La Messe |
Leçons des Matines |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Avant la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception, la messe était celle, mutatis mutandis, de la Nativité de la Vierge au 8 septembre [1], célébrée comme fête double (3ème classe)
L’office était au commun de la Vierge Marie, avec à Matines, au 1er nocturne, la lecture du livre de l’Ecclésiastique (24, 5-31), au second, une lecture du De Virginibus de St Ambroise, et au troisième, le commentaire de la généalogie, comme au 8 septembre.
Innocent XII (1691-1700) y ajouta un Octave.
Pie IX, après la proclamation du dogme, fit composer un nouvel office, ainsi que de nouveaux textes pour le Missel : une Vigile, et la messe du jour reprise pendant l’octave, sauf le 11 (St Damase) et le 13 (Ste Lucie).
La Vigile et l’Octave furent supprimés en 1955. Mais pour bien saisir l’esprit donné par la liturgie de l’Église pendant un siècle à cette deuxième fête mariale en importance dans le Calendrier (avec l’Assomption), on se reportera aux textes de la Vigile, ainsi qu’à ceux donnés au bréviaire pendant l’octave : le 9 décembre, le 10 décembre, le 12 décembre, le 14 décembre, et enfin le jour octave, le 15 décembre.
Ant. ad Introitum. Is. 61, 10. | Introït |
Gaudens gaudébo in Dómino, et exsultábit ánima mea in Deo meo : quia índuit me vestiméntis salútis : et induménto iustítiæ circúmdedit me, quasi sponsam ornátam monílibus suis. | Je me réjouirai avec effusion dans le Seigneur, et mon âme sera ravie d’allégresse en mon Dieu : car il m’a revêtu des vêtements du salut : et il m’a entouré des ornements de la justice, comme une épouse parée de ses bijoux. |
Ps. 29, 2 | |
Exaltábo te, Dómine, quóniam suscepísti me : nec delectásti inimícos meos super me. | Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez relevé, et que vous n’avez pas réjoui mes ennemis à mon sujet. |
V/. Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Deus, qui per immaculátam Vírginis Conceptiónem dignum Fílio tuo habitáculum præparásti : quǽsumus ; ut, qui ex morte eiúsdem Filii tui prævísa eam ab omni labe præservásti, nos quoque mundos eius intercessióne ad te perveníre concédas. Per eúndem Dóminum. | O Dieu, qui, par l’Immaculée Conception de la Vierge, avez préparé à votre Fils une demeure digne de lui, nous vous en supplions, vous qui, en prévision de la mort de ce même Fils, l’avez préservée de toute tache, accordez-nous, par son intercession, d’être purifiés et de parvenir à vous. |
Et fit Commemoratio Feriæ. | Et on fait mémoire de la Férie de l’Avent. |
Léctio libri Sapiéntiæ. | Lecture du Livre de la Sagesse. |
Prov. 8. 22-35. | |
Dóminus possedit me in inítio viárum suárum, ántequam quidquam fáceret a princípio. Ab ætérno ordináta sum, et ex antíquis, ántequam terra fíeret. Nondum erant abýssi, et ego iam concépta eram : necdum fontes aquárum erúperant : necdum montes gravi mole constíterant : ante colles ego parturiébar : adhuc terram non fécerat et flúmina et cárdines orbis terræ. Quando præparábat cælos, áderam : quando certa lege et gyro vallábat abýssos : quando .thera firmábat sursum et librábat fontes aquárum : quando circúmdabat mari términum suum et legem ponébat aquis, ne transírent fines suos : quando appendébat fundaménta terræ. Cum eo eram cuncta compónens : et delectábar per síngulos dies, ludens coram eo omni témpore : ludens in orbe terrárum : et delíciæ meæ esse cum filiis hóminum. Nunc ergo, filii, audíte me : Beáti, qui custódiunt vias meas. Audíte disciplínam, et estóte sapiéntes, et nolíte abiícere eam. Beátus homo, qui audit me et qui vígilat ad fores meas cotídie, et obsérvat ad postes óstii mei. Qui me invénerit, invéniet vitam et háuriet salútem a Dómino. | Le Seigneur m’a possédée au commencement de ses voies, avant de faire quoi que ce soit, dès le principe. J’ai été établie dès l’éternité, et dès les temps anciens, avant que la terre fût créée. Les abîmes n’étaient pas encore, et déjà j’étais conçue ; les sources des eaux n’avaient pas encore jailli ; les montagnes ne s’étaient pas encore dressées avec leur pesante masse ; j’étais enfantée avant les collines. Il n’avait pas encore fait la terre, ni les fleuves, ni les bases du globe terrestre. Lorsqu’il préparait les cieux, j’étais là ; lorsqu’il environnait les abîmes de leurs bornes, par une loi inviolable ; lorsqu’il affermissait l’air dans les régions supérieures, et qu’il équilibrait les sources des eaux ; lorsqu’il entourait la mer de ses limites, et qu’il imposait une loi aux eaux, pour qu’elles ne franchissent point leurs bornes, lorsqu’il posait les fondements de la terre, j’étais avec lui, réglant toutes choses, et j’étais chaque jour dans les délices, me jouant sans cesse devant lui, me jouant sur le globe de la terre, et mes délices sont d’être avec les enfants des hommes. Maintenant donc, mes fils, écoutez-moi : Heureux ceux qui gardent mes voies. Écoutez mes instructions et soyez sages, et ne les rejetez pas. Heureux l’homme qui m’écoute, et qui veille tous les jours à ma porte, et qui se tient à la porte de ma maison. Celui qui me trouvera, trouvera la vie, et puisera le salut dans le Seigneur. |
Graduale. Iudith 13, 23. | Graduel |
Benedícta es tu. Virgo María, a Dómino, Deo excélso, præ ómnibus muliéribus super terram. | Bénie êtes-vous, ô Vierge Marie, par le Seigneur Dieu très-Haut, plus que toutes les femmes sur la terre. |
V/. Ibid. 15, 10. Tu glória Ierúsalem, tu lætítia Israël, tu honorificéntia pópuli nostri. | V/. Vous, gloire de Jérusalem ; vous, joie d’Israël ; vous, honneur de notre peuple. |
Allelúia, allelúia. V/. Cant. 4, 7. Tota pulchra es, María : et mácula originális non est in te. Allelúia. | Allelúia, allelúia. V/. Vous êtes toute belle, ô Marie, et la tache originelle n’est pas en vous. Alléluia. |
¶ In missis votivis post Septuagesimam, ommissis Allelúia et versu sequenti, dicitur | ¶ Aux messes votives après la Septuagésime, on omet l’Alléluia et son verset et on dit : |
Tractus. Ps. 86, 1-2. | Trait |
Fundaménta eius in móntibus sanctis : díligit Dóminus portas Sion super ómnia tabernácula Iacob. | Ses fondements s’appuient sur les montagnes saintes ; le Seigneur chérit les portes de Sion plus que toutes les tentes de Jacob. |
V/. Ibid., 3. Gloriósa dicta sunt de te, cívitas Dei. | V/. Des choses glorieuses ont été dites de vous, cité de Dieu. |
V/. Ibid., 5. Homo natus est in ea, et ipse fundávit eam Altíssimus. | V/. UN homme est né en elle, et lui même, le Très-Haut, l’a fondée. |
Tempore paschali omittitur graduale, et eius loco dicitur : | Pendant le temps pascal, on omet le graduel et à sa place on dit : |
Allelúia, allelúia. V/. Iudith 15, 10. Tu glória Ierúsalem, tu lætítia Israël, tu honorificéntia pópuli nostri. | Allelúia, allelúia. V/. Vous, gloire de Jérusalem ; vous, joie d’Israël ; vous, honneur de notre peuple. |
Allelúia. V/. Cant. 4, 7. Tota pulchra es, María : et mácula originális non est in te. Allelúia. | Allelúia. V/. Vous êtes toute belle, ô Marie, et la tache originelle n’est pas en vous. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam. | Lecture du Saint Evangile selon saint Luc. |
Luc. 1, 26-28. | |
In illo témpore : Missus est Angelus Gábriël a Deo in civitátem Galilǽæ, cui nomen Názareth, ad Vírginem desponsátam viro, cui nomen erat Ioseph, de domo David, et nomen Vírginis María. Et ingréssus Angelus ad eam, dixit : Ave, grátia plena ; Dóminus tecum : benedícta tu in muliéribus. | En ce temps-là, l’Ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d’une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph ; et le nom de la vierge était Marie. L’ange, étant entré auprès d’elle, lui dit : Je vous salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes. |
Credo | Credo |
Ant. ad Offertorium. Luc. 1, 28. | Offertoire |
Ave, María, grátia plena ; Dóminus tecum : benedícta tu in muliéribus, Allelúia. | Je vous salue, Marie, pleine de grâce : le Seigneur est avec vous : vous êtes bénie entre les femmes, Alléluia. |
Secreta | Secrète |
Salutárem hóstiam, quam in sollemnitáte (commemoratióne) immaculátæ Conceptiónis beátæ Vírginis Maríæ tibi, Dómine, offérimus, súscipe et præsta : ut, sicut illam tua grátia præveniénte ab omni labe immúnem profitémur ; ita eius intercessióne a culpis ómnibus liberémur. Per Dóminum. | Recevez, Seigneur, l’hostie salutaire que nous vous offrons en la solennité commémoraison de l’Immaculée Conception de la bienheureuse Vierge Marie, et accordez-nous que, de même que nous confessons qu’elle a été exempte de toute tache par votre grâce qui l’a prévenue, nous soyons ainsi, par son intercession, délivrés de toutes nos fautes. |
Et fit Commemoratio Feriæ. | Et on fait mémoire de la Férie de l’Avent. |
Præfatio de B. Maria Virg. Et te in Conceptióne immaculáta. | Préface de la bienheureuse Vierge Marie Et en la Conception Immaculée. |
Ant. ad Communionem. | Communion |
Gloriósa dicta sunt de te, María : quia fecit tibi magna qui potens est. | Des choses glorieuses ont été dites de vous, Marie : parce que le Puissant vous a fait de grandes choses. |
Postcommunio | Postcommunion |
Sacraménta quæ súmpsimus, Dómine, Deus noster : illíus in nobis culpæ vúlnera réparent ; a qua immaculátam beátæ Maríæ Conceptiónem singuláriter præservásti. Per Dóminum. | Seigneur, notre Dieu, que ce sacrement que nous avons reçu, répare en nous les blessures de cette faute dont, par un privilège tout spécial, vous avez préservé la bienheureuse Marie dans sa Conception Immaculée. |
Et fit Commemoratio Feriæ. | Et on fait mémoire de la Férie de l’Avent. |
Invitatoire. Célébrons l’Immaculée Conception de la Vierge Marie *. Adorons le Christ, son Fils, notre Seigneur. Hymne Illustre gardienne des vierges, Mère immaculée de Dieu, porte du royaume céleste, notre espérance et la joie du ciel !
