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09/05 St Grégoire de Nazianze, évêque, confesseur et docteur

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  
  Benoît XVI, catéchèses, 8 & 22 août 2007   

Mort le 25 janvier 379/380. Les Byzantins font mémoire de lui ce jour là. Les martyrologes occidentaux le mentionnent au 9 mai. Sa fête se répandit au XVIe siècle.

St Pie V en fit une fête double.

Textes de la Messe

die 9 maii
le 9 mai
SANCTI GREGORII NAZIANZENI
SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE
Ep., Conf. et Eccl. Doct.
Evêque, Confesseur et Docteur de l’Église
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Ant. ad Introitum. Eccli. 15, 5.Introït
In médio Ecclésiæ apéruit os eius : et implévit eum Dóminus spíritu sapiéntiæ et intelléctus : stolam glóriæ índuit eum. (T.P. Allelúia, allelúia.)Au milieu de l’Église, il a ouvert la bouche, et le Seigneur l’a rempli de l’esprit de sagesse et d’intelligence, et il l’a revêtu de la robe de gloire. (T.P. Alléluia, alléluia.)
Ps. 91,2.
Bonum est confitéri Dómino : et psállere nómini tuo, Altíssime.Il est bon de louer le Seigneur et de chanter votre nom, ô Très-Haut.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui pópulo tuo ætérnæ salútis beátum Gregórium minístrum tribuísti : præsta, quǽsumus ; ut, quem Doctórem vitæ habúimus in terris, intercessórem habére mereámur in cælis. Per Dóminum.O Dieu qui avez fait à votre peuple la grâce d’avoir le bienheureux Grégoire, pour ministre du salut éternel, faites, nous vous en prions, que nous méritions d’avoir pour intercesseur dans les cieux celui qui nous a donné sur terre la doctrine de vie.
Léctio libri Sapiéntiæ.Lecture du livre de la Sagesse.
Eccli. 39, 6-14.
Iustus cor suum tradet ad vigilándum dilúculo ad Dóminum, qui fecit illum, et in conspéctu Altíssimi deprecábitur. Apériet os suum in oratióne, et pro delíctis suis deprecábitur. Si enim Dóminus magnus volúerit, spíritu intellegéntias replébit illum : et ipse tamquam imbres mittet elóquia sapiéntiæ suæ, et in oratióne confitébitur Dómino : et ipse díriget consílium eius et disciplínam, et in abscónditis suis consiliábitur. Ipse palam fáciet disciplínam doctrínæ suæ, et in lege testaménti Dómini gloriábitur. Collaudábunt multi sapiéntiam eius, et usque in sǽculum non delébitur. Non recédet memória eius, et nomen eius requirétur a generatióne in generatiónem. Sapiéntiam eius enarrábunt gentes, et laudem eius enuntiábit ecclésia.Le juste appliquera son cœur à veiller dès le matin auprès du Seigneur qui l’a créé, et il priera en présence du Très-Haut. Il ouvrira sa bouche pour la prière, et il demandera pardon pour ses péchés. Car si le souverain Seigneur le veut, il le remplira de l’esprit d’intelligence, et alors il répandra comme la pluie les paroles de sa sagesse, et il glorifiera le Seigneur dans la prière. Il réglera ses conseils et sa doctrine, et il méditera les secrets de Dieu. Il publiera les instructions de sa doctrine, et il mettra sa gloire dans la loi de l’alliance du Seigneur. Beaucoup loueront sa sagesse, et il ne sera jamais oublié. Sa mémoire ne s’effacera point ;, et son nom sera honoré de génération en génération. Les nations publieront sa sagesse, et l’assemblée célébrera ses louanges.
Tempore paschali :Au Temps pascal :
Allelúia, allelúia. V/. Eccli. 45, 9. Amávit eum Dóminus, et ornávit eum : stolam glóriæ índuit eum. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Le Seigneur l’a aimé et l’a orné. Il l’a revêtu d’une robe de gloire.
Allelúia. V/. Osee 14, 6. Iustus germinábit sicut lílium : et florébit in ætérnum ante Dóminum. Allelúia.Allelúia. V/. Le juste germera comme le lis, et il fleurira éternellement en présence du Seigneur. Alléluia.
Extra Tempus paschale :Hors du Temps pascal :
Graduale. Ps. 36, 30-31.Graduel
Os iusti meditábitur sapiéntiam, et lingua eius loquétur iudícium.La bouche du juste méditera la sagesse et sa langue proférera l’équité.
V/. Lex Dei eius in corde ipsíus : et non supplantabúntur gressus eius.V/. La loi de son Dieu est dans son cœur et on ne le renversera point.
Allelúia, allelúia. V/. Eccli. 45, 9. Amávit eum Dóminus, et ornávit eum : stolam glóriæ índuit eum. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Le Seigneur l’a aimé et l’a orné. Il l’a revêtu d’une robe de gloire. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum.Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu.
Matth. 5, 13-19.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Vos estis sal terræ. Quod si sal evanúerit, in quo saliétur ? Ad níhilum valet ultra, nisi ut mittátur foras, et conculcétur ab homínibus. Vos estis lux mundi. Non potest cívitas abscóndi supra montem pósita. Neque accéndunt lucérnam, et ponunt eam sub módio, sed super candelábrum, ut lúceat ómnibus qui in domo sunt. Sic lúceat lux vestra coram homínibus, ut vídeant ópera vestra bona, et gloríficent Patrem vestrum, qui in cælis est. Nolíte putáre, quóniam veni sólvere legem aut prophétas : non veni sólvere, sed adimplére. Amen, quippe dico vobis, donec tránseat cælum et terra, iota unum aut unus apex non præteríbit a lege, donec ómnia fiant. Qui ergo solvent unum de mandátis istis mínimis, et docúerit sic hómines, mínimus vocábitur in regno cælórum : qui autem fécerit et docúerit, hic magnus vocábitur in regno cælórum.En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel s’affadit, avec quoi le salera-t-on ? Il n’est plus bon qu’à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée ; et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le candélabre, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes ; je ne suis pas venu les abolir, mais les accomplir. Car, en vérité, je vous le dis, jusqu’à ce que passent le ciel et la terre, un seul iota ou un seul trait ne disparaîtra pas de la loi, que tout ne soit accompli. Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera les hommes à le faire, sera appelé le plus petit dans le royaume des deux ; mais celui qui fera et enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux.
Ante 1960 : CredoAvant 1960 : Credo
Ant. ad Offertorium. Ps. 91, 13.Offertoire
Iustus ut palma florébit : sicut cedrus, quæ in Líbano est multiplicábitur. (T.P. Allelúia.)Le juste fleurira comme le palmier : et il se multipliera comme le cèdre du Liban. (T.P. Alléluia.)
SecretaSecrète
Sancti Gregórii Pontíficis tui atque Doctóris nobis, Dómine, pia non desit orátio : quæ et múnera nostra concíliet ; et tuam nobis indulgéntiam semper obtíneat. Per Dóminum.Que la pieuse intercession de saint Grégoire, Pontife et Docteur, ne nous fasse point défaut, Seigneur, qu’elle vous rende nos dons agréables et nous obtienne toujours votre indulgence.
Ant. ad Communionem. Luc. 12, 42.Communion
Fidélis servus et prudens, quem constítuit dóminus super famíliam suam : ut det illis in témpore trítici mensúram. (T.P. Allelúia.)Voici le dispensateur fidèle et prudent que le Maître a établi sur ses serviteurs pour leur donner au temps fixé, leur mesure de blé (T.P. Alléluia.)
PostcommunioPostcommunion
Ut nobis, Dómine, tua sacrifícia dent salútem : beátus Gregórius Póntifex tuus et Doctor egrégius, quǽsumus, precátor accédat. Per Dóminum nostrum.Afin, Seigneur, que votre saint sacrifice nous procure le salut, que le bienheureux Grégoire, votre Pontife et votre admirable Docteur intercède pour nous.

