Textes de la Messe |
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Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
L’Octave de la Toussaint, instituée par Sixte IV à la fin du XVe siècle fut supprimée en 1955, nous le signalons pour les textes patristiques lus au bréviaire pendant cette huitaine (notamment l’homélie sur le Sermon sur la Montagne de St Augustin, lue en continu du 1er au 8 novembre, sauf le 2, commémoraison des Fidèles trépassés, et le 4, fête de st Charles Borromée)
Comme au jour de la fête.
A MATINES. avant 1955
Au deuxième nocturne.
Du sermon de saint Bède le Vénérable, Prêtre.
Quatrième leçon. Que 1’espoir de parvenir à cette récompense des œuvres du salut nous charme et nous attire ; luttons volontiers et de grand cœur dans le stade de la justice, tandis que Dieu et le Christ nous contemplent. Et puisque nous avons déjà commencé a nous élever au-dessus du monde et du siècle, veillons à ce que nul désir des choses de la terre ne nous attarde. Si le dernier jour nous trouve dégagés de toutes choses, s’il nous trouve courant avec agilité dans la carrière des bonnes œuvres, le Seigneur ne pourra manquer de récompenser nos mérites.
Cinquième leçon. Celui-là même qui donnera comme prix de la souffrance, une couronne empourprée a ceux qui auront vaincu dans la persécution, donnera aussi une couronne blanche comme prix des œuvres de justice, a ceux qui auront vaincu dans la paix. Bien qu’Abraham, Isaac, Jacob n’aient pas été tués, ils n’en ont pas moins été dignes d’être au premier rang des Patriarches, ayant acquis cet honneur par les mérites de leur foi et de leur justice ; et c’est au banquet de ces grands justes que va prendre place, quiconque est trouve fidele, juste et digne de louanges. Mais il faut nous souvenir que nous devons faire la volonté de Dieu, et non pas la nôtre ; car« celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement, » comme Dieu demeure éternellement lui-même.
Sixième leçon. Il faut par conséquent, très chers frères, qu’avec un esprit pur, une foi ferme, une vertu robuste, une charité parfaite, nous soyons prêts a accomplir toute volonté de Dieu, gardant avec une courageuse fidélité les commandements du Seigneur ; 1’innocence dans la simplicité, 1’union dans la charité, la modestie dans l’humilité, l’exactitude dans les emplois, 1’attention dans l’assistance des affliges, la miséricorde dans le soulagement des pauvres, la constance dans la défense de la vérité, la discrétion dans la sévérité de la discipline ; de peur que nous ne manquions en quelque point de suivre ou donner 1’exemple des bonnes œuvres. Et voila les traces, qu’en retournant dans la patrie, tous les Saints nous ont laissées, afin que, nous attachant a leurs pas, nous puissions les suivre et arriver à leurs joies.
Au troisième nocturne.
Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu. Cap. 5, 1-12.
En ce temps-là : Jésus, voyant la foule, monta sur la montagne, et lorsqu’il se fut assis, les disciples s’approchèrent de lui. Et le reste.
De l’Homelie de saint Augustin, Eveque.
