Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique |
Les octaves ne se disent plus depuis 1955. Néanmoins, nous donnons cette messe des jours dans l’octave des Sts Pierre et Paul (qui n’était plus dite que le 4 juillet, seul jour sans autre célébration) à cause de l’alléluia propre (voir plus bas le commentaire du Bhx Cardinal Schuster au sujet de cet alléluia), parce qu’elle combine des éléments à la fois de la messe votives des Sts Pierre et Paul (antiennes, lectures), de la fête du jour (29/06 : oraisons), et surtout pour l’admirable leçon de St Jean Chrysostome sur la gloire de Rome (voir plus bas aux matines)
Ant. ad Introitum. Ps. 138, 17. | Introït |
Mihi autem nimis honoráti sunt amíci tui, Deus : nimis confortátus est principátus eórum. | Selon moi, vos amis ont été plus qu’honorés, ô Dieu : leur dignité de princes de l’Église a été puissamment établie. |
Ps. ibid., 1-2. | |
Dómine, probásti me et cognovísti me : tu cognovísti sessiónem meam et resurrectiónem meam. | Seigneur, vous m’avez éprouvé et vous m’avez connu ; vous avez connu mon entrée dans le repos et ma résurrection future. |
V/. Glória Patri. | |
Deus, qui hodiérnam diem Apostolórum tuórum Petri et Pauli martýrio consecrásti : da Ecclésiæ tuæ, eórum in ómnibus sequi præcéptum ; per quos religiónis sumpsit exórdium. Per Dóminum nostrum. | Dieu, vous avez consacré ce jour par le martyre de vos Apôtres saint Pierre et saint Paul : faites la grâce à votre Église de suivre en tout le précepte de ceux par qui la religion a commencé. |
Léctio Actuum Apostolórum. | Lecture des Actes des Apôtres. |
Act. 5, 12-16. | |
In diébus illis : Per manus Apostolórum fiébant signa et prodígia multa in plebe. Et erant unanímiter omnes in pórticu Salomónis. Ceterórum autem nemo audébat se coniúngere illis : sed magnificábat eos pópulus. Magis autem augebátur credéntium in Dómino multitúdo virórum ac mulíerum, ita ut in plateas eícerent infírmos, et pónerent in léctulis ac grabátis, ut, veniénte Petro, saltem umbra illíus obumbráret quemquam illórum, et liberaréntur ab infirmitátibus suis. Concurrébat autem et multitúdo vicinárum civitátum Ierúsalem, afferéntes ægros et vexátos a spirítibus immúndis : qui curabántur omnes. | En ces jours-là : Par les mains des Apôtres il se faisait beaucoup de miracles et de prodiges parmi le peuple ; et ils se tenaient tous ensemble dans le portique de Salomon. Aucun des autres n’osait se joindre à eux ; mais le peuple faisait d’eux de grands éloges. Et la multitude de ceux qui croyaient au Seigneur, hommes et femmes, s’augmentait de plus en plus ; au point qu’on apportait les malades dans les rues, et qu’on les mettait sur des lits et des grabats, afin que, Pierre venant à passer, son ombre au moins couvrît quelqu’un d’eux, et qu’ils fussent délivrés de leurs infirmités. Une foule nombreuse accourait aussi à Jérusalem des villes voisines, amenant des malades, et ceux que tourmentaient des esprits impurs ; et ils étaient tous guéris. |
Graduale. Ps. 44, 17-18. | Graduel |
Constítues eos príncipes super omnem terram : mémores erunt nóminis tui, Dómine. | Vous les établirez princes sur toute la terre : ils se souviendront de votre nom, de génération en génération, Seigneur. |
V/. Pro pátribus tuis nati sunt tibi fílii : proptérea pópuli confítebúntur tibi. | V/. A la place de vos pères, des fils vous sont nés : c’est pourquoi les peuples vous loueront. |
