Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Mort le 23 octobre 1456. Inquisiteur sous plusieurs papes, combattant les hérésies et les Turcs. Canonisé en 1690 par Alexandre VIII. Sa fête fut inscrite au calendrier par Léon XIII sous le rite semi-double en 1890. Le 1er avril 1984 Jean-Paul II l’a nommé patron des aumôniers militaires du monde entier.
Ant. ad Introitum. Habac. 3, 18-19. | Introït |
Ego autem in Dómino gaudébo : et exsultábo in Deo, Iesu meo : Deus Dóminus fortitúdo mea. | Moi, je me réjouirai dans le Seigneur : et je tressaillirai d’allégresse en Dieu, mon sauveur : Le Seigneur Dieu est ma force. |
Ps. 80. 2. | |
Exsultáte Deo, adiutóri nostro, iubiláte Deo Iacob. | Tressaillez d’allégresse en Dieu notre protecteur, jubilez pour le Dieu de Jacob. |
V/. Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Deus, qui per beátum Ioánnem fidéles tuos in virtúte sanctíssimi nóminis Iesu de Crucis inimícis triumpháre fecísti : præsta, quǽsumus ; ut, spirituálium hóstium, eius intercessióne, superátis insídiis, corónam iustítiæ a te accípere mereámur. Per eúndem Dóminum. | O Dieu, qui, par le bienheureux Jean, avez fait triompher vos fidèles des ennemis de la croix, grâce à la vertu du très saint nom de Jésus, faites nous vous en supplions, qu’ayant surmonté par son intercession les embûches de nos ennemis spirituels, nous méritions de recevoir de vous la couronne de justice. |
Léctio libri Sapiéntiæ. | Lecture du livre de la Sagesse. |
Sap. 10, 10-14. | |
Iustum dedúxit Dóminus per vias rectas, et ostendit illi regnum Dei, et dedit illi sciéntiam sanctórum : honestávit illum in labóribus, et complévit labores illíus. In fraude circumveniéntium illum áffuit illi, et honéstum fecit illum. Custodívit illum ab inimícis, et a seductóribus tutávit illum, et certámen forte dedit illi, ut vínceret et sciret, quóniam ómnium poténtior est sapiéntia. Hæc vénditum iusíum non derelíquit, sed a peccatóribus liberávit eum : descendítque cum illo in fóveam, et in vínculis non derelíquit illum. | Le Seigneur a conduit le juste par des voies droites, il lui a montré le royaume de Dieu, il lui a donne la science des saints, il l’a enrichi dans ses travaux, et a fait fructifier ses labeurs. Il l’a aidé contre ceux qui voulaient le tromper par leurs ruses et il l’a enrichi. Il l’a protégé contre ses ennemis, et l’a défendu contre !es séducteurs. Il l’a engagé dans un rude combat,afin qu’il demeurât victorieux, et qu’il sût que la sagesse est plus puissante que toutes choses. Il n’a point abandonné le juste lorsqu’il fut vendu, mais il le délivra des mains des pécheurs. Il est descendu avec lui dans la fosse, et ne le délaissa point dans les chaînes. |
Graduale. Ps. 21, 24-25. | Graduel |
Qui timétis Dóminum, laudáte eum : univérsum semen Iacob, glorificáte eum. | Vous qui craignez le Seigneur, louez-le : toute la race de Jacob, glorifiez-le. |
V/. Timeat eum omne semen Israël : quóniam non sprevit, neque despéxit deprecatiónem páuperis. | V/. Que toute la race d’Israël le craigne : parce qu’il n’a pas méprisé ni dédaigné la supplication du pauvre |
Tractus. Exodi 15, 2 et 3. | Trait |
Fortitúdo mea et laus mea Dóminus, et factus est mihi in salútem : iste Deus meus, et glorificábo eum. | Le Seigneur est ma force et le sujet de mes louanges, c’est lui qui m’a sauvé : il est mon Dieu, et je publierai sa gloire |
V/. Dóminus quasi vir pugnátor, omnípotens nomen eius. | V/. Le Seigneur a paru comme un guerrier, le Tout-Puissant, voilà son nom. |
V/. Iudith 16, 3. Dóminus cónterens bella : Dóminus nomen est illi. | V/. Le Seigneur anéantit les guerres : le Seigneur est son nom. |
¶ In Missis votivis ante Septuagesimam vel post Pentecosten, Graduale ut supra, sed, omisso Tractu, dicitur : | ¶ Aux messes votives avant la Septuagésime ou après la Pentecôte, Graduel comme ci-dessus, mais on omet le Trait et on dit : |
