Textes de la Messe |
Office |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Benoît XVI, catéchèses, 28 novembre 2007 |
Mort en 378. Docteur en 1920, Fête en même temps.
Missa In médio de Communi Doctorum, præter Orationem sequentem : | Messe In médio du Commun des Docteurs, sauf l’oraison suivante : |
Oratio. | Collecte |
Deus, qui Ecclésiam tuam beáti Ephræm Confessóris tui et Doctoris mira eruditióne et præcláris vitæ méritis illustráre voluísti : te súpplices exorámus ; ut, ipso intercedénte, eam advérsus erróris et pravitátis insídias perénni tua virtúte deféndas. Per Dóminum. | O Dieu, vous avez voulu illustrer votre Église par l’admirable érudition et les mérites éclatants du bienheureux Éphrem, votre Confesseur et Docteur : nous vous en supplions, daignez à son intercession la défendre par votre constant secours contre les embûches de l’erreur et de la dépravation. |
Et fit commemoratio Ss. Marci et Marcelliani Mm. : | Et on fait mémoire des Sts Marc et Marcellien, Martyrs : |
Oratio. | Collecte |
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, qui sanctórum Mártyrum tuórum Marci et Marcelliáni natalítia cólimus ; a cunctis malis imminéntibus eórum intercessiónibus liberémur. Per Dóminum nostrum. | Accordez-nous, s’il vous plaît, ô Dieu tout-puissant, que, célébrant la naissance au ciel de vos bienheureux Martyrs Marc et Marcellien, nous soyons délivrés, grâce à leur intercession, de tous les maux qui nous menacent. |
Secreta C | Secrète |
Sancti Ephræm Confessóris tui atque Doctóris nobis, Dómine, pia non desit orátio : quæ et múnera nostra concíliet ; et tuam nobis indulgéntiam semper obtíneat. Per Dóminum. | Que la pieuse intercession de saint Éphrem, Confesseur et Docteur, ne nous fasse point défaut, Seigneur, qu’elle vous rende nos dons agréables et nous obtienne toujours votre indulgence. |
Pro Ss. Martyribus | Pour les Sts Martyrs |
Secreta | Secrète |
Múnera tibi, Dómine, dicáta sanctífica : et, intercedéntibus sanctis Martýribus tuis Marco et Marcelliáno, per éadem nos placátus inténde. Per Dóminum. | Sanctifiez, Seigneur, ces dons qui vous sont consacrés, grâce à eux et les bienheureux Marc et Marcellien, vos Martyrs, intercédant pour nous, regardez-nous avec bonté. |
Postcommunio C | Postcommunion |
Ut nobis, Dómine, tua sacrifícia dent salútem : beátus Ephræm Conféssor tuus et Doctor egrégius, quǽsumus, precátor accédat. Per Dóminum nostrum. | Afin, Seigneur, que votre saint sacrifice nous procure le salut, que le bienheureux Éphrem, votre Confesseur et votre admirable Docteur intercède pour nous. |
Pro Ss. Martyribus | Pour les Sts Martyrs |
Postcommunio | Postcommunion |
Salutáris tui, Dómine, múnere satiáti, súpplices exorámus : ut, cuius lætámur gustu, intercedéntibus sanctis Martýribus tuis Marco et Marcelliáno, renovémur efféctu. Per Dóminum. | L’âme rassasiée par votre don salutaire, nous vous demandons humblement, Seigneur, de faire que nous qui l’avons goûté avec joie, nous soyons renouvelés, grâce à son efficace vertu et tandis que vos saints Martyrs, Marc et Marcellien intercèdent pour nous. |
Leçons des Matines avant 1960
AU DEUXIÈME NOCTURNE.
Quatrième leçon. Éphrem de nationalité syrienne naquit à Nisibi, ville de Mésopotamie. Son père, qui était prêtre des idoles en même temps qu’il s’adonnait aux travaux des champs le chassa de sa demeure. Il était alors jeune encore, et il se rendit chez l’évêque saint Jacques de qui il reçut le baptême. Il fit en peu de temps de tels progrès dans la sainteté et dans la science, qu’il ne tarda pas à être chargé d’enseigner dans la florissante école de Nisibi. Après la mort de l’évêque Jacques, les Perses s’étant emparés de Nisibi, Éphrem partit pour Édesse : il y demeura quelque temps parmi les moines de la montagne, puis, pour se soustraire à des visites trop nombreuses, embrassa la vie érémitique. Ordonné diacre de l’Église d’Édesse et refusant par humilité le sacerdoce, il brilla de l’éclat de toutes les vertus et s’appliqua à acquérir, par la vraie pratique de la sagesse, la piété et la religion. Fixant en Dieu seul toute son espérance, il dédaignait tout ce qui est humain et éphémère, et aspirait assidûment à ce qui est divin et éternel.
