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25/08 St Louis, roi, confesseur

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique  

Né en 1214, mort en 1270. Canonisé en 1297, fête immédiate. Simple dans le calendrier de St Pie V, élevé au rang de semidouble par Paul V en 1618.

On trouvera la messe propre utilisée en France ici.

Textes de la Messe

die 25 augusti
le 25 août
SANCTI LUDOVICI
SAINT LOUIS
Regis, Conf.
Roi, Confesseur
III classis (ante CR 1960 : semiduplex)
IIIème classe (avant 1960 : semidouble)
Ant. ad Introitum. Ps. 36, 30-31.Introït
Os iusti meditábitur sapiéntiam, et lingua eius loquétur iudícium : lex Dei eius in corde ipsíus.La bouche du juste méditera la sagesse et sa langue proférera l’équité ; la loi de son Dieu est dans son cœur.
Ps. Ibid., 1.
Noli æmulári in malignántibus : neque zeláveris faciéntes iniquitátem.Ne porte pas envie au méchant et ne sois pas jaloux de ceux qui commettent l’iniquité.
V/. Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui beátum Ludovícum Confessórem tuum de terréno regno ad cæléstis regni glóriam transtulísti : eius, quǽsumus, méritis et intercessióne ; Regis regum Iesu Christi, Fílii tui, fácias nos esse consórtes : Qui tecum vivit et regnat.Dieu, d’une royauté terrestre, vous avez élevé saint Louis, votre Confesseur, à la gloire du céleste royaume : daignez, nous vous en prions, nous accorder, en considération de ses mérites et de son intercession, la grâce d’être associés à la gloire du Roi des rois, Jésus-Christ votre Fils, qui, étant Dieu, vit et règne.
Léctio libri Sapiéntiæ.Lecture du livre de la Sagesse.
Sap. 10, 10-14.
Iustum dedúxit Dóminus per vias rectas, et ostendit illi regnum Dei, et dedit illi sciéntiam sanctórum : honestávit illum in labóribus, et complévit labores illíus. In fraude circumveniéntium illum áffuit illi, et honéstum fecit illum. Custodívit illum ab inimícis, et a seductóribus tutávit illum, et certámen forte dedit illi, ut vínceret et sciret, quóniam ómnium poténtior est sapiéntia. Hæc vénditum iusíum non derelíquit, sed a peccatóribus liberávit eum : descendítque cum illo in fóveam, et in vínculis non derelíquit illum, donec afférret illi sceptrum regni, et poténtiam advérsus eos, qui eum deprimébant : et mendáces osténdit, qui maculavérunt illum, et dedit illi claritátem ætérnam, Dóminus, Deus noster.Le Seigneur a conduit le juste par des voies droites, il lui a montré le royaume de Dieu, il lui a donne la science des saints, il l’a enrichi dans ses travaux, et a fait fructifier ses labeurs. Il l’a aidé contre ceux qui voulaient le tromper par leurs ruses et il l’a enrichi. Il l’a protégé contre ses ennemis, et l’a défendu contre les séducteurs. Il l’a engagé dans un rude combat, afin qu’il demeurât victorieux, et qu’il sût que la sagesse est plus puissante que toutes choses. Il n’a point abandonné le juste lorsqu’il fut vendu, mais il le délivra des mains des pécheurs. Il est descendu avec lui dans la fosse, et ne le délaissa point dans les chaînes, jusqu’à ce qu’il lui eût apporté le sceptre royal, et la puissance contre ceux qui l’opprimaient. Il convainquit de mensonge ceux qui l’avaient déshonoré, et le Seigneur notre Dieu lui donna une gloire éternelle.
Graduel
Iustus ut palma florébit : sicut cedrus Líbani multiplicábitur in domo Dómini.Le juste fleurira comme le palmier et il se multipliera comme le cèdre du Liban dans la maison du Seigneur.
V/. Ibid., 3. Ad annuntiándum mane misericórdiam tuam, et veritátem tuam per noctem.V/. Pour annoncer le matin votre miséricorde et votre vérité durant la nuit.
Allelúia, allelúia. V/. Iac. 1, 12. Beátus vir, qui suffert tentatiónem : quóniam, cum probátus fúerit, accípiet corónam vitæ. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Heureux l’homme qui souffre patiemment l’épreuve, car lorsqu’il aura été éprouvé, il recevra la couronne de vie. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Lucam.Suite du Saint Évangile selon saint Luc.
Luc. 19, 12-26.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis parábolam hanc : Homo quidam nóbilis ábiit in regionem longínquam accípere sibi regnum, et revérti. Vocátis autem decem servis suis, dedit eis decem mnas, et ait ad illos : Negotiámini, dum vénio. Cives autem eius óderant eum : et misérunt legatiónem post illum, dicéntes : Nólumus hunc regnáre super nos. Et factum est, ut redíret accépto regno : et iussit vocári servos, quibus dedit pecúniam, ut sciret, quantum quisque negotiátus esset. Venit autem primus, dicens : Dómine, mna tua decem mnas acquisívit. Et ait illi : Euge, bone serve, quia in módico fuísti fidélis, eris potestátem habens super decem civitátes. Et alter venit, dicens : Dómine, mna tua fecit quinque mnas. Et huic ait : Et tu esto super quinque civitátes. Et alter venit, dicens : Dómine, ecce mna tua, quam hábui repósitam in sudário : tímui enim te, quia homo austérus es : tollis, quod non posuísti, et metis, quod non seminásti. Dicit ei : De ore tuo te iúdico, serve nequam. Sciébas, quod ego homo austérus sum, tollens, quod non pósui, et metens, quod non seminávi : et quare non dedísti pecúniam me-am ad mensam, ut ego véniens cum usúris útique exegíssem illam ? Et astántibus dixit : Auferte ab illo mnam et date illi, qui decem mnas habet. Et dixérunt ei : Dómine, habet decem mnas. Dico autem vobis : Quia omni habénti dábitur, et abundábit : ab eo autem, qui non habet, et, quod habet, auferétur ab eo.En ce temps-là : Jésus dit cette parabole à ses disciples : Un homme de haute naissance s’en alla dans un pays lointain, pour prendre possession d’un royaume, et revenir ensuite. Ayant appelé dix de ses serviteurs, il leur donna dix mines, et leur dit : Faites-les valoir jusqu’à ce que je revienne. Mais ses concitoyens le haïssaient, et ils envoyèrent après lui une ambassade, pour dire : Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous. Et il arriva qu’à son retour, après avoir pris possession du royaume, il ordonna qu’on appelât les serviteurs auxquels il avait donné de l’argent, pour savoir comment chacun l’avait fait valoir. Le premier vint, et dit : Seigneur, ta mine a produit dix mines. Et il lui dit : C’est bien, bon serviteur ; parce que tu as été fidèle en peu de chose, tu auras puissance sur dix villes. Le second vint, et dit : Seigneur, ta mine a produit cinq mines. Et il lui dit : Et toi, sois établi sur cinq villes. Un autre vint, et dit : Seigneur, voici ta mine, que j’ai tenue enveloppée dans un mouchoir ; car je t’ai craint, parce que tu es un homme sévère : tu enlèves ce que tu n’as pas déposé, et tu moissonnes ce que tu n’as pas semé. Il lui dit : Je te juge par ta propre bouche, méchant serviteur. Tu savais que je suis un homme sévère, enlevant ce que je n’ai pas déposé, et moissonnant ce que je n’ai pas semé ; pourquoi donc n’as-tu pas mis mon argent à la banque, afin qu’à mon retour je le retirasse avec les intérêts ? Puis il dit à ceux que étaient présents : Ôtez-lui la mine, et donnez-la à celui qui en a dix. Et ils lui dirent : Seigneur, il a dix mines. Je vous le dis, on donnera à celui qui a déjà, et il sera dans l’abondance ; mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a.
Ant. ad Offertorium. Ps. 88, 25.Offertoire
Véritas mea et misericórdia mea cum ipso : et in nómine meo exaltábitur cornu eius.Ma vérité et ma miséricorde seront avec lui et par mon nom s’élèvera sa puissance.
SecretaSecrète
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, sicut beátus Ludovícus Conféssor tuus, spretis mundi oblectaméntis, soli Regi Christo placére stúduit ; ita eius orátio nos tibi reddat accéptos. Per eúndem Dóminum.Faites, nous vous en prions, Dieu tout-puissant, que comme le bienheureux Louis votre Confesseur, méprisant les délices du monde, s’appliqua à ne plaire qu’au seul Christ-Roi, qu’ainsi sa prière nous rende agréable à vous.
Ant. ad Communionem. Matth. 24,46-47.Communion
Beátus servus, quem, cum vénerit dóminus, invénerit vigilántem : amen, dico vobis, super ómnia bona sua constítuet eum.Heureux le serviteur que le maître, à son arrivée, trouvera veillant ; en vérité, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens.
PostcommunioPostcommunion
Deus, qui beátum Confessórem tuum Ludovícum mirificásti in terris, et gloriósum in cælis fecísti : eúndem, quǽsumus, Ecclésiæ tuæ constítue defensórem. Per Dóminum nostrum.Dieu, vous avez magnifié le bienheureux Louis, votre Confesseur, sur la terre, et l’avez glorifié dans le ciel : établissez-le, nous vous en prions, défenseur de votre Église.

