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07/08 St Gaétan de Thienne, confesseur

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique  

Mort à Naples le 7 août 1547. Canonisé en 1671 par Clément X, fête en 1673 comme semidouble. Innocent XI en 1682 l’érigea au rang de double. Le même jour, on commémore St Donat.

Textes de la Messe

die 7 augusti
le 7 août
SANCTI CAIETANI
SAINT GAÉTAN
Conf.
Confesseur
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Ant. ad Introitum. Ps. 36, 30-31.Introït
Os iusti meditábitur sapiéntiam, et lingua eius loquétur iudícium : lex Dei eius in corde ipsíus.La bouche du juste méditera la sagesse et sa langue proférera l’équité ; la loi de son Dieu est dans son cœur.
Ps. Ibid., 1.
Noli æmulári in malignántibus : neque zeláveris faciéntes iniquitátem.Ne porte pas envie au méchant et ne sois pas jaloux de ceux qui commettent l’iniquité.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui beáto Caietáno Confessóri tuo apostólicam vivéndi formam imitári tribuísti : da nobis, eius intercessióne et exémplo, in te semper confidére et sola cæléstia desideráre. Per Dóminum nostrum.Dieu, vous avez donné au bienheureux Gaétan, votre Confesseur, d’imiter le genre de vie des Apôtres : accordez-nous, par son intercession et à son exemple, de mettre toujours en vous notre confiance et de ne désirer que les biens du ciel.
Et fit commemoratio S. Donati Ep. et Mart. :Et on fait mémoire de St Donat, Évêque et Martyr :
Oratio.Collecte
Deus, tuórum glória sacerdótum : præsta, quǽsumus, ut sancti Martyris tui et Epíscopi Donáti, cuius festa gérimus, sentiámus auxílium. Per Dóminum.Dieu, vous êtes la gloire de vos prêtres : faites, nous vous en prions, que nous ressentions le secours de votre saint Martyr et Évêque Donat, dont nous célébrons la fête.
Léctio libri Sapiéntiæ.Lecture du livre de la Sagesse.
Eccli. 31, 8-11.
Beátus vir, qui invéntus est sine mácula, et qui post au-rum non ábiit, nec sperávit in pecúnia et thesáuris. Quis est hic, et laudábimus eum ? fecit enim mirabília in vita sua. Qui probátus est in illo, et perféctus est, erit illi glória ætérna : qui potuit tránsgredi, et non est transgréssus : fácere mala, et non fecit : ídeo stabilíta sunt bona illíus in Dómino, et eleemósynis illíus enarrábit omnis ecclésia sanctórum.Heureux l’homme qui a été trouvé sans tache, qui n’a pas couru après l’or, et qui n’a pas mis son espérance dans l’argent et dans les trésors. Qui est-il ? Et nous le louerons, car il a fait des choses merveilleuses durant sa vie. Il a été éprouvé par l’or et trouvé parfait, il aura une gloire éternelle ; il a pu violer la loi, et il ne l’a point violée ; il a pu faire le mal, et il ne l’a pas fait. C’est pourquoi ses biens ont été affermis dans le Seigneur, et toute l’assemblée des saints publiera ses aumônes.
Graduale. Ps. 91, 13 et 14.Graduel
Iustus ut palma florébit : sicut cedrus Líbani multiplicábitur in domo Dómini.Le juste fleurira comme le palmier : il se multipliera comme le cèdre du Liban dans la maison du Seigneur.
V/. Ibid., 3. Ad annuntiándum mane misericórdiam tuam, et veritátem tuam per noctem.V/. Pour annoncer le matin votre miséricorde et votre vérité durant la nuit.
Allelúia, allelúia. V/. Iac. 1, 12. Beátus vir, qui suffert tentatiónem : quóniam, cum probátus fúerit, accípiet corónam vitæ. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Heureux l’homme qui souffre patiemment l’épreuve : car lorsqu’il aura été éprouvé, il recevra la couronne de vie. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum.Suite du Saint Évangile selon saint Mathieu.
