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21/01 Ste Agnès, vierge et martyre

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Le culte de Ste Agnès remonte au IVe siècle. A partir du VIIe, lectionnaires et sacramentaires donnent les formulaires de sa messe. Au XIIe siècle, l’Office entier est propre à la fête.

Textes de la Messe

die 21 ianuarii
le 21 janvier
SANCTÆ AGNETIS
SAINTE AGNÈS
Virginis et Martyris
Vierge et Martyre
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Ant. ad Introitum. Ps. 118, 95-96.Introït
Me exspectavérunt peccatóres, ut pérderent me : testimónia tua, Dómine, intelléxi : omnis consummatiónis vidi finem : latum mandátum tuum nimis.Les pécheurs m’ont attendu pour me perdre, mais j’ai compris vos enseignements, Seigneur. J’ai vu la fin de toute perfection ; votre loi a une étendue infinie.
Ps. Ibid., 1.
Beáti immaculáti in via : qui ámbulant in lege Dómini.Heureux ceux qui sont immaculés dans la voie, qui marchent dans la loi du Seigneur.
V/. Glória Patri.
OratioCollecte
Omnipotens sempitérne Deus, qui infírma mundi éligis, ut fórtia quæque confúndas : concéde propítius ; ut, qui beátæ Agnétis Vírginis et Mártyris tuæ sollémnia cólimus, eius apud te patrocínia sentiámus. Per Dóminum.Dieu tout-puissant et éternel, qui choisissez ce qu’il y a de faible dans le monde, pour confondre les forts, accordez-nous, par votre miséricorde que, célébrant la solennité de la bienheureuse Agnès, votre Vierge et Martyre, nous ressentions auprès de vous les effets de sa protection.
Léctio libri Sapiéntiæ.Lecture du Livre de la Sagesse.
Eccli. 51, 1-8 et 12.
Confitébor tibi, Dómine, Rex, et collaudábo te Deum, Salvatórem meum. Confitébor nómini tuo : quóniam adiútor et protéctor factus es mihi, et liberásti corpus meum a perditióne, a láqueo línguæ iníquæ et a lábiis operántium mendácium, et in conspéctu astántium factus es mihi adiutor. Et liberasti me secúndum multitúdinem misericórdiæ nóminis tui a rugiéntibus, præparátis ad escam, de mánibus quæréntium ánimam meam, et de portis tribulatiónum, quæ circumdedérunt me : a pressúra flammæ, quæ circúmdedit me, et in médio ignis non sum æstuáta : de altitúdine ventris inferi, et a lingua coinquináta, et a verbo mendácii, a rege iníquo, et a lingua iniústa : laudábit usque ad mortem ánima mea Dóminum : quóniam éruis sustinéntes te, et líberas eos de mánibus géntium, Dómine, Deus noster.Je vous rendrai grâces, ô Seigneur roi, et je vous louerai, Dieu mon sauveur. Je rendrai gloire à votre nom, parce que vous avez été mon aide et mon protecteur. Vous avez délivré mon corps de la perdition, des pièges de la langue injuste, et des lèvres des ouvriers du mensonge, et en face de mes adversaires vous vous êtes fait mon défenseur. Vous m’avez délivré, selon la multitude de vos miséricordes, de ceux qui rugissaient, prêts à me dévorer, des mains de ceux qui cherchaient à m’ôter la vie, et de la puissance des tribulations qui m’environnaient ; de la violence de la flamme qui m’entourait, et au milieu du feu je n’ai point senti la chaleur ; de la profondeur des entrailles de l’enfer, de la langue souillée et des paroles de mensonge, du roi inique et de la langue injuste. Mon âme louera le Seigneur jusqu’à la mort, car vous tirez du péril ceux qui vous attendent, Seigneur, et vous les délivrez des mains des nations, ô Seigneur notre Dieu.
Graduale. Ps. 44, 3 et 5.Graduel
Diffúsa est grátia in labiis tuis : proptérea benedíxit te Deus in ætérnum.La grâce est répandue sur vos lèvres ; c’est pourquoi Dieu vous a bénie à jamais et pour tous les siècles.
V/. Propter veritátem et mansuetúdinem et iustítiam : et de ducet te mirabíliter déxtera tua.V/. Pour la vérité, la douceur et la justice ; et votre droite voua conduira merveilleusement.
Allelúia, allelúia. V/. Matth. 25, 4 et 6. Quinque prudéntes vírgines accepérunt óleum in vasis suis cum lampádibus : média autem nocte clamor factus est : Ecce, sponsus venit : exite óbviam Christo Dómino. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Cinq vierges sages prirent de l’huile dans leurs vases avec leurs lampes ; mais au milieu de la nuit, un cri se fit entendre : Voici l’époux qui vient ; allez au-devant du Christ votre Seigneur. Alléluia.
Post Septuagesimam, ommissis Allelúia et versu sequenti, diciturAprès la Septuagésime, on omet l’Alléluia et son verset et on dit :
Tractus.Trait
Veni, Sponsa Christi, áccipe corónam, quam tibi Dóminus præparávit in ætérnum : pro cuius amóre sánguinem tuum fudísti.Venez, épouse du Christ, recevez la couronne que le Seigneur vous a préparée pour l’éternité. C’est pour son amour que vous avez répandu votre sang.
