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25/03 Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Une des plus anciennes fêtes de la Ste Vierge à Rome depuis le VIIe siècle. Même si aux débuts, l’appellation était celle d’Annonciation du Seigneur, très vite elle devint Annonciation de Sainte Marie.

Double au Moyen Âge, elle devint double de IIème classe lors de la réforme tridentine et de Ière classe sous Léon XIII en 1893.

En Orient, la fête est toujours célébrée le 25 mars, même si ce jour tombe durant le triduum pascal. A Rome, dès le XIIe siècle, l’usage de transférer l’Annonciation au lundi après le Dimanche de Quasimodo, s’établit quand cette occurrence se réalisait. De nos jours, la fête est transférée si elle tombe durant la Semaine Sainte ou l’Octave pascale.

Textes de la Messe

die 25 martii
le 25 mars
IN ANNUNTIATIONE B. M. V.
ANNONCIATION de la Bse VIERGE MARIE
I classis (ante CR 1960 : duplex I classis)
Ière classe (avant 1960 : double de Ière classe)
Ant. ad Introitum. Ps. 44,13,15 et 16.Introït
Vultum tuum deprecabúntur omnes dívites plebis : adducéntur Regi Vírgines post eam : próximæ eius adducéntur tibi in lætítia et exsultatióne. (T.P. Allelúia, allelúia.)Tous les riches d’entre le peuple vous offriront leurs humbles prières. Des Vierges seront amenées au roi après vous, vos compagnes seront présentées au milieu de la joie et de l’allégresse. (T.P. Alléluia, alléluia.)
Ps. Ibid., 2.
Eructávit cor meum verbum bonum : dico ego ópera mea Regi.De mon cœur a jailli une excellente parole ; c’est que j’adresse mes œuvres à un roi.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui de beátæ Maríæ Vírginis útero Verbum tuum, Angelo nuntiánte, carnem suscípere voluísti : præsta supplícibus tuis ; ut, qui vere eam Genetrícem Dei crédimus, eius apud te intercessiónibus adiuvémur. Per eúndem Dóminum.O Dieu, qui avez voulu que votre Verbe prît un corps humain à la parole de l’Ange dans le sein de la bienheureuse Vierge Marie ; accordez à ceux qui vous en supplient que, nous qui la croyons véritablement Mère de Dieu, nous soyons secourus auprès de vous grâce à son intercession.
Deinde, tempore quadragesimali, fit commemoratio feriæ.Ensuite en carême, on fait mémoire de la férie.
Léctio Isaíæ Prophétæ.Lecture du Prophète Isaïe.
Is. 7, 10-15.
In diébus illis : Locútus est i Dóminus ad Achaz, dicens : Pete tibi signum a Dómino, Deo tuo, in profúndum inférni, sive in excélsum supra. Et dixit Achaz : Non petam et non tentábo Dóminum. Et dixit : Audíte ergo, domus David : Numquid parum vobis est, moléstos esse homínibus, quia molesti estis et Deo meo ? Propter hoc dabit Dóminus ipse vobis signum. Ecce, Virgo concípiet et páriet fílium, et vocábitur nomen eius Emmánuel. Butýrum et mel cómedet, ut sciat reprobare malum et elígere bonum.En ces jours-là : Le Seigneur parla à Achaz et lui dit : Demande pour toi un signe au Seigneur ton Dieu, soit au fond de la terre, soit au plus haut du ciel. Et Achaz lui répondit : Je ne demanderai rien, et je ne tenterai pas le Seigneur. Et Isaïe dit : Écoutez donc, maison de David. Ne vous suffit-il pas de lasser la patience des hommes, que vous lassiez encore celle de mon Dieu ? C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Une vierge concevra,et elle enfantera un fils, auquel on donnera le nom d’Emmanuel. Il mangera du beurre et du miel, en sorte qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien.
Graduale. Ps. 44, 3 et 5.Graduel
Diffúsa est grátia in labiis tuis : proptérea benedíxit te Deus in ætérnum.La grâce est répandue sur vos lèvres ; c’est pourquoi Dieu vous a bénie à jamais et pour tous les siècles.
V/. Propter veritátem et mansuetúdinem et iustítiam : et de ducet te mirabíliter déxtera tua.V/. Pour la vérité, la douceur et la justice ; et votre droite voua conduira merveilleusement.
Tractus. Ps. 44, 11 et 12.Trait
Audi, fília, et vide, et inclína aurem tuam : quia concupívit Rex spéciem tuam.Écoutez, ma fille, et prêtez l’oreille, car le roi s’est épris de votre beauté.
V/. Ibid. 13 et 10. Vultum tuum deprecabúntur omnes dívites plebis : fíliæ regum in honóre tuo.V/. Tous les riches d’entre le peuple vous offriront leurs humbles prières.
V/. Ibid., 15 et 16. Adducéntur Regi Vírgines post eam : próximæ eius afferéntur tibi.V/. Des vierges seront amenées au roi après vous ; vos compagnes seront présentées au roi.
V/. Afferéntur in lætítia et exsultatióne : adducántur in templum Regis.V/. Elles seront présentées au milieu de la joie et de l’allégresse ; elles seront conduites au temple du roi.
Tempore paschali omissis graduale et Tractu dicitur :Pendant le temps pascal, on omet le graduel et le trait, et à la place on dit :
Allelúia, allelúia. V/. Luc. 1, 28. Ave, María, grátia plena ; Dóminus tecum : benedícta tu in muliéribus.Allelúia, allelúia. V/. Je vous salue, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous : vous êtes bénie entre toutes les femmes.
Allelúia. V/. Num. 17, 8. Virga Iesse flóruit : Virgo Deum et hóminem génuit : pacem Deus réddidit, in se reconcílians ima summis. Alléluia.Allelúia. V/. La verge de Jessé a fleuri ; la Vierge a mis au monde l’Homme-Dieu : Dieu a rendu la paix, en réconciliant en sa personne notre bassesse avec sa suprême grandeur. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 1, 26-38.
In illo témpore : Missus est Angelus Gábriël a Deo in civitátem Galilǽæ, cui nomen Názareth, ad Vírginem desponsátam viro, cui nomen erat Ioseph, de domo David, et nomen Vírginis María. Et ingréssus Angelus ad eam, dixit : Ave, grátia plena ; Dóminus tecum : benedícta tu in muliéribus. Quæ cum audísset, turbáta est in sermóne eius : et cogitábat, qualis esset ista salutátio. Et ait Angelus ei : Ne tímeas, María, invenísti enim grátiam apud Deum : ecce, concípies in útero et páries fílium, et vocábis nomen eius Iesum. Hic erit magnus, et Fílius Altíssimi vocábitur, et dabit illi Dóminus Deus sedem David, patris eius : et regnábit in domo Iacob in ætérnum, et regni eius non erit finis. Dixit autem María ad Angelum : Quómodo fiet istud, quóniam virum non cognósco ? Et respóndens Angelus, dixit ei : Spíritus Sanctus supervéniet in te, et virtus Altíssimi obumbrábit tibi. Ideóque et quod nascétur ex te Sanctum, vocábitur Fílius Dei. Et ecce, Elísabeth, cognáta tua, et ipsa concépit fílium in senectúte sua : et hic mensis sextus est illi, quæ vocátur stérilis : quia non erit impossíbile apud Deum omne verbum. Dixit autem María : Ecce ancílla Dómini, fiat mihi secúndum verbum tuum.En ce temps-là, l’Ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d’une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph ; et le nom de la vierge était Marie. L’ange, étant entré auprès d’elle, lui dit : Je vous salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes. Elle, l’ayant entendu, fut troublée de ses paroles, et elle se demandait quelle pouvait être cette salutation. Et l’ange lui dit : Ne craignez point, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. Voici que vous concevrez dans votre sein, et vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé le Fils du Très-Haut ; et le Seigneur Dieu 1ui donnera le trône de David son père, et il régnera éternellement sur la maison de Jacob ; et son règne n’aura pas de fin. Alors Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il ? Car je ne connais point d’homme. L’ange lui répondit : L’Esprit-Saint surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; c’est pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. Et voici qu’Elisabeth, votre parente, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et ce mois est le sixième de celle qui est appelée stérile ; car il n’y a rien d’impossible à Dieu. Et Marie dit : Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole.
CredoCredo
Ant. ad Offertorium. Luc. 1, 28 et 42.Offertoire
Ave, María, grátia plena ; Dóminus tecum : benedícta tu in muliéribus, et benedíctus fructus ventris tui. (T.P. Allelúia.) Je vous salue, Marie, pleine de grâce : le Seigneur est avec vous : vous êtes bénie entre les femmes, et le fruit de votre sein est béni. (T.P. Alléluia.)
SecretaSecrète
In méntibus nostris, quǽsumus, Dómine, veræ fídei sacraménta confírma : ut, qui concéptum de Vírgine Deum verum et hóminem confitémur ; per eius salutíferæ resurrectiónis poténtiam, ad ætérnam mereámur perveníre lætítiam. Per eúndem Dóminum nostrum.Affermissez en nos âmes, Seigneur, la foi à la vérité de vos mystères, afin que nous qui reconnaissons qu’un Homme-Dieu véritable a été conçu d’une Vierge, nous méritions, par la vertu de sa résurrection salutaire, de parvenir à l’éternelle félicité.
Deinde, tempore quadragesimali, fit commemoratio feriæ.Ensuite en carême, on fait mémoire de la férie.
Præfatio de B. Maria Virg. Et te in Annuntiatióne. Préface de la bienheureuse Vierge Marie Et en l’Annonciation.
Ant. ad Communionem. Is. 7, 14.Communion
Ecce, Virgo concípiet et páriet fílium : et vocábitur nomen eius Emmánuel. (T.P. Allelúia.)Une vierge concevra et elle enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel. (T.P. Alléluia.)
PostcommunioPostcommunion
Grátiam tuam, quǽsumus, Dómine, méntibus nostris infúnde : ut, qui, Angelo nuntiánte, Christi, Fílii tui, incarnatiónem cognóvimus ; per passiónem eius et crucem, ad resurrectiónis glóriam perducámur. Per eúndem Dóminum.Répandez, s’il vous plaît, Seigneur, votre grâce dans nos âmes, afin que nous, qui avons connu l’incarnation du Christ, votre Fils, qui s’est accomplie à la suite d’un message angélique, nous arrivions, par sa passion et sa croix, à la gloire de la résurrection.
Deinde, tempore quadragesimali, fit commemoratio feriæ.Ensuite en carême, on fait mémoire de la férie.

