Né à Lisbonne en 1195, franciscain en 1220, mort à Padoue en 1231. Canonisé en 1232, fête immédiate. Proclamé Docteur de l’Église en 1946.
Missa In médio de Communi Doctorum, cum orationibus ut infra : | Messe In médio du Commun des Docteurs, avec les oraisons ci-dessous : |
Oratio. | Collecte |
Ecclésiam tuam, Deus, beáti Antónii Confessóris tui atque Doctóris sollémnitas votíva lætíficet : ut spirituálibus semper muniátur auxíliis et gáudiis pérfrui mereátur ætérnis. Per Dóminum. | Que la solennité annuelle de votre Confesseur et Docteur, le bienheureux Antoine, réjouisse votre Église, ô Dieu, afin qu’elle soit toujours munie des secours spirituels et qu’elle mérite de goûter les joies éternelles. |
Secreta | Secrète |
Præsens oblátio fiat, Dómine, pópulo tuo salutáris : pro quo dignátus es Patri tuo te vivéntem hóstiam immoláre : Qui cum eódem Deo Patre et Spíritu Sancto vivis et regnas Deus, per ómnia sǽcula sæculórum. | Que l’oblation présente, soit, ô Seigneur, salutaire à votre peuple pour lequel, hostie vivante, vous avez daigné vous immoler à votre Père. Vous qui, étant Dieu, vivez et régnez avec le même Dieu le Père et l’Esprit-Saint, dans tous les siècles des siècles. |
Postcommunio | Postcommunion |
Divínis, Dómine, munéribus satiáti : quǽsumus ; ut, beáti Antónii Confessóris tui atque Doctóris méritis et intercessióne, salutáris sacrifícii sentiámus efféctum. Per Dóminum. | L’âme rassasiée grâce à vos dons divins, nous vous supplions, Seigneur, par les mérites et l’intercession du bienheureux Antoine, votre Confesseur et Docteur, de nous faire ressentir les effets salutaires de ce sacrifice. |
Ant. ad Introitum. Ps. 36, 30-31. | Introït |
Os iusti meditábitur sapiéntiam, et lingua eius loquétur iudícium : lex Dei eius in corde ipsíus. (T.P. Allelúia, allelúia.) | La bouche du juste méditera la sagesse et sa langue proférera l’équité ; la loi de son Dieu est dans son cœur. (T.P. Alléluia, alléluia.) |
Ps. Ibid., 1. | |
Noli æmulári in malignántibus : neque zeláveris faciéntes iniquitátem. | Ne porte pas envie au méchant et ne sois pas jaloux de ceux qui commettent l’iniquité. |
V/.Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Ecclésiam tuam, Deus, beáti Antónii Confessóris tui sollémnitas votíva lætíficet : ut spirituálibus semper muniátur auxíliis et gáudiis pérfrui mereátur ætérnis. Per Dóminum. | Que la solennité annuelle de votre Confesseur, le bienheureux Antoine, réjouisse votre Église, ô Dieu, afin qu’elle soit toujours munie des secours spirituels et qu’elle mérite de goûter les joies éternelles. |
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Corínthios. | Lecture de l’Épître de saint Paul Apôtre aux Corinthiens. |
1. Cor. 4, 9-14. | |
Fratres : Spectáculum facti sumus mundo et Angelis et homínibus. Nos stulti propter Christum, vos autem prudéntes in Christo : nos infírmi, vos autem fortes : vos nóbiles, nos autem ignóbiles. Usque in hanc horam et esurímus, et sitímus, et nudi sumus, et cólaphis cǽdimur, et instábiles sumus, et laborámus operántes mánibus nostris : maledícimur, et benedícimus : persecutiónem pátimur, et sustinémus : blasphemámur, et obsecrámus : tamquam purgaménta huius mundi facti sumus, ómnium peripséma usque adhuc. Non ut confúndant vos, hæc scribo, sed ut fílios meos caríssimos móneo : in Christo Iesu, Dómino nostro. | Mes frères : nous sommes donnés en spectacle au monde, et aux anges, et aux hommes. Nous, nous sommes fous à cause du Christ, mais vous, vous êtes sages dans le Christ ; nous sommes faibles, et vous êtes forts ; vous êtes honorés, et nous sommes méprisés. Jusqu’à cette heure nous souffrons la faim, la soif, la nudité ; on nous frappe au visage, nous n’avons pas de demeure stable ; nous nous fatiguons à travailler de nos mains ; on nous maudit, et nous bénissons ; on nous persécute, et nous le supportons ; on nous blasphème, et nous prions ; nous sommes devenus comme les ordures du monde, comme les balayures de tous jusqu’à présent. Ce n’est pas pour vous faire honte que je vous écris cela, mais je vous avertis comme mes enfants bien-aimés, dans le Christ Jésus Notre Seigneur. |
Graduale. Ps. 91, 13 et 14. | Graduel |
Iustus ut palma florébit : sicut cedrus Líbani multiplicábitur in domo Dómini. | Le juste fleurira comme le palmier et il se multipliera comme le cèdre du Liban dans la maison du Seigneur. |
V/. Ibid., 3. Ad annuntiándum mane misericórdiam tuam, et veritátem tuam per noctem. | V/. Pour annoncer le matin votre miséricorde et votre vérité durant la nuit. |
Allelúia, allelúia. V/. Eccli. 45, 9. Amávit eum Dóminus, et ornávit eum : stolam glóriæ índuit eum. Allelúia. | Allelúia, allelúia. V/. Le Seigneur l’a aimé et l’a orné. Il l’a revêtu d’une robe de gloire. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam. | Suite du Saint Évangile selon saint Luc. |
Luc. 12, 35-40. | |
