Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Déposition à Florence en 1341, nièce de St Alexis, un des douze fondateurs des Servites (fête le 12 février), née en 1270, elle fonda la branche féminine des Servîtes, les Mantellates. Canonisée en 1737, fête en 1738.
Missa Dilexísti de Communi Virginum 3 loco, præter orationem sequentem : | Messe Dilexísti du Commun des Vierges 3, sauf l’oraison suivante : |
Oratio. | Collecte |
Deus, qui beátam Iuliánam Vírginem tuam extrémo morbo laborántem, pretióso Fílii tui Córpore mirabíliter recreáre dignátus es : concéde, quǽsumus ; ut, eius intercedéntibus méritis, nos quoque eódem in mortis agóne refécti ac roboráti, ad cæléstem pátriam perducámur. Per eúndem Dóminum. | Dieu, vous avez daigné réconforter admirablement par le Corps précieux de votre Fils la bienheureuse Julienne, votre Vierge, peinant sous le poids de sa dernière maladie : accordez-nous, nous vous en prions, par l’intercession de ses mérites, d’être nous aussi nourris et fortifiés dans l’agonie de la mort et ainsi de parvenir à la patrie céleste. |
Et fit commemoratio Ss. Gervasii et Protasii Mm. : | Et on fait mémoire des Sts Gervais et Protais, Martyrs : |
Oratio. | Collecte |
Deus, qui nos ánnua sanctórum Mártyrum tuórum Gervásii et Protásii sollemnitáte lætíficas : concéde propítius ; ut, quorum gaudémus méritis, accendámur exémplis. Per Dóminum. | Dieu, vous nous réjouissez en la solennité annuelle de vos saints Martyrs Gervais et Protais : faites, dans votre clémence, que notre piété s’enflamme aux exemples de ceux dont les mérites nous remplissent d’allégresse. |
Secreta C | Secrète |
Accépta tibi sit, Dómine, sacrátæ plebis oblátio pro tuórum honóre Sanctórum : quorum se méritis de tribulatióne percepísse cognóscit auxílium. Per Dóminum nostrum. | Qu’elle soit agréée de vous, Seigneur, l’offrande faite par votre peuple saint en l’honneur de vos Saintes par les mérites desquelles il reconnaît avoir reçu du secours dans la tribulation. |
Pro Ss Martyribus | Pour les Sts Martyrs |
Secreta | Secrète |
Oblátis, quǽsumus, Dómine, placáre munéribus : et, intercedéntibus sanctis Martýribus tuis, a cunctis nos defénde perículis. Per Dóminum. | Laissez-vous fléchir, Seigneur, par l’offrande de ces dons ; et préservez-nous de tous les périls grâce à l’intercession de vos saints martyrs. |
Postcommunio C | Postcommunion |
Satiásti, Dómine, famíliam tuam munéribus sacris : eius, quǽsumus, semper interventióne nos réfove, cuius sollémnia celebrámus. Per Dóminum. | Vous avez, Seigneur, nourri votre famille de dons sacrés ; ranimez-nous toujours, s’il vous plaît, grâce à l’intervention de la sainte dont nous célébrons la fête. |
Pro Ss Martyribus | Pour les Sts Martyrs |
Postcommunio | Postcommunion |
Hæc nos commúnio, Dómine, purget a crímine : et, intercedéntibus sanctis Martýribus tuis Gervásio et Protásio, cæléstis remédii fáciat esse consórtes. Per Dóminum. | Que cette communion, Seigneur, nous purifie de nos fautes ; et que par l’intercession de vos Saints Martyrs Gervais et Protais, elle nous unisse inséparablement à Celui qui s’est fait le remède céleste de nos âmes. |
Hymne des Matines et des Vêpres
Hymnus | Hymne |
Cæléstis Agni núptias,
O Iuliána, dum petis, Domum patérnam déseris, Chorúmque ducis Vírginum. | O Julienne, puisque tu désires
les noces de l’Agneau céleste, tu laisses la maison paternelle, et tu conduis un chœur de Vierges. |
Sponsúmque suffíxum cruci
Noctes diésque dum gemis, Dolóris icta cúspide Sponsi refers imáginem. | Tandis que tu gémis jour et nuit
sur ton Époux attaché à la Croix, un glaive de douleur te blesse : tu reproduis l’image de l’Époux. |