Lis au milieu des épines, colombe d’une incomparable beauté, tige produisant de sa racine bénie le remède de nos blessures.
Tour inaccessible au dragon, étoile propice aux naufragés, protégez-nous contre les ruses de l’ennemi, et dirigez-nous par Votre lumière.
Dissipez les ombres de l’erreur, éloignez les écueils périlleux, et ramenez ceux qui s’égarent au milieu des flots agités, dans le chemin assuré du salut.
A vous gloire, ô Jésus, qui êtes né de la Vierge ; gloire à vous avec le Père et l’Esprit-Saint dans les siècles éternels. Amen.
AU PREMIER NOCTURNE.
Ant. 1 Il est admirable, *votre nom, dans toute la terre, Seigneur ; vous vous êtes préparé une demeure digne de vous dans le sein de la Vierge Marie.
Ant. 2 Dans le soleil, * Dieu a placé sa tente.
Ant. 3 Dans sa Conception, * Marie a reçu la bénédiction du Seigneur, et la miséricorde de Dieu, son salut.
V/. Le Dieu tout-puissant m’a ceinte de force.
R/. Et il a fait ma voie sans tache.
Du livre de la Genèse.
Première leçon. Première leçon. — Le serpent était le plus rusé de tous les animaux de la terre qu’avait faits le Seigneur. Il dit à la femme : Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger de tous les arbres du paradis ? La femme lui répondit : Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le paradis ; mais pour le fruit de l’arbre qui est au milieu du paradis, Dieu nous a commandé de n’en point manger, et de n’y point toucher, de peur que nous ne mourions. Mais le serpent dit à la femme ; Point du tout, vous ne mourrez point de mort. Car Dieu sait qu’en quelque jour que ce soit que vous en mangiez, vos yeux s’ouvriront ; et vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal.
R/. Le péché est entré dans le monde par un seul homme, en qui tous ont péché. * Ne craignez point, Marie, vous avez trouvé grâce devant Dieu. V/. Le Seigneur a arraché votre âme à la mort et il est devenu votre défenseur devant l’ennemi. * Ne.
Deuxième leçon. La femme donc vit que le fruit de l’arbre était bon à manger, beau à voir et d’un aspect qui excitait le désir ; elle en prit, en mangea et en donna à son mari, qui en mangea. En effet leurs yeux s’ouvrirent ; et lorsqu’ils eurent connu qu’ils étaient nus, ils entrelacèrent des feuilles de figuier, et s’en firent des ceintures. Et lorsqu’ils eurent entendu la voix du Seigneur Dieu qui se promenait dans le paradis, à la brise du soir, Adam et sa femme se cachèrent de la face du Seigneur Dieu au milieu des arbres du paradis.
R/. Venez à moi, vous tous qui me désirez avec ardeur : * Et je vous raconterai combien Dieu a fait pour mon âme. V/. Le Seigneur vit, et il a accompli en moi sa miséricorde. * Et.
Troisième leçon. Mais le Seigneur Dieu appela Adam, et il lui dit : Où es-tu ? Adam répondit : J’ai entendu votre voix dans le paradis ; et j’ai eu peur, parce que j’étais nu, et je me suis caché. Dieu lui dit : Mais qui t’a appris que tu étais nu, si ce n’est que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? Et Adam répondit : La femme que vous m’avez donnée pour compagne m’a présenté du fruit de l’arbre, et j’en ai mangé. Alors le Seigneur Dieu dit à.la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? Elle répondit : Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé. Le Seigneur Dieu dit au serpent : Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux de la terre : tu ramperas sur ton ventre, et tu mangeras de la terre tous les jours de ta vie. Je mettrai des inimitiés entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité : elle te brisera la tête, et toi, tu lui tendras des embûches au talon.
R/. Mon élue est blanche comme la neige sur le Liban ; ses lèvres sont comme un rayon qui distille le miel ; * Le miel et le lait sont sous sa langue. V/. Viens du Liban, mon épouse, viens, tu seras, couronnée d’une couronne de grâces. * Le miel. Gloire au Père. * Le miel.
AU DEUXIÈME NOCTURNE.
Ant. 4 La grâce a été répandue * en sa Conception, et elle est apparue brillante de beauté parmi les filles des hommes.
Ant. 5 Dieu l’a protégée * dès le matin, au lever de l’aurore ; le Très Haut a sanctifié son tabernacle.
Ant. 6 Des choses glorieuses * ont été dites de toi, cité de Dieu ; le Seigneur t’a fondée sur les montagnes saintes.
V/..J’ai connu que vous m’avez aimée.
R/. En ce que mon ennemi ne se réjouira pas à mon sujet.
Sermon de saint Jérôme, Prêtre.
Quatrième leçon. Les qualités et les grandeurs de la bienheureuse et glorieuse Marie, toujours vierge, l’ange nous les déclare de la part de Dieu, quand il dit : « Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes. » Il convenait que de tels dons fussent assurés à la Vierge. Celle-là devait être pleine de grâce, qui a donné de la gloire au ciel et le Seigneur à la terre, qui a fait luire la paix, qui a apporté la foi aux nations, une fin aux vices, une règle de vie, .une discipline pour les mœurs. Pleine de grâce, en effet, Marie en a reçu la plénitude, tandis que la grâce n’est donnée aux autres que partiellement. Vraiment pleine de grâce, parce que si la grâce s’est trouvée dans les saints Pères et dans les Prophètes, elle ne leur fut pas octroyée dans sa plénitude ; mais en Marie fut mise, quoique d’une manière différente, toute la somme des grâces qui se trouvent dans le Christ. Et c’est pourquoi l’Ange lui dit : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes ; » c’est-à-dire bénie au-dessus de toutes les femmes. Et par cela même, tout ce qu’il y avait de malédiction attirée par Ève, a été effacé par la bénédiction de Marie. C’est d’elle que Salomon chante comme à sa louange dans ses Cantiques : « Viens, ma colombe, mon immaculée ; déjà l’hiver est passé, la pluie a cessé ; » et il ajoute : « Viens du Liban, viens, tu seras couronnée. »
R/. Moi je suis sortie de la bouche du Très-Haut, engendrée la première avant toute créature ; moi j’ai fait naître dans les cieux une lumière à jamais durable. * Les abîmes n’étaient pas encore et moi déjà j’avais été conçue. V/. Car Dieu m’a créée dans la justice, il m’a prise par la main et m’a gardée. * Les.
Cinquième leçon. C’est donc bien justement qu’on l’invite à venir du Liban, parce que Liban s’interprète : blancheur éclatante. Elle était éclatante de mérites et de vertus sans nombre, plus blanche que la neige la plus pure. Comblée des dons du Saint-Esprit, elle offre en tout la simplicité de la colombe, parce que tout ce qui s’accomplit en elle est pureté et simplicité, tout est vérité et grâce, tout est miséricorde et justice, de cette justice qui vient du ciel ; et elle est immaculée, parce qu’il n’y a en elle aucune souillure. Elle a conçu, en effet, un homme dans son sein, comme l’atteste Jérémie, sans rien perdre de sa virginité. « Le Seigneur, dit ce Prophète, a créé un nouveau prodige sur la terre : une femme environnera un homme. » Nouveauté vraiment inouïe, nouveauté des vertus, excellente entre toutes les nouveautés : Dieu, que le monde ne saurait contenir, que nul ne peut voir sans mourir, entre dans le sein d’une vierge comme dans un saint asile, sans être prisonnier dans ce corps, et cependant il s’y renferme tout entier, et il en sort, comme le dit Ézéchiel, les portes fermées. Aussi est-il chanté dans le Cantique au sujet de Marie : « Jardin fermé, fontaine scellée, source des délices du paradis. » Véritable jardin de délices, qui réunit toutes les espèces de fleurs et tous les parfums des vertus : si bien fermé que ni la violence ni la ruse ne peuvent en forcer l’entrée ; fontaine scellée du sceau de toute la Trinité.
R/. Rien de souillé n’entre en elle : * Car elle est l’éclat de la lumière éternelle et un miroir sans tache. V/. Elle est plus belle que le soleil ; comparée à la lumière, elle se trouve plus pure. * Car.
Des Actes du Pape Pie IX.
Sixième leçon. Or, la victoire de la Vierge, Mère de Dieu, remportée sur le très cruel ennemi du genre humain, cette victoire que les divines Écritures, la tradition la plus vénérable, le sentiment perpétuel de l’Église, l’accord singulier des Évêques et des fidèles, les actes insignes des souverains Pontifes, aussi bien que leurs constitutions avaient déjà merveilleusement célébrée, Pie IX, Pontife suprême, déférant au vœu de toute l’Église, résolut de la proclamer solennellement par un oracle souverain et infaillible. C’est pourquoi le six des ides de décembre de l’année 1854, dans la basilique du Vatican, au milieu d’une immense assemblée de Pères de la sainte Église romaine, de Cardinaux et d’Évêques venus même des contrées les plus lointaines, le Pape, aux applaudissements de l’univers entier, proclama et définit solennellement que la doctrine qui tient la bienheureuse Vierge Marie pure et préservée de toute tache de la faute originelle, dès le premier instant de sa Conception, par un privilège et un don singulier de la faveur divine, a été révélée de Dieu, et doit, par conséquent, être crue fermement et invariablement par tous les fidèles.
R/. Un grand prodige parut dans le ciel : Une femme revêtue du soleil, ayant la lune sous ses pieds, * Et sur sa tête une couronne de douze étoiles. V/. Le Seigneur l’a revêtue des vêtements du salut, et du manteau de la justice, et, comme une épouse, il l’a ornée de colliers. * Et. Gloire au Père. * Et.
AU TROISIÈME NOCTURNE.
Ant. 7 La sainteté et la magnificence * éclatent dans sa Conception ; annoncez parmi tous les peuples sa gloire.
Ant. 8 Réjouissez-vous tous * dans le Seigneur, et célébrez la mémoire de sa sanctification.
Ant. 9 Il a fait connaître * son œuvre, le Seigneur ; en présence des nations, il a revête la gloire de sa Mère.
V/. Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez protégée.
R/. Et que vous n’avez pas réjoui mes ennemis à mon sujet.