Office

Leçons des Matines avant 1960

Quatrième leçon. Grégoire, noble Cappadocien, qui fut surnommé le Théologien à cause de sa science profonde des lettres divines, naquit à Nazianze, dans la Cappadoce. Instruit à Athènes dans toutes sortes de sciences, en même temps que saint Basile le Grand, il s’appliqua ensuite à l’étude de l’Écriture sainte. Les deux amis s’y exercèrent durant quelques années dans un monastère, ayant pour méthode d’interpréter les livres sacrés, non selon les lumières de leur esprit propre, mais selon le raisonnement et l’autorité des anciens. Tandis qu’ils florissaient par leur science et la sainteté de leur vie, ils furent appelés à la charge de prêcher la vérité évangélique, et enfantèrent à Jésus-Christ un grand nombre d’âmes.

Cinquième leçon. Grégoire, étant retourné chez lui, fut d’abord créé Évêque de Sasime ; il administra ensuite l’Église de Nazianze. Appelé plus tard à Constantinople pour en gouverner l’Église, il purgea cette ville des hérésies dont elle était infectée, et la ramena à la foi catholique ; mais son zèle, qui aurait dû lui concilier la profonde affection de tous, lui attira l’envie d’un grand nombre. Un grave dissentiment s’étant élevé à son sujet entre les Évêques, il renonça spontanément à l’épiscopat, s’appliquant ces paroles d’un Prophète : « Si c’est à cause de moi que cette tempête s’est élevée, jetez-moi dans la mer, afin que vous cessiez d’être agités par l’orage ». Grégoire revint donc à Nazianze, et ayant fait donner le gouvernement de cette Église à Eulalius, il se livra tout entier à la contemplation des choses divines et à la composition d’ouvrages théologiques.

Sixième leçon. Il écrivit beaucoup, et en prose, et en vers, avec une piété et une éloquence admirables ; il a mérité cet éloge, au jugement d’hommes doctes et saints, que l’on ne trouve dans ses écrits rien qui ne soit conforme aux règles de la vraie piété et de la foi catholique, rien qui puisse être contesté raisonnablement. Il fut le ferme et zélé défenseur de la consubstantialité du Fils. De même qu’il n’était inférieur à personne pour la sainteté de sa vie, il surpassait tous les autres par la gravité de son style. Occupé à la lecture, l’étude et fa composition, il vécut dans la solitude de la campagne à la manière d’un moine ; enfin, accablé de vieillesse, il passa à ta vie bienheureuse du ciel, sous l’empire de Théodose.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Aux côtés d’Athanase, un second Docteur de l’Église se présente pour faire hommage de son génie et de son éloquence à Jésus ressuscité. C’est Grégoire de Nazianze, l’ami et l’émule de Basile, l’orateur insigne, le poète qui, dans la plus étonnante fécondité, a su joindre l’énergie à l’élégance ; celui qui entre tous les Grégoires a mérité et obtenu le grand nom de Théologien par la sûreté de sa doctrine, l’élévation de s’a pensée, la, splendeur de son exposition. La sainte Église le voit avec bonheur étinceler en ces jours sur le Cycle ; car nul n’a parlé avec plus de magnificence que lui du mystère de la Pâque. On en peut juger par le début de son deuxième discours pour cette auguste solennité. Écoutons.