Office

Leçons des Matines avant 1960.

Au deuxième nocturne.

Quatrième leçon. Louis IX, devenu roi de France à l’âge de douze ans, par la mort de son père, fut très pieusement élevé par la reine Blanche, sa mère. Il régnait depuis vingt ans déjà, lorsque, tombé malade, la pensée lui vint de reconquérir Jérusalem. Aussitôt revenu à la santé, il reçut l’étendard des mains de l’Évêque de Paris. Puis, ayant traversé la mer avec une armée nombreuse, il mit en déroute les Sarrasins dans un premier combat. Mais beaucoup de ses soldats moururent de la peste, et lui-même fut vaincu et fait prisonnier.

Cinquième leçon. Après un traité avec les Sarrasins, le roi et son armée furent laissés libres. Il demeura pendant cinq ans en Orient, racheta de l’esclavage un grand nombre de Chrétiens, convertit beaucoup d’infidèles à la foi du Christ, et rebâtit à ses frais plusieurs villes appartenant aux Chrétiens. Sa mère étant morte sur ces entrefaites, il dut revenir en France où il s’adonna tout entier aux œuvres de piété.

Sixième leçon. Le saint roi construisit nombre de monastères et d’hospices pour les pauvres ; il secourait de ses largesses les indigents, visitait fréquemment les malades et, non content de les faire soigner à ses frais, leur donnait de ses propres mains ce dont ils avaient besoin. Simple dans ses habits, il n’épargnait pas à son corps les mortifications du ciliée et du jeûne. Louis IX traversa de nouveau la mer pour combattre les Sarrasins, mais au moment où il venait d’établir son camp en face de l’ennemi, il mourut de la peste en prononçant ces paroles : « J’entrerai dans votre maison, Seigneur, je vous adorerai dans votre saint temple et je glorifierai votre nom. » Son corps fut transporté à Paris ; il est conservé dans la célèbre église de Saint-Denis, où on le vénère. Quant à son chef, on le porta à la sainte Chapelle. Glorifié par d’éclatants miracles, il a été mis au nombre des Saints par le Pape Boniface VIII.

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Luc. Cap. 19, 12-26.
En ce temps-là : Jésus dit cette parabole à ses disciples : Un homme de grande naissance s’en alla en un pays lointain, pour prendre possession d’un royaume et revenir ensuite. Et le reste.

Homélie de saint Ambroise, Évêque. Liber 8 in Lucam.

