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05/08 Dédicace de Ste Marie aux Neiges

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique  

Le Martyrologe Hiéronymien mentionne au 5 août la dédicace de la basilique Ste-Marie sur l’Esquilin, mais la fête resta locale jusqu’au XIVe siècle.

Puis étendue à la ville de Rome, elle connut un grand succès, notamment en France. St Pie V l’inscrivit au calendrier général sous le rite double en 1568, et Clément VIII l’éleva au rang de double majeur en 1602.

Textes de la Messe

die 5 augusti
le 5 août
IN DEDICATIONE S. MARIÆ AD NIVES
DÉDICACE DE Ste MARIE AUX NEIGES
III classis (ante CR 1960 : duplex maius)
IIIème classe (avant 1960 : double majeur)
Missa Salve, de Communi festorum B. Mariæ Virg., et non dicitur Credo.Messe Salve, du Commun des fêtes de la T.S. Vierge Marie, et on ne dit pas le Credo.
Ante 1960 : dicitur Credo.Avant 1960 : on dit le Credo.
Præfatio de B. Maria Virg. Et te in Festivitáte. Préface de la bienheureuse Vierge Marie Et en cette Fête.

Office

Tout l’Office est du Commun de la Ste Vierge sauf :

Leçons des Matines avant 1960.

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Sous le pontificat de Libère, le patricien romain Jean et sa noble épouse, n’ayant point d’enfants pour hériter de leurs biens, vouèrent leurs possessions à la très sainte Vierge Mère de Dieu, et ils lui demandèrent instamment, par des prières multipliées, de leur faire connaître, d’une manière ou d’une autre, à quelle œuvre pie elle voulait que ces richesses fussent employées. La bienheureuse Vierge Marie écouta favorablement des supplications et des vœux si sincères et y répondit par un miracle.

Cinquième leçon. Aux nones d’août, époque où les chaleurs sont très grandes à Rome, une partie du mont Esquilin fut couverte de neige pendant la nuit. Cette nuit même, tandis que Jean et son épouse dormaient, la Mère de Dieu les avertit séparément d’élever une église à l’endroit qu’ils verraient couvert de neige, et de dédier cette église sous le nom de la Vierge Marie ; c’est ainsi qu’elle voulait être instituée leur héritière. Jean rapporta la chose au Pontife Libère, qui affirma avoir eu la même vision pendant son sommeil.

Sixième leçon. En conséquence, Libère, accompagné de son clergé et de son peuple, vint, au chant des litanies, à la colline couverte de neige, et il y marqua l’emplacement de l’église, qui fut construite aux frais de Jean et de son épouse. Sixte III restaura plus tard cette église. On la désigna d’abord sous divers noms : basilique de Libère, Sainte-Marie-de-la Crèche. Mais comme il existait déjà à Rome beaucoup d’églises consacrées à la sainte Vierge, on finit par l’appeler église de Sainte-Marie-Majeure, pour que, venant s’ajouter à la nouveauté du miracle et à l’importance de la basilique, cette qualification même de majeure la mît au-dessus de toutes les autres ayant le même vocable. L’anniversaire de la dédicace de cette église, rappelant la neige qui tomba miraculeusement en ce jour, est célébré solennellement chaque année.

Au troisième nocturne. Du Commun.

Lecture du saint Évangile selon saint Luc. Cap. 11, 27-28.
En ce temps-là : En ce temps-là : Jésus parlait au milieu de la foule et une femme s’écria : « Comme elle est heureuse, la Mère qui t’a mis au monde ». Et le reste.

Homélie de saint Bède le Vénérable. Lib. 4, cap. 49 in Luc. 11

Septième leçon. Cette femme fit bien voir la grandeur de sa dévotion et de sa foi. Tandis que les Scribes et les Pharisiens tentent le Seigneur et blasphèment contre lui, elle reconnaît avec tant de sincérité son incarnation, elle la proclame avec tant d’assurance qu’elle confond tout à la fois la calomnie dont les principaux d’entre les Juifs tâchaient alors de noircir le Fils de Dieu, et la perfidie des hérétiques qui devaient s’élever dans la suite des temps. De même qu’à cette époque les Juifs, blasphémant contre l’ouvrage du Saint-Esprit, niaient que Jésus-Christ fût le vrai Fils de Dieu, consubstantiel au Père ; ainsi les hérétiques devaient-ils plus tard, en niant que Marie, toujours Vierge, eût par l’opération du Saint-Esprit, fourni de sa propre chair au Fils de Dieu la matière de ses membres humains, prétendre qu’il ne faut pas le reconnaître pour le vrai fils de l’homme et de la même substance que sa mère.

