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03/05 Invention de la Sainte Croix

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Fête supprimée en 1960, comme doublet de la fête du 14 septembre alors que les deux fêtes commémoraient deux évènements distincts : la découverte des reliques de la Sainte Croix par Sainte Hélène et la récupération de ces reliques pillées par les Perses.

La suppression de la fête eut pour conséquence la disparition de l’évangile à Nicodème du lectionnaire romain de1960.

Textes de la Messe

die 3 maii
le 3 mai
IN INVENTIONE S. CRUCIS
INVENTION de la Ste CROIX
duplex II classis
double IIème classe
Ant. ad Introitum. Gal. 6, 14.Introït
Nos autem gloriári opórtet in Cruce Dómini nostri Iesu Christi : in quo est salus, vita et resurréctio nostra : per quem salváti et liberáti sumus. Allelúia, allelúia.Pour nous, il faut nous glorifier dans la Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ : en lui, nous avons le salut, la vie et la résurrection : par lui nous sommes sauvés et libérés. Alléluia, alléluia.
Ps. 66, 2.
Deus misereátur nostri, et benedícat nobis : illúminet vultum suum super nos, et misereátur nostri.Que Dieu ait pitié de nous, et nous bénisse, qu’il fasse briller son visage sur nous et qu’il ait pitié de nous.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui in præclára salutíferæ Crucis Inventióne passiónis tuæ mirácula suscitásti : concéde ; ut, vitális ligni prétio, ætérnæ vitæ suffrágia consequámur : Qui vivis et regnas.Dieu, qui lors de la glorieuse Découverte de la Croix, instrument de notre salut, avez renouvelé les miracles de votre passion : faites qu’au prix de cet arbre de vie, nous méritions d’obtenir la vie éternelle.
Et fit commemoratio Ss. Alexandri I Papæ, Eventii et Theoduli Mm., ac Iuvenalis Ep. et Conf. :Et on fait mémoire de St Alexandre I, pape, Eventius et Théodule, Martyrs et Juvénal, Évêque et Confesseur :
Oratio.Collecte
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, qui sanctórum tuórum Alexándri, Eventii, Theodúli atque Iuvenális natalítia cólimus ; a cunctis malis imminéntibus, eórum intercessiónibus, liberémur. Per Dóminum nostrum.Accordez-nous, s’il vous plaît, ô Dieu tout-puissant, que, célébrant la naissance au ciel de vos saints Alexandre, Eventius, Théodule et Juvénal, nous soyons délivrés, grâce à leur intercession, de tous les maux qui nous menacent.
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Philippénses.Lecture de la lettre de l’Apôtre saint Paul aux Philippiens.
Philipp. 2, 5-11.
Fratres : Hoc enim sentíte in vobis, quod et in Christo Iesu : qui, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æqualem Deo : sed semetípsum exinanívit, formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus, et hábitu invéntus ut homo. Humiliávit semetípsum, factus obœdiens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus exaltávit illum : ei donávit illi nomen, quod est super omne nomen : (hic genuflectitur) ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium, terréstrium et inférno rum : et omnis lingua confiteátur, quia Dóminus Iesus Christus in glória est Dei Patris.Mes frères : Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu’il fût Dieu par nature, il n’a pas retenu avidement son égalité avec Dieu, mais il s’est anéanti lui-même en prenant la condition d’esclave, en devenant semblable aux hommes, à l’extérieur absolument comme un homme. Il s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur la croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom (ici on fléchit le genou), afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, au ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Dieu.
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 95, 10. Dícite in géntibus, quia Dóminus regnávit a ligno.Allelúia, allelúia. V/. Dites aux Nations : Dieu a régné par le bois.
Allelúia. V/. Dulce lignum, dulces clavos, dúlcia ferens póndera : quæ sola fuísti digna sustinére Regem cælórum et Dóminum. Allelúia.Allelúia. V/. O doux bois, ô doux clous, vous portez un fardeau encore plus doux : ô Croix, toi seule as été digne de soutenir le Seigneur et Roi des Cieux. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Joánnem.Lecture du Saint Evangile selon saint Jean.
Ioann. 3, 1-15.
In illo témpore : Erat homo ex pharisǽis, Nicodémus nómine, princeps Iudæórum. Hic venit ad Iesum nocte et dixit ei : Rabbi, scimus, quia a Deo venísti magíster ; nemo enim potest hæc signa fácere, quæ tu facis, nisi fúerit Deus cum eo. Respóndit Iesus et dixit ei : Amen, amen, dico tibi, nisi quis renátus fúerit denuo, non potest vidére regnum Dei. Dicit ad eum Nicodémus : Quómodo potest homo nasci, cum sit senex ? numquid potest in ventrem matris suæ iteráto introíre et renásci ? Respóndit Iesus : Amen, amen, dico tibi, nisi quis renátus fúerit ex aqua et Spíritu Sancto, non potest introíre in regnum Dei. Quod natum est ex carne, caro est : et quod natum est ex spíritu, spíritus est. Non miréris, quia dixi tibi : opórtet vos nasci dénuo. Spíritus, ubi vult, spirat, et vocem eius audis, sed nescis, unde véniat aut quo vadat : sic est omnis, qui natus est ex spíritu. Respondit Nicodémus et dixit ei : Quómodo possunt hæc fíeri ? Respóndit Iesus et dixit ei : Tu es magíster in Israël, et hæc ignóras ? Amen, amen, dico tibi, quia, quod scimus, lóquimur, et. quod vídimus, testámur, et testimónium nostrum non accípitis. Si terréna dixi vobis et non creditis : quómodo, si díxero vobis cæléstia, credétis ? Et nemo ascéndit in cælum, nisi qui descéndit de cælo, Fílius hóminis, qui est in cælo. Et sicut Moyses exaltávit serpéntem in desérto : ita exaltári opórtet Fílium hóminis, ut omnis, qui credit in ipsum, non péreat, sed hábeat vitam ætérnam.En ce temps-là : Il y avait parmi les pharisiens un homme appelé Nicodème, un des premiers des Juifs. Il vint la nuit auprès de Jésus, et Lui dit : Maître, nous savons que Vous êtes venu de la part de Dieu comme docteur ; car personne ne peut faire les miracles que Vous faites, si Dieu n’est avec lui. Jésus lui répondit : En vérité, en vérité, Je te le dis, aucun homme, s’il ne naît de nouveau, ne peut voir le royaume de Dieu. Nicodème Lui dit : Comment un homme peut-il naître, lorsqu’il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère, et naître de nouveau ? Jésus répondit : En vérité, en vérité, Je te le dis, aucun homme, s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit-Saint, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas de ce que Je t’ai dit : Il faut que vous naissiez de nouveau. Le vent souffle où il veut ; et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va : il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit. Nicodème Lui répondit : Comment cela peut-il se faire ? Jésus lui dit : Tu es maître en Israël, et tu ignores ces choses ? En vérité, en vérité, Je te le dis, ce que Nous savons, Nous le disons, et ce que Nous avons vu, Nous l’attestons ; et vous ne recevez pas Notre témoignage. Si Je vous ai parlé des choses de la terre sans que vous ayez cru, comment croirez-vous quand Je vous parlerai des choses du Ciel ? Personne n’est monté au Ciel, sinon Celui qui est descendu du Ciel, le Fils de l’homme, qui est dans le Ciel. Et comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, de même il faut que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.
CredoCredo
Ant. ad Offertorium. Ps. 117, 16 et 17.Offertoire
Déxtera Dómini fecit virtútem, déxtera Dómini exaltávit me : non móriar, sed vivam et narrábo ópera Dómini, allelúia.La droite du Seigneur a fait éclater sa puissance, la droite du Seigneur m’a exalté : je ne mourrai point, mais je vivrai, et je raconterai les oeuvres du Seigneur, alléluia.
SecretaSecrète
Sacrifícium, Dómine, quod tibi immolámus, placátus inténde : ut ab omni nos éruat bellórum nequítia, et per vexíllum sanctæ Crucis Fílii tui, ad conteréndas potestátis advérsæ insídias, nos in tuæ protectiónis securitáte constítuat. Per eúndem Dóminum nostrum.Regardez favorablement, Seigneur, le sacrifice que nous vous immolons : afin qu’il nous arrache au fléau des guerres et par l’étendard de la sainte Croix de votre Fils, mettez-nous en sécurité sous votre protection, afin que nous puissions fouler aux pieds les pièges des puissances adverses.
Præfatio de sancta Cruce.Préface de la Croix [*].
Pro Ss. Alexandro, Eventio, Theodulo ac IuvenalePour les Sts Alexandre, Eventius, Théodule et Juvénal
SecretaSecrète
Super has hóstias, quǽsumus, Dómine, benedíctio copiósa descéndat : quæ et sanctificatiónem nobis cleménter operátur, et de Sanctórum nos sollemnitáte lætíficet. Per Dóminum.Nous vous en supplions, Seigneur, qu’une abondante bénédiction descende sur ces hosties ; et qu’elle opère en nous, par votre clémence, la sanctification, et qu’elle nous fasse nous réjouir au sujet de la solennité de vos Saints.
Ant. ad Communionem.Communion
Per signum Crucis de inimícis nostris líbera nos, Deus noster, allelúia.Par le signe de la Croix, libérez-nous de nos ennemis, ô notre Dieu, alléluia.
PostcommunioPostcommunion
Repléti alimónia cælésti et spiritáli poculo recreáti, quǽsumus, omnípotens Deus : ut ab hoste malígno deféndas, quos per lignum sanctæ Crucis Fílii tui, arma iustítiæ pro salúte mundi, triumpháre iussísti. Per eúndem Dóminum.Fortifiés par la nourriture céleste et réconfortés par le calice spirituel, nous vous demandons, ô Dieu tout-puissant : défendez de l’ennemi malin ceux dont vous avez voulu assurer le triomphe par le bois de la sainte Croix de votre Fils, arme de justice pour le salut du monde.
Pro Ss. Alexandro, Eventio, Theodulo ac IuvenalePour les Sts Alexandre, Eventius, Théodule et Juvénal
PostcommunioPostcommunion
Refécti participatióne múneris sacri, quǽsumus, Dómine, Deus noster : ut, cuius exséquimur cultum, intercedéntibus sanctis tuis Alexándro, Evéntio, Theodúlo et Iuvenále, sentiámus efféctum. Per Dóminum.Rassasiés par la participation à ce don sacré, nous vous supplions, Seigneur notre Dieu, par l’intercession de vos saints Alexandre, Eventius, Théodule et Juvénal, de nous faire ressentir l’effet du sacrifice que nous célébrons.