Septième leçon. Il était bon et dans l’ordre que, devant appeler les Gentils et décréter la perte des Juifs qui n’avaient point voulu que le Christ régnât sur eux, le Sauveur employât d’abord cette comparaison pour éviter que l’on ne vînt à dire : Il n’avait rien donné au peuple des Juifs qui pût le rendre meilleur : comment exiger quelque chose de qui n’a rien reçu ? Ce n’est vraiment pas d’une monnaie de médiocre valeur qu’il s’agit car cette femme dont l’Évangile parle plus haut, ne trouvant pas une drachme, allume sa lampe, la cherche en promenant sa lumière, et est félicitée quand elle est retrouvée.

Huitième leçon. D’une mine unique, l’un des serviteurs a gagné dix mines et l’autre cinq. Peut-être ce dernier observe-t-il les préceptes de la morale, puisque les sens corporels sont au nombre de cinq ; l’autre a le double, c’est-à-dire qu’il approfondit les mystères de la loi et pratique la justice en ses mœurs. Aussi saint Matthieu a-t-il parlé de cinq talents et de deux talents : en sorte que l’accomplissement des préceptes moraux soit indiqué par les cinq talents et qu’en les deux autres talents nous voyions figurées, la connaissance des mystères de la foi et l’observation de la morale ; ce qui est moindre en nombre, se trouvant donc plus abondant en réalité.

Neuvième leçon. Et ici, nous pouvons entendre, par les dix mines, les dix préceptes, c’est-à-dire la doctrine de la loi ; et par les cinq autres, les leçons de la morale dues au magistère. Mais je veux que celui qui enseigne, soit accompli en toutes choses : « car le royaume de Dieu ne consiste pas dans les paroles, mais dans la vertu. » Comme il parle de Juifs, c’est bien à propos qu’il dit que deux seulement ont apporté à leur maître de l’argent multiplié, non certes par l’usure, mais par les profits d’une bonne administration. Autre, en effet, est le produit usuraire de l’argent, autre le fruit retiré de la céleste doctrine.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

C’est la foi du chrétien qui fit en Louis, neuvième du nom, la grandeur du prince. Ayez du Seigneur des sentiments dignes de lui, vous qui gouvernez la terre, et cherchez-le dans la simplicité de votre cœur [1]. Lorsqu’elle donnait ce précepte aux rois, l’éternelle Sagesse se complaisait dans sa prescience infinie parmi les lis de France, où notre Saint devait briller d’un éclat si pur.

Une commune loi rattache à Dieu le sujet et le prince, parce que semblable est leur naissance, et une aussi leur destinée [2]. Celui qui crée les petits et les grands n’exempte point ces derniers des droits du domaine suprême [3] ; leur puissance, qui les fait ses ministres [4], loin de modifier pour eux la notion du devoir de tous, ne fait qu’accroître du poids de la responsabilité de chacun Celui de leur responsabilité privée. Or, le devoir universel où toute obligation morale puise son principe, la loi première du monde, sa raison d’être, est de glorifier Dieu par lé retour des créatures à leur auteur, en la manière, en la mesure qu’il a voulues. Dieu donc ayant voulu élever jusqu’à sa propre vie divine l’homme pour qui la terre n’est plus qu’un séjour de passage, la justice naturelle, Tordre du temps présent, ne suffisent pas au monde ; les rois doivent savoir que l’objet de leur civile souveraineté, n’étant pas la fin dernière de toutes choses, reste rangé comme eux-mêmes sous la direction et l’empire absolu de cette fin supérieure en face de laquelle ils ne sont que sujets. Chefs des nations, prêtez l’oreille ; comprenez quel jugement vous est réservé [5]. Ainsi, sous l’ancienne alliance, la divine pitié remplissait de ses avertissements miséricordieux la nuit des siècles d’attente.

Mais, non contente de multiplier ses oracles aux rois [6], la Sagesse, exauçant la prière du plus sage des princes de ces temps [7], est un jour descendue de son trône du ciel [8]. Racheté par elle, le monde, à dater de ce jour, lui appartint à double titre. Au titre de sa divine filiation, dès avant la naissance de l’aurore, elle exerçait la principauté dans les splendeurs des Saints [9] ; elle règne maintenant par droit de conquête sur la terre délivrée. Avant sa venue dans la chair, c’était d’elle déjà que les princes recevaient, avec leur puissance, l’équité qui devait en régler l’usage [10] ; par le contrat des noces sacrées qui l’unirent à notre nature, Jésus, le fils de l’homme dont le sang paya la rançon du monde, est aujourd’hui l’unique source du pouvoir [11], comme de toute vraie justice élevant les nations [12]. Et maintenant derechef, comprenez, o rois, dit le Psalmiste ; ayez l’intelligence, vous qui jugez la terre [13].

« C’est le Christ qui parle, explique saint Augustin : maintenant que je suis roi de par Dieu mon Père, ne vous attristez pas, comme si vous étiez dépouillés en. cela d’un bien qui fût vôtre ; mais plutôt, reconnaissant qu’il vous est bon d’être soumis à celui qui vous donne sécurité dans la lumière, servez ce Seigneur de tous avec crainte, et tressaillez en lui » [14].