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 58, 17. Ego autem cantábo fortitúdinem tuam : et exsultábo mane misericórdiam tuam. Allelúia. | Allelúia, allelúia. V/. Je chanterai votre puissance : et le matin je célébrerai avec joie votre miséricorde. Alléluia. |
Tempore autem Paschali, omissis, Graduali et Tractu, dicitur : | Au Temps pascal, on omet le Graduel et le Trait et on dit : |
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 58, 17. Ego autem cantábo fortitúdinem tuam : et exsultábo mane misericórdiam tuam. | Allelúia, allelúia. V/. Je chanterai votre puissance : et le matin je célébrerai avec joie votre miséricorde. |
Allelúia. V/. Quia factus es suscéptor meus, et refúgium meum in die tribulatiónis meæ. Allelúia. | Allelúia. V/. Car vous vous êtes fait mon protecteur, et mon refuge au jour de ma tribulation. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Lucam. | Lecture du Saint Evangile selon saint Luc. |
Luc. 9, 1-6. | |
In illo témpore : Convocátis Iesus duódecim Apóstolis, dedit illis virtútem et potestátem super ómnia dæmónia, et ut languóres curárent. Et misit illos prædicáre regnum Dei et sanáre infírmos. Et ait ad illos : Nihil tuléritis in via, neque virgam, neque peram, neque panem, neque pecúniam, neque duas túnicas habeátis. Et in quamcúmque domum intravéritis, ibi manéte et inde ne exeátis. Et quicúmque non recéperint vos : exeúntes de civitáte illa, étiam púlverem pedum vestrorum excútite in testimónium supra illos. Egréssi autem circuíbant per castélla, evangelizántes et curántes ubíque. | En ce temps-là : Jésus, ayant assemblé les douze Apôtres, leur donna puissance et autorité sur tous les démons, et le pouvoir de guérir les maladies. Puis Il les envoya prêcher le royaume de Dieu et guérir les malades. Et Il leur dit : Ne portez rien en route, ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent, et n’ayez pas deux tuniques. Dans quelque maison que vous soyez entrés, demeurez-y et n’en sortez pas. Et lorsqu’on ne vous aura pas reçus, sortant de cette ville, secouez la poussière même de vos pieds, en témoignage contre eux. Etant donc partis, ils parcouraient les villages, annonçant l’Evangile et guérissant partout. |
Ant. ad Offertorium. Eccli. 46, 6. | Offertoire |
Invocávit Altíssimum poténtem in oppugnándo inimícos úndique, et audívit illum magnus et sanctus Deus. | Il invoqua le Très-Haut tout-puissant, lorsque ses ennemis l’attaquaient de toutes parts ; et le Dieu grand et saint l’écouta |
Secreta | Secrète |
Sacrifícium, Dómine, quod immolámus, placátus inténde : ut, intercedénte beáto Ioánne Confessóre tuo, ad conteréndas inimicórum insídias nos in tuæ protectiónis securitáte constítuat. Per Dóminum nostrum. | Regardez favorablement, Seigneur, le sacrifice que nous vous immolons : et par les prières de votre bienheureux Confesseur Jean, mettez-nous en sécurité sous votre protection, afin que nous puissions fouler aux pieds les pièges de nos ennemis. |
Ant. ad Communionem. Sap. 10, 20. | Communion |
Decantavérunt, Dómine, nomen sanctum tuum, et victrícem manum tuam laudavérunt. | Ils ont chanté, Seigneur, votre saint nom, et ils ont loué tous ensemble votre main victorieuse |
Postcommunio | Postcommunion |
Repléti alimónia cælésti et spirituáli póculo recreáti, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, intercedénte beáto Ioánne Confessóre tuo, nos ab hoste malígno deféndas, et Ecclésiam tuam perpétua pace custódias. Per Dóminum nostrum. | Fortifiés par la nourriture céleste et réconfortés par le calice spirituel, nous vous demandons, ô Dieu tout-puissant, par l’intercession de votre bienheureux confesseur Jean, de nous défendre de la méchanceté de l’ennemi et de garder votre Église dans une paix perpétuelle. |
Leçons des Matines avant 1960
Au deuxième nocturne.