V/. Ps. 44, 8 et 5. Dilexísti iustítiam, et odísti iniquitátem : proptérea unxit te Deus, Deus tuus, óleo lætítiæ præ consórtibus tuis.V/. Vous avez aimé la justice et haï l’iniquité. C’est pourquoi Dieu, votre Dieu, vous a ointe d’une huile d’allégresse d’une manière plus excellente que toutes vos compagnes.
V/. Spécie tua et pulchritúdine tua inténde, próspere procéde et regna.V/. Avec votre gloire et votre majesté, avancez, marchez victorieusement et régnez.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum.Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu.
Matth. 25, 1-13.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis parábolam hanc : Simile erit regnum cælórum decem virgínibus : quæ, accipiéntes lámpades suas, exiérunt óbviam sponso et sponsæ. Quinque autem ex eis erant fátuæ, et quinque prudéntes : sed quinque fátuæ, accéptis lampádibus, non sumpsérunt óleum secum : prudéntes vero accepérunt óleum in vasis suis cum lampádibus. Horam autem faciénte sponso, dormitavérunt omnes et dormiérunt. Média autem nocte clamor factus est : Ecce, sponsus venit, exíte óbviam ei. Tunc surrexérunt omnes vírgines illae, et ornavérunt lámpades suas. Fátuæ autem sapiéntibus dixérunt : Date nobis de óleo vestro : quia lámpades nostræ exstinguúntur. Respondérunt prudéntes, dicéntes : Ne forte non suffíciat nobis et vobis, ite pótius ad vendéntes, et émite vobis. Dum autem irent émere, venit sponsus : et quæ parátæ erant, intravérunt cum eo ad núptias, et clausa est iánua. Novíssime vero véniunt et réliquæ vírgines, dicéntes : Dómine, Dómine, áperi nobis. At ille respóndens, ait : Amen, dico vobis, néscio vos. Vigiláte ítaque, quia nescítis diem neque horam.En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples cette parabole : Le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent au-devant de l’époux et de l’épouse. Or, cinq d’entre elles étaient folles, et cinq étaient sages. Les cinq folles, ayant pris leur lampe, ne prirent pas d’huile avec elles ; mais les sages prirent de l’huile dans leurs vases avec leurs lampes. L’époux tardant à venir, elles s’assoupirent toutes, et s’endormirent. Mais, au milieu de la nuit, un cri se fit entendre : Voici l’époux qui vient ; allez au-devant de lui. Alors toutes ces vierges se levèrent, et préparèrent leurs lampes. Mais les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent. Les sages leur répondirent : De peur qu’il n’y en ait pas assez pour nous et pour vous, allez plutôt chez ceux qui en vendent, et achetez-en pour vous. Mais pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux vint, et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui aux noces, et la porte fut fermée. Enfin les autres vierges viennent aussi, en disant : Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous. Mais il leur répondit : En vérité, je vous le dis, je ne vous connais point. Veillez donc, parce que vous ne savez ni le jour ni l’heure.
Ant. ad Offertorium. Ps. 44, 15 et 16.Offertoire
Afferéntur Regi Vírgines post eam : próximæ eius afferéntur tibi in lætítia et exsultatióne : adducántur in templum Regi Dómino.Des vierges seront amenées au roi après vous ; vos compagnes seront présentées au milieu de la joie et de l’allégresse. On les conduira au temple du roi.
SecretaSecrète
Hóstias, Dómine, quas tibi offérimus, propítius súscipe : et, intercedénte beáta Agnéte Virgine et Mártyre tua, víncula peccatórum nostrorum absólve. Per Dóminum.Recevez favorablement, Seigneur, les hosties que nous vous offrons, et par l’intercession de la bienheureuse Agnès, votre Vierge et Martyre, libérez-nous des liens de nos péchés.
Ant. ad Communionem. Matth. 25, 4 et 6.Communion
Quinque prudéntes vírgines accepérunt óleum in vasis suis cum lampádibus : média autem nocte clamor factus est : Ecce, sponsus venit : exite óbviam Christo Dómino.Cinq vierges sages prirent de l’huile dans leurs vases avec leurs lampes ; mais au milieu de la nuit, un cri se fit entendre : Voici l’époux qui vient ; allez au-devant du Christ votre Seigneur.
PostcommunioPostcommunion
Refécti cibo potúque cælésti, Deus noster, te súpplices exorámus : ut, in cuius hæc commemoratióne percépimus, eius muniámur et précibus. Per Dóminum.Nourris par un aliment et un breuvage célestes, nous vous prions et supplions, ô notre Dieu, de faire que nous soit assuré le secours des prières de celle en la fête de qui nous les avons reçus.