Office

AUX PREMIÈRES VÊPRES.

Les Antiennes, le Capitule, le V/. de Laudes. Le reste au commun.

Ant.au Magnificat L’Esprit-Saint * descendra en vous, Marie, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre.

A MATINES. avant 1960

Invitatoire. Je vous salue, Marie, pleine de grâce : * Le Seigneur est avec vous.

Hymnus Hymne
Quem terra, pontus, sídera
Colunt, adórant, prædicant,
Trinam regéntem máchinam,
Claustrum Maríæ báiulat.
Celui que la terre, la mer, et les cieux
vénèrent, adorent et annoncent ;
Celui qui régit ce triple monde,
Marie le porte caché dans son sein.
Cui luna, sol et ómnia
Desérviunt per témpora,
Perfúsa cæli grátia,
Gestant puéllæ víscera.
Celui à qui la lune, le soleil et toutes les choses
obéissent constamment,
est porté par les entrailles d’une jeune vierge,
toute pénétrée de la grâce céleste.
Beáta Mater múnere,
Cuius, supérnus Artifex
Mundum pugíllo cóntinens,
Ventris sub arca clausus est.
Bienheureuse mère !
dont le sein virginal par un prodige de grâce,
renferme l’Artisan suprême
qui tient le monde dans sa main.
Beáta cæli núntio,
Fœcúnda Sancto Spíritu,
Desiderátus géntibus
Cuius per alvum fusus est.
Bienheureuse ! À la parole d’un messager du ciel,
elle est rendue féconde par le Saint-Esprit,
et son sein donne au monde
le désiré des nations.
Iesu tibi sit glória,
Qui natus es de Vírgine,
Cum Patre, et almo Spíritu,
In sempitérna sǽcula. Amen.
O Jésus, gloire à vous
qui êtes né de la Vierge,
ainsi qu’au Père et à l’Esprit-Saint
dans les siècles éternels. Amen.

Au premier nocturne. Ant. 1 Vous êtes bénie * entre les femmes et le fruit de votre sein est béni.
Ant. 2 Comme une myrrhe * de choix vous avez exalé un parfum suave, ô sainte Mère de Dieu.
Ant. 3 Devant le trône * de cette Vierge, chantez-nous souvent de doux cantiques qui nous rappellent ses saintes actions.

V/. Dans votre gloire et votre beauté.
R/. Avancez heureusement, avancez et régnez.

Du Prophète Isaïe.. Cap. 7, 10-15 ; 11, 1-5 ; 35, 1-7.

Première leçon. Le Seigneur parla encore à Achaz, disant : Demande pour toi un miracle au Seigneur ton Dieu, au fond de l’enfer, ou au plus haut des cieux. Et Achaz dit : Je n’en demanderai pas et je ne tenterai pas le Seigneur. Et (le prophète) dit : Écoutez donc, maison de David : Est-ce peu pour vous d’être fâcheux aux hommes, puisque vous êtes fâcheux même à mon Dieu ? A cause de cela, le Seigneur lui-même vous donnera un signe. Voilà que la Vierge concevra et enfantera un fils, et son nom sera appelé Emmanuel. Il mangera du beurre et du miel, en sorte qu’il sache réprouver le mal et choisir le bien.
R/. L’Ange Gabriel fut envoyé à Marie, vierge qu’avait épousée Joseph, lui portant un message, et la Vierge fut effrayée de la lumière. Ne craignez point, Marie ; vous avez trouvé grâce devant le Seigneur [1] : * Voilà que vous concevrez et que vous enfanterez, et il sera appelé le Fils du Très-Haut. V/. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; et il régnera éternellement sur la maison de Jacob. * Voilà.

Deuxième leçon. Et il sortira un rejeton de la racine de Jessé, et une fleur s’élèvera de sa racine, et l’esprit du Seigneur reposera sur lui ; l’esprit de sagesse et d’intelligence, l’esprit de conseil et de force, l’esprit de science et de piété. L’esprit de crainte du Seigneur le remplira. Il ne jugera pas d’après" ce qu’auront vu les yeux, et il ne condamnera pas d’après ce qu’auront ouï les oreilles. Mais il jugera les pauvres dans la justice ; et il se prononcera avec équité pour les paisibles de la terre ; et il frappera la terre de la verge de sa bouche, et du souffle de ses .lèvres, il tuera l’impie Et la justice sera la ceinture de ses reins, et la fidélité le ceinturon de ses flancs.
R/. Je vous salue, Marie, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous : * L’Esprit-Saint surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; c’est pourquoi la chose sainte qui naîtra de vous sera appelée le Fils de Dieu. V/. Comment cela se fera-t-il ? Car je ne connais point d’homme. Et l’Ange répondant, lui dit. * L’Esprit-Saint.

Troisième leçon. Elle se réjouira, la terre déserte et sans chemin, et elle exultera, la solitude, et fleurira comme le lis. Germant, elle germera, et elle exultera toute joyeuse et chantant des louanges ; la gloire du Liban lui a été donnée, la beauté du Carmel et de Saron ; eux-mêmes verront la gloire du Seigneur, et la majesté de notre Dieu. Fortifiez les mains languissantes, et affermissez les genoux débiles, Dites aux pusillanimes : Prenez courage, et ne craignez point ; car voici que votre Dieu amènera la vengeance de rétribution ; Dieu lui-même viendra, et il vous sauvera. Alors les yeux des aveugles s’ouvriront, et les oreilles des sourds entendront. Alors le boiteux bondira comme le cerf, et la langue des muets sera déliée ; parce que des eaux se sont répandues dans le désert, et des torrents dans la solitude. Et (la terre) qui était aride sera comme un étang, et celle qui avait soif, comme des fontaines d’eaux.
R/. Recevez, Vierge Marie, la parole du Seigneur, qui vous est transmise par un Ange : vous concevrez et enfanterez Dieu et homme tout ensemble : * Et ainsi vous serez appelée bénie entre toutes les femmes. V/. Vous enfanterez vraiment un fils, et votre virginité n’en souffrira point de détriment : vous concevrez, et vous serez mère toujours sans tache. * Et. Gloire au Père. * Et.

Au deuxième nocturne.

Ant. 1 Dans votre dignité * et votre beauté, avancez, avancez avec succès et régnez.
Ant. 2 Dieu la protège * de son regard : Dieu est au milieu d’elle, elle ne sera pas ébranlée.
Ant. 3 Comme celui de tous ceux qui possèdent la vraie joie *, notre refuge est en vous, sainte Mère de Dieu.

V/. Dieu la protège de son regard.
R/. Dieu est au milieu d’elle, elle ne sera pas ébranlée.

Sermon de saint Léon, Pape.

Quatrième leçon. Dès que la méchanceté du démon nous eut empoisonnés du venin mortel de son envie, le Dieu tout-puissant et clément, dont la nature est bonté, la volonté, puissance, et l’action, miséricorde, indiqua d’avance le remède que sa pitié destinait à guérir les humains ; et cela, dans les premiers temps du monde, quand il déclara au serpent que de la femme naîtrait quelqu’un d’assez fort pour écraser sa tète pleine d’orgueil et de malice : il annonçait par laque le Christ viendrait en notre chair, à la fois Dieu et homme, et que, né d’une vierge, sa naissance condamnerait celui par qui la race humaine avait été souillée.
R/. Voici, dit le Seigneur, que la Vierge concevra et enfantera un fils : * Et son nom sera appelé Admirable, Dieu, Fort. V/. Il s’assiéra sur le trône de David, et sur son royaume, régnera pour l’éternité. * Et.

Cinquième leçon. Après avoir trompé l’homme par sa fourberie, le démon se réjouissait de le voir privé des dons célestes, dépouillé du privilège de l’immortalité, et soumis à un terrible arrêt de mort ; il se réjouissait d’avoir trouvé quelque consolation dans ses maux par la compagnie du prévaricateur, et d’avoir été cause que Dieu, ayant créé l’homme dans un état si honorable, avait changé ses dispositions à son égard, pour obéir aux exigences d’une juste sévérité. Il a donc fallu, bien-aimés frères, la merveilleuse économie d’un profond dessein, pour qu’un Dieu immuable et dont la volonté ne peut cesser d’être bonne, accomplît, au moyen d’un mystère plus caché, les premières vues de son amour, et pour que l’homme, entraîné au mal par l’astuce et la méchanceté du démon, rie vînt pas à périr, contrairement au but que Dieu s’était proposé.
R/. Il sortira un rejeton de la racine de Jessé, et une fleur s’élèvera de sa racine : * Et la justice sera la ceinture de ses reins, et la fidélité le ceinturon de ses flancs. V/. Et l’esprit du Seigneur reposera sur lui, l’esprit de sagesse et d’intelligence, l’esprit de conseil et de force. * Et.

Sixième leçon. Lors donc, bien-aimés frères, qu’arrivent les temps, marqués d’avance pour la rédemption des hommes, notre Seigneur Jésus-Christ descend du ciel et vient ici-bas, sans quitter la gloire de son Père : c’est un prodige nouveau que sa génération, un prodige nouveau que sa nativité. Prodige nouveau : lui qui est invisible de sa nature, il s’est rendu visible dans la nôtre ; lui qui est immense et insaisissable, il a voulu être saisi et limité ; lui qui subsiste ayant les siècles, il a commencé d’être au cours des siècles ; lui, souverain maître de l’univers, il a voilé l’éclat de sa majesté et revêtu la forme d’un esclave ; lui, Dieu impassible et immortel, il n’a point dédaigné de se faire homme passible, de s’assujettir aux lois de la mortalité !
R/. Sainte et immaculée virginité, je ne sais par quelles louanges vous exalter : * Car vous avez porté dans votre sein celui que les cieux ne peuvent contenir. V/. Vous êtes bénie entre les femmes, et le fruit de votre sein est béni. * Car. Gloire au Père. * Car.