Lecture du saint Évangile selon saint Luc.
En ce temps-là : L’Ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée appelée Nazareth, à une vierge qu’avait épousée un homme nommé Joseph, de la maison de David, et le nom de la vierge était Marie. Et le reste.
Homélie de saint Germain, Évêque.
Septième leçon. Je vous salue, Marie, pleine de grâce, plus sainte que les Saints, plus élevée que les cieux, plus glorieuse que les Chérubins, plus digne d’honneur que les Séraphins, et vénérable au-dessus de toute créature. Salut, ô colombe, qui nous apportez le fruit de l’olivier et nous annoncez Celui par qui nous sommes préservés du déluge spirituel, et qui est le port du salut ; vous dont les ailes ont la blancheur de l’argent et dont le dos brille de l’éclat de l’or et des rayons de l’Esprit très saint et illuminateur. Salut, paradis de Dieu, jardin raisonnable et très agréable, planté aujourd’hui à l’Orient par la main toute bienveillante et toute puissante de ce même Dieu, exhalant pour lui l’odeur suave du lis, et produisant la rosé d’une inaltérable beauté pour la guérison de ceux qui avaient, du côté de l’Occident, bu jusqu’à la lie l’amertume d’une mort désastreuse et funeste à l’âme ; paradis, dans lequel l’arbre de vie fleurit pour la connaissance de la vérité, donnant l’immortalité à ceux qui goûtent de son fruit. Salut, édifice sacrosaint, immaculé, palais très pur de Dieu le souverain Roi, orné tout autour par la magnificence de ce même Roi divin. Ce palais offre à tous l’hospitalité, et les réconforte par de mystérieuses délices ; dans son enceinte se trouve la couche nuptiale de l’Époux spirituel, elle n’a pas été faite à la main et elle brillé d’ornements divers ; c’est là que le Verbe, voulant rappeler dans la voie droite l’humanité errante, s’est uni la chair, afin de réconcilier avec son Père, ceux qui s’étaient exilés par l’effet de leur propre volonté.
R/. C’est un jardin fermé que ma sœur, mon épouse, un jardin fermé, une fontaine scellée. * De vous sont nées les délices du paradis, ô Marie. V/. Ouvre-moi, ma sœur, mon amie, ma colombe, mon immaculée. * De vous.
Huitième leçon. Salut, montagne de Dieu très fertile et ombragée, sur laquelle a été nourri l’agneau plein de sagesse qui a porté nos péchés et nos infirmités ; montagne d’où a roulé, sans qu’aucune main la détachât, cette pierre qui a brisé les autels des idoles et qui « est devenue le sommet de l’angle : fait admirable à nos yeux. » Salut, trône sacré de Dieu, autel divin, maison de gloire, ornement d’une beauté incomparable, trésor choisi, propitiatoire de tout l’univers, ciel qui raconte la gloire de Dieu. Salut, vase formé d’un or pur, contenant le plus suave attrait de nos âmes : le Christ, qui est la manne véritable. O Vierge très pure et très digne de toute louange comme de tout respect, temple consacré à Dieu et surpassant en excellence toute créature, terre intacte, champ fécond sans culture, vigne entièrement fleurie, fontaine répandant des eaux abondantes, vierge féconde et mère sans union, trésor caché d’innocence et beauté toute sainte, intercédez pour nous auprès de celui qui est à la fois votre Fils (né de vous, sans avoir de père terrestre) et le Seigneur notre Dieu, Créateur de toutes choses. Daignez, par vos prières toujours agréées et douées de la puissance qui donne l’autorité maternelle, prendre en main le gouvernement de l’ordre ecclésiastique et nous conduire au port tranquille.
R/. Mon âme glorifie le Seigneur. * Car celui qui est puissant m’a fait de grandes choses, et son nom est saint. V/. Voici que désormais toutes les nations me diront bienheureuse. * Car. Gloire au Père. * Car.
Neuvième leçon. O Marie, revêtez les prêtres de justice, inspirez-leur les pieux transports d’une foi éprouvée, pure et sincère. Quant aux princes orthodoxes dont vous êtes, de préférence à l’éclat de la pourpre et de l’or, aux perles et aux pierres précieuses, le diadème, le manteau royal, la gloire la plus solide, dirigez-les dans la tranquillité et la paix. Abattez et soumettez-leur les nations infidèles, qui blasphèment contre vous et contre le Dieu né de vous. Affermissez leurs peuples dans la foi, afin qu’ils persévèrent, selon le précepte de Dieu, dans l’obéissance et dans une douce dépendance. Couronnez de l’honneur de la victoire cette cité qui vous est consacrée, et pour laquelle vous êtes comme une tour et un fondement ; gardez, en l’environnant de force, l’habitation de Dieu ; conservez toujours la beauté du temple. Délivrez de tout danger et de toute angoisse ceux qui vous louent ; donnez la liberté aux captifs, un asile .aux voyageurs, et soyez la consolation des malheureux, quel que soit le secours dont ils sont dépourvus. Tendez à l’univers entier votre main secourable, afin que nous célébrions vos fêtes dans la joie et l’allégresse, et que toutes se terminent comme celle que nous venons de solenniser, en nous laissant des fruits éclatants de salut, en Jésus-Christ, Roi de tous et notre vrai Dieu, à qui soient gloire et puissance, avec Dieu le Père, le saint principe de sa vie, et l’Esprit coéternel, consubstantiel et corégnant, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Enfin, l’aurore du Soleil tant désiré brille aux extrémités du ciel, tendre et radieuse. L’heureuse Mère du Messie devait naître avant le Messie lui-même ; et ce jour est celui de la Conception de Marie. La terre possède déjà un premier gage des célestes miséricordes ; le Fils de l’homme est à la porte. Deux vrais Israélites, Joachim et Anne, nobles rejetons de la famille de David, voient enfin, après une longue stérilité, leur union rendue féconde par la toute-puissance divine. Gloire au Seigneur qui s’est souvenu de ses promesses, et qui daigne, du haut du ciel, annoncer la fin du déluge de l’iniquité, en envoyant à la terre la blanche et douce colombe qui porte la nouvelle de paix !
La fête de l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge est la plus solennelle de toutes celles que l’Église célèbre au saint temps de l’Avent ; et s’il était nécessaire que la première partie du Cycle présentât la commémoration de quelqu’un des Mystères de Marie, il n’en est aucun dont l’objet pût offrir de plus touchantes harmonies avec les pieuses préoccupations de l’Église en cette mystique saison de l’attente. Célébrons donc avec joie cette solennité ; car la Conception de Marie présage la prochaine Naissance de Jésus.
L’intention de l’Église, dans cette fête, n’est pas seulement de célébrer l’anniversaire de l’instant fortuné auquel commença, au sein de la pieuse Anne, la vie de la très glorieuse Vierge Marie ; mais encore d’honorer le sublime privilège en vertu duquel Marie a été préservée de la tache originelle que, par un décret souverain et universel, tous les enfants d’Adam contractent au moment même où ils sont conçus dans le sein de leurs mères. La foi de l’Église catholique que nous avons entendu solennellement reconnaître comme révélée de Dieu même, au jour à jamais mémorable du huit Décembre 1854, cette foi qu’a proclamée l’oracle apostolique, par la bouche de Pie IX, aux acclamations de la chrétienté tout entière, nous enseigne qu’au moment où Dieu a uni l’âme de Marie qu’il venait de créer au corps qu’elle devait animer, cette âme à jamais bénie, non seulement n’a pas contracté la souillure qui envahit à ce moment toute âme humaine, mais qu’elle a été remplie d’une grâce immense qui l’a rendue, dès ce moment, le miroir de la sainteté de Dieu même, autant qu’il est possible à un être créé.
Une telle suspension de la loi portée par la justice divine contre toute la postérité de nos premiers parents était motivée par le respect que Dieu porte à sa propre sainteté. Les rapports que Marie devait avoir avec la divinité même, étant non seulement la Fille du Père céleste, mais appelée à devenir la propre Mère du Fils, et le Sanctuaire ineffable de l’Esprit-Saint, ces rapports exigeaient que rien de souillé ne se rencontrât, même un seul instant, dans la créature prédestinée à de si étroites relations avec l’adorable Trinité ; qu’aucune ombre n’eût jamais obscurci en Marie la pureté parfaite que le Dieu souverainement saint veut trouver même dans les êtres qu’il appelle à jouir au ciel de sa simple vue ; en un mot, comme le dit le grand Docteur saint Anselme : « Il était juste qu’elle fût ornée d’une pureté au-dessus de laquelle on n’en puisse concevoir de plus grande que celle de Dieu même, cette Vierge à qui Dieu le Père devait donner son Fils d’une manière si particulière que ce Fils deviendrait par nature le Fils commun et unique de Dieu et de la Vierge ; cette Vierge que le Fils devait élire pour en faire substantiellement sa Mère, et au sein de laquelle l’Esprit-Saint voulait opérer la conception et la naissance de Celui dont il procédait lui-même. » (De Conceptu Virginali. Cap. XVIII.)
En même temps, les relations que le Fils de Dieu avait à contracter avec Marie, relations ineffables de tendresse et de déférence filiales, avant été éternellement présentes à sa pensée, elles obligent à conclure que le Verbe divin a ressenti pour cette Mère qu’il devait avoir dans le temps, un amour d’une nature infiniment supérieure à celui qu’il éprouvait pour tous les êtres créés par sa puissance. L’honneur de Marie lui a été cher au-dessus de tout, parce qu’elle devait être sa Mère, qu’elle l’était même déjà dans ses éternels et miséricordieux desseins. L’amour du Fils a donc protégé la Mère ; et si celle-ci, dans son humilité sublime, n’a repoussé aucune des conditions auxquelles sont soumises toutes les créatures de Dieu, aucune des exigences même de la loi de Moïse qui n’avait pas été portée pour elle, la main du Fils divin a abaissé pour elle l’humiliante barrière qui arrête tout enfant d’Adam venant en ce monde, et lui ferme le sentier de la lumière et de la grâce jusqu’à ce qu’il ait été régénéré dans une nouvelle naissance.
Le Père céleste ne pouvait pas faire moins pour la nouvelle Ève qu’il n’avait fait pour l’ancienne, qui fut établie tout d’abord, ainsi que le premier homme, dans l’état de sainteté originelle où elle ne sut pas se maintenir. Le Fils de Dieu ne devait pas souffrir que la femme à laquelle il emprunterait sa nature humaine eût à envier quelque chose à celle qui a été la mère de prévarication. L’Esprit-Saint, qui devait la couvrir de son ombre et la rendre féconde par sa divine opération, ne pouvait pas permettre que sa Bien-Aimée fût un seul instant maculée de la tache honteuse avec laquelle nous sommes conçus. La sentence est universelle ; mais une Mère de Dieu devait en être exempte. Dieu auteur de la loi, Dieu qui a posé librement cette loi, n’était-il pas le maître d’en affranchir celle qu’il avait destinée à lui être unie en tant de manières ? Il le pouvait, il le devait : il l’a donc fait.
