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11/11 St Martin, évêque et confesseur

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

A Tours, réception de la dépouille de St Martin, mort trois jours plus tôt à Candes en 397. Né en Hongrie, il introduisit le monachisme en Gaule en 360 ; élu évêque de Tours (371), il se consacra à l’évangélisation des campagnes. Culte reçu à Rome au début du VIème siècle (sa fête fut d’abord célébrée à Rome le 12 novembre en raison de la popularité de St Menne), le pape Symmaque (+514) lui consacra une basilique près de celle de saint Sylvestre.
Il est considéré comme étant le premier saint « non martyr ».

Semi double jusqu’au XVIe siècle, la fête est élevée au rang de double en 1568.

Textes de la Messe

die 11 novembris
le 11 novembre
SANCTI MARTINI
SAINT MARTIN
Ep. et Conf.
Evêque et Confesseur
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Ant. ad Introitum. Eccli. 45, 30.Introït
Státuit ei Dóminus testaméntum pacis, et príncipem fecit eum : ut sit illi sacerdótii dígnitas in ætérnum.Le Seigneur fit avec lui une alliance de paix et l’établit prince, afin que la dignité sacerdotale lui appartînt toujours.
Ps. 131, 1.
Meménto, Dómine, David : et omnis mansuetúdinis eius.Souvenez-vous, Seigneur, de David et de toute sa douceur.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui cónspicis, quia ex nulla nostra virtúte subsístimus : concéde propítius ; ut, intercessióne beáti Martíni Confessóris tui atque Pontíficis, contra ómnia advérsa muniámur. Per Dóminum nostrum.O Dieu, qui voyez que nous ne saurions nullement subsister par nos propres forces ; faites, dans votre bonté, que l’intercession du bienheureux Martin, votre Pontife et Confesseur, nous fortifie contre tous les maux.
Et fit commemoratio S. Mennæ Mart. :Et on fait mémoire de St Menne, Martyr :
Oratio.Collecte
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, qui beáti Mennæ Mártyris tui natalícia cólimus, intercessióne eius, in tui nóminis amóre roborémur. Per Dóminum.Accordez, Dieu tout-puissant, à nous qui célébrons la naissance au ciel du bienheureux Menne, votre Martyr, la grâce d’être, par son intercession, fortifiés dans l’amour de votre nom.
Léctio libri Sapiéntiæ.Lecture du livre de la Sagesse.
Eccli. 44, 16-27 ; 45, 3-20.
Ecce sacérdos magnus, qui in diébus suis plácuit Deo, et invéntus est iustus : et in témpore iracúndiæ factus est reconciliátio. Non est invéntus símilis illi, qui conservávit legem Excélsi. Ideo iureiurándo fecit illum Dóminus créscere in plebem suam. Benedictiónem ómnium géntium dedit illi, et testaméntum suum confirmávit super caput eius. Agnóvit eum in benedictiónibus suis : conservávit illi misericórdiam suam : et invenit grátiam coram óculis Dómini. Magnificávit eum in conspéctu regum : et dedit illi corónam glóriæ. Státuit illi testaméntum ætérnum, et dedit illi sacerdótium magnum : et beatificávit illum in glória. Fungi sacerdótio, et habére laudem in nómine ipsíus, et offérre illi incénsum dignum in odórem suavitátis.Voici le grand pontife, qui pendant les jours de sa vie fut agréable à Dieu, et est devenu, au temps de sa colère, la réconciliation des hommes. Nul ne l’a égalé dans l’observation des lois du Très-Haut. C’est pourquoi le Seigneur a jure de le rendre père de son peuple. Le Seigneur a béni en lui toutes les nations et a confirmé en lui son alliance. Il a versé sur lui ses bénédictions ; il lui a continué sa miséricorde ; et cet homme a trouve grâce aux yeux du Seigneur. Celui-là l’a rendu grand devant les rois, et il lui a donné une couronne de gloire. Il a fait avec lui une alliance éternelle ; il lui a donné le suprême sacerdoce, et il l’a rendu heureux dans la gloire, pour exercer le sacerdoce, louer son nom et lui offrir dignement un encens d’agréable odeur.
Graduale. Graduale. Eccli. 44, 16.Graduel
Ecce sacérdos magnus, qui in diébus suis plácuit Deo.Voici le grand Pontife qui dans les jours de sa vie a plu à Dieu.
V/. Ibid., 20. Non est invéntus símilis illi, qui conserváret legem Excélsi.V/. Nul ne lui a été trouvé semblable, lui qui a conservé la loi du Très-Haut.
Allelúia, allelúia. V/. Beátus vir, sanctus Martínus, urbis Turónis Epíscopus, requiévit : quem suscéperunt Angeli atque Archángeli, Throni, Dominatiónes et Virtútes. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Cet homme bienheureux, saint Martin, Évêque de Tours, est entré dans son repos : et les Anges, les Archanges, les Trônes, les Dominations et les Vertus l’ont accueilli. Alléluia.
In Missis votivis tempore paschali omittitur graduale, et eius loco dicitur :Aux Messes votives pendant le temps pascal, on omet le graduel et à sa place on dit :
Allelúia, allelúia. V/. Beátus vir, sanctus Martínus, urbis Turónis Epíscopus, requiévit : quem suscéperunt Angeli atque Archángeli, Throni, Dominatiónes et Virtútes.Allelúia, allelúia. V/. Cet homme bienheureux, saint Martin, Évêque de Tours, est entré dans son repos : et les Anges, les Archanges, les Trônes, les Dominations et les Vertus l’ont accueilli.
Allelúia. V/. Hic est sacérdos, quem coronávit Dóminus. Allelúia.Allelúia. V/. C’est le Prêtre que le Seigneur a couronné. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 11, 33-36.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Nemo lucérnam accéndit, et in abscóndito ponit, neque sub módio : sed supra candelábrum, ut, qui ingrediúntur, lumen vídeant. Lucérna córporis tui est óculus tuus. Si óculus tuus fúerit simplex, totum corpus tuum lúcidum erit : si autem nequam fúerit, étiam corpus tuum tenebrósum erit. Vide ergo, ne lumen, quod in te est, ténebræ sint. Si ergo corpus tuum totum lúcidum fúerit, non habens áliquam partem tenebrárum, erit lúcidum totum, et sicut lucérna fulgóris illuminábit te.En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Personne n’allume une lampe pour la mettre dans un lieu caché, ou sous le boisseau ; mais on la met sur le candélabre, afin que ceux qui entrent voient la lumière. La lampe de ton corps, c’est ton œil. Si ton œil est simple, tout ton corps sera lumineux ; mais s’il est mauvais, ton corps sera aussi ténébreux. Prends donc garde que la lumière qui est en toi ne soit ténèbres. Si donc tout ton corps est éclairé, n’ayant aucune partie ténébreuse, il sera tout lumineux, et tu seras éclairé comme par une lampe brillante.
Ant. ad Offertorium. Ps. 88, 25.Offertoire
Véritas mea et misericórdia mea cum ipso : et in nómine meo exaltábitur cornu eius.Ma vérité et ma miséricorde seront avec lui et par mon nom s’élèvera sa puissance.
SecretaSecrète
Sanctífica, quǽsumus, Dómine Deus, hæc múnera, quæ in sollemnitáte sancti Antístitis tui Martíni offérimus : ut per ea vita nostra inter advérsa et próspera ubíque dirigátur. Per Dóminum.Rendez saints, nous vous en supplions, Seigneur Dieu, les présents que nous vous offrons en la solennité de votre saint Évêque Martin, afin que par le moyen de ces dons consacrés, notre vie, qui se poursuit entre des adversités et des prospérités, soit partout dirigée droit vers son but.
Pro S. MennaPour St Menne
SecretaSecrète
Munéribus nostris, quǽsumus, Dómine, precibúsque suscéptis : et cæléstibus nos munda mystériis, et cleménter exáudi. Per Dóminum nostrum.Ayant accueilli nos dons et nos prières, nous vous en supplions, Seigneur, purifiez-nous par ces célestes mystères, et exaucez-nous dans votre clémence.
Ant. ad Communionem. Matth. 24,46-47.Communion
Beátus servus, quem, cum vénerit dóminus, invénerit vigilántem : amen, dico vobis, super ómnia bona sua constítuet eum.Heureux le serviteur que le maître, à son arrivée, trouvera veillant ; en vérité, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens.
PostcommunioPostcommunion
Præsta, quǽsumus, Dómine, Deus noster : ut, quorum festivitáte votíva sunt sacraménta, eórum intercessióne salutária nobis reddántur. Per Dóminum.Faites, nous vous le demandons, Seigneur, notre Dieu, que ces mystères nous soient rendus salutaires par l’intercession de ceux en la solennité desquels ils sont célébrés.
Pro S. MennaPour St Menne
PostcommunioPostcommunion
Da, quǽsumus, Dómine, Deus noster : ut, sicut tuórum commemoratióne Sanctórum temporáli gratulámur offício ; ita perpétuo lætámur aspéctu. Per Dóminum nostrum.Faites, s’il vous plaît, Seigneur notre Dieu, que comme nous nous réjouissons d’honorer dans le temps, en cet office, la mémoire de vos Saints, nous puissions aussi nous réjouir de les voir dans l’éternité.
Fresque de saint Martin, basilique de St Nicolas de Port

Office

A MATINES. avant 1960

Invitatoire. Louons notre Dieu, * En honorant le bienheureux Martin.