Au troisième nocturne.

Ant. 1 Réjouissez-vous, Vierge Marie *, vous seule avez détruit toutes les hérésies dans le monde entier. [2]
Ant. 2 Rendez-moi digne * de vous louer, ô Vierge sainte ; donnez-moi de la force contre vos ennemis.
Ant. 3 L’Ange du Seigneur, * annonça à Marie et elle conçut de l’Esprit-Saint.

V/. Dieu l’a élue et choisie avec prédilection.
R/. Il l’a fait habiter dans son tabernacle. Lecture du saint Évangile selon saint Luc. Cap. 1, 26-38.
En ce temps-là : l’Ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d’une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph ; et le nom de la vierge était Marie. Et le reste.

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

Septième leçon. A la vérité, les secrets et les mystères de Dieu sont cachés, et, selon la parole d’un Prophète, il n’est pas facile aux hommes de pénétrer ses desseins ; cependant, par les autres actions et instructions du Sauveur, nous pouvons comprendre que ce n’est pas sans un dessein particulier que celle-là a été choisie pour enfanter le Seigneur, qui était l’épouse d’un homme. Mais pourquoi n’a-t-elle pas été mère avant d’être épousée ? De crainte, peut-être, qu’on ne l’accusât d’adultère.
R/. Vous tous qui aimez le Seigneur, réjouissez-vous avec moi, parce que, comme j’étais petite, j’ai plu au Très-Haut : * Et de mes entrailles j’ai enfanté le Dieu-Homme. V/. Toutes les générations me diront bienheureuse, parce que Dieu a regardé son humble servante. * Et.

Huitième leçon. Or l’Ange vint vers elle. Reconnaissez la Vierge à ses actes, reconnaissez la Vierge à sa modestie ; apprenez à la connaître par l’oracle qui lui est annoncé, par le mystère qui s’opère en elle. C’est le propre des vierges de trembler, de s’effrayer à l’approche d’un homme, et de craindre tous ses discours. Que les femmes apprennent à imiter cet exemple de modestie. Marie vit seule dans sa maison, se dérobant aux regards des hommes ; un Ange seul trouve accès auprès d’elle. Elle est seule, sans compagnie ; seule, sans témoin, de crainte d’être corrompue par un entretien profane, et l’Ange la salue.
R/. Réjouissez-vous, Vierge Marie, qui avez cru aux paroles de l’’Archange Gabriel, vous seule avez détruit toutes les hérésies : * En enfantant, vierge, un Dieu-Homme, et en restant vierge sans tache après l’enfantement. V/. Vous êtes bienheureuse, vous qui avez cru, car les choses qui vous ont été dites par le Seigneur se sont accomplies. * En. Gloire au Père. * En.

Neuvième leçon. Ce n’était pas la bouche d’un homme, mais celle d’un Ange, qui devait exposer le mystère d’un tel message. Aujourd’hui pour la première fois l’on entend : « L’Esprit Saint surviendra en vous ». On entend et on croit. « Voici, dit Marie, la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole ». Voyez son humilité, voyez son dévouement. Elle se dit la servante du Seigneur, elle qui est choisie pour sa mère ; et elle ne s’enorgueillit pas de cette promesse inattendue.

A LAUDES.

Ant. 1 Ill fut envoyé,* l’Ange Gabriel, à la Vierge Marie, qu’avait épousée Joseph.
Ant. 2 Je vous salue, Marie, * pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre les femmes.
Ant. 3 Ne craignez point, Marie ; * vous avez trouvé grâce devant le Seigneur ; voilà que vous concevrez et enfanterez un fils.
Ant. 4 Le Seigneur lui donnera * le trône de David, son père ; et il régnera éternellement.
Ant. 5 Voici la servante du Seigneur, * qu’il me soit fait selon votre parole.
Capitule. Is. 7, 14-15.Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils, et son nom sera appelé Emmanuel. Il mangera du beurre et du miel, en sorte qu’il sache réprouver le mal et choisir le bien.

HymnusHymne
O gloriósa vírginum,
Sublímis inter sídera,
Qui te creávit, párvulum
Lacténte nutris úbere.
O la plus glorieuse des vierges,
élevée au-dessus des astres ;
vous nourrissez du lait de votre sein
Celui qui vous a créée, devenu petit enfant.
Quod Heva tristis ábstulit,
Tu reddis almo gérmine :
Intrent ut astra flébiles,
Cæli reclúdis cárdines.
Vous nous rendez par votre auguste Fils,
ce dont Ève nous avait malheureusement privés :
vous ouvrez les portes du ciel
pour y faire entrer ceux qui pleurent.
Tu Regis alti iánua
Et aula lucis fúlgida :
Vitam datam per Vírginem,
Gentes redémptæ, pláudite.
Vous êtes la porte du grand Roi,
et sa cour, éclatante de lumière.
Nations rachetées, célébrez toutes la vie
qui nous est donnée par cette Vierge.
Iesu tibi sit glória,
Qui natus es de Vírgine,
Cum Patre, et almo Spíritu,
In sempitérna sǽcula. Amen.
Gloire à vous, Ô Jésus,
qui êtes né de la vierge,
ainsi qu’au Père et à l’Esprit-Saint,
dans les siècles éternels. Amen.

V/. Je vous salue, Marie, pleine de grâce.
R/. Le Seigneur est avec vous.

Ant. au Bénédictus Comment cela se fera-t-il, * Ange de Dieu ? Car je ne connais point d’homme. — Écoutez, Vierge Marie : l’Esprit-Saint surviendra en vous et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre.

AUX DEUXIÈMES VÊPRES.

Les Antiennes, le Capitule, le V/. de Laudes.

HymnusHymne
Ave, maris stella,
Dei Mater alma,
Atque semper Virgo,
Felix cæli porta.
Salut, astre des mers,
Mère de Dieu féconde,
Salut, ô toujours Vierge,
Porte heureuse du ciel !
Sumens illud Ave
Gabriélis ore,
Funda nos in pace,
Mutans Hevæ nomen.
Vous qui de Gabriel
Avez reçu l’Ave,
Fondez-nous dans la paix,
Changeant le nom d’Eva.
Solve vincla reis,
Profer lumen cæcis,
Mala nostra pelle,
Bona cuncta posce.
Délivrez les captifs,
Éclairez les aveugles,
Chassez loin tous nos maux,
Demandez tous les biens.
Monstra te esse matrem,
Sumat per te preces,
Qui pro nobis natus
Tulit esse tuus.
Montrez en vous la Mère,
Vous-même offrez nos vœux
Au Dieu qui, né pour nous,
Voulut naître de vous.
Virgo singuláris,
Inter omnes mitis,
Nos, culpis solútos,
Mites fac et castos.
O Vierge incomparable,
Vierge douce entre toutes !
Affranchis du péché,
Rendez-nous doux et chastes
Vitam præsta puram,
Iter para tutum,
Ut, vidéntes Iesum,
Semper collætémur.
Donnez vie innocente,
Et sûr pèlerinage,
Pour qu’un jour soit Jésus
Notre liesse à tous.
Sit laus Deo Patri,
Summo Christo decus,
Spirítui Sancto,
Tribus honor unus.
Amen.
Louange à Dieu le Père,
Gloire au Christ souverain ;
Louange au Saint-Esprit ;
Aux trois un seul hommage.
Amen.

Ant. au Magnificat L’Ange Gabriel * parla à Marie, disant : Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Cette journée est grande dans les annales de l’humanité ; elle est grande aux yeux même de Dieu : car elle est l’anniversaire du plus solennel événement qui se soit accompli dans le temps. Aujourd’hui, le Verbe divin, par lequel le Père a créé le monde, s’est fait chair au sein d’une Vierge, et il a habité parmi nous [3]. Suspendons en ce jour nos saintes tristesses ; et en adorant les grandeurs du Fils de Dieu qui s’abaisse, rendons grâces au Père qui a aimé le monde jusqu’à lui donner son Fils unique [4], et au Saint-Esprit dont la vertu toute-puissante opère un si profond mystère Au sein même de l’austère Quarantaine, voici que nous préludons aux joies ineffables de la fête de Noël ; encore neuf mois, et notre Emmanuel conçu en ce jour naîtra dans Bethléhem, et les concerts des Anges nous convieront à venir saluer sa naissance fortunée.

Dans la semaine de la Septuagésime, nous avons contemplé avec terreur la chute de nos premiers parents ; nous avons entendu la voix de Dieu dénonçant la triple sentence, contre le serpent, contre la femme, et enfin contre l’homme. Nos cœurs ont été glacés d’effroi au bruit de cette malédiction dont les effets sont arrives sur nous, et doivent se taire sentir jusqu’au dernier jour du monde. Cependant, une espérance s’est fait jour dans notre âme ; du milieu des anathèmes, une promesse divine a brillé [5] tout à coup comme une lueur de salut. Notre oreille a entendu le Seigneur irrite dire au serpent infernal qu’un jour sa tête altière serait brisée, et que le pied d’une femme lui porterait ce coup terrible.

Le moment est venu où le Seigneur va remplir l’antique promesse. Durant quatre mille ans, le monde en attendit l’effet ; malgré ses ténèbres et ses crimes, cette espérance ne s’éteignit pas dans son sein. Dans le cours des siècles, la divine miséricorde a multiplié les miracles, les prophéties, les figures, pour rappeler l’engagement qu’elle daigna prendre avec l’homme. Le sang du Messie a passé d’Adam à Noé ; de Sem à Abraham, Isaac et Jacob ; de David et Salomon à Joachim ; il coule maintenant dans les veines de Marie, tille de Joachim. Marie est cette femme par qui doit être levée la malédiction qui pèse sur notre race. Le Seigneur, en la décrétant immaculée, a constitué une irréconciliable inimitié entre elle et le serpent ; et c’est aujourd’hui que cette tille d’Ève va réparer la chute de sa mère, relever son sexe de l’abaissement dans lequel il était plongé, et coopérer directement et efficacement à la victoire que le Fils de Dieu vient remporter en personne sur l’ennemi de sa gloire et du genre humain.

