Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique |
Ancien Octave des Sts Pierre et Paul jusqu’en 1955
La messe comportait des oraisons (celles de la messe votive des Sts Pierre et Paul), un Alléluia et un évangile (Matt 14, 22-33 : Jésus marche sur les eaux et Pierre avec lui, évangile qui est donc maintenant supprimé du missel de 1962, ainsi que le commentaire patristique de St Jérôme au bréviaire) propres.
Ant. ad Introitum. Eccli. 44,15 et 14. | Introït |
Sapiéntiam Sanctórum narrent pópuli, et laudes eórum núntiet ecclésia : nomina autem eórum vivent in sǽculum sǽculi. | Que les peuples racontent la sagesse des saints, et que l’assemblée publie leurs louanges ; leur nom vivra de génération en génération. |
Ps. 32, 1. | |
Exsultáte, iusti, in Dómino : rectos decet collaudátio. | Justes, réjouissez-vous dans le Seigneur, c’est aux hommes droits que sied la louange. |
V/. Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Deus, cuius déxtera beátum Petrum, ambulántem in flúctibus, ne mergerétur, eréxit, et coapóstolum eius Paulum, tértio naufragántem, de profúndo pélagi liberávit : exáudi nos propítius, et concéde ; ut, ambórum méritis, æternitátis glóriam consequámur : Qui vivis. | Dieu, votre la droite soutint le bienheureux Pierre sur les flots, pour qu’il ne fût pas submergé, et retira du fond de la mer, Paul, son collègue dans l’apostolat, lors de son troisième naufrage : exaucez-nous dans votre miséricorde, et accordez-nous de parvenir, aidés des mérites de ces deux Saints, à la gloire de l’éternité. |
Léctio libri Sapiéntiæ. | Lecture du Livre de la Sagesse. |
Eccli. 44, 10-15. | |
Hi viri misericórdiæ sunt, quorum pietátes non defuérunt : cum semine eórum pérmanent bona, heréditas sancta nepótes eórum, et in testaméntis stetit semen eórum : et fílii eórum propter illos usque in ætérnum manent : semen eórum et glória eórum non derelinquétur. Córpora ipsórum in pace sepúlta sunt, et nomen eórum vivit in generatiónem et generatiónem. Sapiéntiam ipsórum narrent pópuli, et laudem eórum núntiet Ecclésia. | C’étaient des hommes de miséricorde, dont les œuvres de piété subsistent à jamais. Les biens qu’ils ont laissés demeurent à leur postérité ; leurs descendants sont un saint héritage, et leur race est demeurée fidèle à l’alliance ; à cause d’eux, leurs fils subsistent éternellement, et ni leur race ni leur gloire n’aura de fin. Leurs corps ont été ensevelis en paix, et leur nom vivra de génération en génération. Que les peuples racontent leur sagesse et que l’assemblée publie leurs louanges. |
Graduale. Sap. 3, 1-2 et 3. | Graduel |
Iustórum ánimæ in manu Dei sunt : et non tanget illos torméntum malítiæ. | Les âmes des Justes sont dans la main de Dieu, et le tourment de la mort ne les touchera pas. |
V/. Visi sunt óculis insipiéntium mori : illi autem sunt in pace. | V/. Aux yeux des insensés, ils ont paru mourir, mais ils sont dans la paix. |
Allelúia, allelúia. V/. Luc. 22, 28-29 et 30. Vos estis, qui permansístis mecum in tentatiónibus meis : et ego dispóno vobis regnum, ut sedeátis super thronos, iudicántes duódecim tribus Israël. Allelúia. | Allelúia, allelúia. V/. Vous, vous êtes demeurés avec moi, dans mes tentations ; et moi je vous prépare le royaume, afin que vous soyez assis sur des trônes, jugeant les douze tribus d’Israël. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Matthǽum. | Suite du Saint Évangile selon saint Mathieu. |
Matth. 14. 22-33. | |
In illo témpore : Cómpulit Iesus discípulos ascéndere in navículam, et præcédere eum trans fretum, donec dimítteret turbas. Et dimíssa turba, ascéndit in montem solus oráre. Véspere autem facto, solus erat ibi. Navícula autem in médio mari iactabátur flúctibus : erat enim contrárius ventus. Quarta autem vigília noctis venit ad eos ámbulans super mare. Et vidéntes eum super mare ambulántem, turbáti sunt, dicéntes : Quia phantásma est. Et præ timóre clamavérunt. Statímque Iesus locútus est eis, dicens : Habete fidúciam : ego sum, nolíte timére. Respóndens autem Petrus, dixit : Dómine, si tu es, iube me ad te veníre super aquas. At ipse ait : Veni. Et descéndens Petrus de navícula, ambulábat super aquam, ut veníret ad Iesum. Videns vero ventum válidum, tímuit : et cum coepisset mergi, clamávit dicens : Dómine, salvum me fac. Et contínuo Iesus exténdens manum, apprehéndit eum, et ait illi : Módicæ fídei, quare dubitásti ? Et cum ascendísset in navículam, cessávit ventus. Qui autem in navícula erant, venérunt et adoravérunt eum, dicéntes : Vere Fílius Dei es. | En ce temps-là : Jésus pressa ses disciples de monter dans la barque, et de le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. Et lorsqu’il eut renvoyé la foule, il monta seul sur une montagne, pour prier ; et, le soir étant venu, il était là seul. Cependant la barque était battue par les flots au milieu de la mer, car le vent était contraire. Mais, à la quatrième veille de la nuit, Jésus vint à eux, marchant sur la mer. Et le voyant marcher sur la mer, ils furent troublés, et dirent : C’est un fantôme. Et ils poussèrent des cris d’effroi. Aussitôt Jésus leur parla, en disant : Ayez confiance ; c’est moi, ne craignez point. Pierre lui répondit : Seigneur, si c’est vous, ordonnez que j’aille à vous sur les eaux. Jésus lui dit : Viens. Et Pierre, descendant de la barque, marchait sur l’eau pour aller à Jésus. Mais, voyant la violence du vent, il eut peur ; et comme il commençait à enfoncer, il s’écria : Seigneur, sauvez-moi ! Et aussitôt Jésus, étendant la main, le saisit, et lui dit : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? Et lorsqu’ils furent montés dans la barque, le vent cessa. Alors ceux qui étaient dans la barque vinrent et l’adorèrent, en disant : Vous êtes vraiment le Fils de Dieu. |
Credo | |
Ant. ad Offertorium. Ps. 149, 5-6. | Offertoire |
Exsultábunt Sancti in glória, lætabúntur in cubílibus suis : exaltatiónes Dei in fáucibus eórum. | Les Saints tressailliront dans la gloire, ils se réjouiront sur leurs couches. Les louanges de Dieu seront dans leur bouche. |
Secreta | Secrète |
Offérimus tibi, Dómine, preces et múnera : quæ ut tuo sint digna conspéctu, Apostolórum tuórum Petri et Pauli précibus adiuvémur. Per Dóminum. | Nous vous offrons, Seigneur, nos prières et nos dons ; et pour qu’ils soient dignes d’être admis en votre présence, faites que nous soyons aidés des prières de vos Apôtres Pierre et Paul. |
Præfatio de Apostolis. | Préface des Apôtres . |
Ant. ad Communionem. Sap. 3, 1, 2 et 3. | Communion |
Iustórum ánimæ in manu Dei sunt, et non tanget illos torméntum malítiae : visi sunt óculis insipiéntium mori : illi autem sunt in pace. | Les âmes des Justes sont dans la main de Dieu, et le tourment de la mort ne les touchera pas ; aux yeux des insensés, ils ont paru mourir, cependant ils sont en paix |
Postcommunio | Postcommunion |
Prótege, Dómine, pópulum tuum : et Apostolórum tuórum Petri et Pauli patrocínio confidéntem, perpétua defensióne consérva. Per Dóminum nostrum. | Protégez, Seigneur, votre peuple qui se confie dans le patronage de vos apôtres Pierre et Paul, et conservez-le par votre continuel secours. |
A Matines.