Au premier nocturne.

Ant. 1 Martin, * qui n’est encore que catéchumène, m’a couvert de ce vêtement.
Ant. 2 Sa foi à la sainte Trinité, * Martin la confessa et reçut la grâce du baptême.
Ant. 3 Avec le signe de la croix, * sans être protégé ni par un bouclier ni par un casque, j’enfoncerai hardiment les escadrons des ennemis.

De la 1ère Épître de saint Paul Apôtre à Timothée. Cap. 3, 1-7.

Première leçon. Cette parole est certaine : si quelqu’un désire l’épiscopat, il désire une œuvre excellente. Il faut donc que l’évêque soit irréprochable, mari d’une seule femme, sobre, prudent, grave, chaste, hospitalier, capable d’instruire ; qu’il ne soit ni adonné au vin, ni violent, mais modéré, éloigné des querelles, désintéressé ; qu’il gouverne bien sa propre maison, qu’il maintienne ses fils dans la soumission et dans une parfaite honnêteté. Car si quelqu’un ne sait pas gouverner sa propre maison, comment prendra-t-il soin de l’Église de Dieu ? Qu’il ne soit pas un néophyte, de peur qu’enflé d’orgueil, il ne tombe dans la même condamnation que le diable. Il faut encore qu’il ait un bon témoignage de ceux du dehors, afin de ne pas tomber dans l’opprobre et dans le piège du diable.
R/. Celui-ci est Martin, Pontife choisi de Dieu, à qui le Seigneur a daigné conférer, après les Apôtres, une telle grâce, * Que, par la puissance de la divine Trinité, il a mérité la gloire de ressusciter les morts. V/. Martin a-confessé sa foi en la sainte Trinité. * Que.

De l’Épître à Tite. Cap. 1, 7-11 ; 2, 1-8.

Deuxième leçon. Il faut que l’évêque soit irréprochable, comme étant l’intendant de Dieu ; pas orgueilleux, ni colère, ni adonné au vin, ni prompt à frapper, ni porté à un gain honteux, mais hospitalier, affable, sobre, juste, saint, tempérant, fortement attaché à la parole authentique, telle qu’elle a été enseignée, afin qu’il soit capable d’exhorter selon la saine doctrine, et de confondre ceux qui la contredisent. Car il y en a beaucoup, surtout parmi ceux de la circoncision, qui sont insoumis, vains parleurs, et séducteurs des âmes, auxquels il faut fermer la bouche, car ils bouleversent des maisons entières, enseignant ce qu’il ne faut pas, en vue d’un gain honteux.
R/. Seigneur, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse pas de me soumettre au travail pour eux : * Que votre volonté soit faite. V/. Les yeux et les mains toujours levés vers le ciel, il persévérait sans relâche dans la prière et son esprit ne se laissait pas abattre. * Que.

Troisième leçon. Pour toi, enseigne ce qui convient à la saine doctrine : aux vieillards à être sobres, pudiques, sages, sains dans la foi, dans la charité, dans la patience ; pareillement, aux femmes âgées, à avoir une sainte modestie dans leur tenue, à n’être pas médisantes, pas adonnées aux excès du vin, à bien instruire, pour enseigner la sagesse aux jeunes femmes, leur apprenant à aimer leurs maris, à chérir leurs enfants, à être sages, chastes, sobres, appliquées au soin de leur maison, bonnes, soumises à leurs maris, afin que la parole de Dieu ne soit pas décriée. Exhorte pareillement les jeunes hommes à être sobres. En toutes choses montre-toi toi-même un modèle de bonnes œuvres, dans la doctrine, dans l’intégrité, dans la gravité ; que la parole soit saine, irrépréhensible, afin que l’adversaire soit confondu, n’ayant aucun mal à dire de vous.
R/. O bienheureux Évêque Martin, * Qui n’a pas craint de mourir ni refusé de vivre. V/. Seigneur, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse pas le travail : que votre volonté soit faite.font color="#FF0000"> * Qui. Gloire au Père. * Qui.

Au deuxième nocturne.

Ant. 1 J’ai dans le Seigneur, cette confiance, * que ma fille sera rendue à la santé par vos prières.
Ant. 2 Tétradius, * ayant reconnu la puissance de Dieu, parvint à la grâce du baptême.
Ant. 3 O l’homme ineffable, * par qui tant de miracles brillent à nos yeux.

Quatrième leçon. Martin, né à Sabarie en Pannonie, s’enfuit à l’église, malgré ses parents, quand il eut atteint sa dixième année, et se fit inscrire au nombre des catéchumènes. Enrôlé à quinze ans dans les armées romaines, il servit d’abord sous Constantin, puis sous Julien. Tandis qu’il n’avait pas autre chose que ses armes et le vêtement dont il était couvert, un pauvre lui demanda, près d’Amiens, l’aumône au nom du Christ, et Martin lui donna une partie de sa chlamyde. La nuit suivante, le Christ lui apparut revêtu de cette moitié de manteau, faisant entendre ces paroles : « Martin, simple catéchumène, m’a couvert de ce vêtement. »
R/. Les yeux et les mains toujours levés vers le ciel * Il persévérait sans relâche dans la prière, et son esprit ne se laissait pas abattre. V/. Tandis que le bienheureux Martin offrait les Mystères, un globe de feu apparut sur sa tête. * XXX

Cinquième leçon. A l’âge de dix-huit ans, il reçut le baptême. Aussi, ayant abandonné la vie militaire, se rendit-il auprès d’Hilaire, Évêque de Poitiers, qui le mit au nombre des Acolytes. Devenu plus tard Évêque de Tours, Martin bâtit un monastère, où il vécut quelque ; temps de la manière la plus sainte, avec quatre-vingts moines. Étant tombé gravement malade de la fièvre, à Candes, bourg de son diocèse, il priait instamment Dieu de le délivrer de la prison de ce corps mortel. Ses disciples qui l’écoutaient, lui dirent : « Père, pourquoi nous quitter ? à qui abandonnez-vous vos pauvres enfants ? » Et Martin, touché de leurs accents, priait Dieu ainsi : « O Seigneur, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse point le travail. »
R/. Le bienheureux Martin connut longtemps d’avance son trépas, et il dit aux frères : * Que la dissolution de son corps était imminente, car il jugeait que ses liens se brisaient déjà. V/. Ses forces l’ayant abandonné tout à coup et ses disciples étant rassemblés, il leur dit : * Que.

Sixième leçon. Ses disciples voyant que, malgré la force de la fièvre, il restait couché sur le dos et ne cessait de prier, le supplièrent de prendre une autre position, et de se reposer en s’inclinant un peu, jusqu’à ce que la violence du mal diminuât. Mais Martin leur dit : « Laissez-moi regarder le ciel plutôt que la terre, pour que mon âme, sur le point d’aller au Seigneur, soit déjà dirigée vers la route qu’elle doit prendre. » La mort étant proche, il vit l’ennemi du genre humain et lui dit : « Que fais-tu là, bête cruelle ? esprit du mal, tu ne trouveras rien en moi qui t’appartienne. » Et, en prononçant ces paroles, le Saint rendit son âme à Dieu, étant âgé de quatre-vingt un ans. Une troupe d’Anges le reçut au ciel, et plusieurs personnes, entre autres saint Séverin, Évêque de Cologne, les entendirent chanter les louanges de Dieu.
R/. Les disciples du bienheureux Martin lui dirent : Père, pourquoi nous abandonnez-vous, et a qui laissez-vous (vos fils) désolés ? * Car des loups rapaces envahiront votre troupeau. V/. Nous savons, à la vérité, que vous désirez être avec le Christ, mais vos récompenses sont assurées ; ayez donc plutôt pitié de nous que vous abandonnez. * Car. Gloire au Père. * Car.