Huitième leçon. Mais si la chair que le Verbe de Dieu a prise en s’incarnant, n’est pas formée de celle de la Vierge sa Mère, c’est sans motif qu’on appelle heureux le sein qui l’a porté et les mamelles qui l’ont allaité. L’Apôtre a dit : « Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme soumise à la loi ». Il ne faut pas écouter ceux qui pensent qu’il faut lire : Né d’une femme assujettie à la loi ; mais on doit lire : « Formé d’une femme », parce qu’ayant été conçu dans le sein d’une Vierge, il n’a pas tiré sa chair de rien ; mais de la chair de sa mère. Autrement il ne serait pas appelé avec vérité, fils de l’homme puisqu’il ne tirerait pas son origine de l’humanité. Élevons donc, nous aussi, la voix contre Eutychès, avec l’Église catholique, dont cette femme était la figure, élevons aussi notre esprit au-dessus de la foule, et disons au Sauveur : « Heureux le sein qui vous a porté, et les mamelles que vous avez sucées ». Car elle est vraiment une Mère heureuse, celle qui, selon l’expression d’un auteur, « a enfanté le Roi qui gouverne dans tous les siècles le ciel et la terre ».

Neuvième leçon. « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent ! » Le Sauveur approuve éminemment ce qu’avait dit cette femme, quand il affirme que non seulement celle qui a mérité d’engendrer corporellement le Verbe de Dieu, mais aussi tous ceux qui s’efforcent de concevoir spirituellement le même Verbe par l’audition de la foi, de l’enfanter et de le nourrir par la pratique des bonnes œuvres, soit dans leur cœur, soit en celui de leur prochain, sont véritablement heureux. Certes, la Mère de Dieu est bienheureuse d’avoir servi dans le temps, et contribué à l’incarnation du Verbe ; mais elle est encore plus heureuse d’avoir mérité, en l’aimant toujours, de le garder en elle éternellement.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Rome, que Pierre, au premier de ce mois, a délivrée de la servitude, offre un spectacle admirable au monde. Sagesse, qui depuis la glorieuse Pentecôte avez parcouru la terre, en quel lieu fut-il vrai à ce point de chanter que vous avez foulé de vos pieds victorieux les hauteurs superbes [1] ? Rome idolâtre avait sur sept collines étalé son faste et bâti les temples de ses faux dieux ; sept églises apparaissent comme les points culminants sur lesquels Rome purifiée appuie sa base désormais véritablement éternelle.

Or cependant, par leur site même, les basiliques de Pierre et de Paul, celles de Laurent et de Sébastien, placées aux quatre angles extérieurs de la cité des Césars, rappellent le long siège poursuivi trois siècles autour de l’ancienne Rome et durant lequel la nouvelle fut fondée. Hélène et son fils Constantin, reprenant le travail des fondations de la Ville sainte, en ont conduit plus avant les tranchées ; toutefois l’église de Sainte-Croix-en-Jérusalem, celle du Sauveur au Latran, qui furent leur œuvre plus spéciale, n’en restent pas moins encore au seuil de la ville forte du paganisme, près de ses portes et s’appuyant aux remparts : tel le soldat qui, prenant pied dans une forteresse redoutable, investie longtemps, n’avance qu’à pas comptés , surveillant et la brèche qui vient de lui donner passage, et le dédale des voies inconnues qui s’ouvrent devant lui.

Qui plantera le drapeau de Sion au centre de Babylone ? Qui forcera l’ennemi dans ses dernières retraites, et chassant les idoles vaincues, fera son palais de leurs temples ? O vous à qui fut dite la parole du Très-Haut : Vous êtes mon Fils, je vous donnerai les nations en héritage [2] ; ô très puissant, aux flèches aiguës renversant les phalanges [3], écoutez l’appel que tous les échos de la terre rachetée vous renvoient eux-mêmes : Dans votre beauté, marchez au triomphe, et régnez [4]. Mais le Fils du Très-Haut a aussi une mère ici-bas ; le chant du Psalmiste, en l’appelant au triomphe, exalte aussi la reine qui se tient à sa droite en son vêtement d’or [5] : si de son Père il tient toute puissance [6], de son unique mère il entend recevoir sa couronne [7], et lui laisse en retour les dépouilles des forts [8]. Filles de la nouvelle Sion, sortez donc, et voyez le roi Salomon sous le diadème dont l’a couronné sa mère au jour joyeux où, prenant par elle possession de la capitale du monde, il épousa la gentilité [9].