Matth. 6, 24-33.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Nemo potest duóbus dóminis servíre : aut enim unum ódio habébit, et álterum díliget : aut unum sustinébit, et alterum contémnet. Non potéstis Deo servíre et mammóna ;. Ideo dico vobis, ne sollíciti sitis ánimæ vestræ, quid manducétis, neque córpori vestro, quid induámini. Nonne ánima plus est quam esca : et corpus plus quam vestiméntum ? Respícite volatília cæli, quóniam non serunt neque metunt neque cóngregant in hórrea : et Pater vester cæléstis pascit illa. Nonne vos magis pluris estis illis ? Quis autem vestrum cógitans potest adiícere ad statúram suam cúbitum unum ? Et de vestiménto quid sollíciti estis ? Consideráte lília agri, quómodo crescunt : non láborant neque nent. Dico autem vobis, quóniam nec Sálomon in omni glória sua coopértus est sicut unum ex istis. Si autem foenum agri, quod hódie est et cras in clíbanum míttitur, Deus sic vestit : quanto magis vos módicæ fídei ? Nolíte ergo sollíciti esse, dicéntes : Quid manducábimus aut quid bibémus aut quo operiémur ? Hæc enim ómnia gentes inquírunt. Scit enim Pater vester, quia his ómnibus indigétis. Qu.rite ergo primum regnum Dei et iustítiam eius : et hæc ómnia adiciéntur vobis.En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Nul ne peut servir deux maîtres : car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et la Richesse. C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre âme de ce que vous mangerez ou de ce que vous boirez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. L’âme n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? Regardez les oiseaux du ciel, qui ne sèment ni ne moissonnent et n’amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? Qui de vous, à force de soucis, pourrait ajouter une seule coudée à la longueur de sa vie ? Et pourquoi vous inquiétez-vous pour le vêtement ? Observez les lis des champs, comment ils croissent : ils ne peinent ni ne filent. Or je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’était pas vêtu comme l’un d’eux. Si donc Dieu revêt ainsi l’herbe des champs, qui est aujourd’hui et demain sera jetée au four, ne le fera-t-il pas bien plus pour vous, gens de peu de foi ? Ne vous mettez donc point en peine, disant : Que mangerons-nous ou que boirons-nous, ou de quoi nous vêtirons-nous ? C’est de tout cela en effet que les païens sont en quête, car votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné en plus.
Ant. ad Offertorium. Ps. 88, 25.Offertoire
Véritas mea et misericórdia mea cum ipso : et in nómine meo exaltábitur cornu eius.Ma vérité et ma miséricorde seront avec lui et par mon nom s’élèvera sa puissance.
SecretaSecrète
Præsta nobis, quǽsumus, omnípotens Deus : ut nostræ humilitátis oblátio et pro tuórum tibi grata sit honóre Sanctórum, et nos córpore páriter et mente puríficet. Per Dóminum.Dieu tout-puissant, accordez-nous, s’il vous plaît, que cette offrande que vous présente notre bassesse en l’honneur de vos Saints vous soit agréable à cause d’eux, et nous purifie en notre corps ainsi qu’en notre âme.
Pro S. DonatoPour St Donat
SecretaSecrète
Præsta, quǽsumus, Dómine : ut sancti Martyris tui et Episcopi Donati intercessióne, quem ad laudem nóminis tui dicátis munéribus honorámus, piæ nobis fructus devotiónis accréscat. Per Dóminum nostrum.Accordez-nous, nous vous en prions, Seigneur, par l’intercession de votre saint Martyr et Évêque Donat, que nous honorons en consacrant ces dons à la gloire de votre nom, l’accroissement en nous des fruits d’une pieuse dévotion.
Ant. ad Communionem. Matth. 24,46-47.Communion
Beátus servus, quem, cum vénerit dóminus, invénerit vigilántem : amen, dico vobis, super ómnia bona sua constítuet eum.Heureux le serviteur que le maître, à son arrivée, trouvera veillant ; en vérité, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens.
PostcommunioPostcommunion
Quǽsumus, omnípotens Deus : ut, qui cæléstia aliménta percépimus, intercedénte beáto Caietáno Confessóre tuo, per hæc contra ómnia advérsa muniámur. Per Dóminum nostrum.Nous vous en supplions, Dieu tout-puissant : faites qu’ayant reçu un aliment tout céleste et que le bienheureux Gaétan votre Confesseur, intercédant pour nous, nous soyons grâce à ses secours munis contre toutes les adversités.
Pro S. DonatoPour St Donat
PostcommunioPostcommunion
Omnípotens et miséricors Deus, qui nos sacramentórum tuórum et partícipes éfficis et minístros : præsta, quǽsumus ; ut, intercedénte beáto Donáto Mártyre tuo atque Pontífice, eiúsdem proficiámus et fídei consórtio et digno servítio. Per Dóminum.Dieu tout-puissant et miséricordieux, qui nous rendez participants et ministres de vos sacrements, faites, nous vous en supplions, que le bienheureux Donat, votre Martyr et Pontife, intercédant pour nous, nous progressions en partageant sa foi et sa générosité à votre service.

