Textes de la Messe après 1942 |
Textes de la Messe avant 1942 |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Le pape Silvère, élu en 536, fils du pape Hormisdas, fut accusé de compromission avec les Goths par le général byzantin Bélisaire et déporté dans l’île de Palmaria, au large de Gaète, où il mourut au bout de peu de mois (537/538). Le calendrier de Mantoue et le martyrologe de Vienne en font mémoire au 20 juin. Adon, qui a retenu la même date pour l’inscrire dans sa seconde liste, déclare : confessor moritur. Usuard ne le mentionne pas, mais on le trouve plus tard dans ses Auctaria. Le calendrier de l’Aventin est le premier calendrier romain à mentionner : Silveri, papae et martyris (XIe siècle), en attendant que la fête soit reçue au Latran [1]. Fête au Calendrier Romain au XIIe siècle.
Missa Si díligis de Communi summorum Pontificum. | Messe Si díligis du Commun des Souverains Pontifes. |
Avant l’application du commun des Souverains Pontifes (1942), on disait pour St Sylvère la Messe Státuit et on y lisait l’Epître suivante qui depuis n’est plus lue au missel : c’était la seule lecture de l’Epître de St Jude dans l’année liturgique :
Léctio Epístolæ beáti Iudæ Apóstoli. | Lecture de l’Epître de Saint Jude Apôtre. |
Iudæ, 17-21. | |
Caríssimi : Mémores estóte verborum, quæ prædícta sunt ab Apóstolis Dómini nostri Iesu Christi, qui dicébant vobis, quóniam in novíssimo témpore vénient illusóres, secúndum desidéria sua ambulántes in impietátibus. Hi sunt, qui ségregant semetípsos, animáles, Spíritum non habéntes. Vos autem, caríssimi, superædificántes vosmetípsos sanctíssimæ vestræ fídei, in Spíritu Sancto orántes, vosmetípsos in dilectióne Dei servate, exspectántes misericórdiam Dómini nostri Iesu Christi in vitam ætérnam. | Mes bien-aimés : rappelez-vous les choses qui ont été prédites par les apôtres de notre Seigneur Jésus-Christ ; ils vous disaient qu’au dernier temps il viendra des moqueurs, qui marcheront dans l’impiété, suivant leurs convoitises. Ce sont eux qui se séparent eux-mêmes, êtres sensuels, n’ayant pas l’Esprit. Mais vous, bien-aimés, vous élevant vous-mêmes comme un édifice sur le fondement de votre sainte foi, et priant par l’Esprit-Saint, conservez-vous dans l’amour de Dieu, attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ, pour obtenir la vie éternelle. |
Leçon des Matines avant 1960
Troisième leçon. Silvère, né en Campanie, fut le successeur d’Agapit dans le pontificat. Sa science et sa sainteté éclatèrent dans la poursuite des hérétiques, et sa force d’âme se déploya dans la manière dont il maintint le jugement d’Agapit. Malgré les instances réitérées de l’impératrice Théodora, il se refusa à rétablir Anthime qu’Agapit avait déposé de l’évêché de Constantinople comme fauteur de l’hérésie eutychienne. Rendue furieuse, Théodora manda à Bélisaire d’envoyer Silvère en exil. L’île de Ponza fut le lieu de son bannissement. On rapporte qu’il écrivit de là, en ces termes, à l’Évêque Amator : « Je n’ai point abandonné, je n’abandonnerai point ma charge, quoique je vive d’un pain de tribulation et d’une eau d’angoisse. » Et c’est là que, miné en peu de temps par les chagrins et les souffrances, il s’endormit dans le Seigneur, le douze des calendes de juillet. Son corps, porté à Rome et déposé dans la basilique Vaticane, a été illustré par de nombreux miracles. Silvère fut trois ans et plus à la tête de l’Église ; il ordonna, au mois de décembre treize prêtres, cinq diacres et sacra dix-neuf Évêques pour divers lieux.