Quin septifórmi vúlnere
Fles ad genu Deíparæ : Sed crescit infúsa fletu, Flammásque tollit cáritas. | Aux genoux de la Mère de Dieu,
tu pleures ses sept blessures : mais arrosée de larmes, ton amour croît et s’enflamme. |
Hinc morte fessam próxima
Non usitáto te modo Solátur et nutrit Deus, Dapem supérnam pórrigens. | Quand la mort prochaine t’épuise,
d’une manière extraordinaire, Dieu te console et nourrit te donnant le pain d’en-haut. |
Ætérne rerum Cónditor,
Ætérne Fili par Patri, Et par utríque Spíritus, Soli tibi sit glória. Amen. | Éternel Créateur des choses,
Fils éternel égal au Père, Esprit égal à tous deux, Gloire à vous seul. Ainsi-soit-il. |
Leçons des Matines avant 1960
Quatrième leçon. Julienne, de la noble famille des Falconiéri, eut pour père l’illustre fondateur de l’église dédiée à la Mère de Dieu saluée par l’Ange, monument splendide dont il fit tous les frais et qui se voit encore à Florence. Il était déjà avancé en âge, ainsi que Reguardata, son épouse, jusque-là stérile, lorsqu’on l’année mil deux cent soixante-dix, leur naquit cette enfant. Au berceau, elle donna un signe non ordinaire de sa sainteté future, car on l’entendit prononcer spontanément de ses lèvres vagissantes les très doux noms de Jésus et de Marie. Dès l’enfance, elle s’adonna tout entière aux vertus chrétiennes et y excella de telle sorte que saint Alexis, son oncle paternel, dont elle suivait les instructions et les exemples, n’hésitait pas à dire à sa mère qu’elle avait enfanté un ange et non pas une femme. Son visage, en effet, était si modeste, son cœur resta si pur de la plus légère tache, que jamais, dans tout le cours de sa vie, elle ne leva les yeux pour considérer le visage d’un homme, que le seul mot de péché la faisait trembler et qu’il advint un jour qu’au récit d’un crime, elle tomba soudain presque inanimée. Elle n’avait pas encore achevé sa quinzième année, que, renonçant aux biens considérables qui lui venaient de sa famille et dédaignant les alliances d’ici-bas, elle voua solennellement à Dieu sa virginité entre les mains de saint Philippe Béniti, et la première reçut de lui, l’habit dit des Mantellates.
Cinquième leçon. L’exemple de Julienne fut suivi par beaucoup de nobles femmes, et l’on vit sa mère elle-même se ranger sous la direction de sa fille. Aussi, leur nombre augmentant peu à peu, elle établit ces Mantellates en Ordre religieux, leur donnant pour vivre pieusement, des règles qui révèlent sa sainteté et sa haute prudence. Saint Philippe Béniti connaissait si bien ses vertus que, sur le point de mourir, il ne crut pouvoir recommander à personne mieux qu’à Julienne non seulement les religieuses, mais l’Ordre entier des Servîtes, dont il avait été le propagateur et le chef. Cependant elle n’avait sans cesse que de bas sentiments d’elle-même ; maîtresse des autres, elle servait ses sœurs dans toutes les occupations domestiques même les plus viles. Passant des jours entiers à prier, elle était très souvent ravie en extase. Elle employait le temps qui lui restait, à apaiser les discordes des citoyens, à retirer les pécheurs de leurs voies mauvaises et à soigner les malades, auxquels, plus d’une fois, elle rendit la santé en exprimant avec ses lèvres le pus qui découlait de leurs ulcères. Meurtrir son corps par les fouets, les cordes à nœuds, les ceintures de fer, prolonger ses veilles ou coucher sur la terre nue lui était habituel. Chaque semaine, pendant deux jours, elle n’avait pour seule nourriture que le pain des Anges ; le samedi, elle ne prenait que du pain et de l’eau, et, les quatre autres jours, elle se contentait d’une petite quantité d’aliments grossiers.