Office

AUX PREMIÈRES VÊPRES.

Ant. 1 O grande œuvre de bonté ! * La mort a été détruite sur le bois lorsque- la vie y est morte, alléluia.
Ant. 2 Sauvez-nous, * ô Christ Sauveur, par la vertu de la Croix ; vous qui avez sauvé Pierre sur la mer, ayez pitié de nous, alléluia.
Ant. 3 Voici la Croix du Seigneur, * fuyez, parties adverses ; il a vaincu, le lion de la tribu de Juda, la racine de David, alléluia.
Ant. 4 Il nous faut mettre notre gloire * dans la Croix de notre Seigneur Jésus-Christ, alléluia.
Ant. 5 Par le signe de la Croix, * délivrez-nous de nos ennemis, ô notre Dieu, alléluia.
Capitule. Philipp. 2, 5-7. Mes frères : Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu’il fût Dieu par nature, il n’a pas retenu avidement son égalité avec Dieu, mais il s’est anéanti lui-même en prenant la condition d’esclave, en devenant semblable aux hommes, à l’extérieur absolument comme un homme.

Hymnus Hymne
Vexílla Regis pródeunt :
Fulget Crucis mystérium,
Qua vita mortem pértulit,
Et morte vitam prótulit.
Les étendards du Roi s’avance ; voici briller le mystère de la croix sur laquelle Celui qui est la vie a souffert la mort et par sa mort nous a donné la vie.
Quæ, vulneráta lánceæ
Mucróne diro, críminum
Ut nos laváret sórdibus,
Manávit unda et sánguine.
C’est là que transpercé
du fer cruel de la lance,
pour laver la souillure de nos crimes,
son côté épancha l’eau et le sang.
Impléta sunt quæ cóncinit
David fidéli cármine,
Dicéndo natiónibus :
Regnávit a ligno Deus.
Il s’est accompli l’oracle de David
qui dans ses chants inspirés
avait dit aux nations :
Dieu régnera par le bois.
Arbor decóra et fúlgida,
Ornáta Regis púrpura,
Elécta digno stípite
Tam sancta membra tángere.
Il est heureux d’avoir porté,
suspendue à ses bras, la rançon du monde :
balance où fut pesé le corps ;
et il a enlevé sa proie à l’enfer.
Beáta, cujus bráchiis
Prétium pepéndit sǽculi,
Statéra facta córporis,
Tulítque prædam tártari.
Il est beau, il est éclatant,
l’arbre paré de la pourpre du roi ;
noble gibet appelé à toucher
des membres si sacrés.
Sequens stropha dicitur flexis genibus.La strophe suivante est dite à genoux.
O Crux, ave, spes única,
Paschále quæ fers gáudium,
Piis adáuge grátiam,
Reísque dele crímina.
Salut ô Croix, notre unique espérance ;
en ce jour glorieux du triomphe,
accrois la grâce dans le juste,
efface les crimes des pécheurs.
Te, fons salútis, Trínitas,
Colláudet omnis spíritus :
Quibus Crucis victóriam
Largíris, adde prǽmium.
Amen.
O Trinité, source du salut,
que toute âme vous glorifie ;
Vous nous donnez la victoire par la croix,
ajoutez-y la récompense.
Ainsi soit-il.
V/. Ce signe de la Croix sera dans le ciel, alléluia.
R/. Lorsque le Seigneur viendra pour juger, alléluia.
Ant.au Magnificat O Croix * plus brillante que tous les astres, célèbre dans le monde, vraiment aimable aux hommes, plus sainte que toutes choses, seule tu as été digne de porter la rançon du monde : doux bois, doux clous, portant un doux fardeau ; sauve ce peuple assemblé aujourd’hui pour chanter tes louanges, alléluia, alléluia.

A MATINES.

Invitatoire. Le Christ, Roi crucifié, * Venez, adorons-le, alléluia.

Hymnus Hymne
Pange, lingua, gloriósi
Láuream certáminis,
Et super Crucis trophǽo
Dic triúmphum nóbilem :
Quáliter Redémptor orbis
Immolátus vícerit.
Chante, chante, ma langue,
les lauriers d’un glorieux combat !
Sur le trophée de la Croix
chante le grand triomphe ;
Raconte comment le Rédempteur du monde
triomphe en s’immolant.
De paréntis protoplásti
Fraude Factor cóndolens,
Quando pomi noxiális
In necem morsu ruit :
Ipse lignum tunc notávit,
Damna ligni ut sólveret.
Dieu compatit au malheur du premier
homme sorti de ses mains.
Dès qu’il mordit à la pomme funeste,
Adam se précipita dans la mort.
Dieu lui- même désigna l’arbre nouveau
pour réparer les malheurs causés par le premier.
Hoc opus nostræ salútis
Ordo depopóscerat ;
Multifórmis proditóris
Ars ut artem fálleret,
Et medélam ferret inde,
Hostis unde lǽserat.
Cette œuvre réparatrice,
l’économie de notre salut la réclamait ;
Dieu voulait que l’artifice du serpent
fût déjoué par un autre artifice ;
il voulait porter le remède
là où l’ennemi avait causé le tort.
Quando venit ergo sacri
Plenitúdo témporis,
Missus est ab arce Patris
Natus, orbis Cónditor ;
Atque ventre virgináli
Carne amíctus pródiit.
Quand donc fut arrivée
la plénitude des temps annoncés,
du haut du trône de son Père,
le Fils, créateur du monde, fut envoyé.
Dans le sein d’une Vierge,
il se revêtit de chair et il naquit.
Vagit infans inter arcta
Cónditus præsépia :
Membra pannis involúta
Virgo Mater álligat :
Et Dei manus pedésque
Stricta cingit fáscia.
Il vagit, le petit enfant,
couché dans l’étroite crèche ;
la Vierge, sa mère, enveloppe
de langes ses membres emprisonnés,
et des bandelettes étroites
enserrent les pieds et les mains d’un Dieu.
Sempitérna sit beátæ
Trinitáti glória,
Æqua Patri, Filióque ;
Par decus Paráclito :
Uníus Triníque nomen
Laudet univérsitas.
Amen.
Gloire soit éternellement
à la bienheureuse Trinité.
Honneur égal au Père et au Fils,
comme aussi au Paraclet.
Que le nom du Dieu un et trois
soit loué dans tout l’univers.
Ainsi soit-il.

Au premier nocturne.

Ant. [1] De l’Invention de la Croix, * célébrons de nouveau la fête, dont la gloire brille d’un vif éclat dans le monde entier, alléluia.

V/. Ce signe de la Croix sera dans le ciel, alléluia.
R/. Lorsque le Seigneur viendra pour juger, alléluia.

De l’Épître de l’Apôtre saint Paul, aux Galates. Cap. 3, 10-14.