La succession des Papes est l’un des objets principaux auxquels s’emploie l’Esprit-Saint depuis sa venue dans le monde. Leur légitimité, comme successeurs de Pierre, est en effet intimement liée à la légitimité de l’Église elle-même en qualité d’Épouse du Fils de Dieu ; et c’est pourquoi, chargé de conduire l’Épouse à l’Époux, l’Esprit ne permet pas qu’elle s’égare à la suite des intrus. L’inévitable jeu des passions humaines, intervenant dans l’élection du vicaire de l’Homme-Dieu, peut quelque temps parfois rendre incertaine la transmission du pouvoir spirituel ; mais lorsqu’il est avéré que l’Église, en possession de sa liberté gardée ou reconquise, reconnaît dans un Pape jusque-là douteux le Pontife souverain, cette reconnaissance est la preuve que, de ce moment du moins, l’occupant du Siège apostolique est investi par Dieu même. Cette doctrine, l’Esprit-Saint la confirme en lui donnant, dans le Pontife que nous célébrons aujourd’hui, la consécration du martyre.
Saint Agapit Ier venait de mourir à Constantinople, où Théodat, roi des Goths, avait obtenu qu’il se rendît pour apaiser la colère de Justinien excitée par ses trahisons. A peine la nouvelle de cette mort fut-elle parvenue au prince arien, que, dans la crainte de voir porter au trône pontifical un élu défavorable à ses prétentions, il désigna impérativement comme successeur du Pape défunt le diacre Silvère. Deux mois après, la justice de Dieu frappait le tyran et délivrait l’Église. Nul doute que Rome n’eût alors été dans son droit, en rejetant le chef qu’on avait prétendu lui imposer de vive force : ce n’est point aux princes que le Seigneur a remis l’élection de son vicaire en terre. Mais, étranger aux violences dont sa personne avait été l’occasion, Silvère par ailleurs était digne en tout du pontificat suprême ; le clergé romain, redevenu libre, ne songea point à lui retirer une adhésion jusque-là discutable ; et dès ce moment, chef incontesté de l’Église, le successeur d’Agapit apparut comme le véritable élu du Seigneur. Dans un temps plein d’embûches, il comprit ce qu’exigeait le devoir de sa charge, et préféra un exil qui devait lui coûter la vie à l’abandon du poste où l’avait mis l’Esprit-Saint. L’Église reconnaissante le constate en sa courte Légende. Aussi, lorsque la mort vint frapper le Pontife dans la terre de son bannissement, l’armée des martyrs ouvrit ses rangs pour le recevoir.
Les eaux de la tribulation ont traversé votre âme [2], saint Pontife. Ce ne sont point les césars idolâtres qui furent vos persécuteurs. Ce ne fut pas même, comme pour Jean Ier votre prédécesseur presque immédiat sur le siège pontifical et dans l’arène du martyre, un prince hérétique qui déchargea sur vous sa haine de sectaire. Mais la rancune d’une femme indigne, servie par des trahisons parties du sanctuaire, s’acharna contre vous. Avant même que la mort eût fait en vous son œuvre, il se serait trouvé quelqu’un parmi vos fils pour convoiter le lourd fardeau de votre héritage. Mais quel homme donc eût pu dénouer l’indissoluble lien qui vous attachait à l’Église ? L’usurpateur n’eût été qu’un intrus ; jusqu’à ce que les mérites tout-puissants de votre mort glorieuse eussent obtenu le changement du mercenaire en légitime pasteur, et fait de Vigile lui-même l’héritier de votre courage [3]. Ainsi l’invisible chef de l’Église aurait-il permis, pour la honte de l’enfer, que l’ambition portât ses scandales dans le Saint des Saints même. L’inébranlable foi des peuples, en ce siècle qui fut le vôtre, n’en devait point souffrir ; et la lumière résultant de ces faits lamentables apprendrait mieux aux âges suivants que le caractère personnel d’un pape, et ses fautes mêmes, n’affectent point les célestes prérogatives assurées par Dieu au vicaire de son Christ. Gardez en nous, ô Silvère, le fruit de ces tristes enseignements. Bien pénétré des vrais principes, le peuple chrétien ne verra jamais s’affaiblir en lui le respect dû à Dieu dans ses représentants, quels qu’ils soient ; et le scandale, d’où qu’il vienne, sera impuissant à entamer sa foi.