Allelúia, allelúia. V/. Luc. 22, 32. Rogavi pro te, Petre, ut non defíciat fides tua : et tu aliquándo convérsus confírma fratres tuos. Allelúia. | Allelúia, allelúia. V/. J’ai prié pour toi, ô Pierre, pour que ta foi ne défaille pas ; et toi, enfin converti, affermis tes frères. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum. | Suite du Saint Évangile selon saint Mathieu. |
Matth. 19, 27-29. | |
In illo témpore : Dixit Petrus ad Iesum : Ecce, nos relíquimus ómnia, et secúti sumus te : quid ergo erit nobis ? Iesus autem dixit illis : Amen, dico vobis, quod vos, qui secuti estis me, in regeneratióne, cum séderit Fílius hóminis in sede maiestátis suæ, sedébitis et vos super sedes duódecim, iudicántes duódecim tribus Israël. Et omnis, qui relíquerit domum, vel fratres, aut soróres, aut patrem, aut matrem, aut uxórem, aut fílios, aut agros, propter nomen meum, céntuplum accípiet, et vitam ætérnam possidébit. | En ce temps-là : Pierre dit à Jésus : Voici que nous avons tout quitté, et que nous vous avons suivi ; qu’y aura-t-il donc pour nous ? Jésus leur dit : En vérité, je vous le dis, vous qui m’avez suivi, lorsque, au temps de la régénération, le Fils de l’homme siégera sur le trône de sa gloire, vous siégerez, vous aussi, sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d’Israël. Et quiconque aura quitté sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses champs, à cause de mon nom, recevra le centuple, et possédera la vie éternelle. |
Credo | |
Ant. ad Offertorium. Ps. 18, 5. | Offertoire |
In omnem terram exívit sonus eórum : et in fines orbis terræ verba eórum. | Leur bruit s’est répandu dans toute la terre, et leurs paroles jusqu’aux extrémités du monde |
Hóstias, Dómine, quas nómini tuo sacrándas offérimus, apostólica prosequátur orátio : per quam nos expiári tríbuas et deféndi. Per Dóminum. | Ces hosties que nous vous offrons, Seigneur, comme devant être consacrées à la gloire de votre nom, qu’elles soient accompagnées de la prière de vos apôtres en raison de laquelle vous nous accorderez pardon et protection. |
Præfatio de Apostolis. | Préface des Apôtres . |
Ant. ad Communionem. Matth. 19, 28. | Communion |
Vos, qui secúti estis me, sedébitis super sedes, iudicántes duódecim tribus Israël. | Vous qui m’avez suivi, vous siégerez sur des trônes et vous jugerez les douze tribus d’Israël. |
Quos cælésti, Dómine, alimento satiásti : apostólicis intercessiónibus ab omni adversitáte custódi. Per Dóminum nostrum. | Seigneur, par l’intercession de vos apôtres, défendez contre toute adversité ceux que vous avez nourris de l’aliment céleste. |
Leçons des Matines.
AU DEUXIÈME NOCTURNE.
De l’Exposition de saint Jean Chrysostome, sur l’Épître aux Romains.
Quatrième leçon. Puisque l’Apôtre Paul implore pour nous la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, source de tous les biens, il nous reste à nous montrer dignes d’un tel patronage ; en sorte que non seulement nous écoutions ici-bas la voix de saint Paul, mais que nous méritions aussi de voir l’athlète du Christ, quand nous aurons émigré dans l’autre monde. D’ailleurs si nous l’écoutons sur terre, nous le verrons certainement dans le ciel : non sans doute comme placés tout près de lui, mais nous le verrons tout resplendissant (de gloire), au pied du trône royal où les Chérubins glorifient Dieu, où les Séraphins déploient leurs ailes. Là nous verrons Paul, placé avec Pierre à la tête des Saints et dirigeant leurs chœurs ; là nous jouirons de sa charité fraternelle.