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Sint lumbi vestri præcíncti, et lucernæ ardéntes in mánibus vestris, et vos símiles homínibus exspectántibus dóminum suum, quando revertátur a núptiis : ut, cum vénerit et pulsáverit, conféstim apériant ei. Beáti servi illi, quos, cum vénerit dóminus, invénerit vigilántes : amen, dico vobis, quod præcínget se, et fáciet illos discúmbere, et tránsiens ministrábit illis. Et si vénerit in secúnda vigília, et si in tértia vigília vénerit, et ita invénerit, beáti sunt servi illi. Hoc autem scitóte, quóniam, si sciret paterfamílias, qua hora fur veníret, vigiláret útique, et non síneret pérfodi domum suam. Et vos estóte paráti, quia, qua hora non putátis, Fílius hóminis véniet. | En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Que vos reins soient ceints, et les lampes allumées dans vos mains. Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces, afin que, lorsqu’il arrivera et frappera, ils lui ouvrent aussitôt. Heureux ces serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera veillant ; en vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera asseoir à table, et passant devant eux, il les servira. Et, s’il vient à la seconde veille, s’il vient à la troisième veille, et qu’il les trouve en cet état, heureux sont ces serviteurs ! Or, sachez que, si le père de famille savait à quelle heure le voleur doit venir, il veillerait certainement, et ne laisserait pas percer sa maison. Vous aussi, soyez prêts ; car, à l’heure que vous ne pensez pas, le Fils de l’homme viendra. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 88, 25. | Offertoire |
Véritas mea et misericórdia mea cum ipso : et in nómine meo exaltábitur cornu eius. (T.P. Allelúia.) | Ma vérité et ma miséricorde seront avec lui et par mon nom s’élèvera sa puissance. (T.P. Alléluia.) |
Secreta | Secrète |
Præsens oblátio fiat, Dómine, pópulo tuo salutáris : pro quo dignátus es Patri tuo te vivéntem hóstiam immoláre : Qui cum eódem Deo Patre et Spíritu Sancto vivis et regnas Deus, per ómnia sǽcula sæculórum. | Que l’oblation présente, soit, ô Seigneur, salutaire à votre peuple pour lequel, hostie vivante, vous avez daigné vous immoler à votre Père. Vous qui, étant Dieu, vivez et régnez avec le même Dieu le Père et l’Esprit-Saint, dans tous les siècles des siècles. |
Ant. ad Communionem. Matth. 24,46-47. | Communion |
Beátus servus, quem, cum vénerit dóminus, invénerit vigilántem : amen, dico vobis, super ómnia bona sua constítuet eum. (T.P. Allelúia.) | Heureux le serviteur que le maître, à son arrivée, trouvera veillant ; en vérité, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens. (T.P. Alléluia.) |
Postcommunio | Postcommunion |
Divínis, Dómine, munéribus satiáti : quǽsumus ; ut, beáti Antónii Confessóris tui méritis et intercessióne, salutáris sacrifícii sentiámus efféctum. Per Dóminum. | L’âme rassasiée grâce à vos dons divins, nous vous supplions, Seigneur, par les mérites et l’intercession du bienheureux Antoine, votre Confesseur, de nous faire ressentir les effets salutaires de ce sacrifice. |
Leçons des Matines avant 1960
Quatrième leçon. Antoine naquit à Lisbonne en Portugal, de parents nobles qui l’élevèrent pieusement. Jeune homme, il embrassa la vie des Chanoines réguliers. Comme on transportait à Coïmbre les corps de cinq bienheureux Martyrs, Frères mineurs qui avaient récemment souffert pour la foi au Maroc, leur vue embrasa Antoine du désir d’être aussi martyrisé, et il passa dans l’Ordre des Franciscains. Sous l’impulsion de ce désir, il se dirigea vers le pays des Sarrasins ; mais une maladie le réduisit à l’impuissance et le força de revenir. Or, bien que le navire qui le portait fît voile pour l’Espagne, les vents le poussèrent en Sicile.
Cinquième leçon. De la Sicile, il se rendit au chapitre général qui se tenait à Assise. Puis, retiré dans l’ermitage du mont Saint-Paul en Toscane, il y vaqua longtemps à la divine contemplation, aux jeûnes et aux veilles. Élevé plus tard aux saints Ordres, il reçut la mission de prêcher l’Évangile. La sagesse et la facilité de sa parole lui obtinrent tant de succès et excitèrent une telle admiration que, prêchant un jour devant le souverain Pontife, il fut appelé par lui l’arche du Testament. Il poursuivit les hérésies avec une extrême rigueur, et les coups qu’il leur porta lui valurent le nom de perpétuel marteau des hérétiques.
Sixième leçon. Le premier de son ordre, à cause de l’éclat de sa science, il expliqua les saintes lettres à Bologne et ailleurs, et dirigea les études de ses frères. Après avoir parcouru nombre de provinces, il vint, un an avant sa mort, à Padoue, où il laissa d’insignes monuments de sa sainteté. Enfin, ayant accompli de grands travaux pour la gloire de Dieu, chargé de mérites, illustré par ses miracles, il s’endormit dans le Seigneur aux ides de juin, l’an du salut mil deux cent trente et un. Le souverain Pontife Grégoire IX l’a inscrit au nombre des saints Confesseurs. Il fut déclaré Docteur de l’Église Universelle par le Pape Pie XII.