Office

Avant 1955 : aux 2ndes Vêpres de la Transfiguration, commémoraison de St Gaétan.

Ant. Quǽrite primum regnum Dei et iustítiam eius, et hæc ómnia adiciéntur vobis. Ant. Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes choses vous seront données par surcroît [1].
V/. Amávit eum Dóminus, et ornávit eum. V/. Le Seigneur l’a aimé et l’a orné [2].
R/. Stolam glóriæ índuit eum. R/. Il l’a revêtu d’une robe de gloire [3].
OratioPrière
Deus, qui beáto Caietáno Confessóri tuo apostólicam vivéndi formam imitári tribuísti : da nobis, eius intercessióne et exémplo, in te semper confidére et sola cæléstia desideráre. Per Dóminum nostrum.Dieu, vous avez donné au bienheureux Gaétan, votre Confesseur, d’imiter le genre de vie des Apôtres : accordez-nous, par son intercession et à son exemple, de mettre toujours en vous notre confiance et de ne désirer que les biens du ciel.

Leçons des Matines avant 1960.

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Gaétan naquit à Vicence, de la noble famille de Thienne. Aussitôt qu’elle lui eut donné le jour, sa mère l’offrit à la sainte Vierge, Mère de Dieu. L’innocence brilla tellement en lui dès ses tendres années, que tout le monde le nommait le Saint. Après avoir obtenu à Padoue le grade de docteur dans l’un et l’autre droit, il partit pour Rome, où le Pape Jules II le mit au rang des Prélats. Ordonné Prêtre, il fut si ardemment embrasé de l’amour de Dieu que, se dérobant à la cour, il se voua tout entier à Dieu. Ayant fondé des hôpitaux à ses propres frais, il y servait lui-même les pauvres pestiférés. Le zèle qu’il ne cessa de déployer pour le salut du prochain le fit surnommer le Chasseur d’âmes.

Cinquième leçon. Les mœurs du clergé étaient alors devenues moins régulières ; voulant les ramener à la forme de vie apostolique, il institua un ordre de Clercs réguliers, qui, se déchargeant de toute préoccupation quant aux biens terrestres, devaient ne posséder aucun revenu, ni demander aux fidèles de quoi subsister, mais se contenter, pour vivre, d’aumônes spontanément offertes. Ayant obtenu l’approbation de Clément VII, Gaétan, accompagné de Jean-Pierre Caraffa, Évêque de Chiéti [4] depuis souverain Pontife sous le nom de Paul IV, et de deux autres personnages d’une grande piété, émit solennellement ses vœux devant l’autel majeur de la basilique du Vatican. Lors du sac de Rome, des soldats le brutalisèrent afin de lui extorquer l’argent qu’il avait déjà placé dans les trésors célestes par la main des pauvres. Les coups, les tortures, la prison, il supporta tout avec une patience invincible. Se confiant à la seule providence de Dieu, qui ne lui fit jamais défaut, ainsi que l’attestent plusieurs prodiges, il persévéra avec une constance inébranlable dans la règle de vie qu’il avait embrassée.

Sixième leçon. L’amour du culte divin, le zèle pour entretenir la maison de Dieu, l’observance des rites sacrés, une participation plus fréquente à l’adorable Eucharistie, furent les choses qu’il s’appliqua le plus à encourager. Plus d’une fois il découvrit et confondit à néant les embûches et les erreurs de l’hérésie. Il prolongeait son oraison pendant huit heures environ, et l’accompagnait de larmes, souvent ravi en extase. Le don de prophétie l’a rendu célèbre. Étant, la nuit de Noël, près de la crèche du Seigneur, à Rome, il mérita de recevoir dans ses bras l’enfant Jésus, des mains de la Vierge Mère. Quelquefois Gaétan passait des nuits entières à châtier son corps à coups de discipline ; jamais on ne put l’amener à adoucir l’austérité de sa vie, et il témoigna souvent le désir qu’il avait de mourir couché sur la cendre et revêtu d’un cilice. Enfin la douleur qu’il ressentit de voir le peuple offenser Dieu par une sédition le fit tomber malade et, réconforté par une vision céleste, son âme passa de la terre au ciel. C’est à Naples qu’il mourut, et l’on y conserve très religieusement son corps dans l’église de Saint-Paul. Les miracles qu’il opéra pendant sa vie et après sa mort l’ont rendu glorieux, et le souverain Pontife Clément X l’a inscrit au nombre des Saints.