Septième leçon. Le troisième des degrés que nous découvrons [1] dans les béatitudes, est celui de la science ; on y pleure l’absence du souverain bien, retenu que l’on est par les biens inferieurs. Au quatrième degré, c’est le travail : 1’âme s’applique avec véhémence a s’arracher aux funestes plaisirs parmi lesquels elle se sent captive. Ici donc, l’on a faim et soif de la justice, et le courage est grandement nécessaire, car on ne quitte pas sans douleur ce qu’on possède avec joie. Au cinquième degré, ceux qui persévèrent dans le travail, reçoivent un conseil pour s’en délivrer ; car, sans le secours d’une puissance supérieure, personne n’est capable de se débarrasser de misères si grandes et si compliquées. Or, ce conseil si juste, donné à quiconque désire avoir l’aide d’un plus puissant, c’est celui d’aller au secours d’un plus faible, dans les occasions où l’on peut plus que lui. Ainsi donc : « Bienheureux les miséricordieux, parce que Dieu leur fera miséricorde. »
Huitième leçon. Au sixième degré est la pureté du cœur, qui puise dans la conscience de ses bonnes œuvres la force de contempler le bien suprême, que seule peut apercevoir une intelligence pure et sans tache. Enfin la sagesse même, c’est-à-dire la contemplation de la vérité, purifiant tout l’homme et lui donnant de la ressemblance avec Dieu, vient la septième, formulée en ces termes : « Bienheureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu. » La huitième fait comme un retour vers le commencement, en ce qu’elle le montre et le prouve accompli et parfait. Aussi le royaume des cieux est-il également nommé, et dans la première : « Bienheureux les pauvres d’esprit, parce qu’à eux appartient le royaume des deux ; » et dans la huitième : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce qu’à eux appartient le royaume des cieux. »
Neuvième leçon. C’est alors qu’on peut dire : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? la tribulation ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? la nudité ? le péril ? le glaive ? » Il y a donc sept choses qui perfectionnent, car la huitième glorifie et montre ce qui est parfait, comme si elle recommençait à partir de la première, afin qu’en passant par ces degrés, elle leur donne de sa perfection. Il me semble donc que les sept formes d’opération de l’Esprit-Saint, dont parle Isaïe, se rapportent aussi à ces degrés ou maximes, mais dans un ordre différent. Car, en Isaïe, l’énumération commence par ce qu’il y a de plus excellent, au lieu qu’ici, elle commence par ce qu’il y a de moins élevé. En effet, le Prophète commence par la sagesse de Dieu et aboutit à la crainte de Dieu ; mais la « crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. »
Et l’Esprit et l’Épouse disent : Venez. Que celui qui écoute dise aussi : Venez [2] — Oui ; je viendrai bientôt [3]. — Amen ! Venez Seigneur Jésus [4]. Sans négliger de faire monter vers l’Église triomphante l’hommage de nos chants, sans cesser d’apporter nos suffrages à l’Église souffrante, n’omettons pas de considérer l’Église militante, en ces jours où l’évolution du Cycle sacré nous la montre à la veille d’achever son œuvre sur terre. Modèle de ses fils, c’est surtout à l’heure où finira notre pèlerinage d’ici-bas qu’il convient que son attitude soit la nôtre. Or le dialogue précité, qui terminera l’histoire du monde, fait assez voir les sentiments auxquels dès maintenant l’Esprit la dispose en prévision du moment suprême.
Comme sont brisés dans l’homme, par la souffrance de ses derniers jours, les liens qui le retenaient à la vie des sens ; de même, si violemment qu’elle en doive être heurtée, les dernières convulsions sociales auront pour résultat de dégager l’Église des entraves d’un monde qu’elle devra renoncer à disputer davantage à la ruine.
Et c’est pourquoi rendue au libre essor, si l’on peut dire ainsi, de sa spontanéité native, elle se consumera de l’unique désir qu’avaient, semblait-il, comprimé les siècles, maintenu à l’arrière-plan tant de labeurs ; elle n’aura plus qu’un mot : Venez ! Et dans le cataclysme où, le soleil obscurci, la lune refusant sa lumière, les vertus des cieux seront ébranlées [5], elle tressaillira, n’ignorant point qu’au milieu de cette nuit-là même va retentir le cri : Voici l’Époux [6] !
Que celui donc qui écoute, que chacun de nous dise aussi : Venez ! Si nous aimons le Seigneur, si l’on doit reconnaître en nous les membres de son Église bien-aimée, justifions ce beau titre, en ne voyant que par les yeux de l’Église, en n’appréciant que par son cœur toutes choses et, plus que tout, la mort : dans le suprême passage saluons, pour les nôtres et pour nous, l’entrée des noces éternelles. Nous le savons : à qui veut loyalement le Seigneur, le Seigneur ne saurait manquer ; fallût-il, par delà cette vie, solder à sa justice quelques dettes encore, rectifier l’un ou l’autre détail de parure avant de nous asseoir au banquet des cieux, le béni passage n’en donne pas moins sans nul retard et de plain-pied, pour tous les justes, accès dans l’impeccabilité, dans la sécurité de l’amour à jamais sauf. Comme nous le verrons, c’est bien ainsi que l’entendaient nos pères.