Réjouis-toi, heureuse Padoue, riche d’un trésor sans prix [1] ! Antoine, en te léguant son corps, a plus fait pour ta gloire que les héros qui te fondèrent en ton site fortuné, que les docteurs de ton université fameuse. Cité chérie du Fils de Dieu, dans le siècle même qui le vit prendre chair au sein de la Vierge bénie, il envoyait Prosdocime t’annoncer sa venue ; et tout aussitôt, répondant aux soins de ce disciple de Pierre, ton sol fertile offrait au Seigneur Jésus la plus belle fleur de l’Italie dans ces premiers jours, la noble Justine, joignant aux parfums de sa virginité la pourpre du martyre : mère illustre, à qui tu devras de voir se reformer dans tes murs les phalanges monastiques présentement dispersées ; nouvelle Debbora, qui bientôt étendra sur Venise ta rivale son patronage glorieux, et, unissant sa force suppliante à la puissance du lion de saint Marc, obtiendra du Dieu des armées le salut de la chrétienté dans les eaux de Lépante. Aujourd’hui, comme si, ô Padoue, tes gloires natives ne suffisaient pas aux ambitions pour toi de l’éternelle Sagesse, voici que du fond de l’antique Ibérie, Lisbonne est contrainte de te céder sa perle la plus précieuse. Au milieu des troubles qui agitent l’Église et l’empire, dans la confusion qu’amène l’anarchie au sein des villes italiennes, Antoine et Justine partageront le soin de ta défense contre les tyrans ; l’Occident tout entier bénéficiera de cette alliance redoutable sur terre et sur mer aux ennemis de la paix et du nom chrétien. Combats nouveaux, qu’aime le Seigneur [2] ! Quand cessent de se montrer les forts en Israël, Dieu se lève et triomphe par les petits et les faibles. L’Église alors en paraît plus divine.
Le temps de Charlemagne n’est plus. L’œuvre de saint Léon III subsiste toujours ; mais les césars allemands ont trahi Rome, dont ils tenaient l’empire. L’homme ennemi, laissé libre, a semé l’ivraie dans le champ du Père de famille ; l’hérésie germe en divers lieux, le vice pullule ; et si les papes, aidés des moines, sont parvenus, en d’héroïques combats, à rejeter le désordre en dehors du sanctuaire, les peuples, exploités trop longtemps par des pasteurs vendus, restent sur la défiance, et se détachent maintenant de l’Église. Qui les ramènera ? Qui fera sur Satan cette nouvelle conquête du monde ? C’est alors que, toujours présent et vivant dans l’Église, l’Esprit de la Pentecôte suscite les fils de Dominique et de François. Milice nouvelle organisée pour des besoins nouveaux, ils se jettent dans l’arène, poursuivant l’hérésie dans ses repaires les plus secrets comme au grand jour, tonnant contre les vices des petits et des grands, combattant l’ignorance ; partout dans les campagnes et les villes ils se font écouter, déconcertant les faux docteurs tout à la fois par les arguments de la science et du miracle, se mêlant au peuple qu’ils subjuguent par la vue de leur héroïque détachement donné en spectacle au monde, et qu’ils rendent au Seigneur repentant et affermi, en l’enrôlant par foules compactes dans leurs tiers-ordres devenus en ces temps le refuge assuré de la vie chrétienne. Or, de tous les fils du patriarche d’Assise, le plus connu, le plus puissant devant les hommes et devant Dieu, est Antoine, que nous fêtons en ce jour.
Sa vie fut courte : à trente-cinq ans, il s’envolait au ciel. Mais ce petit nombre d’années n’avait pas empêché le Seigneur de préparer longuement son élu au ministère merveilleux qu’il devait remplir : tant il est vrai que, dans les hommes apostoliques, ce qui importe pour Dieu et doit faire d’eux l’instrument du salut d’un plus grand nombre d’âmes, est moins la durée du temps qu’ils pourront consacrer aux œuvres extérieures, que le degré de leur sanctification personnelle et leur docile abandon aux voies de la Providence. On dirait, pour Antoine, que l’éternelle Sagesse se plaît, jusqu’aux derniers temps de son existence, à déconcerter ses pensées. De ses vingt années de vie religieuse, il en passe dix chez les Chanoines réguliers, où, à quinze ans, l’appel divin a convié sa gracieuse innocence ; où, tout entière captivée par les splendeurs de la Liturgie, l’étude des saintes Lettres et le silence du cloître, son âme séraphique s’élève à des hauteurs qui le retiennent, pour jamais, semble-t-il, dans le secret de la face de Dieu. Soudain l’Esprit divin l’invite au martyre : et nous le voyons, laissant son cloître aimé, suivre les Frères Mineurs aux rivages où plusieurs d’entre eux ont déjà conquis la palme glorieuse. Mais le martyre qui l’attend est celui de l’amour ; malade, réduit à l’impuissance avant que son zèle ait pu rien tenter sur le sol africain, l’obéissance le rappelle en Espagne, et voici qu’une tempête le jette sur les côtes d’Italie.