La sécurité provenant de la lumière, c’est l’Église qui continue de la donner aux rois, pour l’Homme-Dieu remonté dans les cieux : l’Église qui, sans empiéter sur le domaine des princes, leur demeure pourtant supérieure, comme mère des peuples et comme juge des consciences, comme guide unique de l’humanité voyageuse à sa destinée suprême. Écoutons, dans la précision et la plénitude qui caractérisent son infaillible enseignement, le Souverain Pontife Léon XIII :

« Comme il y a sur la terre deux grandes sociétés : l’une civile, dont la fin prochaine est de procurer au genre humain le bien temporel et terrestre ; l’autre religieuse, qui a pour objet de conduire les hommes à la félicité céleste pour laquelle ils sont faits : ainsi il y a deux puissances [15], entre lesquelles Dieu a divisé le gouvernement de ce monde. Chacune d’elles en son genre est souveraine ; chacune est renfermée dans des limites déterminées et tracées en conformité de sa nature et de son but spécial [16]. Le fondateur de l’Église, Jésus-Christ, a voulu qu’elles fussent distinctes l’une de l’autre, et que toutes deux fussent libres d’entraves dans l’accomplissement de leur mission propre ; avec cette clause toutefois que dans les choses qui ressortissent simultanément à la juridiction et au jugement de l’une et de l’autre, bien qu’à un titre différent, la puissance chargée des intérêts du temps dépendrait, comme il convient, de celle qui doit veiller à ceux du ciel [17]. Soumises au reste toutes deux à la loi éternelle et naturelle, elles doivent s’accorder réciproquement dans les choses qui tiennent à l’ordre et au gouvernement de chacune d’elles [18], réalisant un ensemble de rapports que l’on peut justement comparer à celui qui dans l’homme constitue l’union de l’âme et du corps [19] ».

Dans la sphère des intérêts éternels, dont nul ne peut légitimement se désintéresser ici-bas, c’est donc leurs peuples, et non seulement leurs propres personnes individuellement prises, que les princes doivent maintenir en la dépendance de l’Église comme en celle de Dieu. Car « les hommes unis par les liens d’une société commune ne relevant pas moins de Dieu que pris isolément, les sociétés politiques aussi bien que les particuliers ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait pas, ou se passer de la religion comme étrangère, ou se dispenser de suivre en cette religion les règles suivant lesquelles Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré. En conséquence, les chefs d’État doivent comme tels tenir pour saint le Nom de Dieu, mettre au nombre de leurs principaux devoirs celui de couvrir la religion de l’autorité des lois, ne rien statuer ou ordonner qui soit contraire à son intégrité » [20].

Nous pouvons maintenant reprendre avec saint Augustin l’explication du texte du psaume, et dire avec lui : « Comment les rois servent-ils le Seigneur dans la crainte, si ce n’est en prohibant et punissant avec une religieuse sévérité les actes contraires aux commandements du Seigneur ? Au double titre, en effet, d’homme et de prince, le roi sert Dieu en une double manière : homme, il le sert par la fidélité de sa vie ; roi, par la confection ou le maintien des lois qui ordonnent le bien et proscrivent le mal. Comme fit Ézéchias, et aussi Josias, en détruisant les temples des fausses divinités et ces hauts lieux que l’on avait construits contre l’ordre divin ; comme fit le roi de Ninive, en contraignant sa ville d’apaiser le Seigneur ; comme fit Darius, livrant l’idole à Daniel pour être brisée, et jetant les ennemis de celui-ci aux lions ; comme fit Nabuchodonosor, interdisant le blasphème dans tout son royaume par une loi terrible. C’est en cela donc que les rois servent le Seigneur en tant qu’ils sont rois, à savoir quand ils font pour le servir ce que peuvent seuls faire les rois » [21].

Qu’on ne pense pas qu’en ces développements nous ayons perdu de vue la fête de ce jour. De Louis IX aussi l’on doit dire, résumant sa vie : Il fit alliance avec le Seigneur, gardant ses commandements, les faisant observer par tous [22]. Dieu comme but, la foi pour guide : c’est tout le secret de sa politique comme de sa sainteté. Comme chrétien, serviteur du Christ ; comme prince, son lieutenant : entre les aspirations du chrétien et celles du prince, son âme ne fut pas divisée ; cette unité fut sa force, comme elle est aujourd’hui sa gloire. Le Christ, qui régna seul en lui et par lui ici-bas, le fait régner avec lui-même aux deux. Si vous vous complaisez dans les sceptres et les trônes, rois de la terre, aimez la Sagesse pour régner à jamais [23].

Sacré à Reims le premier dimanche de l’Avent 1226, Louis fit siennes pour la vie les paroles de l’Antienne d’Introït en ce jour : J’ai élevé mon âme vers vous, je me confie en vous, mon Dieu ! Il n’avait que douze ans ; mais le Seigneur avait muni son enfance du plus sûr rempart, en lui donnant pour mère la noble fille des Espagnes dont la venue dans notre France, dit Guillaume de Nangis, y amena tous les biens [24]. La mort prématurée de Louis VIII, son époux, laissait Blanche de Castille aux prises avec la plus redoutable des conspirations. Amoindris sous les règnes précédents, les grands vassaux s’étaient promis de mettre à profit la minorité du nouveau prince, et de ressaisir les droits que la féodalité ancienne leur reconnaissait au détriment de l’unité du pouvoir. Pour écarter cette mère qui se dressait seule entre la faiblesse de l’héritier du trône et leurs ambitions, les barons, partout révoltés, donnèrent la main à l’hérésie albigeoise renaissant au midi ; ils ne rougirent point de faire alliance avec le fils de Jean Sans-Terre, Henri III, épiant d’au delà de la Manche l’occasion de réparer les pertes territoriales dont Philippe-Air liste avait châtié sur le continent la perfidie du meurtrier d’Arthur de Bretagne. Forte du droit de son fils et de la protection du Pontife romain, Grégoire IX, Blanche ne s’abandonna pas ; on vit cette femme que, pour justifier leur crime de lèse-patrie, tous ces amis de l’Anglais nommaient l’étrangère, sauver par sa prudence, sa vaillante fermeté, la terre française. Après neuf ans de régence, elle remettait la nation à son roi, plus unie, plus puissante que jamais depuis Charlemagne.

Nous ne pouvons songer à faire ici l’histoire du règne qui acheva de replacer la France à la tête des peuples ; mais il convenait de rendre à qui de droit aujourd’hui cet hommage : d’autant que pour devenir l’honneur du ciel comme de la terre en cette fête, Louis eut seulement à continuer Blanche, le fils à ne point oublier les préceptes de sa mère [25].

