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23/11 St Clément Ier, pape et martyr

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Benoît XVI, catéchèses  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Pape vers 88-97. Culte attesté à la fin du IVème siècle. Commémoré ce même jour dans toutes les liturgies occidentales (Afrique, Gaule, Hispanie), et le lendemain chez les Byzantins
Son nom est ajouté au canon romain au VIIème siècle.

Semidouble dans le calendrier de saint Pie V (qui garde quelques répons médiévaux et fait refaire les leçons de l’office). Double par Pie VII en 1804.

Textes de la Messe

die 23 novembris
le 23 novembre
SANCTI CLEMENTIS I
SAINT CLÉMENT Ier
Papae et Mart.
Pape et MArtyr
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Ant. ad Introitum. Is. 59, 21 ; 56, 7.Introït
Dicit Dóminus : Sermónes mei, quos dedi in os tuum, non defícient de ore tuo : [1] et múnera tua accépta erunt super altáre meum.Le Seigneur dit : Mes paroles que j’ai mises en votre bouche, ne cesseront point d’être sur vos lèvres : et les dons que vous offrirez sur mon autel me seront agréables.
Ps. 111, 1.
Beátus vir, qui timet Dóminum : in mandátis eius cupit nimis.Heureux l’homme qui craint le Seigneur et qui met ses délices dans ses commandements.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui nos ánnua beáti Clementis Martyris tui atque Pontíficis sollemnitáte lætíficas : concéde propítius ; ut, cuius natalítia cólimus, virtútem quoque passiónis imitémur. Per Dóminum.O Dieu, qui nous donnez un sujet de joie dans la solennité annuelle de votre Martyr et Pontife saint Clément, faites par votre bonté que, célébrant sa naissance au ciel, nous imitions en même temps son courage dans les souffrances.
Et fit commemoratio S. Felicitatis Martyris :Et on fait mémoire de Ste Félicité, Martyre :
Oratio.Collecte
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, beátæ Felicitátis Martyris tuæ sollémnia recenséntes, méritis ipsíus protegámur et précibus. Per Dóminum.Faites, nous vous en prions, ô Dieu tout-puissant, que, renouvelant la solennité de votre bienheureuse Martyre Félicité, nous soyons protégés en égard à ses mérites et à ses prières.
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Philippénses.Lecture de l’Épître de saint Paul Apôtre aux Philippiens.
Philipp. 3, 17-21 : 4, 1-3.
Fratres : Imitatóres mei estóte, et observáte eos, qui ita ámbulant, sicut habétis formam nostram. Multi enim ámbulant, quos sæpe dicébam vobis (nunc autem et flens dico) inimícos Crucis Christi : quorum finis intéritus : quorum Deus venter est : et glória in confusióne ipsórum, qui terréna sápiunt. Nostra autem conversátio in cælis est : unde etiam Salvatórem exspectámus, Dóminum nostrum Iesum Christum, qui reformábit corpus humilitátis nostræ, configurátum córpori claritátis suæ, secúndum operatiónem, qua étiam possit subícere sibi ómnia. Itaque, fratres mei caríssimi et desideratíssimi, gáudium meum et coróna mea : sic state in Dómino, caríssimi. Evódiam rogo et Sýntychen déprecor idípsum sápere in Dómino. Etiam rogo et te, germáne compar, ádiuva illas, quæ mecum laboravérunt in Evangélio cum Cleménte et céteris adiutóribus meis, quorum nómina sunt in libro vitæ.Mes frères, soyez mes imitateurs, et regardez ceux qui marchent selon le modèle que vous avez en nous. Car il y a en a beaucoup, dont je vous ai souvent parlé, et dont je vous parle encore maintenant avec larmes, qui marchent en ennemis de la croix du Christ. Leur fin sera la perdition ; ils ont pour dieu leur ventre, ils mettent leur gloire dans ce qui est leur honte, et leurs pensées sont pour la terre. Quant à nous, notre vie est dans le ciel, d’où nous attendons comme sauveur notre Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps d’humiliation, en le rendant semblable à son corps glorieux, par le pouvoir qu’il a de s’assujettir toutes choses. C’est pourquoi, mes frères très aimés et très désirés, qui êtes ma joie et ma couronne, demeurez ainsi fermes dans le Seigneur, mes bien-aimés. Je prie Evodie, et je conjure Syntiché, d’avoir les mêmes sentiments dans le Seigneur. Et toi aussi, mon fidèle collègue, je te prie de les assister, elles qui ont travaillé avec moi pour l’évangile, avec Clément et mes autres collaborateurs, dont les noms sont dans le livre de vie.
Graduale. Ps. 106, 32, 31.Graduel
Exáltent eum in Ecclésia plebis : et in cáthedra seniórum laudent eum.Acclamez-le dans l’Eglise assemblée, car il siège dans la chaire des anciens pontifes !
V/. Confiteántur Dómino misericórdiæ eius ; et mirabília eius fíliis hóminum.V/. Remerciez le Seigneur de sa bonté et des merveilles qu’il accomplit pour les enfants des hommes.
Allelúia, allelúia. V/. Matth. 16, 18 Tu es Petrus, et super hanc petram ædificábo Ecclésiam meam. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum.Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu.
Matth. 16, 13-19.
In illo témpore : Venit Iesus in partes Cæsaréæ Philippi, et interrogábat discípulos suos, dicens : Quem dicunt hómines esse Fílium hóminis ? At illi dixérunt : Alii Ioánnem Baptístam, alii autem Elíam, álii vero Ieremíam aut unum ex Prophétis. Dicit illis Iesus : Vos autem quem me esse dícitis ? Respóndens Simon Petrus, dixit : Tu es Christus, Fílius Dei vivi. Respóndens autem Iesus, dixit ei : Beátus es, Simon Bar Iona : quia caro et sanguis non revelávit tibi, sed Pater meus, qui in cælis est. Et ego dico tibi, quia tu es Petrus, et super hanc petram ædificábo Ecclésiam meam, et portæ ínferi non prævalébunt advérsus eam. Et tibi dabo claves regni cælórum. Et quodcúmque ligáveris super terram, erit ligátum et in cælis : et quodcúmque sólveris super terram, erit solútum et in cælis.En ce temps-là, Jésus vint aux environs de Césarée de Philippe, et il interrogeait ses disciples, en disant : Que disent les hommes touchant le Fils de l’homme ? Ils lui répondirent : Les uns, qu’il est Jean-Baptiste ; les autres, Elie ; les autres, Jérémie, ou quelqu’un des prophètes. Jésus leur dit : Et vous, qui dites-vous que je suis. Simon-Pierre, prenant la parole, dit : Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. Jésus lui répondit : Tu es bienheureux, Simon, fils de Jonas, parce que ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux.
Ant. ad Offertorium. Ierem. 1, 9-10.Offertoire
Ecce, dedi verba mea in ore tuo : ecce, constítui te super gentes et super regna, ut evéllas et destruas, et ædífices et plantes.C’est moi qui parle par ta bouche : je t’ai établi au dessus des peuples et des empires, pour arracher et pour détruire, mais aussi pour bâtir et pour planter.
SecretaSecrète
Oblátis munéribus, quǽsumus, Dómine, Ecclésiam tuam benígnus illúmina : ut, et gregis tui profíciat ubique succéssus, et grati fiant nómini tuo, te gubernánte, pastóres. Per Dóminum.Grâce à l’offrande de ces presents, accordez Seigneur, la lumière à votre Eglise ; faites prospérer partout votre troupeau, et daignez diriger ses pasteurs pour qu’ils vous soient agréables.
Pro S. FelicitatePour Ste Félicité
SecretaSecrète
Vota pópuli tui, Dómine, propitiátus inténde : et, cuius nos tríbuis sollémnia celebráre, fac gaudére suffrágiis. Per Dóminum.Agréez favorablement, Seigneur, les vœux de Votre peuple, et donnez-nous la joie d’obtenir les suffrages de celle dont vous nous accordez de célébrer la solennité.
Ant. ad Communionem. Matth. 16, 18.Communion
Tu es Petrus, et super hanc petram ædificábo Ecclésiam meam.Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise.
PostcommunioPostcommunion
Refectióne sancta enutrítam gubérna, quǽsumus, Dómine, tuam placátus Ecclésiam : ut, poténti moderatióne dirécta, et increménta libertátis accípiat et in religiónis integritáte persístat. Per Dóminum nostrum.Seigneur, dirigez avec amour votre Eglise qui vient de se nourrir à cette table sainte, pour que, sous votre conduite toute-puissante, elle voie grandir sa liberté, et garde la religion dans toute sa pureté.
Pro S. FelicitatePour Ste Félicité
PostcommunioPostcommunion
Súpplices te rogámus, omnípotens Deus : ut, intercedéntibus Sanctis tuis, et tua in nobis dona multíplices, et témpora nostra dispónas. Per Dóminum.Nous vous supplions humblement, Dieu tout-puissant, de faire que vos Saints intercédant pour nous, vous multipliez en nous vos dons et gouverniez notre vie.