On était dans les jours où, pour la troisième fois depuis la fondation de l’Ordre des Mineurs, François d’Assise réunissait autour de lui son admirable famille. Antoine, inconnu, perdu dans l’immense assemblée, vit les Frères à la fin du Chapitre recevoir chacun leur destination, sans que personne songeât à lui ; le descendant de l’illustre famille de Bouillon et des rois d’Asturies restait oublié dans ces assises de la sainte pauvreté. Au moment du départ, le ministre de la province de Bologne, remarquant l’isolement du jeune religieux dont personne ne semblait vouloir, l’admit par charité dans sa compagnie. A l’ermitage du Mont Saint-Paul, devenu sa résidence, on lui confia le soin d’aider à la cuisine et de balayer la maison, comme l’emploi qui semblait répondre le mieux à ses aptitudes. Durant ce temps, les chanoines de Saint-Augustin pleuraient toujours celui dont la noblesse, la science et la sainteté faisaient naguère la gloire de leur Ordre.
L’heure arriva pourtant, où la Providence s’était réservé de manifester Antoine au monde ; aussitôt, comme on l’avait dit du Sauveur lui-même, le monde entier se précipita sur ses pas [3]. Autour des chaires où prêchait l’humble Frère, ce ne furent que prodiges dans l’ordre de la nature et dans l’ordre de la grâce. A Rome il méritait le noble titre d’arche du Testament, en France celui de marteau des hérétiques. Il nous est impossible de suivre en tout sa trace lumineuse ; mais nous ne devons pas oublier qu’en effet, une part principale revient à notre patrie dans les quelques années de son puissant ministère.
Saint François avait grandement désiré évangéliser lui-même le beau pays de France, ravagé par l’odieuse hérésie ; il lui envoya du moins le plus cher de ses fils, sa vivante image. Ce que saint Dominique avait été dans la première croisade contre les Albigeois, Antoine le fut dans la seconde. C’est à Toulouse qu’a lieu le miracle de la mule affamée, qui laisse sa nourriture pour se prosterner devant l’Hostie sainte. De la Provence au Berry, les diverses provinces entendent sa parole ardente ; tandis que le ciel réconforte par de délicieuses faveurs son âme restée celle d’un enfant, au milieu de ses triomphes et de l’enivrement des multitudes. Dans une maison solitaire du Limousin, sous le regard de son hôte, c’est le saint Enfant Jésus, rayonnant d’une admirable beauté, qui descend dans ses bras et lui prodigue ses caresses en réclamant les siennes. Un jour d’Assomption qu’il était tout triste, au sujet de certain passage de l’Office d’alors peu favorable à l’entrée de la divine Mère au ciel en corps et en âme, Notre-Dame vient le consoler dans sa pauvre cellule, l’assure de la véritable doctrine, et le laisse ravi des charmes de son doux visage et de sa voix mélodieuse. A Montpellier, comme il prêchait dans une église de la ville au milieu d’un immense concours, il se rappelle qu’il est désigné pour chanter à l’heure même dans son couvent l’Alléluia de la Messe conventuelle ; il avait oublié de se faire remplacer ; profondément chagrin de cette omission involontaire, il incline la tête ; or, tandis que, penché sur le bord de la chaire, il semble dormir, ses Frères le voient paraître au chœur, et remplir son office ; après quoi, reprenant vie devant son auditoire, il achève avec éloquence le sermon commencé.
C’est dans cette même ville de Montpellier où il enseignait la théologie aux Frères, que son Commentaire des Psaumes ayant disparu, le voleur fut contraint par Satan lui-même à rapporter l’objet dont la perte causait au Saint les plus vifs regrets. Plusieurs voient dans ce fait l’origine de la dévotion qui reconnaît Antoine comme le patron des choses perdues : dévotion appuyée dès l’origine sur les miracles les plus éclatants, et que des grâces incessantes ont confirmée jusqu’à nos jours.
Le défaut d’espace nous contraint, à notre grand regret, d’être sobre de pièces liturgiques. Mais nous ne pouvons omettre ici le Répons miraculeux, dont la composition est attribuée à saint Bonaventure, et qui justifie son nom tous les jours encore pour ceux qui le récitent avec foi dans leurs nécessités. C’est le huitième répons de l’Office de saint Antoine de Padoue dans la liturgie franciscaine. Il devint de bonne heure, avec la dévotion aux neuf mardis en l’honneur du Saint, une source de grâces pour le peuple chrétien.
R/. Si quæris miracula,
Mors, error, calamitas, Dæmon, lepra fugiunt, Ægri surgunt sani. * Cedunt mare, vincula ; Membra, resque perditas Petunt et accipiunt Juvenes et cani. | R/. Si vous cherchez des miracles,
la mort, l’erreur, le malheur, le démon, la lèpre, s’enfuient ; les malades se lèvent guéris. * On voit céder la mer, et les chaînes se briser, jeunes et vieux retrouver par la prière l’usage de leurs membres et les objets perdus. |
V/. Pereunt pericula,
Cessat et necessitas : Narrent hi qui sentiunt, Dicant Paduani. | V/. Les dangers s’évanouissent,
le besoin cesse : à ceux qui l’éprouvent de le raconter, aux Padouans de le dire. |
* Cedunt mare, vincula… Glória Patri. * Cedunt mare, vincula… | * On voit céder la mer. Gloire au Père. * On voit céder la mer. |
V/. Ora pro nobis, beate Antoni. | V/. Priez pour nous, saint Antoine, |
R/. Ut digni efficiamur promissionibus Christi. | R/. Afin que nous soyons rendus dignes des promesses de Jésus-Christ. |
Oremus.
