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Pendant tout l’Octave de l’Immaculée Conception (supprimé en 1955), on lisait au bréviaire la bulle Inefabilis Deus du Bhx Pie IX, proclamant le dogme en 1854, ainsi que des lectures patristiques propres.
Considérons la très pure Marie, dans la maison de sainte Élisabeth, rendant avec une ineffable charité toute sorte de service à sa bienheureuse cousine, la favorisant de ses doux entretiens, assistant à la glorieuse Nativité de saint Jean-Baptiste, et enfin retournant, après son ministère rempli, dans son humble demeure de Nazareth. Mais pour mieux pénétrer tous ces divins mystères, empruntons encore le secours du Docteur Séraphique :
« Adoncques, son terme arrivant, Élisabeth accoucha d’un fils, lequel Notre-Dame leva de terre et apprêta soigneusement, pour autant qu’il était expédient. Or, le petit regardait icelle, comme s’il eût eu jà de l’entendement ; et quand elle voulait le donner à sa mère, il se détournait la tête devers notre dite Dame, et ne se plaisait que sur elle ; et elle, de son côté, se jouait gaiement avecque lui, l’embrassait et baisait joyeusement. Considérez la magnificence de Jehan : jamais oncques nul poupon n’eut telle porteuse. L’on compte maints autres privilèges d’icelui, sur lesquels je n’insiste pas pour le présent.
« Or, le jour huitième, fut circoncis l’enfant, et fut nommé Jehan. Pour lors, fut ouverte la bouche de Zacharie, et il prophétisa, disant : Béni le Seigneur Dieu d’Israël ! et c’est ainsi qu’en icelle maison furent faits ces deux très beaux Cantiques ; à savoir, le Magnificat et le Benedictus. Cependant Notre-Dame se tenant derrière une courtine, à ce qu’elle ne fût vue des hommes qui s’étaient assemblés pour la circoncision de Jehan, écoutait attentivement le présent Cantique, en lequel était mention de son Fils, et recueillait toutes choses en son cœur, moult sagement. Finalement, disant adieu à Élisabeth, à Zacharie, et puis, bénissant Jehan, elle s’en retourna avecque son époux à la maison de son habitation, en Nazareth. En cette présente réversion, rappelle en ton esprit la pauvreté d’icelle. Elle s’en retourne. en effet, vers une maison où elle ne va trouver ni pain, ni vin, ni autres nécessaires ; joint à cela, qu’elle n’avait ni chevance, ni pécune. Or, elle a demeuré ces trois mois durant chez les honnêtes personnes que nous venons de dire, lesquelles, peut-être bien, étaient riches ; mais à cette heure la voilà qui revient à sa pauvreté, et qui, pour se procurer le vivre, s’en va travailler de ses propres mains. Compatis à icelle, enflamme-toi en l’amour de pauvreté. »
« Entraîne-nous vers toi, Vierge immaculée, nous suivrons tes traces et nous nous dirigerons vers l’odeur de tes parfums » (Ant. Vêp.).
« Il n’y a rien de souillé en elle Elle est le reflet de l’éternelle lumière, un miroir sans tache, Elle est plus brillante que le soleil. Et comparée avec la lumière, elle est trouvée plus pure » (Rép.).
La Bulle dogmatique sert de leçon à travers toute l’Octave (5 jours). Examinons son contenu liturgique. La Bulle du Pape suit le plan suivant : elle expose d’abord le plan rédempteur de Dieu pour relever l’humanité déchue, dans ce plan rentre le privilège de grâce de Marie : « Il convenait que Marie brillât toujours de l’éclat de la sainteté la plus parfaite et que, délivrée de la tache de la faute originelle, elle remportât dès le commencement une victoire complète sur le serpent ; elle est en effet une mère d’une dignité incomparable, puisque Dieu le Père avait décidé de lui donner son Fils unique qu’il engendre égal à Lui et qu’il aime comme lui-même, et de le lui donner de telle sorte qu’en vertu des liens naturels, il soit le Fils commun de Dieu le Père et de la Vierge. »
La Bulle expose ensuite que cette doctrine est la tradition constante de l’Église. On en découvre la preuve tout d’abord dans la liturgie. « Dans sa liturgie, l’Église attribue à Marie les paroles de la Sainte Écriture au sujet de la divine Sagesse, car sa création fut décidée dans le même décret que l’Incarnation de la divine Sagesse (Jésus-Christ). » (Nous avons ici une interprétation authentique de la liturgie). Les papes ont permis le culte de l’Immaculée-Conception et l’ont favorisé par l’introduction de la fête, par la concession d’une messe propre et d’un Office propre (depuis 1477, à Rome, depuis Pie V, dans l’Église universelle ; depuis Clément VIII (+1592) la fête fut pourvue d’une octave). Pie IX fit de cette fête, en 1854, une fête d’obligation pour toute l’Église. Elle devait être célébrée à Sainte-Marie Majeure, en présence du Pape, avec une grande solennité. (Nous avons ici un exemple d’un office de station moderne). Dans la Préface et dans les Litanies de Lorette, on ajouta la mention de l’Immaculée-Conception « afin que la loi de la foi fût d’accord avec celle de la prière ». (C’est un antique axiome de la liturgie : lex credendi est lex supplicandi).