Office

Leçons des Matines avant 1960

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Quatrième leçon. Clément, fils de Faustinien, naquit à Rome dans le quartier du mont Cœlius et fut disciple du bienheureux Pierre. Saint Paul fait mention de lui dans son Épître aux Philippiens : « Je te prie aussi, dit-il, toi, mon fidèle compagnon, aide celles qui ont travaillé avec moi pour l’Évangile, avec Clément et mes autres coopérateurs, dont les noms sont écrits dans le livre de vie. » II partagea la ville de Rome en sept parties, qu’il attribua à sept notaires, assignant à chacun l’une de ces sept régions, avec la charge de recueillir soigneusement tout ce que l’on savait sur les souffrances et les actes des Martyrs, et de consigner toutes ces choses par écrit. Il composa lui-même avec soin plusieurs ouvrages utiles, qui ont répandu de l’éclat sur la religion chrétienne.
R/. Tandis que saint Clément était en prière, l’Agneau de Dieu lui apparut. * Une source vive jaillissait sous son pied, le cours d’un fleuve abondant réjouit la cité de Dieu. V/. J’ai vu sur la montagne un Agneau debout. * Une.

Cinquième leçon. Comme il convertissait beaucoup de monde à la foi du Christ par ses enseignements et par la sainteté de sa vie, l’empereur Trajan l’envoya en exil, au delà du Pont-Euxin, dans les déserts qui s’étendent autour de la ville de Cher-son ; il y trouva deux mille Chrétiens, condamnés par ce même Trajan à extraire et à tailler le marbre. Un jour qu’ils souffraient du manque d’eau, Clément, après avoir prié, monta sur une colline voisine, au sommet de laquelle il vit un Agneau, touchant du pied droit une source d’eau douce qu’il faisait jaillir ; tous y étanchèrent leur soif. Beaucoup d’infidèles furent amenés à la foi de Jésus-Christ par ce miracle, et commencèrent aussi à concevoir de la vénération pour la sainteté de Clément.
R/. Ils dirent tous d’une voix unanime : Saint Clément, priez pour nous, * Afin que nous devenions dignes des promesses du Christ. V/. Ce n’est pas en raison de mes mérites que le Seigneur m’a envoyé vers vous, pour devenir participant de vos couronnes. * Afin.