De là, sur toute sa vie, le reflet de simplicité gracieuse [26] qui en relève d’une façon si spéciale l’héroïsme et la grandeur. On dirait que Louis ne connut jamais le labeur nécessaire à tant d’autres, élevés loin du trône, pour adapter leurs âmes à la divine parole : Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des deux [27]. Mais aussi, selon la même parole du Seigneur [28], qui fut plus grand que cet humble s’honorant plus du baptême de Poissy que du sacre de Reims, disant ses Heures, jeûnant, se flagellant comme ses amis les Frères Prêcheurs et Mineurs, toujours prêt à s’abaisser devant ceux en qui le sacerdoce, l’état religieux, la souffrance ou la pauvreté lui manifestaient Les privilégiés du ciel ? Libre aux grands hommes que nous avons connus dans nos temps de sourire en présence du vaincu de Mansourah, s’affligeant plus de la perte de son bréviaire que de la captivité qui le livre aux Sarrasins. On les a trop vus ces hommes en de semblables extrémités ! Si pareille faiblesse d’esprit, comme ils pensent, n’a point chez eux déshonoré la défaite, on n’a point non plus entendu l’ennemi s’écrier d’aucun d’eux : « Vous êtes notre captif, et l’on dirait que c’est nous qui sommes vos prisonniers ». On ne les a pas vus en imposer à la cupidité féroce, à l’ivresse de sang des geôliers, dicter la paix aussi fièrement que s’ils eussent été les vainqueurs ; le pays, jeté par eux dans les aventures, n’est point, hélas ! sorti plus glorieux de l’épreuve. C’est le propre de cet admirable règne de saint Louis, que les désastres y ajoutent à sa taille de héros la hauteur qui sépare la terre du ciel même, que la France y conquiert pour des siècles, en cet Orient où son roi fut chargé de chaînes, une renommée dont nulle victoire n’aurait pu égaler le prestige.

L’humilité des saints rois n’est point l’oubli de la grandeur du rôle qu’ils remplissent pour Dieu ; leur abnégation ne saurait consister dans l’abandon de droits qui sont aussi des devoirs ; pas plus que la charité ne supprime en eux la justice, l’amour de la paix n’y fait tort aux vertus guerrières. Saint Louis sans armée ne laissait pas de traiter de toute la hauteur de son baptême avec l’infidèle victorieux ; par ailleurs en notre Occident, on le sut de bonne heure, on le sut toujours mieux à mesure qu’avec les années croissait en lui la sainteté : ce roi dont les nuits se passaient à prier Dieu, les journées à servir les pauvres, n’entendait céder à quiconque les prérogatives de la couronne qu’il tenait de ses pères. Il n’y a qu’un roi en France, dit un jour le justicier du bois de Vincennes cassant une sentence de son frère, Charles d’Anjou ; et les barons au château de Bellême, les Anglais à Taillebourg, n’avaient pas attendu jusque-là pour l’apprendre ; non plus que ce Frédéric II, qui menaçait d’écraser l’Église, cherchant chez nous des complices, et dont les hypocrites explications valurent à l’Allemand la réponse : Le royaume de France n’est mie encore si affaibli qu’il se laisse mener à vos éperons.

La mort de Louis fut simple et grande comme sa vie. Dieu l’appela vers lui dans des circonstances douloureuses et critiques, loin de la patrie, sur ce sol africain où il avait une première fois déjà tant souffert : épines sanctifiantes, qui devaient rappeler au prince croisé son joyau de prédilection, la couronne sacrée acquise par lui au trésor de France. Mû par l’espoir de convertir au christianisme le roi de Tunis, c’était plus en apôtre qu’en soldat qu’il avait abordé le rivage où l’attendait le combat suprême. Je vous dis le ban de notre Seigneur Jésus-Christ et de son sergent Louis, roi de France : sublime provocation jetée à la ville infidèle, bien digne de clore une telle vie. Après six siècles écoulés, Tunis verra les fils des Francs qui l’entourèrent alors donner suite sans le vouloir au défi du plus saint de leurs rois, appelés qu’ils seront, sans le savoir, par tous les bienheureux dont cette terre de l’antique Carthage devenue chrétienne garde la mémoire pour l’éternité.

Cependant l’armée de la Croix, victorieuse en tous les combats, était décimée par un mal terrible. Entouré de morts et de mourants, atteint lui-même parla contagion, Louis manda près de lui son fils aîné et prochain successeur, Philippe, troisième du nom, pour lui donner ses instructions dernières :

« Cher fils, la première chose que je t’enseigne, c’est que tu mettes ton cœur à aimer Dieu ; car sans ce, ne peut nul valoir nulle chose. Garde-toi défaire chose qui à Dieu déplaise, c’est à savoir mortel péché ; ains plutôt devrais souffrir toutes manières de tourments. Si Dieu t’envoie adversité, reçois-le en patience et en rends grâces à notre Seigneur, et pense que tu l’as desservi. S’il te donne prospérité, l’en remercie humblement, et ne sois pas pire ou par orgueil ou par autre manière de ce dont tu dois mieux valoir ; car l’on ne doit pas Dieu de ses dons guerroyer. Le cœur aie doux et piteux aux pauvres et aux mésaisiés, et les conforte et aide selon ce que tu pourras. Maintiens les bonnes coutumes de ton royaume, et les mauvaises abaisse. Aime tout bien, et hais tout mal en quoique ce soit. Nulle vilenie de Dieu ou de Notre-Dame ou des Saints ne souffre que l’on die devant toi, que tu n’en fasses tantôt vengeance. A justice tenir sois loyal envers tes sujets, sans tourner à dextre ni à senestre ; mais aide au droit, et soutiens la querelle du pauvre jusques à tant que la vérité soit éclaircie. Honore et aime toutes les personnes de la sainte Église, et garde qu’on ne leur soustraie leurs dons et leurs aumônes que tes devanciers leur auront donnés. Cher fils, je t’enseigne que tu sois toujours dévot à l’Église de Rome et au souverain évêque notre père, c’est le Pape, et lui portes révérence et honneur comme tu dois faire à ton père spirituel. Travaille-toi que tout vilain péché soit ôté de ta terre ; spécialement vilains serments et hérésie fais abattre à ton pouvoir... Biau cher fils, je te donne toutes les bénédictions que bon père peut donner à fils ; et la benoîte Trinité et tous les Saints te gardent et défendent de tous maux ; et Dieu te donne grâce de faire sa volonté toujours, et qu’il soit honoré par toi, et que toi et moi puissions après cette mortelle vie être ensemble avec lui et le louer sans fin » [29].