Jour, en effet, plein d’allégresse que celui où Marie pour Jésus revendiqua son droit de souveraine et d’héritière du sol romain ! A l’orient, au plus haut sommet de la Ville éternelle, elle apparut littéralement en ce matin béni comme l’aurore qui se lève, belle comme la lune illuminant les nuits, plus puissante que le soleil d’août surpris de la voir à la fois tempérer ses ardeurs et doubler l’éclat de ses feux par son manteau de neige, terrible aussi plus qu’une armée [10] ; car, à dater de ce jour, osant ce que n’avaient tenté apôtres ni martyrs, ce dont Jésus même n’avait point voulu sans elle prendre pour lui l’honneur, elle dépossède de leurs trônes usurpés les divinités de l’Olympe. Comme il convenait, l’altière Junon, dont l’autel déshonorait l’Esquilin, la fausse reine de ces dieux du mensonge fuit la première à l’aspect de Marie, cédant les splendides colonnes de son sanctuaire souillé à la seule vraie impératrice de la terre et des deux.

Quarante années avaient passé depuis ces temps de Silvestre où « l’image du Sauveur, tracée sur les murs du Latran, apparut pour la première fois, dit l’Église, au peuple romain » [11]. Rome, encore à demi païenne, voit aujourd’hui se manifester la Mère du Sauveur ; sous la vertu du très pur symbole qui frappe au dehors ses yeux surpris, elle sent s’apaiser les ardeurs funestes qui firent d’elle le fléau des nations dont maintenant elle aussi doit être la mère, et c’est dans l’émotion d’une jeunesse renouvelée qu’elle voit les souillures d’autrefois céder la place sur ses collines au blanc vêtement qui révèle l’Épouse [12].

Déjà, et dès les temps de la prédication apostolique, les élus que le Seigneur, malgré sa résistance homicide, recueillait nombreux dans son sein, connaissaient Marie, et lui rendaient à cet âge du martyre des hommages qu’aucune autre créature ne reçut jamais : témoin, aux catacombes, ces fresques primitives où Notre-Dame, soit seule, soit portant l’Enfant-Dieu, toujours assise, reçoit de son siège d’honneur, la louange, les messages, la prière ou lès dons des prophètes, des archanges et des rois [13]. Déjà dans la région transtibérine, au lieu où sous Auguste avait jailli l’huile mystérieuse annonçant la venue de l’oint du Seigneur, Calliste élevait vers l’an 222 une église à celle qui demeure à jamais le véritable fons olei, la source d’où sort le Christ et s’écoule avec lui toute onction et toute grâce. La basilique que Libère, aimé de Notre-Dame, eut la gloire d’élever sur l’Esquilin, ne fut donc pas le plus ancien monument dédié par les chrétiens de Rome à la Mère de Dieu ; la primauté qu’elle prit dès l’abord, et conserva entre les églises de la Ville et du monde consacrées à Marie, lui fut acquise par les circonstances aussi solennelles que prodigieuses de ses origines.

Es-tu entré dans les trésors de la neige, dans mes réserves contre l’ennemi pour le jour du combat ? disait à Job le Seigneur [14]. Au cinq août donc, pour continuer d’emprunter leur langage aux Écritures [15], à l’ordre d’en haut, les trésors s’ouvrirent, et la neige s envolant comme l’oiseau précipita son arrivée, et sa venue fut le signal soudain des jugements du ciel contre les dieux des nations. La tour de David [16] domine maintenant les tours de la cité terrestre ; inexpugnable en la position qu’elle a conquise, elle n’arrêtera qu’avec la prise du dernier fort ennemi ses sorties victorieuses. Qu’ils seront beaux vos pas dans ces expéditions guerrières, ô fille du prince [17], ô reine dont l’étendard, par la volonté de votre Fils adoré, doit flotter sur toute terre enlevée à la puissance du serpent maudit ! L’ignominieuse déesse qu’un seul de vos regards a renversée de son piédestal impur, laisse Rome encore déshonorée par la présence de trop de vains simulacres. O notre blanche triomphatrice, aux acclamations des nations délivrées, prenez la voie fameuse qu’ont suivie tant de triomphateurs aux mains rougies du sang des peuples ; traînant à votre char les démons démasqués enfin, montez à la citadelle du polythéisme, et que la douce église de Sainte-Marie in Ara cœli remplace au Capitole le temple odieux de Jupiter. Vesta, Minerve, Cérès, Proserpine, voient leurs sanctuaires et leurs bois sacrés prendre à l’envi le titre et les livrées de la libératrice dont leur fabuleuse histoire offrit au monde d’informes traits, mêlés à trop de souillures. Le Panthéon, devenu désert, aspire au jour où toute noblesse et toute magnificence seront pour lui dépassées par le nom nouveau qui lui sera donné de Sainte-Marie-des-Martyrs. Au triomphe de votre Assomption dans les cieux, quel préambule, ô notre souveraine, que ce triomphe sur terre dont le présent jour ouvre pour vous la marche glorieuse !