Première leçon. Tous ceux qui s’appuient sur les œuvres de la loi sont sous la malédiction. Car il est écrit : Maudit quiconque ne persévérera point dans tout ce qui est écrit dans le livre de la loi pour l’accomplir ! Cependant, que nul n’est justifié devant Dieu par la loi, cela est manifeste, puisque le juste vit de la foi. Or la loi ne s’appuie pas sur la foi, puisque au contraire : Celui qui observera ces préceptes, vivra par eux. Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, devenu malédiction pour nous, selon qu’il est écrit : Maudit quiconque est pendu au bois ! Afin que la bénédiction donnée à Abraham fût communiquée aux Gentils par le Christ Jésus, pour que nous reçussions par la foi la promesse de l’Esprit.
R/. La sainte Église vénère le jour glorieux où fut exalté le bois triomphal, * Sur lequel notre Rédempteur, rompant les liens de la mort, a vaincu le perfide serpent, alléluia, alléluia. V/. Le Verbe du Père nous a ouvert le chemin du salut, étant suspendu au bois. * Sur lequel.

De l’Épître aux Philippiens. Cap. 2, 5-11.

Deuxième leçon. Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu’il fût Dieu par nature, il n’a pas retenu avidement son égalité avec Dieu, mais il s’est anéanti lui-même en prenant la condition d’esclave, en devenant semblable aux hommes, à l’extérieur absolument comme un homme. Il s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur la croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, au ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Dieu.
R/. O Croix, l’appui de notre confiance, arbre seul illustre entre tous les autres, nulle forêt n’a produit ton pareil pour le feuillage la fleur et le fruit : * Il nous est cher, ce bois ; ils nous sont chers, ces clous ; et combien est doux le fardeau qu’ils soutiennent, allléuia. V/. Tu es seule plus élevée que tous les cèdres. * Il nous est cher. De l’Épître aux Colossiens. Cap. 2, 9-15.

Troisième leçon. Dans le Christ habite corporellement toute la plénitude de la divinité ; et vous êtes remplis en lui, qui est le chef de toute principauté et de toute puissance ; et c’est1 en lui que vous avez été circoncis d’une circoncision non faite de main d’homme, par le dépouillement de votre corps de chair, mais de la circoncision du Christ ; ayant été ensevelis avec lui dans le baptême, dans lequel vous avez été aussi ressuscites par la foi en la puissance de Dieu, qui l’a ressuscité d’entre les morts. Et vous, lorsque vous étiez morts dans vos péchés et dans l’incirconcision de votre chair, il vous a fait revivre avec lui ; vous remettant tous vos péchés ; effaçant la cédule du décret porté contre nous, qui nous était contraire, et qu’il a abolie, en l’attachant à la croix ; et dépouillant les principautés et les puissances, il les a menées captives avec une noble fierté, triomphant d’elles hautement en lui-même.
R/. Voici l’arbre très digne placé au milieu du paradis, * Sur lequel l’auteur du salut a vaincu, par sa mort, la mort de tous les hommes, alléluia, alléluia. V/. Croix excellente et d’une éclatante beauté. * Sur. Gloire au Père. * Sur.

Au deuxième nocturne.

Ant. Cet heureux trophée * devient la santé des infirmes, c’est, un arbre de vie, un remède à la mort alléluia.

V/. Nous vous adorons, ô Christ, et nous vous bénis sons, alléluia.
R/. Parce qui vous avez racheté le monde par votre Croix, alléluia.

Quatrième leçon. Après l’insigne victoire que remporta sur Maxime l’empereur Constantin, auquel le signe de la Croix du Seigneur avait été manifesté, Hélène, mère de Constantin, avertie en songe, vint à Jérusalem dans le dessein d’y rechercher la Croix. Sur le Calvaire, elle fit abattre une statue de marbre représentant Vénus ; c’était pour abolir tout souvenir de la passion de Jésus-Christ, que les Gentils avaient, depuis environ cent quatre-vingts ans, placé cette statue à l’endroit même où la Croix avait été plantée. Hélène agit de même au lieu où était la crèche du Sauveur, et au lieu où il était ressuscité, ayant fait enlever du premier le simulacre d’Adonis, et du second, celui de Jupiter.
R/. Il faut que nous nous glorifiions dans la Croix de notre Seigneur Jésus-Christ, en qui est le salut, la vie et notre résurrection : * Par qui nous avons été sauvés et délivrés, alléluia. V/. Nous adorons votre Croix, Seigneur, et nous honorons le souvenir de votre glorieuse passion. * Par qui.

Cinquième leçon. On déblaya l’endroit où devait être la Croix, et, en creusant, l’on découvrit trois croix profondément enfouies, mais le titre de la Croix du Seigneur fut trouvé à part et comme l’on ne voyait pas à laquelle des trois croix il avait été fixé, un miracle mit fin au doute. Macaire, Évêque de Jérusalem, après avoir fait adresser à Dieu des prières, fit toucher l’une après l’autre les trois croix à une femme qui était gravement malade. L’attouchement des deux premières ne lui fut d’aucun secours, mais lorsqu’on eut approché la troisième de l’infirme, cette personne fut aussitôt guérie.
R/. Tandis que par une grâce céleste on exalte le gage sacré, la foi dans le Christ est fortifiée : * On voit s’accomplir les divins prodiges opérés figurativement autrefois par le bâton de Moïse, alléluia, alléluia. V/. Au contact de la Croix, les morts ressuscitent, et les grandeurs de Dieu se révèlent. * On voit.

Sixième leçon. Ayant ainsi retrouvé la croix, instrument de notre salut, Hélène éleva au même lieu une église, vraiment magnifique où elle laissa une partie de la Croix, enfermée dans une châsse d’argent ; elle en apporta une autre partie à son fils Constantin, et on la déposa à Rome dans l’église appelée Sainte-Croix-de-Jérusalem, construite sur l’emplacement du palais de Sertorius. Hélène remit encore à son fils les clous avec lesquels le très saint corps de Jésus-Christ avait été attaché. C’est alors que Constantin porta une loi, pour défendre qu’on fît désormais subir à quelqu’un le supplice de la croix ; et ainsi la croix qui avait été jusqu’alors pour les hommes un sujet d’opprobre et de mépris, devint un objet de vénération et de gloire.
R/. Ce signe de la Croix sera dans le ciel lorsque le Seigneur viendra pour juger : * Alors seront manifestés les secrets de notre cœur, alléluia, alléluia. V/. Quand le Fils de l’homme sera assis sur le siège de sa majesté, et commencera à juger le siècle par le feu. * Alors. Gloire au Père. * Alors.

Au troisième nocturne.

Ant. Nous vous adorons, ô Christ, * et nous vous bénissons, parce que vous avez racheté le monde par votre Croix, alléluia.

V/. Que toute la terre vous adore et vous chante, alléluia.
R/. Qu’elle dise un psaume à votre nom, Seigneur, alléluia.

Lecture du saint Évangile selon saint Jean. Cap. 3, 1-15.
En ce temps-là : Il y avait parmi les pharisiens un homme appelé Nicodème, un des premiers des Juifs. Il vint la nuit auprès de Jésus, et Lui dit : Maître, nous savons que Vous êtes venu de la part de Dieu comme docteur. Et le reste. Homélie de saint Augustin, Évêque.

Septième leçon. Nicodème était donc un de ceux qui avaient cru au nom de Jésus, à la vue des miracles et des prodiges qu’il opérait. En effet, l’Évangéliste a dit plus haut : « Lorsqu’il était à Jérusalem pendant la fête de Pâques, beaucoup crurent en son nom ». Pourquoi crurent-ils en son nom ? Saint Jean le marque par ce qui suit : « Voyant les miracles que Jésus faisait ». Et que dit-il de Nicodème ? « Il y avait un des chefs des Juifs, nommé Nicodème ; il vint la nuit à Jésus, et lui dit : Maître, nous savons que vous êtes un docteur envoyé de Dieu ». Nicodème avait donc lui-même cru en son nom. Quel motif l’avait déterminé à croire ? Nous le voyons par ces paroles qu’il ajoute : « Car personne ne pourrait faire les prodiges que vous faites, si Dieu n’était avec lui ».
R/. Doux bois, doux clous, ils ont soutenu un doux fardeau : * Ce bois a seul été digne de porter la rançon du monde, alléluia. V/. Ce signe de la Croix sera dans le ciel, lorsque le Seigneur viendra pour juger. * Ce bois.

Huitième leçon. Si donc Nicodème était parmi ceux qui, en grand nombre, avaient cru au nom de Jésus, considérons dans sa personne les raisons pour lesquelles Jésus ne se confiait pas à eux. Jésus lui répondit : « En vérité, en vérité, je vous le dis : si quelqu’un ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu ». Jésus se confie donc à ceux qui ont pris une nouvelle naissance. Ceux-là croyaient en Jésus, et Jésus ne se confiait point à eux. Tels sont tous les catéchumènes ; déjà ils ont foi au nom du Christ, mais Jésus ne se donne point à eux.
R/. Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé : * Afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle, alléluia. V/. Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. * Afin. Gloire au Père. * Afin.