Cinquième leçon. S’il a tellement aimé les hommes quand il se trouvait sur la terre que, malgré son vif désir de voir ses liens rompus et d’être avec le Christ, il a cependant choisi de rester encore ici-bas, à plus forte raison nous témoignera-t-il là-haut une charité très ardente. C’est à cause de lui que moi j’aime Rome quoique j’aie d’autres sujets de la louer, comme sa grandeur, son antiquité, sa beauté, sa nombreuse population, sa puissance, ses richesses et ses exploits guerriers, laissant tout cela de côté, je la proclame heureuse de ce que Paul, quand il vivait, eut tant de bienveillance et d’amour pour ses habitants, de ce qu’il les instruisit de vive voix, et qu’il termina sa vie au milieu d’eux. Ce sont eux qui possèdent sa dépouille sainte et voilà ce qui rend par-dessus tout, leur ville si célèbre. Comme un grand et robuste corps, elle a deux yeux pleins d’éclat, à savoir les reliques de ces deux Saints
Sixième leçon. Le ciel resplendit d’un -moins vif éclat quand le soleil verse d’en haut ses rayons, que la ville des Romains avec ces deux flambeaux, répandant la lumière dans les pays de la terre. C’est de là que Paul, c’est de là que Pierre seront enlevés de ce monde. Représentez-vous, non sans effroi, quel spectacle ce sera pour Rome de voir Paul ressusciter tout à coup avec Pierre du fond de ce monument, pour être portés dans les airs à la rencontre du Seigneur. Quelle rose Rome ne présentera-t-elle pas au Christ ? De quelle double couronne n’est pas ornée cette ville ? De quelles chaînes d’or n’est-elle pas ceinte ? Quelles fontaines ne possède-t-elle pas ? Ainsi donc j’admire cette ville, non pour l’or qu’elle a en abondance, ni pour ses colonnes, ni pour la beauté de toute autre chose, mais bien pour ces deux colonnes de l’Église. Qui me donnera d’aller maintenant faire à genoux le tour des restes de Paul, de coller mes lèvres à son tombeau, de voir la poussière de ces membres dans lesquels Paul complétait par ses souffrances la passion du Christ, portait les stigmates du Sauveur, répandait partout, comme une semence, la prédication de l’Évangile ?
AU TROISIÈME NOCTURNE.
Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu.
En ce temps-là : Pierre dit à Jésus : Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre, qu’y aura-t-il donc pour nous ? Et le reste.
Homélie de saint Bède le Vénérable, Prêtre.
Septième leçon. Au jugement dernier, il y aura deux classes d’élus. Les uns jugeront avec le Seigneur ; ce sont ceux dont il parle ici, qui auront tout quitté pour le suivre. Les autres seront jugés par le Seigneur. Ce sont ceux qui, sans avoir tout quitté comme les premiers, auront eu soin de dépenser leurs biens en aumônes quotidiennes aux pauvres de Jésus-Christ ; aussi le divin Juge leur dira-t-il : « Venez, les bénis de mon Père, possédez le royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde : car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire. »
Huitième leçon. Mais les paroles du Seigneur nous révèlent qu’il y aura aussi deux classes de réprouvés ; ceux qui, après avoir été initiés aux mystères de la foi chrétienne, s’abstiennent par mépris d’accomplir les œuvres de la foi et auxquels le grand Juge dira : « Allez loin de moi, maudits, au feu éternel qui a été préparé au diable et à ses anges ; car j’ai eu faim, et vous ne m’avez point donné à manger ». La seconde classe de damnés comprendra ceux qui n’auront jamais reçu la foi de Jésus-Christ, ni participé à ses mystères, ou qui, ayant reçu la foi, l’auront abandonnée par l’apostasie, et c’est de chacun d’eux qu’il est dit : « Celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il ne croit pas au nom du Fils unique de Dieu ».
Neuvième leçon. Après avoir brièvement rappelé ces choses avec la crainte et l’effroi qu’elles doivent inspirer, prêtons plus volontiers l’oreille aux promesses très consolantes de notre Seigneur et Sauveur. Voyons par quels excès de bonté prodigieuse il promet à ses disciples, non seulement les récompenses de la vie éternelle, mais encore d’insignes faveurs pour la vie présente. « Et quiconque, dit-il, aura quitté sa maison ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses champs, à cause de mon nom, recevra le centuple, et aura pour héritage, la vie éternelle ». En effet celui qui aura renoncé, soit aux affections soit aux possessions terrestres pour être le disciple du Christ, éprouvera que plus il aura été avant dans l’amour de Jésus, plus il trouvera de personnes qui se feront une joie de le recevoir avec toute affection de cœur, et de le sustenter de leurs biens.
A Laudes.