Et n’était-ce pas cette glorieuse exception qu’il annonçait lui-même au moment où comparurent devant sa majesté offensée les deux prévaricateurs dont nous sommes tous issus ? La promesse miséricordieuse descendait sur nous dans l’anathème qui tombait sur le serpent. « J’établirai moi-même, disait le Seigneur, une inimitié entre toi et la femme, entre ta race et son fruit ; et elle-même t’écrasera la tête. » Ainsi, le salut était annoncé à la famille humaine sous la forme d’une victoire contre Satan ; et cette victoire, c’est la Femme qui la devait remporter pour nous tous. Et que l’on ne dise pas que ce sera le fils de la femme qui la remportera seul, cette victoire : le Seigneur nous dit que l’inimitié de la femme contre le serpent sera personnelle, et que, de son pied vainqueur, elle brisera la tête de l’odieux reptile ; en un mot, que la nouvelle Ève sera digne du nouvel Adam, triomphante comme lui ; que la race humaine un jour sera vengée, non seulement parle Dieu fait homme, mais aussi par la Femme miraculeusement soustraite à toute atteinte du péché ; en sorte que la création primitive dans la sainteté et la justice (Ephes. 4, 24) reparaîtra en elle, comme si la faute primitive n’avait pas été commise.
Relevez donc la tête, enfants d’Adam, et secouez vos chaînes. Aujourd’hui, l’humiliation qui pesait sur vous est anéantie. Voici que Marie, qui est votre chair et votre sang, a vu reculer devant elle le torrent du péché qui entraîne toutes les générations : le souffle du dragon infernal s’est détourné pour ne pas la flétrir ; la dignité première de votre origine est rétablie en elle. Saluez donc ce jour fortuné où la pureté première de votre sang est renouvelée : la nouvelle Ève est produite ; et de son sang qui est aussi le vôtre, moins le péché, elle va vous donner, sous peu d’heures, le Dieu-homme qui procède d’elle selon la chair, comme il sort de son Père par une génération éternelle.
Et comment n’admirerions-nous pas la pureté incomparable de Marie dans sa conception immaculée, lorsque nous entendons, dans le divin Cantique, le Dieu même qui l’a ainsi préparée pour être sa Mère, lui dire avec l’accent d’une complaisance toute d’amour : « Vous êtes toute belle, ma bien-aimée, et il n’y a en vous aucune tache ? » (Cant. 4, 7.) C’est le Dieu de toute sainteté qui parle ; son œil qui pénètre tout ne découvre en Marie aucune trace, aucune cicatrice du péché ; voilà pourquoi il se conjoint avec elle, et la félicite du don qu’il a daigné lui faire. Après cela, nous étonnerons-nous que Gabriel, descendu des cieux pour lui apporter le divin message, soit saisi d’admiration à la vue de cette pureté dont le point de départ a été si glorieux et les accroissements sans limites ; qu’il s’incline profondément devant une telle merveille, et qu’il dise : « Salut, ô Marie, pleine de grâce ! » Gabriel mène sa vie immortelle au centre de toutes les magnificences de la création, de toutes les richesses du ciel ; il est le frère des Chérubins et des Séraphins, des Trônes et des Dominations ; son regard parcourt éternellement ces neuf hiérarchies angéliques où la lumière et la sainteté resplendissent souverainement, croissant toujours de degré en degré ; mais voici qu’il a rencontré sur la terre, dans une créature d’un rang inférieur aux Anges, la plénitude de la grâce, de cette grâce qui n’a été donnée qu’avec mesure aux Esprits célestes, et qui repose en Marie depuis le premier instant de sa création. C’est la future Mère de Dieu toujours sainte, toujours pure, toujours immaculée.
Cette vérité révélée aux Apôtres par le divin Fils de Marie, recueillie dans l’Église, enseignée par les saints Docteurs, crue avec une fidélité toujours plus grande par le peuple chrétien, était contenue dans la notion même d’une Mère de Dieu. Croire Marie Mère de Dieu, c’était déjà croire implicitement que celle en qui devait se réaliser ce titre sublime n’avait jamais rien eu de commun avec le péché, et que nulle exception n’avait pu coûter à Dieu pour l’en préserver. Mais désormais l’honneur de Marie est appuyé sur la sentence explicite qu’a dictée l’Esprit-Saint. Pierre a parlé par la bouche de Pie IX ; et lorsque Pierre a parlé, tout fidèle doit croire ; car le Fils de Dieu a dit : « J’ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille jamais » (Luc. 27, 32) ; et il a dit aussi : « Je vous enverrai l’Esprit de vérité qui demeurera avec vous à jamais, et vous fera souci venir de tout ce que je vous avais enseigné. » (Jean. 14, 20.)
Le symbole de notre foi a donc acquis, non une vérité nouvelle, mais une nouvelle lumière sur la vérité qui était auparavant l’objet de la croyance universelle. En ce jour, le serpent infernal a senti de nouveau la pression victorieuse du pied de la Vierge-mère, et le Seigneur a daigné nous donner le gage le plus signalé de ses miséricordes. Il aime encore cette terre coupable ; car il a daigné l’éclairer tout entière d’un des plus beaux rayons de la gloire de sa Mère. N’a-t-elle pas tressailli, cette terre ? N’a-t-elle pas ressenti à ce moment un enthousiasme que notre génération n’oubliera jamais ? Quelque chose de grand s’accomplissait à cette moitié du siècle ; et nous attendrons désormais les temps avec plus de confiance, puisque si l’Esprit-Saint nous avertit de craindre pour les jours où les vérités diminuent chez les enfants des hommes, il nous dit assez par là que nous devons regarder comme heureux les jours où les vérités croissent pour nous en lumière et en autorité.
En attendant l’heure de la proclamation solennelle du grand dogme, la sainte Église le confessait chaque année, en célébrant la fête d’aujourd’hui. Cette fête n’était pas appelée, il est vrai, la Conception immaculée, mais simplement la Conception de Marie. Toutefois, le fait de son institution et de sa célébration exprimait déjà suffisamment la croyance de la chrétienté. Saint Bernard et l’Angélique Docteur saint Thomas s’accordent à enseigner que l’Église ne peut pas célébrer la fête de ce qui n’est pas saint ; la Conception de Marie fut donc sainte et immaculée, puisque l’Église, depuis tant de siècles, l’honore d’une fête spéciale. La Nativité de Marie est l’objet d’une solennité dans l’Église, parce que Marie naquit pleine de grâce ; si donc le premier instant de son existence eût été marqué par la flétrissure commune, sa Conception n’aurait pu être l’objet d’un culte. Or, il est peu de fêtes plus générales et mieux établies dans l’Église que celle que nous célébrons aujourd’hui.
L’Église grecque, héritière plus prochaine des pieuses traditions de l’Orient, la célébrait déjà au VIe siècle, comme on le voit par le Type ou cérémonial de saint Sabbas. En Occident nous la trouvons établie dès le VIIIe siècle, dans l’Église gothique d’Espagne. Un célèbre calendrier gravé sur le marbre, au IXe siècle, pour l’usage de l’Église de Naples, nous la montre déjà instituée à cette époque. Paul Diacre, secrétaire de Charlemagne, puis moine au Mont-Cassin, célébrait le mystère de l’Immaculée-Conception dans une Hymne remarquable. En 1066, la fête s’établissait en Angleterre à la suite d’un prodige opéré sur mer en faveur du pieux abbé Helsin, et bientôt elle s’étendait dans cette île par les soins du grand saint Anselme, moine et archevêque de Cantorbéry ; delà elle passait en Normandie, et prenait possession du sol français. Nous la trouvons en Allemagne sanctionnée dans un concile présidé, en 1049, par saint Léon IX ; dans la Navarre, en 1090, à l’abbaye d’Irach ; en Belgique, à Liège, en 1142. C’est ainsi que toutes les Églises de l’Occident rendaient tour à tour témoignage au mystère, en acceptant la fête qui l’exprimait.
Enfin, l’Église de Rome l’adopta elle-même, et par son concours vint rendre plus imposant encore ce concert de toutes les Églises. Ce fut Sixte IV qui, en 1476, rendit le décret qui instituait la fête de la Conception de Notre-Dame dans la ville de saint Pierre. Au siècle suivant, en 1568, saint Pie V publiait l’édition universelle du Bréviaire Romain ; on y voyait cette fête inscrite au calendrier, comme l’une des solennités chrétiennes qui doivent chaque année réunir les vœux des fidèles. Rome n’avait pas déterminé le mouvement de la piété catholique envers le mystère ; elle le sanctionnait de son autorité liturgique, comme elle l’a confirmé, dans ces derniers temps, de son autorité doctrinale.
Les trois grands États de l’Europe catholique, l’Empire d’Allemagne, la France et l’Espagne, se signalèrent, chacun à sa manière, par les manifestations de leur piété envers Marie immaculée dans sa Conception. La France, par l’entremise de Louis XIV, obtint de Clément IX que la fête serait célébrée avec Octave dans le royaume : faveur qui fut bientôt étendue à l’Église universelle par Innocent XII. Déjà, depuis des siècles, la Faculté de théologie de Paris astreignait tous ses Docteurs à prêter serment de soutenir le privilège de Marie, et elle maintint cette pieuse pratique jusqu’à son dernier jour.
L’empereur Ferdinand III, en 1647, fit élever sur la grande place de Vienne une splendide colonne couverte d’emblèmes et de figures qui sont autant de symboles de la victoire que Marie a remportée sur le péché, et surmontée de la statue de notre Reine immaculée.
L’Espagne dépassa tous les États catholiques par son zèle pour le privilège de Marie. Dès l’année 1398, Jean Ier, roi d’Aragon, donnait une charte solennelle pour mettre sa personne et son royaume sous la protection de Marie conçue sans péché. Plus tard, les rois Philippe III et Philippe IV faisaient partir pour Rome des ambassades qui sollicitaient en leur nom la solennelle décision que le ciel, dans sa miséricorde, avait réservée pour nos temps. Charles III, au siècle dernier, obtenait de Clément XIII que la Conception immaculée devînt la fête patronale des Espagnes. Les habitants du royaume Catholique inscrivaient sur la porte ou sur la façade de leurs maisons la louange du privilège de Marie ; ils se saluaient en le prononçant dans une formule touchante. Marie de Jésus, abbesse du monastère de l’Immaculée-Conception d’Agréda, écrivait son livre de la Cité mystique de Dieu, dans lequel Murillo s’inspirait pour produire le chef-d’œuvre de la peinture espagnole.