Au troisième nocturne.

Ant. 1 Le Seigneur Jésus-Christ * n’a point prédit qu’il viendrait vêtu de pourpre, ou le diadème sur la tête.
Ant. 2 Martin, Prêtre de Dieu, * les cieux et le royaume de mon Père vous sont ouverts.
Ant. 3 Martin, Prêtre de Dieu, * pasteur excellent, priez Dieu pour nous.

Lecture du saint Évangile selon saint Luc.
En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Personne n’allume une lampe pour la mettre en un lieu caché, ni sous le boisseau ; mais on la pose sur le chandelier, afin que ceux qui entrent voient la lumière. Et le reste.

Homélie de saint Ambroise, Évêque.

Septième leçon. Ayant mis, par ce qui précède, l’Église au-dessus de la Synagogue, le Sauveur nous invite à porter plutôt notre foi de cette dernière à l’Église. La lampe, (dont parle) l’Évangile est la foi, conformément à ce qui est écrit : « c’est une lampe (éclairant) mes pieds que votre parole, Seigneur. » La parole de Dieu est l’objet de notre foi ; et la parole de Dieu est lumière. La foi est une lampe. « Il était la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde. » Or une lampe ne peut luire, si elle ne reçoit d’ailleurs la lumière.
R/. Bienheureux homme ! A son passage, une légion de Saints entonne des cantiques ; le chœur des Anges exulte, * Et l’armée de toutes les vertus célestes vient à sa rencontre en chantant et s’accompagnant sur la lyre. V/. L’Église est fortifiée par sa vertu ; les Prêtres de Dieu sont honorés d’une révélation à son sujet ; Michel et les Anges le portent dans les cieux. * Et.

Huitième leçon. La puissance de notre âme et de nos sentiments est cette lampe qu’on allume, afin de pouvoir retrouver cette drachme perdue. Que personne donc ne mette la foi sous la loi ; car la loi est contenue dans une étroite mesure, la grâce dépasse la mesure ; la loi couvre de son ombre, la grâce éclaire. Que nul, par conséquent, ne renferme sa foi dans la mesure étroite de la loi ; mais que (chacun de nous) la donne à l’Église, en qui (brille la lumière) des sept dons du Saint-Esprit ; à cette Église que Jésus-Christ, vrai prince des Prêtres, illumine des splendeurs de sa divinité suprême ; qu’il la lui donne, de peur que l’ombre de la loi ne prive sa lampe de lumière.
R/. Martin est reçu plein de joie dans le sein d’Abraham : Martin, cet homme pauvre et humble, * Entre riche au ciel, il est honoré par des hymnes célestes. V/. L’Évêque Martin est sorti de ce monde : cette perle des Prêtres vit encore dans le Christ. * Entre. Gloire au Père. * Entre.

Neuvième leçon. Ainsi, la lampe que le grand-prêtre, sous l’ancien rite des Juifs, avait coutume d’allumer tous les matins et tous les soirs, a cessé de luire, comme étouffée sous le boisseau de la loi ; et la Jérusalem terrestre, cette cité « qui a tué les Prophètes, » est cachée et comme enfouie dans la vallée des larmes. Mais la Jérusalem céleste, en laquelle notre foi combat, étant établie sur la plus haute de toutes les montagnes, qui est Jésus-Christ, .ne peut être cachée par les ténèbres et les ruines de ce monde ; au contraire, toute brillante de la splendeur du soleil éternel, elle éclaire nos âmes des lumières spirituelles de la grâce.

A LAUDES.

Ant. 1 Ses disciples dirent au bienheureux Martin : Père, pourquoi nous abandonnez-vous ? à qui nous laissez-vous dans notre malheur ? Des loups ravisseurs se jetteront sur votre troupeau.
Ant. 2 Seigneur, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse pas le travail : qu’il en soit ce que décidera votre volonté.
Ant. 3 Homme ineffable ! ni le labeur ne l’a vaincu, ni la mort ne le saurait vaincre, ne craignant point de mourir , ne refusant point la vie.
Ant. 4 Les yeux et les mains continuellement levés vers le ciel, l’esprit infatigable, il ne donnait nulle trêve à sa prière. Alléluia.
Ant. 5 Martin est accueilli au sein d’Abraham dans la joie ; Martin, pauvre et humble ici-bas, fait son entrée au ciel dans l’abondance, célébré par les chants des cieux.

Ant. au Bénédictus O bienheureux homme, dont l’âme est en possession du paradis ! Aussi les Anges tressaillent, les Archanges se réjouissent, le chœur des Saints publie sa gloire, les Vierges l’entourent et elles disent : Demeurez avec nous toujours.

AUX DEUXIÈMES VÊPRES.

Ant. au Magnificat O bienheureux Pontife, qui par toutes les fibres de son être aimait le Christ Roi, et ne redoutait point les puissants de ce monde ! ô âme très sainte, que le glaive du persécuteur n’a point séparée de son corps, et qui pourtant n’a pas perdu la palme du martyre.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Trois mille six cent soixante églises dédiées à saint Martin au seul pays de France [1], presque autant dans le reste du monde, attestent l’immense popularité du grand thaumaturge. Dans les campagnes, sur les montagnes, au fond des forêts, arbres, rochers, fontaines, objets d’un culte superstitieux quand l’idolâtrie décevait nos pères, reçurent en maints endroits et gardent toujours le nom de celui qui les arracha au domaine des puissances de l’abîme pour les rendre au vrai Dieu. Aux fausses divinités, romaines, celtiques ou germaniques, enfin dépossédées, le Christ, seul adoré par tous désormais, substituait dans la mémoire reconnaissante des peuples l’humble soldat qui les avait vaincues.

C’est qu’en effet, la mission de Martin fut d’achever la déroute du paganisme, chassé des villes par les Martyrs, mais jusqu’à lui resté maître des vastes territoires où ne pénétrait pas l’influence des cités.

Aussi, à l’encontre des divines complaisances, quelle haine n’essuya-t-il point de la part de l’enfer ! Dès le début, Satan et Martin s’étaient rencontrés : « Tu me trouveras partout sur ta route, » avait dit Satan [2] ; et il tint parole. Il l’a tenue jusqu’à nos jours : de siècle en siècle, accumulant les ruines sur le glorieux tombeau qui attirait vers Tours le monde entier ; dans le XVIe, livrant aux flammes, par la main des huguenots, les restes vénérés du protecteur de la France ; au XIXe enfin, amenant des hommes à ce degré de folie que de détruire eux-mêmes, en pleine paix, la splendide basilique qui faisait la richesse et l’honneur de leur ville.

Reconnaissance du Christ roi, rage de Satan, se révélant à de tels signes, nous disent assez les incomparables travaux du Pontife apôtre et moine que fut saint Martin.