Ecclesiam tuam, Deus, beati Antonii Confessoris tui commemoratio votiva lætificet : ut spiritualibus semper muniatur auxiliis et gaudiis perfrui mereatur æternis. Per Christum Dominum nostrum. Amen | Prions.
Que la mémoire faite par nous du bienheureux Antoine votre confesseur soit pour votre Église, ô Dieu, une cause de joie ; qu’elle y trouve l’appui constant de vos grâces, et l’assurance du bonheur éternel. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Ainsi soit-il. |
On ne voit que vallées s’arrondir en collines, et collines s’enfler en montagnes. Mais qu’est-il écrit ? Vous les avez renversés, dans le temps qu’ils s’élevaient [5]. Et Dieu dit à ces hauteurs usurpées : Je t’ai ramené à la petitesse de l’enfance, mais d’une enfance profondément méprisable au milieu des nations [6]. Pourquoi, ô hommes, cette puérilité remplissant vos jours d’inconstance, d’ambition tapageuse, d’efforts qui ne récoltent que le vent ? Autre est l’enfance dont il est dit qu’elle est la plus grande dans la patrie des vraies grandeurs [7]. Elle fut la vôtre, glorieux Antoine, et vous livra tout entier aux divines influences [8].
En retour de votre soumission toute d’amour au Père qui est dans les cieux, les peuples vous obéirent, les plus féroces tyrans tremblèrent à votre voix [9]. L’hérésie seule, un jour, refusa d’écouter vos accents ; mais les poissons vous vengèrent : ils vinrent par multitudes, aux yeux de toute une ville, écouter votre parole dédaignée des sectaires. L’erreur, hélas ! qui se dérobait devant vous, ne se contente plus maintenant de refuser d’entendre ; elle veut parler seule. Après s’être relevée depuis longtemps des défaites que vous lui aviez infligées, la fille de Manès, restée la même sous le nom nouveau de franc-maçonnerie, gouverne à son gré la France ; le Portugal, où vous naquîtes, la voit chercher presque au grand jour à pénétrer jusqu’à l’autel ; le monde entier s’abreuve à ses poisons. O vous qui, chaque jour, subvenez à vos dévots clients dans leurs nécessités privées, vous dont la puissance est la même au ciel qu’autrefois sur la terre, secourez l’Église, le peuple de Dieu, la société plus universellement et plus profondément menacée que jamais. Arche du Testament, ramenez à l’étude fortifiante des Lettres sacrées nos générations sans amour et sans foi ; marteau des hérétiques, frappez de ces coups qui fassent encore trembler l’enfer et réjouissent les anges.
Cet illustre Saint, canonisé par Grégoire IX moins d’un an après sa mort, a acquis une immense popularité grâce à ses nombreux miracles et au zèle des Frères Mineurs, qui, dès le XIVe siècle, ont répandu son culte de toutes parts.
Rien ne manque à la gloire d’Antoine. Il eut le désir du martyre et voulut, dans ce but, entrer dans l’Ordre des Mineurs et faire voile vers la Mauritanie. Il fut apôtre, et remplit de la renommée de sa prédication enflammée l’Italie et Rome, où il annonça la parole de Dieu en 1227. Il eut la célébrité d’un docteur, et fut appelé par Grégoire IX l’Arche du Testament. De son vivant et après sa mort (+ 1231), il fut entouré de l’auréole de thaumaturge et il est bien peu de villes où une église ou un autel, tout recouvert d’ex-voto, ne soit dédié à saint Antoine.
Par ordre de Nicolas IV, — un pape franciscain, — l’image du Saint fut introduite, avec celle de saint François, dans l’antique mosaïque de l’abside du Latran, pour rappeler que, comme le Poverello d’Assise avait apparu, en songe, soutenant l’édifice branlant de la Basilique du Sauveur, ainsi le Saint de Padoue, par sa prédication, avait efficacement aidé à consolider le symbolique édifice de la Foi catholique.
La fête de saint Antoine entra d’abord dans le Calendrier romain avec le rite semidouble, puis Clément X l’éleva au rite double.
Le Bhx Schuster décrit ici la messe de St Antoine avant sa proclamation comme Docteur de l’Église en 1946.
L’introït est le même que pour la fête de saint Antoine, abbé, le 17 janvier. Lingua eius loquetur iudicium [10]. Cette langue bénie qui a proféré tant d’oracles de sagesse et a converti tant d’âmes à Dieu, Dieu l’a glorifiée, car depuis six siècles déjà, elle est toujours intacte et préservée de la corruption de la tombe.
Voici la première collecte : « Que la pieuse fête de votre bienheureux confesseur Antoine réjouisse, Seigneur, votre Église, en sorte qu’elle obtienne toujours l’aide de la grâce d’en haut et arrive ensuite à la joie éternelle ».
Les jours de fête sont des jours de joie, parce que Dieu, pour honorer ses saints, a coutume de s’y montrer plus généreux dans le don de ses faveurs aux fidèles et plus enclin à la miséricorde. C’est pour ce motif qu’il se plaît à opérer en ces circonstances certains prodiges qu’il n’accorde pas en d’autres jours ; ainsi, le jour de la fête de saint Pantaléon et de saint Janvier, il fait liquéfier leur sang à Ravello et à Naples. La première lecture est celle du 31 janvier ; le répons est le même que pour la fête de saint François Xavier, le 3 décembre et le verset alléluiatique est emprunté à la messe des Docteurs, comme le 29 janvier, fête de saint François de Sales.