Mais il ne serait pas juste d’omettre, dans cette énumération des hommages rendus à Marie immaculée, la part immense qu’a eue l’Ordre Séraphique au triomphe terrestre de cette auguste Souveraine de la terre et des cieux. Le pieux et profond docteur Jean Duns Scot, qui le premier sut assigner au dogme de la Conception immaculée le rang qu’il occupe dans la divine théorie de l’Incarnation du Verbe, ne mérite-t-il pas d’être nommé aujourd’hui avec l’honneur qui lui est dû ? Et toute l’Église n’a-t-elle pas applaudi à l’audience sublime que reçut du Pontife la grande famille des Frères-Mineurs, au moment où toutes les pompes de la solennelle proclamation du dogme paraissant accomplies, Pie IX y mit le dernier sceau en acceptant des mains de l’Ordre de Saint-François l’hommage touchant et les actions de grâces que lui offrait l’École scotiste, après quatre siècles de savants travaux en faveur du privilège de Marie ? En présence de cinquante-quatre Cardinaux, de quarante-deux Archevêques et de quatre-vingt-douze Évêques, sous les regards d’un peuple immense qui remplissait le plus vaste temple de l’univers, et avait joint sa voix pour implorer la présence de l’Esprit de vérité, le Vicaire du Christ venait de prononcer l’oracle attendu depuis des siècles ; le divin Sacrifice avait été offert par lui sur la Confession de saint Pierre ; la main du Pontife avait orné d’un splendide diadème l’image de la Reine immaculée ; porté sur son trône aérien et le front ceint de la triple couronne, il était arrivé près du portique de la basilique. Là, prosternés à ses pieds, les deux représentants du Patriarche Séraphique arrêtèrent sa marche triomphale. L’un présentait une branche de lis en argent : c’était le Général des Frères-Mineurs de l’Observance ; une tige de rosier chargée de ses fleurs, de même métal, brillait aux mains du second : c’était le Général des Frères-Mineurs Conventuels. Lis et roses, fleurs de Marie, pureté et amour symbolisés dans cette offrande que rehaussait la blancheur de l’argent, pour rappeler le doux éclat de l’astre sur lequel se réfléchit la lumière du soleil : car Marie « est belle comme la lune », nous dit le divin Cantique (4, 9). Le Pontife ému daigna accepter le don de la famille Franciscaine, de qui l’on pouvait dire en ce jour, comme de l’étendard de notre héroïne française, « qu’ayant été à la lutte, il était juste qu’elle fût aussi au triomphe. » Et ainsi se terminèrent les pompes si imposantes de cette grande matinée du huit décembre 1854.
C’est ainsi que vous avez été glorifiée sur la terre en votre Conception Immaculée, ô vous la plus humble des créatures ! Mais comment les hommes ne mettraient-ils pas toute leur joie à vous honorer, divine aurore du Soleil de justice ? Ne leur apportez-vous pas, en ces jours, la nouvelle de leur salut ? N’êtes-vous pas, ô Marie, cette radieuse espérance qui vient tout d’un coup briller au sein même de l’abîme de la désolation ? Qu’allions-nous devenir sans le Christ qui vient nous sauver ? Et vous êtes sa Mère à jamais chérie, la plus sainte des créatures de Dieu, la plus pure des vierges, la plus aimante des mères !
O Marie ! Que votre douce lumière réjouit délicieusement nos yeux fatigués ! De génération en génération, les hommes se succédaient sur la terre ; ils regardaient le ciel avec inquiétude, espérant à chaque instant voir poindre à l’horizon l’astre qui devait les arracher à l’horreur des ténèbres ; mais la mort avait fermé leurs yeux, avant qu’ils eussent pu seulement entrevoir l’objet de leurs désirs. Il nous était réservé de voir votre lever radieux, ô brillante Etoile du matin ! Vous dont les rayons bénis se réfléchissent sur les ondes de la mer, et lui apportent le calme après une nuit d’orages ! Oh ! Préparez nos yeux à contempler l’éclat vainqueur du divin Soleil qui marche à votre suite. Préparez nos cœurs ; car c’est à nos cœurs qu’il veut se révéler. Mais, pour mériter de le voir, il est nécessaire que nos cœurs soient purs ; purifiez-les, ô vous, l’Immaculée, la très pure ! Entre toutes les fêtes que l’Église a consacrées à votre honneur, la divine Sagesse a voulu que celle de votre Conception sans tache se célébrât dans ces jours de l’A vent, afin que les enfants de l’Église, songeant avec quelle divine jalousie le Seigneur a pris soin d’éloigner de vous tout contact du péché, par honneur pour Celui dont vous deviez être la Mère, ils se préparassent eux-mêmes à le recevoir par le renoncement absolu à tout ce qui est péché et affection au péché. Aidez-nous, ô Marie ! à opérer ce grand changement. Détruisez en nous, par votre Conception Immaculée, les racines de la cupidité, éteignez les flammes de la volupté, abaissez les hauteurs de la superbe. Souvenez-vous que Dieu ne vous a choisie pour son habitation, qu’afin de venir ensuite faire sa demeure en chacun de nous.
O Marie ! Arche d’alliance, formée d’un bois incorruptible, revêtue de l’or le plus pur, aidez-nous à correspondre aux desseins ineffables du Dieu qui, après s’être glorifié dans votre pureté incomparable, veut maintenant se glorifier dans notre indignité, et ne nous a arrachés au démon que pour faire de nous son temple et sa demeure la plus chère Venez à notre aide, ô vous qui, par la miséricorde de votre Fils, n’avez jamais connu le péché ! et recevez en ce jour nos hommages. Car vous êtes l’Arche de Salut qui surnage seule sur les eaux du déluge universel ; la blanche Toison rafraîchie par la rosée du ciel, pendant que la terre entière demeure dans la sécheresse ; la Flamme que les grandes eaux n’ont pu éteindre ; le Lis qui fleurit entre les épines ; le Jardin fermé au serpent infernal ; la Fontaine scellée, dont la limpidité ne fut jamais troublée ; la Maison du Seigneur, sur laquelle ses yeux sont ouverts sans cesse, et dans laquelle rien de souillé ne doit jamais entrer ; la Cité mystique dont on raconte tant de merveilles (Ps. 86). Nous nous plaisons à redire vos titres d’honneur, ô Marie ! Car nous vous aimons ; et la gloire de la Mère est celle des enfants. Continuez de bénir et de protéger ceux qui honorent votre auguste privilège, vous qui êtes conçue en ce jour ; et bientôt naissez, concevez l’Emmanuel, enfantez-le et montrez-le à notre amour.
L’Introït est un chant d’actions de grâces emprunté à Isaïe et à David. Marie célèbre les dons supérieurs dont Dieu l’a honorée et la victoire qu’il lui a donnée sur l’enfer.
La Collecte présente l’application morale du mystère. Marie a été préservée de la tache originelle, parce qu’elle devait être l’habitation du Dieu trois fois Saint. Que cette pensée nous engage à recourir à la bonté divine pour en obtenir la purification de nos âmes. L’Apôtre nous enseigne que Jésus, notre Emmanuel, est le premier-né de toute créature. (Coloss. 1, 15). Ce mot profond signifie non seulement qu’il est, en tant que Dieu, éternellement engendré du Père ; mais il exprime encore que le Verbe divin, en tant qu’homme, est antérieur à tous les êtres créés. Cependant ce monde était sorti du néant, le genre humain habitait cette terre depuis déjà quatre mille ans, lorsque le Fils de Dieu s’unit à une nature créée. C’est donc dans l’intention éternelle de Dieu, et non dans l’ordre des temps, qu’il faut chercher cette antériorité de l’Homme-Dieu sur toute créature. Le Tout-Puissant a d’abord résolu de donner à son Fils éternel une nature créée, la nature humaine, et, par suite de cette résolution, de créer pour être le domaine de cet Homme-Dieu, tous les êtres spirituels et corporels. Voilà pourquoi la divine Sagesse, le Fils de Dieu, dans le passage de l’Écriture que l’Église nous propose aujourd’hui et que nous venons de lire, insiste sur sa préexistence à toutes les créatures qui forment cet univers. Comme Dieu, il est engendré de toute éternité au sein de son Pète ; comme homme, il était dans la pensée de Dieu le type de toutes les créatures, avant qu’elles fussent sorties du néant. Mais le Fils de Dieu, pour être un homme de notre filiation, ainsi que l’exigeait le décret divin, devait naître dans le temps, et naître d’une Mère : cette Mère a donc été présente éternellement à la pensée de Dieu comme le moyen par lequel le Verbe prendrait la nature humaine ; le Fils et la Mère sont donc unis dans le même plan de l’Incarnation ; Marie était donc présente comme Jésus dans le décret divin, avant que la création sortît du néant. Voilà pourquoi, dès les premiers siècles du christianisme, la sainte Église a reconnu la voix de la Mère unie à celle du Fils dans ce sublime passage du livre sacré, et a voulu qu’on le lût dans l’assemblée des fidèles, ainsi que les autres passages analogues de l’Écriture, aux solennités de la Mère de Dieu. Mais si Marie importe à ce degré dans le plan éternel ; si, comme son fils, elle est, en un sens, avant toute créature, Dieu pouvait-il permettre qu’elle fût sujette à la flétrissure originelle encourue par la race humaine ? Sans doute, elle ne naîtrait qu’à son tour, ainsi que son fils, dans le temps marqué ; mais la grâce détournerait le cours du torrent qui entraîne tous lès hommes, afin qu’elle n’en fût pas même touchée, et qu’elle transmît à son fils qui devait être aussi le Fils de Dieu, l’être humain primitif qui fut créé dans la sainteté et dans la justice.
Le Graduel est formé des éloges que les anciens de Béthulie adressèrent à Judith, après qu’elle eut frappé l’ennemi de son peuple. Judith est un des types de Marie qui a brisé la tête du serpent. Le Verset alléluiatique applique à Marie les paroles du divin Cantique où l’Épouse de Dieu est déclarée toute belle et sans tache.