La basilique de Sainte-Marie-des-Neiges, appelée aussi de Libère son fondateur, ou de Sixte troisième du nom qui la restaura, dut à ce dernier de devenir le monument de la divine maternité proclamée à Éphèse ; le nom de Sainte-Marie-Mère, qu’elle reçut à cette occasion, fut complété sous Théodore Ier [18], qui l’enrichit de sa relique la plus insigne, par celui de Sainte-Marie de la Crèche : nobles appellations que résume toutes celle de Sainte-Marie Majeure, amplement justifiée par les faits que nous avons rapportés, la dévotion universelle, et la prééminence effective que lui maintinrent toujours les Pontifes romains. La dernière dans l’ordre du temps parmi les sept églises sur lesquelles Rome chrétienne est fondée, elle ne cédait le pas au moyen âge qu’à celle du Sauveur ; dans la procession de la grande Litanie au 25 avril, les anciens Ordres romains assignent à la Croix de Sainte-Marie sa place entre la Croix de Saint-Pierre au-dessous d’elle et celle de Latran qui la suit [19]. Les importantes et nombreuses Stations liturgiques indiquées à la basilique de l’Esquilin, témoignent assez de la piété romaine et catholique à son endroit. Elle eut l’honneur de voir célébrer des conciles en ses murs et élire les vicaires de Jésus-Christ ; durant un temps ceux-ci l’habitèrent, et c’était la coutume qu’aux mercredis des Quatre-Temps, où la Station reste toujours fixée dans son enceinte, ils y publiassent les noms des Cardinaux Diacres ou Prêtres qu’ils avaient résolu de créer [20].

Quant à la solennité anniversaire de sa Dédicace, objet de la fête présente, on ne peut douter qu’elle n’ait été célébrée de bonne heure sur l’Esquilin. Elle n’était pas encore universelle en l’Église, au XIIIe siècle ; Grégoire IX en effet, dans la bulle de canonisation de saint Dominique qui était passé le six août de la terre au ciel, anticipe sa fête au cinq de ce mois comme étant libre encore, à la différence du six occupé déjà, comme nous le verrons demain, par un autre objet. Ce fut seulement Paul IV qui, en 1558, fixa définitivement au quatre août la fête du fondateur des Frères Prêcheurs ; or la raison qu’il en donne est que la fête de Sainte-Marie-des-Neiges, s’étant depuis généralisée et prenant le pas sur la première, aurait pu nuire dans la religion des fidèles à l’honneur dû au saint patriarche, si la fête de celui-ci continuait d’être assignée au même jour [21]. Le bréviaire de saint Pie V promulguait peu après pour le monde entier l’Office.

Quels souvenirs, ô Marie, ravive en nous cette fête de votre basilique Majeure ! Et quelle plus digne louange, quelle meilleure prière pourrions-nous vous offrir aujourd’hui que de rappeler, en vous suppliant de les renouveler et de les confirmer à jamais, les grâces reçues par nous dans son enceinte bénie ? N’est-ce pas à son ombre, qu’unis à notre mère l’Église en dépit des distances, nous avons goûté les plus douces et les plus triomphantes émotions du Cycle inclinant maintenant vers son terme ?