« Quand le bon roi, poursuit Joinville, eut enseigné son fils monseigneur Philippe, la maladie que il avait commença à croître fortement ; et demanda les sacrements de sainte Église, et les reçut en saine pensée et en droit entendement, ainsi comme il apparut ; car quand on l’enhuilait [30] et on disait les sept psaumes, il disait les versets d’une part. J’ai ouï conter monseigneur le comte d’Alençon son fils, que quand il approchait de la mort, il appela les Saints pour l’aider et secourir, et mêmement monseigneur saint Jacques, en disant son oraison, qui commence : Esto Domine ; c’est à dire : « Dieu, soyez sainte fieur [31] et garde de votre peuple ». Monseigneur saint Denis de France appela lors en s’aide, en disant son oraison qui vaut autant à dire : « Sire Dieu, donne-nous que nous puissions despire [32] la prospérité de ce monde, si que nous ne doutions nulle adversité ». Et ouï dire lors à monseigneur d’Alençon (que Dieu absolve !) que son père réclamait lors madame sainte Geneviève. Après se fit le saint roi coucher en un lit couvert de cendre, et mit ses mains sur sa poitrine, et en regardant vers le ciel rendit à notre Créateur son esprit, en celle heure même que le Fils de Dieu mourut pour le salut du monde en la croix ».

Jérusalem, la vraie Sion, vous ouvre enfin ses portes, à vous, ô Louis, qui pour elle avez donné vos trésors et vous-même. Du trône éternel où le Fils de Dieu vous associe à ses honneurs et à sa puissance, soyez toujours le promoteur du règne de Dieu sur terre, le zélateur de la foi, le bras de notre Mère l’Église. Sans adorer le Christ, l’Orient infidèle, grâce à vous, respecte ses adorateurs, confondant sous une même signification le nom de chrétien et de Franc. A cause de cela, nos gouvernants du jour prétendent rester dans ces contrées les protecteurs du christianisme qu’ils poursuivent sur le sol gaulois ! Contradiction non moins fatale au pays, qu’opposée à ses traditions de franchise, à sa renommée d’honneur et de loyauté. Comment connaîtraient-ils nos traditions et notre histoire, comment comprendraient-ils l’intérêt national, ceux qui méconnaissent le Dieu de Clovis, de Charlemagne et de saint Louis ? Déjà, qu’est devenu, dans cette Égypte qui eut vos plus durs labeurs, le patrimoine d’influence glorieuse que les siècles avaient maintenu à la nation ?

Vos descendants ne sont plus là pour nous garder de l’invasion de ces hommes qui exploitent la patrie et n’ont que l’exil pour ceux qui l’ont faite. Ici pourtant, combien redoutables ne se révèlent pas les justices du Seigneur ! Vous-même l’aviez dit : Plutôt un étranger que mon fils pour gouverner le peuple du royaume, si mon fils le doit mal gouverner [33] ! Trente années après la croisade de Tunis, un prince indigne, votre deuxième successeur, outrageait le Vicaire de l’Homme-Dieu. Rejeté d’en haut, Philippe IV, le Bel, voyait aussitôt s’arrêter dans sa race stérilisée la sève partie de votre racine. Flétri et brisé, le rameau sacrilège faisait place sur la tige auguste à une autre branche issue de vous toujours. Mais la nation, solidaire de ses rois, allait expier elle-même le forfait d’Anagni dans une guerre terrible, dont l’imprévoyance politique du même Philippe le Bel avait, par le jugement de Dieu, posé la cause [34] ; prince aussi funeste à l’État qu’à l’Église et à sa propre famille. Ce fut alors que, cent années durant, le pays parut à la veille de sa perte ; jusqu’à ce que, protection merveilleuse du ciel sur notre patrie ! la pucelle d’Orléans, Jeanne la Vénérable, arrachât des griffes du léopard anglais le lis de France qu’il prétendait s’unir.

D’autres fautes devaient, hélas ! compromettre encore, puis par deux fois à nouveau dessécher ou rompre les branches de l’arbre royal. Longtemps vos mérites personnels firent contre-poids devant Dieu au scandale des mœurs dont nos princes s’étaient fait comme une note de race, un privilège odieux : honte que transmirent aux Bourbons les Valois mourants, que dut expier sans parvenir à l’effacer le sang du juste Louis XVI, qu’expient toujours tant d’illustres proscrits promenant sur la terre étrangère leur déchéance et leurs souvenirs. Puissiez-vous du moins reconnaître, en ces fils qui vous restent, les imitateurs de vos vertus ! c’est en revendiquant d’abord ce premier héritage, qu’un jour peut-être ils amèneront Dieu à leur rendre l’autre [35]. Car Dieu qui commande d’obéir au pouvoir établi dans les divers temps, reste le maître des peuples, l’arbitre immuable de leurs variables destinées. Mais c’est alors qu’instruit par l’épreuve, nul de vos descendants ne devra plus oublier, ô Louis, votre recommandation suprême : Travaille-toi que tout vilain péché soit ôté de ta terre ; spécialement vilains serments et hérésie fais abattre à ton pouvoir.

Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Voici un roi sur lequel le Christ crucifié imprima profondément les stigmates de sa Passion. Pour démontrer que la vertu n’a pas toujours sa récompense en ce monde, Louis, que sa piété poussait sans cesse vers l’Orient, à la reprise des lieux sanctifiés par le sang de la Rédemption, n’y recueillit, au lieu de palmes et de lauriers, que défaites et captivité ; si bien que, racheté par les siens, il retourna à Paris, rapportant comme un trophée symbolique de ses campagnes la couronne d’épines du divin Sauveur. Il mourut victime de l’épidémie sous les murs de Tunis, qu’il se préparait à assiéger, le 25 août 1270. Rome chrétienne lui a dédié un temple insigne non loin du stadium Domitiani.

La messe est du Commun sauf ce qui suit.

La première lecture est tirée de la messe des Martyrs, et fait allusion à la dure captivité soufferte par le saint Roi à cause de son zèle pour la reprise des lieux saints. La sagesse de Dieu guide partout ses serviteurs. Elle n’abandonna pas Louis dans les chaînes, et si, durant sa vie, elle l’exposa à une dure épreuve, ce fut pour le récompenser au ciel d’une palme beaucoup plus glorieuse.

Pour la fête de ce saint roi, qui, en France, de longs siècles durant, symbolisa pour ainsi dire la monarchie très chrétienne de la fille aînée de l’Église, la lecture évangélique est celle de la parabole du monarque qui distribue son argent à ses serviteurs, pour le faire valoir jusqu’à son retour (Luc., XIX, 12-26). Le sens est presque identique à celui de la parabole du maître qui distribue un capital à ses serviteurs, pour qu’ils lui fassent produire des intérêts (Matth., XXV, 14-23.). Dans la lecture de ce jour, une phrase nous frappe surtout. Le serviteur inactif dit au Seigneur qu’il est un homo austerus, et celui-ci l’accepte et même le répète.

Dieu est avec nous ce que nous sommes avec lui. Avec ceux qui l’aiment, II est Père miséricordieux et aimant ; ceux qui renoncent à cette grâce et s’éloignent de son étreinte, II les régit et les gouverne avec le bras de sa sainteté et de sa justice très pures.

Les trois collectes sont propres.

Prière. — « Seigneur, qui avez fait passer du trône terrestre au trône céleste le bienheureux roi Louis ; par ses mérites et son intercession faites que nous aussi méritions d’avoir part à l’héritage du Christ Jésus, Roi des rois ». Aujourd’hui l’Église, dans cette première collecte, rappelle les fidèles au sens de cette dignité royale que, par notre incorporation au Christ Roi et Prêtre, nous avons obtenue dans le sacrement du Baptême. Si les chrétiens appartiennent tous à cette dynastie sacrée instituée par le Christ, — regale sacerdotium — il convient qu’ils sachent se dominer et tiennent leurs passions assujetties. On attribue à saint Colomban une belle parole qui se rapporte à cette liberté royale que doit garder intacte le chrétien. A un roi tyran, ce saint abbé dit un jour : si aufers libertatem, aufers dignitatem.

Sur les oblations. — « Comme le bienheureux confesseur Louis, ayant méprisé les délices du monde, s’efforça de plaire uniquement à Dieu ; ainsi nous vous demandons. Seigneur, que son intercession nous rende agréables à Vous ». Il n’est rien de plus vil que de transiger avec sa conscience pour ne pas déplaire aux hommes. Avec la meilleure bonne volonté, avec le tact et la prudence la plus circonspecte, il est impossible de contenter tout le monde. Saint Paul essaya de le faire, mais lui-même écrivit : Si adhuc hominibus placerem, Christi servus non essem [36]. Le Psalmiste a un mot très fort contre ces lâches victimes du respect humain : disperdet ossa eorum qui hominibus placent, quoniam Deus sprevit eos [37].

Après la Communion. — « Seigneur, qui avez rendu illustre sur la terre, puis glorieux dans le ciel, le bienheureux confesseur Louis, établissez-le aussi défenseur de votre Église ». Le nombre est-il assez grand, de ceux qui évoquent avec passion les noms des souverains des anciennes dynasties françaises ? Et pourtant, le nom de saint Louis IX exprime encore, pour cette nation, tout un programme et un idéal de foi, de pureté, de valeur et d’honneur qui élève les lis de la vraie France catholique d’autant plus haut qu’est descendue davantage dans la fange la faction jacobine adverse, destructrice de sa propre patrie.

Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique

Faites-vous cohéritiers du Roi des Rois, Jésus-Christ.

1. Saint Louis. — Jour de mort : 25 aout 1270, à Tunis. Tombeau : à Paris, dans l’église Saint-Denis ; on vénère sa tête à la Sainte Chapelle. Vie : Louis IX, roi de France de 1226 à 1270, est une physionomie de saint des plus séduisantes. Époux affectueux et père de onze enfants, il fut en même temps un rigoureux ascète. Énergique et vigilant dans l’administration de son royaume, il ne négligeait en rien ses exercices de piété et recevait fréquemment les sacrements ; intrépide au combat et soucieux de son prestige dans les grandes circonstances, il s’épuisait secrètement en jeûnes et en mortifications. La stricte justice, la parfaite loyauté et l’amour absolu de la paix inspirèrent sa politique, toujours exempte néanmoins de faiblesse, et dont plusieurs siècles devaient confirmer le succès. Les ordres religieux et les monastères trouvèrent en lui un puissant ami, et les églises un généreux bienfaiteur. « Après vingt ans de règne, dit le bréviaire, au cours d’une grave maladie, il fit vœu d’entreprendre une Croisade en Terre Sainte. Sa santé à peine rétablie, il reçut l’étendard des mains de l’évêque de Paris, franchit la mer à la tête d’une grande armée (1248), et mit d’abord en déroute les Sarrasins. Mais, beaucoup de ses soldats étant morts de la peste, il fut ensuite vaincu et fait prisonnier. Au prix d’une forte rançon, l’ennemi lui rendit la liberté ainsi qu’à son armée ». Louis IX mourut de la peste pendant une seconde croisade, en prononçant ces paroles : « J’entrerai dans votre maison, j’adorerai dans votre saint temple, et je glorifierai votre nom » (Ps. V).