Moine, il le fut d’aspiration et de fait jusqu’à son dernier jour. « Dès sa première enfance, il ne soupire qu’après le service de Dieu. Catéchumène à dix ans, il veut à douze s’en aller au désert ; toutes ses pensées sont portées vers les monastères et les églises. Soldat à quinze ans, il vit de telle sorte qu’on le prendrait déjà pour un moine [3]. Après un premier essai en Italie de la vie religieuse, Martin est enfin amené par Hilaire dans cette solitude de Ligugé qui fut, grâce à lui, le berceau de la vie monastique dans les Gaules. Et, à vrai dire, Martin, durant tout le cours de sa carrière mortelle, se sentit étranger partout hormis à Ligugé. Moine paraîtrait, il n’avait été soldat que par force ; il ne devint évêque que par violence ; et alors, il ne quitta point ses habitudes monastiques. Il satisfaisait à la dignité de l’évêque, nous dit son historien, sans abandonner la règle et la vie du moine [4] ; s’étant fait tout d’abord une cellule auprès de son église de Tours ; bientôt se créant à quelque distance de la ville un second Ligugé sous le nom de Marmoutier ou de grand monastère [5]. »

C’est à la direction reçue de l’ange qui présidait alors aux destinées de l’Église de Poitiers, que la sainte Liturgie renvoie l’honneur des merveilleuses vertus manifestées par Martin dans la suite [6]. Quelles furent les raisons de saint Hilaire pour conduire par des voies si peu connues encore de l’Occident l’admirable disciple que lui adressait le ciel, c’est ce qu’à défaut d’Hilaire même, il convient de demander à l’héritier le plus autorisé de sa doctrine aussi bien que de son éloquence :

« C’a été, dit le Cardinal Pie, la pensée dominante de tous les saints, dans tous les temps, qu’à côté du ministère ordinaire des pasteurs, obligés parleurs fonctions de vivre mêlés au siècle, il fallait dans l’Église une milice séparée du siècle et enrôlée sous le drapeau de la perfection évangélique, vivant de renoncement et d’obéissance, accomplissant nuit et jour la noble et incomparable fonction de la prière publique. C’a été la pensée des plus illustres pontifes et des plus grands docteurs, que le clergé séculier lui-même ne serait jamais plus apte à répandre et à populariser dans le monde les pures doctrines de l’Évangile, que quand il se serait préparé aux fonctions pastorales en vivant de la vie monastique ou en s’en rapprochant le plus possible. Lisez la vie des plus grands hommes de l’épiscopat, dans l’Orient comme dans l’Occident, dans les temps qui ont immédiatement précédé ou suivi la paix de l’Église comme au moyen âge ; tous, ils ont professé quelque temps la vie religieuse, ou vécu en contact ordinaire avec ceux qui la pratiquaient. Hilaire, le grand Hilaire, de son coup d’œil sûr et exercé, avait aperçu ce besoin ; il avait vu quelle place devait occuper l’ordre monastique dans le christianisme, et le clergé régulier dans l’Église. Au milieu de ses combats, de ses luttes, de ses exils, témoin oculaire de l’importance des monastères en Orient, il appelait de tous ses vœux le moment où, de retour dans les Gaules, il pourrait jeter enfin auprès de lui les fondements de la vie religieuse. La Providence ne tarda pas à lui envoyer ce qui convenait pour une telle entreprise : un disciple digne du maître, un moine digne de l’évêque [7]. »

On ne saurait présumer d’essayer mieux dire ; pour le plus grand honneur de saint Martin, l’autorité de l’Évêque de Poitiers, sans égale en un tel sujet, nous fait un devoir de lui laisser la parole. Comparant donc ailleurs Martin, et ceux qui le précédèrent, et Hilaire lui-même, dans leur œuvre commune d’apostolat des Gaules :

« Loin de moi, s’écrie le Cardinal, que je méconnaisse tout ce que la religion de Jésus-Christ possédait déjà de vitalité et de puissance dans nos diverses provinces, grâce à la prédication des premiers apôtres, des premiers martyrs , des premiers évoques, dont la série remonte aux temps les plus rapprochés du Calvaire. Toutefois, je ne crains pas de le dire, l’apôtre populaire de la Gaule, le convertisseur des campagnes restées en grande partie païennes jusque-là, le fondateur du christianisme national, c’a été principalement saint Martin. Et d’où vint à Martin, sur tant d’autres grands évoques et serviteurs de Dieu, cette prééminence d’apostolat ? Placerons-nous Martin au-dessus de son maître Hilaire ? S’il s’agit de la doctrine, non pas assurément ; s’il s’agit du zèle, du courage, de la sainteté, il ne m’appartient pas de dire qui fut plus grand du maître ou du disciple ; mais ce que je puis dire, c’est qu’Hilaire fut surtout un docteur, et que Martin fut surtout un thaumaturge. Or, pour la conversion des peuples, le thaumaturge a plus de puissance que le docteur ; et, par suite, dans le souvenir et dans le culte des peuples, le docteur est éclipsé, il est effacé par le thaumaturge.

« On parle beaucoup aujourd’hui de raisonnement pour persuader les choses divines : c’est oublier l’Écriture et l’histoire ; et, de plus, c’est déroger. Dieu n’a pas jugé qu’il lui convînt déraisonner avec nous. Il a affirmé, il a dit ce qui est et ce qui n’est pas ; et, comme il exigeait la foi à sa parole, il a autorisé sa parole. Mais comment l’a-t-il autorisée ? En Dieu, non point en homme ; par des œuvres, non par des raisons : non in sermone, sed in virtute ; non par les arguments d’une philosophie humainement persuasive : non in persuasibilibus humanae sapientiae verbis, mais par le déploiement d’une puissance toute divine : sed in ostensione spiritus et virtutis. Et pourquoi ? En voici la raison profonde : Ut fides non sit in sapientia hominum, sed in virtute Dei : afin que la foi soit fondée non sur la sagesse de l’homme, mais sur la force de Dieu [8]. On ne le veut plus ainsi aujourd’hui ; on nous dit qu’en Jésus-Christ le théurge fait tort au moraliste, que le miracle est une tache dans ce sublime idéal. Mais on n’abolira point cet ordre, on n’abolira ni l’Évangile ni l’histoire. N’en déplaise aux lettrés de notre siècle, n’en déplaise aux pusillanimes qui se font leurs complaisants, non seulement le Christ a fait des miracles, mais il a fondé la foi sur des miracles ; et le même Christ, non pas pour confirmer ses propres miracles qui sont l’appui des autres, mais par pitié pour nous qui sommes prompts à l’oubli, et qui sommes plus impressionnés de ce que nous voyons que de ce que nous entendons, le même Jésus-Christ a mis dans l’Église, et pour jusqu’à la fin, la vertu des miracles. Notre siècle en a vu, il en verra encore ; le quatrième siècle eut principalement ceux de Martin.

« Opérer des prodiges semblait un jeu pour lui ; la nature entière pliait à son commandement. Les animaux lui étaient soumis : « Hélas ! s’écriait un jour le saint, les serpents m’écoutent, et les hommes refusent de m’entendre. » Cependant les hommes l’entendaient souvent. Pour sa part, la Gaule entière l’entendit ; non seulement l’Aquitaine, mais la Gaule Celtique, mais la Gaule Belgique. Comment résister à une parole autorisée par tant de prodiges ? Dans toutes ces provinces, il renversa l’une après l’autre toutes les idoles, il réduisit les statues en poudre, brûla et démolit tous les temples, détruisit tous les bois sacrés, tous les repaires de l’idolâtrie. Était-ce légal, me demandez-vous ? Si j’étudie la législation de Constantin et de Constance, cela l’était peut-être. Mais ce que je puis dire, c’est que Martin, dévoré du zèle de la maison du Seigneur, n’obéissait en cela qu’à l’Esprit de Dieu. Et ce que je dois dire, c’est que Martin, contre la fureur de la population païenne, n’avait d’autres armes que les miracles qu’il opérait, le concours visible des anges qui lui était parfois accordé, et enfin, et surtout, les prières et les larmes qu’il répandait devant Dieu lorsque l’endurcissement de la multitude résistait à la puissance de sa parole et de ses prodiges. Mais, avec ces moyens, Martin changea la face de notre pays. Là où il y avait à peine un chrétien avant son passage, à peine restait-il un infidèle après son départ. Les temples du Dieu vivant succédaient aussitôt aux temples des idoles ; car, dit Sulpice Sévère, aussitôt qu’il avait renversé les asiles de la superstition, il construisait des églises et des monastères. C’est ainsi que l’Europe entière est couverte de temples qui ont pris le nom de Martin [9]. »

La mort ne suspendit pas ses bienfaits ; eux seuls expliquent le concours ininterrompu des peuples à sa tombe bénie. Ses nombreuses fêtes au cours de l’année, Déposition ou Natal, Ordination, Subvention, Réversion, ne parvenaient point à lasser la piété des fidèles. Chômée en tous lieux [10], favorisée par le retour momentané des beaux jours que nos aïeux nommaient l’été de la Saint-Martin, la solennité du XI novembre rivalisait avec la Saint-Jean pour les réjouissances dont elle était l’occasion dans la chrétienté latine. Martin était la joie et le recours universels.