Sixième leçon. Trajan, irrité de ces conversions, fit partir des émissaires avec ordre d’attacher une ancre au cou de Clément et de le précipiter dans la mer. L’ordre fut exécuté ; mais les Chrétiens s’étant mis en prières sur le rivage, la mer se retira de trois milles. S’y étant avancés, ils trouvèrent un petit édifice de marbre en forme de temple. A l’intérieur se trouvait une arche de pierre, où était déposé le corps du Martyr, et à côté, l’ancre avec laquelle il avait été jeté dans les flots. Les habitants de la région, frappés de ce prodige, embrassèrent la foi de Jésus-Christ Dans la suite, sous le pontificat de Nicolas 1er, le corps de saint Clément fut transporté à Rome et enseveli dans l’église qui porte son nom. Une église fut aussi dédiée sous son vocable au lieu même de l’île où la fontaine avait miraculeusement jailli. Ce Pontife occupa le Saint-Siège neuf ans, six mois et six jours. Il fit, au mois de décembre, deux ordinations dans lesquelles il ordonna dix Prêtres, deux Diacres, et sacra quinze Évêques pour divers lieux.
R/. Seigneur, vous avez donné à Clément, votre Martyr, dans la mer, une demeure de marbre construite en forme de temple et préparée par la main des Anges : * Vous avez ouvert un chemin aux peuples du pays, afin qu’ils racontent vos merveilles. V/. Seigneur, vous avez ouvert à vos saints une voie dans la mer, et au milieu des flots, un sentier. * Vous. Gloire au Père. * Vous.

Benoît XVI, catéchèses

Chers Frères et Sœurs,

Ces derniers mois nous avons médité sur chacune de ces grandes figures, mentionnés dans les écrits néo-testamentaires, que sont les Apôtres et les premiers témoins de la foi chrétienne. Nous allons maintenant consacrer notre attention aux Pères apostoliques, c’est-à-dire aux première et deuxième générations de l’Église après les Apôtres. Ainsi pourrons-nous voir les premiers pas de l’Église sur le chemin dans l’histoire.

Saint Clément, évêque de Rome dans les dernières années du Ier siècle, est le troisième successeur de Pierre, après Lin et Anaclet. En ce qui concerne sa vie, le témoignage le plus important est celui de saint Irénée, évêque de Lyon jusqu’en 202. Il atteste que Clément « avait vu les Apôtres », qu’« il les avait rencontrés », et qu’« il avait encore dans l’oreille leur prédication, et devant les yeux leur tradition » (Adv. Hæreses, 3, 3, 3). Des témoignages tardifs, du IVe au VIe siècle, donnent à Clément le titre de martyr.

L’autorité et le prestige de cet évêque de Rome étaient tels qu’on lui attribua des écrits divers, mais la seule œuvre qui soit certainement de lui est une Lettre aux Corinthiens. Eusèbe de Césarée, le grand « archiviste » des origines chrétiennes, la présente en ces termes : « Nous a été transmise une grande et admirable lettre de Clément, reconnue comme authentique. Il l’écrivit, de la part de l’Église de Rome, à l’Église de Corinthe (…) Nous savons que depuis longtemps, et encore de nos jours, on en fait lecture publique lors des réunions de fidèles » (Hist. Ecclesiastica, 3,16).

On attribua à cette lettre un caractère quasi canonique. Au début de son texte, rédigé en grec, Clément se lamente du fait que « des adversités imprévues, arrivées l’une après l’autre » (1, 1) l’ont empêché d’intervenir plus opportunément. Par ces « adversités », il faut comprendre la persécution par Domitien : d’où on peut conclure que la lettre doit remonter à une période suivant immédiatement la mort de l’empereur et la fin de la persécution, c’est-à-dire aussitôt l’année 96.

Mission de l’Église de Rome

L’intervention de Clément - nous sommes encore au Ier siècle - était provoquée par les graves problèmes auxquels était confrontée l’Église de Corinthe : des prêtres de la communauté, en effet, étaient déposés par quelques jeunes contestataires. La douloureuse affaire nous est racontée, encore une fois, par saint Irénée, lequel écrit : « Sous Clément, comme s’était élevée une opposition, qui n’était pas mince, entre les frères de Corinthe, l’Église de Rome envoya aux Corinthiens une lettre très importante pour qu’ils se réconcilient dans la paix, renouvellent leur foi et annoncent la tradition récemment reçue des Apôtres » (Adv. Hæreres, 3, 3, 3). Nous pourrions donc dire que cette lettre constitue un premier exercice de la primauté romaine après la mort de saint Pierre. La lettre de Clément reprend des thèmes chers à saint Paul, lorsqu’il avait écrit deux grandes épîtres aux Corinthiens : en particulier la dialectique théologique, perpétuellement actuelle, qu’il y a entre la réalité du salut et la nécessité de l’engagement moral. Le Seigneur nous prévient et nous donne le pardon, il nous donne son amour, la grâce d’être chrétiens, ses frères et sœurs. C’est une annonce qui remplit de joie notre vie et donne la sécurité à notre action : le Seigneur nous prévient toujours par sa bonté, et la bonté du Seigneur est toujours plus grande que tous nos péchés. Mais il nous faut nous engager en cohérence avec le don reçu et répondre à l’annonce du salut par une démarche de conversion généreuse et courageuse. Par rapport au modèle paulinien, la nouveauté de Clément est qu’il fait suivre la partie doctrinale et la partie pratique, constitutives de toutes les lettres pauliniennes, d’une « grande prière », qui pratiquement, conclut la lettre.