AU DEUXIÈME NOCTURNE.
Sermon de saint Jean Chrysostome.
Quatrième leçon. Quelles actions de grâces vous rendre, ô bienheureux Apôtres, de tant de travaux accomplis pour nous ? Je ne puis me souvenir de toi, Pierre, sans être saisi d’admiration : je ne puis penser à toi, Paul, sans que, tout hors de moi, je fonde en larmes. Car je ne sais que dire, quelles paroles prononcer, en considérant vos épreuves. Que de prisons avez-vous sanctifiées ? Que de chaînes avez-vous honorées ? Que de tourments avez-vous supportés ? Que d’outrages avez-vous soufferts ? Comment avez-vous porté au loin le Christ ? Comment avez-vous réjoui et fécondé l’Église par vos prédications ? Vos langues sont des organes bénis ; vos membres ont été couverts de sang pour la sainte Église. Vous avez en tout imité le Christ. « Le son de votre voix s’est répandu par toute la terre et vos paroles ont retenti jusqu’aux extrémités du monde. »
Cinquième leçon. Réjouis-toi, Pierre, à qui il a été donné d’user du bois de la croix du Christ. Tu as voulu, il est vrai, être crucifié pour ressembler à ton maître, non cependant le visage en haut, comme lui, mais la tête tournée vers le sol, pour t’acheminer de la terre au ciel. Heureux les clous qui ont percé ces membres saints. Tu as remis avec pleine confiance ton âme entre les mains du Seigneur, toi qui l’as servi sans relâche, lui et son épouse l’Église, toi qui, le plus dévoué de tous les Apôtres, l’as aimé de toute l’ardeur de ton âme.
Sixième leçon. Réjouis-toi aussi, bienheureux Paul, à qui le glaive a tranché la tête et dont les vertus ne peuvent s’exprimer en aucun terme. Quel glaive a transpercé ta gorge sainte, cet instrument du Seigneur admiré du ciel et révéré de la terre ? Quel lieu a recueilli ton sang, qui a paru blanc comme du lait sur le vêtement de celui qui t’a frappé, et qui, adoucissant d’une façon miraculeuse l’âme de ce barbare, le convertit à la foi, lui et ses compagnons ? Que ce glaive me tienne lieu d’une couronne, et que les clous de Pierre remplacent pour moi des pierres précieuses enchâssées dans un diadème. AU TROISIÈME NOCTURNE.
Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu.
En ce temps-là : Jésus pressa ses disciples de monter dans la barque, et de le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. Et le reste.
Homélie de saint Jérôme, Prêtre.
Septième leçon. Le Seigneur, ordonnant à ses disciples de passer à l’autre bord, les obligea de monter dans une barque. Cette manière de parler fait voir que c’est à regret qu’ils se sont éloignés de lui, ne voulant pas, par amour pour leur maître, être séparés de lui, même un seul instant. « Après avoir renvoyé la foule, il monta seul sur la montagne pour prier. » Si les disciples témoins de la gloire de Jésus transfiguré, Pierre, Jacques et Jean, s’étaient trouvés alors avec lui, ils l’auraient peut-être accompagné sur la montagne ; mais la foule ne peut suivre le Seigneur sur les hauteurs ; s’il ne l’a d’abord instruite près de la mer, sur le rivage, et nourrie dans le désert.
Huitième leçon. Le fait qu’il monta seul pour prier ne doit pas se rapporter à celui qui, de cinq pains, rassasia cinq mille hommes, sans compter les enfants et les femmes ; mais à celui qui, ayant appris la mort de Jean (Baptiste), se retira dans la solitude ; non pas que nous admettions deux personnes dans le Seigneur, mais parce que nous distinguons les œuvres qu’il faut attribuer à sa divinité, de celles qui procèdent de son humanité. « Cependant la barque était agitée par les flots au milieu de la mer. » C’est avec raison que les Apôtres ne s’étaient éloignés du Seigneur que malgré eux et de force, craignant de faire naufrage en son absence.
Neuvième leçon. Enfin, dès que le Seigneur parvient et s’arrête au sommet de la montagne, un vent contraire s’élève, la mer s’agite, les Apôtres sont en danger, et la tempête continue de menacer leur vie, jusqu’à l’arrivée de Jésus. « Mais à la quatrième veille de la nuit, il vint à eux en marchant sur la mer. » Les stations et les veilles militaires se divisent en intervalles de trois heures. En disant donc qu’à la quatrième veille de la nuit, le Seigneur vint à ses disciples, l’Évangile montre qu’ils furent en danger toute la nuit ; et cela pour signifier que c’est au moment où la nuit s’achève, à la fin du monde, que Jésus-Christ viendra mettre en sûreté les siens.
A Laudes.