« Je me tiendrai en observation comme la sentinelle », nous dit l’admirable prophète Habacuc ; et mot aujourd’hui, à son exemple, éclairé par l’Esprit-Saint, je fais aussi le guet, j’observe le spectacle qui se découvre à moi, j’écoute les paroles qui vont retentir. Et tandis que debout je considère, je vois assis sur les nuées un personnage dont les traits sont ceux d’un Ange, et dont le vêtement est éblouissant comme l’éclair. Sa voix retentit comme la trompette, et les rangs pressés de l’armée céleste l’environnent ; et il dit : « Ce jour est le jour du salut pour le monde visible et pour le monde invisible. Le Christ se lève d’entre les morts, vous aussi levez-vous. Le Christ reprend possession de lui-même, imitez-le. Le Christ s’élance du sépulcre, arrachez-vous aux liens du péché. Les portes de l’enfer sont ouvertes, la mort est écrasée, le vieil Adam est anéanti, et un autre lui est substitué : vous qui faites partie de la création nouvelle dans le Christ, soyez renouvelés. »

« C’est ainsi qu’il parlait, et les autres Anges répétaient ce qu’ils chantèrent au jour où le Christ nous apparut dans sa naissance terrestre : Gloire à Dieu au plus haut des deux, et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté ! A moi maintenant de parler sur toutes ces merveilles : que n’ai-je la voix des Anges, une voix capable de retentir jusqu’aux confins de la terre !

« La Pâque du Seigneur ! La Pâque ! Encore la Pâque, en l’honneur de la Trinité ! C’est la fête des fêtes, la solennité des solennités, qui l’emporte sur toutes les autres autant que le soleil sur les étoiles. Dès hier combien fut auguste la journée, avec ses robes blanches et ses nombreux néophytes portant des flambeaux ! Nous avions double Fonction, publique et particulière ; toutes les classes d’hommes, des magistrats et des dignitaires en grand nombre, dans cette nuit illuminée de mille feux ; mais aujourd’hui combien ces allégresses et ces grandeurs sont dépassées ! Hier n’était que l’aurore de la grande lumière qui s’est levée aujourd’hui ; la joie que l’on ressentait n’était qu’un prélude de celle que l’on éprouve en ce moment ; car en ce jour c’est la résurrection elle-même que nous célébrons, non plus seulement espérée, mais accomplie, et s’étendant au monde entier [1]. »

Ainsi préludait à la harangue sacrée le sublime orateur, le poète divin qui ne fit que passer sur le siège de Constantinople. Homme de retraite et de contemplation, les agitations du siècle usèrent vite son courage ; la bassesse et la méchanceté des hommes froissèrent son noble cœur ; et laissant à un autre le dangereux honneur d’occuper un trône si disputé, il s’envola de nouveau vers sa chère solitude, où il aimait tant à goûter Dieu et les saintes lettres. Il avait pu, dans son rapide passage, malgré tant de traverses, raffermir pour longtemps la foi ébranlée dans la capitale de l’empire, et tracer un sillon de lumière qui n’était pas effacé, lorsque Jean Chrysostome vint s’asseoir sur cette chaire de Byzance où tant d’épreuves l’attendaient à son tour.

L’Église grecque, dans ses Menées, consacre à la mémoire de saint Grégoire de Nazianze les plus magnifiques éloges. Nous en empruntons quelques traits.

(die xxv januarii.) Célébrons par nos louanges le prince des pontifes, le grand docteur de l’Église du Christ, celui dont la voix est semblable au plus riche concert, à la harpe la plus mélodieuse, à la lyre la plus habile et la plus suave. Disons-lui : Salut, ô abîme de la grâce divine ! Salut, docteur aux pensées sublimes et célestes, Grégoire, Père des Pères ! Par quels hymnes et quels cantiques pourrons-nous te célébrer, nomme égal aux Anges, toi qui as vécu sur la terre au-dessus de l’humanité ? Tu fus le héraut de la divine parole, l’ami de la chaste Vierge, le compagnon des Apôtres sur leur trône, l’honneur des martyrs et des saints, l’adorateur de l’éternelle Trinité, ô pontife très saint.

Fidèles rassemblés pour sa fête, célébrons dans nos chants spirituels le prince des pontifes, la gloire des patriarches, l’interprète des plus profonds enseignements du Christ, l’intelligence la plus sublime. Disons-lui : Salut, source de la théologie, fleuve de la sagesse, initiateur aux connaissances divines ! Salut, astre lumineux qui éclaires le monde entier par ta doctrine ! Salut, ô puissant défenseur de la piété, adversaire généreux de l’impiété.

Tu as su éviter dans ta sagesse les périls et les embûches de la chair, ô Grégoire notre père ; sur un char conduit par les quatre vertus, tu es monté par le milieu du ciel, et tu t’es envolé vers l’ineffable beauté. Elle t’enivre maintenant de délices, et tu implores pour nos âmes la miséricorde et la paix.

Ouvrant ta bouche à la parole de Dieu, tu as attiré l’Esprit de sagesse, et rempli de la grâce, tu as fait retentir les dogmes divins, ô Grégoire trois fois heureux ! Placé aux rangs des Puissances angéliques, tu as prêché la triple et indivisible Lumière ; éclairés par ta divine doctrine, nous adorons la Trinité, nous confessons en elle une seule divinité, afin d’obtenir le salut de nos âmes !

O Grégoire inspiré de Dieu, ta langue enflammée a consumé les formules captieuses des hérétiques ennemis du Seigneur. Tu as paru comme une bouche divine, exposant dans l’Esprit-Saint les grandeurs de Dieu ; dans tes écrits tu nous as manifesté la puissance et la substance même de la Trinité mystérieuse et impénétrable. Comme un triple soleil tu as éclairé ce monde terrestre ; et maintenant tu intercèdes sans relâche pour nos âmes.

Salut, ô fleuve de Dieu, toujours rempli des eaux de la grâce ! Tu baignes la cité du Christ roi, et tu la réjouis par ta parole et tes enseignements divins : torrent de délices, mer sans fond, gardien fidèle et juste de la doctrine, défenseur courageux de la Trinité, organe de l’Esprit-Saint, génie attentif et vigilant, langue harmonieuse , interprète des mystères les plus profonds de l’Écriture, supplie maintenant le Christ de répandre sur nous s’a grande miséricorde.

Tu t’es élevé sur la montagne des vertus, ayant abdiqué les choses de la terre, étant devenu étranger aux œuvres de mort ; tu as reçu les tables écrites de la main de Dieu, et le dogme de ta très pure théologie, et tu nous enseignes les mystères célestes, ô Grégoire rempli ’de sagesse.