Quatrième leçon. Jean y naquit à Capistran, au pays des Pélignes. Envoyé à Pérouse pour y faire ses études il fit de si grands progrès dans la doctrine chrétienne et les arts libéraux que Ladislas, roi de Naples, lui confia le gouvernement de plusieurs villes, en considération de sa connaissance du droit. Tandis que saintement occupé de la chose publique, il s’applique à apaiser les troubles et à rétablir la tranquillité, il est fait prisonnier et jeté dans les fers. Miraculeusement délivré, il fait profession de la règle de saint François d’Assise, parmi les frères Mineurs. Dans l’étude des divines Écritures il eut pour maître saint Bernardin de Sienne, dont il imita excellemment les vertus, zélé comme lui à propager le culte du nom de Jésus et de la Mère de Dieu. Il refusa l’évêché d’Aquila ; il se distingua par l’austérité de sa vie et par les nombreux écrits qu’il publia pour la réforme des mœurs.
Cinquième leçon. Tout appliqué à la prédication de la parole de Dieu, il parcourut l’Italie presqu’entière, et dans ce ministère, par la force de ses discours et le grand nombre de ses miracles, il ramena dans la voie du salut des âmes innombrables. Martin V l’établit inquisiteur pour l’extinction de la secte des Fratricelles. Institué inquisiteur général en Italie contre les Juifs et les Sarrasins par Nicolas V, il en convertit un grand nombre à la foi du Christ. Il fit en Orient beaucoup d’excellents établissements, et dans le concile de Florence, où il brilla comme un soleil par sa doctrine, il réconcilia les Arméniens à l’Église catholique. Le même Pontife, sur la demande de l’empereur Frédéric III, l’envoya en Allemagne en qualité de nonce du Siège apostolique, pour ramener les hérétiques à la foi catholique et les princes à la concorde. Dans ce pays et en d’autres provinces, par un ministère de six années, il travailla merveilleusement à la gloire de Dieu, et ramena dans le sein de l’Église, par sa doctrine et ses miracles, une multitude innombrable de Hussites, d’Adamites, de Thaborites et de Juifs.
Sixième leçon. Callixte III, pressé par ses instances, ayant décrété la croisade, Jean parcourut la Pannonie et d’autres provinces, et, soit par sa parole, soit par ses lettres, anima tellement les princes à la guerre sainte, qu’en peu de temps soixante-dix mille chrétiens furent enrôlés. C’est principalement à ses conseils et à son courage que l’on dut la victoire de Belgrade, où cent vingt mille Turcs furent taillés en pièces ou mis en fuite. L’annonce de cette victoire étant parvenue à Rome au huitième des ides d’août, le même Callixte consacra à perpétuité la mémoire de ce jour par l’institution de la solennité de la Transfiguration de notre Seigneur. Atteint d’une maladie mortelle, et transporté à Willech, Jean y fut visité par plusieurs princes qu’il exhorta à défendre la religion ; il rendit saintement son âme à Dieu, l’an du salut quatorze cent cinquante-six. Dieu fit éclater sa gloire après sa mort par beaucoup de miracles. Alexandre VIII, les ayant régulièrement approuvés, inscrivit Jean au nombre des Saints en l’année mil six cent quatre-vingt-dix. Léon XIII, deux siècles après sa canonisation, étendit à toute l’Église l’Office et la Messe de sa Fête.
Au troisième nocturne.
Lecture du saint Évangile selon saint Luc. Cap. 9, 1-6.
En ce temps-là : Jésus, ayant assemblé les douze Apôtres, leur donna puissance et autorité sur tous les démons, et le pouvoir de guérir les maladies. Et le reste.
Homélie de S. Bonaventure, Évêque.
Septième leçon. Les Apôtres ont reçu ce nom pour établir leur autorité. Le nom d’Apôtre, en effet, signifie envoyé. Ils avaient été envoyés pour prêcher, selon cette parole : « Le Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour prêcher l’Évangile ». Ils furent envoyés pour prêcher non une chose de peu d’importance, mais une grande chose, à savoir le royaume de Dieu, ce qui peut s’entendre de la doctrine de la vérité, selon cette parole : « Le royaume de Dieu vous sera ôté, et il sera donné à un peuple qui en produira les fruits ». On peut aussi l’entendre de la grâce de l’Esprit-Saint, selon cette parole : « Le royaume de Dieu n’est pas la nourriture et le breuvage, mais il est justice, paix et joie dans l’Esprit-Saint. » Et plus bas : « Voilà que le royaume de Dieu est au dedans de vous. » On peut encore l’entendre de la gloire éternelle, selon cette autre parole : « En vérité, je vous le dis, si l’on ne renaît de l’eau et de l’Esprit-Saint, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu ».