V/. In omnem terram exívit sonus eórum. | V/. Leur bruit s’est répandu dans toute la terre [1]. |
R/. Et in fines orbis terræ verba eórum. | R/. Et leurs paroles jusqu’aux confins du globe de la terre. |
Ad Bened. Ant. Gloriósi príncipes terræ, * quomodo in vita sua dilexérunt se, ita et in morte non sunt separáti. | Ant. au Benedictus Comme ces glorieux princes de la terre * se sont aimés durant leur vie, de même dans la mort ils n’ont pas été séparés. |
A Vêpres.
V/. Constítues eos príncipes super omnem terram. | V/. Vous les établirez princes sur toute la terre [2]. |
R/. Mémores erunt nóminis tui, Dómine. | R/. Ils se souviendront de votre nom Seigneur, dans toute la suite des générations. |
Ad Magnificat Ant. Petrus Apóstolus * et Paulus Doctor Géntium, ipsi nos docuérunt legem tuam, Dómine. | Ant. au Magnificat L’Apôtre saint Pierre, * et saint Paul, le Docteur des Nations, nous ont instruits de votre loi, Seigneur. |
Fermement appuyée sur Pierre, l’Église se retourne vers celui que l’Époux lui a donné pour chef et lui témoigne, non moins qu’obéissance et foi, vénération et amour. C’est le besoin de sa reconnaissance ; et d’autre part elle n’ignore point que, selon la parole de saint Pierre Damien attribuée par d’autres à un disciple de saint Bernard, « nul ne peut prétendre à l’intimité du Seigneur, sans être aussi l’intime de Pierre » [3]. Admirable unité de la marche de Dieu vers sa créature ! Mais, en même temps, loi absolue du progrès de celle-ci vers la vie divine : Dieu ne se trouve qu’en Jésus, de même que Jésus dans l’Église, et l’Église avec Pierre. Si vous me connaissiez, disait le Seigneur, peut-être aussi connaîtriez-vous mon Père [4] ; mais les Juifs cherchaient Dieu en dehors de Jésus, et leurs efforts étaient vains. D’autres depuis sont venus, qui ont voulu trouver Jésus en se passant de son Église ; mais ce que Dieu a uni, l’homme le séparerait-il donc [5] ? Et ces hommes, à la poursuite du Christ de leurs conceptions, n’ont rencontré ni Jésus ni l’Église. D’autres enfin sont fils de l’Église, mais se persuadent que dans les pâturages où, à bon droit, leur âme veut s’engraisser de Dieu, ils n’ont à rechercher que le Pasteur divin qui réside au ciel ; et néanmoins, en remettant à un autre le soin de paître agneaux et brebis [6] Jésus sans doute n’entendait pas qu’il en fût ainsi : par ces paroles, ce n’est pas de quelques-uns seulement, des commençants ou des imparfaits, des puissants ou des saints, mais de tous, petits et grands, que le céleste Pasteur confiait à Simon fils de Jean la nourriture, la direction, l’accroissement et la garde.
O âme avide de Dieu, sache donc aller à Pierre ; ne crois pas arriver autrement à l’apaisement de la faim qui te presse. Formée à l’école de la sainte Liturgie, tu n’es point de celles assurément qui, dans le divin Fils de Marie, négligent l’humanité pour arriver, disent-elles, plus vite et plus sûrement au Verbe ; mais pareillement, ne cherche point, comme tu ferais d’un obstacle, à tourner le Vicaire de Dieu. Jésus n’est pas moins impatient que toi de la rencontre ; sois donc assurée que ce qu’il place entre toi et lui sur la route, n’est point retardement, mais secours. Comme, en l’auguste Eucharistie, les espèces sacrées ne sont que pour t’indiquer où t’attend celui que tu ne saurais trouver par toi-même ici-bas : ainsi le mystère de Pierre n’a d’autre fin que de te montrer sûrement où réside pour toi, dans son autorité et son infaillible conduite, celui qui réside pour toi de même au divin Sacrement dans sa propre substance. Les deux mystères se complètent ; ils marchent de pair et cesseront à la fois, lorsque nos yeux auront pouvoir de contempler directement Jésus ; mais d’ici là, l’Église y voit bien moins un intermédiaire ou un voile, que le signe mille fois précieux de l’Époux invisible. Aussi ne t’étonne point que les honneurs rendus par elle à Pierre, rivalisent avec ceux qu’elle prodigue à l’Hostie ; dans ces génuflexions multipliées également des deux parts, elle adore en effet également : non l’homme sans doute qu’elle voit assis au trône apostolique, pas plus que les espèces perçues par ses sens à l’autel ; mais des deux parts le même Jésus, qui se tait au Sacrement, qui parle et commande en son Vicaire.
Au reste, elle sait que Pierre seul peut lui donner l’Hostie. Le baptême qui nous fait fils de Dieu et tous les sacrements qui multiplient en nous les énergies divines, sont un trésor dont seul il a licence de disposer légitimement par lui-même ou par d’autres. C’est sa parole qui, dans tout le monde, à tous les degrés de l’enseignement autorisé, fait naître au fond des âmes la foi commencement du salut, et l’y développe, depuis ces humbles commencements jusqu’aux plus lumineux sommets de la sainteté. Et comme, sur les montagnes, la vie des conseils évangéliques est le jardin plus spécialement réservé de l’Époux, Pierre aussi se réserve la conduite et protection plus spéciale des familles religieuses, voulant pouvoir toujours lui-même, directement, offrir à Jésus les plus belles fleurs de cette sainteté dont son haut ministère est le principe et l’appui. Ainsi sanctifiée, c’est encore à Pierre que l’Église s’adresse pour apprendre de lui la manière d’aller à l’Époux dans ses hommages et son culte ; elle lui répète, comme autrefois les disciples au Sauveur : Enseignez-nous à prier [7] ; et Pierre, s’inspirant de ce qu’il sait des pompes de la patrie, ordonne ici-bas l’étiquette sacrée et dicte à l’Épouse le thème de ses chants. Enfin à sa sainteté, qui donc, sinon Pierre, vient ajouter encore ces caractères d’unité, de catholicité, d’apostolicité, qui sont pour elle, en face du monde, l’irréfragable titre de ses droits au trône et à l’amour du Fils de Dieu ?