La tradition apostolique a signalé à la sainte Église le vingt-cinq mars, comme le jour qui vit s’accomplir l’auguste mystère. Ce fut à l’heure de minuit que la très pure Marie, seule, et dans le recueillement de la prière, vit apparaître devant elle le radieux Archange descendu du ciel pour venir recevoir son consentement, au nom de la glorieuse Trinité. Assistons à l’entrevue de l’Ange et de la Vierge, et reportons en même temps notre pensée aux premiers jours du monde. Un saint Évêque martyr du IIe siècle, fidèle écho de l’enseignement des Apôtres, saint Irénée, nous a appris à rapprocher cette grande scène de celle qui eut lieu sous les ombrages d’Éden [6].

Dans le jardin des délices, c’est une vierge qui se trouve en présence d’un ange, et un colloque s’établit entre l’ange et la vierge. A Nazareth, une vierge est aussi interpellée par un ange, et un dialogue s’établit entre eux ; mais l’ange du Paradis terrestre est un esprit de ténèbres, et celui de Nazareth est un esprit de lumière Dans les deux rencontres, c’est l’ange qui prend le premier la parole. « Pourquoi, dit l’esprit maudit à la première femme, pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres de ce jardin ? » On sent déjà dans cette demande impatiente la provocation au mal, le mépris, la haine envers la faible créature dans laquelle Satan poursuit l’image de Dieu.

Voyez au contraire l’ange de lumière avec quelle douceur, quelle paix, il approche de la nouvelle Ève ! Avec quel respect il s’incline devant cette fille des hommes ! « Salut, ô pleine de grâce ! Le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre les femmes » Qui ne reconnaît l’accent céleste dans ces paroles où tout respire la dignité et la paix ! Mais continuons de suivre le mystérieux parallèle.

La femme d’Éden, dans son imprudence, écoute la voix du séducteur ; elle s’empresse de répondre. Sa curiosité l’engage dans une conversation avec celui qui l’invite à scruter les décrets de Dieu. Elle n’a pas de défiance à l’égard du serpent qui lui parle, tout à l’heure, elle se défiera de Dieu même.

Marie a entendu les paroles de Gabriel ; mais cette Vierge très prudente, comme parle l’Église, demeure dans le silence. Elle se demande d’où peuvent venir ces éloges dont elle est l’objet. La plus pure, la plus humble des vierges craint la flatterie ; et l’envoyé céleste n’obtiendra pas d’elle une parole qu’il n’ait éclairci sa mission par la suite de son discours. « Ne craignez pas, ô Marie, dit-il à la nouvelle Ève : car vous avez trouvé grâce devant le Seigneur. Voici que vous concevrez et enfanterez un fils, et vous l’appellerez Jésus. Il sera grand, et il sera appelé le Fils du Très-Haut ; et le Seigneur lui donnera le trône de David son père ; il régnera sur la maison de Jacob à jamais, et son règne n’aura pas de fin. »

Quelles magnifiques promesses descendues du ciel, de la part de Dieu ! Quel objet plus digne de la noble ambition d’une fille de Juda, qui sait de quelle gloire doit être entourée l’heureuse mère du Messie ? Cependant, Marie n’est pas tentée par tant d’honneur. Elle a pour jamais consacré sa virginité au Seigneur, afin de lui être plus étroitement unie par l’amour ; la destinée la plus glorieuse qu’elle ne pourrait obtenir qu’en violant ce pacte sacré, ne saurait émouvoir son âme. « Comment cela pourrait-il se faire, répond-elle à l’Ange, puisque je ne connais pas d’homme ? »

La première Ève ne montre pas ce calme, ce désintéressement. A peine l’ange pervers lui a-t-il assuré qu’elle peut violer, sans crainte de mourir, le commandement de son divin bienfaiteur, que le prix de sa désobéissance sera d’entrer par la science en participation de la divinité même : tout aussitôt, elle est subjuguée. L’amour d’elle-même lui a fait oublier en un instant le devoir et la reconnaissance ; elle est heureuse de se voir affranchie au plus tôt de ce double lien qui lui pèse.

Telle se montre cette femme qui nous a perdus ; mais combien différente nous apparaît cette autre femme qui devait nous sauver ! La première, cruelle à sa postérité, se préoccupe uniquement d’elle-même ; la seconde s’oublie, pour ne songer qu’aux droits de Dieu sur elle. L’Ange, ravi de cette sublime fidélité, achève de lui dévoiler le plan divin « L’Esprit-Saint, lui dit-il, surviendra en vous ; la Vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; et c’est pour cela que ce qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. Élisabeth votre cousine a conçu un fils, malgré sa vieillesse ; celle qui fut stérile est arrivée déjà à son sixième mois : car rien n’est impossible à Dieu. » L’Ange arrête ici son discours, et il attend dans le silence la résolution de la vierge de Nazareth.

Reportons nos regards sur la vierge d’Éden. A peine l’esprit infernal a-t-il cessé de parler, qu’elle jette un œil de convoitise sur le fruit défendu ; elle aspire à l’indépendance dont ce fruit si délectable va la mettre en possession. Sa main désobéissante s’avance pour le cueillir ; elle le saisit, elle le porte avidement à sa bouche, et au même instant la mort prend possession d’elle : mort de l’âme par le péché qui éteint la lumière de vie ; mort du corps qui séparé du principe d’immortalité, devient désormais un objet de honte et de confusion, en attendant qu’il tombe en poussière.

Mais détournons nos yeux de ce triste spectacle, et revenons a Nazareth. Marie a recueilli les dernières paroles de l’Ange ; la volonté du ciel est manifeste pour elle. Cette volonté lui est glorieuse et fortunée : elle l’assure que l’ineffable bonheur de se sentir Mère d’un Dieu lui est réservé, à elle humble fille de l’homme, et que la fleur de virginité lui sera conservée. En présence de cette volonté souveraine, Marie s’incline dans une parfaite obéissance, et dit au céleste envoyé : « Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole ».

Ainsi, selon la remarque de notre grand saint Irénée, répétée par toute la tradition chrétienne, l’obéissance de la seconde femme répare la désobéissance de la première ; car la Vierge de Nazareth n’a pas plus tôt dit : Qu’il me soit fait, Fiat, que le Fils éternel de Dieu qui, selon le décret divin, attendait cette parole, se rend présent, par l’opération de l’Esprit-Saint, dans le chaste sein de Marie, et vient y commencer une vie humaine. Une Vierge devient Mère, et la Mère d’un Dieu ; et c’est l’acquiescement de cette Vierge à la souveraine volonté qui la rend féconde, par l’ineffable vertu de l’Esprit-Saint. Mystère sublime qui établit des relations de fils et de mère entre le Verbe éternel et une simple femme ; qui fournit au Tout-Puissant un moyen digne de lui d’assurer son triomphe contre L’esprit infernal, dont l’audace et la perfidie semblaient avoir prévalu jusqu’alors contre le plan divin !

Jamais défaite ne fut plus humiliante et plus complète que celle de Satan, en ce jour Le pied de la femme, de cette humble créature qui lui offrit une victoire si facile, ce pied vainqueur, il le sent maintenant peser de tout son poids sur sa tête orgueilleuse qui en est brisée. Ève se relève dans son heureuse fille pour écraser le serpent. Dieu n’a pas choisi l’homme pour cette vengeance : l’humiliation de Satan n’eût pas été assez profonde. C’est la première proie de l’enfer, sa victime la plus faible, la plus désarmée, que le Seigneur dirige contre cet ennemi. Pour prix d’un si haut triomphe, une femme dominera désormais non seulement sur les anges rebelles, mais sur toute la race humaine ; bien plus, sur toutes les hiérarchies des Esprits célestes. Du haut de son trône sublime, Marie Mère de Dieu plane au-dessus de toute la création. Au fond des abîmes infernaux Satan rugira d’un désespoir éternel, en songeant au malheur qu’il eut de diriger ses premières attaques contre un être fragile et crédule que Dieu a si magnifiquement vengé ; et dans les hauteurs du ciel, les Chérubins et les Séraphins lèveront timidement leurs regards éblouis vers Marie, ambitionneront son sourire, et se feront gloire d’exécuter les moindres désirs de cette femme, la Mère du grand Dieu et la sœur des hommes.

C’est pourquoi nous, enfants de la race humaine, arrachés à la dent du serpent infernal par l’obéissance de Marie, nous saluons aujourd’hui l’aurore de notre délivrance. Empruntant les paroles du cantique de Debbora, où cette femme, type de Marie victorieuse, chante son triomphe sur les ennemis du peuple saint, nous disons : « La race des forts avait disparu d’Israël, jusqu’au jour où s’éleva Debbora, où parut celle qui est la mère dans Israël. Le Seigneur a inauguré un nouveau genre de combat ; il a forcé les portes de son ennemi [7]. » Prêtons l’oreille, et entendons encore, à travers les siècles, cette autre femme victorieuse, Judith. Elle chante à son tour : « Célébrez le Seigneur notre Dieu, qui n’abandonne pas ceux qui espèrent en lui. C’est en moi, sa servante, qu’il a accompli la miséricorde promise à la maison d’Israël ; c’est par ma main qu’il a immolé, cette nuit même, l’ennemi de son peuple. Le Seigneur tout-puissant a frappé cet ennemi ; il l’a livré aux mains d’une femme, et il l’a percé de son glaive [8]. »

AUX PREMIÈRES VÊPRES.

Lorsque la fête de l’Annonciation tombe un autre jour que le lundi, les premières Vêpres de cette solennité sont célébrées avant midi, selon l’usage du Carême dans les jours de jeûne ; mais si la fête arrive le lundi, cet Office se célèbre à l’heure ordinaire des Vêpres, et l’on fait seulement commémoration du Dimanche, par l’Antienne de Magnificat et par l’Oraison.

L’Office des premières Vêpres est toujours comme l’ouverture de la fête ; et l’Église aujourd’hui emprunte la matière de ses chants au récit de l’Évangéliste qui nous a transmis le sublime dialogue de l’Ange et de la Vierge. Les Psaumes sont ceux que la tradition chrétienne a consacres à la célébration des grandeurs de Marie, et dont nous avons ailleurs expliqué l’intention.

A LA MESSE.