C’est là qu’au premier dimanche de l’Avent a commencé l’année, comme dans « le lieu le plus convenable pour saluer l’approche du divin Enfantement qui devait réjouir le ciel et la terre, et montrer le sublime prodige de la fécondité d’une Vierge » [22]. Débordantes de désir étaient nos âmes en la Vigile sainte qui, dès le matin, nous conviait dans la radieuse basilique « où la Rose mystique allait s’épanouir enfin et répandre son divin parfum. Reine de toutes les nombreuses églises que la dévotion romaine a dédiées à la Mère de Dieu, elle s’élevait devant nous resplendissante de marbre et d’or, mais surtout heureuse de posséder en son sein, avec le portrait de la Vierge Mère peint par saint Luc, l’humble et glorieuse Crèche que les impénétrables décrets du Seigneur ont enlevée à Bethléhem pour la confier à sa garde. Durant la nuit fortunée, un peuple immense se pressait dans ses murs, attendant l’heureux instant où ce touchant monument de l’amour et des abaissements d’un Dieu apparaîtrait porté sur les épaules des ministres sacrés, comme une arche de nouvelle alliance, dont la vue rassure le pécheur et fait palpiter le cœur du juste » [23].

Hélas ! quelques mois écoulés à peine nous retrouvaient dans le noble sanctuaire, « compatissant cette fois aux douleurs de notre Mère dans l’attente du sacrifice qui se préparait » [24]. Mais bientôt, quelles allégresses nouvelles dans l’auguste basilique ! « Rome faisait hommage delà solennité pascale à celle qui, plus que toute créature, eut droit d’en ressentir les joies, et pour les angoisses que son cœur maternel avait endurées, et pour sa fidélité à conserver la foi de la résurrection durant les cruelles heures que son divin Fils dut passer dans l’humiliation du tombeau » [25]. Éclatant comme la neige qui vint du ciel marquer le lieu de votre prédilection sur terre, ô Marie, un blanc troupeau de nouveau-nés sortis des eaux formait votre cour gracieuse et rehaussait le triomphe de ce grand jour. Faites qu’en eux comme en nous tous, ô Mère, les affections soient toujours pures comme le marbre blanc des colonnes de votre église aimée, la charité resplendissante comme l’or qui brille à ses lambris, les œuvres lumineuses comme le cierge de la Pâque, symbole du Christ vainqueur de la mort et vous faisant hommage de ses premiers feux.

Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Cette fête est indiquée dans le Martyrologe Hiéronymien, mais comme il s’agit d’une solennité purement locale, elle n’apparaît pas dans les Sacramentaires.

L’histoire de la basilique est connue. Son titre primitif était : basilica Sicinini, et Libère dut sans doute simplement l’adapter au culte chrétien comme semblent nous l’attester les gesta Liberii, qui lui attribuent seulement une absis in urbe Roma, in regione V.

Lors des querelles entre l’antipape Ursicinus et Damase, le temple, le 26 octobre 366, fut assiégé par les catholiques, et quand, quelque temps après, en vertu d’un rescrit impérial, il leur fut restitué, il portait encore le nom de son premier fondateur : ubi redditur basilica Sicinini.

Plus tard, Sixte III le fit restaurer de fond en comble :

VIRGO • MARIA • TIBI • XYSTVS • NOVA • TECTA • DICAVI

Il orna l’abside et les murs de ces intéressantes scènes en mosaïques représentant la vie du Christ.

A ce jour est assignée la messe votive de Beata, qu’au moyen âge, en de nombreux chapitres et abbayes, on chantait quotidiennement en l’honneur de la sainte Mère de Dieu.

L’introït est le même que le 2 juillet.

Prière. — « Donnez à vos serviteurs, Seigneur, une stable intégrité d’âme et de corps, et par les glorieuses prières de la bienheureuse Vierge Marie, faites que, ayant surmonté les calamités présentes, nous arrivions à l’éternelle joie ». Comme les sollicitudes maternelles s’étendent à tous les besoins de l’enfant, corps, âme, nécessités morales, etc., aujourd’hui nous mettons-nous tout entiers entre les mains charitables de Marie, lui demandant, non moins la joie spirituelle — qui est un fruit de l’Esprit Saint — que l’intégrité et la vigueur du corps, dont la conservation est due en grande partie à la pureté.

La lecture est tirée de l’Ecclésiastique (XXIV, 14-16). L’éloge du Christ, Sagesse éternelle, est appliqué aussi à Celle qui, l’ayant porté dans son sein, mérita le titre de Sedes Sapientiae. Pour cette raison, Marie partage la souveraineté du Christ sur le peuple élu qui est la famille chrétienne, à qui la Vierge distribue, à titre de reine, de mère et de médiatrice, les trésors de la Rédemption.