Le motif premier de la lettre offre à l’évêque de Rome la possibilité d’une ample intervention sur l’identité de l’Église et sur sa mission. Si à Corinthe il y eut des abus, observe Clément, la cause est à rechercher dans l’affaiblissement de la charité et d’autres vertus chrétiennes indispensables. Et c’est pour cela qu’il rappelle les fidèles à l’humilité et à l’amour fraternel, les deux vertus vraiment constitutives de l’être de l’Église : « Nous sommes une portion sainte, les admoneste-t-il, il nous faut donc accomplir tout ce qu’exige la sainteté » (30, 1). En particulier, l’évêque de Rome rappelle que le Seigneur lui-même « a établi où, et par qui, il veut que soient remplis les offices liturgiques, afin que toute chose, faite saintement et selon son bon plaisir, soit agréable à sa volonté… Au pontife suprême, en effet, sont confiées des fonctions liturgiques qui lui sont propres, aux prêtres a été alloué leur propre rôle, aux lévites reviennent des fonctions appropriées. À l’homme laïc sont confiées les fonctions laïques » (40, 1-5 : on note ici, que dans cette lettre de la fin du Ier siècle, apparaît pour la première fois dans la littérature chrétienne le terme grec [laikós, qui signifie « membre du laos », c’est-à-dire « membre du Peuple » de Dieu).

De cette façon, en référence à la liturgie de l’ancien Israël, Clément dévoile son idéal de l’Église. Elle est réunie par l’« effusion en nous de l’unique Esprit de grâce » infusé dans les divers membres du Corps du Christ, en qui tous, unis sans aucune séparation, sont « membres les uns des autres » (46, 6-7). La distinction nette entre le laïc et la hiérarchie ne signifie nullement une opposition, mais seulement cette connexion organique d’un corps, d’un organisme, aux diverses fonctions. En effet, l’Église n’est pas un lieu de confusion et d’anarchie, où chacun à tout moment peut faire ce qu’il veut : chacun, dans cet organisme à la structure articulée, exerce son ministère selon la vocation reçue. En ce qui regarde les chefs des communautés, Clément explique clairement la doctrine de la succession apostolique. En dernière analyse, les normes qui la régissent viennent de Dieu même. Le Père a envoyé Jésus-Christ, lequel à son tour a donné mandat aux Apôtres. Puis ceux-ci ont envoyé les premiers responsables des communautés lesquels ont établi que d’autres hommes dignes leur succéderaient. Ainsi, tout procède « de façon ordonnée selon la volonté de Dieu » (42). Par ces mots, par ces phrases, saint Cément souligne comment l’Église est structurée sacramentellement et non pas politiquement. L’action de Dieu qui vient vers nous dans la liturgie précède nos décisions et nos idées. L’Église est avant tout un don de Dieu et non pas notre création, et, ainsi, cette structure sacramentelle qui est la sienne n’y garantit pas seulement l’organisation commune mais encore la prééminence du don de Dieu, dont nous avons tous besoin.

Pouvoir des institutions, souveraineté divine

Finalement, la « grande prière » confère un souffle cosmique aux argumentations qui la précèdent. Clément loue Dieu et le remercie pour sa merveilleuse providence d’amour, qui a créé le monde et continue à le sauver et à le sanctifier. La supplication pour les gouvernants prend un relief particulier. Après les textes du Nouveau Testament, elle représente la plus ancienne prière pour les institutions politiques. Ainsi, au lendemain de la persécution, les chrétiens, même sachant bien que les persécutions vont continuer, ne cessent pas de prier pour ces mêmes autorités qui les ont injustement condamnés. La motivation est avant tout d’ordre christologique : il faut prier pour les persécuteurs, comme le fit Jésus en Croix. Mais cette prière comporte également un enseignement qui, au long des siècles, guide les chrétiens dans leur attitude envers la politique et l’État. Priant pour les autorités, Clément reconnaît la légitimité des institutions politiques dans l’ordre établi par Dieu ; en même temps, il manifeste le souci que les autorités soient dociles à Dieu et « exercent le pouvoir que leur a donné Dieu pour la paix et pour la mansuétude dans la piété » (61, 2). César n’est pas tout. Une autre souveraineté le dépasse, dont l’origine et la nature ne sont pas de ce monde mais « d’en-haut » : c’est celle de la Vérité, qui revendique, y compris devant l’État, le droit d’être écoutée.

Ainsi, la lettre de Clément aborde de nombreux sujets d’une permanente actualité. Elle est d’autant plus significative qu’elle représente, dès la fin du Ier siècle, la sollicitude de l’Église de Rome qui préside sur toutes les autres Églises dans la charité. Avec le même Esprit, faisons nôtres les invocations de la « grande prière », quand l’évêque de Rome se fait la voix du monde entier : « Oui, ô Seigneur, fais resplendir sur nous ton visage dans le bien de la paix ; protège-nous de ta main puissante (…). Nous te rendons grâces par le Grand-Prêtre guide de notre âme, Jésus-Christ, par qui soient à toi la gloire et la louange, maintenant et de génération en génération dans les siècles des siècles. Amen » (60-61).