La sainte Église emprunte la plus grande partie des chants du Sacrifice au sublime épithalame dans lequel le Roi-Prophète célèbre l’union de l’Époux et de l’Épouse. A l’Introït, elle salue en Marie la Reine du genre humain, devant laquelle toute créature doit s’incliner. La virginité a préparé en Marie la Mère d’un Dieu ; cette vertu sera imitée dans l’Église ; et chaque génération enfantera de nombreux essaims de vierges, qui marcheront sur les traces de celle qui est leur mère et leur modèle.

Dans la Collecte, l’Église se glorifie de sa loi dans la maternité divine, et réclame, à ce titre, l’intercession toute-puissante de Marie auprès de Dieu. Ce dogme fondé sur le fait qui s’accomplit aujourd’hui est la base de notre croyance, le fondement du divin mystère de l’Incarnation.

ÉPÎTRE.

C’est en parlant à un roi impie qui refusait un prodige que Dieu daignait lui offrir, en signe de sa miséricordieuse protection sur Jérusalem, que le Prophète annonce à Juda la sublime merveille qui s’accomplit aujourd’hui : Une vierge concevra et enfantera un fils. C’est dans un siècle où le genre humain semblait avoir comblé la mesure de tous ses crimes, où le polythéisme et la plus affreuse dépravation régnaient par toute la terre, que le Seigneur réalise ce prodige. La plénitude des temps est arrivée ; et cette antique tradition qui a fait le tour du monde : qu’une Vierge deviendrait mère, se réveille dans le souvenir des peuples En ce jour où un si profond mystère s’est accompli, révérons la puissance du Seigneur, et sa fidélité à ses promesses. L’auteur des lois de la nature les suspend pour agir lui-même ; la virginité et la maternité s’unissent dans une même créature : c’est qu’un Dieu va naître. Une Vierge ne pouvait enfanter qu’un Dieu : c’est pourquoi le fils de Marie aura nom Emmanuel, Dieu avec nous.

Adorons dans son infirmité volontaire le Dieu créateur du monde visible et invisible, qui veut désormais que toute créature confesse non seulement sa grandeur infinie, mais encore la vérité de cette nature humaine qu’il daigne prendre pour nous sauver. A partir de cette heure, il est bien le Fils de l’Homme : neuf mois il habitera le sein maternel, comme les autres enfants ; comme eux après sa naissance, il goûtera le lait et le miel, et sanctifiera tous les états de l’humanité : car il est l’homme nouveau qui a daigné descendre du ciel pour relever l’ancien. Sans rien perdre de sa divinité, il vient subir toutes les conditions de notre être infirme et borné, afin de nous rendre à son tour participants de la nature divine [9].

Dans le Graduel, l’Église chante avec David la beauté de l’Emmanuel, son règne et la force de son bras : car il vient dans l’humilité pour se relever dans la gloire : il descend pour combattre et pour triompher.

L’Église continue d’employer le même cantique dans le Trait, mais c’est pour célébrer les grandeurs de Marie, Vierge et Mère. L’Esprit-Saint l’a aimée pour son incomparable beauté : aujourd’hui il la couvre de son ombre, et elle conçoit divinement. Quelle gloire est comparable à celle de Marie, en qui se complaît la Trinité tout entière ? Dans l’ordre de la création, la puissance de Dieu ne saurait produire rien de plus élevé qu’une Mère de Dieu. David nous montre son heureuse fille recevant les hommages des grands de la terre, et entourée d’une cour toute composée de vierges dont elle est le modèle et la reine. Ce jour est aussi le triomphe de la virginité, qui se voit élevée jusqu’à la maternité divine ; aujourd’hui Marie relève son sexe de l’esclavage, et lui ouvre la voie à toutes les grandeurs.

ÉVANGILE. Marie dit : Voici la servante du Seigneur : qu’il me soit fait selon votre parole.

Par ces dernières paroles, ô Marie, notre sort est fixé. Vous consentez au désir du Ciel : et votre acquiescement assure notre salut. O Vierge ! ô Mère ! Bénie entre les femmes, recevez avec les hommages des Ailles les actions de grâces du genre humain Par vous, notre ruine est réparée, en vous notre nature se relève, car vous êtes le trophée de la victoire de l’homme sur son ennemi. « Réjouis-toi, ô Adam, notre père, mais triomphe surtout, toi notre mère, ô Ève ! Vous qui, ancêtres de nous tous, fûtes aussi envers nous tous des auteurs de mort : meurtriers de votre race avant d’en être les pères. Consolez-vous désormais en cette noble tille qui vous est donnée ; mais, toi surtout, ô Ève ! Sèche tes pleurs : toi de qui le mal sortit au commencement, toi qui jusqu’aujourd’hui avais communiqué ta disgrâce à ton sexe tout entier. Voici l’heure où cet opprobre va disparaître, où l’homme va cesser d’ace voir droit de se plaindre de la femme. Un jour, cherchant à excuser son propre crime, il fit tout aussitôt peser sur elle une accusation cruelle : « La femme que j’ai reçue de vous, dit-il à Dieu, cette femme m’a donné du fruit ; et j’en ai mangé. O Ève, cours donc à Marie ; ù mère, réfugie-toi près de ta fille. C’est la fille qui va répondre pour la mère ; c’est elle qui va a enlever la honte de sa mère, elle qui va satisfaire pour la mère auprès du père : car si c’est par la femme que l’homme est tombé, voici qu’il ne peut plus se relever que par la femme. Que disais-tu donc, ô Adam ? La femme que j’ai reçue de vous m’a donné du fruit ; et j’en ai mangé. Ces paroles sont mauvaises ; elles augmentent ton péché ; elles ne l’effacent pas. Mais la divine Sagesse a vaincu ta malice ; elle a pris dans le trésor de son inépuisable bonté le moyen o de te procurer un pardon qu’elle avait essayé de te faire mériter, en te fournissant l’occasion de répondre dignement à la question qu’elle t’adressait. Tu recevras femme pour femme : une femme prudente pour une femme insensée ; une femme humble pour une femme orgueilleuse ; une femme qui, au lieu d’un fruit de mort, te présentera l’aliment de la vie ; qui, au lieu d’une nourriture empoisonnée, enfantera pour toi le fruit des délices éternelles. Change donc en paroles d’actions de grâces ton injuste excuse, etdis maintenant : Seigneur, la femme que j’ai reçue de vous m’a donné du fruit de l’arbre de vie, et j’en ai mangé ; et ce fruit a été doux à ma bouche : car c’est en lui que vous m’avez rendu la vie [10]. »

A l’Offertoire, la sainte Église salue Marie avec les paroles de l’Ange, auxquelles elle réunit celles que prononça Élisabeth, lorsque celle-ci s’inclina devant la Mère de son Dieu.

L’Église rend un nouvel hommage, dans la Secrète, au dogme de l’Incarnation, en confessant la réalité des deux natures, divine et humaine, en Jésus Christ, Fils de Dieu et fils de Marie.

La solennité de la fête oblige l’Église à suspendre aujourd’hui la Préface du Carême, et à lui substituer celle qu’elle emploie aux Messes de la très sainte Vierge.

L’Antienne de la Communion reproduit les paroles de l’oracle divin que nous avons lu dans l’Épître. C’est une Vierge qui a conçu et enfante celui qui, étant Dieu et homme, est aussi le Pain vivant descendu du ciel, et par lequel Dieu est avec nous et en nous.

Dans la Postcommunion, l’Église rappelle en action de grâces tous les mystères qui, pour notre salut, sont sortis de celui qui s’accomplit aujourd’hui. Après L’Incarnation qui unit le Fils de Dieu à La nature humaine, nous avons eu la Passion de ce divin Rédempteur ; et sa Passion a été suivie de sa Résurrection, par laquelle il a triomphé de la mort, notre ennemie.

Réunissons maintenant, comme dans un concert unanime, les diverses Liturgies qui célèbrent chacune avec leur accent propre le grand mystère qui fait aujourd’hui la joie de l’Église.

Le moyen âge des Églises latines employait à la Messe de l’Annonciation la Prose suivante eue l’on attribue à Pierre Abailard.

SÉQUENCE. Dans son amour pour l’homme, Dieu députe à la Vierge, non un Ange ordinaire, mais l’Archange appelé Force de Dieu. Qu’il se hâte d’envoyer pour nous le vaillant messager ; que la nature soit vaincue par l’enfantement d’une vierge. Que le Roi de gloire, dans sa naissance, triomphe de la chair ; qu’il règne et commande ; qu’il enlève des cœurs le levain et la rouille du péché. Qu’il foule aux pieds le faste des fronts superbes ; qu’il marche dans sa force sur les têtes altières, le Dieu puissant dans les combats. Qu’il chasse dehors le prince du monde ; qu’il partage avec sa Mère le commandement qu’il exerce avec le Père. Pars, Ange, annonce ces biens ; et par ton puissant message, lève le voile de la lettre antique. Approche d’elle, et parle ; dis-lui en face : Je vous salue. Dis-lui : O pleine de grâce. Dis : Le Seigneur est avec vous. Dis encore : Ne craignez point. Recevez, ô Vierge ! Le dépôt de Dieu, par lui vous consommerez votre chaste dessein, et votre vœu demeurera intact. La Vierge entend, et accepte le message ; elle croit, elle conçoit, elle enfante un fils, un fils admirable, Le Conseiller de la race humaine, le Dieu-homme, le Père du siècle futur, l’immuable pacificateur. Veuille ce Dieu immuable assurer notre stabilité, de peur que l’humaine faiblesse n’entraine dans l’abîme nos pas indécis. Mais que l’auteur du pardon, qui est le pardon lui-même, que la grâce obtenue par la mère de grâce, daigne habiter en nous. Qu’il nous octroie la remise de nos péchés : qu’il efface nos méfaits ; qu’il nous donne une patrie dans la cité du ciel. Amen.

La Liturgie Ambrosienne nous fournit cette belle Préface qu’elle emploie à la célébration du mystère d’aujourd’hui.

PRÉFACE.