« En ce temps-là, l’Ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée appelée Nazareth , à une Vierge mariée à un homme de la maison de David, nommé Joseph, et le nom de la Vierge était Marie. Et l’Ange étant entré où elle était, lui dit : Salut, ô pleine de grâce ! Le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes. » : Telle est la salutation qu’apporte à Marie l’Archange descendu du ciel. Tout y respire l’admiration et le plus humble respect. Le saint Évangile nous dit qu’à ces paroles la Vierge se sentit troublée, et qu’elle se demandait à elle-même ce que pouvait signifier une telle salutation. Les saintes Écritures en reproduisent plusieurs autres, et, comme le remarquent les Pères, saint Ambroise, saint André de Crète, à la suite d’Origène, il n’en est pas une seule qui contienne de tels éloges. La Vierge prudente dut donc s’étonner d’être le sujet d’un langage si flatteur, et ainsi que le remarquent les auteurs de l’antiquité, elle dut penser au colloque du jardin entre Ève et le serpent. Elle se retrancha donc dans le silence, et attendit, pour répondre, que l’Archange eût parlé une seconde fois.
Néanmoins Gabriel avait parlé non seulement avec toute l’éloquence, mais avec toute la profondeur d’un Esprit céleste initié aux pensées divines ; et, dans son langage surhumain, il annonçait que le moment était venu où Ève se transformait en Marie. Une femme était devant lui, destinée aux plus sublimes grandeurs, une future Mère de Dieu ; mais, à cet instant solennel, Marie n’était encore qu’une fille des hommes. Or, dans ce premier état, mesurez la sainteté de Marie telle que Gabriel la décrit ; vous comprendrez alors que l’oracle divin du paradis terrestre a déjà reçu en elle son accomplissement.
L’Archange la proclame pleine de grâce. Qu’est-ce à dire ? Sinon que la seconde femme possède en elle l’élément dont le péché priva la première. Et remarquez qu’il ne dit pas seulement que la grâce divine agit en elle, mais qu’elle en est remplie. « Chez d’autres réside la grâce, dit notre saint Pierre Chrysologue, mais en Marie habite la plénitude de la grâce. » En elle tout est resplendissant de la pureté divine, et jamais le péché n’a répandu son ombre sur sa beauté. Voulez-vous connaître la portée de l’expression angélique ? Demandez-la à la langue même dont s’est servi le narrateur sacré d’une telle scène. Les grammairiens nous disent que le mot unique qu’il emploie dépasse encore ce que nous exprimons par « pleine de grâce ». Non seulement il rend l’état présent, mais encore le passé, mais une incorporation native de la grâce, mais son attribution pleine et complète, mais sa permanence totale. Il a fallu affaiblir le terme en le traduisant.
Que si nous cherchons un texte analogue dans les Écritures, afin de pénétrer les termes de la traduction au moyen d’une confrontation, nous pouvons interroger l’Évangéliste saint Jean. Parlant de l’humanité du Verbe incarné, il la caractérise d’un seul mot : il dit qu’elle est « pleine de grâce et de vérité ». Mais cette plénitude serait-elle réelle, si elle eût été précédée d’un moment où le péché tenait la place de la grâce ? Appellera-t-on plein de grâce, celui qui aurait eu besoin d’être purifié ? Sans doute il faut tenir compte respectueusement de la distance qui sépare l’humanité du Verbe incarné de la personne de Marie au sein de laquelle le Fils de Dieu a puisé cette humanité ; mais le texte sacré nous oblige à confesser que la plénitude de la grâce a régné proportionnellement dans l’une et dans l’autre.
Gabriel continue d’énumérer les richesses surnaturelles de Marie. « Le Seigneur est avec vous », lui dit-il. Qu’est-ce à dire ? Sinon qu’avant même d’avoir conçu le Seigneur dans son chaste sein, Marie le possède déjà dans son âme. Or, ces paroles pourraient-elles subsister, s’il fallait entendre que cette société avec Dieu n’a pas été perpétuelle, qu’elle ne s’est établie qu’après l’expulsion du péché ? Qui oserait le dire ? Qui oserait le penser, lorsque le langage de l’Archange est d’une si haute gravité ? Qui ne sent ici le contraste entre Ève que le Seigneur n’habite plus, et la seconde femme qui, l’ayant reçu en elle comme Ève, dès le premier moment de son existence, l’a conserve par sa fidélité, étant demeurée telle qu’elle fut des le commencement ?
Pour mieux saisir encore l’intention du discours de Gabriel qui vient déclarer l’accomplissement de l’oracle divin, et signale ici la femme promise pour être l’instrument de la victoire sur Satan, écoutons les dernières paroles de la salutation. « Vous êtes bénie entre les femmes » : qu’est-ce à dire ? Sinon que depuis quatre mille ans toute femme ayant été sous la malédiction, condamnée à enfanter dans la douleur, voici maintenant l’unique, celle qui a toujours été dans la bénédiction, qui a été l’ennemie constante du serpent, et qui donnera sans douleur le fruit de ses entrailles.
La Conception immaculée de Marie est donc exprimée dans la salutation que lui adresse Gabriel ; et nous comprenons maintenant le motif qui a porté la sainte Église à faire choix de ce passage de l’Évangile, pour le faire lire aujourd’hui dans l’assemblée des fidèles.
Après le chant triomphal du Symbole de la foi, le chœur entonne l’Offertoire ; il est formé des paroles de la Salutation de l’Ange. Disons à Marie avec Gabriel : Vous êtes véritablement pleine de toute grâce.
Ce dogme si consolant de la foi catholique, si glorieux pour Marie et si honorable pour toute la famille humaine, est seulement mystérieusement esquissé dans les Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament. Il fait pourtant partie du divin dépôt de la tradition catholique, et reconnaît dans les liturgies des différentes Églises l’expression et la déclaration la plus autorisée de cette foi elle-même.
L’exemption de la Bienheureuse Vierge Marie du péché originel est affirmée explicitement par le Coran, qui, en cette circonstance, n’est que l’écho de la foi des Églises nestoriennes : Toute créature humaine est touchée à sa naissance par Satan, excepté Marie et son Fils [2]. — Saint Éphrem le Syrien, en un poème de l’an 370, met ces paroles sur les lèvres de l’Église d’Édesse : « Vous et votre Mère êtes les seuls qui, à tout point de vue, soyez entièrement beaux ; puisque en vous, Seigneur, il n’y a aucune tache, et aucune tache n’est dans votre Mère [3]. » Beaucoup d’autres Pères, surtout les Grecs de la première époque patristique, répètent la même pensée relativement à la pureté absolue de la Vierge, quoique le plus grand nombre d’entre eux, plutôt que de poser la question formelle de la Conception comme plus tard la poseront les Scolastiques, la supposent résolue au sens de la définition dogmatique de Pie IX, en tant que l’innocence immaculée qu’ils attribuent à la Mère de Dieu doit être entendue si pleinement qu’elle exclut même la tache de la faute originelle.
Une fête locale en l’honneur de la Conception de Marie le 8 décembre est déjà mentionnée dans un sermon de l’évêque Jean d’Eubée, contemporain de saint Jean Damascène [4]. Environ un siècle plus tard, la solennité avait gagné du terrain et était devenue commune chez les Grecs, comme il résulte d’un discours de l’évêque Georges de Nicomédie sur la Conceptio sanctae Annae [5]. — Les anciens prennent habituellement ce terme au sens actif, en sorte que, dans leurs calendriers, le titre de Conceptio Sanctae Mariae désigne au contraire le jour de l’Incarnation du Sauveur.
La fête de la Conception de sainte Anne, mère de la Mère de Dieu, figure au 9 décembre dans le calendrier connu sous le nom de l’empereur Basile II Porphyrogénète ; elle est également comptée parmi les jours festifs chômés, dans une constitution de Michel Comnène en 1166.
En Occident, la Conceptio sanctæ Annæ figure le 9 décembre dans le célèbre calendrier de marbre de l’Église napolitaine qui remonte au IXe siècle ; la date et le titre révèlent l’influence byzantine, influence qui domina non seulement à Naples, mais aussi dans la Sicile et dans toute l’Italie méridionale, qui, durant de longs siècles, continuèrent à appartenir à l’empire des lointains successeurs de Constantin et de Théodose.
En Normandie, en Angleterre et en Irlande, la fête de la Conception de la Bienheureuse Vierge le 8 décembre avait déjà été accueillie au XIIe siècle avec enthousiasme par plusieurs abbayes et chapitres de chanoines, malgré les protestations de quelques évêques qui y étaient opposés. Comment avait fait la primitive solennité orientale pour arriver des rives du Bosphore en ces lointains pays ? On croit communément que la transmission en est due à l’armée normande, alors que, au XIe siècle, elle envahit le sud de l’Italie et s’y établit. Toutefois la chose n’est pas absolument sûre, bien qu’on doive reconnaître que les premiers documents anglais et irlandais sur la fête de la Conception révèlent évidemment des sources grecques.
Reste à établir le sens primitif de cette solennité de la Conception de sainte Anne, ou de la Mère de Dieu. Aucun document liturgique ancien n’appose jamais, il est vrai, le titre d’immaculée à celui de Conception, pourtant, de ce qui a été exposé ci-dessus, il résulte qu’on devait l’entendre implicitement ; du reste, s’il en avait été autrement, la solennité n’aurait eu aucune signification spéciale. Cela nous est confirmé par la fête byzantine de la conception de saint Jean-Baptiste, laquelle rappelait précisément la sanctification du Précurseur du Christ dans le sein de sa mère.
La liturgie romaine se tint satisfaite, de longs siècles durant, des quatre grandes fêtes byzantines en l’honneur de Marie, sans célébrer aucunement sa Conception. Quand commencèrent en Occident les premières controverses sur le contenu théologique de la solennité, Rome, avant de se prononcer, laissa les champions de la science sacrée se mesurer entre eux : saint Anselme, les chanoines de Lyon, saint Bonaventure et Duns Scot, contre Eadmer, saint Bernard, saint Thomas et les plus célèbres liturgistes du moyen âge.
Quant à l’expansion du dogme catholique de l’Immaculée Conception, il fut d’une si grande importance que l’Ordre récent des Mineurs s’en fit l’apôtre et le défenseur en Europe. Dès 1263, la fête était devenue obligatoire dans tous les couvents franciscains, et l’on doit certainement à leur immense influence et à leur popularité que, dans la trente-sixième session de l’assemblée schismatique de Baie, le 17 septembre 1439, les Pères aient déclaré que cette doctrine trouvait son plein assentiment dans les sources de la révélation catholique.
