martyr), semble être un martyr d’Aquilée, qui, dès le IVe siècle, eut une basilique à Rome, comme pour conserver le souvenir de sa résidence à cet endroit du Transtévère.
Dans les cimetières suburbains, on ne rencontre aucune trace de culte en relation avec un souvenir funéraire de ce Saint ; il faut donc en conclure qu’il ne s’agit pas d’un martyr romain. Cependant Chrysogone fait partie de cette série de martyrs considérés comme romains à cause de leur culte établi dès l’antiquité dans l’une des basiliques de la Ville.
Il semble que le titulus Chrysogoni remonte au IVe siècle ; tout au moins la base de la statue du Bon Pasteur, retrouvée en ce lieu au XVIIe siècle, peut aisément être attribuée à cette époque.
II y a quelques années, on retrouva l’ancienne abside et une partie du transept du titulus, dont le niveau primitif correspond à peu près à celui de l’antique excubitorium des gardes, lequel remonte au IIe siècle. L’inscription que transcrivirent les anciens auteurs de recueils épigraphiques est remarquable : In throno sancti Chrysogoni.
SEDES • CELSA • DEI • PRAEFERT • INSIGNIA • CHRISTI
QVOD • PATRIS • ET • FILII • CREDITVR • VNVS • HONOR
Les emblèmes du Christ resplendissent sur le trône même du Tout-Puissant,
parce qu’au Père et au Fils est due une même adoration.
La mosaïque devait sans doute représenter l’étimasie [1] habituelle ; quant aux vers, ils trahissent une préoccupation antiarienne.
Le nom de Chrysogone est entré dans les diptyques romains du Canon, ce qui nous garantit la faveur dont jouissait dans l’antiquité le culte de ce martyr, dont l’image en mosaïque, avec le nom CHRYSOGONUS, apparaît aussi à Ravenne, tant sur la voûte de la chapelle épiscopale de saint Pierre Chrysologue, que dans la théorie de saints qui orne la nef de Saint-Martin in caelo aureo (Saint-Apollinaire-le-Neuf).
La messe In virtute est du commun, sauf les collectes qui sont spéciales.
Collecte. — « Seigneur, exaucez nos supplications, afin que, nous reconnaissant coupables, nous soyons délivrés de nos iniquités, grâce à l’intercession de votre bienheureux Martyr Chrysogone. »
L’antique discipline de l’Église, durant les trois premiers siècles, reconnaissait aux confesseurs et aux martyrs détenus dans les prisons le privilège d’intercéder auprès de l’évêque, et d’obtenir en faveur des pénitents publics une rémission de leur peine, ou leur rentrée dans la communion de l’Église. Aux martyrs déjà couronnés par Dieu dans le ciel, la liturgie attribue la même prérogative. Leur sang, en vertu de celui du Christ pour qui il fut répandu, peut laver, non seulement leurs taches personnelles, mais aussi celles des fidèles qui recourent à leur intercession.
Selon la liste des évangiles de Wurzbourg, aujourd’hui le texte assigné pour la messe stationnale était tiré de saint Jean (15, 17-25) : Hæc mando vobis, ut diligátis ínvicem… Quia ódio habuérunt me gratis, que nous avons déjà rapporté pour la fête des saints Simon et Jude le 28 octobre. [*]
Pour cette fête, les Sacramentaires assignent une préface propre.
Postcommunion. — « Que par la participation à votre sacrement, Seigneur, nous soyons purifiés de nos fautes cachées et délivrés des pièges de nos ennemis. »
De quels ennemis s’agit-il ici ? D’ennemis visibles, à l’époque où l’empire romain était attaqué de tous côtés par les barbares, ou bien des assauts des démons ? Nous pouvons aussi envisager comme probable la signification matérielle de ce combat, et c’est pourquoi aujourd’hui la sainte liturgie demande pour nous au Seigneur une double grâce : dans nos âmes, la purification de toute faute ; et, au dehors, échapper à un châtiment semblable à celui que Dieu infligea autrefois, par la main des Barbares et de cet Attila qui s’attribuait à lui-même le nom de fléau de Dieu : flagellum Dei.