Cinquième leçon. Une inspiration divine le conduisit à Césarée, en Cappadoce. Là il rencontra Basile le porte-parole de l’Église, et tous deux se lièrent d’une heureuse amitié. A cette époque, d’innombrables erreurs assaillaient l’Église de Dieu. Pour les réfuter et pour expliquer avec soin les mystères de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Éphrem publia de nombreux travaux écrits en syrien et presque tous traduits en grec ; saint Jérôme atteste qu’il s’acquit ainsi une telle célébrité que, dans certaines églises, on faisait la lecture publique de ses écrits après celle des Saintes Écritures.
Sixième leçon. Ces publications, pleines d’une doctrine si lumineuse, méritèrent à ce grand Saint que, de son vivant déjà, on l’honora comme un Docteur de l’Église. Il composa aussi des hymnes poétiques en l’honneur de la Très Sainte Vierge Marie et des Saints, ce qui lui valut d’être justement appelé par les Syriens, la cithare du Saint-Esprit, et se fit surtout remarquer par son extraordinaire et tendre dévotion à la Vierge immaculée. Il mourut plein de mérites à Édesse, en Mésopotamie, le quatorze des calendes de juillet, sous le règne de Valens. Cédant aux instances de nombreux Cardinaux, Patriarches, Archevêques, Évêques, abbés et familles religieuses, le Pape Benoît XV, après avoir pris l’avis de la Sacrée Congrégation des Rites, le déclara Docteur de l’Église universelle.
AU TROISIÈME NOCTURNE.
Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu.
En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Vous êtes le sel de la terre. Que si le sel perd sa vertu, avec quoi le salera-t-on ? Et le reste.
Homélie de saint Éphrem de Syrie, Diacre.
Septième leçon. C’est une grande chose que d’entreprendre une bonne œuvre et de lui donner son achèvement, d’être agréable à Dieu et utile au prochain, de plaire enfin à notre souverain et très doux Maître le Christ Jésus qui a dit : Vous êtes le sel de la terre et les colonnes des cieux. Le labeur que tu poursuis dans l’affliction, très cher [frère, passe] comme un songe, mais le repos qui suivra ton labeur est indescriptible et inestimable. Veille donc attentivement sur toi-même, afin de ne point repousser l’un et perdre l’autre, en ne recherchant ni l’un ni l’autre, à savoir le contentement présent et la joie éternelle. Efforce-toi plutôt d’acquérir la vertu parfaite, ornée et caractérisée par toutes les dispositions que Dieu aime. Si tu y parviens, jamais tu ne provoqueras la colère de Dieu, ni ne feras tort à ton prochain. ’
Huitième leçon. Cette vertu [de charité] est appelée la seule vertu ; elle est dite d’une beauté unique car elle possède en soi la splendeur des diverses vertus. Le diadème des rois ne peut être achevé sans que des pierres précieuses et des perles brillantes y soient enchâssées et entrelacées, ainsi cette vertu unique ne peut-elle subsister sans l’éclat de vertus variées. Elle est assurément comparable à un diadème royal. Car de même que celui-ci ne peut scintiller entièrement sur la tête royale si une pierre ou une perle y fait défaut, de même cette unique vertu ne peut être appelée vertu parfaite, si elle n’a la gloire de réunir les autres vertus. Et semblablement dans un somptueux festin où les condiments les plus exquis ont été préparés mais où le sel fait défaut, comme ces mets précieux ne sauraient être mangés sans sel, ainsi, une vertu qui paraîtrait complète et posséder l’honneur et la gloire d’autres vertus variées, resterait assurément vile et méprisable, si l’amour de Dieu et du prochain en était absent.
Neuvième leçon. Quelques-uns sont parvenus à cette vertu et cherchant à l’orner comme on orne tout alentour un diadème royal, ils ont possédé en grande partie la parure qui lui convient. Mais, dans la suite, à l’occasion d’un objet quelconque, sûrement très méprisable, ils ont laissé décliner entièrement une vertu si précieuse. Leur âme s’est trouvée attachée aux sollicitudes terrestres et leur vertu arrêtée par des liens si vils, n’a pu entrer au ciel. Sois donc plein d’attention et de vigilance, mon très cher [frère], de peur qu’en t’embarrassant dans des entraves analogues, tu n’ouvres à l’ennemi en quête d’une proie et-que tu ne perdes cette vertu admirable et illustre recherchée par toi au prix de tant de labeurs ; de peur encore que tu ne la rendes incapable, ta vertu, de pénétrer dans les parvis célestes et que tu ne la places plutôt avec le rouge de la confusion devant le trône de l’époux divin, ou enfin que tu la laisses fixée à la terre par un cheveu. Donne-lui au contraire, l’essor d’une confiance, que rien n’empêche, ainsi qu’une voix élevée, afin qu’elle parvienne avec exultation au lieu du repos et puisse réclamer à haute voix sa récompense.