Avec Sixte IV — un pape franciscain — l’Église romaine fit un pas vraiment décisif. Par une constitution du 27 février 1477 ce Pontife prescrivit la fête et l’office Conceptionis Immaculatae Virginis Mariae à toute la Ville éternelle ; deux ans plus tard il fit construire et doter, dans la basilique vaticane, une chapelle dédiée à la sainte Vierge, sous le même titre de l’Immaculée Conception.
On sait l’attitude favorable du concile de Trente vis-à-vis du dogme de l’Immaculée Conception de Marie ; mais la souveraine circonspection du Saint-Siège laissa passer encore trois siècles avant d’en venir à une décision sans appel de la controverse qui, depuis plus de neuf cents ans, s’agitait entre les plus éminents théologiens d’Europe.
Cette gloire fut accordée par la divine Providence au saint pontife Pie IX, sous lequel furent finalement achevées les longues études des docteurs sur les sources de la doctrine catholique relativement à la conception immaculée de Marie. Le 8 décembre 1854, en présence d’une imposante assemblée de plusieurs centaines d’évêques, le Pape promulgua enfin à Saint-Pierre sa bulle dogmatique Ineffabilis Deus, dans laquelle cette doctrine fut définie comme conforme à la foi catholique, révélée de Dieu, et, par conséquent, devant être crue et tenue fermement par tous les fidèles.
Les Orientaux, chez qui ce dogme trouvait les témoignages les plus anciens et les plus explicites, commencèrent, puisque la promulgation avait été faite par l’évêque exécré de l’antique Rome, à s’en déclarer les adversaires, accusant les papistes de nouveauté ; mais déjà dès le XVIIe siècle, le P. Besson, jésuite, après avoir démontré, par plus de deux cents textes tirés de leurs liturgies, le parfait accord des anciens Pères d’Orient avec les Docteurs latins relativement au dogme de l’Immaculée Conception, avait obtenu des Orientaux une déclaration explicite, écrite et signée par trois patriarches et par un archimandrite. Celle du Chef de l’Église syriaque était ainsi conçue : Ego pauper Ignatius Andréas, Patriarcha Antiochenus nationis Syrorum, confirma hanc sententiam orthodoxam, quatn explanavit P. Ioseph e S. I. dominam nostram Virginem purissimam sanctam Mariam, semper liberam extitisse et immunem a peccato originali, ut explicuerunt antiqui Sancti Patres longe plurimi, magistri Orientalis Ecclesiae.
L’introït est tiré d’Isaïe (61, 10), lequel, au nom d’Israël, se réjouit dans le Seigneur parce qu’il l’a recouvert d’un manteau de salut et de sainteté, comme une épouse parée de ses bijoux. Ce cantique triomphal ne résonne mieux dans aucune bouche mortelle que sur les lèvres immaculées de Marie, qui, pas un seul instant de sa vie, ne fut privée de ce splendide vêtement de salut dont parle ici le Prophète.
La collecte vaut, à elle seule, un concis mais très élégant traité théologique du dogme de l’Immaculée Conception. Le rythme antique qui distinguait les collectes romaines des sacramentaires classiques en a été entièrement banni, mais le rédacteur a voulu avant tout que la legem credendi lex statuat supplicandi, selon la belle expression du pape Célestin Ier. On y enseigne d’abord que le privilège de l’Immaculée Conception de Marie était ordonné, dans les desseins de Dieu, à préparer un tabernacle entièrement saint au Verbe éternel qui, en elle et d’elle, devait se faire chair. On indique ensuite le prix que coûta au Christ ce privilège, c’est-à-dire les mérites de la Passion et de la mort de Jésus prévus, par la Sagesse éternelle de Dieu ; en sorte que le Christ est, et demeure toujours, le Sauveur universel et le Rédempteur de tout le genre humain. Marie, chef-d’œuvre de Dieu, est la première à participer d’une façon absolument spéciale et plus sublime qu’aucun autre mortel, à la grâce de la rédemption. Nous supplions en dernier lieu la clémence divine par l’intercession d’une Créature si noble et si privilégiée, que Dieu ne laissa effleurer par aucun souffle impur, de nous accorder à nous aussi la grâce de la pureté d’esprit, pour arriver à Lui, que seuls ceux qui ont le cœur pur, selon la parole évangélique, méritent de voir.
La lecture est tirée du Livre des Proverbes (8, 22-35) ; au sens littéral, elle doit être entendue de l’Éternelle Sagesse, coéternelle au Père, et par laquelle Dieu tira le monde du néant. Comme hier à la messe vigiliale, aujourd’hui également l’Église adapte à la Vierge Mère ce qui est dit du Verbe éternel de Dieu au Livre de la Sagesse. Après Jésus, en effet, sa Mère bénie, Termine fisse d’eterno consiglio, et chef-d’œuvre de la création est, en raison de sa sublime dignité, la véritable première-née de la famille humaine ; en sorte que vraiment son archétype idéal resplendissait dans l’Esprit du Créateur alors qu’il tirait le monde du néant, et, comme une couronne de gloire, en disposait les mouvements et l’histoire autour de Marie.
Le répons s’inspire du livre de Judith, laquelle, par sa victoire sur le tyran Holopherne, est un des plus beaux symboles de Notre-Dame. Comme l’héroïne de Béthulie, ainsi Marie, par la divine grâce, écrasa la tête de l’orgueilleux dragon infernal et délivra son peuple de la honte de la servitude. Le verset alléluiatique est tiré du Cantique, là où l’Époux exprime toute la complaisance qu’il prend en son Épouse Immaculée, ornée des plus belles vertus. Cette Épouse, comme le dit saint Paul, est l’Église, mais dans la liturgie ce verset s’adapte à la Très Sainte Vierge comme à la plus sublime expression ds la sainteté qui orne l’Épouse mystique du Sauveur. La lecture évangélique tirée de saint Luc (1, 26-28) rapporte le magnifique salut de l’ange Gabriel à la Bienheureuse Vierge. Le texte évangélique, quelque beau qu’il soit, ne nous révèle pas, pris isolément, tous ces abîmes de grâce et de magnificence que nous y apercevons maintenant, après la définition dogmatique de Pie IX, alors que la lumière de la divine tradition de l’Église a fait resplendir dans toute sa plénitude le salut angélique à Marie et nous a permis de scruter une telle profondeur de mystères de sainteté et de grâce que nous ne soupçonnions pas même auparavant. Bénie êtes-vous entre les femmes, c’est-à-dire bénie plus que tous les mortels ; en dehors donc du sort commun des enfants d’Adam, dont la bénédiction est à peine un antidote contre la malédiction jadis héritée d’Ève. Vous, au contraire, vous êtes bénie plus que toutes les créatures, parce que la grâce et la bénédiction qui entourent votre immaculée conception à ce point que le serpent maudit n’a pu la flétrir du souffle empoisonné du péché, fortifient également l’heure suprême de votre pèlerinage terrestre, pour que la corruption n’atteigne pas votre corps très saint qui fut jadis le temple de l’Auteur de la vie.
Le verset de l’offertoire répète le salut angélique à la Vierge et il est à peu près identique à celui du IVe dimanche de l’Avent.
La secrète de ce jour a un sens tout spécial, parce que le sacrifice que nous allons offrir à l’auguste Trinité représente le prix auquel Jésus acquit précisément à sa Bienheureuse Mère le privilège de l’Immaculée Conception. Et, grâces à Dieu, nous sommes frères de Jésus, aussi nous unissons-nous à Lui en un même amour pour Marie sa Mère et la nôtre, et nous présentons avec Lui au Père le fruit de sa passion et sa mort, comme le prix auquel il voulut que fût mérité par la Vierge le privilège commémoré par la liturgie de ce jour.
Selon l’usage romain, on insère dans le texte de la première partie de l’anaphore eucharistique (Préface) la commémoration du mystère célébré aujourd’hui par l’Église : « II est vraiment digne, etc. de vous louer, de vous bénir et de célébrer vos gloires en la solennité de l’Immaculée Conception de la Bienheureuse et toujours Vierge Marie. Celle-ci, en effet, à l’ombre de la puissance du Saint-Esprit, conçut votre Fils unique et, conservant intacte la gloire de la virginité, donna le jour à Jésus-Christ l’éternelle lumière du monde, par lequel, etc. »
L’antienne pour la communion du peuple s’est inspirée dans sa première partie du psaume 86, et dans sa dernière du cantique Magnificat. « O Marie, vos gloires ont été annoncées, car Celui qui seul est puissant vous orna de grâces sublimes. ». Ces gloires extérieures de Marie augmenteront de plus en plus dans l’Église avec la succession des siècles, puisqu’elles font partie de ce progrès extrinsèque de la théologie sacrée et de la piété chrétienne qui sont justement les caractéristiques de la vitalité intense et intime de la famille de Jésus-Christ.
Dans la postcommunion, nous supplions le Seigneur afin que, comme la grâce prévint sa bienheureuse Mère de telle sorte que sa conception immaculée l’exempta de la contagion commune du péché, ainsi la divine Eucharistie soit également pour nous l’antidote contre le poison qui infecte nos veines, conséquence du fruit mortel de l’Éden.
La blessure de notre nature viciée par le péché originel est telle que, avec notre intelligence obscurcie, notre volonté affaiblie et nos passions déréglées, nous ne pouvons espérer surmonter les obstacles. Nous avons donc besoin de la grâce de Jésus-Christ, et, pour l’obtenir, nous devons nous y préparer par l’humilité, la prière et la docilité. Une tendre dévotion envers l’Immaculée Mère de Dieu est parmi les moyens les plus puissants pour neutraliser en nous les effets du virus de l’arbre néfaste du paradis terrestre.
L’Épouse parée.
C’est un jour de fête et de joie, un jour glorieux pour la Mère de la chrétienté ; que ses enfants se parent pour ce jour ! Nous célébrons l’instant bienheureux où commença l’existence de la Sainte Vierge, nous célébrons en même temps le sublime privilège, par lequel, seule de tous les humains, Marie fut, en vue des mérites du Christ, préservée, dès le premier instant de sa conception, de la souillure du péché originel. Dans son origine et son principe, cette grande fête de l’Église n’avait aucune relation avec l’Avent. Elle fut fixée au 8 décembre pour tenir compte des neuf mois qui la séparent de la Nativité de la Sainte Vierge (le 8 septembre).
Cependant il est facile de faire rentrer cette fête dans les pensées de l’Avent. En ce temps où nous attendons le Sauveur, où nous avons les sentiments des hommes non encore rachetés, où nous levons volontiers nos regards vers la Mère du Rédempteur, cette fête est comme l’aurore du soleil de Noël qui se lève. C’est pour nous une vraie fête de l’Avent.