La Sagesse de Dieu a eu ton amour, tu as recherché la beauté de sa parole, et tu l’as estimée au-dessus de tout ce qui charme les hommes sur la terre ; c’est pourquoi le Seigneur a orné ta tête d’une couronne de grâces, ô Bienheureux, et t’ayant mis à part, il t’a choisi pour être le Théologien.

Afin que ton âme s’éclairât tout entière des rayons de l’auguste Trinité , tu l’as polie, ô Père, la rendant sans tache par ta noble profession de toutes les vertus, et semblable à un miroir nouveau et préparé avec le plus grand soin ; alors la réfraction du divin éclat t’a fait paraître semblable à un Dieu.

Tu as paru comme un nouveau Samuel donné de Dieu ; avant d’être conçu tu fus donné à Dieu, ô bienheureux ! La prudence et la continence ont été ta parure, et, orné de la robe sacrée des pontifes, tu as été établi, ô Père, comme le médiateur entre le Créateur et la créature.

Tu as approché tes lèvres vénérables de la coupe qui contient la sagesse, ô Grégoire notre père ! tu as aspiré les eaux divines de la théologie, et tu les as fait couler avec abondance sur les fidèles ; tu as arrêté le torrent pernicieux de l’hérésie, ce torrent qui roule le blasphème. L’Esprit-Saint a trouvé en toi un pasteur gouvernant avec sainteté, repoussant et soulevant contre lui les audacieuses fureurs des impies, semblables aux violents orages des vents sur la mer ; un pasteur prêchant la Trinité dans l’unité de substance.

Brebis de la sainte Église, célébrons dans nos divins cantiques la lyre de l’Esprit-Saint, la faux des hérésies, les délices des orthodoxes, un second disciple reposant sur la poitrine de Jésus, le contemplateur du Verbe, le patriarche rempli de sagesse. Disons-lui : Tu es un bon pasteur, ô Grégoire ! tu t’es livré pour nous, comme le Christ notre maître, et maintenant tu tressailles d’allégresse avec Paul, et tu intercèdes pour nos âmes.

Nous vous saluons, ô Grégoire, docteur immortel, vous à qui l’Orient et l’Occident ont décerné de concert le titre de Théologien par excellence ! Illuminé des rayons de la glorieuse Trinité, vous nous en avez manifesté les splendeurs, autant que notre œil mortel les peut entrevoir à travers le nuage de cette vie. En vous s’est accomplie cette parole : « Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu [2] ! » La pureté de votre âme l’avait préparée à recevoir la lumière divine, et votre plume inspirée a su rendre une partie de ce que votre âme avait goûté. Obtenez-nous, ô grand Docteur, le don de la foi, qui met la créature en rapport avec Dieu, et le don de l’intelligence, qui lui fait entendre ce qu’elle croit. Tous vos labeurs eurent pour but de prémunir les fidèles contre les séductions de l’hérésie, en faisant luire à leurs yeux les dogmes divins dans toute leur magnificence ; rendez-nous attentifs, afin que nous évitions les pièges de Terreur, et ouvrez notre œil à la lumière ineffable des mystères, à cette lumière qui, comme dit saint Pierre, est pour nous « semblable à une lampe « allumée dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le « jour commence à briller, et que l’étoile du ma- »tin se lève dans nos cœurs [3] ».

En ces temps où l’Orient, si longtemps en proie à la triste immobilité de l’erreur séculaire et de la servitude, semble à la veille d’une crise qui doit modifier profondément ses destinées, tandis qu’une politique profane songe à exploiter au profit de l’ambition humaine les changements qui se préparent, souvenez-vous, ô Grégoire, de l’infortunée Byzance. Demain peut-être les puissances du monde se la disputeront comme une proie. O vous qui fûtes un moment son pasteur, vous dont le souvenir n’est pas encore effacé de sa mémoire, arrachez-la à l’esprit de schisme et d’erreur. Elle n’est tombée sous le joug de l’infidèle qu’en punition de sa révolte contre le vicaire du Christ. Bientôt ce joug sera brisé ; obtenez, ô Grégoire, qu’en même temps celui de l’erreur et du schisme, plus dangereux et plus humiliant encore, se rompe et soit anéanti pour jamais. Déjà un mouvement de retour se manifeste ; des provinces entières s’ébranlent et semblent vouloir jeter un regard d’espérance vers la mère commune des Églises, qui leur ouvre ses bras. O Grégoire ! Du haut du ciel, aidez à la réconciliation. L’Orient et l’Occident vous honorent comme l’un des plus sublimes organes de la vérité divine ; par vos prières, obtenez que l’Orient et l’Occident soient encore une fois réunis dans un même bercail, sous un même pasteur, avant que l’Agneau immolé et ressuscité d’entre les morts redescende du ciel pour séparer l’ivraie du bon grain, et pour emmener avec lui dans sa gloire l’Église son épouse et notre mère, hors du sein de laquelle il n’y a pas de salut.

Aidez-nous, en ces jours, à contempler les grandeurs de notre divin Ressuscité ; faites-nous tressaillir d’un saint enthousiasme dans cette Pâque qui vous inondait de ses joies, et vous inspirait les sublimes accents que nous venons d’entendre. Ce Christ, sorti triomphant du tombeau, vous l’avez aimé dès vos plus tendres années, et dans votre vieillesse son amour faisait encore battre votre cœur. Priez, afin que, nous aussi, nous lui demeurions fidèles, que ses divins mystères ravissent toujours nos âmes, que cette Pâque demeure toujours en nous, que le renouvellement qu’elle nous a apporté persévère dans notre vie, qu’à ses retours successifs elle nous retrouve attentifs et vigilants pour l’accueillir avec une ardeur toute nouvelle, jusqu’à ce que la Pâque éternelle nous accueille et nous ouvre ses allégresses sans fin.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Grégoire le Théologien, comme l’appellent les Grecs à cause de l’excellence de son génie, avait une âme douce et une nature éminemment poétique ; à l’humilité et à l’amour de la paix il sacrifia la chaire même de Constantinople pour se retirer à la campagne et y mener une vie de moine. Sa fête ne fut pas introduite dans le calendrier avant 1505, quand les études des humanistes et la culture grecque de la Renaissance firent mieux apprécier ses mérites. La messe est entièrement du Commun des Docteurs, avec l’épître Iustus qui s’adapte mieux au caractère mystique du Saint.