Aussi Grégoire de Tours n’hésite pas à voir dans son bienheureux prédécesseur le patron spécial du monde entier [11] ! Cependant moines et clercs, soldats, cavaliers, voyageurs et hôteliers en mémoire de ses longues pérégrinations, associations de charité sous toutes formes en souvenir du manteau d’Amiens, n’ont point cessé de faire valoir leurs titres aune plus particulière bienveillance du grand Pontife. La Hongrie, terre magnanime qui nous le donna sans épuiser ses réserves d’avenir, le range à bon droit parmi ses puissants protecteurs. Mais notre pays l’eut pour père : en la manière que l’unité de la foi fut chez nous son œuvre, il présida à la formation de l’unité nationale ; il veille sur sa durée ; comme le pèlerinage de Tours précéda celui de Compostelle en l’Église, la chape de saint Martin conduisit avant l’oriflamme de saint Denis nos armées au combat [12]. Or donc, disait Clovis, « où sera l’espérance de la victoire, si l’on offense le bienheureux Martin [13] ? »

Nous trouverons à l’office [14] les belles Antiennes des Vêpres de la fête. Les cinq premières sont composées de passages de Sulpice Sévère en sa lettre à Bassula, où il raconte la mort du bienheureux, complétant ainsi le livre qu’il avait écrit de la Vie de saint Martin pendant que celui-ci vivait encore.

L’un des plus illustres et dévots clients de saint Martin, saint Odon, Abbé de Cluny, composa en son honneur l’Hymne suivante. Les fidèles trouveront aux Communs de leurs livres d’Offices l’Hymne plus ancienne, Iste Confessor, à la rédaction modifiée depuis il est vrai, mais qui, primitivement, chanta l’Évêque de Tours et les miracles opérés au tombeau de ce premier des justes non martyrs honorés dans l’Église entière.

HYMNE.
Christ Roi, de Martin la gloire : vous êtes sa louange, il est la vôtre ; vous honorer en lui, comme lui-même en vous, est notre désir.
Vous qui d’un pôle à l’autre du monde faites briller la perle des Pontifes, délivrez-nous par son très grand mérite des lourds péchés qui nous oppressent.
Il était pauvre ici-bas et humble : et voici qu’au ciel il fait son entrée dans l’abondance, que les phalanges des cieux viennent au-devant de lui, que toute langue, toute tribu, toute nation applaudit au triomphe.
Comme avait fait sa vie, resplendit sa mort, admiration de la terre et des cieux : pour tous, c’est acte pie que se réjouir ; pour tous que ce jour soit un jour de salut.
Martin, l’égal des Apôtres, bénissez-nous célébrant votre fête : jetez sur nous les yeux, vous qui pour vos disciples demeurez prêt à vivre comme à mourir.
Faites maintenant ce que vous fîtes autrefois : des Pontifes faites briller les vertus, de l’Église accroissez la gloire, de Satan déjouez les embûches.
Vous qui trois fois avez dépouillé l’abîme, sauvez ceux que leurs fautes ont engloutis ; en souvenir du manteau partagé, revêtez-nous de justice.
Et vous rappelant cette gloire qui dans le temps fut vôtre à titre spécial, de l’Ordre monastique aujourd’hui presque éteint montrez-vous le secours.
Gloire soit à la Trinité, dont par sa vie Martin fut le confesseur ; puisse-t-il faire que chez nous aussi la foi en soit appuyée par les œuvres. Amen.
Amen.

Adam de Saint - Victor consacre au grand Évêque de Tours une de ses plus enthousiastes productions.

SÉQUENCE.
Sion, sois dans la joie en célébrant le jour où Martin, l’égal des Apôtres,triomphant du monde, est couronné parmi les habitants des cieux.
C’est lui Martin, l’humble et le pauvre, le serviteur prudent, le fidèle économe : au ciel, à lui la richesse et la gloire, devenu qu’il est concitoyen des Anges.
C’est lui Martin, qui catéchumène revêt un pauvre, et le Seigneur, dès la nuit suivante, a revêtu le manteau.
C’est lui Martin, qui dédaignant les armes, offre d’aller sans nulle défense au-devant des ennemis ; car il est baptisé.
C’est lui Martin, qui offrant l’hostie sainte, s’embrase au dedans par la divine grâce, tandis qu’un globe de feu apparaît sur sa tête.
C’est lui Martin, qui ouvre le ciel, commande à l’océan, donne des ordres à la terre, guérit les maladies, chasse les monstres, ô l’homme incomparable !
C’est lui Martin, qui ne craignit point de mourir, qui ne refusa point le labeur de vivre, et de la sorte à la divine volonté s’abandonna tout entier.
C’est lui Martin, qui ne nuisit à personne ; c’est lui Martin, qui fit du bien à tous ; c’est lui Martin, qui plut à la trine Majesté.
C’est lui Martin, qui renverse les temples, lui qui instruit dans la foi les gentils, et de ce qu’il enseigne leur donne en ses œuvres l’exemple.
C’est lui Martin, qui sans pareil en mérites, rend la vie à trois morts ; maintenant il voit Dieu pour toujours.
O Martin, pasteur excellent, ô vous qui faites partie de la céleste milice, défendez-nous contre la rage du loup furieux.
O Martin, faites maintenant comme autrefois : offrez pour nous à Dieu vos prières ; souvenez-vous, pour ne jamais l’abandonner, de cette nation qui est vôtre.
Amen.

O saint Martin, prenez en pitié la profondeur de notre misère ! L’hiver, un hiver plus funeste que celui où vous partagiez votre manteau, sévit sur le monde ; beaucoup périssent dans la nuit glaciale causée par l’extinction de la foi et le refroidissement de la charité. Venez en aide aux malheureux dont le fatal engourdissement ne songe pas à demander de secours. Prévenez-les sans attendre leur prière, au nom du Christ dont se recommandait le pauvre d’Amiens, tandis qu’eux n’en savent plus trouver le nom sur leurs lèvres. Pire que celle du mendiant est cependant leur nudité, dépouillés qu’ils sont du vêtement de la grâce que se transmettaient, après l’avoir reçu de vous, leurs pères.

Combien lamentable est devenu surtout le dénuement de ce pays de France, que vous aviez rendu riche autrefois des bénédictions du ciel, et dans lequel vos bienfaits furent reconnus par de telles injures ! Daignez considérer pourtant que nos jours ont vu commencer la réparation, près du saint tombeau rendu à notre culte filial. Ayez égard à la piété des grands chrétiens dont le cœur sut se montrer, comme la générosité des foules, à la hauteur des plus vastes projets ; voyez, si réduit que le nombre en demeure encore, les pèlerins reprenant vers Tours le chemin que peuples et rois suivirent aux meilleurs temps de notre histoire.

Cette histoire qui fut celle des beaux jours de l’Église, du règne du Christ Roi, ô Martin, serait-elle finie ? Laissons l’ennemi sceller déjà en pensée notre tombe. Mais le récit de vos prodiges nous apprend qu’il vous appartient de redresser sur leurs pieds les morts mêmes. Le catéchumène de Ligugé n’était-il pas rayé du nombre des vivants [15], quand vous le rappelâtes à la vie, au baptême ? Fussions-nous comme lui déjà parmi ceux dont le Seigneur ne se souvient plus [16], l’homme ou le pays qui a Martin pour protecteur et pour père ne saurait abandonner l’espérance. Si vous daignez garder souvenir de nous, les Anges viendront redire au Juge suprême : C’est celui-là, c’est la nation, pour qui Martin prie ; et ils recevront l’ordre de nous retirer des lieux obscurs où végètent les peuples sans gloire, pour nous rendre à Martin, aux nobles destinées que nous valut sa prédilection [17].