Si nous sommes vraiment fils de l’Église, si c’est au cœur de notre Mère que nous puisons nos sentiments, comprenons quels seront la reconnaissance, le respect plein d’amour, la tendre confiance, le dévouement absolu de tout notre être envers l’homme de qui, par la très suave volonté de Dieu, nous viennent tous ces biens. Pierre en lui-même et dans ses successeurs, en celui surtout qui porte de nos jours le poids du monde et nos propres fardeaux, sera l’objet constant de notre culte filial. Ses gloires, ses souffrances, ses pensées seront nôtres. N’oublions pas que celui dont le Pontife Romain est le représentant visible, a voulu que tous ses membres eussent leur part invisible au gouvernement de son Église ; la responsabilité de chacun en un point d’importance si majeure, est clairement indiquée par le devoir de la prière, qui compte plus que l’action devant Dieu, et que l’amour rend plus forte que l’enfer [8]. Et cet autre devoir majeur de l’aumône, qui nous oblige à subvenir à l’indigence du plus humble de nos frères : croirions-nous donc en être libres à l’égard de l’évêque et du père de nos âmes, lorsque d’injustes spoliations l’amènent à connaître, dans les nécessités de son immense gestion, le besoin et la gêne ? Heureux qui, au tribut de l’or, peut être admis à joindre celui du sang ! Mais tous n’ont pas cet honneur.
En ce dernier jour de l’Octave consacrée au triomphe des deux princes des Apôtres, saluons encore la ville qui fut témoin de leurs derniers combats. Elle garde leurs tombes, et reste le siège du successeur de Pierre ; à ce double titre elle est le vestibule des cieux, la capitale de l’empire des âmes. La pensée des augustes trophées élevés sur les deux rives de son fleuve et des souvenirs glorieux multipliés alentour, faisait tressaillir sous le ciel de l’Orient saint Jean Chrysostome. « Non, s’écriait-il dans une Homélie à son peuple ; le ciel, lorsque le soleil l’illumine de tous ses feux, n’a rien de comparable à la splendeur de Rome versant sur le monde la lumière de ces deux flambeaux. C’est de là que sera enlevé Paul, que partira Pierre. Réfléchissez et frissonnez déjà à la pensée du spectacle dont Rome sera témoin, lorsque Paul avec Pierre se levant de leurs tombes seront emportés à la rencontre du Seigneur. Quelle rose éclatante Rome présente au Christ ! Quelles couronnes entourent cette cité ! De quelles chaînes d’or elle est ceinte ! Quelles fontaines elle possède ! Cette ville fameuse, je l’admire, non à cause de For dont elle abonde, non à cause de ses fastueux portiques, mais parce qu’elle garde dans son enceinte ces deux colonnes de l’Église » [9]. Et l’illustre orateur exprimait en termes brûlants le désir qu’il aurait eu de visiter les grands tombeaux, trésor du monde, rempart assuré de la cité-reine.
Aujourd’hui, des divers territoires assignés à leur zèle, les chefs du peuple de Dieu viennent, à des intervalles fixés parle droit, visiter les basiliques élevées sur les restes précieux de Pierre et de Paul ; comme celui-ci durant sa vie mortelle [10], ils doivent aussi venir voir Pierre vivant toujours dans le Pontife héritier de sa primauté. Si les simples chrétiens ne sont pas soumis à une obligation qui est, pour leurs évêques, l’objet d’un serment solennel, tout vrai catholique dirigera néanmoins fréquemment sa pensée vers les sommets bénis d’où partent les canaux du salut pour de là se diviser sur la terre entière. Un des symptômes les plus consolants de nos temps malheureux est le mouvement qui commence à ébranler les foules et à les porter vers la Ville éternelle. Mouvement à encourager, s’il en fut ; car il nous fait rentrer dans les plus saines traditions de nos pères ; et aujourd’hui, les facilités d’un pareil pèlerinage, une fois dans la vie, sont devenues telles que, pour un grand nombre, il ne saurait aller sérieusement à l’encontre d’aucune nécessité réelle de position ou de famille.
Si tous pourtant ne peuvent s’approprier en ce sens la parole du Psaume : « Je me suis réjoui de ce qui m’a été dit, nous irons dans la maison du Seigneur ; » que tous du moins, aussi bien et mieux que le Juif, sachent redire ces accents du vrai patriotisme des âmes : « Que tous les biens soient pour ceux qui t’aiment, ô vraie Jérusalem ! Que la paix règne sur tes remparts, et l’abondance dans tes forteresses. C’est là mon vœu, à cause de mes frères qui sont en toi ; c’est là ma prière, parce que tu es pour moi la maison du Seigneur notre Dieu » [11].
Pour rendre honneur aux églises de la Ville éternelle qui gardent les principaux souvenirs des saints Apôtres, Benoît XIV établit [12] que, chacun des jours de l’Octave, une Messe pontificale serait chantée successivement dans l’une de ces églises, avec le concours des chantres et autres ministres de la chapelle papale. Au lendemain de la fête du 29 juin, que le Pontife souverain se réserve de célébrer lui-même en la Basilique Vaticane sur le tombeau du prince des Apôtres, les évêques Assistants au trône pontifical sont convoqués dans la Basilique de la voie d’Ostie qui abrite, non loin du lieu de son martyre, le corps et les chaînes du Docteur des nations. Les Protonotaires apostoliques se réunissent le 1er juillet dans l’Église de Sainte-Pudentienne, ancienne maison du sénateur Pudens « où, dit Benoît XIV, Pierre annonçant la parole divine et célébrant les saints Mystères, jeta en quelque sorte les premiers fondements de l’Église Romaine mère et maîtresse des autres églises ». Le 2 juillet, les Auditeurs de Rote et le Maître du sacré palais honorent de même, à Sainte-Marie in Via lata, la mémoire du séjour que fit en ce lieu durant deux années l’Apôtre des gentils. Le cinquième jour, 3 juillet, la Messe pontificale est célébrée à Saint-Pierre-ès-liens, avec l’assistance des Clercs de la Chambre ; le sixième jour, à la prison Mamertine, en présence des Votants de la Signature ; le septième, devant les Abréviateurs du Parc Majeur, à Saint-Pierre in Montorio désigné par une tradition comme l’emplacement du martyre de l’Apôtre. Enfin, le 6 juillet, le Sacré-Collège des Cardinaux termine l’Octave en grande solennité à Saint-Jean de Latran, où sont exposés à la vénération publique, en de riches reliquaires, les chefs mêmes de saint Pierre et de saint Paul.
Entrons dans la pensée qui inspira au grand Pape Benoît XIV cette distribution des jours de l’Octave des saints Apôtres, et prions avec lui pour la Ville et le monde, en empruntant au Sacramentaire de son immortel prédécesseur, saint Léon Ier, les deux formules qui suivent.