La lecture évangélique et les deux antiennes pour l’offertoire et pour la Communion sont du Commun des Confesseurs, comme le 23 janvier pour saint Raymond de Peñafort. Au contraire, les deux collectes sont propres. Avant l’anaphore consécratoire : « Que cette oblation soit salutaire, Seigneur, à votre peuple, pour qui vous avez daigné vous offrir vous-même, en Hostie vivante, à votre divin Père ».
De même que dans la dernière Cène Jésus entra dans les dispositions de victime, et, au moyen de l’Eucharistie, anticipa mystiquement de dix-huit heures le sacrifice sanglant du Calvaire, maintenant qu’il est ressuscité et qu’il est glorieux dans le ciel il continue dans le divin Sacrement son immolation, prolongeant à travers les siècles ce sacrifice qui fut jadis commencé au cénacle l’avant-veille de Pâques.
Après la Communion, on récite la prière suivante d’action de grâces : « Rassasiés, Seigneur, des dons célestes, nous vous supplions par les mérites et l’intercession de votre bienheureux confesseur Antoine, de nous faire expérimenter les fruits du sacrifice de notre salut ».
Ces fruits sont de mourir chaque jour davantage à nous-mêmes, — c’est là le mystère de la mort du Christ que nous devons reproduire dans notre cœur, — pour ensuite vivre à Dieu dans le Christ Jésus ressuscité des morts. C’est là le mystère de vie.
Nous reproduisons, en l’honneur du grand Thaumaturge, ces vers du moyen âge formant ce qu’on appelle le « répons » qui lui est consacré :
1. Saint Antoine. — Il s’appelait d’abord Fernando ; il prit comme nom de religion : Antoine, et fut surnommé de Padoue, du nom de la ville où il mourut et fut enseveli. C’est un des saints les plus populaires, et l’on apprécie beaucoup la puissance de son intercession dans les besoins les plus divers. Il naquit à Lisbonne (1195). Il fut d’abord chanoine de Saint Augustin. En 1220, il entra chez les Franciscains à Coimbra. Dans son désir de recevoir la couronne du martyre, il s’embarqua pour l’Afrique ; mais il fut jeté sur les côtes de Sicile. Il se rendit en Italie et se livra désormais au ministère de la prédication populaire. Il eut un grand succès. Le Seigneur soutenait la puissance de sa parole par de nombreux miracles. Il dut souvent prêcher en pleine campagne car on se pressait par milliers pour l’entendre. La nature et la grâce s’étaient unies pour en faire un prédicateur remarquable. Il était lui-même un Évangile vivant. Le saint mourut le 13 juin 1231 à Padoue où ses reliques sont très vénérées. Dès un an après sa mort il fut déclaré saint. — Saint Antoine est actuellement un des saints les plus honorés. On a recours à lui dans tous les besoins. Il y a, dans ce culte rempli d’une confiance enfantine, quelque chose de beau. Ce désir et cette espérance d’être exaucé même dans les plus petites choses est un hommage à la bonté de Dieu et à la puissance de ses saints. Cependant cette dévotion est parfois trop intéressée et superstitieuse. Elle a besoin d’être purifiée et ennoblie. Ce sera précisément le rôle de la renaissance liturgique de nous amener à un culte des saints plus noble, à un culte christocentrique. Honorons Dieu dans ses saints.
2. La messe est formée en partie de textes du commun (Os justi) (avant 1946 et en partie de textes propres. Nous voyons de nouveau devant nous le serviteur vigilant qui, pendant toute la nuit, les reins ceints et une lampe allumée à la main, attend le retour de son Maître. Aujourd’hui celui-ci lui a ouvert et lui a donné le droit de s’asseoir à la table L’intercesseur dans tous nos besoins. e du banquet céleste.
A l’Épître, nous entendons saint Antoine lui-même nous parler. Il nous expose comment pendant sa vie il fut méprisé, et comment nous-mêmes nous sommes vains et remplis d’amour propre.
Chers frères et sœurs,
Il y a deux semaines, j’ai présenté la figure de saint François d’Assise. Ce matin, je voudrais parler d’un autre saint, appartenant à la première génération des Frères mineurs : Antoine de Padoue ou, comme il est également appelé, de Lisbonne, en référence à sa ville natale. Il s’agit de l’un des saints les plus populaires de toute l’Église catholique, vénéré non seulement à Padoue, où s’élève une splendide basilique qui conserve sa dépouille mortelle, mais dans le monde entier. Les images et les statues qui le représentent avec le lys, symbole de sa pureté, ou avec l’Enfant Jésus dans les bras, en souvenir d’une apparition miraculeuse mentionnée par certaines sources littéraires, sont chères aux fidèles.
Antoine a contribué de façon significative au développement de la spiritualité franciscaine, avec ses dons marqués d’intelligence, d’équilibre, de zèle apostolique et principalement de ferveur mystique.