Neuvième leçon. Que votre chanté y fasse attention, et elle comprendra ce que je dis. Si nous demandons à un catéchumène : Croyez-vous en Jésus-Christ ? Je crois, répond-il, et il fait sur lui-même le signe de la croix ; il porte ce signe sur le front et il ne rougit pas de la Croix de son Maître. Il croit donc en son nom. Interrogeons-le encore : Mangez-vous la chair du Fils de l’homme et buvez-vous son sang ? Il ne sait ce que nous voulons lui dire, parce que Jésus ne s’est pas encore confié à lui.

A LAUDES.

Ant. 1 O grande œuvre de bonté ! * La mort a été détruite sur le bois lorsque- la vie y est morte, alléluia.
Ant. 2 Sauvez-nous, * ô Christ Sauveur, par la vertu de la Croix ; vous qui avez sauvé Pierre sur la mer, ayez pitié de nous, alléluia.
Ant. 3 Voici la Croix du Seigneur, * fuyez, parties adverses ; il a vaincu, le lion de la tribu de Juda, la racine de David, alléluia.
Ant. 4 Il nous faut mettre notre gloire * dans la Croix de notre Seigneur Jésus-Christ, alléluia.
Ant. 5 Par le signe de la Croix, * délivrez-nous de nos ennemis, ô notre Dieu, alléluia.
Capitule. Philipp. 2, 5-7. Mes frères : Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu’il fût Dieu par nature, il n’a pas retenu avidement son égalité avec Dieu, mais il s’est anéanti lui-même en prenant la condition d’esclave, en devenant semblable aux hommes, à l’extérieur absolument comme un homme.

HymnusHymne
Lustra sex qui iam perégit,
Tempus implens córporis,
Sponte líbera Redémptor
Passióni déditus,
Agnus in Crucis levátur
Immolándus stípite.
Le temps de six lustres est écoulé,
la durée de sa vie mortelle est accomplie :
le Rédempteur, de lui-même,
se livre aux tourments de sa Passion ;
Agneau divin.il est cloué à la croix,
bois très saint sur lequel il s’immole.
Felle potus ecce languet :
Spina, clavi, láncea
Mite corpus perforárunt :
Unda manat, et cruor :
Terra, pontus, astra, mundus,
Quo lavántur flúmine !
On l’abreuve de fiel ; il languit ;
les épines, les clous et la lance
transpercent le doux corps !
De l’eau jaillit ; avec elle, du sang.
Terre, océan, astres, monde,
que le fleuve vous purifie
Crux fidélis, inter omnes
Arbor una nóbilis :
Silva talem nulla profert
Fronde, flore, gérmine :
Dulce ferrum, dulce lignum,
Dulce pondus sústinent.
O Croix, objet de notre confiance,
arbre illustre entre tous :
nulle forêt n’en produit de semblable
par le feuillage, les fleurs et les fruits.
O doux bois aimable, ô doux clous,
quel doux fardeau vous supportez !
Flecte ramos, arbor alta,
Tensa laxa víscera,
Et rigor lentéscat ille,
Quem dedit natívitas ;
Et supérni membra Regis
Tende miti stípite.
Ploie tes rameaux, arbre sublime,
relâche tes fibres tendues,
fléchis cette rigidité rugueuse
que t’a donnée la nature.
Offre un soutien plus doux
aux membres sacrés du Roi du ciel.
Sola digna tu fuísti
Ferre mundi víctimam ;
Atque portum præparáre
Arca mundo naufrágo,
Quam sacer cruor perúnxit,
Fusus Agni córpore.
O Croix, seul arbre digne entre tous
de porter la victime du monde,
esul digne de façonner l’arche
qui guide au port le monde naufragé,
car tu fus empourprée du sang divin
qui s’échappe du corps de l’Agneau.
Sempitérna sit beátæ
Trinitáti glória,
Æqua Patri, Filióque ;
Par decus Paráclito :
Uníus Triníque nomen
Laudet univérsitas.
Amen.
Gloire soit éternellement
à la bienheureuse Trinité.
Honneur égal au Père et au Fils,
comme aussi au Paraclet.
Que le nom du Dieu un et trois
soit loué dans tout l’univers.
Ainsi soit-il.

V/. Nous vous adorons, ô Christ, et nous vous bénissons, alléluia.
R/. Parce que vous avez racheté le monde par votre croix, alléluia.

Ant. au Bénédictus Plus que, toutes * les tiges des cèdres, tu es élevée, toi seule, à laquelle fut suspendue la vie du monde, sur laquelle le Christ a triomphé et la mort vaincu la mort pour toujours, alléluia.

AUX DEUXIÈMES VÊPRES.

Ant., capitule, hymne et V/. des 1ères Vêpres

Ant. au Magnificat Il a été attaché à une croix qu’il a sanctifiée, * celui qui a vaincu l’enter ; il s’est revêtu de puissance, il est ressuscité le troisième jour, alléluia.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Il convenait que notre divin Roi se montrât à nos regards appuyé sur le sceptre de sa puissance, afin que rien ne manquât â la majesté de son empire. Ce sceptre est la Croix, et il appartenait au Temps pascal de lui en présenter l’hommage. Naguère la Croix s’offrait à nous comme un objet d’humiliation pour notre Emmanuel, comme le lit de douleur sur lequel il expirait ; mais depuis, n’a-t-il pas vaincu la mort ? et cette Croix, qu’est-elle devenue, sinon le trophée de sa victoire ? Qu’elle paraisse donc, et que tout genou fléchisse devant ce bois auguste par lequel notre Emmanuel a conquis les honneurs que nous lui rendons aujourd’hui.

Le jour où nous célébrâmes sa naissance, nous chantions avec Isaïe : « Un petit enfant nous est né, un fils nous a été donné ; il porte sur son épaule le signe de sa principauté [2]. » Nous l’avons vu, en effet, portant sur son épaule cette Croix, comme Isaac porta le bois de son sacrifice ; mais aujourd’hui elle n’est plus pour lui un fardeau. Elle brille d’un éclat qui ravit les regards des Anges, et après avoir été adorée par les hommes aussi longtemps que doit durer ce monde, elle paraîtra tout à coup sur les nuées du ciel, pour assister près du juge des vivants et des morts à la sentence favorable de ceux qui l’auront aimée, à la réprobation de ceux qui l’auront rendue inutile pour eux par leur mépris ou par leur oubli.

Durant les quarante jours que Jésus passe encore sur la terre, il ne juge pas à propos de glorifier l’instrument de sa victoire. La Croix ne doit reparaître qu’au jour où, tout invisible qu’elle sera demeurée, elle aura conquis le monde à celui dont elle redit les grandeurs. Il a reposé trois jours dans le tombeau ; elle restera trois siècles ensevelie sous les ombres ; mais elle aussi ressuscitera ; et c’est cette admirable résurrection que la sainte Église célèbre aujourd’hui. Jésus a voulu, quand les temps ont été accomplis, accroître les joies pascales, en révélant à force de prodiges ce monument auguste de son amour pour nous. Il nous le laisse entre les mains, pour notre consolation, jusqu’au dernier jour ; n’est-il pas juste que nous lui en fassions hommage ?

Jamais l’orgueil de Satan n’avait éprouvé de défaite aussi poignante que celle qui fondit sur lui, lorsqu’il vit que le bois, instrument de notre perte, était devenu l’instrument de notre salut. Sa rage impuissante se tourna contre cet arbre sauveur qui lui rappelait si cruellement et la puissance irrésistible de son vainqueur, et la dignité de l’homme racheté à un tel prix. Il eût voulu anéantir cette Croix redoutable ; mais, sentant son impuissance à réaliser un si coupable dessein, il tenta du moins de profaner et de cacher à tous les regards un objet si odieux pour lui. Il poussa donc les Juifs à enfouir honteusement Je bois sacré que le monde entier révère. Au pied du Calvaire, non loin du sépulcre, s’ouvrait une excavation profonde. C’est là que les hommes de la synagogue précipitent la Croix du Sauveur avec celles des deux larrons. Les clous, la couronne d’épines, l’inscription détachée de la Croix, vont la rejoindre dans ce gouffre, que les ennemis de Jésus font remplir de terre et de décombres. Le sanhédrin pense en avoir fini avec la mémoire de ce Nazaréen, que l’on a pu crucifier sans qu’il soit descendu de la Croix.