Sixième leçon. Cette vie si dure lui occasionna une maladie d’estomac qui s’aggrava et la réduisit à l’extrémité alors qu’elle était dans sa soixante-dixième année. Elle supporta d’un visage joyeux et d’une âme ferme les souffrances de cette longue maladie ; la seule chose dont elle se plaignit, c’était que, ne pouvant retenir aucune nourriture, le respect dû au divin Sacrement la tint éloignée de la table eucharistique. Dans son angoisse, elle pria le Prêtre de consentir au moins à lui apporter ce pain divin que sa bouche ne pouvait recevoir et à l’approcher de sa poitrine. Le Prêtre, ayant acquiescé à son désir, à l’instant même, ô prodige ! Le pain sacré disparut et Julienne expira, le visage plein de sérénité et le sourire aux lèvres. On connut le miracle lorsque le corps de la Vierge dut être préparé selon l’usage pour la sépulture : on trouva, en effet, au côté gauche de la poitrine, imprimée sur la chair comme un sceau, la forme d’une hostie représentant l’image de Jésus crucifié. Le bruit de cette merveille et de ses autres miracles lui attira la vénération non seulement des habitants de Florence, mais de tout l’univers chrétien ; et cette vénération s’accrut tellement pendant près de quatre siècles entiers, qu’enfin le Pape Benoît XIII ordonna qu’au jour de sa Fête il y eût un Office propre dans tout l’Ordre des servites de la Bienheureuse Vierge Marie. Sa gloire éclatant de jour en jour par de nouveaux miracles, Clément XII, protecteur généreux du même Ordre, inscrivit Julienne au catalogue des saintes Vierges.
Miraculeusement munie du viatique sacré, Julienne achève aujourd’hui son pèlerinage ; elle se présente aux portes du ciel, montrant sur son cœur l’empreinte laissée par l’Hostie. Florence, où elle naquit, voit briller d’un éclat nouveau le lis qui resplendit sur ses armes ; d’autres sont déjà venus, d’autres viendront encore manifester, par les sublimes vertus pratiquées en ses murs, que l’Esprit d’amour se complaît dans la ville des fleurs. Qui dira la gloire des montagnes formant à la noble cité cette couronne que les hommes admirent, et que les anges trouvent plus splendide encore ? Vallombreuse, et, par delà, Camaldoli, l’Alverne : forteresses saintes, au pied desquelles tremble l’enfer ; réservoirs sacrés des grâces de choix, gardés par les séraphins ! De là, plus abondantes et plus pures que les flots de l’Arno, s’épanchent sur cette heureuse contrée les eaux vives du salut.
Trente-sept années avant la naissance de Julienne, il sembla que Florence allait devenir, sous l’influence d’un tel voisinage, un paradis nouveau : tant la sainteté y parut commune, tant les prodiges s’y vulgarisèrent. Sous les yeux de l’enfer en furie, la Mère de la divine grâce, aimée, chantée par ses dévots clients, multipliait ses dons. Au jour de son Assomption, sept personnages des plus en vue par la noblesse, la fortune et les charges publiques, avaient été soudain remplis d’une flamme céleste qui les portait à se consacrer sans partage au culte de Notre-Dame ; bientôt, sur le passage de ces hommes disant adieu au monde, les enfants à la mamelle s’écriaient tout d’une voix dans la ville entière : « Voici les serviteurs de la Vierge Marie ! » Parmi les innocents dont la langue se déliait ainsi pour annoncer les mystères divins, était un nouveau-né de l’illustre famille des Benizi ; on le nommait Philippe, et il avait vu le jour en cette fête même de l’Assomption où Marie venait de fonder, pour sa louange et celle de son Fils, le très pieux Ordre des Servîtes.