Le répons et l’Évangile sont les mêmes que le 16 juillet. Le verset alléluiatique, que le compositeur grégorien a revêtu d’une splendide mélodie, est le suivant : « Après l’enfantement, ô Vierge, votre virginité demeura intacte. Mère de Dieu, intercédez pour nous ».

Non seulement elle demeura immaculée, mais la maternité divine consacra la virginité sans tache de Marie ; car si grande fut la joie qui inonda son âme au moment de l’Incarnation divine, et le Christ attira à soi l’esprit de sa mère par des liens de dilection si forts, que le corps et l’âme de Marie furent en cet instant définitivement consacrés à Dieu seul.

L’antienne pour l’offrande des oblations est commune au quatrième dimanche de l’Avent. Pour la confusion des hérésies futures, Dieu lui-même a voulu nous dicter notre prière à Marie. Comme elle est la Reine des hommes et des anges, II a disposé que, dans la composition de l’Ave, l’Archange et Élisabeth se mettraient d’accord. Celui-là représentait les cohortes célestes saluant Marie victorieuse de l’esprit apostat ; celle-ci, mère du plus grand des fils de la femme, personnifiait l’humanité tout entière qui saluait en Marie une nouvelle et meilleure Ève, la vraie mère des vivants.

Sur les oblations. — « Que votre miséricorde, Seigneur, sollicitée par les prières de la bienheureuse Vierge Marie, fasse que cette oblation nous assure avec abondance la prospérité et la paix, maintenant et dans l’éternité ». Comme Marie au pied de la croix s’unit au Pontife éternel pour offrir au nom de l’humanité le sacrifice de la Rédemption, maintenant encore sa maternelle prière s’unit à celle du prêtre et du peuple fidèle près du saint autel.

Voici l’antienne pour la Communion, inspirée de la lecture évangélique de ce jour : « Bienheureux le sein de la Vierge Marie qui porta le Fils du Père éternel ». Ce sont les paroles d’une femme, rapportées par le saint Évangile. Non moins heureux d’ailleurs sont ceux qui reçoivent Jésus dans leur cœur par la sainte Communion et gardent son verbe de vie.

Après la Communion. — « Faites, Seigneur, que tous ceux qui viennent de participer au remède du salut éternel soient toujours et partout protégés par la bienheureuse Vierge Marie, en l’honneur de qui nous avons offert aujourd’hui ce sacrifice à votre éternelle Majesté ». Après la sainte Communion, Marie nous regarde avec plus d’amour et de tendresse, parce qu’elle voit en nous quelque chose qui lui appartient ; elle estime que le sang de Jésus qui empourpre notre visage et nos lèvres établit comme un lien sacré de parenté avec elle.

Nous rapportons, en l’honneur de la sainte Vierge, ce magnifique poème qui, dans les manuscrits, porte le titre suivant : Andreae oratoris, de Maria Virgine, ad Rusticianam carmen. Rusticiana est la femme de Sévérinus Boethius (Boèce).