Il naquit à Lisbonne dans une famille noble, aux alentours de 1195, et fut baptisé sous le nom de Fernando. Il entra chez les chanoines qui suivaient la Règle monastique de saint Augustin, d’abord dans le monastère Saint-Vincent à Lisbonne, et successivement dans celui de la Sainte-Croix à Coïmbra, centre culturel de grande renommée au Portugal. Il se consacra avec intérêt et sollicitude à l’étude de la Bible et des Pères de l’Église, acquérant une science théologique qu’il mit à profit dans son activité d’enseignement et de prédication. A Coïmbra eut lieu l’épisode qui marqua un tournant décisif dans sa vie : c’est là qu’en 1220, furent exposées les reliques des cinq premiers missionnaires franciscains, qui s’étaient rendus au Maroc, où ils avaient subi le martyre. Leur vie suscita chez le jeune Fernando le désir de les imiter et d’avancer sur le chemin de la perfection chrétienne : il demanda alors de quitter les chanoines augustins et de devenir Frère mineur. Sa requête fut acceptée et, ayant pris le nom d’Antoine, il partit lui aussi pour le Maroc, mais la Providence divine en décida autrement. A la suite d’une maladie, il fut contraint de rentrer en Italie et, en 1221, participa au célèbre « Chapitre des nattes » à Assise, où il rencontra également saint François. Par la suite, il vécut pendant quelques temps caché de la manière la plus totale dans un couvent près de Forlì, au nord de l’Italie, où le Seigneur l’appela à une autre mission. Invité, dans des conditions fortuites, à prêcher à l’occasion d’une ordination sacerdotale, il se révéla être doté d’une telle science et éloquence que ses supérieurs le destinèrent à la prédication. C’est ainsi que commença en Italie et en France une activité apostolique si intense et efficace qu’elle conduisit de nombreuses personnes qui s’étaient détachées de l’Église à revenir sur leurs pas. Antoine fut également parmi les premiers maîtres de théologie des Frères mineurs, sinon le premier. Il commença son enseignement à Bologne, avec la bénédiction de saint François, qui, reconnaissant les vertus d’Antoine, lui envoya une brève lettre qui commençait par ces paroles : « Il me plaît que tu enseignes la théologie aux frères ». Antoine posa les bases de la théologie franciscaine qui, cultivée par d’autres éminentes figures de penseurs, devait connaître son apogée avec saint Bonaventure de Bagnoregio et le bienheureux Duns Scot.
Devenu supérieur provincial des Frères mineurs du nord de l’Italie, il poursuivit son ministère de la prédication, l’alternant avec des charges de gouvernement. Ayant conclu la charge de provincial, il se retira près de Padoue, où il s’était déjà rendu trois fois. A peine un an après, il mourut aux portes de la Ville, le 13 juin 1231. Padoue, qui l’avait accueilli avec affection et vénération pendant sa vie, lui rendit pour toujours honneur et dévotion. Le Pape Grégoire IX lui-même, qui, après l’avoir écouté prêcher, l’avait défini « Arche du Testament », le canonisa un an seulement après sa mort, en 1232, notamment à la suite de miracles survenus par son intercession.
Au cours de la dernière période de sa vie, Antoine écrivit deux cycles de « Sermons », intitulés respectivement « Sermons du dimanche » et « Sermons sur les saints », destinés aux prêcheurs et aux enseignants des études théologiques de l’Ordre franciscain. Dans ces Sermons, il commente les textes de l’Écriture présentés par la Liturgie, en utilisant l’interprétation patristique et médiévale des quatre sens, le sens littéral ou historique, le sens allégorique ou christologique, le sens tropologique ou moral, et le sens anagogique, qui conduit vers la vie éternelle. Aujourd’hui, on redécouvre que ces sens sont des dimensions de l’unique sens de l’Écriture Sainte et qu’il est juste d’interpréter l’Écriture Sainte en recherchant les quatre dimensions de sa parole. Ces Sermons de saint Antoine sont des textes théologiques et homilétiques, qui rappellent la prédication vivante, dans lesquels Antoine propose un véritable itinéraire de vie chrétienne. La richesse d’enseignements spirituels contenue dans les « Sermons » est telle que le vénérable Pape Pie XII, en 1946, proclama Antoine Docteur de l’Église, lui attribuant le titre de « Docteur évangélique », car de ces écrits émanent la fraîcheur et la beauté de l’Évangile ; aujourd’hui encore, nous pouvons les lire avec un grand bénéfice spirituel.
Dans ces Sermons, saint Antoine parle de la prière comme d’une relation d’amour, qui pousse l’homme à un dialogue affectueux avec le Seigneur, créant une joie ineffable, qui enveloppe doucement l’âme en prière. Antoine nous rappelle que la prière a besoin d’une atmosphère de silence, qui ne coïncide pas avec le détachement du bruit extérieur, mais qui est une expérience intérieure, qui vise à éliminer les distractions provoquées par les préoccupations de l’âme, en créant le silence dans l’âme elle-même. Selon l’enseignement de cet éminent Docteur franciscain, la prière s’articule autour de quatre attitudes indispensables, qui, dans le latin d’Antoine, sont définies ainsi : obsecratio, oratio, postulatio, gratiarum actio. Nous pourrions les traduire de la façon suivante : ouvrir avec confiance son cœur à Dieu ; tel est le premier pas de la prière : pas simplement saisir une parole, mais ouvrir son cœur à la présence de Dieu ; puis s’entretenir affectueusement avec Lui, en le voyant présent avec moi ; et – chose très naturelle – lui présenter nos besoins ; enfin, le louer et lui rendre grâce.
Dans cet enseignement de saint Antoine sur la prière, nous saisissons l’un des traits spécifiques de la théologie franciscaine, dont il a été l’initiateur, c’est-à-dire le rôle assigné à l’amour divin, qui entre dans la sphère affective, de la volonté, du cœur et qui est également la source d’où jaillit une connaissance spirituelle, qui dépasse toute connaissance. En effet, lorsque nous aimons, nous connaissons.
Antoine écrit encore : « La charité est l’âme de la foi, elle la rend vivante ; sans l’amour, la foi meurt » [12].