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu. Cap. 6, 24-33.
En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Nul ne peut servir deux maîtres. Et le reste.

Homélie de saint Augustin, Évêque. Liber 2 de Sermone Domini in monte, cap. 14

Septième leçon. « Nul ne peut servir deux maîtres ». A cette même intention (bonne ou mauvaise [5]), se rapporte ce que notre Seigneur expose en conséquence de son assertion, disant : « Ou il haïra l’un et il aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre ». Il faut examiner attentivement ce passage ; le Seigneur lui-même indique quels sont ces deux maîtres, en ajoutant : « Vous ne pouvez servir Dieu et mammon ». Les Hébreux donnent, dit-on, aux richesses, le nom de mammon. En langue punique, ce mot a le même sens ; car mammon signifie gain.

Huitième leçon. Servir mammon, c’est être l’esclave de celui que sa perversité a préposé aux choses terrestres, et que le Seigneur appelle « prince de ce monde ». Donc : « ou l’homme le haïra et aimera l’autre », c’est-à-dire Dieu, « ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre ». En effet, quiconque est esclave des richesses, s’attache à un maître dur et a une domination funeste ; enchaîné par sa cupidité, il subit la tyrannie du démon, et certes il ne l’aime pas ; car, qui peut aimer le démon ? Mais cependant il le supporte.

Neuvième leçon. « C’est pourquoi, continue le Sauveur, je vous dis : Ne vous inquiétez point pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous vous vêtirez ». Il ne veut pas que notre cœur se partage à la recherche, non seulement du superflu, mais même du nécessaire, et que, pour nous le procurer, notre intention se détourne de sa véritable fin, dans les actions que nous paraissons faire par un motif de miséricorde. C’est-à-dire qu’il ne veut pas que, tout en paraissant nous dévouer aux intérêts du prochain, nous ayons moins en vue son utilité que notre avantage personnel, et que nous nous regardions comme exempts de fautes, parce que nous ne voulons obtenir que le nécessaire et non le superflu.

A Laudes.

V/. Iustum dedúxit Dóminus per vias rectas. V/. Le Seigneur a conduit le juste par des voies droites [6].
R/. Et osténdit illi regnum Dei. R/. Et il lui a montré le royaume de Dieu.
Ad Bened. Ant. Nolíte sollíciti esse * dicéntes : Quid manducábimus aut quid bibémus ? Scit enim Pater vester, quid vobis necésse sit. Ant. au Benedictus Ne vous inquiétez point, * disant : Que mangerons-nous, ou que boirons-nous ? Votre Père sait de quoi vous avez besoin [7].
Benedictus
OratioPrière
Deus, qui beáto Caietáno Confessóri tuo apostólicam vivéndi formam imitári tribuísti : da nobis, eius intercessióne et exémplo, in te semper confidére et sola cæléstia desideráre. Per Dóminum nostrum.Dieu, vous avez donné au bienheureux Gaétan, votre Confesseur, d’imiter le genre de vie des Apôtres : accordez-nous, par son intercession et à son exemple, de mettre toujours en vous notre confiance et de ne désirer que les biens du ciel.

Aux Vêpres.

Comme aux 1ères.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Gaétan apparut comme le zélateur du sanctuaire, à l’heure où la fausse réforme lançait par le monde ses manifestes de révoltée. La grande cause du péril d’alors avait été l’insuffisance des gardiens de la cité sainte, leur connivence par complicité de cœur ou d’esprit avec les doctrines et les mœurs païennes, qu’une renaissance mal entendue avait ramenées. Ravagée par le sanglier de la forêt, la vigne du Dieu des armées retrouverait-elle jamais sa fertilité des beaux jours [8] ? Gaétan reçut de l’éternelle Sagesse la révélation du nouveau mode de culture qui convenait à cette fin pour une terre épuisée.