Virgo parens hac luce Deum virumque creavit,
Gnara puerperii, nescia coniugii.
La Vierge-Mère a donné le jour à l’Homme-Dieu ;
Elle a connu l’enfantement, ignoré le mariage.
Obtulit haec iussis uterum, docuitque futuros
Sola capax Christi quod queat esse fides.
Aux ordres divins elle a prêté son sein, enseignant à la postérité
Que seule la foi peut posséder le Christ.
Credidit et tumuit, Verbum pro semine sumpsit,
Sepserunt magnum parvula membra Dominum.
Elle a cru et conçu, ensemencée du Verbe :
Ses membres chétifs ont contenu le Seigneur très grand.
Fit fabricator opus, servi rex induit artus,
Mortalemque domum vivificator habet.
Le Créateur se fait créature, le Roi prend le corps d’un serviteur,
Et dans une demeure mortelle réside l’Auteur de la vie.
Ipse sator semenque, sui matrisque creator ;
Filius ipse hominis, qui pater est hominum.
Il est semeur et semence, son auteur et celui de sa Mère ;
Fils de l’homme, Lui, Père des hommes.
Affulsit partus, lucem lux nostra petivit,
Hospitii linquens hostia clausa sui.
A sa naissance glorieuse, notre lumière est venue au jour,
Laissant portes closes son asile.
Virginis et Matris, servatur gloria consors,
Mater dans hominem, noscere Virgo Deum.
Vierge et Mère, ces deux gloires demeurent associées :
Mère, elle enfante l’Homme ; Vierge, elle connaît Dieu.
Unius colitur duplex substantia Nati :
Vir Deus, haec duo sunt unus, utrumque tamen.
Dans l’unique Fils, nous adorons deux natures :
Homme, Dieu, ces deux n’en font qu’un, les deux sont cependant vrais.
Spiritus huic Genitorque suus sine fine cohaerent,
Triplicitas simplex, simplicitasque triplex.
Son Esprit et son Père lui sont unis à jamais,
Trinité simple et trine simplicité.
Bis genitus, sine Matre opifex, sine Patre redemptor,
Amplus utrisque modis, amplior unde minor.
Deux fois engendré, comme Créateur sans mère, comme Rédempteur sans père,
De part et d’autre il est grand, d’autant plus grand qu’il s’abaisse.
Sic voluit nasci, domuit qui crimina mundi,
Et mortem iussit mortuus ipse mori.
Ainsi voulut naître le vainqueur des crimes de ce monde,
Qui, mourant, contraignit la mort à mourir.
Nostras ille suo tueatur numine vitas,
Protegat ille tuum, Rusticiana, genus.
Que, par sa puissance, il protège nos vies. Qu’il protège, ô Rusticiana, votre race.
(Protegat ille tuum, Gregori praesulem genus.).
Ce beau chant du Ve siècle servit par la suite pour une image de la sainte Vierge, dans la maison de saint Grégoire le Grand, et alors on retoucha — invita Minerva — le dernier vers.

Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique

Marie est Mère de Dieu.

« A Rome, sur le mont Esquilin, Dédicace de la Basilique Sainte-Marie aux Neiges ». Cette basilique, une des plus importantes de Rome, est un sanctuaire qui intéresse grandement la piété de l’Église romaine. La dédicace d’une cathédrale ou d’une église paroissiale reste une fête locale ; la dédicace des églises-mères de la chrétienté (le Latran, Saint-Pierre, Saint-Paul, Sainte-Marie-Majeure) se célèbre, au contraire, dans l’univers entier, en signe de la communion de tous les fidèles avec Rome. Sainte Marie-Majeure est une des grandes stations du calendrier liturgique où nous nous rendons plusieurs fois tous les ans par la pensée (à Noël, à Pâques, aux mercredis des Quatre-Temps).

1. Dédicace de Sainte-Marie-Majeure. — Ce sanctuaire, primitivement appelé Basilica Sicinini, remonte à l’époque constantinienne. L’histoire de sa fondation repose sur une légende dont on ne trouve pas trace avant le moyen âge. En voici les épisodes d’après le bréviaire : « Sous le pontificat du pape Libère (352-366), le patrice romain Jean et son épouse, étant tous deux sans enfants, décidèrent de donner leur héritage à la Très Sainte Vierge en la suppliant ardemment de leur faire connaître, d’une manière ou d’une autre, à quelle œuvre pieuse devaient employer leurs richesses. Marie écouta leur prière et y répondit par un miracle. Le 5 août, à l’époque des grandes chaleurs à Rome, une partie du mont Esquilin fut couverte de neige durant la nuit. Cette même nuit, les pieux époux eurent un songe pendant leur sommeil, et la Mère de Dieu les avertit séparément d’élever une église qui lui serait dédiée à l’endroit qu’ils verraient couvert de neige : ainsi voulait-elle être instituée leur héritière. Le patrice Jean rapporta la chose au pape Libère qui avait eu la même vision. Celui-ci se rendit alors processionnellement, accompagné de son clergé et du peuplé, à la colline couverte de neige, et y détermina l’emplacement de l’église ».

La basilique fut reconstruite sous le pontificat de Sixte III (431-440) qui la dédia (432) à Marie, dont le Concile d’Éphèse (431) venait de proclamer le titre de Mère de Dieu. L’abside et les murs du nouvel édifice furent ornés de mosaïques représentant la vie du Sauveur. A la fin du quatrième siècle, on y avait bâti une grotte à l’image de la Grotte de Bethléem ; de là le nom de Sainte-Marie-à-la-Crèche qu’on lui donne aussi. C’était Bethléem que les fidèles de Rome croyaient retrouver en ce temple. On l’appelle encore : Basilique Libérienne (du nom du pape qui. l’a construite), Sainte-Marie-Majeure (en raison de son importance), et Sainte-Marie-aux-Neiges (d’après la légende de son origine).