Huitième leçon. En toutes ces manières les Apôtres ont été envoyés pour prêcher le royaume de Dieu, c’est-à-dire la vraie doctrine, la grâce divine et la gloire éternelle. Comme il leur avait accordé. le pouvoir des guérisons pour autoriser leur prédication, il ajoute : Je vous envoie guérir les malades, et ainsi il les envoya prêcher, avec le pouvoir de confirmer la vérité de leur doctrine, selon cette parole : « Et eux, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur agissant avec eux, et confirmant leur parole par les prodiges qui l’accompagnaient. » Le signe de la mission spirituelle qui leur est donnée pour la prédication est donc la guérison des auditeurs, de la maladie des vices.
Neuvième leçon. Or il y a trois marques évidentes par lesquelles le prédicateur prouve qu’il est envoyé par le Seigneur pour annoncer l’Évangile. La première est l’autorité de celui qui l’envoie, telle que celle du Pontife, et surtout du souverain Pontife qui tient la place de Pierre et de Jésus-Christ lui-même, d’où il suit que celui qu’il envoie est envoyé par le Christ. La seconde est le zèle des âmes dans la personne qui est envoyée, lorsque cette personne cherche principalement l’honneur de Dieu et le salut des âmes. La troisième est le fruit spirituel et la conversion des auditeurs. Par la première de ces marques, ils sont les envoyés du Père ; par la seconde, ceux du Fils ; par la troisième, ceux du Saint-Esprit. Au sujet de la première, il est dit : « Au lieu de vos pères, des fils vous sont nés. » Au sujet de la seconde : « Nous ne nous prêchons pas nous-même, mais Jésus-Christ notre Seigneur. » Au sujet de la troisième : « Je vous ai établis, pour que vous ailiez, et rapportiez du fruit, et que votre fruit demeure ». Celui qui reçoit une telle mission peut dire cette autre parole : « L’esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a donné son onction ».
Plus l’Église semble approcher du terme de ses destinées, plus aussi l’on dirait qu’elle aime à s’enrichir de fêtes nouvelles rappelant le glorieux passé. C’est qu’en tout temps du reste, un des buis du Cycle sacre est de maintenir en nous le souvenir des bienfaits du Seigneur. Ayez mémoire des anciens jours, considérez l’histoire des générations successives, disait déjà Dieu sous l’alliance du Sinaï [1] ; et c’était une loi en Jacob, que les pères rissent connaître à leurs descendants, pour qu’eux-mêmes les transmissent à la postérité, les récits antiques [2]. Plus qu’Israël qu’elle a remplacé, l’Église a ses annales remplies des manifestations de la puissance de l’Époux ; mieux que la descendance de Juda, les fils de la nouvelle Sion peuvent dire, en contemplant la série des siècles écoulés : Vous êtes mon Roi, vous êtes mon Dieu, vous qui toujours sauvez Jacob [3] !
Tandis que s’achevait en Orient la défaite des Iconoclastes, une guerre plus terrible, où l’Occident devait lutter lui-même pour la civilisation et pour l’Homme-Dieu, commençait à peine.
Comme un torrent soudain grossi, l’Islam avait précipité de l’Asie jusqu’au centre des Gaules ses flots impurs ; pied à pied, durant mille années, il allait disputer le sol occupé par les races latines au Christ et à son Église. Les glorieuses expéditions des XIIe et XIIIe siècles, en l’attaquant au centre même de sa puissance, ne firent que l’immobiliser un temps. Sauf sur la terre des Espagnes, où le combat ne devait finir qu’avec le triomphe absolu de la Croix, on vit les princes, oublieux des traditions de Charlemagne et de saint Louis, délaisser pour les conflits de leurs ambitions privées la guerre sainte, et bientôt le Croissant, défiant à nouveau la chrétienté, reprendre ses projets de conquête universelle.