Il est véritablement digne et juste, équitable et salutaire, que nous vous rendions grâces, Seigneur Dieu tout-puissant, et que nous implorions votre secours pour célébrer dignement la tête de la bienheureuse Vierge Marie, du sein de laquelle a fleuri ce fruit qui nous a rassasiés du Pain des Anges. Le fruit qu’avait dévore Eve dans sa désobéissance, Marie nous l’a rendu, en nous sauvant. Quelle dissemblance entre l’œuvre du serpent et celle de la Vierge ! De l’une sont provenus les poisons qui nous ont fait périr ; de l’autre sont sortis les mystères du Sauveur. Dans l’une, nous voyons l’iniquité du tentateur ; dans l’autre, la majesté du Rédempteur vient à notre secours. Par l’une, l’homme a succombé ; par l’autre, le Créateur a relevé sa gloire ; et la nature humaine affranchie de ses liens, a été rendue à la liberté ; et ce qu’elle avait perdu par son père Adam, elle l’a recouvré par le Christ.

La Liturgie Mozarabe, qui, comme nous l’avons dit ailleurs, célèbre l’Annonciation de la très sainte Vierge le 18 décembre, consacre à ce mystère un grand nombre de belles Oraisons, entre lesquelles nous choisissons celle qui suit.

ORAISON.

Nous croyons que vous êtes pleine de grâce, ô Vierge mère du Christ, réparatrice du genre humain, glorieuse Marie ; vous qui par votre enfantement nous avez procuré tant de bonheur, puisque le fruit de vos entrailles, qui est le Christ, Fils de Dieu, nous a arrachés à l’empire de l’ennemi qui nous faisait sentir sa rage, et qu’il nous a rendu ses cohéritiers dans le royaume éternel. Nous vous prions donc, nous vous supplions d’être notre protectrice, afin que, par vos mérites, votre fils nous affranchisse du péché, et qu’il daigne nous donner accès dans son royaume, et nous en faire à son tour les éternels habitants. Vous qu’il a aimée et appelée à l’honneur d’être sa Mère, obtenez qu’il nous accorde la douceur et l’abondance de son amour. Amen.

La Liturgie grecque célèbre à son tour, et avec son abondance accoutumée, la gloire de Marie dans l’Incarnation du Verbe. Nous donnons l’Hymne suivante, qui fait partie de l’Office de la Vigile de l’Annonciation ; elle nous a semblé préférable à celles du jour de la Fête.

DIE XXIV MARTII. Terre, qui dans ta douleur n’as jusqu’ici produit que des épines, tressaille maintenant et livre-toi à l’allégresse ; voici qu’il approche, l’immortel agriculteur qui doit te débarrasser des épines de la malédiction. Vierge sans tache, prépare-toi, comme la toison sacrée, à recevoir la divinité qui s’apprête à descendre sur toi, semblable à la rosée, et qui doit mettre à sec le torrent de l’iniquité. O livre d’une pureté divine, tiens-toi prêt : car la Sagesse de Dieu incarnée va écrire sur tes pages avec le doigt de l’Esprit-Saint, et va faire disparaître les prévarications de ma folie. O chandelier d’or, reçois la flamme de la divinité ; que par toi elle luise sur le monde, et dissipe les ténèbres de nos crimes. O Vierge, palais du grand Roi, ouvre ton oreille divine ; la Vérité même, le Christ, va entrer en toi, pour habiter au milieu de toi. O brebis immaculée, l’Agneau de notre Dieu qui ôte nos péchés, s’apprête à pénétrer dans ton sein. La branche mystique va bientôt produire la fleur divine qui s’élève visiblement de l’arbre de Jessé, comme parle l’Écriture. O Marie, ô vigne fécondée par la parole de l’Ange, prépare-toi à donner la grappe vermeille de maturité et inaccessible à la corruption. Salut, ô sainte montagne que Daniel a vue à l’avance dans l’Esprit divin, et de laquelle doit être détachée cette pierre spirituelle qui brisera les vaines idoles des démons. O Arche raisonnable, que le véritable législateur aime d’un amour suprême, et qu’il a résolu d’habiter, sois remplie de joie : car il veut par toi renouveler son œuvre anéantie. Le chœur des Prophètes, versé dans l’art des divins présages, s’écrie dans son pressentiment de l’entrée pacifique du Rédempteur en toi. Salut, ô Rédemption de tous ; honneur à toi, unique salut des hommes ! O nuée légère de la lumière divine, prépare-toi pour le soleil qui va se lever Ce soleil inaccessible répand sur toi ses feux du haut du ciel ; en toi il cachera quelque temps ses rayons, pour luire bientôt sur le monde, et dissiper les ténèbres du mal. Celui qui ne quitte jamais la droite de son Père, qui surpasse toute substance, arrive pour prendre en toi sa demeure ; il te placera à sa droite, comme une reine digne de lui, et douée d’une excellente beauté ; tu seras comme sa main droite étendue pour relever tous ceux qui sont tombés. Le prince des Anges, ministre de Dieu, t’adresse sa parole joyeuse, pour annoncer que l’Ange du grand conseil va prendre chair en toi. O Verbe divin, abaisse les cieux, et descends vers nous ; le sein de la Vierge est préparé comme un trône pour toi ; viens t’y asseoir, comme un roi glorieux, et sauve de la ruine l’œuvre de ta droite. Et toi, ô Vierge, semblable à une terre où la main de l’homme n’a jamais semé, dispose-toi pour recevoir, à la parole de l’Ange, le Verbe céleste, semblable à un froment fécond qui, germant en ton sein, produira le pain qui donne l’intelligence.

Nous ne terminerons pas cette grande journée sans avoir rappelé et recommandé ici la pieuse et salutaire institution que la chrétienté solennise chaque jour dans tout pays catholique, en l’honneur de l’auguste mystère de l’Incarnation et de la divine maternité de Marie. Trois fois le jour, le matin, à midi et le soir, la cloche se fait entendre, et les fidèles, avertis par ses sons, s’unissent à l’Ange Gabriel pour saluer la Vierge-Mère, et glorifier l’instant où le propre Fils de Dieu daigna prendre chair en elle.

La terre devait bien cet hommage et ce souvenir de chaque jour à l’ineffable événement dont elle fut l’heureux témoin un vingt-cinq mars, lorsqu’une attente universelle avait saisi les peuples que Dieu allait sauvera leur insu.

Depuis, le nom du Seigneur Christ a retenti dans le monde entier ; il est grand de l’Orient à l’Occident ; grand aussi est celui de sa Mère. De là est né le besoin d’une action de grâces journalière pour le sublime mystère de l’Annonciation qui a donné le Fils de Dieu aux hommes. Nous rencontrons déjà la trace de ce pieux usage au XIVe siècle, lorsque Jean XXII ouvre le trésor des indulgences en faveur des fidèles qui réciteront l’Ave Maria, le soir, au son de la cloche qui retentit pour les inviter à penser à la Mère de Dieu. Au XVe siècle, nous apprenons de saint Antonin, dans sa Somme, que la sonnerie avait déjà lieu soir et matin dans la Toscane. Ce n’est qu’au commencement du XVIe siècle que l’on trouve sur un document français cité par Mabillon le son à midi venant se joindre à ceux du lever et du coucher du soleil. Ce fut en cette forme que Léon X approuva cette dévotion, en 1513, pour l’abbaye de Saint-Germain des Prés, à Paris. Dès lors la chrétienté tout entière accepta le pieux usage avec ses développements ; les Papes multiplièrent les indulgences ; après celles de Jean XXII et de Léon X, le XVIIIe siècle vit publier celles de Benoit XIII ; et telle parut l’importance de cette pratique que Rome statua qu’en l’année du jubilé, où toutes les indulgences, sauf celles du pèlerinage de Rome, demeurent suspendues, les trois salutations sonnées en l’honneur de Marie, le matin, à midi et le soir, continueraient chaque jour de convier tous les fidèles à s’unir dans la glorification du Verbe fait chair. Quant à Marie, l’Épouse du Cantique, l’Esprit-Saint semblait avoir désigné à l’avance les trois termes de cette touchante dévotion, en nous invitant à la célébrer, parce qu’elle est douce « comme l’aurore » à son lever, resplendissante « comme le soleil » en son midi, et belle « comme la lune » au reflet argenté.

O Emmanuel, Dieu avec nous, qui, comme chante votre Église, « ayant entrepris de délivrer l’homme, avez daigné descendre au sein d’une vierge pour y prendre notre nature », le genre humain tout entier salue aujourd’hui votre miséricordieux avènement. Verbe éternel du Père, ce n’est donc pas assez pour vous d’avoir tiré l’homme du néant par votre puissance ; votre inépuisable bonté vient le poursuivre jusque dans l’abîme de dégradation où il est plongé. Par le péché, l’homme était tombé au-dessous de lui-même ; et, afin de le faire remonter aux destinées divines pour lesquelles vous l’aviez formé, vous venez en personne vous revêtir de sa substance, et le relever jusqu’à vous. En vous, aujourd’hui et pour jamais, Dieu se fait homme, et l’homme est fait Dieu. Accomplissant divinement les promesses du sacré Cantique, vous vous unissez à la nature humaine, et c’est au sein virginal de la fille de David que vous célébrez ces noces ineffables. O abaissement incompréhensible ! ô gloire inénarrable ! l’anéantissement [11] est pour le Fils de Dieu, la gloire pour le fils de l’homme. C’est ainsi que vous nous avez aimés, ô Verbe divin, et que votre amour a triomphé de notre dégradation. Vous avez laissé les anges rebelles dans l’abîme que leur orgueil a creusé ; c’est sur nous que votre pitié s’est arrêtée. Mais ce n’est point par un de vos regards miséricordieux que vous nous avez sauvés ; c’est en venant sur cette terre souillée, prendre la nature d’esclave [12], et commencer une vie d’humiliation et de douleurs. Verbe fait chair, qui descendez pour sauver, et non pour juger [13], nous vous adorons, nous vous rendons grâces, nous vous aimons, rendez-nous dignes de tout ce que votre amour vous a fait entreprendre pour nous.