Les Églises de France, de Suisse, d’Angleterre avaient, en grand nombre, fait choix de cette Séquence pour chanter les Saints.
Le dixième Chant du Cathemerinon de Prudence fournit l’Hymne qui suit à l’Office mozarabe des Vêpres des morts.
« Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu, Bienheureux les pacifiques, car ils seront appelés enfants de Dieu, Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le royaume des cieux leur appartient. » (Comm.)
Pensées de la Toussaint. — Nous pouvons maintenant pendant quelques jours contempler les saints au ciel. Profitons de cette circonstance pour approfondir davantage les pensées du temps (de l’automne ecclésiastique). Remarquons que la fête de la Toussaint, par suite de sa translation au 1er novembre, a reçu désormais l’empreinte des derniers temps. Les saints forment la suite du Roi qui doit revenir à la fin des temps et apparaître alors « dans la splendeur de ses saints. » C’est ce que montre bien l’Invitatoire (la sonnerie du réveil) de notre fête : « Venez, adorons le Roi des rois, le Seigneur ; car il est en personne la couronne de tous les saints. » C’est ce que, tout récemment, Pie XI a proclamé en instituant la fête du Christ Roi et en la fixant au dimanche qui précède la Toussaint ; ainsi les deux fêtes se trouvent étroitement unies et nous présentent l’image chère à l’antiquité chrétienne : le second avènement du Roi, accompagné de ses saints. — Outre cela, la fête est pour nous une nouvelle occasion de contempler le ciel et de faire connaissance avec notre patrie et nos compatriotes célestes. Un intime et ardent désir du ciel remplit notre cœur : « Ô combien glorieux est le royaume où tous les saints exultent avec le Christ ; vêtus de blanc, ils suivent l’Agneau partout où il va » (Ant. de Magn.).
Saint Bède continue sa prédication et nous encourage à suivre la trace des saints : « Ce doit donc être une joie d’accomplir les œuvres de salut pour obtenir une telle palme. Luttons volontiers et de bon cœur ; hâtons-nous de combattre pour tout ce qui est juste, sous le regard de Dieu et du Christ ; et, puisque nous nous sommes déjà élevés au-dessus du monde et des choses terrestres, n’arrêtons pas notre course par la convoitise des biens de ce monde. Si notre dernier jour nous trouve dégagés de tout lien, ardents aux œuvres du bon combat, le Seigneur ne saurait manquer de nous rétribuer pour notre service. Celui qui donnera, dans le temps de la persécution, la couronne de pourpre à la mort douloureuse donnera aussi la couronne de blancheur immaculée à ceux qui auront triomphé dans le temps de la paix, en récompense des mérites acquis par leurs bonnes actions. Car ni Abraham, ni Isaac, ni Jacob ne sont morts de mort violente et cependant, à cause des mérites de leurs vertus, ils sont à l’honneur et ont été jugés dignes de prendre place au premier rang parmi les Patriarches. Quiconque est trouvé fidèle dans la foi et dans les œuvres et digne de récompense a part au banquet éternel dont ils jouissent. Nous devons nous souvenir que notre devoir est de faire non pas notre volonté, mais celle de Dieu ; car quiconque fait sa volonté demeure dans l’éternité, comme lui-même demeure dans l’éternité. Soyons donc prêts, mes bien-aimés, à répondre à toutes les manifestations de la volonté de Dieu avec un cœur entier, avec une foi robuste, avec une vertu solide, avec un amour parfait, et à obéir courageusement aux commandements de Dieu, à obéir dans la simplicité de l’innocence, dans la concorde de la charité mutuelle, dans la modestie de l’humilité, dans la diligence de notre administration, dans la vigilance de l’aide à apporter à ceux qui peinent, dans la miséricorde de la sollicitude envers les pauvres, dans la constance de la vérité à défendre, dans la circonspection de la sévérité en matière de discipline, afin que rien ne nous fasse défaut dans l’imitation des bonnes actions. Telles sont les traces que les saints nous ont laissées en retournant dans la patrie, afin que, les ayant suivis dans leurs voies, nous les suivions aussi dans leurs joies. »