2. La Messe (Salve Sancta). — Contrairement à l’usage habituel, la liturgie utilise aujourd’hui, non pas l’Office de la Dédicace, mais l’office de la Sainte Vierge avec la messe si connue du commun : Salve Sancta Parens.

3. Un hommage à Marie, Mère de Dieu. — Comme nous l’avons déjà dit, la basilique Sainte-Marie-aux-Neiges fut dédiée à la Très Sainte Vierge en souvenir des mémorables assises du Concile d’Éphèse. L’année jubilaire 1931 nous a rappelé l’importance de ce concile, et nous a permis de mieux comprendre le beau titre de « Mère de Dieu » qui fut alors solennellement décerné à Marie. Il est facile de remarquer que la pensée dominante du culte liturgique de Marie est celle de la maternité divine, et c’est grâce à cela que ce culte est toujours resté essentiellement Christocentrique. Tandis que la dévotion populaire à la Très Sainte Vierge tournait souvent à la mièvrerie et au sentimentalisme, isolait pour ainsi dire Marie dans un temple où elle occupait la première place, la dévotion mariale liturgique n’a jamais cessé d’être un culte rendu à Dieu et au Christ. La maternité divine y a toujours été le trait d’union entre Marie et Jésus. Il suffit pour nous en convaincre de parcourir les leçons de Matines et les textes de la messe du commun des fêtes de la sainte Vierge : le Christ y est toujours le centre, et Marie, la « Mère de Dieu ».

Citons seulement cinq passages de la messe d’aujourd’hui ; tous redisent le même thème : « Dei Genitrix ».

A l’Introït, nous adressons notre hommage à la Mère du Souverain Seigneur du monde par ces beaux vers du poète Sedulius, manifestement écrits dans l’enthousiasme du grand événement d’Éphèse : « Salut, ô sainte Mère ; Vierge qui avez enfanté le Roi qui régit le ciel et la terre dans les siècles ; des siècles ! »

Au Graduel, nous chantons la maternité virginale de Marie : « Vierge, Mère de Dieu, Celui que tout l’univers ne peut contenir s’est enfermé, s’étant fait homme, en ton sein ».

A l’Alléluia, « Après l’enfantement tu es demeurée Vierge sans tache : Mère de Dieu, intercède pour nous ! »

A l’Offertoire, nous redisons au Sauveur et à Marie la salutation angélique.

A la Communion, nous chantons ces paroles si expressives : « Heureuses les entrailles de la Vierge Marie, qui ont porté le Fils du Père éternel ! »

Efforçons-nous donc d’acquérir envers Marie une dévotion solide et profonde, appuyée sur le dogme, et Christocentrique ; et, pour cela, entretenons une foi très vive en son titre de « Mère de Dieu ».

[1] Eccli. XXIV, 8-11.

[2] Psalm. II.

[3] Psalm. XLIV.

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] Matth. XXVIII, 18.

[7] Cant. III, 11.

[8] Psalm. LXVII, 13 ; Isai. LIII, 12.

[9] Cant. III, 11.

[10] Cant. VI, 9.

[11] Lectiones IIi Noct. in Dedic. basilicae Salvatoris.

[12] Apoc. XIX, 7-8.

[13] Cimetières de Priscille, de Nérée et Achillée, etc.

[14] Job. XXXVIII, 22-23.

[15] Eccli. XLIII, 14-15,19-20.

[16] Cant. IV, 4.

[17] Cant. VII, 1.

[18] 642-649.

[19] Museum italicum : Joann. Diac. Lib. de Eccl. Lateran. XVI, de episcopis et cardinal, per patriarchatus dispositis ; romani Ordin. XI, XII.

[20] Paulus de Angelis, Basilicae S. Mariœ Maj. descriptio, VI, v.

[21] Pauli IV Const. Gloriosus in Sanctis suis.

[22] L’Avent, page 115.

[23] Le Temps de Noël, t. I, p. 164-166.

[24] La Passion, p. 3o6 ; Station du Mercredi saint.

[25] Le Temps Pascal, t. I, p. 185.