PRÉFACE. | |
Vere dignum. Qui prævidens quantis nostra Civitas laboratura esset incommodis, Apostolici roboris in eadem præcipua membra posuisti. Sed o felix, si tuos præsules, Roma, cognosceres, et tantos digne studeres celebrare rectores ! Nulli te hostes impeterent, nulla prorsus arma terrerent, si eorum famulata doctrinis veraciter atque fideliter eos proposito christianæ sinceritatis ambires ; quum tibi sufficienter appareat, quæ benemeritis dona conferrent, qui tuentur etiam peccatores. | Il est vraiment juste de vous rendre grâces, à vous qui, prévoyant les épreuves dont notre Ville aurait à subir l’assaut, plaçâtes en elle les membres principaux de la vigueur apostolique. O Rome heureuse, si tu connaissais tes gardiens, si tu mettais ton zèle à célébrer dignement de si nobles guides ! Aucun ennemi ne t’attaquerait, tu ne craindrais aucunes armes, si, docile à leurs enseignements, véridique et fidèle, tu te pressais autour d’eux dans la profession d’un sincère christianisme. Quels dons te viendraient d’eux si tu les méritais, ils le montrent assez par la protection que déjà ils accordent à des pécheurs. |
ORAISON. | |
Deus, qui Ecclesiæ tuæ in sanctis montibus fundamenta posuisti : da, ut nullis errorum subruatur incursibus, nulla mundi perturbatione quatiatur ; sed Apostolica semper et institutione sit firma, et interventione secura. | O Dieu qui avez placé sur les montagnes saintes les fondements de votre Église ; faites qu’elle ne soit minée par aucune entreprise de l’erreur, ébranlée par aucun trouble du monde : mais que, fondée par les Apôtres, elle soit toujours ferme, et, protégée par eux, toujours tranquille. Par Jésus-Christ. |
La Prose suivante, d’Adam de Saint-Victor, terminera dignement le recueil des pièces liturgiques qui nous ont aidés durant cette Octave à pénétrer dans l’esprit de la sainte Église. Nous la choisissons de préférence à celle de l’illustre poète qui commence par ces mots Gaude Roma, caput mundi, et qui est exclusivement personnelle à saint Pierre dont elle raconte les miracles et la vie.
SÉQUENCE. | |
Roma Petro glorietur,
Roma Paulum veneretur Pari reverentia : Imo tota jocundetur, Et jocundis occupetur Laudibus Ecclesia. | Que Rome en Pierre se glorifie,
que Rome d’un même culte vénère aussi Paul ; ou bien plutôt que tout entière, en allégresse, en chants joyeux, l’Église célèbre ce jour. |
Hi sunt ejus fundamenta,
Fundatores, fulcimenta, Bases, epistylia ; Iidem saga, qui cortinæ, Pelles templi jacinthinæ, Scyphi, spheræ, lilia. | Ils sont ses fondements,
ses fondateurs et ses appuis ; bases, architraves, couvertures et tentures, peaux du temple richement teintes, coupes, pommes et lis d’ornements. |
Hi sunt nubes coruscantes,
Terram cordis irrigantes Nunc rore, nunc pluvia ; Hi præcones novæ legis Et ductores novi gregis Ad Christi præsepia. | Ils sont les nuées éclatantes
arrosant la terre de nos cœurs, tantôt de pluie, tantôt de rosée. Ils sont les hérauts de la loi nouvelle, les guides du troupeau nouveau vers le bercail du Christ. |
Laborum socii
Triturant aream, In spe denarii Colentes vineam. | Ensemble ils foulent l’aire,
compagnons de labeurs ; ils travaillent à la vigne dans l’espoir du denier. |
His ventilantibus,
Secedit palea, Novisque frugibus Replentur horrea. | Par leurs efforts
la paille est séparée, les greniers se remplissent de la moisson nouvelle. |
Ipsi montes appellantur :
Ipsi prius illustrantur Veri solis lumine. Mira virtus est eorum : Firmamenti vel cœlorum Designantur nomine. | On les appelle les monts,
frappés qu’ils sont les premiers de la lumière du vrai soleil. Admirable est leur force ; aussi les désigne-t-on sous le titre de firmament ou de cieux. |
Fugam morbis imperant,
Leges mortis superant, Effugant dæmonia. Delent idolatriam, Reis præbent veniam, Miseris solatia. | Ils mettent en fuite les maladies,
domptent la mort et ses lois, chassent les démons. Ils détruisent l’idolâtrie, donnent grâce aux coupables, aux malheureux consolation. |
Laus communis est amborum,
Quum sint tamen singulorum Dignitates proprias : Petrus præit principatu, Paulus pollet magistratu Totius Ecclesiæ. | La louange est commune pour les deux,
quoique la dignité de chacun soit particulière : Pierre précède par la primauté, Paul excelle par ses enseignements dans l’Église entière. |
Principatus uni datur,
Unitasque commendatur Fidei catholicas ; Unus cortex est granorum, Sed hæc una vis multorum Sub eodem cortice. | La primauté est donnée à un seul,
et l’unité de la foi catholique est ainsi proclamée. Une seule écorce est pour les grains, et tous en leur multiplicité ont une seule vertu sous la même écorce. |
Romam convenerant
Salutis nuntii, Ubi plus noverant Inesse vitii, Nihil medicinæ. Insistunt vitiis Fideles medici ; Vitæ remediis Obstant phrenetici, Fatui doctrinæ. | Rome fut le rendez-vous
des courriers du salut : là, comme ils le savaient, dominait le mal, et le remède était absent. Médecins fidèles, ils combattent le mal ; les malades en délire repoussent les remèdes de la vie, les insensés la science. |
Facta Christi mentione,
Simon magus cum Nerone Conturbantur hoc sermone, Nec cedunt Apostolis. Languor cedit, mors obedit, Magus crepat, Roma credit, Et ad vitam mundus redit, Reprobatis idolis. | Le nom du Christ a retenti :
Simon le Mage et Néron se troublent à ces discours, et ne cèdent pas aux Apôtres. Mais on voit céder toute langueur et la mort obéir ; le Mage se brise, Rome croit, et le monde revient à la vie, rejetant les idoles. |
Fremit Nero sceleratus,
Magi morte desolatus, Cujus error ei gratus, Grave præcipitium. Bellatores præelecti Non a fide possunt flecti ; Sed in pugna stant erecti, Nec formidant gladium. | Néron chargé de crimes frémit ;
la mort du Mage le désole : autant lui plaisait son erreur, autant il est marri de sa chute. Les combattants du bon combat ne peuvent être ébranlés dans leur foi ; ils se redressent de toute leur taille à la lutte, sans craindre le glaive. |
Petrus. hæres veræ lucis,
Fert inversus pœnam crucis, Paulus ictum pugionis : Nec diversæ passionis Sunt diversa præmia. Patres summæ dignitatis, Summo Regi conregnatis : Vincla nostræ pravitatis Solvat vestræ potestatis Efficax sententia. Amen. | Pierre, l’héritier de la vraie lumière,
subit la croix la tête en bas ; Paul est passé par l’épée : supplice divers, même récompense. Pères de dignité souveraine, vous régnez avec le souverain Roi : déliez les liens de notre malice par la sentence efficace qui est en votre pouvoir. Amen. |
A cette octave des Apôtres, outre le sermon de saint Léon indiqué pour le 4 juillet [13], se rapporte très probablement la XXVIIIe messe du Sacramentaire Léonien : Solemnitatis apostolicae multiplicatione gaudentes.