En 1453, Byzance, la capitale de l’empire d’Orient, tombait sous l’assaut des janissaires turcs ; trois ans après, Mahomet II son vainqueur investissait Belgrade, le boulevard de l’empire d’Occident. Il eût semblé que l’Europe entière ne pouvait manquer d’accourir au secours de la place assiégée. Car cette dernière digue forcée, c’était la dévastation immédiate pour la Hongrie, l’Autriche et l’Italie ; pour tous les peuples du septentrion et du couchant, c’était à bref délai la servitude de mort où gisait cet Orient d’où nous est venue la vie, l’irrémédiable stérilité du sol et des intelligences dont la Grèce, si brillante autrefois, reste encore aujourd’hui frappée.
Or toutefois, l’imminence du danger n’avait eu pour résultat que d’accentuer la division lamentable qui livrait le monde chrétien à la merci de quelques milliers d’infidèles. On eût dit que la perte d’autrui dût être pour plusieurs une compensation à leur propre ruine ; d’autant qu’à cette ruine plus d’un ne désespérait pas d’obtenir délai ou dédommagement, au prix de la désertion de son poste de combat. Seule, à rencontre de ces égoïsmes, au milieu des perfidies qui se tramaient dans l’ombre ou déjà s’affichaient publiquement, la papauté ne s’abandonna pas. Vraiment catholique dans ses pensées, dans ses travaux, dans ses angoisses comme dans ses joies et ses triomphes, elle prit en mains la cause commune trahie par les rois. Éconduite dans ses appels aux puissants, elle se tourna vers les humbles, et plus confiante dans sa prière au Dieu des armées que dans la science des combats, recruta parmi eux les soldats de la délivrance.
C’est alors que le héros de ce jour, Jean de Capistran, depuis longtemps déjà redoutable à l’enfer, consomma du même coup sa gloire et sa sainteté. A la tête d’autres pauvres de bonne volonté, paysans, inconnus, rassemblés par lui et ses Frères de l’Observance, le pauvre du Christ ne désespéra pas de triompher de l’armée la plus forte, la mieux commandée qu’on eût vue depuis longtemps sous le ciel. Une première fois, le 14 juillet 1456, rompant les lignes ottomanes en la compagnie de Jean Hunyade, le seul des nobles hongrois qui eût voulu partager son sort, il s’était jeté dans Belgrade et l’avait ravitaillée. Huit jours plus tard, le 22 juillet, ne souffrant pas de s’en tenir à la défensive, sous les yeux d’Hunyade stupéfié par cette stratégie nouvelle, il lançait sur les retranchements ennemis sa troupe armée de fléaux et de fourches, ne lui donnant pour consigne que de crier le nom de Jésus à tous les échos C’était le mot d’ordre de victoire que Jean de Capistran avait hérité de Bernardin de Sienne son maître. Que l’adversaire mette sa confiance dans les chevaux et les chars, disait le Psaume ; pour nous, nous invoquerons le Nom du Seigneur [4]. Et en effet, le Nom toujours saint et terrible [5] sauvait encore son peuple. Au soir de cette mémorable journée, vingt-quatre mille Turcs jonchaient le sol de leurs cadavres ; trois cents canons, toutes les armes, toutes les richesses des infidèles étaient aux mains des chrétiens ; Mahomet II, blessé, précipitant sa fuite, allait au loin cacher sa honte et les débris de son armée.
Ce fut le 6 août que parvint à Rome la nouvelle d’une victoire qui rappelait celle de Gédéon sur Madian [6]. Le Souverain Pontife, Calliste III, statua que désormais toute l’Église fêterait ce jour-là solennellement la glorieuse Transfiguration du Seigneur. Car en ce qui était des soldats de la Croix, ce n’était pas leur glaive qui avait délivré la terre, ce n’était pas leur bras qui les avait sauvés, mais bien votre droite et la puissance de votre bras à vous, ô Dieu, et le resplendissement de votre visage, parce que vous vous étiez complu en eux [7], comme au Thabor en votre Fils bien-aimé [8].