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

La mémoire de Clément se présente entourée d’une auréole particulière dans les origines de l’Église de Rome. A ce moment où les Apôtres ont disparu, il semble éclipser Lin et Clet, qui cependant avaient reçu avant lui l’honneur de l’épiscopat. On passe comme naturellement de Pierre à Clément, et les Églises orientales ne célèbrent pas son souvenir avec moins d’honneur que l’Église latine. Il fut bien véritablement le Pontife universel, et l’on sent déjà que l’Église tout entière est attentive à ses actes comme à ses écrits. Cette haute réputation lui a fait attribuer tout un cycle d’écrits apocryphes, qu’il est aisé de démêler de ses écrits véritables ; mais il est à noter que les faussaires qui ont jugé à propos de lui prêter leurs propres œuvres, ou de bâtir des romans à son sujet, s’accordent à le faire naître de race impériale.

Le temps a fait disparaître, sauf un seul, les documents qui attestent l’intervention de Clément dans les affaires des Églises lointaines ; mais celui qui nous est resté montre en plein exercice la puissance monarchique de l’évêque de Rome dès cette époque primitive. L’Église de Corinthe était agitée de discordes intestines, que la jalousie à l’égard de certains pasteurs avait suscitées. Ces divisions dont on découvre le germe dès le temps de saint Paul, avaient détruit la paix et causaient du scandale aux païens eux-mêmes. L’Église de Corinthe finit par sentir le besoin d’arrêter un désordre qui pouvait être préjudiciable à l’extension de la foi chrétienne, et, dans ce but, il lui fallait chercher du secours hors de son sein. A ce moment, tous les Apôtres avaient disparu de ce monde, hors saint Jean qui éclairait encore l’Église de sa lumière. De Corinthe à Éphèse, où résidait l’Apôtre, la distance n’était pas considérable ; néanmoins ce ne fut pas vers Éphèse, mais vers Rome que l’Église de Corinthe tourna ses regards.

Clément prit connaissance des débats que les lettres de cette Église renvoyaient à son jugement, et fit partir pour Corinthe cinq commissaires qui devaient y représenter l’autorité du Siège apostolique. Ils étaient porteurs d’une lettre que saint Irénée appelle très puissante, potentissimas litteras [2]. Elle fut jugée si belle et si apostolique à cette époque première, que longtemps on la lut publiquement dans plusieurs Églises, comme une sorte de continuation des Écritures canoniques. Le ton en est digne, mais paternel, selon le conseil que saint Pierre donne aux pasteurs. Rien n’y sent l’esprit de domination ; mais, à la gravité et à la solennité du langage, on reconnaît la voix du pasteur universel, auquel nul ne saurait désobéir, sans désobéir à Dieu lui-même.

Ce langage si solennel et si ferme obtint son effet : la paix se rétablit dans l’Église de Corinthe, et les messagers de l’Église romaine ne tardèrent pas à en rapporter l’heureuse nouvelle. Un siècle après, saint Denys, évêque de Corinthe, témoignait encore au pape saint Soter la gratitude de son Église envers Clément pour le service dont elle lui était redevable.

Élevé à l’école des Apôtres, Clément avait retenu dans une certaine mesure leur style et leur manière. On les remarque aussi dans ses deux Lettres aux vierges, dont on avait la trace par saint Épiphane et par saint Jérôme, et qui furent retrouvées au XVIIIe siècle, en la traduction syriaque, sur un manuscrit apporté d’Alep [3].

Sainte Cécile déjà nous le rappelait hier : Le principe de la continence vouée à Dieu fut dès l’origine l’une des bases du christianisme, et l’un des moyens les plus efficaces dans la transformation du monde. Le Christ avait relevé le mérite supérieur de ce sacrifice, et saint Paul, comparant les deux états de la femme, enseignait que la vierge est toute au Seigneur, tandis que l’épouse, malgré sa dignité, demeure divisée [4]. Clément eut à développer cette doctrine, et c’est ce qu’il fait dans ces deux lettres. Avant saint Athanase, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Jean Chrysostome et saint Augustin, ces grands docteurs de la virginité chrétienne, il développa les enseignements de Pierre et de Paul sur ce sujet si grave. « Celui ou celle, dit-il, qui aspire à cette grandeur d’une vie supérieure, doit vivre comme les Anges d’une existence divine et toute céleste. La vierge s’isole des attraits sensuels ; non seulement elle renonce au droit qu’elle aurait de les suivre en ce qu’ils ont de légitime ; mais elle aspire à cette espérance que Dieu, qui ne saurait tromper, entretient par sa promesse, et qui dépasse celle qu’ont les hommes d’avoir une postérité. En retour de leur généreux sacrifice, leur partage au ciel est la félicité même des Anges. »

Tel était le langage du disciple de Pierre, choisi par lui pour mettre la main au renouvellement de la Babylone romaine. Il ne fallait pas moins que cette forte doctrine, pour lutter avec avantage contre le débordement des mœurs de l’Empire. Si le christianisme se fût contenté d’inviter les hommes à l’honnêteté, comme faisaient les philosophes, ses efforts eussent été en pure perte. Le stoïcisme, en surexcitant l’orgueil chez quelques-uns, pouvait amener à mépriser la mort ; il était impuissant à faire reculer le sensualisme, dans lequel il faut reconnaître le plus puissant auxiliaire de la tyrannie des Césars. L’idéal de la chasteté, jeté au sein de cette société dissolue, pouvait seul arrêter le torrent d’ignominie qui menaçait de submerger toute dignité humaine. Pour le bonheur du monde, la morale chrétienne parvint à se faire jour, et les exemples éclatants se joignant aux maximes, on dut enfin en tenir compte La corruption romaine s’étonna en entendant parler de la virginité, comme de l’objet du culte et de la pratique d’un grand nombre de sectateurs de la religion nouvelle, et cela dans un moment où les plus beaux privilèges, joints aux plus terribles châtiments, avaient peine à contenir dans le devoir les six vestales sur la fidélité desquelles reposaient l’honneur et la sécurité de la Ville éternelle. Vespasien et Titus eurent connaissance des infractions que ces gardiennes du Palladium se permettaient à l’égard de leur premier devoir ; mais ils jugèrent que le niveau auquel étaient descendues les mœurs ne permettait plus d’infliger à ces infidèles les pénalités antiques.