Quarante ans plus tard, Jérusalem succombait sous le poids de la vengeance divine. Bientôt les lieux de notre rédemption étaient souillés par la superstition païenne ; un petit temple à Vénus sur le Calvaire, un autre à Jupiter sur le saint sépulcre : telles furent les indications par lesquelles la dérision païenne conserva, sans le vouloir, le souvenir des merveilles qui s’étaient accomplies sur ce terrain sacré. A la poix de Constantin, les chrétiens n’eurent qu’à renverser ces honteux monuments, et le sol arrosé du sang rédempteur reparaissait à leurs yeux, et le glorieux tombeau se rouvrait à leur piété. Mais la Croix ne se révélait pas encore, et continuait de reposer dans les entrailles de la terre. Pour relever le sceptre du grand Roi, il fallait une main royale. La pieuse impératrice Hélène, mère du libérateur de l’Église, fut désignée par le ciel pour rendre au Christ, sur le théâtre même de ses humiliations, les honneurs qui lui sont dus comme Roi du monde. Avant de jeter les fondements de la basilique de la Résurrection, cette digne émule de Madeleine et des autres saintes femmes du sépulcre désira avec ardeur retrouver l’instrument du salut. Une tradition conservée chez les Juifs fut interrogée ; et l’impératrice connut vers quel endroit il était à propos de diriger les fouilles. Avec quelle sainte anxiété elle suivit les travaux ! Avec quel transport de joie elle aperçut le bois de la rédemption, que l’on ne discernait pas encore, il est vrai, mais qui devait être présent dans l’une des trois croix mises à découvert ! Son ardente prière s’élevait vers le Sauveur, qui seul pouvait révéler le divin trophée de sa victoire ; l’évêque Macaire unissait ses vœux à ceux de la pieuse princesse ; et les prodiges à l’aide desquels le discernement se fit avec certitude récompensèrent la foi qui n’aspirait au miracle que pour la plus grande gloire du Rédempteur.

C’en était fait, et l’Église entrait en possession de l’instrument du salut des hommes. L’Orient et l’Occident tressaillirent à la nouvelle de cette sublime découverte que le ciel avait conduite, et qui venait mettre le dernier sceau au triomphe du christianisme. Le Christ scellait sa victoire sur le monde païen, en élevant ainsi son étendard, non plus figuré, mais réel, ce bois miraculeux, scandale autrefois pour les Juifs, folie aux yeux des gentils, et devant lequel tout chrétien fléchira désormais le genou.

Hélène ne tarde pas à inaugurer l’arbre sacré dans la basilique qu’elle a construite, et qui réunit dans sa vaste enceinte le sépulcre glorieux et la colline du crucifiement. Un autre sanctuaire s’élève sur le lieu où reposa la Croix durant trois siècles ; de nombreux degrés conduisent le pèlerin jusqu’au fond de ce mystérieux asile. Alors commence une succession innombrable de pieux voyageurs venus des quatre vents du ciel pour honorer les lieux sur lesquels s’est opéré le salut de l’homme, et rendre leurs hommages au buis libérateur. Mais les desseins miséricordieux du ciel ne permettent pas que le précieux gage de l’amour du Fils de Dieu envers notre humble race soit le partage qu’un seul sanctuaire, quelque sacré qu’il soit déjà Hélène a détaché de l’arbre du salut une portion considérable qu’elle destine à Rome, la nouvelle Jérusalem. Ce don précieux reposera dans la basilique élevée par son fils sur les jardins de Sessorius, et le peuple romain appellera désormais ce sanctuaire la basilique de Sainte-Croix-en-Jérusalem.

Mais par le cours des âges la sainte Croix honorera de sa présence bien d’autres lieux de la terre. Déjà dés le IVe siècle saint Cyrille de Jérusalem attestait que les pèlerins qui obtenaient qu’on en détachât pour eux quelques légers éclats, avaient étendu au monde entier le bienfait divin [3], et saint Paulin de Noie nous apprend qu’aucune diminution ne se faisait sentir sur le bois immortel [4]. Au VIe siècle, sainte Radegonde sollicite et obtient de l’empereur Justin II un fragment de la portion considérable que possède le trésor impérial de Constantinople. La Gaule ne pouvait entrer plus noblement en participation du précieux instrument de notre salut que par les mains de sa pieuse reine ; et Venance Fortunat composait, pour l’arrivée de l’auguste relique, l’hymne admirable que l’Église chantera jusqu’à la fin des siècles lorsqu’elle veut célébrer les grandeurs de la sainte Croix. Jérusalem, après des alternatives de perte et de recouvrement, finit par perdre sans retour l’objet divin qui faisait sa principale gloire. Constantinople en hérite encore ; et cette ville devient la source de nombreuses largesses qui, principalement à l’époque des croisades, viennent enrichir les Églises de l’Occident. Il s’établit comme de nouveaux centres de religion envers la sainte Croix, aux lieux où reposent les fragments insignes ; de toutes parts la piété convoite une parcelle du bois salutaire. Le fer divise respectueusement les parties plus considérables, et peu à peu nos régions s’en trouvent remplies. La vraie Croix est partout, et il n’est pas de chrétien qui, dans le cours de sa vie, n’ait été à même d’en vénérer quelque fragment. Mais qui pourrait compter les actes d’amour et de reconnaissance que la vue d’un si touchant objet enfante dans les cœurs ? Et qui ne reconnaîtrait dans cette profusion successive un stratagème de la bonté divine pour raviver en nous le sentiment de la rédemption sur laquelle reposent nos espérances éternelles ?

Qu’il soit donc aime, ce jour où la sainte Église unit le souvenir triomphal de la sainte Croix aux joies de la résurrection de celui qui a conquis par elle le trône où nous le verrons bientôt monter. Rendons grâces pour le bienfait signalé qui a restitué aux hommes, à l’aide des prodiges, un trésor dont la possession eût manqué à la dot de la sainte Église. En attendant le jour où le Fils de l’homme doit l’arborer sur les nuées du ciel, il l’a confiée à son Épouse comme le gage de son second avènement. En ce jour, il rassemblera par sa puissance tous ces fragments épars ; l’arbre de vie étalera toute sa beauté aux regards des élus, et les conviera au repos éternel sous son ombre délectable.

Les Églises de l’Orient et de l’Occident ont produit un grand nombre de compositions liturgiques en l’honneur de la sainte Croix ; nous en choisirons quelques-unes qui pourront servir d’expression à la piété du lecteur, en commençant par l’immortel cantique de Venance Fortunat [5].

L’Église Romaine emploie dans l’Office d’aujourd’hui des Répons et des Antiennes qui respirent un parfum d’antiquité qui rend plus pénétrante encore l’onction dont ils sont remplis.

Le moyen âge de nos Églises latines ne pouvait demeurer muet sur les louanges de la sainte Croix. Nous lui emprunterons d’abord cette Séquence fameuse attribuée à Adam de Saint-Victor

SÉQUENCE.
Célébrons avec transport les louanges de la Croix, nous pour qui la Croix a été le principe de l’allégresse et de la gloire ; dans la Croix nous triomphons, par la Croix nous remportons sur notre farouche ennemi la victoire qui nous assure la vie.
Que nos deux concerts pénètrent jusqu’aux deux ; il mérite, ce bois cher aux hommes, que l’on consacre à sa gloire les plus doux accents. Mettons d’accord et nos voix et nos vies ; quand la vie ne contredit pas les chants que la voix fait entendre, c’est alors que la mélodie est agréable au ciel.
Célébrez la Croix, serviteurs de la Croix ; c’est par la Croix que les dons de la vie céleste sont venus réjouir vos cœurs ; dites donc tous ensemble, et que chacun répète : « Hommage à toi, arbre salutaire, principe de salut pour le monde entier ! »
Autel du salut, autel illustre et fortuné, qui fus rougi du sang de l’Agneau, de l’Agneau sans tache, qui purifia le monde de son antique péché.
La Croix est l’échelle des pécheurs, par laquelle le Roi des cieux, le Christ, attira toutes choses à lui ; par sa forme quadrangulaire, elle montre que sa vertu s’étend aux quatre confins du monde.
La Croix n’est pas un mystère nouveau, son culte ne date pas d’hier ; par elle Moïse rendit douces les eaux amères, par elle il fit jaillir les sources du rocher.
Point de salut dans la maison, si l’homme n’imprime sur la porte ce signe protecteur ; qu’il le fasse seulement, et il sera sauf du glaive, et son premier-né lui sera conservé.
La pauvre femme de Sarepta, cherchant le bois, trouva le salut ; sans ce bois cher à la foi, ni l’huile ni la farine n’auraient abondé dans sa maison.
Ces mystères furent longtemps cachés sous les symboles de l’Écriture ; mais aujourd’hui les bienfaits de la Croix éclatent au grand jour ; les rois ont embrassé la foi, les ennemis sont en déroute ; par la Croix seule, sous le Christ notre chef, un seul de nous met en fuite mille adversaires.
Rome vit Maxence submergé dans le Tibre avec ses vaisseaux ; ailleurs, les Thraces et les Perses furent taillés en pièces, et le chef ennemi tomba sous les coups d’Héraclius.
La Croix rend forts et victorieux ceux qu’elle protège, elle guérit maladies et langueurs ; par elle les démons sont rÉpoussés ; aux captifs elle rend la liberté, aux morts une vie nouvelle ; elle rétablit toute créature dans sa dignité première.
Hommage à toi, bois triomphal, ô Croix, salut du monde ! Nul arbre ne t’est comparable pour le feuillage, pour la fleur ni pour le fruit ; remède des chrétiens, sois la force de ceux qui sont sains, guéris ceux qui sont malades ; en ion nom l’homme obtientce qui dépasserait ses forces.
O toi qui as consacré cet arbre, daigne nous écouter célébrant les louanges de la Croix ; après cette vie, transporte les serviteurs de ta Croix au séjour de la lumière véritable. Ils honorent l’instrument de ton supplice ; délivre-les des tourments de l’enfer ; et quand viendra le jour delà colère, mets-nous en possession des joies éternelles.
Amen.