Nous aurons à revenir sur cet enfant, qui fut le propagateur principal du nouvel Ordre ; car l’Église célèbre sa naissance dans le ciel au lendemain de l’Octave de la grande fête qui le vit naître ici-bas. Il devait être devant Dieu le père de Julienne. En attendant, les sept conviés de Marie au festin de la pénitence, tous fidèles jusqu’à la mort, tous inscrits eux-mêmes au catalogue des Saints, s’étaient retirés à trois lieues de Florence au désert du mont Senario. Là, Notre-Dame mit sept années à les former au grand dessein dont ils étaient, à leur insu, les instruments prédestinés. Durant un si long temps, selon le procédé divin tant de fois relevé par nous en ces jours, l’Esprit-Saint commença par éloigner d’eux toute autre pensée que celle de leur propre sanctification, les employant à la mortification des sens et de l’esprit dans l’exclusive contemplation des souffrances du Seigneur et de sa divine Mère. Deux d’entre eux descendaient chaque jour à la ville, pour y mendier leur pain et celui de leurs compagnons. L’un de ces mendiants illustres était Alexis Falconiéri, le plus avide d’humiliations parmi les sept. Son frère, qui continuait d’occuper un des principaux rangs parmi les citoyens, était digne du bienheureux et s’honorait de ces héroïques abaissements. Aussi le vit-on, avec le concours de la religieuse cité sans distinction de classes, doter d’une magnifique église la pauvre retraite que les solitaires du mont Senario avaient fini par accepter, comme pied-à-terre, aux portes de Florence.
Pour honorer le mystère où leur auguste Souveraine s’était elle-même déclarée la servante du Seigneur, les Servites de Marie voulurent qu’on y représentât sur la muraille la scène où Gabriel salua pleine de grâce dans son humilité l’impératrice de la terre et des cieux. L’Annonciade fut le nom du nouveau monastère, qui devint le plus considérable de l’Ordre. Entre les merveilles que la richesse et l’art des siècles suivants ont réunies dans son enceinte, le principal trésor reste toujours cette fresque primitive dont le peintre, moins habile que dévot à Marie, mérita d’être aidé par les anges. D’insignes faveurs, descendant sans interruption de l’image bénie, amènent jusqu’en nos temps la foule à ses pieds ; si la ville des Médicis et des grands-ducs, englobée dans le brigandage universel de la maison de Savoie, a gardé mieux que plusieurs autres l’ardente piété des beaux temps de son histoire, elle le doit à son antique madone, et à ses saints qui semblent composer à Notre-Dame un cortège d’honneur.
Ces détails étaient nécessaires pour faire mieux comprendre le récit abrégé où l’Église renferme la vie de notre Sainte. Née d’une mère stérile et d’un père avancé en âge, Julienne fut la récompense du zèle que ce père, Carissimo Falconiéri, avait déployé pour l’Annonciade. C’est près de la sainte image qu’elle devait vivre et mourir ; c’est près d’elle encore que reposent aujourd’hui ses reliques sacrées. Élevée par saint Alexis, son oncle, dans l’amour de Marie et de l’humilité, elle se dévoua dès son plus jeune âge à l’Ordre qu’avait fondé Notre-Dame, n’ambitionnant qu’un titre d’oblate, qui lui permît de servir au dernier rang les serviteurs et servantes de la Mère de Dieu ; c’est ainsi que, plus tard, elle fut reconnue comme institutrice du tiers-ordre des Servites, et se vit à la tête de la première communauté des Mantelées ou tertiaires de son sexe. Mais son influence auprès de Dieu s’étendit bien plus, et l’Ordre entier la salue comme sa mère ; car ce fut elle qui véritablement acheva l’œuvre de sa fondation, et lui donna stabilité pour les siècles à venir.