Seule une âme qui prie peut accomplir des progrès dans la vie spirituelle : tel est l’objet privilégié de la prédication de saint Antoine. Il connaît bien les défauts de la nature humaine, notre tendance à tomber dans le péché, c’est pourquoi il exhorte continuellement à combattre la tendance à l’avidité, à l’orgueil, à l’impureté, et à pratiquer au contraire les vertus de la pauvreté et de la générosité, de l’humilité et de l’obéissance, de la chasteté et de la pureté. Aux débuts du XIIIe siècle, dans le cadre de la renaissance des villes et du développement du commerce, le nombre de personnes insensibles aux besoins des pauvres augmentait. Pour cette raison, Antoine invite à plusieurs reprises les fidèles à penser à la véritable richesse, celle du cœur, qui rend bons et miséricordieux, fait accumuler des trésors pour le Ciel. « O riches – telle est son exhortation – prenez pour amis... les pauvres, accueillez-les dans vos maisons : ce seront eux, les pauvres, qui vous accueilleront par la suite dans les tabernacles éternels, où résident la beauté de la paix, la confiance de la sécurité, et le calme opulent de l’éternelle satiété » [13].
N’est-ce pas là, chers amis, un enseignement très important aujourd’hui également, alors que la crise financière et les graves déséquilibres économiques appauvrissent de nombreuses personnes et créent des conditions de pauvreté ? Dans mon encyclique Caritas in veritate, je rappelle : « Pour fonctionner correctement, l’économie a besoin de l’éthique ; non pas d’une éthique quelconque, mais d’une éthique amie de la personne » [14].
Antoine, à l’école de François, place toujours le Christ au centre de la vie et de la pensée, de l’action et de la prédication. Il s’agit d’un autre trait typique de la théologie franciscaine : le christocentrisme. Celle-ci contemple volontiers, et invite à contempler les mystères de l’humanité du Seigneur, l’homme Jésus, de manière particulière le mystère de la Nativité, Dieu qui s’est fait Enfant, qui s’est remis entre nos mains : un mystère qui suscite des sentiments d’amour et de gratitude envers la bonté divine.
D’une part la Nativité, un point central de l’amour du Christ pour l’humanité, mais également la vision du Crucifié inspire à Antoine des pensées de reconnaissance envers Dieu et d’estime pour la dignité de la personne humaine, de sorte que tous, croyants et non croyants, peuvent trouver dans le crucifié et dans son image une signification qui enrichit la vie. Saint Antoine écrit : « Le Christ, qui est ta vie, est accroché devant toi, pour que tu regardes dans la croix comme dans un miroir. Là tu pourras voir combien tes blessures furent mortelles, aucune médecine n’aurait pu les guérir, si ce n’est celle du sang du Fils de Dieu. Si tu regardes bien, tu pourras te rendre compte à quel point sont grandes ta dignité humaine et ta valeur... En aucun autre lieu l’homme ne peut mieux se rendre compte de ce qu’il vaut, qu’en se regardant dans le miroir de la croix » [15].
En méditant ces paroles nous pouvons mieux comprendre l’importance de l’image du Crucifix pour notre culture, pour notre humanisme né de la foi chrétienne. C’est précisément en regardant le Crucifié que nous voyons, comme le dit saint Antoine, à quel point est grande la dignité humaine et la valeur de l’homme. En aucun autre lieu on ne peut comprendre combien vaut l’homme, pourquoi précisément Dieu nous rend aussi importants, nous voit aussi importants, au point d’être, pour Lui, dignes de sa souffrance ; ainsi toute la dignité humaine apparaît dans le miroir du Crucifié et le regard vers Lui est toujours une source de reconnaissance de la dignité humaine.
Chers amis, puisse Antoine de Padoue, si vénéré par les fidèles, intercéder pour l’Église entière, et surtout pour ceux qui se consacrent à la prédication ; prions le Seigneur afin qu’il nous aide à apprendre un peu de cet art de saint Antoine. Que les prédicateurs, en tirant leur inspiration de son exemple, aient soin d’unir une solide et saine doctrine, une piété sincère et fervente, une communication incisive. En cette année sacerdotale, prions afin que les prêtres et les diacres exercent avec sollicitude ce ministère d’annonce et d’actualisation de la Parole de Dieu aux fidèles, en particulier à travers les homélies liturgiques. Que celles-ci soient une présentation efficace de l’éternelle beauté du Christ, précisément comme Antoine le recommandait : « Si tu prêches Jésus, il libère les cœurs durs ; si tu l’invoques, il adoucit les tentations amères ; si tu penses à lui, il illumine ton cœur ; si tu le lis, il comble ton esprit » [16].
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[1] Ant. festi ad Benedictus, ap. Minores.
[2] Judic. V, 8.
[3] Johan. XII, 19.
[4] Sap. VII.
[5] Psalm. LXXII, 18.
[6] Abd. 2.
[7] Matth. XVIII, 4.
[8] Bonav. Sermo 1 de S. Ant. Patav.
[9] Sap. VIII, 14, 15.
[10] Sa langue proférera l’équité : Ps 36, 30.
[11] Voir la traduction plus haut, au commentaire de Dom Guéranger.
[12] Sermones, Dominicales et Festivi, II, Messaggero, Padoue 1979, p. 37.
[13] Ibid., n. 29.
[14] N° 45
[15] Sermones Dominicales et Festivi III, pp. 213-214.
[16] Sermones Dominicales et Festivi, p. 59.