V/. In omnem terram exívit sonus eórum. | V/. Leur bruit s’est répandu dans toute la terre [1]. |
R/. Et in fines orbis terræ verba eórum. | R/. Et leurs paroles jusqu’aux confins du globe de la terre. |
Ad Bened. Ant. Gloriósi príncipes terræ, * quomodo in vita sua dilexérunt se, ita et in morte non sunt separáti. | Ant. au Benedictus Comme ces glorieux princes de la terre * se sont aimés durant leur vie, de même dans la mort ils n’ont pas été séparés. |
A Vêpres.
V/. Constítues eos príncipes super omnem terram. | V/. Vous les établirez princes sur toute la terre [2]. |
R/. Mémores erunt nóminis tui, Dómine. | R/. Ils se souviendront de votre nom Seigneur, dans toute la suite des générations. |
Ad Magnificat Ant. Petrus Apóstolus * et Paulus Doctor Géntium, ipsi nos docuérunt legem tuam, Dómine. | Ant. au Magnificat L’Apôtre saint Pierre, * et saint Paul, le Docteur des Nations, nous ont instruits de votre loi, Seigneur. |
Pierre et Paul ne cessent point d’écouter par le monde la prière de leurs dévots clients. Le temps n’a rien enlevé à leur puissance ; et, pas plus au ciel qu’autrefois sur la terre, la grandeur des intérêts généraux de la sainte Église ne les absorbe, au point de négliger la demande du plus petit des habitants de cette glorieuse cité de Dieu, dont ils furent et restent les princes. Un des triomphes de l’enfer à notre époque étant d’avoir endormi sur ce point la foi des justes eux-mêmes, il nous faut insister pour secouer ce sommeil funeste, qui n’irait à rien moins qu’à mettre en oubli le plus touchant côté de ce que le Seigneur a voulu faire, en confiant à des hommes le soin de continuer son œuvre et de le représenter visiblement ici-bas.
L’erreur qui détournait le monde de Pierre n’aura décidément vécu, que lorsque le monde verra en lui, non seulement la fermeté du roc résistant aux assauts des portes de l’enfer, mais aussi la tendresse de cœur, la paternelle sollicitude qui font de lui le vicaire de Jésus dans son amour [3]. L’Église, en effet, n’est pas seulement un édifice dont la durée doit être éternelle : elle est aussi une famille et une bergerie ; c’est pourquoi le Seigneur, voulant laisser à son œuvre, en quittant la terre, une triple garantie, exigea de l’élu de sa confiance une triple affirmation d’amour, et alors seulement l’investit de son ministère sublime, disant : Pais mes brebis [4].
« Or, s’écrie saint Léon, loin de nous le doute que, ce ministère de pasteur, Pierre ne l’exerce encore, qu’il ne demeure fidèle à cet engagement d’un amour éternel, qu’il ne continue d’observer avec une tendresse infinie le commandement du Seigneur, nous confirmant dans le bien par ses exhortations, priant sans cesse afin qu’aucune tentation ne prévale sur nous [5]. Et cette tendresse, qui embrasse tout le peuple de Dieu [6], elle est plus vaste et plus puissante maintenant que lorsqu’il était mortel encore, parce que tous les devoirs et les multiples sollicitudes de sa paternité immense, il y fait honneur en celui et avec celui qui l’a glorifié » [7].
« Si partout, dit encore saint Léon, les martyrs ont reçu, en retour de leur mort et pour manifester leurs mérites, la puissance d’aider ceux qui sont en péril, de chasser maladies et esprits immondes, de guérir des maux innombrables : qui donc serait assez ignorant ou envieux de la gloire du bienheureux Pierre, pour estimer qu’aucune partie de l’Église échappe à sa sollicitude et ne lui doive accroissement ? Toujours brûle, toujours vit, dans le prince des Apôtres, cet amour de Dieu et des hommes que ne domptèrent ni l’étroitesse ni les fers des cachots, ni les fureurs des foules, ni la colère des rois ; la victoire n’a point attiédi ce que le combat n’avait su réduire. Lors donc que, de nos jours, les chagrins font place à la joie, le labeur au repos, la discorde à la paix, nous reconnaissons dans ces secourables effets les mérites et la prière de notre chef. Bien souvent nous avons l’expérience qu’il préside aux salutaires conseils, aux justes jugements ; le droit de lier et de délier est exercé par nous, et c’est l’influence du très bienheureux Pierre qui amène le condamné à pénitence, le pardonné à la grâce [8]. Et cette expérience qui nous est personnelle, nos pères aussi l’ont connue ; en sorte que nous croyons et tenons pour sûr que, dans toutes les peines de cette vie, la prière apostolique doit nous être une aide et sauvegarde spéciale auprès de la miséricorde de Dieu » [9].