Le Seigneur est avec vous, ô le plus fort des hommes ! Allez dans cette force qui est la vôtre, et délivrez Israël, et triomphez de Madian : sachez que c’est moi qui vous ai envoyé [9]. Ainsi l’Ange du Seigneur saluait Gédéon, quand il le choisissait pour ses hautes destinées parmi les moindres de son peuple [10]. Ainsi pouvons-nous, la victoire remportée, vous saluer à notre tour, ô fils de François d’Assise, en vous priant de nous aider toujours. L’ennemi que vous avez vaincu sur les champs de bataille n’est plus à redouter pour notre Occident ; le péril est bien plutôt où Moïse le signalait pour son peuple après la délivrance, quand il disait : Prenez garde d’oublier le Seigneur votre Dieu, de peur qu’après avoir écarté la famine, bâti de belles maisons, multiplié vos troupeaux, votre argent et votre or, goûté l’abondance de toutes choses, votre cœur ne s’élève et ne se souvienne plus de Celui qui vous a sauvés de la servitude [11]. Si, en effet, le Turc l’eût emporté, dans la lutte dont vous fûtes le héros, où serait cette civilisation dont nous sommes si fiers ? Après vous, plus d’une fois, l’Église dut assumer sur elle à nouveau l’œuvre de défense sociale que les chefs des nations ne comprenaient plus. Puisse la reconnaissance qui lui est due préserver les fils de la Mère commune de ce mal de l’oubli qui est le fléau de la génération présente ! Aussi remercions-nous le ciel du grand souvenir dont resplendit par vous en ce jour le Cycle sacré, mémorial des bontés du Seigneur et des hauts faits des Saints. Faites qu’en la guerre dont chacun de nous reste le champ de bataille, le nom de Jésus ne cesse jamais de tenir en échec le démon, le monde et la chair ; faites que sa Croix soit notre étendard, et que par elle nous arrivions, en mourant à nous-mêmes, au triomphe de sa résurrection.
Durant cette période quadragésimale, nos ancêtres, jusqu’au XVIIe siècle, avaient été très sobres dans la célébration de fêtes de saints ; et cela, pour vaquer dans un plus grand recueillement, et sous la direction éclairée de la liturgie, aux exercices de pénitence et de purification qui nous doivent disposer à célébrer la solennité pascale. L’attièdissement de la foi en ces derniers siècles a conseillé à l’Église d’adoucir beaucoup l’antique discipline quadragésimale, pour l’adapter à la faiblesse des esprits modernes ; il en est résulté que ce saint temps, ne différant plus guère du reste de l’année, sa liturgie elle-même a été moins comprise et est passée au second plan.
Presque tous les jours qui, dans le calendrier romain de saint Pie V, étaient demeurés encore libres d’offices de saints, furent donc postérieurement occupés par des offices nouveaux, beaux sans doute, et importants au point de vue de l’histoire et de la théologie, mais qui ont toutefois l’inconvénient d’avoir brisé, bien plus, d’avoir presque détruit ce cycle merveilleux, si ancien et si profondément théologique, qu’est la liturgie du Carême.
Nous sommes bien loin de l’âge d’or où la préparation à Pâques exigeait la fermeture des théâtres et des tribunaux ; alors tout le monde romain, à commencer par le Basileus de Byzance, se couvrait de cilice et de cendre, et le jeûne rigoureux, jusqu’au coucher du soleil, était si universel qu’il semblait être devenu, plutôt qu’un acte particulier de dévotion, une des formes essentielles du culte du monde romain et chrétien.
Aujourd’hui, pour les tièdes fidèles de notre siècle, la sainte Quarantaine ne comporte plus, pour ainsi dire, aucun changement dans la vie ordinaire de l’année ; aussi la liturgie sacrée qui, en pratique, a toujours été, en tous temps, un reflet exact de l’esprit chrétien de l’époque, se borne-t-elle elle aussi, pendant la plus grande partie du Carême, à ajouter à l’office divin en l’honneur du Saint du jour une commémoraison spéciale de la férié courante.
Mais un mouvement de saine réforme, en ces dernières années, est parti de Rome, et l’on espère qu’il produira des fruits abondants de piété. Pie X, fidèle à son programme de tout restaurer dans le Christ, après avoir rendu à leur fraîcheur native les mélodies grégoriennes, a voulu restituer au Psautier son ancienne place dans la prière ecclésiastique. Pour mieux atteindre ce but, il a allégé le calendrier de quelques fêtes, donnant une plus large préséance à l’office dominical et férial, en sorte que le primitif office De tempore a commencé de réapparaître à la lumière dans ses lignes classiques, comme un antique chef-d’œuvre délivré des adjonctions postérieures qui le déformaient.
La messe de saint Jean de Capistran (+ 1456), franciscain, insigne prédicateur de la croisade contre les Turcs, fut instituée en 1890 par Léon XIII. Son rédacteur s’est laissé profondément impressionner par la splendide victoire de Belgrade, remportée surtout grâce aux prières et aux exhortations du Saint. Cette messe est beaucoup plus riche et plus variée que la précédente en l’honneur de saint Jean Damascène. Elle s’inspire en grande partie de la vive dévotion professée par le grand Franciscain envers le saint Nom de Jésus.