Si, en effet, luttant et souffrant avec une énergique constance, il arriva, au bout de quelques années, à ramener la ville de Constantinople à la foi de Nicée, ce fut entièrement l’œuvre de son zèle vraiment divin, car, par nature, Grégoire était l’homme qui avait le plus horreur des positions difficiles et des luttes. Il le montra bien quand, créé contre sa volonté évoque de Sasime par saint Basile, il ne sut pas s’adapter à cette charge difficile et, après quelque temps, revint dans sa patrie. La passion de Grégoire était la vie contemplative et la discipline monastique, à laquelle il demeura fermement attaché jusqu’à la fin de ses jours (+ 389 ou 390). Pour faire connaître aux lecteurs le genre du génie de saint Grégoire de Nazianze, voici sa biographie faite par lui-même :

EPITAPHION (Carm. XXX)

CVR • CARNEIS • LAQVEIS • TV • ME • PATER • IMPLICVISTI ?
CVR • SVBSVM • VITAE • HVIC • QVAE • MIHI • BELLA • MOVET
DIVINO • PATRE • SVM • GENITVS • SANCTAQVE • PARENTE
HAEC • MIHI • LVX • VITAE • NAMQVE • PRECANTE • DATA • EST
ORAVIT • SVMMOQVE • DEO • ME • VOVIT • ET • ORTVS
EST • MIHI • PER • SOMNVM • VIRGINITATIS • AMOR
ISTA • QVIDEM • CHRISTI • POST • AT • SVBIERE • PROCELLAE
RAPTA • MIHI • BONA • SVNT • FRACTA - DOLORE • CARO
PASTORES • SENSI • QVALES • VIX • CREDERET • VLLVS
ORBATVSQUE • ABII • PROLE • MALISQVE • GRAVIS
GREGORII • HAEC • VITA • EST • AT • CHRISTI • POSTERA • CVRAE
QVI • VITAE - DATOR • EST • EXPRIMAT • ISTA • LAPIS
Pourquoi, ô divin Père, me trouve-je embarrassé dans les lacs de la chair ? Pourquoi suis-je contraint de supporter cette vie qui fait la guerre à mon esprit ? Je naquis d’un père qui fut pourtant un saint évêque, et vertueuse fut aussi ma mère, aux prières de qui je dus de venir au monde. Celle-ci me consacra aussitôt à Dieu, et, dans une vision nocturne, l’amour de la virginité me fut inspiré. Jusqu’ici tout fut don du Christ. Survinrent ensuite les luttes, je fus privé de mes biens, et la douleur brisa mon corps. J’eus à connaître de tels pasteurs qu’on ne pourrait pas même en imaginer d’autres ; mais je m’en allai (de Constantinople) privé de mes enfants, et accablé de peine. Telle a été jusqu’à présent la vie de Grégoire. De l’avenir, que le Christ, qui donne la vie, prenne soin. A cette pierre d’exprimer ces choses.

On dit qu’un ancien oratoire, près du monastère de Sainte-Marie in Campa Marzio, était consacré, à Rome, à la mémoire de saint Grégoire de Nazianze. Bien plus, la tradition locale des moniales voulait que celles-ci, venant de Constantinople à Rome au temps du pape Zacharie, eussent apporté avec elles et déposé en ce lieu le corps du saint docteur, à qui elles auraient pour cette raison dédié l’oratoire. Cette assertion n’est cependant pas très acceptable, car, dans la biographie de Léon III, le Liber Pontificalis fait déjà mention de quelques dons offerts in oratorio sancti Gregorii quod ponitur in Campo Martis [4] ; nous savons d’autre part que les reliques de saint Grégoire de Nazianze furent transférées de la Cappadoce à la basilique des Apôtres à Constantinople seulement vers le milieu du Xe siècle, alors que les moniales s’étaient établies dans l’antique Champ-de-Mars à Rome depuis deux cents ans au moins.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

La sainte amitié.

Saint Grégoire. — Jour de mort : 9 mai 390. Tombeau : Au Xe siècle, son corps fut transporté dans l’Apostoleion, à Constantinople. Vie : Grégoire le Théologien (c’est ainsi que les Grecs le nomment) naquit en 329. à Nazianze, en Cappadoce. Il fut une des « trois lumières » de Cappadoce. Sa mère, sainte Nonna, posa les assises de sa sainteté future. Pour sa formation intellectuelle, il visita les écoles les plus célèbres de son temps, celles de Césarée, d’Alexandrie et d’Athènes. Dans cette dernière ville, il noua avec saint Basile une amitié devenue historique. En 381, il célébrait encore cette amitié avec un enthousiasme juvénile. En 360, il reçut le baptême et vécut ensuite pendant quelque temps dans la solitude. En 372, il reçut la consécration épiscopale des mains de saint Basile. Son père, Grégoire, évêque de Nazianze, insista pour qu’il l’aidât dans le ministère des âmes. En 379, il fut appelé au siège de Constantinople. Mais, en raison des nombreuses difficultés qu’il rencontra, il retourna à la solitude tant désirée. Il se consacra entièrement à la vie contemplative. Sa vie se caractérise par une alternance entre la vie contemplative et le ministère des âmes. Tous nos désirs vont vers la solitude, mais les besoins du temps le rappellent sans cesse à la vie active ; il doit prendre part au mouvement religieux d’alors. Ce qui lui valut ses succès, ce fut son éloquence entraînante. Il fut, sans conteste, l’un des meilleurs orateurs de l’antiquité chrétienne. Ses écrits lui ont valu le titre d’honneur de docteur de l’Église.