L’Extrême Onction et la Bénédiction Apostolique. Nous savons que les athlètes grecs qui luttaient dans le stade oignaient leur corps d’huile. Par là, ils acquéraient deux avantages nécessaires pour la lutte : la force, la vigueur et la souplesse des membres leur permettant d’échapper à l’adversaire qui n’aurait pas facilement prise sur cette peau lisse et huilée. La lutte décisive de la vie chrétienne se livre à l’heure de la mort. Alors notre Mère la Sainte Église s’approche avec l’ampoule des Saintes Huiles et nous offre l’onction en vue de la dernière lutte. L’huile des malades, consacrée par l’évêque au cours de la fonction du jeudi saint, avant la petite élévation de l’Hostie, est destinée à fortifier l’âme pour la lutte décisive et à empêcher l’adversaire qui s’acharne contre elle de la saisir au cours de cette violente attaque. C’est pendant la messe du jeudi saint — nous le soulignons intentionnellement — que l’huile sainte est consacrée. C’est donc aussi de la messe que l’onction des malades, la consécration liturgique de la mort, tire sa puissance. La messe du Cénacle fut une célébration mystérieuse du départ du Seigneur, suivie de la consécration de sa mort au jardin des oliviers. Quel parallélisme significatif avec les derniers actes liturgiques de la vie du chrétien ! A la réception du Viatique, dernière participation à la communion terrestre, succède, dans la vie du chrétien, la consécration de la mort. L’onction du Saint-Chrême, à la Confirmation, l’avait consacré soldat du Christ, de même que celle du Baptême lui avait conféré le sacerdoce commun ; maintenant suit la dernière, celle qui prépare à la mort héroïque. L’Église préside à la fin du chrétien par la solennelle célébration d’un mystère. Le Rituel lui donne le nom officiel d’extrême-onction (extrema unctio). Pour ceux qui ont l’esprit de la liturgie, qui espèrent et attendent le retour du Seigneur, l’ »extrême-onction » ne peut être qu’une cérémonie consolante. De ceux qui vivent unis de cœur avec l’Église, qui saisissent ses mystères et veulent les faire passer dans leur vie, nous nous approchons avec l’huile sainte, comme pour donner à leur mort la consécration liturgique. Ceux,-là ne craignent pas la mort, ils ne voient dans l’extrême-onction que la suprême sollicitude, pleine d’amour, de l’Église envers eux, qui enlève à la mort son amertume, ses larmes, son aspect effrayant, qui l’illumine et en fait la porte qui introduit dans une nouvelle existence, la seule qui mérite vraiment le nom de « vie ». Pour ceux qui ont l’esprit de l’Église, le sacrement des malades est l’onction qui conduit à la résurrection et à l’incorruptibilité, la parure et la transfiguration qui préparent à la parousie du Seigneur, l’appel traduit en langage liturgique du « Maranatha » de la primitive Église : « Venez, Seigneur Jésus ! » Le chrétien animé de l’esprit liturgique connaît, dès le temps de la bonne santé, les rites de l’extrême-onction, en relit de temps en temps le texte — il existe des traductions qui suffisent — et suit, livre en main, la cérémonie, quand elle s’accomplit pour lui-même ou quand il la fait accomplir pour ses parents.
Un autre rite, très beau lui aussi, suit ordinairement l’administration de l’extrême onction. Le Saint Père vient en quelque sorte au chevet du malade. Le grand nombre de ses brebis ne lui permettant pas de venir en personne, il se fait représenter auprès du malade par le ministre de la liturgie. Il le munit des pouvoirs les plus grands et les plus étendus et répand sur le mourant l’abondance des trésors de grâce de l’Église jusqu’à l’extrême limite. Le mourant invoque avec confiance le nom de Jésus et fait un acte de résignation à la mort ; alors le prêtre, tenant en main le signe de la rédemption et prononçant la formule officielle avec l’Église, lui promet la rémission de toutes ses dettes temporelles. Vraiment, notre Mère l’Église rend la mort douce et belle ; elle en fait une délivrance.
[1] Le saint Docteur vient de dire que la première béatitude provient de 1’humilité, et qu’en la seconde, 1’âme se montre douce par esprit de piété.
[2] Apoc. XXII, 17.
[3] Ibid. 20.
[4] Ibid.
[5] Matth. XXIV, 29.
[6] Ibid. XXV, 6.