Office

AUX PREMIÈRES VÊPRES Avant 1960

Ant. au Magnificat La bienheureuse Agnès, * au milieu des flammes, les mains étendues, priait ainsi : Je vous remercie, ô tout-puissant, adorable, digne d’honneur, Père redoutable, de ce que, par votre saint Fils, j’ai échappé aux menaces d’un tyran sacrilège et de ce que ma voie est restée pure de toute souillure de la chair. Voici que je viens à vous, que j’ai aimé, que j’ai cherché, que j’ai toujours désiré.

A MATINES Avant 1960

Au premier nocturne

Ant. 1 Retirez-vous de moi,* appât de mort, parce que j’ai été l’objet des prévenances d’un autre amant.
Ant. 2 Il a orné ma main droite* et entouré mon cou de pierres précieuses, et il a mis à mes oreilles des perles d’un prix inestimable.
Ant. 3 Il a mis un signe* sur ma face, pour que je n’admette point d’autre amant que lui.

Du livre de l’Ecclésiastique. Leçons du Commun des Vierges, répons propres à la fête de Ste Agnès

Première leçon. Je vous glorifierai, Seigneur Roi, et je vous louerai, vous qui êtes Dieu, mon Sauveur. Je glorifierai votre nom, parce que vous m’êtes devenu un aide et un protecteur. Et vous avez délivré mon corps de la perdition, du piège de la langue inique et des lèvres de ceux qui commettent le mensonge, et en présence de ceux qui se tenaient debout (près de moi), vous m’êtes devenu un aide. Et vous m’avez délivré, selon la multitude des miséricordes de votre nom, des lions rugissants prêts à me dévorer ; des mains de ceux qui recherchaient mon âme et des portes des tribulations qui m’ont environné ; de la violence de la flamme qui m’a environné, et au milieu du feu, je n’en ai pas senti la chaleur ; de la profondeur des entrailles de l’enfer, et de la langue souillée et de la parole du mensonge ; d’un roi inique et de la langue injuste.
R/. Nous célébrons la fête d’une très sainte Vierge ; rappelons à notre mémoire comment a souffert la bienheureuse Agnès : dans sa treizième année, elle a perdu la mort et trouvé la vie : * Parce qu’elle a aimé seul l’auteur de la vie. V/. Elle était encore dans l’enfance selon le nombre des années, mais elle était d’une grande maturité selon l’esprit. * Parce que.

Deuxième leçon. Jusqu’à la la mort mon âme louera le Seigneur ; car ma vie s’approchait de l’enfer, en bas. Ils m’ont environné de tous côtés, et il n’y avait personne qui me secourût. Je tournais mes regards vers le secours des hommes, et il n’en était point. Je me suis souvenu, Seigneur, de votre miséricorde et de votre œuvre, qui sont dès le commencement du monde ; parce que vous délivrez, Seigneur, ceux qui vous attendent avec patience et vous les sauvez des mains des nations.
R/. Il a orné ma main et mon cou de pierres précieuses, il a mis à mes oreilles des perles d’un prix inestimable : * Et il m’a toute parée de pierres précieuses d’un grand éclat. V/. Il a mis un signe sur ma face, pour que je n’admette point d’autre amant que lui. * Et.

Troisième leçon. Vous avez élevé sur la terre mon habitation ; et à cause de la mort qui découlait (sur moi), j’ai fait des supplications. J’ai invoqué le Seigneur, père de mon Seigneur, afin qu’il ne me laisse point sans secours au jour de ma tribuiation et au temps des superbes. Je louerai votre nom sans cesse et je le glorifierai dans mes louanges, car ma prière a été exaucée. Et vous m’avez délivré de la perdition, et vous m’avez arraché au temps de l’iniquité. C’est pourquoi je vous glorifierai, et je vous dirai une louange et je bénirai le nom du Seigneur.
R/. ’aime le Christ, je serai l’épouse de celui dont la mère est vierge, (Dieu) son Père l’a produit sans mère, et lui-même fait retentir à mes oreilles d’harmonieux accords : * Quand je l’aime, je suis chaste ; quant je le touche, je suis pure ; quand je le possède, je suis vierge. V/. Il m’a donné un anneau pour gage de sa foi, et il m’a parée d’un riche collier. * Quand. Gloire au Père. * Quand.