L’évêque de Milan, saint Ambroise, exalte, lui aussi, magnifiquement l’action apostolique sans cesse efficace et vivante en l’Église. Mais où il excelle en son exposition toujours si suave et si sûre, c’est quand, s’élevant dans les régions sublimes où se complaît sa grande âme, il exprime avec une délicatesse et une profondeur également infinies le rôle de Pierre et celui de Paul dans la sanctification des élus.
« L’Église, dit-il, est un navire où Pierre doit pêcher ; et, dans cette pêche, il reçoit ordre d’user tantôt des filets, tantôt de l’hameçon. Grand mystère ! car cette pêche est toute spirituelle. Le filet enserre, l’hameçon blesse ; mais au filet la foule, à l’hameçon le poisson solitaire [10]. O bon poisson, ne redoute point l’hameçon de Pierre : il ne tue pas, mais consacre ; précieuse blessure que la sienne, qui, dans le sang, fait trouver la pièce de bon aloi nécessaire à l’acquittement du tribut de l’Apôtre et du Maître [11]. Donc ne t’estime pas peu de chose, parce que ton corps est faible : tu as en ta bouche de quoi payer pour le Christ et pour Pierre [12]. Car un trésor est en nous, le Verbe de Dieu ; la confession de Jésus le met sur nos lèvres. C’est pourquoi il est dit à Simon : Va en pleine mer [13], c’est-à-dire, au cœur de l’homme ; car le cœur de l’homme, en ses conseils, est comme les eaux profondes [14]. Va en pleine mer, c’est-à-dire, au Christ ; car le Christ est le réservoir profond des eaux vives [15], en lequel sont les trésors de la sagesse et de la science [16]. Tous les jours, Pierre continue de pêcher ; tous les jours, le Seigneur lui dit : Va en pleine mer. Mais il me semble entendre dire à Pierre : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre [17]. Pierre peine en nous, quand notre dévotion est laborieuse. Paul alors, lui aussi, est en labeur ; vous l’avez entendu aujourd’hui, qui disait : Qui est malade, sans que moi-même je sois malade [18] ? Faites en sorte que les Apôtres n’aient pas ainsi à peiner pour vous » [19].
Le Missel Ambrosien nous donne cette Préface et cette Oraison, au jour de la fête.
PRÉFACE. | |
Æquum et salutare : nos tibi semper, hic et ubique, in honore Apostolorum Petri et Pauli gratias agere, Quos ita electione tua consecrare dignatus es : ut beati Petri sæcularem piscandi artem in divinum dogma converteres, quatenus humanum genus de profundo inferni præceptorum tuorum retibus liberares ; et coapostoli ejus Pauli mentem cum nomine mutares, ut quem prius persecutorem metuebat Ecclesia, nunc cœlestium mandatorum lætetur se habere doctorem. Paulus cæcatus est, ut videret : Petrus negavit, ut crederet, Huic claves cœlestis imperii : illi ad evocandas gentes, divinæ legis scientiam contulisti. Ille introducit ; hic aperit : et ambo virtutis æternæ præmia sunt adepti. Hunc dextera tua gradientem in elemento liquido, dum mergeretur, erexit, illum autem, tertio naufragantem , profunda pelagi fecit vitare discrimina. Hic portas inferi, ille mortis vicit aculeum : et Paulus capite plectitur, quia gentium caput fidei probatur ; Petrus autem, sursum versis vestigiis, caput omnium nostrum secutus est Christum. | Il est juste et salutaire que, toujours, ici et partout, nous vous rendions grâces en l’honneur des Apôtres Pierre et Paul. Effets sacrés de l’élection que vous en avez daigné faire ! Le bienheureux Pierre a vu son métier de pêcheur passer en un dogme divin, quand vous résolûtes de tirer le genre humain des gouffres infernaux dans les filets de vos commandements ; et Paul, le compagnon de son apostolat, s’est vu changer par vous d’esprit comme de nom, de telle sorte que le persécuteur auparavant redouté de l’Église est maintenant sa joie, étant devenu le docteur des préceptes du ciel. Paul, pour