Le moment devait cependant arriver bientôt où les empereurs, le sénat, Rome tout entière, allaient apprendre, en lisant la première Apologie de saint Justin, les merveilles de pureté dont l’enceinte de Babylone était le théâtre. « Parmi nous, en cette ville, leur disait l’apologiste, des hommes, des femmes, en nombre considérable, ont atteint déjà l’âge de soixante à soixante-dix ans ; mais élevés dès leur enfance sous la loi du Christ, ils ont persévéré jusqu’à cette heure dans l’état de virginité, et il n’est pas de pays dans lequel je n’en pourrais signaler de semblables. » Athénagore, dans son mémoire présenté à Marc-Aurèle peu d’années après, pouvait dire à son tour : « Vous trouverez parmi nous, tant chez les hommes que chez les femmes, une multitude de personnes qui ont passé leur vie jusqu’à la vieillesse dans l’état de virginité, n’ayant d’autre but que de s’unir à Dieu plus intimement. »

Clément était prédestiné à la gloire du martyre ; une sentence d’exil le relégua dans la Chersonèse, sur le Pont-Euxin. Les Actes qui détaillent les circonstances de ses souffrances remontent à une haute antiquité ; nous n’avons pas à les discuter ici. Ils racontent que Clément trouva dans cette presqu’île un nombre considérable de chrétiens déportés avant lui, et employés à l’exploitation des carrières de marbre, qui étaient riches et abondantes en Chersonèse. La joie des chrétiens à la vue de Clément s’explique d’elle-même ; son zèle à propager la foi dans cette lointaine contrée et les succès de son apostolat n’ont rien qui doive surprendre. Le miracle d’une fontaine jaillissant de la roche à la parole de Clément, pour désaltérer les confesseurs, est un fait analogue à cent autres que l’on rencontre dans les Actes les plus authentiques des saints. Enfin l’apparition d’un agneau mystérieux sur la montagne, où il marque de son pied le lieu d’où l’eau va jaillit, reporte la pensée vers les premières mosaïques chrétiennes sur lesquelles on voit encore le symbole de l’agneau debout sur un monticule verdoyant. Au IX° siècle, Cyrille, l’apôtre des Slaves, retrouva près de Cherson les restes précieux du Pontife Martyr ; Clément rentra dans Rome, et l’insigne église qui, selon l’expression de saint Jérôme, gardait la mémoire de son nom dans la Ville éternelle [5], posséda de lui désormais mieux qu’un souvenir. Souvenir inestimable déjà cependant, non moins pour la science que pour la piété : au témoignage d’antiques traditions, cette église était bâtie sur l’emplacement de la demeure habitée par Clément dans la région du Cœlius qui fut de son temps, on le sait par ailleurs, le quartier préféré de l’aristocratie romaine ; or, les investigations archéologiques de ce dernier demi-siècle ont permis de retrouver, sous l’abside môme de la basilique primitive, et lui formant comme une sorte de confession ou d’hypogée, les chambres d’une habitation privée dont le style et les ornements se révèlent contemporains des Flaviens [6].

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Le titre de Clément est déjà mentionné par saint Jérôme : Nomini eius memoriam usque hodie Romae extructa ecclesia custodit [7] ; et il se rapporte très probablement à un souvenir domestique de son titulaire dont le Liber Pontificalis nous dit en effet qu’il était de regione Cœliomonte [8]. Les Actes de Clément sont, il est vrai, apocryphes ; mais son martyre était indiscuté, à Rome, au IVe siècle, si bien que Rufin, le pape Zosime et le Sacramentaire Léonien en témoignent. Il n’y a donc aucune raison sérieuse d’en douter. Selon les Actes il aurait été enseveli à Cherson en Crimée, et en effet, le pèlerin Théodose nous dit dans son « Itinéraire » que ibi domnus Clemens martyrizatus est [9]. Un grand nombre d’archéologues pensent que quelque confusion se sera produite entre Clément romain et un martyr homonyme, de Sébastopol.

Lorsque, en 868, les deux frères Cyrille et Méthode, apôtres des Slaves, allèrent à Rome pour justifier leur mission devant Adrien Ier, ils apportèrent avec eux, pour en faire don au Pape, les reliques de saint Clément retrouvées par eux à Cherson. Une peinture de l’antique basilique souterraine de Saint-Clément à Rome reproduit le cortège triomphal du Pape, du peuple et du clergé romain accompagnant le corps de Saint-Pierre jusqu’au vieux titre du Mont Cœlius.

Le dominicum clementis, comme on le trouve nommé sur une médaille d’identité d’un esclave, mentionnée par Baronius, se dresse au-dessus de toute une série d’édifices anciens superposés. Au niveau primitif, on reconnaît un mur en opus quadratum du Ve ou du vie siècle de Rome, et que J.-B. De Rossi estimait avoir appartenu à une fabrique de monnaie ; la seconde stratification est représentée par une riche maison du Ier siècle, laquelle peut très bien correspondre au lieu où Clément réunissait ses disciples. A côté de cette maison, on a retrouvé un repaire des adorateurs de Mithra. Sur ces édifices s’éleva, dans la première moitié du IVe siècle, le dominicum clementis qui demeura debout jusqu’en 1084, époque où Robert Guiscard, dans sa lutte contre Henri IV, mit à feu et à sang toute cette région du mont Cœlius autour du Latran.