Cette fête a été introduite dans le Missel par Benoît XV, après que, dans une touchante encyclique, il eut orné saint Éphrem de l’auréole des docteurs. A la vérité, cet illustre champion de l’orthodoxie en Syrie contre les trompeuses menées des Ariens, avait obtenu dès l’antiquité, surtout en Orient, la renommée de Maître de l’Église universelle ; et non seulement les Syriens, mais aussi les Byzantins, les Slaves, les Arméniens et les Coptes avaient accueilli, dans leurs livres liturgiques, les compositions mélodiques du célèbre diacre d’Édesse, appelé pour cela la « cithare du Saint-Esprit ».
A la gloire de saint Éphrem manquait pourtant le dernier sceau que seule la Rome papale peut donner ; il vint enfin et y mit le comble. Benoît XV, en proclamant à la face du monde les mérites de saint Éphrem, en cette année 1920 où se célébraient les fêtes centenaires de saint Jérôme, compara entre eux ces deux grands personnages et fit remarquer que tous deux furent moines et vécurent en Syrie. — Jérôme est, de peu, postérieur à Éphrem dont il célébra les mérites et la gloire. — L’un comme l’autre firent des saintes Écritures l’objet de leurs études assidues, ils s’en nourrirent, jusqu’à les transformer en leur propre substance. Le prêtre de Bethléem et le diacre d’Édesse devinrent ainsi par leur science comme deux magnifiques flambeaux, destinés à illuminer, l’un l’Occident, et l’autre l’Orient.
Dès le XVIIe siècle, Rome chrétienne avait dédié à saint Éphrem — et l’encyclique papale le rappelle — un oratoire, maintenant détruit, sur l’Esquilin. L’extension de la fête du célèbre diacre syrien à l’Église universelle a pour but de montrer aux Orientaux, et surtout aux dissidents, la vénération dont le pontificat romain entoure les gloires et les fastes catholiques de ces très anciennes Églises. D’autre part, voici que l’on comptera désormais des docteurs de l’Église à tous les degrés de la hiérarchie sacrée, puisque Benoît XV, en donnant à saint Éphrem le titre de docteur, a résolu la controverse dont l’objet était de savoir si les diacres peuvent ou non atteindre ce suprême degré d’autorité et de magistère dans l’Église de Dieu. Jusqu’alors, seuls des évêques et des prêtres y avaient accédé.
La messe est tout entière du Commun des Docteurs ; seule la première collecte est propre. « O Dieu qui avez daigné illuminer votre Église par la doctrine et les mérites du bienheureux Éphrem ; nous vous demandons, par son intercession, que, par votre puissance, vous défendiez cette Église contre tout assaut de malice et d’erreur ».
Vraiment, la « lyre de l’Esprit Saint » comme les Orientaux appellent saint Éphrem, a de si grands et si nombreux mérites dans le domaine de la sainte liturgie, qu’il aurait peut-être été désirable que ceux-ci eussent été mis en relief dans la rédaction de sa messe, par exemple par quelque composition liturgique conforme au génie et au goût latin. Saint Ephrem a composé des poèmes admirables sur l’immaculée conception et la pureté de Marie, sur la primauté pontificale, sur les martyrs, sur l’efficacité du divin Sacrifice, sur les suffrages en faveur des défunts, etc. ; ces vers, associés au chant des vierges sacrées et à la musique, passionnèrent jadis les habitants d’Édesse, contemporains d’Éphrem, et les remplirent d’ardeur pour la défense de la foi de Nicée contre les Perses infidèles et contre les Ariens.
Dans le De viris illustribus saint Jérôme témoigne qu’Éphrem, par ses œuvres, ad tantam claritatem venisse, ut post lectionem Scriplurarum, publice in quibusdam ecclesiis eius scripta recitarentur [1].