Pratique : Nous devons, nous aussi, concilier harmonieusement les deux aspects de la vie religieuse ; la vie de piété et de contemplation qui recherche la solitude, et la vie active, adonnée à la charité et au zèle des âmes, qui convient aux besoins de notre temps. La messe est tirée du commun des docteurs (In medio). Saint Grégoire est vraiment « la lumière placée sur le chandelier, qui brille pour tous ceux qui sont dans la maison (l’Église) » (Évangile). Il fut rempli de « l’Esprit de sagesse et de science » (Int. Ép.). La leçon (Justus) convient : mieux au caractère contemplatif du saint que celle du commun.

Benoît XVI, catéchèses, 8 & 22 août 2007

Chers frères et sœurs !

Mercredi dernier, j’ai parlé d’un grand maître de la foi, le Père de l’Église saint Basile. Aujourd’hui, je voudrais parler de son ami Grégoire de Nazianze, lui aussi, comme Basile, originaire de Cappadoce. Illustre théologien, orateur et défenseur de la foi chrétienne au IV siècle, il fut célèbre pour son éloquence et avait également, en tant que poète, une âme raffinée et sensible.

Grégoire naquit au sein d’une noble famille. Sa mère le consacra à Dieu dès sa naissance qui eut lieu autour de l’an 330. Après une première éducation familiale, il fréquenta les écoles les plus célèbres de son temps : il fut d’abord à Césarée de Cappadoce, où il se lia d’amitié avec Basile, futur Évêque de cette ville, puis il séjourna dans d’autres métropoles du monde antique, comme Alexandrie d’Égypte et surtout Athènes, où il rencontra de nouveau Basile [5]. En réévoquant son amitié avec lui, Grégoire écrira plus tard : "Alors, non seulement je me sentais empli de vénération pour mon grand Basile, pour ses mœurs sérieuses et la maturité et la sagesse de ses écrits, mais j’en encourageais également d’autres, qui ne le connaissaient pas encore, à en faire autant... Nous étions guidés par le même désir de savoir... Telle était notre compétition : non pas qui était le premier, mais qui permettait à l’autre de l’être. On aurait dit que nous avions une unique âme et un seul corps" [6]. Ce sont des paroles qui sont un peu l’autoportrait de cette noble âme. Mais l’on peut également imaginer que cet homme, qui était fortement projeté au-delà des valeurs terrestres, a beaucoup souffert pour les choses de ce monde.

De retour chez lui, Grégoire reçut le Baptême et s’orienta vers la vie monastique : la solitude, la méditation philosophique et spirituelle le fascinaient : "Rien ne me semble plus grand que cela : faire taire ses sens, sortir de la chair du monde, se recueillir en soi, ne plus s’occuper des choses humaines, sinon celles strictement nécessaires ; parler avec soi-même et avec Dieu, conduire une vie qui transcende les choses visibles ; porter dans l’âme des images divines toujours pures, sans y mêler les formes terrestres et erronées, être véritablement le reflet immaculé de Dieu et des choses divines, et le devenir toujours plus, en puisant la lumière à la lumière... ; jouir, dans l’espérance présente, du bien à venir et converser avec les anges ; avoir déjà quitté la terre, tout en restant sur terre, transporté vers le haut par l’esprit" [7].

Comme il le confie dans son autobiographie [8], il reçut l’ordination sacerdotale avec une certaine réticence, car il savait qu’il aurait dû faire ensuite le Pasteur, s’occuper des autres, de leurs affaires, et donc ne plus se recueillir ainsi dans la pure méditation : toutefois, il accepta ensuite cette vocation, et accomplit le ministère pastoral en pleine obéissance acceptant, comme cela lui arrivait souvent dans la vie, d’être porté par la Providence là où il ne voulait pas aller.(( [9]. En 371, son ami Basile, Évêque de Césarée, contre la volonté de Grégoire lui-même, voulut le consacrer Évêque de Sasimes, une petite ville ayant une importance stratégique en Cappadoce. Toutefois, en raison de diverses difficultés, il n’en prit jamais possession et demeura en revanche dans la ville de Nazianze.

Vers 379, Grégoire fut appelé à Constantinople, la capitale, pour guider la petite communauté catholique fidèle au Concile de Nicée et à la foi trinitaire. La majorité adhérait au contraire à l’arianisme, qui était "politiquement correct" et considéré comme politiquement utile par les empereurs. Ainsi, il se trouva dans une situation de minorité, entouré d’hostilité. Dans la petite église de l’Anastasis, il prononça cinq Discours théologiques [10] précisément pour défendre et rendre également intelligible la foi trinitaire. Il s’agit de discours demeurés célèbres en raison de la sûreté de la doctrine, de l’habilité du raisonnement, qui fait réellement comprendre qu’il s’agit bien de la logique divine. Et la splendeur de la forme également les rend aujourd’hui fascinants. Grégoire reçut, en raison de ces discours, l’appellation de "théologien". Ainsi, il fut appelé par l’Église orthodoxe le "théologien". Et cela parce que pour lui, la théologie n’est pas une réflexion purement humaine, et encore moins le fruit uniquement de spéculations complexes, mais parce qu’elle découle d’une vie de prière et de sainteté, d’un dialogue assidu avec Dieu. Et précisément ainsi, elle fait apparaître à notre raison la réalité de Dieu, le mystère trinitaire. Dans le silence de la contemplation, mêlé de stupeur face aux merveilles du mystère révélé, l’âme accueille la beauté et la gloire divine.