Comme conclusion nous entendons encore l’énoncé du dogme dont l’importance est capitale pour déterminer l’objet de la fête : « La doctrine qui affirme que la bienheureuse Vierge Marie, dès le premier instant de sa conception, par une faveur spéciale et un privilège du Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, resta préservée de toute tache de la faute originelle, est une doctrine révélée de Dieu et par conséquent doit être crue fermement par tous les fidèles ».
AU DEUXIÈME NOCTURNE. De la Bulle dogmatique du Pape Pie IX.
Quatrième leçon. Tout le monde sait avec quel zèle cette doctrine de l’Immaculée Conception de la Vierge Mère de Dieu, a été enseignée, soutenue, défendue par les ordres religieux les plus recommandables, par les facultés de théologie les plus célèbres et par les docteurs les plus versés dans la science des choses divines. Tout le monde sait également combien les Évêques ont montré de sollicitude pour soutenir hautement et publiquement, même dans les assemblées ecclésiastiques, que la très sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, en prévision des mérites de Jésus-Christ, notre Seigneur et Rédempteur n’avait jamais été soumise au péché originel ; mais qu’elle avait été entièrement préservée de la tache d’origine, et par conséquent rachetée d’une manière plus sublime. A tout cela il faut ajouter une chose qui est assurément d’un grand poids et de la plus haute autorité, c’est que le concile de Trente lui-même, en publiant son décret dogmatique sur le péché originel, dans lequel, d’après le témoignage des saintes Écritures, des saints Pères et des conciles les plus autorisés, il est établi et défini que tous les hommes naissent atteints du péché originel ; le saint concile déclare pourtant d’une manière solennelle que, malgré l’étendue d’une définition si générale, il n’avait pas l’intention de comprendre dans ce décret la bienheureuse et immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu. Par cette déclaration, les Pères du concile de Trente ont fait suffisamment entendre, eu égard aux circonstances et aux temps, que la bienheureuse Vierge avait été exempte de la tache originelle, et ils ont très clairement démontré qu’on ne pouvait alléguer avec raison, ni dans les divines Écritures, ni dans la tradition, ni dans l’autorité des Pères, rien qui fût, de quelque manière que ce soit, en contradiction avec cette grande prérogative de la Vierge.
Cinquième leçon. C’est qu’en effet cette doctrine de l’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge a toujours existé dans l’Église : l’Église, par la très grave autorité de son sentiment, par son enseignement, par son zèle, sa science et son admirable sagesse, l’a de plus en plus mise en lumière, déclarée, confirmée et propagée d’une manière merveilleuse chez tous les peuples et chez toutes les nations du monde catholique ; mais, de tout temps, elle l’a possédée comme reçue des anciens et des Pères, et comme revêtue des caractères d’une doctrine révélée. Les plus illustres monuments de l’Église d’Orient et de l’Église d’Occident, les plus vénérables par leur antiquité, en sont un témoignage irrécusable. Or, les Pères et les écrivains ecclésiastiques, nourris des paroles célestes, n’ont rien eu plus à cœur, dans les livres qu’ils ont écrits pour expliquer l’Écriture, pour défendre les dogmes et instruire les fidèles, que de louer et d’exalter à l’envie de mille manières et dans les termes les plus magnifiques, la parfaite sainteté de Marie, son excellente dignité, sa préservation de toute tache du péché et sa glorieuse victoire sur le cruel ennemi du genre humain.
Sixième leçon. C’est ce qu’ils ont fait en expliquant les paroles par lesquelles Dieu, annonçant dès les premiers jours du monde les remèdes préparés par sa miséricorde pour la régénération et le salut des hommes, confondit l’audace du serpent trompeur, et releva d’une façon si consolante l’espérance de notre race. Ils ont enseigné que par ce ’divin oracle : « Je mettrai l’inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et la sienne, » Dieu avait clairement et ouvertement montré à l’avance le miséricordieux Rédempteur du genre humain, son Fils unique, Jésus-Christ ; désigné sa bienheureuse Mère, la Vierge Marie, et nettement exprimé l’inimitié de l’un et de l’autre contre le démon. En sorte que, comme le Christ, médiateur entre Dieu et les hommes, détruisit, en prenant la nature humaine, l’arrêt de condamnation qui était porté contre nous et l’attacha triomphalement à la croix : ainsi la très sainte Vierge, unie étroitement, unie inséparablement avec lui, fut, par lui et avec lui, l’éternelle ennemie du serpent venimeux, le vainquit, le terrassa sous son pied virginal et sans tache, et lui brisa la tête.