1. Saint Éphrem le Syrien. — Jour de mort : 9 juin 373. Tombeau : à Édesse, en Syrie. Image : on le représente en diacre, avec un livre ; au ciel brille une colonne de feu. Vie : Ce diacre et docteur de l’Église occupe, parmi les docteurs de l’Église de son pays, d’emblée la première place. Ce fut un champion infatigable de l’Église catholique contre les nombreuses sectes hérétiques, particulièrement les ariens. Il sut unir dans ce combat un zèle ardent contre les erreurs avec une charité compatissante pour les égarés. Ce fut un écrivain d’une grande fécondité, la « Bouche d’or » de l’Église syrienne, et un poète très apprécié. Les Églises orientales ont admis ses poésies spirituelles dans leur liturgie. Les Syriens l’appellent : « la harpe du Saint-Esprit ». — La messe est du commun des docteurs de l’Église.
2. « Harpes du Saint-Esprit ». — Un merveilleux nom ! Dans ses hymnes, Éphrem a quelques beaux vers à ce sujet : « Le son de la trompette appelle les harpes muettes (les âmes) : Éveillez-vous, faites entendre vos chants de louanges et de bénédiction devant l’Époux ! Ce sera un bruit de voix quand les tombes s’ouvriront. L’un après l’autre, ils saisiront leur harpe et entonneront des chants d’allégresse : Gloire à celui qui abaisse, gloire à celui qui relève. Puisse aussi ma cithare, au moment de sa résurrection, louer le Seigneur ! » Or chaque chrétien est une harpe divine ; mais les saints le sont d’une manière toute particulière ; ils se font entendre dans l’Église par leur exemple et leurs leçons. Le jour de leur fête, ces harpes redeviennent vivantes ; L’Esprit de Dieu les anime de son souffle ; le doigt de Dieu les touche dans les textes et les mélodies de la sainte liturgie. « Il est bon de célébrer le Seigneur, de chanter... sur la harpe à dix cordes ». Le saint nous accompagne de sa harpe céleste, et les cordes de cette harpe font écho à nos prières et à nos chants.
Chers frères et sœurs,
Selon l’opinion commune d’aujourd’hui, le christianisme serait une religion européenne, qui aurait ensuite exporté la culture de ce continent dans d’autres pays. Mais la réalité est beaucoup plus complexe, car la racine de la religion chrétienne se trouve dans l’ancien Testament et donc à Jérusalem et dans le monde sémitique. Le christianisme se nourrit toujours à cette racine de l’Ancien Testament. Son expansion au cours des premiers siècles a eu lieu aussi bien vers l’Occident - vers le monde gréco-latin, où il a ensuite inspiré la culture européenne - que vers l’Orient, jusqu’à la Perse, à l’Inde, contribuant ainsi à susciter une culture spécifique, en langues sémitiques, avec une identité propre. Pour montrer cette multiplicité culturelle de l’unique foi chrétienne des débuts, j’ai parlé dans la catéchèse de mercredi dernier d’un représentant de cet autre christianisme, Aphraate le Sage persan, presque inconnu chez nous. Dans cette même optique, je voudrais aujourd’hui parler de saint Éphrem le Syrien, né à Nisibe vers 306 dans une famille chrétienne. Il fut le représentant le plus important du christianisme de langue syriaque et réussit à concilier d’une manière unique la vocation du théologien et celle du poète. Il se forma et grandit à côté de Jacques, Évêque de Nisibe (303-338), et il fonda avec lui l’école de théologie de sa ville. Ordonné diacre, il vécut intensément la vie de la communauté chrétienne locale jusqu’en 363, année où la ville de Nisibe tomba entre les mains des Persans. Éphrem immigra alors à Édesse, où il poursuivit son activité de prédicateur. Il mourut dans cette ville en l’an 373, victime de la contagion de la peste qu’il avait contractée en soignant les malades. On ne sait pas avec certitude s’il était moine, mais il est cependant certain qu’il est resté diacre pendant toute sa vie et qu’il a embrassé l’état de virginité et de pauvreté. C’est ainsi qu’apparaît dans la spécificité de son expression culturelle, l’identité chrétienne commune et fondamentale : la foi, l’espérance - cette espérance qui permet de vivre pauvre et chaste dans ce monde, en plaçant toutes ses attentes dans le Seigneur - et, enfin, la charité, jusqu’au don de soi-même dans le soin des malades de la peste.