Ce généreux champion de la foi, victime de la violence brutale de Bélisaire, mourut brisé par les souffrances dans l’île de Ponza. Il était le fils du pape Hormisdas, dont il composa l’épitaphe. Les anciens auteurs de recueils épigraphiques la copièrent dans la basilique vaticane. La voici :
QVAMVIS • DIGNA • TVIS • NON • SINT • PATER • ISTA • SEPVLCHRIS
NEC • TITVLIS • EGEAT • CLARIFICATA • FIDES
SVME • TAMEN • LAVDES • QVAS • PETRI • CAPTVS • AMORE
EXTREMO • VENIENS • HOSPES • AB • ORBE • LEGAT
SANASTI • PATRIÆ • LACERATVM • SCHISMATE • CORPVS
RESTITVENS • PROPRIIS • MEMBRA • REVVLSA • LOCIS
IMPERIO • DEVICTA • PIO • TIBI • GRÆCIA • CESSIT
AMISSAM • GAVDENS • SE • REPARARE • FIDEM
AFRICA • LÆTATVR • MVLTOS • CAPTIVA • PER • ANNOS
PONTIFICES • PRECIBVS • PROMERVISSE • TUIS
HÆC • EGO • SILVERIVS • QVAMVIS • MIHI • DVRA • NOTAVI
VT • POSSENT • TVMVLIS • FIXA • MANERE • DIV
Bien que ce monument sépulcral soit de beaucoup inférieur à tes mérites,
et que ta foi, maintenant glorifiée dans le ciel, n’ait pas besoin d’inscriptions,
agrée toutefois, ô Père, tes louanges, qui seront lues par le pèlerin
quand, poussé par sa dévotion envers saint Pierre,
il viendra ici du coin le plus reculé du monde.
Tu as guéri les blessures de la patrie déchirée par les schismes,
remettant chaque membre à sa place.
La Grèce accueillit tes ordres pieux,
et, pleine de joie, revint à sa foi première.
L’Afrique se réjouit, car, par tes prières, après de longues années de servage,
elle put avoir à nouveau ses propres évêques.
Moi, Silvère, j’ai voulu noter tout cela à ma confusion,
afin que le souvenir en demeure à perpétuité sur cette tombe.
En mars 537, Bélisaire qui résidait alors sur le collis ortorum in Pincis fit appeler le pape Silvère. Celui-ci, s’étant rendu à son appel, fut dépouillé des insignes de la papauté et abandonné à quelques sous-diacres qui le revêtirent du froc monastique, sous la calomnieuse accusation d’avoir favorisé les Goths contre les Byzantins. Au peuple qui, terrifié par le sort du Pontife, attendait hors de la salle, on annonça froidement que Silvère s’était fait moine.
Le Pape fut d’abord envoyé en exil en Lycie, mais quand il arriva à Patare, l’évêque de cette ville fut si épouvanté du sacrilège commis, qu’il courut immédiatement à Constantinople, chez Justinien, pour lui faire ses remontrances : Iudicium Dei contestatus est de tantæ sedis episcopi expulsione, multos esse dicens in hoc mundo reges, et non esse unum sicut ille papa est, super Ecclesiam mundi totius [4]. Impressionné, l’empereur renvoya Silvère en Italie, mais grâce aux embûches du diacre Vigile, son compétiteur à la papauté, il fut relégué par Bélisaire à Palmaria, dans les îles Ponza, où, au milieu des épreuves, il trouva la mort. Son corps fut enseveli dans l’île même, les Romains n’ayant pu le rapporter à Rome, mais Dieu le glorifia par de nombreux miracles, puisque, comme nous l’atteste le biographe de Silvère dans le Liber Pontificalis : Confessor factus est. Qui et sepultus in eodem loco XII Kal. iul. ibique occurrit multitudo male habentes, et salvantur [5] († 538).