Le verset pour l’introït est tiré du cantique d’Habacuc (III, 18) et fait allusion à la victoire de Belgrade.
La prière a des réminiscences historiques. Les anciennes croisades contre les infidèles doivent être considérées à ce point de vue surnaturel où les envisageaient nos pères. Elles représentèrent l’effort suprême de la chrétienté pour que la force brutale des musulmans n’anéantît pas la civilisation de l’Évangile. L’âme de cette résistance puissante, longue et finalement victorieuse à Lépante et à Vienne, fut le pontificat romain qui, pendant plus de cinq siècles, ne regardant ni aux sacrifices ni aux dépenses, rassembla en un seul faisceau, sous l’étendard de la Croix, les forces catholiques de chaque nation et, les dirigeant contre le Croissant, épargna à l’Europe un grand nombre de guerres intestines, lui assurant en outre le triomphe sur l’Asie occidentale et sur l’Islam.
La lecture (Sap., X, 10-14) est, en grande partie, la même que celle du jour précédent, et contient une allusion manifeste aux persécutions et à la prison endurées par le Saint pour la foi. Mais le Seigneur descendit avec lui dans le sombre cachot, l’en retira triomphant, et écrasa les ennemis qui voulaient le fouler aux pieds. Ils étaient ennemis du juste parce qu’ils étaient aussi ennemis de Dieu ; et c’est pourquoi le Tout-Puissant, prenant sa défense, jugea et fit triompher Sa cause, selon la parole du Prophète : Exsurge, Deus, iudica causant tuam : memor esto improperiorum tuorum, evrum quae ab insipiente sunt tota die.
Relativement à l’observance de la Loi, le judaïsme authentique ne reconnaissait que deux catégories : celle des descendants d’Israël qui, en vertu de la circoncision, pouvaient seuls aspirer à la plénitude des espérances messianiques ; et celle des Gentils, les parias de Yahweh, qui craignaient le Dieu d’Abraham, se faisaient circoncire, s’obligeant à observer la loi, mais n’avaient part aux privilèges des Israélites qu’à un degré inférieur. Dans le verset de psaume suivant, il est fait allusion à cette distinction entre les prosélytes qui craignent Dieu, et la pure race Israélite qui a stipulé avec le Seigneur un véritable contrat d’amitié.
Le trait est tiré du magnifique cantique de Moïse après la défaite de l’armée du Pharaon au passage de la mer Rouge et il s’adapte fort bien au caractère de la fête de ce jour, qui est comme un écho annuel du triomphe remporté sur le Croissant sous les murs de Belgrade.
La lecture de l’Évangile (Luc., IX, 1-6) traite des conditions et des privilèges de l’apostolat chrétien, toutes choses qui n’appartiennent pas seulement à l’histoire évangélique, mais qui demeurent, dans l’Église catholique, toujours d’actualité. Il suffit en effet de penser aux pauvres missionnaires qui étendent le règne de Dieu dans les contrées inhospitalières de l’Océanie, de l’Afrique et de l’Asie, pour se convaincre que seul l’esprit de Dieu qui anime, sanctifie et dirige le corps mystique de l’Église, peut rendre les hommes capables d’un pareil héroïsme.
L’offertoire, où l’on applique à notre Saint l’éloge de Josué fait par l’Ecclésiastique, chante lui aussi la victoire de Belgrade, attribuée, plutôt qu’aux armes des combattants, au bras du Dieu invoqué par Jean.
Autrefois c’était l’Islam qui menaçait la civilisation chrétienne. Maintenant c’est le judaïsme, le peuple sans patrie, et qui hait celle des autres, allié comme il l’est avec la franc-maçonnerie. Juifs et maçons livrent au catholicisme et à l’Europe une guerre d’autant plus rude et dangereuse qu’elle est plus hypocrite. Contre ce redoutable péril, nous devons recourir nous aussi aux armes invincibles de la prière ; et puisque il ne nous est permis de haïr personne, mais qu’il nous est au contraire ordonné d’aimer tout le monde, même nos ennemis, demandons aujourd’hui la conversion de ces âmes égarées qui ont déchaîné le cruel fléau de la guerre, et qui, seules, en ont profité — juifs, bolchevistes, sionistes, francs-maçons, etc., afin que tous, convertis à la pénitence, Ecclesia... tranquilla devotione laetetur.