L’urgent besoin de ces jours néfastes était le relèvement du clergé par la dignité de la vie, le zèle et la science. Il fallait à cette œuvre des hommes qui, clercs eux-mêmes dans l’acception entière du mot et la variété des obligations qu’il comporte, fussent pour les membres de la sainte hiérarchie un modèle permanent de la perfection primitive, un supplément à leurs impuissances, un levain qui peu à peu régénérerait et soulèverait la masse entière [9]. Mais où trouver ailleurs que dans la vie des conseils et la stabilité des trois vœux qui en forment l’essence, l’impulsion, la puissance, la durée nécessaires aux éléments d’une telle entreprise ? L’inépuisable fécondité de l’Ordre religieux ne fit pas plus défaut à l’Église en ces temps de décadence qu’aux époques de sa gloire. Après les moines tournés vers Dieu dans leurs solitudes, et attirant sur la terre qu’ils semblaient oublier la lumière et l’amour ; après les familles des religieux mendiants, gardant par le monde leurs habitudes claustrales et l’austère parfum du désert : les clercs réguliers faisaient leur entrée sur le champ de bataille, où leur poste de combat, leur genre extérieur de vie, leur costume même, allaient confondre leurs rangs avec ceux de la milice séculière ; ainsi on fortifie les cadres d’une troupe hésitante en y versant des soldats éprouvés de mêmes armes, qui agissent par la parole, l’exemple et l’entraînement sur les faibles.

Comme d’autres avaient été les initiateurs des grandes formes antérieures de la vie religieuse, Gaétan fut le patriarche des Clercs réguliers. Le 24 juin 1524, un bref de Clément VII approuvait sous ce nom l’institut qu’il fondait cette année même avec l’évêque de Théate, d’où vint aussi aux nouveaux religieux l’appellation de Théatins. Bientôt, Barnabites, compagnie de Jésus, Somasques de saint Jérôme Émilien, clercs réguliers Mineurs de saint François Carracciolo, clercs réguliers Ministres des infirmes, clercs réguliers des Écoles pies, clercs réguliers de la Mère de Dieu, d’autres encore, se pressaient dans la voie ouverte et montraient l’Église toujours seule belle, toujours digne de l’Époux, laissant retomber de son poids sur l’hérésie l’accusation d’impuissance qu’elle lui avait lancée.

Ce fut sur le terrain du détachement des richesses, dont l’amour avait causé mille maux dans l’Église, que Gaétan voulut commencer et qu’il mena le plus avant la réforme. On vit les Théatins présenter au monde un spectacle inconnu depuis les Apôtres, pousser le zèle du dénuement jusqu’à s’interdire la faculté de mendier, et attendre toutes choses de l’initiative spontanée des fidèles. Héroïque hommage rendu à la Providence de Dieu, à l’heure même où Luther en niait l’existence, et que maintes fois le Seigneur se plut à reconnaître par des prodiges.

Qui comme vous, ô grand Saint, fit honneur à la parole de l’Évangile : Ne vous inquiétez du manger, ni du boire, ni du vêtement [10] ? Vous connaissiez aussi l’autre parole, également divine : Celui qui travaille mérite qu’on le nourrisse [11] ; vous saviez qu’elle s’appliquait principalement aux ouvriers de la doctrine [12] ; vous n’ignoriez point que d’autres semeurs du Verbe avaient avant vous fondé sur elle l’incontestable droit de leur pauvreté, embrassée pour Dieu, à revendiquer du moins le pain de l’aumône. Sublime revendication d’âmes affamées d’opprobres à la suite de Jésus, et rassasiant en elles ainsi surtout l’amour ! Mais la Sagesse qui plie les aspirations des saints aux circonstances du temps où elle place leur vie mortelle, fit prédominer en vous sur la soif des humiliations l’ambition d’exalter dans votre pauvreté la sainte Providence ; n’était-ce pas ce qu’il fallait à un siècle dont le néo-paganisme semblait, avant même d’avoir écouté l’hérésie, ne plus compter sur Dieu ? Hélas ! de ceux même à qui le Seigneur s’était donné pour possession au milieu des enfants d’Israël [13], on pouvait trop justement dire : Ils recherchent comme des païens les biens de ce monde [14]. Vous eûtes à cœur, ô Gaétan, de justifier le Père qui est aux cieux, de montrer qu’il était toujours prêt à tenir la promesse faite pour lui par son Fils adoré : Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît [15].