voir, a perdu la vue ; Pierre a renié, pour croire. Vous donnâtes à celui-ci les clefs de l’empire des cieux, au premier la science de la loi divine pour appeler les nations. Paul introduit, Pierre ouvre, et tous deux sont en possession des éternelles récompenses. Votre droite raffermit l’un marchant sur les eaux, quand il enfonçait ; l’autre, en trois naufrages, fut par elle préservé de péril au fond des mers. L’un résiste aux portes de l’enfer, l’autre dompte l’aiguillon de la mort. Paul est décapité, comme chef des nations dans la foi ; Pierre, les pieds tournés en haut, suit le Christ, notre chef à tous. |
ORAISON. | |
Deus, qui confitentium tibi redemptor es animarum, quarum piscator beatus Petrus Apostolus, atque ovium pastor tua præceptione cognoscitur : annue misericors precibus nostris, et populo tuo pietatis tuæ dona concede. Qui vivis. | O Dieu, rédempteur des âmes qui vous louent, leur pêcheur fut le bienheureux Pierre Apôtre, et par votre ordre nous reconnaissons en lui le pasteur des brebis ; dans votre miséricorde, écoutez nos prières et accordez à votre peuple les dons de votre bonté. Vous qui vivez. |
HYMNE. | |
O Roma nobilis, orbis et domina,
Cunctarum urbium excellentissima, Roseo martyrum sanguine rubea, Albis et virginum liliis candida : Salutem dicimus tibi per omnia, Te benedicimus, salve per sæcula. | O noble Rome maîtresse du monde,
de toutes les villes la plus belle, empourprée comme la rose dans le sang des martyrs, éclatante de blancheur sous les lis de tes vierges : salut à toi par l’univers, bénédiction, salut dans les siècles ! |
Petre, tu præpotens cœlorum claviger,
Vota precantium exaudi jugiter : Cum bissex tribuum sederis arbiter, Factus placabilis judica leniter, Teque precantibus nunc temporaliter Ferto suffragia misericorditer. | Pierre, vous le très puissant porte-clefs des cieux,
exaucez toujours les vœux de qui vous implore ; quand vous siégerez comme juge des douze tribus, laissez-vous apaiser, portez douce sentence ; à nous qui d’ici-bas sommes vos clients à cette heure, donnez votre voix miséricordieuse. |
O Paule, suscipe nostra peccamina,
Cujus philosophos vicit industria : Factus œconomus in domo regia, Divini muneris appone fercula ; Ut, quæ repleverit te Sapientia, Ipsa nos repleat tua per dogmata. Amen. | O Paul, prenez en mains la cause des coupables,
vous dont l’habileté triompha des philosophes ; pensateur des biens de la maison du Roi, servez-nous les mets de la divine grâce : que la Sagesse, qui vous rassasia, nous nourrisse elle-même par vos enseignements. Amen. |
Ce commentaire est celui du 3 juillet, 5ème jour dans l’Octave.
Aujourd’hui, on continue à fêter l’octave des Apôtres, rite déjà en vigueur au temps de saint Léon le Grand, qui fit un de ses discours au peuple précisément In octavis sanctorum Apostolorum [20]. Bien plus, si nous pouvions nous fier aux Actes de saint Sébastien au moins pour un détail liturgique, il faudrait reporter l’origine de l’octave des saints Pierre et Paul à la seconde moitié du IIIème siècle, puisque, durant la persécution de Dioclétien, ce rite devait être déjà en vigueur. Le prêtre Tranquillinus fut en effet surpris par les païens tandis qu’il priait sur le tombeau de saint Paul le jour de l’octave des Apôtres, et, pour cette raison, fut mis à mort.
La messe infra octavam Apostolorum n’existe pas dans les anciens Sacramentaires et représente plutôt une habile rapsodie.
L’introït est celui du jour de saint André, le 30 novembre ; toutes les collectes au contraire sont empruntées à la fête des deux Apôtres le 29 juin. La première lecture est tirée des Actes ; c’est la même que le mercredi des Quatre-Temps de Pentecôte, tandis que l’Évangile est emprunté à la fête du 25 janvier.