Nous savons néanmoins que votre zèle pour l’avancement du règne de Dieu ne connut pas de frontières. Inspirez donc, fortifiez, multipliez les apôtres qui poursuivent sur tous les points du monde, comme vous le fîtes chez nous, les restes de l’infidélité. Ramenez l’Europe chrétienne, où votre nom est demeuré si grand, à l’unité que l’hérésie et le schisme ont détruite pour le malheur des nations. Malgré tant d’efforts contraires, gardez à son poste d’honneur, à ses traditions de vaillante fidélité, le noble pays où vous naquîtes. Puissent partout vos dévots clients éprouver que le bras de Martin suffit toujours à protéger ceux qui l’implorent. Au ciel aujourd’hui, chante l’Église, « les Anges sont dans la joie, les Saints publient votre gloire, les Vierges vous entourent et elles disent : « Demeurez avec nous toujours [18] ! » N’est-ce pas la suite de ce que fut votre vie sur terre, où vous et les vierges rivalisiez d’une vénération si touchante [19] ; où Marie leur Reine, accompagnée de Thècle et d’Agnès, se complaisait à passer déjà de longues heures en votre cellule de Marmoutier, devenue, nous dit votre historien, l’égale des pavillons des Anges [20] ? Imitant leurs frères et sœurs du ciel, vierges et moines, clercs et pontifes se tournent vers vous, sans nulle crainte que leur multitude ne nuise à aucun d’eux à vos pieds, sachant que votre seule vie suffit à les éclairer tous, qu’un regard de Martin leur assurera les bénédictions du Seigneur.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Durant la période byzantine, la célébrité de saint Mennas supplanta celle de saint Martin à Rome, en sorte que la fête de celui-ci dut passer au 12 novembre. Mais le Saint de Tours ne tarda guère à prendre sa revanche, et, après le VIIIe siècle, la fête du martyr égyptien n’eut plus que le rang de simple commémoraison, tandis que celle de saint Martin devint au contraire l’une des plus chères aux Romains et l’une des plus populaires.

A Rome, l’origine de la dévotion envers le saint évêque de Tours remonte au pontificat du pape Symmaque (498-514) qui, près de l’antique nef du vieux titre d’Æquitius sur l’Esquilin, construisit une nouvelle basilique qu’il dédia à saint Martin. Ainsi, à une époque où le culte liturgique était encore presque exclusivement réservé aux martyrs, l’Apôtre des Gaules reçut dans la Ville éternelle les prémices de cette vénération qui, par la suite, fut étendue à tous les autres confesseurs.

Après une vie remplie de miracles et d’œuvres apostoliques visant à déraciner le paganisme de son diocèse et à y répandre les institutions monastiques, Martin mourut à Candes à la fin de 396, ou au début de l’année suivante. De son vivant, l’austérité de sa vie et ses habitudes fort simples ne lui avaient guère concilié la faveur des évêques de sa province ni même de son clergé ; mais déjà en 397 Sulpice-Sévère publiait sa vie, qui devait venger définitivement sa mémoire. Ce petit livre devint immédiatement comme un cinquième évangile de la vie monastique, et nous le trouvons peu après répandu à Rome, à Alexandrie, à Cartilage et jusque dans la Thébaïde, contribuant énormément à susciter partout un grand mouvement vers la vie religieuse.

Durant sa vie, Martin avait été célébré comme un thaumaturge ; après sa mort, son tombeau devint donc le but de nombreux pèlerinages. Durant tout le moyen âge, on allait à la tombe de saint Martin comme on allait déjà à celle des saints apôtres Pierre et Paul, comme aujourd’hui on va à Lourdes, et on y conduisait des malades de tout genre, dans cette espérance :

Quolibet morbo fuerint gravata,
Restituuntur.
comme le chante la vieille hymne Iste Confessor qui fut composée en l’honneur de saint Martin.

La chapelle primitive qui s’élevait sur le sépulcre du Saint fut érigée par son ancien adversaire, qui fut aussi son successeur au siège de Tours, saint Brice. C’était vers l’an 437. Une simple balustrade (transenna) séparait alors la tombe de l’autel, et sur celui-ci était suspendue une couronne de métal avec des lampes. Il y avait aussi un bassin dans lequel étaient plongés les malades pour qu’ils retrouvassent la santé, comme cela se faisait dans tous les sanctuaires des Anargyres orientaux. Cependant cette chapelle était trop mesquine pour la renommée sans cesse croissante de Martin ; aussi en 461, mettant fin, comme le dit une ancienne inscription, à la jalousie de certains rivaux hostiles à Martin jusque dans sa tombe :

LONGAM • PERPETVVS • SVSTVLIT • INVIDIAM [21]

l’évêque Perpetuus entreprit la construction d’une nouvelle basilique dédiée à la gloire de son illustre prédécesseur, le Thaumaturge de Tours.

Après le document de Sulpice-Sévère, le texte le plus ancien qui nous ait été conservé au sujet de saint Martin dans les Gaules, se trouve dans l’épitaphe d’une certaine Foedula qui se glorifiait d’avoir été baptisée par lui [22] :

FOEDVLA • QVAE • MVNDVM • DOMINO • MISERANTE • RELIQVIT
HOC • IACET • IN • TVMVLO • QVEM . DEDIT • ALMA • FIDES
MARTINI • QVONDAM • PROCERIS • SVB • DEXTERA • TINCTA
CRIMINA • DEPOSVIT • FONTE • RENATA • DEI
AD • NVNC • MARTYRIBUS • SEDEM • TRIBVENTIBVS • APTAM
CERBASIVM • PROCEREM • PROTASIVMQVE • COLIT
EMERI • TAM • REQVIEM • TITVLO • SORTITA • FIDELE
CONFESSA • EST • SANCTIS • QVAE • SOCIATA • IACET.
Foedula, qui, par la divine miséricorde, a laissé le monde,
repose dans cette tombe que lui a préparée la foi catholique.
Baptisée naguère par le pontife Martin, elle renaquit
dans cette divine fontaine où alors elle lava ses péchés.
Maintenant les vénérables martyrs Gervais et Protais
qu’elle avait accoutumé d’honorer, lui ont procuré une digne demeure,
et, en récompense de sa foi, l’ont introduite dans le repos éternel mérité,
où elle se trouve en compagnie des saints.

Saint Martin avait eu durant sa vie de trop nombreuses relations avec Rome et l’Italie, pour qu’après son passage à l’éternité son culte ne s’y répandît pas rapidement et intensivement. Saint Paulin fut l’un de ses plus fervents admirateurs, si bien qu’au moment de mourir le saint évêque de Nole déclara voir son collègue de Tours et saint Janvier de Naples qui venaient l’assister pour ce suprême passage.

Après le sanctuaire de saint Martin érigé par le pape Symmaque sur l’Esquilin, nous trouvons au VIIe siècle, au Vatican, un autre insigne monastère dédié lui aussi à l’évêque de Tours. Il était iuxta ferratam, c’est-à-dire très proche de la Confession du Prince des Apôtres ; si bien que, durant les solennelles vigiles nocturnes qui suivaient le samedi des Quatre-Temps, tandis que le peuple poursuivait dans la basilique le chant des litanies, le Pape avait coutume de se retirer dans l’oratoire de Saint-Martin pour y procéder aux ordinations des ministres sacrés.

A Saint-Paul également s’éleva, durant le moyen âge, une chapelle dédiée à l’évêque de Tours. Elle avait une abside et correspondait à la chapelle actuellement affectée au chœur des moines, à gauche de l’abside, dans le vaste et lumineux transept.

Pour donner aux lecteurs une simple idée de la grande dévotion dont était l’objet, dans l’antiquité, le célèbre Patron de la vie monastique, nous nous bornerons à énumérer les églises qui lui étaient dédiées à Rome : Saint-Martin in Exquiliis ; Saint-Martin iuxta ferratam ; Saint-Martin in Scorticlaria ; Saint-Martin de Maxima ; Saint-Martin in Monteria ; Saint-Martin in Panarella ; Saint-Martin de Pila ; Saint-Martin de Posterula ; A ces églises il faut ajouter les innombrables chapelles et autels dédiés au saint Évêque dans les diverses églises titulaires, et surtout dans les monastères bénédictins.

Hors de Rome, il est significatif que le Patriarche du monachisme occidental, saint Benoît, ait dédié en l’honneur de saint Martin l’ancien temple d’Apollon qui s’élevait sur le sommet du Mont-Cassin. Ce temple devint ainsi la première église de l’Ordre bénédictin, celle où la communauté cassinienne primitive célébra les divins offices, et dans laquelle saint Benoît voulut rendre son âme à Dieu devant l’autel de saint Martin.

Les premiers fondateurs de la célèbre abbaye de Farfa imitèrent au VIe siècle le geste pieux du patriarche cassinien ; et saint Laurent le Syrien transforma lui aussi dans la Sabine, sur la cime du mont Acuziano, le temple païen en oratoire chrétien, qu’il dédia à la mémoire de saint Martin. Sur l’état des possessions de Farfa au XIe siècle, nous trouvons une trentaine d’églises environ dédiées au saint évêque de Tours.