AU TROISIÈME NOCTURNE.
Lecture du saint Évangile selon saint Luc.
En ce temps-là : L’Ange Gabriel fut envoyé de Dieu en la ville de Galilée, appelée Nazareth, à une vierge qu’un homme de la maison de David, nommé Joseph, avait épousée, et le nom de la vierge était Marie. Et le reste.
Homélie de saint Sophrone, Évêque.
Septième leçon. Vous êtes, ô Marie, vraiment bénie entre les femmes, car vous avez changé en bénédiction la malédiction portée contre Ève ; vous avez fait qu’Adam, qui auparavant gisait sous le poids de l’anathème dont il avait été frappé, a été par vous béni. Vous êtes vraiment bénie entre les femmes, puisque c’est par vous que la bénédiction du Père céleste s’est répandue sur les hommes et les a délivrés de l’ancienne malédiction. Vous êtes vraiment bénie entre les femmes, car c’est par vous que vos ancêtres ont trouvé le salut, puisque vous deviez enfanter le Libérateur qui leur obtiendrait le salut de Dieu. Vous êtes vraiment bénie entre les femmes, parce que, tout en demeurant vierge, vous avez porté le fruit qui répand sur le monde entier la plus abondante bénédiction, et rachète cette terre où la malédiction a fait germer les épines. Vous êtes vraiment bénie entre les femmes, puisque, n’étant qu’une simple femme selon la nature, vous deviendrez la Mère de Dieu. En effet, si celui qui doit naître de vous est, en vérité, un Dieu incarné, c’est à bon droit qu’on vous appelle Mère de Dieu, puisque c’est un Dieu que très véritablement vous avez conçu.
Huitième leçon. « Ne craignez pas, ô Marie, vous avez trouvé grâce devant Dieu », et une grâce qui ne saurait périr, une grâce au-dessus de toute grâce ; vous avez trouvé grâce devant Dieu, une grâce méritant d’être l’objet de tous les vœux, une grâce dont la splendeur défasse toutes les autres grâces, une grâce qui jamais ne diminue ; vous avez trouvé grâce devant Dieu, une grâce qui vous procure le salut, une grâce qui ne sera ébranlée par aucune attaque, une grâce toujours victorieuse, une grâce dont la durée sera éternelle. Il en est d’autres, il en est beaucoup, qui, avant vous ont brillé par une éminente sainteté. Mais à personne n’a été donnée, comme à vous, la plénitude de la grâce ; personne n’a été élevé, comme vous, à une telle magnificence ; personne n’a été prévenu, comme vous, par la grâce qui purifie ; personne n’a brillé comme vous, d’une céleste lumière ; personne n’a été exalté, comme vous, au-dessus de toute grandeur.
Neuvième leçon. Et il convenait assurément qu’il en fût ainsi, car il n’est personne qui se soit approché de Dieu d’aussi près que vous. Personne, comme vous, n’a été enrichi des dons de Dieu ; personne n’a eu part autant que vous, à la grâce de Dieu. Vous l’emportez sur tout ce qu’il y a d’éminent parmi les hommes, et les dons que le Seigneur vous a faits surpassent tous les bienfaits répandus par la divine largesse sur les autres créatures. Vous êtes, en effet, enrichie plus que toutes, de la possession de Dieu qui habite en vous. Aucune autre créature n’a pu ainsi contenir Dieu au dedans d’elle-même ; personne n’a joui ainsi de la présence de Dieu ; personne n’a été jugé digne d’être éclairé comme vous, par le Seigneur. Et c’est pourquoi vous n’avez pas seulement reçu en vous le Dieu, Créateur et souverain Maître de l’univers, mais c’est en vous qu’il a pris chair d’une manière ineffable ; vous l’avez porté dans votre sein ; vous l’avez ensuite mis au monde, ce Dieu qui allait racheter tous les hommes de la condamnation fulminée contre notre premier père, et procurer généreusement à tous un salut qui n’aura pas de fin. Et c’est pour cela que, m’adressant à vous, je me suis écrié et m’écrierai encore de toute l’ardeur de mon âme : « Je vous salue, pleine de grâce, vous êtes bénie entre les femmes. »
Comme au jour de la fête