Prodige de la droite du Très-Haut ! Pour accomplir les grandes merveilles, II emploie de préférence des instruments très humbles, les moins adaptés parfois et les plus méprisés par les hommes, afin que le succès ne puisse être attribué à la créature, mais au seul Créateur. Ainsi au XVe siècle, en plein humanisme, quand les puissances chrétiennes elles-mêmes, au lieu d’écouter la voix du Pasteur suprême et de marcher ensemble contre le Croissant qui menaçait la liberté du monde civilisé, rivalisaient entre elles par une politique mensongère. Dieu suscita un humble disciple de saint François, de peu d’apparence, pauvre et sans moyens, qui ébranla par sa parole enflammée la moitié de l’Europe et la conduisit en triomphe sous les murs de Belgrade. Digitus Dei est hic.
Rome chrétienne peut considérer comme un sanctuaire de saint Jean de Capistran le vieux monastère de Sainte-Marie sur le Capitole, qui, passé des moines bénédictins aux Mineurs durant le bas moyen âge, fut sanctifié par la résidence du Saint.
Nous sommes les soldats du Christ.
Saint Jean : Jour de mort : 23 octobre 1456. — Tombeau à Ujlak, à la frontière bosniaque, dans un monastère fondé par lui, mais son corps fut dérobé par les Turcs et est perdu. Image : On le représente en franciscain avec une croix rouge sur la poitrine. Vie : Saint Jean de Capistran compte parmi les plus puissants prédicateurs populaires de tous les temps. « Cet homme, nous l’avons vu à Nuremberg, âgé de 65 ans, vieux, petit, maigre, sec, n’ayant plus que les os et la peau, mais joyeux et vaillant à l’ouvrage, prêchant tous les jours sans relâche et traitant les sujets les plus élevés. ») Ainsi écrit l’humaniste Hartmann Schedel de Nuremberg, dans sa chronique du monde. Tout le monde connaît la célèbre victoire que les chrétiens remportèrent sur les Turcs, près de Belgrade, en 1456. On doit l’attribuer à sa bravoure et à son zèle.
Pratique : Nous devons nous considérer, aujourd’hui, comme les soldats du Christ. Sous la conduite de notre saint, nous triompherons des ennemis. Jadis, c’étaient les Turcs ; ce sont d’autres ennemis, aujourd’hui, mais l’enfer est toujours derrière eux. La liturgie est une grande œuvre de paix, mais c’est parce qu’elle fait de l’Église militante une armée prête au combat. — Nous prenons la messe du Carême avec Mémoire du saint.
2. Quelques traits de sa vie. — Partout où il allait, il était reçu en procession solennelle par le peuple et le clergé. Les plus grandes églises ne pouvaient contenir la foule des auditeurs. C’est pourquoi il était obligé de prêcher en plein air, sur une estrade. A Meissen, il prêcha du haut d’un toit. Partout, des foules immenses se pressaient à ses sermons. Il avait parfois, autour de lui, vingt ou trente mille hommes. A Erfurt, il eut, une fois, 60.000 auditeurs. Un jour, à Vienne, 100.000 personnes attendaient le commencement de son sermon. Le peuple l’écoutait en pleurant et en gémissant, bien qu’il ne comprît pas son langage. Il prêchait en latin ; un de ses compagnons donnait ensuite la traduction en allemand. Bien que le sermon eût duré deux ou trois heures, le peuple restait encore autant de temps, en plein air ou dans les rues, malgré la neige et le froid, jusqu’à ce que l’interprète eût achevé la traduction.
Rien que d’avoir pu voir de loin le « saint » était une consolation pour le peuple simple et croyant. Il n’était pas rare de voir les auditeurs grimper aux arbres du voisinage et s’asseoir sur les branches. Souvent, les branches rompaient sous le poids. Cependant, on n’a jamais entendu dire qu’il y avait eu des accidents.
[1] Deut. XXXII, 7.
[2] Psalm. LXXVII, 5.
[3] Psalm. XLIII, 5.
[4] Psalm. XIX, 8.
[5] Psalm. CX, 9.
[6] Judic. VII.
[7] Psalm. XLIII, 4.
[8] Matth. XVII, 5.
[9] Judic. VI.
[10] Ibid. 15.
[11] Deut. VIII, 11-14.