La vie de Marie au-dessus des temps. — La liturgie de la messe et de l’office nous met devant les yeux la vie de la Très Sainte Vierge et même elle étend cette vie dans le passé et dans l’avenir. Nous pouvons dans cette vie distinguer quatre périodes.
a) La vie de Marie avant la création du monde. La Leçon annonce : « Le Seigneur m’a possédée au commencement de mes voies... de toute éternité j’ai été créée... Les abîmes n’existaient pas encore… » Marie, dans les plans de la Providence, était destinée, de toute éternité, à être la Mère de Dieu, l’Immaculée, la sagesse, c’est-à-dire l’image parfaite de la sainteté de Dieu. Telle est l’image de Marie dans le sein de la divine Trinité.
b) La vie préhistorique de Marie. Marie nous apparaît dans les figures et les prophéties de l’Ancienne Loi. On nous présente d’abord l’image que Dieu a tracée lui-même de la Sainte Vierge : la femme qui écrase la tête du serpent (Écriture, au bréviaire), puis passent devant nos yeux toutes les femmes illustres de l’Ancien Testament : Ève, Sara, Judith (Grad.). Les Prophètes l’annoncent dans leurs prophéties, par exemple Isaïe : « Une vierge concevra... ». C’est l’image de Marie dans l’Ancien Testament.
c) La vie historique de Marie. La liturgie de la messe nous fait assister à son premier moment et nous l’entendons remercier Dieu des grâces qu’il lui a faites : « Je me réjouirai d’une grande joie dans le Seigneur... car il m’a revêtue du vêtement divin de la grâce et m’a parée des ornements de la sainteté, comme une fiancée, dans tout l’éclat de ses joyaux » (Intr.). Nous assistons ensuite à la seconde des grandes heures de sa destinée, cette heure pour laquelle Dieu l’a revêtue de sa magnifique parure de fiancée ; nous entendons l’ange proclamer sa haute dignité : « Peine de grâce, le Seigneur est avec toi. »
d) La vie céleste de Marie. Elle règne désormais au ciel avec la couronne de Reine, et en faisant son entrée dans la cour céleste, avec sa parure de fiancée, elle chante encore son cantique d’action de grâces : « Je me réjouis d’une grande joie dans le Seigneur » (Intr.). Dieu a préparé pour son Fils un temple plus beau que le temple de Salomon, le corps et l’âme de l’Immaculée.
La prière des Heures, le jour de l’Immaculée.
I Vêpres (la veille au soir). — Un air de fête retentit dans notre âme et nous sommes transportés à l’aube de la Rédemption : Les desseins éternels de Dieu s’accomplissent, l’âme immaculée et pleine de grâce de Marie s’unit avec son corps très saint pour devenir la demeure de Dieu parmi les hommes. La Vierge Immaculée est le modèle parfait des enfants de Dieu. Unissons-nous, avec ardeur, au chant de louange qui jaillit de son cœur : « Mon âme glorifie le Seigneur. »
Matines. Le soir répand son obscurité délivrante et apaisante sur tous les bruits et les soucis du jour, c’est le silence solennel. L’Église, dans la personne de ses enfants, étend les mains pour la prière de la nuit : elle se présente aujourd’hui à Dieu comme Épouse Immaculée, dans la personne de Marie, Vierge sans tache et Mère de Dieu. Les regards de notre âme plongent dans l’éternité et contemplent Marie, la première-née de toute créature, le reflet de la lumière éternelle, la créature bénie, choisie dans les desseins de Dieu, pour être immaculée. Peu à peu l’image sainte se détache des profondeurs de l’éternité et apparaît aux frontières du temps, sous l’aspect d’une femme revêtue du soleil, avec la lune à ses pieds, manifestation de la gloire de Dieu aux yeux de tous les peuples. Puis l’image se rapproche et Marie nous apparaît comme l’Épouse de Dieu, environnée de l’éclat royal du Christ, descendant du Liban, d’une beauté céleste, ornée de la couronne de la grâce, prenant place parmi les filles des hommes. Alors les portes du paradis terrestre s’ouvrent et le fleuve du péché originel se répand sur le monde. Au milieu de cette malédiction terrestre, Marie, la femme qui écrase la tête du serpent, apparaît comme notre consolation.
Laudes. Le jour de grâce, tout baigné de la fraîcheur de la rosée, se dégage de l’obscurité de la nuit, et la vie se réveille dans la nature et dans le cœur des hommes. Le Christ mystique célèbre l’heure de sa Résurrection et convoque tous les hommes à louer Dieu. L’Épouse sans tache, l’Église et l’âme, se pare pour recevoir son Époux auquel elle fait signe de loin. comme au soleil « qui se lève sur les hauteurs ».
Prime. C’est la préparation au pèlerinage à travers le jour. Je dirige mon âme ornée de la lumière et de la grâce divines, vers les devoirs de la journée, vers les heures joyeuses et les heures pénibles. Mon Âme doit s’avancer comme une fiancée, en ce jour de l’Immaculée.
Tierce. C’est la première halte dans la journée. La -chaleur de la vie divine et la force du Saint-Esprit ont disposé mon âme à recevoir les fruits de la messe. « Ton vêtement a l’éclat de la neige et ton visage brille comme le soleil. »
Alors je célèbre la messe.
Sexte. C’est la seconde halte du jour. C’est l’aspect sombre de la fête : le combat contre le péché, combat qui a commencé au Golgotha... Puissent les grâces de la messe faire perdre à mon âme l’image d’Ève et la faire ressembler davantage à Marie !
None. « Entraîne-nous vers toi, Vierge immaculée, nous marcherons sur tes pas, attirés par l’odeur de tes parfums. » Le jour de fête s’incline déjà vers le soir ; j’âme toute remplie d’harmonie intérieure, est prête à offrir au Créateur par les mains de Marie toute son existence, pour la retrouver, au jour de l’avènement du Seigneur, transformée en vie éternelle et glorieuse.
Vêpres. Avec une majesté silencieuse le soleil baisse à l’horizon, ses derniers rayons revêtent d’un manteau de gloire la fin de ce jour de Rédemption. Dans mon Ame descend la paix de la sainteté. Je suis, moi aussi, un rameau de la tige de Jessé, car ma vie est la vie divine. J’ai en moi comme un reflet du privilège de Marie, car la flamme du sacrifice purifie toutes les tâches de mon âme. J’ai puisé de nouvelles forces qui me permettront d’écraser en moi l’antique serpent, en tuant le vieil homme, et de tendre vers l’idéal de la pureté sans tache (Ant. Magn.). « Mon âme glorifie le Seigneur, car il a fait en moi de grandes choses ».
La messe (Gaudens gaudebo). — Au jour de la fête, la matière est si abondante, qu’on en est comme aveuglé et qu’on peut à peine analyser chaque partie de l’office. Ce n’est que pendant l’Octave, que l’âme peut réfléchir et donner plus de profondeur à ses pensées. Essayons, aujourd’hui, de méditer la messe de la fête d’une manière plus précise.
Introït : c’est comme un chant de triomphe, après la défaite que le péché a infligée à l’humanité ; c’est comme un rayon de soleil, au sein des ténèbres, quand nous entendons l’Épouse immaculée de Dieu entonner ce chant de joie. Il faut entendre et chanter cette mélodie enthousiaste, pour en saisir tout le bonheur et toute la joie. Pour les prêtres, elle a encore une signification particulière. De ce manteau intérieur de la grâce, les vêtements sacrés, qu’ils portent tous les jours, sont un vivant symbole. Ainsi pourrait chanter le baptisé, ainsi pourrait chanter tout enfant de Dieu, quand il pense au vêtement de la grâce sanctifiante, à l’armure de grâce qu’il a reçue au Baptême, dans la Confirmation et dans l’Eucharistie.
La Leçon nous montre l’image ravissante de l’Immaculée, dans les desseins éternels de Dieu, faisant la joie de la Sainte Trinité. La leçon s’achève en forme d’instruction (ce qui est le rôle de l’avant-messe) en proclamant bienheureux : « ceux qui veillent journellement aux portes ». La Conception Immaculée de Marie est le seuil de la Rédemption, l’étoile matinale du salut, ce salut que nous puisons dans l’« Œuvre de la Rédemption » (la sainte Messe : « il puise le salut dans le Seigneur »). Les chemins de Marie ont été rendus « immaculés » par privilège divin, nous aussi nous devons tendre à rendre nos voies sans tache et, pour cela, « nous attacher à la discipline ».
Dans l’Introït et la Leçon, Marie a parlé elle-même. Désormais, c’est l’Église qui chante. Au Graduel, l’Église exprime son ravissement. La mélodie du « Tu gloria Jerusalem » rend ce sentiment mieux encore que les paroles, c’est un mouvement entraînant vers la Vierge glorieuse, une participation animée à la victoire merveilleuse de la nouvelle Judith sur l’Holopherne des enfers. Plus grave et plus majestueux est l’Alléluia qui suit ; sans doute, il déborde encore d’une indicible allégresse, mais il a, dans sa grave conclusion en mineur, comme un frémissement sacré devant le Verbe éternel qui, à l’Évangile, descend dans le sein de la Vierge. On entend déjà, dans cet Alléluia, comme le prélude du « gratia plena » de l’Ange, dans les paroles « Tu es toute belle ». Cet « Ave » de l’ange est répété à l’Offertoire comme un chant de joie et de triomphe. Notre offrande à nous est imparfaite, elle seule est « pleine de grâce, bénie » en tout. La Communion chante avant tout le privilège de l’Immaculée-Conception, mais elle chante aussi la gloire de l’Église et de l’âme qui, précisément, par la visite de celui « qui est puissant », ont été faites grandes. Ici encore la Communion des saints vient à notre secours ; Marie supplée à la pauvreté de la demeure que nous offrons à Dieu. En elle et par elle, le Seigneur nous considère avec complaisance. La Postcommunion est d’une pensée très profonde. Il y a deux idées dominantes : la blessure mortelle du péché et l’Immaculée. Ce que Marie a été dès le commencement, nous devons le devenir par l’Eucharistie : sans tache.
[1] Voir Missale Romanum, Editio Princeps, a cura du Manlio Sodi et A.-M. Triacca, n°2217.
[2] Cf. G. HUBY, Christus. Paris, Beauchesne, 1916, p. 775, n° I.
[3] Carm. Nisib., n° 27. Édit. Bickell, p. 122.
[4] P. G., XCVI, col. 1499.
[5] P. G., C. col. 1353.