2. Le commun des Rois. — La liturgie, très parcimonieuse de titres et de dignités, ne mentionne dans la nomenclature des saints que les titres qui indiquent une participation au ministère du Christ ou qui impliquent une consécration spéciale. Tel le titre d’Évêque et de Pape ; tel également et pour les mêmes raisons celui de Roi. Le Roi participe à l’autorité de Dieu et du Christ, c’est pourquoi l’Église l’honore et a pour lui une prière spéciale. Lui obéir n’est pas seulement obéir à un homme, mais à Dieu. L’Église se plait à reconnaître que le roi saint Louis, parmi les soucis du gouvernement, n’a pas oublié « l’unique nécessaire », qu’il est resté fidèle à la loi de Dieu au milieu des « délices du monde » (Secr.). Sa mort a été une « translatio », un passage de la royauté terrestre à la gloire du royaume céleste. Puissions-nous donc, comme nous le demandons à Dieu, devenir tous « cohéritiers du Roi des rois, Jésus-Christ » (Oraison).

Quoique, par ses parties chantées, la messe de ce jour appartienne au Commun des Confesseurs, ses deux lectures propres lui donnent un caractère si particulier que, volontiers, nous l’appellerions « Messe du Commun des Rois ». Dans son sens littéral, l’Épître s’applique au patriarche Joseph qui « sortit » de prison, et à qui Dieu remit le « sceptre du royaume ». Souvenons-nous ici de Louis IX captif chez les Sarrasins.

C’est par allusion à la dignité royale de notre saint qu’on a choisi comme Évangile, aujourd’hui, la Parabole des mines : « Un homme de haute naissance s’en alla dans un pays lointain pour se faire investir de la royauté... » Pour bien comprendre ces paroles, rappelons-nous la situation politique des contemporains du Sauveur. En ce temps de la domination romaine, quiconque aspirait au trône dans une Province juive devait se rendre « dans un pays lointain » — Rome — « pour se faire investir de la royauté, et revenir ensuite ». Il arriva donc que les concitoyens du prince envoyèrent une ambassade derrière lui pour dire : « Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous ». Le prétendant ayant réussi dans sa démarche, on comprend, étant donné les mœurs orientales, ce que fut sa vengeance, — Telles sont les circonstances matérielles de la Parabole des mines. Quelle en est maintenant l’interprétation liturgique ? L’homme qui « s’en va dans un lointain pays recevoir la couronne royale » représente le Christ qui, depuis l’Ascension, « siège à la droite du Père » ; il « reviendra » au dernier jour. A nous, ses serviteurs, il confie l’administration de ses biens, grâces, talents, dont, plus tard, nous aurons à lui rendre compte. — La Parabole désigne trois catégories de chrétiens : les uns profitent éminemment de la grâce. Saint Louis fut de ce nombre ; il reçut « le gouvernement de dix villes » ; aussi sa récompense est-elle grande dans les cieux ; aujourd’hui, jour de sa fête, nous y participons à la messe. Les autres en profitent bien. Nous sommes, ou, du moins, nous voulons être de ceux-là. Les derniers, enfin — entendons cet avertissement — ce sont ceux qui ne coopèrent pas à la grâce, les mauvais chrétiens. — La nécessité pour le salut de coopérer à la grâce, telle est donc la grande leçon de cette parabole. Être chrétien, ce n’est pas seulement aller à la messe et fréquenter les sacrements, c’est vivre véritablement selon Dieu. La sainte communion reçue ce matin est une « mine » que le Seigneur nous a confiée ; à nous maintenant de la faire fructifier par notre travail, toute la journée. Demain, à la messe, le Maître reviendra ; à l’offertoire, nous lui rendrons compte de notre gestion.

[1] Sap. I, I.

[2] Ibid. VII, 5-6.

[3] Ibid. VI, 8.

[4] Ibid. 5.

[5] Sap., VI, 2-9.

[6] Ibid. 10.

[7] Ibid. IX.

[8] Ibid. 10.

[9] Psalm. CIX, 3.

[10] Prov. VIII, 14-16.

[11] Matth. XXVIII, 18.

[12] Prov. XIV, 34.

[13] Psalm. II, 10.

[14] Psalm. II, 11 ; Aug. Enarrat. in Ps. II.

[15] Epist. encycl. ad Episcopos Galliae, Nobilissima Gallorum gens, 8 Febr. 1884.

[16] Encycl. Immortale Dei, de civitatum constitutione christiana, 1 Nov. 1885.

[17] Encycl. Arcanum divines sapientiae, de matrimonio christiano, 10 Febr. 1880.

[18] Encycl.Nobilissima Gallorum gens.

[19] Encycl. Immortale Dei.

[20] Ibid.

[21] Aug. ad Bonifac. Ep. 185.

[22] II Paralip. XXXIV, 31-33.

[23] Sap. VI, 22.

[24] Gesta S. Ludovici.

[25] Prov. I, 8.

[26] Ibid. 9.

[27] Matth. XVIII, 3.

[28] Ibid. 4.

[29] GEOFFROI DE BEAULIEU ; CONFESSEUR DE LA REINE MARGUERITE ; GUILLAUME DE NANGIS ; JOINVILLE.

[30] Extrême-Onction.

[31] Sanctificateur.

[32] Mépriser.

[33] Joinville, Ire partie.

[34] En mariant sa fille Isabelle à Édouard II d’Angleterre : mariage qui, après la mort sans descendance mâle des trois fils de Philippe le Bel, Louis X, Philippe V et Charles IV, fournit la hase des prétentions du fils d’Isabelle, Édouard III, à la couronne de France.

[35] Matth. VI, 33.

[36] Gal. 1, 10. Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ.

[37] Ps. 52, 6. Dieu a brisé les os de ceux qui cherchent à plaire aux hommes, parce que Dieu les a méprisés.