C’était bien ainsi que, par le fait, il s’imposait de commencer la réforme du sanctuaire à laquelle vous aviez résolu de dévouer votre vie. Il fallait tout d’abord rappeler les membres de la sainte milice à l’esprit de la formule sacrée qui fait les clercs, au jour béni où, déposant l’esprit du siècle avec ses livrées, ils disent dans la joie de leur cœur : Le Seigneur est la part de mon héritage et de mon calice ; c’est vous, à Dieu, qui me rendrez mon héritage [16].

Le Seigneur, ô Gaétan, reconnut alors votre zèle et bénit vos efforts. Gardez en nous le fruit de votre labeur. La science des rites sacrés reste grandement redevable à vos fils ; puissent-ils prospérer, dans une fidélité renouvelée aux traditions de leur père. Que votre bénédiction de patriarche accompagne toujours les nombreuses familles des Clercs réguliers marchant à la suite de la vôtre. Que tous les ministres de la sainte Église éprouvent qu’au ciel vous restez puissant pour les maintenir, et, au besoin, les ramener dans la voie de leur saint état, comme vous l’étiez sur la terre. Que l’exemple de votre confiance sublime en Dieu apprenne à tous les chrétiens qu’ils ont au ciel un Père dont la Providence n’est jamais en défaut pour ses fils.

Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Ce cher Saint, doux et si humble qu’il demanda à Dieu que son tombeau, après sa mort, ne fût connu de personne († 1547), a le mérite d’avoir été, avant même saint Ignace, un des représentants les plus autorisés de la réforme ecclésiastique accomplie au XVIe siècle.

Rome chrétienne le vénère comme un de ses citoyens d’élection. La basilique Libérienne évoque encore le souvenir de la messe qu’il célébra à la crèche du Seigneur avec la ferveur d’un Séraphin, le jour où il mérita de recevoir dans ses bras le Divin Enfant.

La confession du Prince des Apôtres conserve également le souvenir du jour mémorable — c’était le 14 septembre 1524 — où Gaétan de Thienne et l’ardent Jean-Pierre Caraffa (le futur Paul IV) instituèrent le nouvel Ordre des Clercs Réguliers, en émettant le vœu difficile de se confier entièrement à la divine Providence pour vivre seulement des aumônes qui leur seraient spontanément offertes par les fidèles.

Saint Gaétan eut une part notable dans la réforme du Bréviaire sous Clément VII. Sa fête entra dans le Missel au temps de Clément X, et Innocent XI l’éleva au rang du rite double.

La messe est celle des confesseurs, à l’exception des parties suivantes : Prière. — « O Dieu qui avez accordé au bienheureux Gaétan la grâce de suivre la règle de vie jadis donnée à vos Apôtres ; par son intercession faites que, d’après ses exemples, nous mettions en vous toute notre confiance et désirions seulement les choses célestes ». La règle apostolique de vie, c’est la pauvreté parfaite consacrée par vœu, selon l’exemple des Apôtres qui, ayant tout abandonné, suivirent le Sauveur.

La lecture évangélique sur le parfait abandon à la divine Providence est commune au quatorzième dimanche après la Pentecôte. Le Seigneur nous y enseigne qu’il ne veut point supprimer l’action, mais seulement la préoccupation excessive. Dieu veut que nous agissions ; où nous n’arrivons pas, nous, il arrivera, lui. Aide-toi, le ciel t’aidera, dit un proverbe populaire, bien expressif.

Il est un autre proverbe populaire qui ne manque pas, non plus de vérité. Lascia fare a Dio, ch’è santo vecchio. Cela veut dire que Dieu sait ce qu’il fait, et ce qui convient davantage à notre bien.

Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique

La confiance en la divine Providence.

1. Saint Gaétan. — Jour de mort : 7 août 1547. Tombeau : à Naples, dans l’église Saint-Paul. Vie : Saint Gaétan est le fondateur de l’ordre des Théatins. Jules II l’éleva, jeune encore, à la dignité de prélat. Ordonné prêtre en 1517, il renonça à la cour papale et se voua tout entier au service de Dieu. Il soignait de ses propres mains les malades. Son zèle de tous les instants au salut du prochain lui valut le surnom de « Chasseur d’âmes ». Dans le but de restaurer la discipline ecclésiastique, il institua, en 1524, un Ordre de clercs réguliers appelés à donner l’exemple d’une vie vraiment apostolique. Dédaigneux des biens de la terre, ces religieux ne devaient posséder aucun revenu et même ne rien solliciter des fidèles, se contentant pour leur subsistance de ce qui leur était spontanément offert. Ils vivaient ainsi dans une absolue confiance envers la divine Providence. Saint Gaétan passait souvent jusqu’à huit heures en prière. Il eut un rôle particulièrement actif dans la réforme du bréviaire sous Clément VII. La vertu dominante de ce saint, plein de mansuétude, fut l’humilité. A Rome, près de la Crèche, une nuit de Noël, il mérita de recevoir l’Enfant Jésus des bras de la Vierge Marie. Pendant le sac de Rome par Charles-Quint, il fut violemment maltraité par les soldats déçus de n’en pouvoir obtenir les biens qu’il avait distribués aux pauvres. La nouvelle d’une sédition populaire l’affecta si profondément qu’il en mourut.