Nous vous saluons, ô Marie, pleine de grâce, en ce jour où vous jouissez du sublime honneur qui vous était destiné. Par votre incomparable pureté, vous avez fixé les regards du souverain Créateur de toutes choses, et par votre humilité vous l’avez attiré dans votre sein ; sa présence en vous accroît encore la sainteté de votre âme et la pureté de votre corps. Avec quelles délices vous sentez le Fils de Dieu vivre de votre vie, emprunter à votre substance ce nouvel être qu’il vient prendre pour notre amour ! Déjà est formé entre vous et lui ce lien ineffable que vous seule avez connu : il est votre créateur, et vous êtes sa mère ; il est votre fils, et vous êtes sa créature. Tout genou fléchit devant lui, ô Marie ! car il est le grand Dieu du ciel et de la terre ; mais toute créature s’incline devant vous : car vous l’avez porté dans votre sein, vous l’avez allaité ; seule entre tous les êtres, vous pouvez, comme le Père céleste, lui dire : « Mon fils ! » O femme incomparable, vous êtes le suprême effort de la puissance divine : recevez l’humble soumission de la race humaine qui se glorifie, en présence même des Anges, de ce que son sang est le vôtre, et votre nature la sienne. Nouvelle Eve, fille de l’ancienne, mais sans le péché ! par votre obéissance aux décrets divins, vous sauvez votre mère et toute sa race ; vous rétablissez dans l’innocence primitive votre père et toute sa famille qui est la vôtre. Le Sauveur que vous portez nous assure tous ces biens ; et c’est par vous qu’il vient à nous ; sans lui, nous demeurerions dans la mort ; sans vous, il ne pouvait nous racheter. Il puise dans votre sein virginal ce sang précieux qui sera notre rançon, ce sang dont sa puissance a protégé la pureté au moment de votre conception immaculée, et qui devient le sang d’un Dieu par l’union qui se consomme en vous de la nature divine avec la nature humaine.

Aujourd’hui s’accomplit, ô Marie, l’oracle du Seigneur qui annonça, après la faute, « qu’il établirait une inimitié entre la femme et le serpent ». Jusqu’ici le genre humain tremblait devant le dragon infernal ; dans son égarement, il lui dressait de toutes parts des autels ; votre bras redoutable terrasse aujourd’hui cet affreux ennemi. Par l’humilité, par la chasteté, par l’obéissance, vous l’avez abattu pour jamais ; il ne séduira plus les nations. Par vous, libératrice des hommes, nous sommes arrachés à son pouvoir ; notre perversité, notre ingratitude pourraient seules nous rejeter sous son joug. Ne le souffrez pas, ô Marie ! venez-nous en aide ; et si, dans ces jours de réparation, nous reconnaissons à vos pieds que nous avons abusé de la grâce céleste dont vous fûtes pour nous le sublime moyen, aujourd’hui, en cette fête de votre Annonciation, ô Mère des vivants, rendez-nous la vie, par votre toute-puissante intercession auprès de celui qui daigne aujourd’hui être votre fils pour l’éternité. Fille des hommes, ô notre sœur aimée, par la salutation que vous adressa Gabriel, par votre trouble virginal, par votre fidélité au Seigneur, par votre prudente humilité, par votre acquiescement qui nous sauva, nous vous en supplions, convertissez nos cœurs, rendez-nous sincèrement pénitents, préparez-nous aux grands mystères que nous allons célébrer. Qu’ils seront douloureux pour vous, ces mystères, ô Marie ! Que le passage va être rapide des joies de cette journée aux tristesses inénarrables qui vous attendent ! Mais vous voulez qu’aujourd’hui notre âme se réjouisse en songeant à l’ineffable félicité qui inonda votre cœur, au moment où le divin Esprit vous couvrit de son ombre, et où le Fils de Dieu devint aussi le vôtre ; nous demeurons donc, toute cette journée, près de vous, dans votre modeste demeure de Nazareth. Neuf mois encore, et Bethléhem nous verra prosternés, avec les bergers et les Mages, devant l’Enfant-Dieu qui naîtra pour votre joie et pour notre salut ; et nous dirons alors avec les Anges : « Gloire à Dieu dans les hauteurs du ciel ; et sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté ! »

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Fête de l’annonce de la divine Incarnation à la Bienheureuse Vierge Marie
Collecte à Saint-Adrien. — Station à Sainte-Marie-Majeure.

Tel est le sens de l’ancien titre de cette solennité dans les divers sacramentaires et martyrologes du moyen âge ; d’où l’on peut conclure que, primitivement, cette fête était plutôt considérée comme une fête du Christ que de Marie. Sa fixation au 25 mars n’est pas arbitraire, mais dépend de Noël qu’elle précède de neuf mois : et déjà au VIIe siècle cette date se basait sur une tradition si vénérable et si universelle que le Concile in Trullo de 692, qui prohiba durant le Carême les fêtes de martyrs, autorisa celle de l’Incarnation du Seigneur le 25 mars. On sait qu’aujourd’hui encore, durant le jeûne quadragésimal, les Grecs suspendent la célébration quotidienne du divin Sacrifice, sauf le samedi, le dimanche et le 25 mars. Dans l’ancien rit hispanique, au contraire, pour éviter cette concession liturgique en faveur de l’Incarnation du Seigneur, on en reporte la fête à l’équinoxe d’hiver, une semaine environ avant Noël.

On ne peut nier que, en plein Carême, alors que la pensée liturgique est déjà toute concentrée dans la contemplation du mystique Agneau de Dieu immolé sur le Golgotha la veille de Pâques, le fait de se détacher à l’improviste de la Croix pour se reporter aux mystères joyeux de la maison de Nazareth, a quelque chose d’inattendu et de violent. Cependant, sur toutes ces considérations de caractère en grande partie subjectif, prévalurent le fait solennel et la date historique du 25 mars qui inaugurent le Nouveau Testament ; aussi, dès le haut moyen âge, celle-ci fut considérée dans les nations chrétiennes comme le véritable commencement de l’année civile.

Il semble qu’à Constantinople cette fête se célébrait déjà du temps de Proclus (+ 446) ; cependant elle apparut plus tard en Occident, puisqu’elle est absente du Missel gallican et se trouve seulement dans les sacramentaires gélasien et grégorien de la première période carolingienne. A Rome, toute indication manque à son sujet dans les listes d’Évangiles de Würzbourg ; le Liber Pontificalis nous apprend seulement que ce fut Serge Ier qui ordonna de la célébrer solennellement, c’est-à-dire par une grande procession stationnale allant de la diaconie de Saint-Adrien jusqu’à Sainte-Marie-Majeure. Cet usage se maintint longtemps, et les Ordines Romani du XIIe siècle décrivent longuement la majestueuse cérémonie qui se déroulait en ce jour d’une manière semblable à celle dont nous avons parlé pour la fête du 2 février, à l’occasion de l’Hypapante des Byzantins.

La Capitale du monde catholique avait dédié à ce consolant mystère de l’annonce de notre Rédemption quelques églises importantes par leur vénérable antiquité. Outre l’oratoire de l’Annonciation à Tor de’ Specchi, — anciennement Sancta Maria de Curte — nous mentionnerons les quatre églises également détruites de S. Maria Annunziata in Camittiano, — S. M aria Annunziata sur l’Esquilin, — S. Maria Annunziata aux Quatre Fontaines ; — S. Maria Annunziata près du Pont Ælius. Aujourd’hui existe encore, sur la voie Ardéatine, le sanctuaire marial appelé par les Romains l’Annunziatella, sous lequel on trouva un antique hypogée chrétien. Selon toute probabilité, c’est là que fut ensevelie, après son martyre, sainte Félicula. Les Libri indulgentiarum du bas moyen âge mentionnent cet oratoire champêtre parmi les IX ecclesiae que les pèlerins avaient coutume de visiter, si bien que la voie qui y conduisait est appelée simplement, dans un bref d’Urbain V : via Orataria. Aujourd’hui encore, spécialement le premier dimanche de mai, le menu peuple de Rome accourt joyeux au sanctuaire marial de la voie Ardéatine.

Quoique l’on soit en plein Carême, la messe a une saveur tranchée d’Avent. Mais cette blanche fleur d’hiver qui évoque le souvenir des neiges de Noël, a aussi sa profonde signification et rappelle la toison de Gédéon, — gracieux symbole de la virginité sans tache de la Mère de Dieu, — trouvée par le Prophète toute humide de fraîche rosée printanière, au milieu d’un champ brûlé par le soleil de Palestine.

L’introït est tiré de l’habituel cantique de la virginité, comme saint Jérôme appelait le psaume 44.

Dans la collecte, l’insistance mise sur cette incise : Nous la croyons vraie Mère de Dieu, révèle la période qui suivit les polémiques de Nestorius et sa condamnation dans les premières sessions du Concile d’Éphèse.

Suit la lecture d’Isaïe (VII, 10-15) déjà récitée le mercredi de la IIIe semaine de l’Avent, où est clairement prédit l’enfantement miraculeux de la Vierge, et la divinité de son Fils. Les Juifs et les rationalistes nient que le mot hébreu Alma employé ici par le Prophète, ait le sens précis de vierge, plutôt que celui de jeune fille ; mais les commentateurs sacrés ont répondu que, en fait, toutes les fois que dans l’Écriture ce mot est employé — et cela est plutôt rare, — il désigne toujours une jeune fille vierge, comme d’autre part on peut l’arguer du fait même que le signe prodigieux annoncé par le Prophète doit être précisément un enfantement miraculeux, en dehors de toutes les lois de la nature. Le mot Alma, entendu comme le prétendent les rationalistes, enlève tout son sens à la prophétie d’Isaïe.

Dans le graduel, les versets qui suivent ont trait premièrement à la personne du Messie ; mais dans l’usage liturgique, étant donné l’intime union entre le Divin Fils et sa Mère, ils s’appliquent aussi à Celle qui est bénie entre toutes les femmes.

La lecture évangélique est celle du mercredi des Quatre-Temps de l’Avent (Luc., I, 26-38), qui, au moyen âge, était récitée avec une solennité spéciale dans les chapitres et les monastères, comme pour donner aux communautés religieuses l’annonce du prochain Noël.

Saint Bernard avait coutume, selon l’usage monastique toujours en vigueur, d’en faire un long commentaire devant ses moines de Clairvaux réunis au chapitre, et c’est ainsi que nous avons son splendide recueil des Homélies Super Missus est, dont les plus beaux passages ont été réunis dans le Bréviaire romain.