Enfin, au début du XIIe siècle, un cardinal titulaire du nom d’Anastase fut chargé par Pascal II de reconstruire la basilique — celle que nous voyons actuellement — et il conserva les ambons et l’autel de l’église précédente. Les reliques du pape Clément et celles d’Ignace d’Antioche, qu’une ancienne tradition dit être conservées en cette église, sont mentionnées dans les vers suivants :

IMPIVS • INSANO • TE • MERSIT • IN • AEQVORA • CAESAR
HIS • POSITIS • ARIS • NVNC • PIA • ROMA • COLIT.
VICINVM • TIBI • PROBRA • TVLIT • NVMEROSA • THEATRUM
HIC • TIBI • DELATVS • PROBRA • REFENDIT • HONOS.
Un impie, César, eut la folle pensée de te noyer dans la mer ;
maintenant Rome prosternée devant ces autels te vénère.
Dans l’amphithéâtre voisin (ô Ignace), tu fus accablé d’injures,
que veut à présent compenser le culte honorifique qui t’est rendu.

L’introït semble formé de différents passages d’Isaïe (LIX, 21 ; LVI, 7). « Le Seigneur dit : Ma parole ne fera pas défaut sur tes lèvres, car ton nom y est engagé ; et tes sacrifices seront agréés sur mon autel [10]. » Adest enim nomen tuum, ce qui comporte un programme de clémence et de miséricorde.

Collecte. — « O Dieu, qui nous donnez un sujet de joie dans la solennité annuelle de votre Martyr et Pontife saint Clément, faites par votre bonté que, célébrant sa naissance au ciel, nous imitions en même temps son courage dans les souffrances. »
Et quoi ? tous les chrétiens sont-ils donc prédestinés au martyre, pour que l’Église, dans la collecte que nous venons de transcrire, demande d’une façon générale : virtutem passionis imitemur ? Non ; tous ne sont pas appelés à la grâce de verser leur sang pour la foi ; mais la vie chrétienne elle-même, avec le frein qu’elle impose aux passions, avec la mortification qu’elle exige, avec le renoncement à nous-mêmes pour que le Christ vive en nous, est comparée par les Pères à un dur et lent martyre.

La première lecture, tirée de l’épître aux Philippiens (3, 17-21 ; 4, 1-3) est la même que le XXIIIe dimanche après la Pentecôte. Ce passage a été choisi parce que l’Apôtre, après avoir parlé des chrétiens adonnés aux plaisirs du monde, qui sont une ironie pour la Croix du Christ, et leur opposant la vie toute d’humilité et de mortification des vrais fidèles, mentionne parmi ses collaborateurs dans la prédication de l’Évangile un Clément dont le nom est enregistré dans le livre de vie. Est-ce le même que le Pape qui porta ce nom ? Beaucoup le supposent, et il n’y a pas de sérieuses raisons pour le nier. Lorsque, durant sa première captivité à Rome (61-62), saint Paul écrivit l’épître aux Philippiens, Clément pouvait être encore jeune. Il mourut sous Trajan, vers le début du IIe siècle, en sorte que, malgré son grand âge, le disciple de saint Paul n’aurait pas dépassé pour cela la commune moyenne de la vie humaine.
Vers la fin du Ier siècle, le nom de Clément reparaît dans la première partie du Poimên qu’Hermas, frère de celui qui devait devenir le pape Pie Ier, rédigeait à Rome sur la question, alors si agitée, de la pénitence. Clément fut chargé de répandre des exemplaires de ce petit livre dans les villes étrangères : car cela est son office. Nous voyons là une nouvelle preuve de la sollicitude universelle que nourrissaient dès lors les premiers Pontifes pour le gouvernement de l’Église catholique tout entière.

La lecture évangélique, selon la liste de Würzburg, contient la parabole des talents partagés aux serviteurs ; tandis que le Missel actuellement en usage [11] assigne un autre passage de saint Matthieu (24, 42-47) affecté au Commun des Confesseurs pontifes : Vigilate. Le verset de la Communion justifie d’ailleurs le choix de ce second texte, que nous avons déjà rapporté le 25 mai, pour la fête de saint Grégoire VII [12].
La mission de veiller est imposée particulièrement aux évêques ; si bien que leur nom lui-même exprime en grec la surveillance qu’ils doivent exercer sans cesse sur leur troupeau.

Secrète. — « Sanctifiez, Seigneur, nos offrandes, et par leur efficacité et l’intercession du bienheureux pontife et martyr Clément, purifiez-nous de nos péchés. » [13] Dans cette antique prière est fort bien exprimé le fruit satisfactoire du divin Sacrifice. Trop de chrétiens aujourd’hui l’oublient, et assistent à la messe avec si peu de componction que leur conscience semble n’avoir aucun péché à expier. Comme si l’autel n’était pas le trône de grâce érigé par Dieu au centre de son Église militante elle-même !