L’Ordre, en effet, que quarante années de miraculeuse existence et le gouvernement de saint Philippe Benizi avaient merveilleusement étendu, traversait alors une crise suprême, d’autant plus redoutable que de Rome même partait la tempête. Il s’agissait d’appliquer partout les canons des conciles de Latran et de Lyon, qui prohibaient l’introduction d’Ordres nouveaux dans l’Église ; l’établissement des Servites étant postérieur au premier de ces conciles, Innocent V résolut leur suppression. Déjà défense avait été faite aux supérieurs de recevoir aucun novice à la profession ou à la vêture ; et, en attendant la sentence définitive, les biens de l’Ordre étaient considérés d’avance comme dévolus au Saint-Siège. Philippe Benizi allait mourir, et Julienne n’avait pas quinze ans. Toutefois, éclairé d’en haut, le saint n’hésita pas : il confia l’Ordre à Julienne, et s’endormit dans la paix du Seigneur. L’événement justifia sa confiance : à la suite de péripéties qu’il serait long de rapporter, Benoît XI, en 1304, donnait aux Servîtes la sanction définitive de l’Église. Tant il est vrai que dans les conseils de la Providence ne comptent ni le rang, ni le sexe, ni l’âge ! La simplicité d’une âme qui a blessé le cœur de l’Époux, est plus forte en son humble soumission que l’autorité la plus haute, et sa prière ignorée prévaut sur les puissances même établies de Dieu.
Servir Marie était, ô Julienne, la seule noblesse qui arrêtât vos pensées ; partager ses douleurs, la récompense unique qu’ambitionnât en ses abaissements votre âme généreuse. Vos vœux furent satisfaits. Mais, du haut de ce trône où elle règne maintenant sur les hommes et les anges, celle qui se confessa la servante du Seigneur et vit Dieu regarder sa bassesse [1], voulut aussi vous exalter comme elle-même au-dessus des puissants. Trompant l’obscurité silencieuse où vous aviez résolu de faire oublier l’éclat humain de votre naissance, votre gloire sainte éclipsa bientôt l’honneur, pourtant si pur, qui s’attachait dans Florence au nom de vos pères ; c’est à vous, humble tertiaire, servante des serviteurs de Notre-Dame, que le nom des Falconiéri doit d’être aujourd’hui connu dans le monde entier. Bien mieux : au pays des vraies grandeurs, dans la cité céleste où l’Agneau, par ses rayons inégalement distribués sur le front des élus, constitue les rangs de la noblesse éternelle, vous brillez d’une auréole qui n’est rien moins qu’une participation de la gloire de Marie. Comme elle fit en effet pour l’Église après l’Ascension du Seigneur, vous-même, en ce qui touche l’Ordre glorieux des Servîtes, laissant à d’autres l’action qui paraît au dehors et l’autorité qui régit les âmes, n’en fûtes pas moins dans votre humilité la maîtresse et la mère de la famille nouvelle que Dieu s’était choisie. Plus d’une fois dans le cours des âges la divine Mère voulut ainsi glorifier ses imitatrices, en faisant d’elles jusque-là, contre leur attente, ses copies très fidèles. Dans la famille confiée à Pierre par son divin Fils, Notre-Dame était la plus soumise au gouvernement du vicaire de l’Homme-Dieu et des autres Apôtres ; tous cependant savaient qu’elle était leur reine, et la source des grâces d’affermissement et d’accroissement répandues sur l’Église. De même, ô Julienne, la faiblesse du sexe et de l’âge n’empêcha point un Ordre puissant de vous proclamer sa lumière et sa gloire, parce que le Très-Haut, libre en ses dons, voulut accorder à votre jeunesse les résultats refusés à la maturité, au génie, à la sainteté de Philippe Benizi votre père.