La messe [6] est la messe du Commun Státuit, sauf la première lecture, tirée de l’épître de saint Jude (17-21).
Le cousin du Sauveur, Jude Thaddée, exhorte les chrétiens à demeurer fermes dans la foi de la prédication apostolique, les avertissant que, dans les derniers temps, la fausse gnose chercherait à bouleverser le sens chrétien en faveur d’une tbéo-sophie sensuelle. Elle est si funeste qu’elle attire à ses adeptes ce grave reproche de saint Jude : Segregant semetipsos [7] — c’est le séparatisme de l’hérésie — animales [8], c’est leur état d’âme et leur mentalité — Spiritum non habentes [9] — et voilà les conséquences.
Je n’ai pas été infidèle à mon devoir et je ne le serai jamais.
1. Saint Silvère. — Jour de mort : 20 juin 538. Tombeau : dans l’île Palmaria (aujourd’hui Palmarola). Image : On le représente en exilé, avec l’habit de pèlerin et tenant un morceau de pain. Vie : Silvère 1er fut pape et martyr (536-538). Comme il se refusait à reconnaître le patriarche monophysite Antinus, nommé par l’impératrice Théodora, celle-ci le fit déposer par son général, Bélisaire, qui résidait à Rome et ordonna de le revêtir de l’habit monacal. Il fut exilé en Asie Mineure. L’empereur Justinien le renvoya dans son pays sur les instances de l’évêque de Patara. Cependant Bélisaire, poussé par les intrigues de l’antipape Vigile, l’exila dans l’île Palmaria. C’est de là qu’il aurait écrit à l’évêque Amator la lettre suivante : « Je me nourris du pain de la tribulation et de l’eau d’angoisse ; mais je n’ai pas été infidèle à mon devoir et je ne le serai jamais ». Il mourut dans cette île, succombant aux privations de l’exil.
2. La messe. (Si diligis). — La messe est du commun des Souverains Pontifes. Les affirmations et les promesses du Christ sont particulièrement émouvantes aujourd’hui, puisqu’elles s’adressent à un pape qui a été persécuté pour avoir voulu maintenir la vraie foi à ce Christ, en qui les monophysites ne prétendaient reconnaître, avec des nuances diverses, qu’une seule nature. L’Offertoire rappelle qu’il a été établi non seulement pour édifier et planter, mais aussi pour arracher et détruire la mauvaise doctrine, ce qu’il fit en refusant de reconnaître un patriarche hérétique.
[1] Cf. Pierre Jounel, Le Culte des Saints dans les Basiliques du Latran et du Vatican au douzième siècle, École Française de Rome, Palais Farnèse, 1977.
[2] Psalm. LXV, III, 2.
[3] Notre rôle ici n’est point de devancer l’Église dans la défense de quelques-uns de ses Pontifes. Toutefois, l’apologétique a d’autres devoirs ; le nôtre est de rappeler que la mémoire du successeur de saint Silvère a trouvé de savants défenseurs. Vigile n’est point, il est vrai, l’objet d’un culte public, et dès lors l’Église n’a pas à répondre de sa sainteté ; il en est autrement pour Silvère ; mais toute apologie du premier qui ne va pas à diminuer la grandeur morale de ce dernier, garantie par l’Église, est licite et louable.
[4] Le jugement de Dieu est pris à témoin par l’expulsion de l’évêque d’un si grand siège : beaucoup se disent rois dans ce monde, mais aucun n’est roi comme ce pape sur l’Eglise du monde entier. Cf. LIBERATUS, Breviar. 22 ; P. L., LXVIII.
[5] Il a confessé la foi. Et il fut enterré en ce lieu-même le 12 des Calendes de juillet et là accourrurent de nombreux malades, qui furent sauvés. Lib. Pontif., éd. Duchesne, I, 293.
[6] Avant 1942.
[7] Ce sont eux qui se séparent eux-mêmes.
[8] Êtres sensuels.
[9] N’ayant pas l’Esprit.