Mais même en dehors du milieu monastique, toute l’Italie, les Gaules, l’Espagne, sont couvertes, maintenant encore, de monuments portant le nom de saint Martin. Ce sont des églises, des croix, des ponts, des fontaines, des vallées, des montagnes, des villages. Saint Martin est le vengeur de tous les opprimés, la terreur de tous les tyrans, le Saint le plus populaire de l’Europe, celui en qui le moyen âge reconnaissait son propre génie, son âme religieuse.

Rien d’étonnant donc si la fête de saint Martin était autrefois fête d’obligation comportant l’abstention d’œuvres serviles. Nous la trouvons déjà classée comme telle au synode d’Aix-la-Chapelle en 809, et elle conserva ce rang honorifique à peu près durant tout le moyen âge.

La messe Státuit est du commun [23], sauf les particularités suivantes :

La première collecte s’inspire de celle du dimanche de la Sexagésime : « Seigneur qui savez bien que nous n’avons pas même la force de nous tenir debout en votre présence ; faites que l’intercession du bienheureux Martin nous préserve de toute adversité. »
Il faut remarquer ces mots de la liturgie : ex nulla nostra virtute subsistimus, qui frappent en plein cœur le pélagianisme, et prouvent la nécessité de la grâce pour être fidèles à Dieu et agir d’une façon méritoire pour la vie éternelle. La doctrine catholique sur la grâce, qui a trouvé en saint Augustin et en saint Thomas une exposition aussi lumineuse que complète, imprime à notre spiritualité un grand sentiment d’humilité et de confiance.

Le verset alléluiatique est propre : « Saint Martin, cet homme bienheureux qui fut évêque de Tours, est entré dans son repos. Les Anges et les Archanges, les Trônes, les Dominations et les Vertus, l’ont accueilli parmi eux. »
Les chœurs angéliques trouvent leurs émules dans les ministres de Jésus-Christ. Comme les prêtres sont les anges de la terre, ainsi la liturgie attribue d’une certaine manière aux Anges le service divin dans le temple et sur l’autel du ciel. Sur la terre, les prêtres accomplissent toutes ces fonctions qu’exercent au ciel les esprits bienheureux. Comme les Anges et les Archanges, ils annoncent le Verbe de Dieu aux hommes ; Jésus dans son sacrement repose sur leurs bras comme il siège sur les trônes ; à la ressemblance des Dominations, des Principautés et des Puissances, ils constituent sur la terre la Hiérarchie sacrée et règnent sur la famille du Christ. Semblables aux Vertus, ils ouvrent et ferment les portes du ciel, ils enchaînent et expulsent Satan ; ils distribuent les trésors de la grâce divine, sanctifient par leur parole et par leur main les éléments muets, pour que, à titre de matière des sacrements ou des sacramentaux, ils coopèrent à la sanctification des âmes.

La lecture évangélique qui, dans la liste de Würzbourg, est identique à celle de la messe Os Iusti des simples Confesseurs (Luc., XII, 35-40) [24]DIE XII MEN. NOVEM. NT. SCI. MARTINI lec. sci. eu. sec. Luc. k. CLIIII Sint lumbi uestri praecincti usq. filius hominis veniet.]], est empruntée par le Missel actuellement en usage à saint Luc, ch. XI, 33-36. La lampe est faite pour le chandelier, et les charismes magnifiques du zèle pastoral et de la puissance pour opérer des miracles, sont ordonnés par Dieu à l’édification du peuple chrétien.

L’image de la lampe suggère au Rédempteur une nouvelle application. De même que l’œil est la lampe du corps, ainsi la droiture d’intention est l’œil de l’âme. Celui qui, dans ses actions, se propose Dieu seul pour but, a l’âme droite et l’œil simple.

Les deux antiennes pour l’offrande des oblations et pour la Communion sont celles de la messe Os Iusti, comme le 23 janvier. L’antienne Beatus servus, pour la Communion, réclame le passage évangélique indiqué par la liste de Würzbourg.

Dans la dernière révision du Missel romain, la collecte avant l’anaphore est devenue identique à celle de la messe de saint Nicolas de Bari le 6 décembre. Celle qui était en usage auparavant était empruntée au XXIIe dimanche après la Pentecôte et avait un caractère général, le Saint n’y étant pas même nommé [table].

Pour cette fête, le Sacramentaire Grégorien nous offre la préface suivante : Vere dignum... aeterne Deus : cuius munere beatus Martinus confessor pariter et sacerdos, et bonorum operum incrementis excrevit, et variis virtutum donis exuberavit, et miraculis coruscavit. Qui quod verbis docuit, operum exhibitione complevit, et documento simul et exemplo subditis ad caelestia regna pergendi ducatum praebuit. Unde tuam clementiam petimus, ut eius qui tibi placuit exemplis ad bene agendum informemur, meritis muniamur, intercessionibus adiuvemur, qualiter ad caeleste regnum, illo interveniente, te opitulante, pervenire mereamur. Per Christum... per quem maiestatem tuam etc.

Voici la collecte après la Communion : « Faites, ô Dieu tout-puissant, que l’intercession des Saints en mémoire desquels nous avons participé à vos sacrements, fasse que ces mystères nous soient un gage efficace du salut éternel. »
Une communion salutaire est celle où l’âme, au moyen de la charité, entre vraiment en communion avec Jésus, ses douleurs, sa mort, et par conséquent, avec le salut dont il est la source.

Pour cette fête, les Sacramentaires du moyen âge assignaient aussi la bénédiction ou oratio super populum : Exaudi, Domine, populum tuum tota tibi mente subiectum, et beati Martini Pontificis supplicatione custodi, ut corpore et corde protectus, quod pie credit appetat, et quod iuste sperat, obtineat. Per Dominum.

En l’honneur du grand saint Martin, nous rapportons aujourd’hui les vers que, durant le haut moyen âge, l’on pouvait lire sur la tour qui, du côté de l’orient, ornait la façade de sa basilique de Tours. Le premier vers se trouvait également au-dessus d’une des portes de la basilique de Saint-Paul à Rome :

INGREDIENS • TEMPLVM • REFER • AD • SVBLIMIA • VVLTVM
EXCELSVS • ADITVS • SVSPICIT • ALTA • FIDES.
ESTO • HVMILIS • SENSV • SED • SPE • SECTARE • VOCANTEM
MARTINVS • RESERAT • QVAS • VENERARE • FORES.
HAEC • TVTA • EST • TVRRIS • TREPIDIS • OBIECTA • SVPERBIS
ELATA • EXCLVDENS • MITIA • CORDA • TEGENS.
CELSIOR • ILLA • TAMEN • QVAE • CAELI • VEXIT • AD • ARCEM
MARTINVM • ASTRIGERIS • AMBITIOSA • VUS
VNDE • VOCAT • POPVLOS • QVI • PRAEVIVS • AD • BONA • CHRISTI
SYDEREVM • INGRESSVS • SANCTIFICAVIT • ITER.
Lève les yeux, ô toi qui entres dans ce temple,
Car cette façade élancée symbolise l’essor de la foi.
Sois humble en toi-même, mais par l’espérance suis hardiment celui qui t’appelle en haut.
Martin t’ouvre ces portes vénérées.
Cette tour offre un refuge aux timides, mais repousse les orgueilleux.
Elle laisse donc dehors l’arrogance, mais elle donne asile à ceux qui sont doux de cœur.
Beaucoup plus élevée et glorieuse que cette tour est celle qui, parmi les astres, porta Martin au divin séjour.
Celui-ci, ayant accompli le premier ce voyage céleste, en sanctifia le chemin.
Et maintenant, du ciel, il invite les peuples à obtenir eux aussi la félicité du Christ.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

« Ô l’homme bienheureux, dont l’âme est entrée en possession du paradis. C’est pourquoi les anges se réjouissent, les archanges exultent, le chœur des saints élève sa voix et la foule des vierges lui adresse cette invitation : Demeure avec nous à jamais ! » ( Ant. de Magn. aux 1res vêpres et de Benedict.)

« Ô le bienheureux Pontife, qui aimait le Christ de tout son cœur et qui ne craignait pas la puissance des princes ! Ô sainte âme, qu’éPargna le glaive du persécuteur, mais qui n’a pas laissé échapper la palme du martyre ! » ( Ant. de Magn. aux 2èmes vêpres).