2. La messe (Os justi). — Messe du commun des confesseurs, excepté l’Évangile et l’Oraison. L’Église y insiste sur la principale vertu de saint Gaétan, une grande confiance en Dieu et un vif désir du ciel. « Accorde-nous, par son intercession et son exemple, de mettre toujours en toi notre confiance et de n’avoir d’autres désirs que les biens du ciel ».

C’est pourquoi l’Évangile nous annonce le « joyeux message » de la confiance en Dieu. « Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent rien dans les greniers ; votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? Considérez les lis des champs comme ils grandissent ; ils ne travaillent pas et ils ne filent pas. Je vous le dis, Salomon même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux ».

Voici les deux pensées que l’Église inscrit au programme de notre journée ; le matin : « Ne vous inquiétez point et ne dites pas : Que mangerons-nous ? Que boirons-nous ? Votre Père sait ce qui vous est nécessaire » ; et, le soir : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît ».

3. L’examen particulier liturgique. — On connaît la pratique de l’examen particulier préconisée par saint Ignace. Elle consiste à examiner sa conscience sur tel défaut ou telle vertu nettement déterminée. C’est un exercice excellent.

Depuis des siècles, l’Église nous offre quelque chose de semblable. Lorsqu’elle observe chez un saint une vertu particulièrement frappante, elle ne cesse de nous la proposer en exemple toute la journée. Comment ? Il nous est aisé de le voir aujourd’hui. L’Église s’y prend de quatre manières :
- 1) Elle nous montre cette vertu en pratique dans la vie même du saint. Ceci à matines. Les mots nous touchent ; les exemples nous entraînent.
- 2) Elle nous la fait demander dans l’oraison du jour, non pas seulement une fois, mais jusqu’à six fois : à toutes les Heures de l’Office. C’est la grande prière de la journée, le point culminant de chaque partie de l’office.
- 3) Par la messe, surtout, nous participons à la vertu du saint. L’avant-messe d’aujourd’hui est éminemment instructive : le Christ nous y apprend pour ainsi dire lui-même, de sa propre bouche, la sollicitude du Père éternel pour ses enfants. Puis, cet enseignement, l’Église le pénètre de la rosée de grâce du Saint-Sacrifice. Ainsi, la Sainte Communion de ce jour a pour fruit particulier la confiance en la divine Providence.
- 4) Voici enfin le quatrième procédé de l’Église. Elle nous fait chanter les passages essentiels du saint Évangile. Ce qu’on chante se grave profondément dans le cœur. Au lever du soleil, nous chantons aujourd’hui cette parole du Christ : « Ne vous inquiétez pas... » ; et à la tombée de la nuit : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu... » De tout cela nous pouvons conclure que l’Église fait preuve d’une habileté admirable à enseigner la pratique de la vertu.

[1] Matth. 6, 33.

[2] Deut. 10, 15.

[3] Eccli. 45, 9.

[4] Chieti, en latin Theate, d’où le nom de Théatins.

[5] S. Augustin vient dans le chapitre précédent de son explication du Sermon sur la Montagne, de parler longuement de la bonne et de la mauvaise intention, en expliquant ces paroles de notre Seigneur : « Si ton œil est simple, tout ton corps sera lumineux ».

[6] Sap. 10, 10.

[7] Matth. 6, 31.

[8] Psalm. LXXIX.

[9] Matth. XIII, 33.

[10] Matth. VI, 31.

[11] Matth. X, 10.

[12] I Tim V, 17-18.

[13] Num. XVIII, 20.

[14] Matth. VI, 32.

[15] Ibid. 33.

[16] Pontificale roman. De clerico faciendo, ex Psalm. XV, 5.