Alors qu’il participait au second Concile œcuménique de 381, Grégoire fut élu Évêque de Constantinople et assura la présidence du Concile. Mais très vite, une forte opposition se déchaîna contre lui, jusqu’à devenir insoutenable. Pour une âme aussi sensible, ces inimitiés étaient insupportables. Il se répétait ce que Grégoire avait déjà dénoncé auparavant à travers des paroles implorantes : "Nous avons divisé le Christ, nous qui aimions tant Dieu et le Christ ! Nous nous sommes mentis les uns aux autres à cause de la Vérité, nous avons nourri des sentiments de haine à cause de l’Amour, nous nous sommes divisés les uns les autres !" [11]. On en arriva ainsi, dans un climat de tension, à sa démission. Dans la cathédrale bondée, Grégoire prononça un discours d’adieu d’un grand effet et d’une grande dignité [12]. Il concluait son intervention implorante par ces paroles : "Adieu, grande ville aimée du Christ... Mes fils, je vous en supplie, conservez le dépôt [de la foi] qui vous a été confié [13], souvenez-vous de mes souffrance [14]. Que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec vous tous" [15].

Il retourna à Nazianze et, pendant deux ans environ, il se consacra au soin pastoral de cette communauté chrétienne. Puis, il se retira définitivement dans la solitude, dans la proche Arianze, sa terre natale, où il consacra à l’étude et à la vie ascétique. Au cours de cette période, il composa la plus grande partie de son œuvre poétique, surtout autobiographique : le De vita sua, une relecture en vers de son chemin humain et spirituel, le chemin exemplaire d’un chrétien qui souffre, d’un homme d’une grande intériorité dans un monde chargé de conflits. C’est un homme qui nous fait ressentir le primat de Dieu, et qui nous parle donc également à nous, à notre monde : sans Dieu, l’homme perd sa grandeur, sans Dieu, le véritable humanisme n’existe pas. Écoutons donc cette voix et cherchons à connaître nous aussi le visage de Dieu. Dans l’une de ses poésies, il avait écrit, en s’adressant à Dieu : "Sois clément, Toi, l’Au-Delà de tous" [16]. Et, en 390, Dieu accueillait dans ses bras ce fidèle serviteur qui, avec une intelligence aiguë, l’avait défendu dans ses écrits et qui, avec tant d’amour, l’avait chanté dans ses poésies.

Chers frères et sœurs,

Dans le cadre des portraits des grands Pères et Docteurs de l’Église que je cherche à offrir dans ces catéchèses, j’ai parlé la dernière fois de saint Grégoire de Nazianze, Évêque du IVe siècle, et je voudrais aujourd’hui encore compléter ce portrait d’un grand maître. Nous chercherons aujourd’hui à recueillir certains de ses enseignements. En réfléchissant sur la mission que Dieu lui avait confiée, saint Grégoire de Nazianze concluait : "J’ai été créé pour m’élever jusqu’à Dieu à travers mes actions" [17]. De fait, il plaça son talent d’écrivain et d’orateur au service de Dieu et de l’Église. Il rédigea de multiples discours, diverses homélies et panégyriques, de nombreuses lettres et œuvres poétiques (près de 18.000 vers !) : une activité vraiment prodigieuse. Il avait compris que telle était la mission que Dieu lui avait confiée : "Serviteur de la Parole, j’adhère au ministère de la Parole ; que jamais je ne néglige ce bien. Cette vocation je l’apprécie et je la considère, j’en tire plus de joie que de toutes les autres choses mises ensemble" [18].

Grégoire de Nazianze était un homme doux, et au cours de sa vie il chercha toujours à accomplir une œuvre de paix dans l’Église de son temps, lacérée par les discordes et les hérésies. Avec audace évangélique, il s’efforça de surmonter sa timidité pour proclamer la vérité de la foi. Il ressentait profondément le désir de s’approcher de Dieu, de s’unir à Lui. C’est ce qu’il exprime lui-même dans l’une de ses poésies, où il écrit : parmi les "grands flots de la mer de la vie, / agitée ici et là par des vents impétueux, / ... / une seule chose m’était chère, constituait ma richesse, / mon réconfort et l’oubli des peines, / la lumière de la Sainte Trinité" [19].

Grégoire fit resplendir la lumière de la Trinité, en défendant la foi proclamée par le Concile de Nicée : un seul Dieu en trois personnes égales et distinctes - le Père, le Fils et l’Esprit Saint -, "triple lumière qui en une unique / splendeur se rassemble" [20]. Dans le sillage de saint Paul [21], Grégoire affirme ensuite, "pour nous il y a un Dieu, le Père, dont tout procède ; un Seigneur, Jésus Christ, à travers qui tout est ; et un Esprit Saint en qui tout est" [22].

Grégoire a profondément souligné la pleine humanité du Christ : pour racheter l’homme dans sa totalité, corps, âme et esprit, le Christ assuma toutes les composantes de la nature humaine, autrement l’homme n’aurait pas été sauvé. Contre l’hérésie d’Apollinaire, qui soutenait que Jésus Christ n’avait pas assumé une âme rationnelle, Grégoire affronte le problème à la lumière du mystère du salut : "Ce qui n’a pas été assumé, n’a pas été guéri" [23], et si le Christ n’avait pas été "doté d’une intelligence rationnelle, comment aurait-il pu être homme ?" [24]. C’était précisément notre intelligence, notre raison qui avait et qui a besoin de la relation, de la rencontre avec Dieu dans le Christ. En devenant homme, le Christ nous a donné la possibilité de devenir, à notre tour, comme Lui. Grégoire de Nazianze exhorte : "Cherchons à être comme le Christ, car le Christ est lui aussi devenu comme nous : cherchons à devenir des dieux grâce à Lui, du moment que Lui-même, par notre intermédiaire, est devenu homme. Il assuma le pire, pour nous faire don du meilleur" [25].

Marie, qui a donné la nature humaine au Christ, est la véritable Mère de Dieu [26], et en vue de sa très haute mission elle a été "pré-purifiée" [27], comme une sorte de lointain prélude du dogme de l’Immaculée Conception. Marie est proposée comme modèle aux chrétiens, en particulier aux vierges, et comme secours à invoquer dans les nécessités [28].