Le répons-graduel est identique à celui qui est assigné à la fête de saint André, mais le verset alléluiatique est spécial :
Tel est le fondement scripturaire du dogme de l’infaillibilité pontificale. Jésus voulait garantir à son Église la possession inaliénable des vérités révélées, qui ne devaient donc pas être compromises par l’ignorance et la défectibilité de l’intelligence humaine. Que fait-il ? Il prie le Père et obtient pour son Vicaire sur la terre le privilège de l’assistance du Saint-Esprit, pour que sa foi catholique ne défaille jamais et ne subisse pas d’altération. Ce charisme est limité à.la profession de foi — c’est-à-dire à l’enseignement pontifical dans l’ordre de la foi et des mœurs — et non aux actions du Pape. La première, en effet, est l’étoile polaire qui doit servir de guide à Pierre et à tous sur la route du Ciel ; tandis que les secondes sont de caractère privé et personnel, et peuvent être aisément corrigées et redressées selon les exigences de la foi.
En l’honneur du Prince des Apôtres, nous aimons à rapporter aujourd’hui cette antique inscription qui existait autrefois dans la basilique vaticane sous une peinture représentant le Christ remettant les clefs à saint Pierre :
TERRVIT • ANGELICAS • ACIES • CONCESSA • POTESTAS
TANTA • PETRO • RESERARE • POLOS • ET • PASCERE • CAVLAM
EREPTAM • DE • FAVCE • LVPI • (NOS • PROTEGAT • ILLE (CATAM)
ATQVE • AVLAM • HANC • SERVET • SANCTAM) . SIBIMETQVE • DI…
Les milices angéliques furent effrayées du pouvoir accordé à Pierre d’ouvrir les cieux et de paître le troupeau soustrait à la gueule du loup. Qu’il nous protège et conserve ce temple sacré qui lui est dédié.
En l’honneur du Docteur des Gentils, nous rapportons cet autre distique d’Alcuin, composé vraisemblablement pour l’abbaye de saint-Paul :
SERVA • PAVLE • TVI • VENERANDA • SACRARIA • TEMPLI
NE • LATRO • DEPOPULANS • VASTET • OVILE • TVVM
Conserve, ô Paul, ton sanctuaire vénéré, pour que le larron ne dévaste pas et ne saccage pas ta bergerie.
Ces vers se lisent encore aujourd’hui dans le Cloître intérieur du sacratissimum monasterium du Docteur des Nations.
Les deux yeux brillants de Rome.
L’octave des deux Princes des Apôtres a ceci de remarquable qu’elle possède plusieurs messes propres différentes, ce qui ne se retrouve que pendant les octaves de Pâques et de la Pentecôte. Autrefois ce cas était fréquent, comme l’atteste le plus ancien missel (le Sacramento Léonien.).
1. La messe (Mihi autem). — Nous célébrons donc aujourd’hui une messe propre dans l’octave. Cette messe s’emploie aussi comme messe votive des deux apôtres. Les parties chantées par le chœur sont celles du commun des apôtres. A l’Introït, nous honorons les saints Apôtres comme les amis de Dieu et comme les princes du royaume de Dieu. La leçon raconte que « les hommes déposaient leurs malades dans la rue, afin que, quand Pierre passait, ils fussent touchés au moins par son ombre et délivrés de leurs maladies ». Les premiers chrétiens nourrissaient une semblable espérance ; aussi se rendaient-ils volontiers aux tombeaux des saints martyrs et notamment des princes des Apôtres, et y offraient-ils le Saint-Sacrifice. L’Eucharistie avait pour eux, aux tombeaux des saints, une double puissance curative qu’elle tenait tant du corps du Seigneur que des reliques du saint. Ils espéraient la guérison non seulement des maladies de l’âme, mais aussi de celles du corps ; c’est pourquoi il leur arrivait de laisser leurs malades pendant la nuit sur le tombeau des saints. L’Évangile présente, lui aussi, le mystère de la messe du jour ; le Christ promet à Pierre, en échange des biens de ce monde qu’il a abandonnés et des épreuves qu’il accepte à sa suite, une participation à sa royauté et à sa judicature, « quand le Fils de l’homme sera assis sur son trône de majesté ». L’Église renouvelle cette promesse à la Communion ; elle veut dire par là qu’il y a déjà dans le Saint-Sacrifice une anticipation de cette parousie du Christ et que nous y recevons le gage de la récompense « au centuple ». Le Graduel célèbre les Apôtres comme les fils princiers de cette reine qu’est l’Église ; l’Alléluia rappelle l’avertissement du Christ : « Pierre, une fois converti, affermis aussi tes frères ». A l’Offertoire, nous voyons les Apôtres entreprendre leurs courses apostoliques.