L’homélie du grand Pontife qui sauva Rome d’Attila fut sûrement prononcée à Saint-Pierre ; quant à la seconde synaxe sur le tombeau apostolique de la voie d’Ostie, elle nous est attestée par les Actes du martyr Sébastien, où nous lisons que le prêtre Tranquillinus, au jour de l’octave du natale des saints Pierre et Paul, fut surpris par les infidèles sur la tombe de l’Apôtre des Gentils et mis à mort.
Dans l’introït de la messe, l’Église exalte la sagesse des deux Princes du Collège apostolique sur l’enseignement desquels s’appuie tout notre édifice dogmatique.
Voici la belle collecte : « O Dieu, dont la droite soutint le bienheureux Pierre sur les flots, pour qu’il ne fût pas submergé, et retira du fond de la mer, Paul, son collègue dans l’apostolat, lors de son troisième naufrage : exaucez-nous dans votre miséricorde, et accordez-nous de parvenir, aidés des mérites de ces deux Saints, à la gloire de l’éternité. »
La première lecture est celle du 26 juin. Les deux Princes des Apôtres sont appelés viri misericordiæ parce que, en ayant obtenu de Jésus-Christ une mesure plus abondante que les autres, ils savent par expérience combien cette miséricorde nous est nécessaire, et leur cœur, plus que tout autre, se sent porté à avoir pitié de nous.
Le répons est le même que pour la messe des martyrs Maris, Marthe, etc. le 19 janvier ; le verset alléluiatique est spécial et il est tiré du récit évangélique de la dernière Cène selon saint Luc. « Alléluia. Vous êtes ceux qui me sont demeurés fidèles dans mes épreuves ; je préparerai pour vous le royaume, afin que vous soyez assis sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël. Alléluia ».
L’Église chante en l’honneur de saint Paul : qui et meruit thronum duodecimum possidere. Or, on se demande comment ce siège a été attribué à Paul, puisque la place laissée vacante par Judas fut attribuée à saint Mathias.
Les Pères observent d’abord que la tradition de l’Église, loin d’attribuer à Paul le dernier rang parmi les Apôtres en violant les droits de Mathias, invoque au contraire le Docteur des Nations avec Pierre comme Prince du Collège apostolique. Cela indique donc que le nombre duodénaire des trônes ne doit pas être entendu exclusivement au sens strict ; d’autant plus que les tribus d’Israël elles-mêmes n’étaient pas douze, mais treize. De plus, outre les fils d’Abraham, toute l’humanité extrapalestinienne doit aussi être jugée.
Saint Augustin entend le nombre douze au sens symbolique, en tant qu’il exprime la plénitude et l’universalité. Les douze trônes sont donc simplement les sièges des Apôtres et de leurs imitateurs, comme les douze tribus d’Israël signifient l’humanité entière, préfigurée par les douze fils de Jacob.
La lecture évangélique (Matt. 16, 22-33) nous montre saint Pierre, qui, dans un élan de foi et à l’appel du divin Maître, descend de la barque et marche sans crainte sur les eaux du lac de Tibériade pour aller à Jésus ; cette scène devait être représentée en peinture ou en mosaïque dans la basilique vaticane, aussi était-elle très familière aux Romains qui venaient y prier. La collecte de ce jour y fait aussi allusion et l’inscription qui existait autrefois dans l’oratoire Vatican de la Sainte-Croix l’évoque également :
SALVA • NOS • CHRISTE • SALVATOR • PER • VIRTVTEM - CRVCIS QVI • SALVASTI • PETRVM • IN • MARI...
Sauvez-nous, ô Christ Sauveur par la puissance de la Croix, vous qui avez sauvé Pierre sur la mer…
L’antienne pour l’offertoire est commune à la fête de saint Basilide le 12 juin. Dans leur gloire, les saints célèbrent le Seigneur et l’honorent, Lui à qui ils doivent et à qui ils rapportent tout leur bonheur.
Voici la secrète : « Nous vous offrons, Seigneur, nos prières et nos dons ; et pour qu’ils soient dignes d’être admis en votre présence, faites que nous soyons aidés des prières de vos Apôtres Pierre et Paul ». Tel est l’office du Christ et des saints dans le Ciel. Là-haut, tous adorent l’Auguste Trinité et prient sans cesse pour nous. Pierre le promit formellement à la veille de son martyre : « Mais j’aurai soin que, même après mon départ, vous puissiez toujours conserver le souvenir de ces choses » [14].
Quant à Paul il nous assure que lui aussi, durant sa vie, ne faisait que prier pour toute la famille chrétienne : « Je ne cesse pas de rendre grâces pour vous, faisant mention de vous dans mes prières » [15].
La préface est celle qui est maintenant commune à tous les Apôtres, mais qui, à l’origine, se rapportait exclusivement aux deux Princes : « quos operis (Dei) Vicarios eidem (à Rome) contulisti praeesse Pastores » [16].