Saint Éphrem nous a laissé un grand héritage théologique : sa production considérable peut se regrouper en quatre catégories : les œuvres écrites en prose ordinaire (ses œuvres polémiques, ou bien les commentaires bibliques) ; les œuvres en prose poétique ; les homélies en vers ; et enfin les hymnes, qui sont certainement l’œuvre la plus vaste d’Éphrem. Il s’agit d’un auteur riche et intéressant sous de nombreux aspects, mais en particulier sous le profil théologique. Si nous voulons aborder sa doctrine, nous devons insister dès le début sur ceci : le fait qu’il fait de la théologie sous une forme poétique. La poésie lui permet d’approfondir la réflexion théologique à travers des paradoxes et des images. Dans le même temps sa théologie devient liturgie, devient musique : en effet, c’était un grand compositeur, un musicien. Théologie, réflexion sur la foi, poésie, chant, louange de Dieu vont de pair ; et c’est précisément dans ce caractère liturgique qu’apparaît avec limpidité la théologie d’Éphrem, la vérité divine. Dans sa recherche de Dieu, dans sa façon de faire de la théologie, il suit le chemin du paradoxe et du symbole. Il privilégie largement les images contrastantes, car elles lui servent à souligner le mystère de Dieu.
Je ne peux pour le moment présenter que peu de chose de lui, également parce que la poésie est difficilement traduisible, mais pour donner au moins une idée de sa théologie poétique, je voudrais citer en partie deux hymnes. Tout d’abord, également en vue du prochain Avent, je vous propose plusieurs images splendides tirées des hymnes Sur la nativité du Christ. Devant la Vierge, Éphrem manifeste son émerveillement avec un ton inspiré :
Pour exprimer le mystère du Christ, Éphrem utilise une grande diversité de thèmes, d’expressions, d’images. Dans l’une de ses hymnes, il relie de manière efficace Adam (au paradis) au Christ (dans l’Eucharistie) :
Pour parler de l’Eucharistie, Éphrem se sert de deux images : la braise ou le charbon ardent, et la perle. Le thème de la braise est tiré du prophète Isaïe [4]. C’est l’image du séraphin, qui prend la braise avec les pinces, et effleure simplement les lèvres du prophète pour les purifier ; le chrétien, en revanche, touche et consume la Braise, qui est le Christ lui-même :
Voilà encore un dernier exemple des hymnes de saint Éphrem, où il parle de la perle comme symbole de la richesse et de la beauté de la foi :
La figure d’Éphrem est encore pleinement actuelle pour la vie des différentes Églises chrétiennes. Nous le découvrons tout d’abord comme théologien, qui, à partir de l’Écriture Sainte, réfléchit poétiquement sur le mystère de la rédemption de l’homme opérée par le Christ, le Verbe de Dieu incarné. Sa réflexion est une réflexion théologique exprimée par des images et des symboles tirés de la nature, de la vie quotidienne et de la Bible. Éphrem confère un caractère didactique et catéchistique à la poésie et aux hymnes pour la liturgie ; il s’agit d’hymnes théologiques et, dans le même temps, adaptées à la récitation ou au chant liturgique. Éphrem se sert de ces hymnes pour diffuser, à l’occasion des fêtes liturgiques, la doctrine de l’Église. Au fil du temps, elles se sont révélées un moyen de catéchèse extrêmement efficace pour la communauté chrétienne.
La réflexion d’Éphrem sur le thème de Dieu créateur est importante : rien n’est isolé dans la création, et le monde est, à côté de l’Écriture Sainte, une Bible de Dieu. En utilisant de manière erronée sa liberté, l’homme renverse l’ordre de l’univers. Pour Éphrem, le rôle de la femme est important. La façon dont il en parle est toujours inspirée par la sensibilité et le respect : la demeure de Jésus dans le sein de Marie a grandement élevé la dignité de la femme. Pour Éphrem, de même qu’il n’y a pas de Rédemption sans Jésus, il n’y a pas d’incarnation sans Marie. Les dimensions divines et humaines du mystère de notre rédemption se trouvent déjà dans les textes d’Éphrem ; de manière poétique et avec des images fondamentalement tirées des Écritures, il anticipe le cadre théologique et, d’une certaine manière, le langage même des grandes définitions christologiques des Conciles du Ve siècle.
Éphrem, honoré par la tradition chrétienne sous le titre de "lyre de l’Esprit Saint", resta diacre de son Église pendant toute sa vie. Ce fut un choix décisif et emblématique : il fut diacre, c’est-à-dire serviteur, que ce soit dans le ministère liturgique, ou, plus radicalement, dans l’amour pour le Christ, qu’il chanta de manière inégalable, ou encore, dans la charité envers ses frères, qu’il introduisit avec une rare habileté dans la connaissance de la Révélation divine.
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[1] Cap. 115. « Est parvenu à une telle célébrité qu’après la lecture des Écritures, dans certaines églises, on récite publiquement ses écrits. »
[2] Hymne "De Nativitate" 11, 6-8.
[3] Hymne 49, 9-11.
[4] Cf. 6, 6.
[5] Hymne "De Fide" 10, 8-10.
[6] Hymne "Sur la Perle" 1, 2-3.