Continuez votre aide à la famille pieuse des Servîtes de Marie. Étendez votre assistance bénie à tout l’Ordre religieux si éprouvé de nos jours. Que Florence garde par vos soins, comme son souvenir le plus précieux, celui des faveurs de Notre-Dame et des saints qu’a produits en elle la foi des vieux âges. Que toujours l’Église ait à chanter, pour des bienfaits nouveaux, la puissance que l’Époux divin daigna vous octroyer sur son Cœur. En retour de la faveur insigne par laquelle il voulut couronner votre vie et consommer en vous son amour, soyez propice à nos derniers combats ; obtenez-nous de ne point mourir sans être munis du viatique sacré. L’Hostie sainte, proposée par une autre Julienne [2] à nos adorations plus spéciales en ces jours, illumine de ses feux toute cette partie du Cycle. Qu’elle soit l’amour de notre vie entière ; qu’elle nous fortifie dans la lutte suprême. Puisse notre mort être aussi le passage heureux du banquet divin d’ici-bas aux délices de l’union éternelle.
Aujourd’hui la belle messe des célèbres martyrs milanais cède la place à celle de sainte Julienne, de la noble famille florentine des Falconieri, dont la fête fut d’abord introduite dans le Bréviaire par un pape qui était son compatriote (Clément XII, Laurent Corsini) ; plus tard, Clément XIII l’éleva au rite double.
Sainte Julienne peut être considérée comme une seconde fondatrice de l’Ordre des Servîtes de la bienheureuse Vierge Marie ; les circonstances qui accompagnèrent sa dernière Communion ont enveloppé cette âme séraphique d’un parfum virginal, au point d’en faire l’une des figures les plus attirantes de l’hagiographie eucharistique. On sait en effet, par une ancienne tradition, que la sainte Hostie pénétra invisiblement dans la poitrine de la malade qui ne pouvait communier, car elle rejetait toute nourriture.
La messe est du Commun, sauf la première collecte qui est la suivante : « Seigneur qui, d’une façon merveilleuse, voulûtes réconforter par la nourriture eucharistique votre bienheureuse servante Julienne durant sa dernière maladie ; nous vous demandons par ses mérites que nous aussi, dans cette épreuve suprême, fortifiés par le même Sacrement, nous puissions arriver à la patrie céleste ».
De même que les païens mettaient dans la bouche des morts la monnaie destinée à payer le fret de la barque de Caron, ainsi, au IVe siècle, c’était déjà une ancienne tradition de l’Église romaine, confirmée par un grand nombre de textes des saints Pères, que de réconforter le dernier instant des fidèles par la nourriture eucharistique : Viaticum, que parfois l’on déposait même sur la poitrine des défunts. Par la suite, l’Église modifia cette discipline et déclara qu’il suffisait aux mourants de recevoir comme viatique cette Communion qui suit la Confession et l’Extrême-Onction, sans qu’il soit nécessaire de la renouveler au moment même du dernier soupir. Cette antique coutume romaine reflète cependant la foi énergique du premier âge patristique, où, en face du matérialisme païen, on voulait confesser solennellement le dogme de l’immortalité de l’âme et de la finale résurrection des corps, dont la divine Eucharistie est le gage.
Que dans notre agonie nous soyons consolés et fortifiés par le saint viatique.
1. Sainte Julienne. — Jour de mort : 12 juin 1341. Tombeau : A Florence, dans l’église de l’Annonciation. Image : On la représente en religieuse servite (mantellata), avec une hostie sur le côté droit de la poitrine. Vie : La sainte naquit en 1270. Elle était de la noble famille des Falconiéri. Quand elle naquit, ses parents étaient déjà âgés. Son oncle, le bienheureux Alexis Falconiéri, déclara à sa mère que ce n’était pas une fille qu’elle avait mise au monde, mais un ange. A l’âge de 15 ans, elle renonça à son héritage et reçut des mains de saint Philippe Beniti l’habit des religieuses servites, dites « Mantellate ». Beaucoup de femmes des meilleures familles suivirent l’exemple de Julienne, et sa mère elle-même se soumit à sa direction spirituelle. Saint Beniti confia à ses soins l’Ordre des servites qu’il dirigeait. Sainte Julienne s’imposait de grandes mortifications et des jeûnes austères. Il en résulta une grave maladie d’estomac. Elle ne pouvait prendre aucune nourriture, elle ne pouvait même pas recevoir la sainte communion. Arrivée à ses derniers moments, elle pria le prêtre d’approcher tout au moins la sainte hostie de sa poitrine. C’est alors que se produisit le miracle de l’hostie dont parlent l’oraison et l’hymne du bréviaire : la sainte hostie disparut et Julienne s’endormit dans le Seigneur avec un visage souriant (12 juin 1341). Après sa mort, on vit l’image du crucifix, telle qu’elle était sur l’hostie, imprimée nettement sur sa poitrine. — La messe (Dilexísti) est du commun des vierges.