L’antienne pour la Communion est commune à la messe du 2 juin, pour le natale des martyrs Pierre et Marcellin : les justes sont entre les mains de Dieu ; aussi ni Hérode ne pourra nuire à Pierre au moment et de la manière choisis par lui, ni les Juifs n’arriveront à retenir Paul dans les chaînes ou à le mettre à mort maigre la conjuration du Sanhédrin. La divine Providence dirige leurs voies et redresse les conseils des impies ; en sorte que, même malgré eux et à leur insu, ils servent à l’exécution de son merveilleux plan de salut, Pierre et Paul tomberont enfin victimes de l’impiété des hommes, mais au jour, à l’heure et dans les circonstances que Dieu a fixés d’avance pour que leur martyre se change en un magnifique triomphe :
Per Crucem alter, aller ense triumphans,
Vitae senatum laureati possident.
L’un triomphant par la Croix, l’autre par l’épée,
ils siègent couronnés au Sénat de la vie
Suit la prière d’action de grâces : « Protégez, Seigneur, votre peuple qui se confie dans le patronage de vos apôtres Pierre et Paul, et conservez-le par votre continuel secours. »
Un fruit de cette dévotion romaine aux deux grands Princes de Apôtres est le beau texte introduit dans le Bréviaire édité sous Urbain VIII, et où l’on voit le Seigneur, désignant Rome à Pierre et à Paul et leur disant : Entourez cette nouvelle Sion et fortifiez-la ; gardez-la, c’est-à-dire protégez-la, affermissez-la par vos prières. Ainsi, lorsque parfois je m’irriterai et j’ébranlerai l’univers, regardant votre inviolable sépulcre et ces stigmates que vous avez voulu pour moi supporter, ma miséricorde triomphera de ma colère et j’accueillerai alors volontiers votre intercession. Quand en effet je verrai misérablement abattu le sacerdoce et la chose publique, alors, touché de compassion je m’inclinerai avec miséricorde me souvenant de ma promesse : Je protégerai cette Ville par égard pour David mon serviteur et pour Aaron qui me fut consacré. Amen.
Les protestants ont cherché à élever Paul au-dessus de Pierre en lui attribuant, plutôt qu’au Christ Lui-même, la fondation de l’Église. La théologie et le catéchisme catholiques suffisent à mettre les fidèles à l’abri de semblables hérésies. C’est sur Pierre que le Christ a fondé l’Église, mais il a voulu que Paul fût, dans le chœur des Apôtres, le plus grand propagateur du saint Évangile et l’organe le plus important de la divine révélation. Leur place hiérarchique est bien distincte ; cependant, comme ils ont fondé ensemble l’Église de Rome, la laissant ensuite héritière de leur sang, de leurs tombeaux, de l’universelle primauté de Pierre, de l’universel magistère de Paul, ainsi la liturgie les a-t-elle toujours unis dans un même culte d’admiration et de gratitude, sans jamais les séparer. De quorum mentis atque virtutibus... nihil diversum, nihil debemus sentire discretum — dit saint Léon le Grand.
A Rome, ce sentiment de l’inséparabilité des deux Apôtres, dont le Pape invoque toujours l’autorité dans ses actes les plus importants, est traditionnel. Les images de Pierre et de Paul ornent, depuis le haut moyen âge, les sceaux de plomb pontificaux, sur lesquels Paul occupe même la droite et Pierre la gauche. Au temps de saint Grégoire le Grand, la loi obligeant les évêques d’Italie à visiter, à des époques déterminées, les deux tombeaux des Princes des Apôtres était déjà très ancienne. Après le VIIe siècle, cette loi fut peu à peu étendue à tous les évêques de rit latin. A la fin du XIIIe siècle, on parlait avec insistance du jubilé, ou indulgence plénière qu’obtiendraient les fidèles qui, durant la première année du nouveau siècle, auraient visité les tombeaux apostoliques. Boniface VIII réalisa ce vœu et, en 1300, ouvrit les portes des deux basiliques de Pierre et de Paul, accordant à tous ceux qui viendraient prier sur leurs saintes reliques paix totale et pardon.
Remarquons encore d’autres faits qui ne sont pas dépourvus de signification. Sur l’autel de saint Pierre, aux jours les plus solennels et lorsque le Pontife y célèbre le divin Sacrifice, se dressent aux côtés du Crucifix les deux statues en métal doré des saints Pierre et Paul ; de même, au-dessus de l’autel papal de la basilique Ostienne, riche des précieux chandeliers gemmés donnés par Benoît XV, deux autres gracieuses petites statues de marbre représentant les saints apôtres Pierre et Paul ornent le ciborium en mosaïque des Cosmas qui abrite la Confession.
Ce concept romain de l’inséparabilité du culte des deux Apôtres est en outre très bien mis en évidence par Sixte III dans l’inscription dédicatoire du Titre d’Eudoxie :
HAEC • PETRI • PAVLIQVE • SIMVL • NVNC • NOMINE • SIGNO
XYSTVS • APOSTOLICAE • SEDIS • HONORE • FRVENS
VNVM • QVAESO • PARES • VNVM • DVO • SVMITE • MVNVS
VNVS • HONOR • CELEBRET • QVOS • HABET • VNA • FIDES
Moi, Sixte, élevé à la dignité du Siège apostolique,
je dédie ce temple à Pierre et à Paul ensemble.
Tous les deux vous ne faites qu’un ; recevez donc un unique don.
Qu’un culte identique exalte ceux que fit nôtres une unique foi.
Aujourd’hui Rome chrétienne termine l’octave de ses grands Apôtres. L’importance de ces figures colossales avait fait de leur natale, au moyen âge, le centre d’un cycle liturgique spécial.
Dans la liste des évangiles de Würzbourg sont notés deux seconds dimanches post Pentecosten... : l’un ante natale Apostolorum, et l’autre post natale Apostolorum.
L’Homiliaire de Charlemagne compte au contraire sept dimanches post natale Apostolorum, tandis que le calendrier de Fronteau en connaît six et le Comes Albini cinq.
Devant une si grande diversité de calculs, voici la parole autorisée du Sacramentaire Léonien qui, en une préface pour le 29 juin, observe que la fête des saints apôtres Pierre et Paul ne dure pas un jour, ni une semaine, ni un mois, à Rome, mais sans interruption toute l’année.
Vere dignum etc. Apud quem, quum beatorum Apostolorum Petri et Pauli continuata festivitas, aeterna celebritas, et triumphi caelestis perpetuus sit natalis ; nos tamen beatae confessionis initia recolentes, frequenti tribuis devotione venerari, ut crebrior honor impensus sacratissimae passioni, maiorem nobis prosit ad gratiam. Per etc.