Grégoire nous rappelle que, comme personnes humaines, nous devons être solidaires les uns des autres. Il écrit : "‘Nous sommes tous un dans le Seigneur’ [29], riches et pauvres, esclaves et personnes libres, personnes saines et malades ; et la tête dont tout dérive est unique : Jésus Christ. Et, comme le font les membres d’un seul corps, que chacun s’occupe de chacun, et tous de tous". Ensuite, en faisant référence aux malades et aux personnes en difficulté, il conclut : "C’est notre unique salut pour notre chair et notre âme : la charité envers eux" [30]. Grégoire souligne que l’homme doit imiter la bonté et l’amour de Dieu, et il recommande donc : "Si tu es sain et riche, soulage les besoins de celui qui est malade et pauvre ; si tu n’es pas tombé, secours celui qui a chuté et qui vit dans la souffrance ; si tu es heureux, console celui qui est triste ; si tu as de la chance, aide celui qui est poursuivi par le mauvais sort. Donne à Dieu une preuve de reconnaissance, car tu es l’un de ceux qui peuvent faire du bien, et non de ceux qui ont besoin d’en recevoir... Sois riche non seulement de biens, mais également de piété ; pas seulement d’or, mais de vertus, ou mieux, uniquement de celle-ci. Dépasse la réputation de ton prochain en te montrant meilleur que tous ; fais toi Dieu pour le malheureux, en imitant la miséricorde de Dieu" [31].

Grégoire nous enseigne tout d’abord l’importance et la nécessité de la prière. Il affirme qu’il "est nécessaire de se rappeler de Dieu plus souvent que l’on respire" [32], car la prière est la rencontre de la soif de Dieu avec notre soif. Dieu a soif que nous ayons soif de Lui [33]. Dans la prière nous devons tourner notre cœur vers Dieu, pour nous remettre à Lui comme offrande à purifier et à transformer. Dans la prière nous voyons tout à la lumière du Christ, nous ôtons nos masques et nous nous plongeons dans la vérité et dans l’écoute de Dieu, en nourrissant le feu de l’amour.

Dans une poésie, qui est en même temps une méditation sur le but de la vie et une invocation implicite à Dieu, Grégoire écrit : "Tu as une tâche, mon âme, / une grande tâche si tu le veux. / Scrute-toi sérieusement, / ton être, ton destin ; / d’où tu viens et où tu devras aller ; / cherche à savoir si la vie que tu vis est vie / ou s’il y a quelque chose de plus. / Tu as une tâche, mon âme, / purifie donc ta vie : / considère, je te prie, Dieu et ses mystères, / recherche ce qu’il y avait avant cet univers / et ce qu’il est pour toi, / d’où il vient, et quel sera son destin. / Voilà ta tâche, /mon âme, / purifie donc ta vie" [34]. Le saint Évêque demande sans cesse de l’aide au Christ, pour être relevé et reprendre le chemin : "J’ai été déçu, ô mon Christ, / en raison de ma trop grande présomption : / des hauteurs je suis tombé profondément bas. / Mais relève-moi à nouveau à présent, car je vois / que j’ai été trompé par ma propre personne ; / si je crois à nouveau trop en moi, / je tomberai immédiatement, et la chute sera fatale" [35].

Grégoire a donc ressenti le besoin de s’approcher de Dieu pour surmonter la lassitude de son propre moi. Il a fait l’expérience de l’élan de l’âme, de la vivacité d’un esprit sensible et de l’instabilité du bonheur éphémère. Pour lui, dans le drame d’une vie sur laquelle pesait la conscience de sa propre faiblesse et de sa propre misère, l’expérience de l’amour de Dieu l’a toujours emporté. Âme, tu as une tâche - nous dit saint Grégoire à nous aussi -, la tâche de trouver la véritable lumière, de trouver la véritable élévation de ta vie. Et ta vie est de rencontrer Dieu, qui a soif de notre soif.

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[1] Oratio II in sanctum Pascha.

[2] Matth. v, 8.

[3] II Petr. I, 19.

[4] Lib. Pontif. Ed. Duchesne, II, p. 25.

[5] cf. Oratio 43, 14-24 : SC 384, 146-180.

[6] Oratio 43, 16.20 : SC 384, 154-156.164.

[7] Oratio, 2, 7 : SC 247, 96.

[8] cf. Carmina [historica] 2, 1, 11 de vita sua 340-349 : PG 37, 1053.

[9] cf. Jn 21, 18.

[10] Orationes 27-31 : SC 250, 70-343.

[11] Oratio 6, 3 : SC 405, 128.

[12] cf. Oratio 42 : SC 384, 48-114.

[13] cf. 1 Tm 6, 20.

[14] cf. Col 4, 18.

[15] cf. Oratio 42, 27 : SC 384, 112-114.

[16] Carmina [dogmatica] 1, 1, 29 : PG 37, 508.

[17] Oratio 14, 6 de pauperum amore : PG 35, 865.

[18] Oratio 6, 5 : SC 405, 134 ; cf. également Oratio 4, 10.

[19] Carmina [historica] 2, 1, 15 : PG 37, 1250sq.

[20] Hymne vespéral : Carmina [historica] 2, 1, 32 : PG 37, 512.

[21] 1 Co 8, 6.

[22] Oratio 39, 12 : SC 358, 172.

[23] Ep. 101, 32 : SC 208, 50.

[24] Ep. 101, 34 : SC 208, 50.

[25] Oratio 1, 5 : SC 247, 78.

[26] Theotókos : cf Ep. 101, 16 : SC 208, 42.

[27] Oratio 38, 13 : SC 358, 132.

[28] cf. Oratio 24, 11 : SC 282, 60-64.

[29] cf. Rm 12, 5.

[30] Oratio 14, 8 de pauperum amore : PG 35, 868ab).

[31] Oratio 14, 26 de pauperum amore : PG 35, 892bc.

[32] Oratio 27, 4 : PG 250, 78.

[33] cf. Oratio 40, 27 : SC 358, 260.

[34] Carmina [historica] 2, 1, 78 : PG 37, 1425-1426.

[35] Carmina [historica] 2, 1, 67 : PG 37, 1408.