L’Hymne suivante, pleine de grandeur et de majesté, se trouve dans nos anciens Bréviaires romains-français, à la fête de l’Invention de la sainte Croix.

HYMNE.
Salut, ô Croix sainte ! Salut, ô gloire du monde, notre espoir véritable, source de nos joies, signe de salut, protection dans les périls, arbre de vie qui portes celui qui est la Vie universelle !
Rachetés sur toi, nous aimons à chanter tes louanges, Croix adorable, principe de vie, l’amour et l’honneur des hommes. Nous aimons à redire : Le bois nous fit esclaves, et tu nous affranchis, ô bois !
O Christ, toi qui anéantis sur la Croix la faute originelle, daigne nous purifier de nos taches personnelles ; aie pitié de l’homme fragile ; par ta Croix sainte pardonne à ceux qui sont tombés.
Par le signe de la Croix protège, sauve, bénis, sanctifie ton peuple tout entier ; écarte les maux de l’âme et du corps ; que tout fléau se dissipe en présence de ce signe tout-puissant.
Louange à Dieu le Père dans la Croix de son Fils ! Hommage pareil à l’Esprit-Saint ! Joie aux Anges, les citoyens du ciel ! Honneur sur la terre à l’Invention de la Croix ! Amen.

Nous choisirons entre les compositions liturgiques que l’Église grecque a produites en l’honneur de la sainte Croix, le Canon ou Hymne qui suit. Il a pour auteur saint Théodore Studite.

CANON.
Ce jour est un jour de joie. En ressuscitant, le Christ a fait disparaître la mort ; la vie apparaît dans tout son éclat ; Adam sorti du tombeau conduit les chœurs dans l’allégresse ; faisons entendre aussi nos chants de victoire.
Le jour est venu d’adorer la Croix précieuse ; en ce moment elle étincelle des rayons du Christ ressuscité ; venez tous, embrassons-la, couvrons-la de nos baisers avec une joie spirituelle.
Apparais à mes regards, ô Croix du Seigneur, toi dont la gloire est sans limites ; montre-moi ta beauté, ton éclat divin ; sois propice à ton adorateur, afin qu’il chante dignement tes louanges ; je m’entretiens avec toi, je te serre dans mes bras comme un être plein de vie.
Le ciel et la terre s’unissent dans un même concert ; car la Croix bienheureuse a été offerte aux regards de l’univers entier ; c’est sur elle que le Christ attaché fut immolé ; dans la joie de nos cœurs honorons-la par nos baisers.
Le divin Moïse figura jadis ta Croix, ô Christ Dieu, lorsqu’il divisa les eaux avec sa verge, conduisant le peuple d’Israël à travers la mer Rouge, et chantant à ta gloire le cantique du passage.
La Croix que nous baisons aujourd’hui, c’est celle que figurait Moïse par ses bras étendus ; par elle nous mettons en fuite l’Amalec spirituel ; par elle aussi, Seigneur, nous obtenons le salut.
L’allégresse est aujourd’hui au ciel et sur la terre ; car il a été révélé au monde, le signe de la Croix trois fois heureuse ; sa vue seule fait couler sur nous une grâce éternelle.
Comment reconnaîtrons-nous, ô Christ, le bienfait que tu nous accordes d’adorer ta Croix si digne d’hommages, sur laquelle ton sang divin a été répandu, ta chair a été attachée par les clous ? C’est en la couvrant de nos baisers que nous te rendons grâces.
En ce jour consacré à l’adoration de ta Croix, les Anges forment des chœurs et tressaillent de joie ; car c’est sur la Croix, ô Christ, que tu as écrasé l’armée des démons et sauvé la race humaine.
L’Église est devenue un second paradis ; elle possède l’arbre de vie qui était la gloire du premier ; c’est ta Croix, ô Seigneur ! Par son contact, elle nous rend participants de l’immortalité.
L’oracle du Psalmiste est accompli : car voici que nous adorons l’escabeau de tes pieds immaculés, en vénérant ta Croix, ce bois très aimé.
Le bois que Jérémie a vu mettre dans ton pain par tes ennemis, c’est ta Croix, ô miséricordieux ! Nous la couvrons de baisers, nous célébrons tes liens et ton sépulcre, la lance et les clous.
En ce jour les plus suaves parfums s’exhalent des cassolettes divines ; la Croix est inondée d’un baume de vie ; aspirons l’odeur céleste qu’elle répand, adorons-la avec foi à jamais.
Viens, Élisée ! Dis-nous quel est ce bois que tu plongeas dans l’eau. C’est la Croix du Christ qui nous a tirés de l’abîme de la mort ; adorons-la avec foi à jamais.
Jacob vit la figure de ta Croix, ô Christ ! Lorsqu’il adora le sommet de la verge divine que tenait Joseph ; il y entrevoyait le sceptre de ta royauté, que maintenant nous adorons à jamais.
Jeté dans la fosse aux lions, le grand prophète Daniel étendit ses mains en forme de croix ; il échappa sain et sauf à la gueule des bêtes féroces, bénissant le Christ à jamais.
Tous les arbres des forêts tressaillent et font entendre leurs cantiques, en ce jour où nous embrassons avec effusion le bois de la Croix, dont le Christ a glorifié le sommet, comme l’avait prédit le divin prophète David.
Un arbre m’avait donné la mort ; je t’ai retrouvé, arbre de vie, ô Croix qui portes le Christ ! tu es ma garde invincible, ma défense contre les démons ; en ce jour je t’adore et jeté crie : Sanctifie-moi par ta gloire.
Réjouis-toi et triomphe. Église de Dieu ; car trois fois heureuse tu adores aujourd’hui le bois de la très sainte Croix, autour de laquelle les chœurs des Anges assistent dans une crainte respectueuse, comme pour la servir.

« Le Christ crucifié est la force et la sagesse même de Dieu [6]. » C’est la célèbre parole de votre Apôtre, ô Jésus ! et nous en voyons aujourd’hui la vérité. La Synagogue voulut anéantir votre gloire en vous clouant à un gibet ; elle se délectait en pensant qu’il est écrit dans la loi de Moïse : « Maudit celui qui est suspendu au bois [7] ! » Et voici que ce gibet, ce bois infâme, est devenu votre trophée le plus insigne. Dans les splendeurs de votre résurrection, la Croix, loin de jeter une ombre sur les rayons de votre gloire, relève d’un éclat nouveau l’ineffable magnificence de votre triomphe. Vous avez été attaché au bois, vous avez pris sur vous la malédiction ; crucifié entre deux scélérats, vous avez passé pour un vil imposteur, et vos ennemis ont insulté à votre agonie sur ce lit de douleur. Si vous n’eussiez été qu’un homme, il ne restait de vous qu’une mémoire déshonorée ; la croix eût dévoré sans retour votre gloire passée, ô fils de David ! Mais vous êtes le Fils de Dieu, et c’est la croix qui nous le prouve. Le monde entier se prosterne devant elle et l’adore ; c’est elle qui vous l’a conquis, et les hommages qu’elle reçoit vengent surabondamment votre gloire de l’éclipsé passagère que votre amour pour nous lui imposa un jour. On n’adore pas un gibet, ou, si on l’adore, c’est le gibet d’un Dieu. Oh ! Béni soit celui qui a été suspendu au bois ! En retour de nos hommages, divin Crucifié, accomplissez en notre faveur la promesse que vous avez faite : « Lorsque je serai élevé de terre, j’attirerai tout à moi [8]. »

Pour nous attirer plus efficacement, vous déposez aujourd’hui entre nos mains le bois même du haut duquel vous nous avez tendu vos bras. Ce monument de votre victoire, sur lequel vous vous appuierez au dernier jour, vous daignez nous le confier jusqu’à la fin des siècles, afin que nous puisions en lui une crainte salutaire de la divine justice qui vous a attaché à ce bois vengeur Je nos crimes, un amour toujours plus tendre envers vous, ô notre victime qui n’avez point recule devant la malédiction, afin que nous fussions bénis ! La terre entière vous rend grâces aujourd’hui pour le don inestimable que vous lui avez octroyé. Votre Croix divisée en fragments sans nombre est présente en tous lieux ; il n’est pas de région dans le monde chrétien qu’elle ne consacre et ne protège.