Nous terminerons en citant, en l’honneur des deux Apôtres, les distiques qu’aujourd’hui encore on lit sous leurs images en mosaïque dans la basilique de Saint-Paul, images reproduites sur l’immense arc triomphal érigé par saint Léon le Grand.
VOCE • DEI • FIS • PETRE • DEI • PETRA • CVLMEN • HONORIS
AVLAE • CAELESTIS • SPLENDOR • ET • OMNE • DECVS
A la voix divine, ô Pierre, tu devins le fondement divin et le sommet de la hiérarchie,
La splendeur et l’ornement du royaume céleste.
PERSEQVITVR • DVM • VASA • DEI • FIT • PAVLVS • HONORIS
VAS • SE • DELECTVM • GENTIBVS • ESSE • PROBAT
Tandis que Paul persécute les vases de Dieu, il devient lui-même un privilégié,
Qui, à l’œuvre, se montre comme vraiment destiné aux Gentils.
« Les glorieux Princes de ta terre, comme ils se sont aimés pendant leur vie, ne sont pas séparés non plus dans la mort ». (Ant. de Ben.).
Une fois encore nous voici devant les tombeaux des deux Princes des Apôtres ; leur nom nous accompagne chaque jour dans la liturgie. « Pierre, l’Apôtre, et Paul, le Docteur des nations, ce sont eux qui nous ont appris ta loi, Seigneur ».
1. La messe (Sapientiam). — La messe cette fois encore est propre. Elle est ancienne et présente le caractère d’un mystère ; le mystère est mis en action dans l’Évangile : cette scène mémorable après la première multiplication des pains : le Christ s’arrache à la foule qui voulait le faire roi, ordonne aux Apôtres de traverser le lac en barque et se retire sur la montagne où il passe la nuit en prière. Pendant ce temps les disciples rament dans leur barque et ont le vent contraire ; au cours de la quatrième veille de la nuit (sur le matin), le Seigneur vient à la rencontre des Apôtres en marchant sur les eaux du lac. Avec sa précipitation habituelle Pierre descend sur l’eau pour rejoindre-le Seigneur ; mais, comme il doutait, il enfonça et fut retiré du gouffre par le Seigneur. Une belle image de notre vie : nous luttons dans la nuit du monde contre les vents contraires tandis que le Christ prie sur la hauteur (à la droite du Père) ; pourtant, sur terre non plus nous ne sommes pas seuls ; journellement il vient « à la quatrième veille de la nuit » vers nous qui sommes dans la barque de la vie (à la messe)... — Pierre qui enfonce et auquel le Seigneur tend la main est une gracieuse image de la liturgie romaine ; les anciens voient là une figure du baptême ; celui-ci préserve les hommes de l’engloutissement et les sauve en les faisant monter dans la barque de l’Église. C’est pourquoi l’on trouve parmi les rites du baptême l’exorcisme suivant : « Celui-là qui te commande, esprit maudit, c’est celui qui a marché d’un pied ferme sur les eaux et qui a tendu la main à Pierre au moment où celui-ci enfonçait ». L’oraison de la messe évoque la scène presque dans les mêmes termes. — Cet épisode caractérise aussi, comme peu d’autres le font, Pierre avec sa foi et sa faiblesse.
2. La prière des Heures. — Saint Jean Chrysostome nous offre de nouveau un beau panégyrique des deux Apôtres : « Quelle reconnaissance ne vous devons-nous pas, saints Apôtres qui avez tout fait pour nous ? Je me souviens de toi, Pierre, et je suis dans l’étonnement ; je me souviens de toi, Paul, et je suis vaincu par les larmes. Quand je contemple vos tourments, que dois-je dire ; quelles paroles prononcer ? — Je ne le sais pas. Combien de prisons avez-vous sanctifiées ? Combien de chaînes avez-vous glorifiées ? Combien de tourments avez-vous endurés ? Combien de malédictions avez-vous supportées ? Comment avez-vous porté le Christ et réjoui les assemblées par votre prédication ? Ce sont des instruments de bénédiction que vos langues ! Vos membres ont été ensanglantés pour l’Église. Vous avez suivi le Christ en toute chose. Dans le monde entier retentit votre verbe, et vos paroles résonnent jusqu’aux confins du monde (Ps. 18). Réjouis-toi, Pierre, car il t’a été donné de porter le bois de la croix du Christ. Tu as voulu être crucifié comme le Maître, non debout cependant comme le Christ Jésus, mais la tête en bas comme quelqu’un qui va de la terre au ciel. O les heureux clous qui ont transpercé tes membres bénis ! Tu as remis en pleine confiance ton esprit entre les mains de Dieu, toi qui l’avais servi ainsi que son Épouse, l’Église, avec tant de zèle, roi qui as aimé le Seigneur de toute l’ardeur de ton âme, toi le plus fidèle des Apôtres ! — Et toi aussi, réjouis-toi, bienheureux Paul, toi qui eus la tête tranchée par le glaive, toi dont aucun mot ne peut dire les vertus. Quel est ce glaive qui pénétra dans ta gorge ? N’est-ce pas un instrument du Seigneur que le ciel admire et que la terre vénère ? Quelle place ton sang a-t-il baignée ? N’a-t-il pas l’aspect du lait sur la tunique de celui qui t’a frappé ? Par un étrange miracle tu as fait de ce bourreau un doux agneau et même un croyant auquel se sont joints ses complices. Que ce glaive soit ma couronne, et les clous de Pierre des perles serties dans mon diadème ! » (La légende raconte qu’au moment où Paul fut décapité, ce fut du lait, et non du sang, qui jaillit sur les vêtements des soldats, à la suite de quoi le préfet Longus et le centurion Celsus se convertirent),
[1] Ps. 18, 4.
[2] Ps. 44, 17.
[3] Petr. Dam. vel Nicol. CLARAVALL. Sermo de S. Petro Ap.
[4] Johan. XIV, 7.
[5] Matth. XIX, 6 ; Eph. V, 32.
[6] Johan. XXI, 13-17.
[7] Luc. XI, 1.
[8] Cant. VIII, 6.
[9] Homil. XXXII in Ep. ad Rom.
[10] Gal. I, 18.
[11] Psalm. CXXI.
[12] Bulle Admirabilis Sapientiae Dei sublimitas, 1er Avril 1743.
[14] II Petr. 1, 15.
[15] Eph. 1, 16.
[16] Qui, chargés comme vos vicaires de perpétuer votre œuvre, ont été établis sur lui en qualité de pasteurs.