2. La prière des Heures liturgiques. — Dans la prière des Heures, le plus grand prédicateur du Christianisme, saint Jean Chrysostome, nous offre un panégyrique des deux Apôtres et en même temps de Rome (cela est d’autant plus remarquable qu’il était évêque de Constantinople, d’où devait partir, quelques siècles plus tard, le mouvement de séparation d’avec Rome). « C’est pourquoi aussi j’aime Rome, bien que je puisse la louer pour d’autres motifs, par exemple pour sa grandeur et son ancienneté, pour sa beauté et sa population, pour sa puissance et sa richesse, et non moins pour ses exploits guerriers — pourtant, laissant tout cela de côté, je la proclame bienheureuse parce que, pendant sa vie, Paul s’est montré si plein d’attentions pour elle, parce qu’il l’a tant aimée, parce qu’il a évangélisé ses habitants et qu’il a terminé sa vie parmi eux. Ils possèdent son corps. Et c’est précisément cette raison plus que toute autre qui donne à leur ville son prestige. De même qu’un corps plein de force et de santé possède deux yeux brillants, cette ville, elle aussi, a deux yeux brillants, je veux dire les corps de ces deux saints. Le ciel n’est pas aussi lumineux quand le soleil répand ses rayons, que la ville de Rome quand elle projette sur toute la terre ces deux éclats fulgurants. C’est là que Paul sortira de sa tombe, et Pierre aussi. Songez avec étonnement au spectacle que Rome verra un jour ! Paul sort tout à coup vivant de sa tombe, et Pierre en même temps que lui, et tous deux se portent à la rencontre du Seigneur. Quelles roses en pleine fraîcheur de floraison Rome enverra alors au Christ ! Quelle double couronne précieuse pour orner cette ville ! De quelles chaînes d’or magnifiques est-elle ceinte ! Quelles fontaines précieuses elle possède ! Voilà pourquoi j’admire cette ville ; ce n’est pas pour la surabondance de son or, ce n’est pas pour ses colonnes, ni pour quelque autre beauté, mais c’est pour ces deux colonnes de l’Église que je l’admire. Qui me donnera maintenant d’entourer le corps de Paul, d’appuyer mes lèvres sur sa tombe, de voir la poussière de son corps qui compléta ce qui manquait aux souffrances du Christ, qui porta ses stigmates et qui propagea partout la prédication de l’Évangile ? »
[1] Ps. 18, 4.
[2] Ps. 44, 17.
[3] Ambr. in Luc. X.
[4] Johan. XXI.
[5] Sermo IV de Natali ipsius.
[6] Ibid.
[7] Sermo III de Nat. ips.
[8] Sermo V de Nat. ips.
[9] Sermo I in Nat. Apost. ; lect. IIi Nocturni 5ae diei infra Oct.
[10] De Virginitate, XVIII.
[11] Allusion au poisson que Pierre alla pêcher sur l’ordre du Seigneur, un jour qu’on réclamait le tribut à son Maître, et dans la bouche duquel se trouva de quoi payer l’impôt à la fois pour Jésus et pour Pierre. (Matth. XVII, 23-26).
[12] Ambr. Hexaemeron, V.
[13] Luc. V, 4.
[14] Prov. XVIII, 4.
[15] Johan. IV, 11.
[16] Rom. XI, 33.
[17] Luc. V, 5.
[18] II Cor. XI, 29. Cette partie du livre de la Virginité est formée d’un discours qui fut prononcé au jour de la solennité des saints Apôtres. Dans la Liturgie Ambrosienne, on lit encore maintenant, comme Épître de la fête, le passage de la deuxième lettre aux Corinthiens où se trouve le texte cité par saint Ambroise.
[19] Ambr. de Virginit. XVIII, XIX.
[20] Serm. LXXXIV, al. LXXXI.