Que n’avons-nous la piété d’Hélène, ô Sauveur, pour savoir connaître comme elle « la hauteur et la profondeur, la longueur et la largeur du mystère caché dans votre Croix [9] » ! C’est parce qu’elle a aimé ce divin mystère, qu’elle a recherché la Croix avec tant d’ardeur ; mais quel sublime spectacle cette pieuse princesse nous offre en ces jours de votre triomphe ! D’une main elle orne votre glorieux sépulcre ; de l’autre elle arrache votre Croix aux ombres qui la couvraient ; qui jamais proclama, avec cette majesté, le mystère pascal ? Le sépulcre nous crie : « Il est ressuscité, il n’est plus ici » ; la Croix nous dit : « Je ne l’ai retenu qu’un moment, et il s’est élancé dans sa gloire. » O Croix ! Ô sépulcre ! Que son humiliation a été rapide, et que le règne qu’il a conquis par vous est assuré ! Nous adorons en vous les vestiges de son passage, et vous demeurez sacrés à jamais, parce qu’il s’est servi de vous pour notre salut. Gloire soit donc à vous, ô Croix, objet de notre amour et de notre admiration en ce jour ! Continuez de protéger ce monde qui vous possède ; soyez-lui le bouclier qui le défende contre l’ennemi, le secours présent partout qui conserve le souvenir du sacrifice mêlé à celui du triomphe ; car c’est par vous, ô Croix, que le Christ a vaincu, qu’il règne et qu’il commande. CHRISTUS VINCIT, CHRISTUS REGNAT, CHRISTUS IMPERAT.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Cette date rappelle le recouvrement de la sainte Croix, au temps de l’empereur Héraclius, et le don qu’en fit celui-ci, vers 629, à Zacharie, patriarche de la ville de Jérusalem, d’où, quelques années auparavant, les Perses l’avaient enlevée pour la transporter chez eux. Cette fête fut accueillie avec faveur dans les diverses liturgies occidentales, tandis qu’en Orient celle de l’Exaltatio Sanctae Crucis demeura seule en honneur ; ce jour-là, chaque année, en souvenir de la découverte du bois sacré, survenue le 14 septembre 320, on le montrait solennellement au peuple.

Par la suite, les Latins confondirent l’objet des deux fêtes ; le recouvrement de la Croix fut identifié avec l’Exaltatio du 14 septembre, et la solennité du 3 mai fut consacrée à célébrer sa découverte sous Constantin. Il faut d’ailleurs remarquer que l’Exaltation fut accueillie plutôt tardivement dans le Sacramentaire d’Hadrien, parce que ce jour, à Rome, était celui du natale de saint Corneille.

La messe est postérieure à la période grégorienne, c’est pourquoi les antiennes de l’introït et de l’offertoire sont tirées d’autres messes plus anciennes.

L’antienne pour l’introït est commune au mardi et au jeudi saints, et s’inspire d’une phrase de l’épître aux Galates (VI, 14).
Intr. « II convient que nous nous glorifiions dans la Croix de notre Seigneur Jésus-Christ, en qui est le salut, notre vie et notre résurrection ; grâce à qui nous avons été sauvés et remis en liberté. Alléluia, alléluia. » Ps. 66 : « Que Dieu ait compassion de nous et nous bénisse ; qu’il fasse resplendir sur nous son visage et nous soit miséricordieux. » y. « Gloire, etc. »

La collecte se trouve déjà dans le Gélasien, et fait allusion à la résurrection de la défunte sur laquelle l’évêque de Jérusalem aurait déposé la vraie Croix pour la distinguer de celles des deux larrons. Les prodiges accomplis dans la passion de Jésus sont les différentes résurrections des patriarches et des saints de Jérusalem au moment où le Sauveur expira sur la Croix.
Prière. — « O Dieu qui, dans le célèbre recouvrement de la Croix, instrument de notre salut, avez renouvelé les prodiges accomplis jadis lors de votre mort ; par le prix de ce bois de vie, accordez-nous de mériter la sentence d’éternel salut. Vous qui vivez, etc. »

L’épître (Philip., II, 5-11) est la même que le dimanche des Rameaux. L’Apôtre nous y exhorte à participer aux sentiments d’humilité et d’obéissance du Christ, supportant en Lui et avec Lui notre passion, pour lui être ensuite associés dans la gloire de la Résurrection.

La fête de la sainte Croix, au milieu des splendeurs du temps pascal, offre une profonde signification liturgique. Le Seigneur appelle son crucifiement le jour de son triomphe et de son exaltation, et cela est exact. Sur la Croix il vainc la mort, le péché et le démon, et sur ce bois triomphal il dresse son nouveau trône de grâce, de miséricorde et de salut. C’est là le sens du mélodieux chant suivant, emprunté au psaume 95 : « Alléluia, alléluia. » V/. « Annoncez parmi les nations que le Seigneur a inauguré son règne de la Croix. »
Cette version ne correspond plus au texte hébreu actuel ; elle nous a été transmise par les anciens Pères qui, avec saint Justin, accusent les Juifs de l’avoir mutilée.
Le second verset alléluiatique est le suivant : « Alléluia. Doux bois, qui soutiens les clous aimés et le poids si cher ; toi qui seul fus digne de porter le Souverain et le Seigneur du ciel ! Alléluia. »

Nous trouvons une preuve de ce que la messe n’est pas tirée du Sacramentaire Grégorien dans le fait que l’Évangile (Joan., III, 1-15) n’est pas emprunté au dernier discours de Jésus, où l’usage romain puisait de préférence durant le cycle pascal. Le choix a toutefois été heureux, car le serpent d’airain élevé par Moïse dans le désert est un type prophétique de l’Exaltatio Sanctae Crucis fêtée aujourd’hui, et indique une époque où l’on célébrait encore, le 3 mai, l’originaire exaltation de la vraie Croix, due à l’empereur Héraclius.

Dans l’offertoire on ne pleure plus, comme pendant le Carême, l’humiliation de la Passion, mais on exalte au contraire la gloire de l’étendard triomphal, en chantant un cantique d’action de grâces au Christ ressuscité.
Offert. Ps. 117 : « Le bras du Seigneur agit avec puissance, la droite de Yahweh m’exalta. Je ne mourrai pas, mais je vivrai pour annoncer la gloire du Seigneur. Alléluia. »

La collecte suivante, du Sacramentaire Gélasien, révèle des temps agités par des guerres et des invasions ennemies, probablement celles des Lombards.
Prière sur l’oblation. — « Accueillez favorablement, Seigneur, le sacrifice que nous vous offrons, afin que, délivrés du fléau de la guerre, et les embûches de l’ennemi étant déjouées, nous puissions, au moyen de l’étendard de la sainte Croix de votre Fils, vivre tranquilles sous votre protection. Par le même, etc. »

La préface est en l’honneur de la Croix, comme durant la dernière quinzaine du Carême. Les Sacramentaires donnent toutefois le texte suivant : ... per Christum Dominum nostrum. Qui per passionem Crucis mundum redemit, et antiquæ arboris amarissimum gustum, crucis medicamine indulcavit ; mortemque quae per lignum vetitum venerat, per Ligni trophæum devicit ; ut mirabili suæ pietatis dispensatione, qui per ligni gustum a florigera sede discesseramus, per Crucis lignum ad paradisi gaudia redeamus. Per quem etc.

L’antienne de la Communion révèle elle aussi la préoccupation qui dominait les esprits quand, dans le Sacramentaire Gélasien, fut accueillie la fête de ce jour, c’est-à-dire celle d’obtenir le secours du ciel contre les envahisseurs du Duché romain : « Par l’étendard de la Croix, délivrez-nous de nos ennemis, ô notre Dieu. Alléluia. »

Après la Communion on récite cette collecte : « Réconfortés par l’aliment céleste, et l’esprit réjoui par la vertu du Calice (de salut), nous vous supplions, ô Dieu tout-puissant, de nous garder de la malice de l’ennemi, vous qui avez voulu que nous remportions le triomphe au moyen du bois de la sainte Croix, arme de justice pour le salut du monde. Par le même, etc. »

Dieu s’est plu à accorder une si grande vertu au signe de la croix, qu’il suffit à bénir les fidèles, à mettre les démons en fuite et à procurer aux âmes pieuses des grâces abondantes. Les anciens avaient une telle dévotion au signe de la croix que, au dire des Pères, ils ne commençaient jamais aucune action sans s’en être munis. Julien l’Apostat lui-même, durant un sacrifice païen, mit, dit-on, plusieurs fois le démon en fuite, parce qu’instinctivement, à sa première apparition, il avait usé du signe du salut.

Au moyen âge on ne commençait aucun écrit public, inscription, loi, etc., sans y avoir d’abord tracé la croix. Celle-ci tenait lieu de signature à ceux qui ne savaient pas écrire, et précédait souvent celle des ecclésiastiques. En de nombreuses campagnes, on allait jusqu’à marquer d’une croix la pâte et le pain avant de les faire cuire.

A Rome, sur les portes de la Ville restaurées durant la période byzantine, on voit encore des graffiti représentant la croix grecque, qu’on trouve également sur les orifices des citernes et des anciens puits, sur les bouches des fours et sur les objets domestiques. Jusqu’à ces derniers temps, pour apprendre les lettres et les syllabes aux enfants, on employait un petit livre intitulé Santa Croce à cause du signe du salut qui, selon une tradition de plus de quinze siècles, précédait l’alphabet.