« Martin est reçu tout joyeux dans le sein d’Abraham,. Martin, pauvre et humble ici-bas, entre riche au ciel et reçoit l’hommage des chœurs célestes. »

Saint Martin est, avec saint Silvestre et saint Antoine l’ermite, l’un des premiers saints dont le culte soit établi dans l’Église dès le Ve siècle, bien qu’il ne fût par martyr. L’honneur dont il jouissait dès les anciens temps est mentionné par le bel office du bréviaire avec ses chants historiques. — Les morceaux de la prière des Heures permettent de réunir les détails de sa vie ; Saint Martin naquit (vers l’an 316) à Sabarie, ville de Pannonie (Hongrie actuelle, près du célèbre monastère bénédictin du Mont-Saint-Martin). A l’âge de dix ans, il s’enfuit, malgré la volonté de ses parents, dans une église catholique et se fit inscrire au nombre des catéchumènes. A 15 ans, il entra dans l’armée et servit sous les empereurs Constance et Julien. Étant soldat, il rencontra un jour, à la porte d’Amiens, un pauvre mendiant sans habit qui lui demanda l’aumône au nom du Christ. Comme il n’avait sur lui que ses armes et ses vêtements militaires, il prit son épée, coupa en deux son manteau et en donna une moitié au pauvre. Au cours de la nuit suivante, le Christ lui apparut, revêtu de cette moitié de manteau, et dit : « Martin, le catéchumène, m’a vêtu de ce manteau ! » A 18 ans, Martin reçut le baptême. Sur la demande de son chef, il demeura encore deux ans à l’armée. Lorsqu’il réclama alors sa libération, Julien lui reprocha sa lâcheté ; il répondit : « Avec le signe de la croix et non avec le bouclier et le casque je traverserai sans crainte les rangs ennemis. » Il quitta l’armée et se rendit auprès de saint Hilaire, évêque de Poitiers, qui lui conféra l’ordre d’exorciste. Plus tard, il devint évêque de Tours. Là, il construisit un monastère où, avec 80 moines, il mena une vie très sainte. Martin, qui se rendit souvent à la cour impériale de Trêves, y reçut un jour la visite d’un père venant l’implorer pour sa fille : « Le Seigneur me donne la ferme confiance que ma fille sera guérie sur ta prière ! », lui dit-il. Saint Martin guérit la jeune fille par une onction d’huile sainte. Tétradius, témoin de ce miracle, se fit baptiser. Le saint avait aussi le don du discernement des esprits. Un jour, l’esprit mauvais lui apparut, environné de rayons éclatants et d’une magnificence royale, et voulut se faire passer pour le Christ. Saint Martin reconnut l’imposture et lui dit : « Le Seigneur Jésus-Christ n’a jamais annoncé qu’il viendrait en vêtements de pourpre et ceint d’une couronne de roi ». Là-dessus l’apparition s’évanouit. Saint Martin ressuscita trois morts. Pendant qu’il célébrait la messe, on vit apparaître un jour au-dessus de sa tête un globe lumineux. Le saint évêque était déjà très âgé lorsque, pendant un voyage à Candes, une paroisse de son diocèse qu’il visitait, il fut saisi par une violente fièvre. Il priait Dieu avec instance de le délivrer de cette prison de mort. Mais ses disciples s’écrièrent en le priant et suppliant : « Père, pourquoi nous abandonnes-tu ? A qui vas-tu confier le soin de tes malheureux enfants ? » Saint Martin, profondément ému, s’adressa à Dieu : « Seigneur, si je suis encore nécessaire à ton peuple, je ne refuse pas de travailler ; que ta volonté soit faite ! » Ses disciples, voyant que malgré sa forte fièvre il demeurait étendu sur le dos pour prier, le supplièrent de se tourner un peu pour trouver quelque soulagement. Il leur répondit : « Frères, laissez-moi regarder le ciel plutôt que la terre, afin qu’à son départ mon âme prenne tout droit son essor vers le Seigneur. » Un moment avant sa mort, il vit l’esprit infernal, auquel il dit : « Que viens-tu faire ici, bête cruelle ? Tu ne trouveras rien en moi qui t’appartienne ! » A ces mots, le saint vieillard rendit l’âme, âgé de 81 ans, le 11 novembre 397 ou 400, couché sur un sac parsemé de cendre. Soulignons surtout les pensées du temps de l’automne ecclésiastique (son désir de la parousie), Saint Martin trouva son fidèle biographe en son ami Sulpice Sévère qui fut, au moins en partie, le témoin oculaire de ses actes et de ses miracles, Le culte de saint Martin se répandit dans tout l’occident, où sa fête fut célébrée avec solennité. Le peuple chrétien prit de bonne heure l’habitude de faire rôtir une oie le jour de sa fête (d’où la coutume aussi de représenter le saint avec cet animal). Vraisemblablement c’était là une sorte de mardi-gras avant le jeûne de l’Avent qui, à cette époque, était plus long qu’aujourd’hui,

La Messe (Státuit). — La messe est du commun des évêques. Devant nous se tient le Pontife, l’un des plus vénérables de l’histoire ecclésiastique ; aussi l’Introït et la Leçon ont-ils un accent plus vibrant. L’Évangile est propre et nous montre en saint Martin « la lumière de l’Église » qui brille au loin dans l’Église de Dieu et qui nous fait penser à la « lumière » que le baptême a allumée dans notre âme. Tenir celle-ci allumée pour la venue de l’Époux est notre grand devoir. Le verset de l’Alléluia célèbre l’entrée de saint Martin au ciel : « Saint Martin, cet homme bienheureux qui fut évêque de Tours, est entré dans son repos ; les Anges et les Archanges, les Trônes, les Dominations et les Vertus l’ont accueilli parmi eux. »

[1] Une liste par diocèses s’en trouve dans le Saint Martin de Lecoy de la Marche, en l’Appendice.

[2] Sulpit. Sever. Vita, VI.

[3] Ita ut, jam illo tempore, non miles sed monachus putaretur. Ibid. II.

[4] Ita implebat episcopi dignitatem, ut non tamen propositum monachi virtutemque desereret. Sulpit. Sev. Vita, X.

[5] Cardinal Pie, Homélie prononcée à l’occasion du rétablissement de l’Ordre de saint Benoît à Ligugé, 25 novembre 1853.

[6] Hilarium secutus est Martinus, qui tantum illo doctore profecit, quantum ejus postea sanctitas declaravit. In festo S. Hilarii, Noct. II, Lect. II.

[7] Cardinal Pie, ubi supra.

[8] I Cor. II, 4.

[9] Cardinal Pie, Sermon prêché dans la cathédrale de Tours le dimanche de la solennité patronale de saint Martin, 14 novembre 1858.

[10] Concil. Mogunt. an. 813, can. XXXVI.

[11] Greg. Tur. De miraculis S. Martini, IV, in Prolog.

[12] Quel qu’ait pu être le vêtement de saint Martin désigné par cette appellation, on sait que l’oratoire des rois de France tira de lui son nom de chapelle, passé ensuite à tant d’autres.

[13] Et ubi erit spes victoriae, si beatus Martinus offenditur ? Greg. Tur. Historia Francorum, II, XXXVII.

[14] Voir plus haut à Laudes.

[15] Psalm. LXVIII, 29.

[16] Psalm. LXXXVII, 6.

[17] Sulpit. Sev. Vita, VII.

[18] Ant. ad Magnificat in Iis Vesp.

[19] Sulpit. Sev. Dialog. I (II, 8, 12).

[20] Ibid. 13.

[21] Le blant, Inscript. Chrét., T. I.

[22] Op. cit., II, n. 412, pl. 292.

[23] Il n’y a rien de choquant à cela : les messes les plus anciennes et des saints les plus vénérés sont devenues celles du Commun, de la même manière que l’Hymne anciennement propre à St Martin, Iste Confessor, est devenue celle des vêpres du Commun au bréviaire.

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Secreta.Secrète Da, miséricors Deus : ut hæc salutáris oblátio et a própriis nos reátibus indesinénter expédiat, et ab ómnibus tueátur advérsis. Per Dóminum.Faites, ô Dieu de miséricorde, que cette oblation salutaire nous délivre sans cesse de nos propres fautes et nous protège contre toute adversité. L’abandon de cette secrète, selon Bruylants (Les oraisons du Missel Romain II, § 158) serait due à la possible occurrence entre la fête de St Martin et ce XXIIe dimanche : avant le code des rubriques de Jean XXIII, on faisait mémoire du saint le dimanche.