Fiat mihi secundum verbum tuum : Voici l’acte de consécration le plus absolu et le plus parfait qui ait jamais été fait. L’ange avait annoncé à Marie la sublime dignité à laquelle Dieu voulait l’élever ; et elle, dans la lumière céleste dont elle était remplie, vit tout l’ineffable entrelacement d’amour et de douleur qui était compris en cet office. Fiat mihi secundum verbum tuum ; la bienheureuse Vierge voulait dire qu’elle acceptait, non seulement de donner la vie et une chair humaine au Verbe de Dieu, mais de partager aussi avec Lui la pauvreté, les persécutions, les opprobres, les douleurs du Golgotha. Aussi, dans le ciel Marie est la plus rapprochée du trône de Dieu, parce que sur la terre son cœur fut le plus semblable au Cœur béni de son divin Fils.

En cette sainte solennité, nous ne saurions nous abstenir de mentionner à nouveau l’éloge marial contenu dans les vers qui, autrefois, se lisaient à Sainte-Marie-Majeure, sous les mosaïques de Sixte III représentant la vie de la bienheureuse Vierge :

Virgo Maria, tibi Xystus nova tecta dicavi
Digna salutifero munera ventre tuo.
Te Genitrix, ignara viri, te denique foeta
Visceribus salvis, edita nostra salus.

L’offertoire est celui du IVe dimanche de l’Avent, important pour l’histoire de la salutation angélique, qui apparaît ici pour la première fois dans sa forme la plus antique, telle qu’elle fut conservée intacte dans l’usage euchologique jusqu’au XIVe siècle (Luc., I, 28, 42) : « Salut, ô Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie par-dessus toutes les femmes, et béni est le fruit de votre sein. »

La prière suivante, sur l’oblation, conserve toute sa saveur classique de l’âge léonien.

L’antienne durant la Communion, empruntée à Isaïe, est celle du IVe dimanche de l’Avent. Nous y trouvons non seulement la prédiction de l’enfantement virginal, mais l’annonce, très explicite, du caractère éternel et définitif de la nouvelle ère messianique.

Dieu ne fera plus avec Israël un pacte temporaire, et il n’apparaîtra plus pour un rapide instant à un petit nombre de prophètes privilégiés, mais il demeurera d’une manière stable au milieu de l’humanité rachetée et sanctifiée. Voilà le sens du nouveau titre divin d’Emmanuel, c’est-à-dire : Dieu avec nous.

La collecte après la Communion est ainsi conçue : « Répandez, Seigneur, votre grâce dans notre âme, afin qu’après avoir reçu l’annonce angélique de l’incarnation de votre Fils, par les mérites de sa passion et de la Croix, nous arrivions à lui être unis dans la gloire de la résurrection. » Le drame tout entier de notre rédemption, depuis le message de Gabriel jusqu’à la naissance de Jésus, à la passion, au crucifiement et au triomphe pascal, ne pouvait être exposé avec plus d’efficace en une brève incise, qui révèle toute l’harmonieuse puissance du cursus romain.

De même que Jésus, pour commencer sa vie passible, grâce au Fiat docile de la bienheureuse Vierge, s’est incarné dans son sein, ainsi, pour inaugurer sa vie mystique dans nos cœurs au moyen de la grâce, veut-il que nous aussi nous prononcions notre Fiat, en nous donnant entièrement à Lui. Dans ce oui plein, perpétuel, intime, vécu, consiste toute la sainteté, toute la perfection.

A l’occasion de la fête de l’Annonciation, il faut mentionner ici une des plus insignes compositions de la liturgie byzantine, l’hymne Acathiste qui célèbre très longuement ce mystère. Serge de Constantinople, le père du monophysisme, semble en avoir été l’auteur ; cette hymne fut composée comme chant d’action de grâces à la bienheureuse Vierge qui, en 626, avait délivré la cité impériale des hordes des Avares. On l’appelle Acathiste parce que, à la différence des autres cathismáta elle était chantée debout le samedi de la cinquième semaine de Carême, par le clergé et par le peuple, qui veillait ainsi toute la nuit. Voici une des strophes, sur le salut de Gabriel : « L’archange fut envoyé de Dieu, pour dire à la Vierge : « Salut. » Et lui, contemplant, ô Seigneur, votre Incarnation, en demeura effrayé, et, d’une voix angélique, il dit à Marie : « Je vous salue, car, par vous, reviendra la joie. Salut à vous, par la grâce de qui disparaîtra la malédiction. Salut, résurrection de l’humanité déchue ; salut, vous qui essuyez les larmes d’Ève ; salut, vous qui êtes si sublime que jusqu’à vous ne se peut élever l’esprit humain ; salut, ô abîme insondable pour les anges eux-mêmes ; salut, ô trône du Roi ; salut, vous qui portez Celui qui soutient toutes choses ; salut, ô astre qui nous révélez le soleil ; salut, ô siège de Dieu incarné. »

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

« Et le Verbe se fit chair. »

1. Annonciation de la Sainte Vierge. — Nous interrompons de nouveau la sévérité du Carême pour célébrer la grande fête de l’Annonciation de la Sainte Vierge. Cette fête appartient moins au calendrier des saints qu’au calendrier temporal de l’année liturgique. Elle célèbre le plus sublime moment de l’histoire des temps : la seconde Personne de la Sainte Trinité prend la nature humaine dans le sein de la Vierge Marie. Cette fête est aussi bien une fête du Seigneur qu’une fête de la Mère de Dieu. Cependant, notre liturgie la célèbre uniquement comme une fête de Marie (à la différence de la fête de la Purification). La fête commémore aussi la part privilégiée que la Sainte Vierge a prise à l’Incarnation du Fils de Dieu et, par là même, à l’œuvre de la Rédemption. Cette fête est le premier message avant-coureur de l’approche de l’Avent et de Noël (le second est la naissance du Précurseur du Christ : 25 mars-24 juin-25 décembre). La liturgie veut nous dire : encore neuf mois et nous serons de nouveau aux pieds du Roi de la paix nouveau-né. A proprement parler, nous avons déjà célébré le mystère de la fête d’aujourd’hui, le mercredi des Quatre-Temps de l’Avent, dans la célèbre messe d’or (cette messe est de beaucoup antérieure à celle d’aujourd’hui). C’était la préparation à la fête de Noël ; mais, comme la liturgie aime bien célébrer les fêtes en se réglant sur les dates réelles, nous avons une seconde fête. Si l’on cherche la différence qu’il y a entre les deux jours, on peut dire que, le mercredi des Quatre-Temps, on pense surtout au Verbe incarné, et, dans la solennité de ce jour, surtout à la Mère de Dieu. Au Moyen Age, les nations chrétiennes considéraient ce jour comme le commencement de l’année civile.

2. La messe (Vultum tuum). — Nous n’avons pas le droit, aujourd’hui, de célébrer la messe du Carême. L’office de station pour la messe d’aujourd’hui commençait, dès l’antiquité, dans l’église de Saint-Adrien, pour se terminer à Sainte-Marie Majeure. La messe de la fête a beaucoup de ressemblances avec la messe d’or et est facile à comprendre. Les deux lectures se correspondent ; la leçon est la promesse et l’Évangile, l’accomplissement de la promesse. Le prophète dit : « Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un Fils et il sera appelé Emmanuel. » L’évangéliste dit : « Je te salue... Tu concevras et enfanteras un Fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera appelé le Fils du Très-Haut... L’Esprit-Saint te couvrira de son ombre. » Cet Évangile d’une beauté inoubliable compte parmi les plus sublimes révélations que l’humanité ait reçues. Dans les chants psalmodiques, on entend le cantique nuptial de l’Église (Ps. 44). Marie est, au sens le plus élevé, l’Épouse du Christ et le type de l’Église. Au Saint-Sacrifice, le mystère de la fête se réalise mystiquement ; nous aussi nous « concevons » le Seigneur. C’est pourquoi les chants des deux processions eucharistiques peuvent s’appliquer aussi à nous : « Nous te saluons, Marie... le fruit de tes entrailles est béni » (Off.) et : « Voici qu’une Vierge concevra » (Comm.). La postcommunion est remarquable ; elle parcourt toute la vie du Seigneur, depuis l’Annonciation, « en passant par la Passion et la Croix, jusqu’à la gloire de la Résurrection ». C’est une très ancienne oraison. Dans l’antiquité, le 25 mars passait pour le jour de la mort du Christ d’où la mention de sa mort.

[1] « L’Ange dit à Marie qu’elle a trouvé la grâce. Mais comment cela ? Marie ne fut jamais privée de la grâce, elle en fut toujours remplie ; comment donc l’Ange peut-il lui dire qu’elle l’a trouvée ? Le Cardinal Hugues répond que Marie n’a pas trouvé la grâce pour elle-même, mais pour nous, qui avons eu le malheur de la perdre ; ainsi, ajoute-t-il, pour la recouvrer, nous devons nous présenter à la Bienheureuse Vierge, et lui dire : Auguste Dame ! le bien doit être restitué à qui l’a perdu ; or cette grâce que vous avez trouvée n’est pas à vous, qui l’avez toujours possédée, mais à nous, qui l’avons perdue ; vous devez donc nous la rendre. » (Saint Alphonse).

[2] 1° C’est de Marie qu’il a été dit au prince du mensonge : « Elle t’écrasera la tête. »(Genèse, 3, 15). 2° II n’est point d’hérésie qui ne provienne de la négation de l’Incarnation ou n’y conduise, de là le lien intime qui unit Marie à tout le dogme chrétien. 3e « La grande foi de Marie qui crut Gabriel sur parole, qui voyant son Fils, faible enfant, pauvre, méprisé, crucifié, l’adora constamment comme son Dieu ; cette grande foi lui mérita de devenir la lumière de tous les fidèles. »(Saint Liguori).

[3] Johan. I, 14.

[4] Ibid. III, 16.

[5] August. De Trinit. Lib. IV, cap. V.

[6] Adv. haeres. Lib. V, cap XIX.

[7] Judic. V, 7, 8.

[8] Judith, XIII, 17, 18, XVI, 7.

[9] II Petr. I, 4.

[10] Bernard. Homil. II super Missus est.

[11] Philipp. II, 7.

[12] Ibid.

[13] Jonas, XII, 47.