L’antiquité nous a également transmis des reliquaires en forme de croix sur lesquels on gravait parfois des formules d’exorcisme ; nous en avons pour exemple une croix d’or recueillie par Pie IX lui-même dans une tombe du cimetière de Cyriaque.

La plus célèbre de ces croix avec formule d’exorcisme, est celle qui est connue sous le nom de médaille de saint Benoît et dont l’efficacité est aujourd’hui encore expérimentée avec succès contre les embûches du démon.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Invention de la Sainte Croix. — Après la brillante victoire que l’empereur Constantin avait remportée sur son adversaire, grâce à la croix parue dans le ciel (313), l’impératrice sainte Hélène se rendit à Jérusalem pour rechercher la vraie Croix du Christ. On raconte que les païens avaient mis à l’endroit où s’élevait la Croix une statue en marbre de la déesse Vénus. Quand on eut nettoyé l’emplacement de la Croix, on trouva, profondément enfoncées en terre, trois croix et, non loin, l’inscription qui avait été placée sur la Croix du Christ.

Mais il était impossible de savoir sur laquelle des trois croix avait été placée l’inscription. Un miracle trancha la question. Macaire, qui était alors évêque de Jérusalem, adressa à Dieu de ferventes prières, puis il toucha avec chacune des trois croix une femme gravement malade. Les deux premières croix ne lui procurèrent aucun soulagement, mais, dès que la troisième l’eut touchée, elle fut guérie sur-le-champ. Après la découverte de la Croix salutaire, Hélène fit construire, à cet endroit, une magnifique basilique dans laquelle elle laissa un morceau de la Croix renfermé dans un reliquaire d’argent ; elle en envoya une autre partie à son fils Constantin ; cette partie fut déposée dans l’église de Sainte-Croix de Jérusalem, à Rome. Elle apporta aussi à son fils les clous avec lesquels le saint corps du Christ avait été attaché à la Croix. C’est à cette époque que Constantin défendit, par une loi, d’infliger le supplice de la croix. Ainsi la croix, qui auparavant était pour les hommes un opprobre et une dérision, devint un objet de vénération et de gloire.

Nous fêtons aujourd’hui le souvenir de cette découverte merveilleuse de la Croix. Le bois de la Croix qui a été l’instrument de notre Rédemption, qui a été sanctifié par le contact des membres du Christ et par son sang précieux, mérite le culte le plus élevé parmi toutes les reliques. L’Église célèbre volontiers cette fête pendant le temps pascal parce que c’est sur la Croix que le Christ a remporté sa victoire. Aujourd’hui, la Croix ne nous apparaît pas comme un instrument de supplice, mais comme un signe de victoire dans l’éclat de Pâques.

La Croix et la Résurrection se complètent ; l’une ne peut pas exister sans l’autre. Le Christ, durant sa vie terrestre, parle toujours de sa Résurrection quand il annonce ses souffrances. L’Église fait de même pendant le Carême et le temps de la Passion. Sans cesse la joie pascale traverse les douleurs de la Passion. Par contre, pendant le temps pascal, l’Église a continuellement la Croix devant les yeux. Ce qui est caractéristique, c’est la commémoration de la Croix que l’on doit faire, pendant tout le temps pascal, aux féries et aux fêtes de degré moindre, le matin et le soir [10]. Voici cette antienne :
Ant. Le Crucifié est ressuscité des morts et nous a rachetés, Alléluia, Alléluia.
V/. Annoncez à tous les peuples, Alléluia,
R/. Que le Seigneur règne par le bois, Alléluia.
Prions : O Dieu, qui as voulu que ton Fils subisse le supplice de la Croix pour anéantir la puissance de l’ennemi, fais que nous, tes serviteurs, nous obtenions la grâce de la Résurrection. Par le Christ, Notre Seigneur. Amen.

Telle est l’oraison. Elle nous fait comprendre que la fête de la Croix a sa place, conformément à l’esprit de la liturgie, dans le temps pascal. L’Église arbore la Croix dans la gloire lumineuse de Pâques.

La messe. — La messe célèbre l’« exaltation » du Christ et de la chrétienté par la Croix. (Jadis, on célébrait aujourd’hui la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, c’est-à-dire du recouvrement de la Croix). Dans la Croix se trouvent « salut, vie et résurrection » (Intr.). Par son obéissance jusqu’à la mort de la Croix, le Christ a été « élevé » et tout genou doit ployer devant lui. De même nous pouvons, par l’humilité et l’abaissement, parvenir à la gloire (Ép.). Le divin Roi règne, de son trône de la Croix, sur tous les peuples (All.).

Signalons ici un fait intéressant. Le psaume 95 contient le verset suivant : « Annoncez à tous les peuples que le Seigneur est Roi ». Dans l’antiquité chrétienne, on avait coutume d’ajouter : a ligno = par le bois. « Le Seigneur règne par le bois ». C’était une pensée chère à l’Église antique de considérer le Seigneur en Croix comme un Roi. Aussi la piété chrétienne avait un tendre amour pour la Croix : Aimable bois, aimables clous, vous supportez un aimable fardeau... » A l’Évangile, nous assistons à l’entretien nocturne du Christ avec Nicodème. Le Christ parle des plus profondes vérités de notre foi : la régénération par le baptême, l’Ascension, l’envoi du Saint-Esprit et surtout l’“exaltation » en Croix. “De même que Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’Homme soit élevé afin que quiconque croit en lui ne soit pas perdu, mais ait la vie éternelle. Nous chantons avec joie, à l’Offertoire, que la main du Seigneur « nous a élevés » nous aussi. La « vie » éternelle nous est communiquée au Saint-Sacrifice, dans lequel nous participons abondamment aux fruits de la Croix. L’Évangile se réalise d’une manière encore plus haute. Comme Nicodème, nous venons, dans la nuit de la vie terrestre, vers le Christ qui est l’éternelle lumière et nous recevons de lui non seulement la doctrine, mais encore la grâce de la régénération. Le Christ glorifié nous fait monter jusqu’au trône de sa Croix. Nous célébrons, à la messe, notre « inventio Crucis », nous découvrons la Croix. Nous y trouvons la « balance » (statera) sur laquelle est le « trésor » de notre rançon. Nous cueillons les fruits de l’arbre de vie ; à l’Ite missa est, nous emportons l’étendard victorieux qui nous guidera dans les combats de la vie. Nous « découvrons » aussi la Croix quand, derrière l’humiliation, nous contemplons la gloire et le triomphe. Nous « découvrons » la Croix quand nous voyons en elle « salut, vie et résurrection », quand nous la considérons comme une « élévation » et non comme un abaissement, comme la porteuse de la « vie » et non de la mort. Ces pensées nous aideront à rendre glorieuses les croix de notre vie.

[*]

Vere dignum et iustum est, æquum et salutáre,
nos tibi semper et ubíque grátias ágere :
Dómine, sancte Pater, omnípotens ætérne Deus :
Il est vraiment juste et nécessaire,
c’est notre devoir et c’est notre salut,
de vous rendre grâces toujours et partout,
Seigneur, Père saint, Dieu éternel et tout-puissant :
Qui salútem humáni géneris
in ligno Crucis constituísti :
ut, unde mors oriebátur,
inde vita resúrgeret :
et, qui in ligno vincébat,
in ligno quoque vincerétur :
per Christum Dóminum nostrum.
Qui avez placé le salut du genre humain
dans le bois de la Croix :
pour, là-même où la mort été née,
y faire surgir la vie :
et pour que celui qui vainquit par le bois
fut aussi vaincu par le bois
par le Christ notre Seigneur.
Per quem maiestátem tuam laudant Angeli,
adórant Dominatiónes, tremunt Potestátes.
Cæli cælorúmque Virtútes ac beáta Séraphim
sócia exsultatióne concélebrant.
Cum quibus et nostras voces ut admítti iúbeas, deprecámur,
súpplici confessióne dicentes.
C’est par Lui que les Anges louent votre majesté,
que les Dominations vous adorent, que les Puissances se prosternent en tremblant.
Les Cieux, les Vertus des cieux et les bienheureux Séraphins
s’associent à eux dans cette commune louange.
Daignez ordonner, nous vous en conjurons, que nos voix
suppliantes puissent se méler aux leurs en disant.

[1] Pendant le Temps pascal, les trois psaumes de chacun des nocturnes des Matines sont dits sous une seule antienne.

[2] Introït de la Messe du jour.

[3] Cateches. IV, X, XIII.

[4] Epist. XII.

[5] Voir aux vêpres de l’Office, plus haut.

[6] I Cor. I, 23.

[7] Deut., XXI, 23.

[8] Johan. XII, 32.

[9] Eph. III, 18.

[10] Avant les réformes de Pie XII et Jean XXIII.