Saint Chrysogone, jeté en prison à Rome, sous l’empereur Dioclétien, y demeura deux ans, secouru par sainte Anastasie (fêtée le 25 décembre). Celle-ci, ayant beaucoup à souffrir à cause de sa foi chrétienne, de la part de son époux, Publius, demanda au saint d’intercéder pour elle auprès de Dieu ; ils se consolèrent réciproquement par un échange de lettres. Plus tard, l’empereur donna l’ordre de mettre à mort tous les chrétiens emprisonnés, à l’exception de Chrysogone qui devait lui être amené. L’empereur lui dit alors : “Je t’ai fait venir, Chrysogone, pour te combler d’honneurs si tu consens à adorer les dieux.” A quoi le saint répondit : “Je n’adore que le vrai Dieu ; quant aux idoles qui n’ont ni réalité ni vie et ne sont que des images du démon, je les hais et je les maudis.” Cette réponse mit l’empereur dans une telle colère qu’il donna l’ordre de le décapiter, ce qui eut lieu à Grado (près d’Aquilée), le 24 novembre. Son corps fut jeté à la mer ; mais, ayant été aussitôt rejeté sur le rivage, il fut enterré par le prêtre Zoïle dans sa propre maison (vers 304). L’Église de Rome l’a toujours entouré d’un grand honneur ; c’est pourquoi son nom figure au Canon. A Rome, il existe une église stationnale qui lui est dédiée.
(Leçon des Matines (avant 1960)
Neuvième leçon. Chrysogone fut mis en prison à Rome, au temps de l’empereur Dioclétien. Il y vécut deux ans des libéralités de sainte Anastasie ; celle-ci, maltraitée à cause du Christ par son mari Publius, écrivit au Saint pour lui demander le secours de ses prières et reçut de lui des lettres de consolation. Mais un décret de l’empereur parvint à Rome, ordonnant de tuer les Chrétiens qui étaient dans les chaînes, et de lui envoyer Chrysogone à Aquilée. Quand il y fut arrivé, l’empereur lui dit : « Je t’ai mandé, Chrysogone, pour te combler d’honneurs, si tu veux consentir à adorer les dieux. — Moi, répondit Chrysogone, je vénère en esprit celui qui est vraiment Dieu, et je le prie ; pour vos dieux, qui ne sont rien que les statues des démons, je n’ai que de la haine et de l’exécration. » Furieux de cette réponse, l’empereur le fit périr sous la hache, près des Eaux de Grado, le huit des calendes de décembre. Son corps, jeté à la mer, fut trouvé peu après sur le rivage par le Prêtre Zollus, qui l’inhuma dans sa maison.
Missa In virtúte, de Communi unius Martyris 3 loco, cum orationibus ut infra : | Messe In virtúte, du Commun d’un Martyr 3, avec les oraisons ci-dessous : |
Oratio. | Collecte |
Adésto, Dómine, supplicatiónibus nostris : ut, qui ex iniquitáte nostra reos nos esse cognóscimus, beáti Chrysógoni Mártyris tui intercessióne liberémur. Per Dóminum nostrum. | Seigneur, exaucez nos supplications, afin que, nous reconnaissant coupables, nous soyons délivrés de nos iniquités, grâce à l’intercession de votre bienheureux Martyr Chrysogone. |
Secreta | Secrète |
Oblátis, quǽsumus, Dómine, placáre munéribus : et, intercedénte beáto Chrysógono Mártyre tuo, a cunctis nos defénde perículis. Per Dóminum. | Laissez-vous fléchir, Seigneur, par l’offrande de ces dons ; et préservez-nous de tous les périls grâce à l’intercession de votre saint martyr Chrysogone. |
Postcommunio | Postcommunion |
Tui, Dómine, perceptióne sacraménti, et a nostris mundémur occúltis, et ab hóstium liberémur insídiis. Per Dóminum. | Que par la participation à votre sacrement, Seigneur, nous soyons purifiés de nos fautes cachées et délivrés des pièges de nos ennemis. |
[1] L’étimasie (du grec etoimasia ou hetoimasia et aussi sous forme vieillie hétimasie, est le nom donné à un motif iconographique de la peinture chrétienne représentant un trône vide, symbolisant l’attente du retour du Christ de la Seconde Parousie (etoimasai, Luc 1, 17, Luc 1, 76, Luc 9, 52, Jean 14, 2).