2. Le viatique. — Les païens mettaient dans la bouche des morts une pièce de monnaie qui devait leur servir à payer le nocher Caron pour le passage du Styx. C’était là le viatique des païens. Quant aux chrétiens, ils donnaient déjà dans l’antiquité la sainte Eucharistie aux mourants ; ils plaçaient même la sainte hostie sur la poitrine des morts. Cet usage, il est vrai, ne fut pas approuvé par l’Église ; mais il montre la foi des premiers chrétiens dans la résurrection de là chair dont le gage est la sainte Eucharistie. L’Église appelle la communion au lit de mort : viatique (nourriture de voyage). Elle l’a entourée de privilèges particuliers. Le prêtre, en administrant le viatique, use d’une formule différente de celle qu’on emploie pour la communion ordinaire : « Reçois, mon frère (ma sœur), comme viatique, le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; qu’il te garde de l’ennemi mauvais et te conduise à la vie éternelle. Amen ». Le viatique peut être reçu plusieurs fois si la maladie se prolonge. On peut également le recevoir un jour où l’on a déjà communié. Bien entendu, la loi du jeûne eucharistique n’existe plus pour le viatique. De même, pour les malades chroniques, l’Église a apporté quelques allégements à la loi du jeûne. Les malades qui sont alités depuis au moins un mois sans espoir sérieux de guérison prochaine peuvent, d’après le conseil prudent du confesseur, recevoir la communion une ou deux fois par semaine, même s’ils ont pris une médecine ou quelque autre chose sous forme de boisson (Can. 858,2).
Pour la communion des malades et pour le saint viatique il faut prévoir deux sortes de préparatifs ; les uns pour l’accompagnement du Saint-Sacrement et les autres dans la chambre du malade.
Quand c’est possible, l’Église désire qu’on porte solennellement la sainte Eucharistie aux malades. Il doit même y avoir une véritable procession à laquelle les fidèles peuvent prendre part. Le curé doit auparavant avertir ses paroissiens en faisant sonner la cloche. Lui-même prend le surplis, l’étole et le voile huméral. Il est précédé d’enfants de chœur, et on porte devant lui une lanterne allumée. Les fidèles accompagnent le Saint-Sacrement avec un cierge allumé à la main. On devrait même porter un petit baldaquin (ombrellino) au-dessus du Saint Sacrement. L’Église a accordé certaines indulgences pour les personnes qui accompagnent le Saint-Sacrement. Ces indulgences ne sont pas suspendues pendant le jubilé. Dans les grandes villes et là où la population n’est pas catholique, ce port solennel ne peut malheureusement avoir lieu. Dans ce cas : le prêtre porte le Saint-Sacrement en noir. Mais même alors, il pourrait être accompagné d’un laïc, car l’Église désire que le prêtre n’aille pas seul. Dans la chambre du malade, des préparatifs sont aussi à faire. Il faudra une table couverte d’une nappe de lin. Sur la table on place deux chandeliers avec des cierges (ceux qui ont été bénis à la Chandeleur). Il faudrait, autant que possible, avoir un crucifix. Il faut ensuite deux récipients. Il est à souhaiter qu’on mette devant la poitrine du malade une nappe en lin. On décorera la chambre elle-même autant qu’on pourra. Si le malade doit recevoir aussi l’Extrême-Onction, on disposera dans une assiette six morceaux de ouate, et dans une autre assiette un peu de sel ou de la mie de pain pour nettoyer les mains du prêtre.