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

“L’Agneau de Dieu lui apparut, de dessous les pieds duquel jaillissait une source”

Saint Clément, disciple de saint Pierre, régna comme pape de 90 à 101 ; saint Paul le mentionne (Phil., 4, 3) comme son compagnon. Sa lettre aux Corinthiens est une vénérable relique de ce Père Apostolique. Le bréviaire raconte ceci à son sujet : Son zèle pour les âmes le fit bannir par l’empereur Trajan en Chersonèse (presqu’île de Crimée), où il trouva 2000 chrétiens que ce même empereur y avait exilés. En arrivant parmi eux, saint Clément se mit à les consoler : “Tous criaient d’une seule voix : Priez pour nous, saint Clément, afin que nous soyons dignes des promesses du Christ. Il leur dit : Ce n’est pas à cause de mes mérites que le Seigneur m’a envoyé à vous pour me faire partager votre couronne” (5e répons). Comme ils se plaignaient d’être forcés d’aller chercher de l’eau potable à six milles de distance, il leur donna ce conseil : “Prions tous le Seigneur Jésus-Christ d’ouvrir une source pour ses confesseurs” (Ant. de Magn. aux 1res vêpres). “Pendant que saint Clément priait, l’Agneau de Dieu lui apparut, sous les pieds duquel coulait une source d’eau vive” (4e répons). A ce miracle, “tous les païens des environs embrassèrent la foi” (Ant.). Lorsque Trajan en eut connaissance, il donna l’ordre de jeter Clément à la mer avec une ancre au cou : “Quand il commença à se diriger vers la mer, le peuple s’écria d’une voix forte : Seigneur Jésus-Christ, sauvez-le. Mais Clément disait en pleurant : Père, recevez mon esprit” (Ant. de Ben.). Les chrétiens allèrent sur le rivage prier Dieu de leur rendre le corps. Alors, la mer s’étant retirée à trois milles, ils trouvèrent le corps du saint dans un sarcophage de pierre, placé à l’intérieur d’une petite chapelle de marbre, et à côté de lui l’ancre. “Vous avez, Seigneur, préparé dans la mer une demeure à votre martyr Clément, à la manière d’un temple de marbre fabriqué par la main des anges” (6e répons). Le corps de ce saint fut apporté plus tard, sous Nicolas 1er (858-67), à Rome par les deux apôtres des Slaves, les saints Cyrille et Méthode, et déposé dans l’église qui lui est dédiée (Saint Clément). Cette église est l’une des plus vénérables de Rome parce qu’elle montre encore parfaitement l’ancienne ordonnance liturgique de la primitive Église.

La Messe Dicit Dominus. — La messe se compose en grande partie de textes du commun (autrement dit de formules qui ne lui sont pas particulières) et, pour une part moins importante, de textes propres (Introït et Épître). La messe nous montre le pontife, une image du Pontife divin. A l’Introït, nous entendons le Seigneur conférer sa mission à notre saint, comme il le fit pour les anciens prophètes. Dieu lui parle : sa parole, qui est la parole de Dieu, et son sacrifice seront efficaces. Le psaume que nous chantons est le “cantique de l’homme juste” ; ce juste est saint Clément, qui fut fidèle à Dieu et miséricordieux envers ses semblables. A l’Oraison, nous prions pour obtenir le courage dont il a fait preuve dans sa passion. L’Épître (la même que celle du 23e dimanche après la Pentecôte) a été choisie parce que le nom de saint Clément y figure : “Son nom est inscrit dans le livre de vie.” Mais nous pouvons aussi considérer le passage comme un sermon que le saint nous adresse et y souligner particulièrement les pensées de la parousie. Dans les chants intermédiaires, le “prêtre couronné” se tient devant nous. L’Évangile et la Communion nous montrent le serviteur vigilant qui a pris fidèlement soin de sa famille et que le Seigneur a trouvé vigilant (c’est notre saint Clément ; c’est aussi ce que nous devons être, nous qui sommes mystiquement unis à lui). Ce passage a d’autant plus de valeur pour nous qu’il se réfère aux paroles du Christ sur la fin du monde. Il convient très bien pour les dernières semaines de l’année ecclésiastique. L’office de saint Clément tout entier est enveloppé de l’atmosphère de la parousie. L’Agneau sous les pieds duquel jaillit une source est l’image du Saint-Sacrifice de la Messe qui nous apporte aussi le rafraîchissement, à nous, enfants des hommes, exilés et assoiffés.

[1] Ici le texte du Graduel Romain rajoute, par rapport au missel :

adest enim nomen tuum,Car ton nom y est engagé,
Ce qui donne l’introït suivant :
Dicit Dóminus : Sermónes mei, quos dedi in os tuum, non defícient de ore tuo, adest enim nomen tuum : et múnera tua accépta erunt super altáre meum.Le Seigneur dit : Mes paroles que j’ai mises en votre bouche, ne cesseront point d’être sur vos lèvres, car ton nom y est engagé : et les dons que vous offrirez sur mon autel me seront agréables.

[2] Contra haereses, III, III, 3.

[3] Bien que de récents critiques aient mis en doute l’authenticité du texte reconnu par d’autres comme étant celui de Clément aux vierges, le fait de l’intervention du saint Pape en faveur de la virginité n’en reste pas moins appuyé par les témoignages concordants de saint Épiphane (H. XXX, 15) et de saint Jérôme (Contra Jovinian. I, 12).

[4] I Cor. 7.

[5] Hieron. De viris illustr. XV.

[6] Mullooly, Saint Clément, and his basilica ; De Rossi, Bulletin, 1863, 1870, etc.

[7] De viris illustr., XV. : Jusqu’à aujourd’hui une église construite à Rome garde la mémoire de son nom.

[8] (Ed. Duchesne) I, 123.

[9] GEYER, Itinera, p. 143. : Là, le Seigneur Clément fut martyrisé

[10] Ce texte est celui du Graduel, selon l’édition Vaticane, et non pas celui du Missel. Voir note n°13

[11] Jusqu’en 1942 : lors de l’imposition du [Commun des Souverains Pontifes->305, on lui substitua l’évangile de ce commun, Matt. 16, 13-19.

[12] Ce verset de Communion a lui aussi été changé en 1942, voir note précédente.

[13] Remplacée elle aussi en 1942 par la secrète du Commun des Souverains Pontifes