« Les mosaïques et les sculptures des premiers temps de l’Église présentent une très curieuse image : Nous voyons un trône sur lequel personne n’est assis, mais où sont placés quelques insignes ; donc un trône préparé pour quelqu’un qui doit y prendre place. On nommait cette image : Hétoimasie, puis, plus tard, en adoucissant l’accent : Étimasie, c’est-à-dire préparation du trône. C’était le symbole du retour du Seigneur, de la parousie du Christ ; c’était l’expression imagée de l’attente et des désirs des chrétiens au sujet du retour du Seigneur Dieu. Les anciens chrétiens lui ont, pour ainsi dire, préparé le trône sur lequel il doit s’asseoir au jour de sa venue, et ont placé sur le trône les signes de sa souveraineté.
Nous ne possédons, de l’ancien temps, qu’une seule image sur laquelle le trône figure avec les quatre insignes de la souveraineté (l’expression : “Insignia Christi” se lit sur une inscription de l’église Saint Chrysogone, à Rome, qui remonte au IVe siècle environ. A Sainte-Marie Majeure de Rome, elle se trouve sur une mosaïque de Sixte III 432-440). Ces insignes sont : la croix triomphale qui est dressée sur le trône, le rouleau des Saintes Écritures, la couronne et le manteau royal de pourpre qui est déployé sur le siège du trône. La signification de ces insignes de la dignité royale du Christ ne réclame aucune explication. Le groupe des insignes du Christ se retrouve, avec des différences plus ou moins considérables, sur d’autres images, sans cependant y figurer au complet ; il en manque toujours l’un ou l’autre. » (Pius Parsch)
[*]
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Ioánnem. | Lecture du Saint Evangile selon saint Jean. |
Ioann. 15, 17-25. | |
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Hæc mando vobis, ut diligátis ínvicem. Si mundus vos odit : scitóte, quia me priórem vobis odio hábuit. Si de mundo fuissétis, mundus quod suum erat dilígeret ; quia vero de mundo non estis, sed ego elegi vos de mundo, proptérea odit vos mundus. Mementóte sermónis mei, quem ego dixi vobis : Non est servus maior dómino suo. Si me persecúti sunt, et vos persequántur : si sermónem meum servavérunt, et vestrum servábunt. Sed hæc ómnia fácient vobis propter nomen meum : quia nésciunt eum, qui misit me. Si non veníssent et locútus fuíssem eis, peccátum non háberent : nunc autem excusatiónem non habent de peccáto suo. Qui me odit : et Patrem meum odit. Si ópera non fecíssem in eis, quæ nemo álius fecit, peccátum non háberent : nunc autem et vidérunt et odérunt et me et Patrem meum. Sed ut adimpleátur sermo, qui in lege eórum scriptus est : Quia ódio habuérunt me gratis. | En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres. Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait à lui ; mais, parce que vous n’êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait. Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent pas celui qui m’a envoyé. Si je n’étais pas venu, et que je ne leur eusse point parlé, ils n’auraient pas de péché ; mais maintenant, ils n’ont pas d’excuse de leur péché. Celui qui me hait, hait aussi mon Père. Si je n’avais pas fait parmi eux des oeuvres qu’aucun autre n’a faites, ils n’auraient pas de péché ; mais maintenant, ils ont vu, et ils ont haï et moi et mon Père, afin que la parole qui est écrite dans leur loi soit accomplie : ils m’ont haï sans sujet. |