Au deuxième nocturne

Ant. 4 Le Seigneur m’a revêtue * d’une robe tissue d’or, et il m’a ornée de colliers magnifiques.
Ant. 5 Le miel et le lait * je les ai recueillis sur ses lèvres [1], et son sang colore mes joues [2].
Ant. 6 C’est à lui seul que je garde ma foi, * c’est à lui que je me livre sans aucune réserve.

Du Livre de saint Ambroise, Évêque : des Vierges.

Quatrième leçon. Nous célébrons aujourd’hui la naissance au ciel d’une Vierge, recherchons la pureté. C’est la fête d’une Martyre, immolons des victimes. C’est la fête de sainte Agnès, que les hommes soient dans l’admiration, que les enfants ne perdent pas courage, que les épouses s’étonnent, que les vierges imitent. Mais que pouvons-nous dire qui soit digne de celle dont le nom même n’est pas vide d’éloge [3] ? Son dévouement à Dieu était au dessus de son âge, sa vertu surpasse la nature : en sorte que son nom me semble ne pas lui venir d’un choix humain mais être une prédiction de martyre, une annonce de ce qu’elle devait être. Le nom de cette Vierge indique la pureté. Je l’appellerai Martyre et je l’aurai assez louée. La louange a de l’étendue quand on en est l’objet sans la rechercher. Personne n’est plus digne d’éloges que celui qui peut être loué de tous. Cette Martyre a autant de hérauts pour la louer qu’il y a d’hommes qui prononcent son nom.
R/. Le Seigneur m’a revêtue du vêtement du salut, et il m’a enveloppée du manteau de la joie, * Et comme une épouse, il m’a parée d’une couronne. V/. Il a mis à mes oreilles d’inestimables perles, et il m’a toute parée de pierres brillantes et étincelantes. * Et.

Cinquième leçon. On rapporte qu’elle avait treize ans quand elle souffrit le martyre. La cruauté du tyran fut d’autant plus détestable qu’il n.’épargna pas un âge si tendre ; mais remarquons plutôt la grande puissance de la foi qui trouve des témoins de cet âge. Y avait-il place en un si petit corps pour les blessures ? Et celle qui n’avait pas de quoi recevoir le fer, avait de quoi vaincre le fer. Elle est intrépide entre les mains sanglantes des bourreaux, elle ne s’émeut pas tandis qu’on tire avec bruit de lourdes chaînes, elle offre tout son corps au glaive du soldat furieux ; elle ignore encore ce que c’est que la mort, mais elle est prête, si on la traîne malgré elle aux autels des idoles, à tendre les mains vers le Christ, du sein des flammes, et à former jusque sur le brasier sacrilège, ce signe qui est le trophée du Seigneur victorieux. Elle passe son cou et ses mains dans les fers qu’on lui présente, mais aucun ne pouvait serrer des membres si petits. Nouveau genre de martyre ! Cette Vierge n’est pas encore apte au supplice, et déjà elle est mûre pour la victoire ; à peine peut-elle combattre, et elle est capable de remporter la couronne ; elle avait contre elle le préjugé de son âge, et elle pratiqua la vertu des maîtres.
R/. J’ai reçu de sa bouche le miel et le lait, * Et son sang a orné mes joues. V/. Il m’a montré des trésors incomparables, et il m’a promis qu’il me les donnerait. * Et.

Sixième leçon. L’épouse n’irait pas aux noces avec autant de hâte que cette sainte Vierge en mettait à se diriger d’un pas rapide vers le lieu de son supplice, joyeuse de son approche. Tous versaient des larmes, elle seule ne pleurait pas. La plupart admiraient avec quelle facilité, prodigue d’une vie à laquelle elle n’avait pas encore puisé, elle la donnait comme si elle l’eût épuisée. Tous étaient surpris qu’elle se montrât déjà témoin de la divinité, à un âge où elle ne pouvait encore disposer d’elle-même. Combien de menaces n’employa pas le sanguinaire tyran pour l’intimider ; combien de caresses pour la persuader ; et combien d’hommes la souhaitèrent pour épouse ! Mais elle de répondre : « La fiancée fait injure à l’époux si elle désire plaire à d’autres. Celui-là m’aura seul, qui, le premier, m’a choisie. Que tardes-tu, bourreau ? Qu’il périsse ce corps que peuvent aimer des yeux auxquels je ne veux pas plaire. » Elle se présenta, elle pria, elle courba la tête. Vous eussiez vu le bourreau saisi de crainte, comme si lui-même eût été Condamné ; sa main tremblait, son visage était pâte pour le péril d’autrui, pendant qu’une jeune fille voyait sans crainte son propre danger. Voici donc dans une seule victime un double martyre de pureté et de religion. Agnès demeura vierge et elle obtint le martyre.
R/. Déjà, (par l’aliment céleste), sa chair a été unie à ma chair, et son sang a orné mes joues : * C’est lui dont la mère est vierge, et (Dieu) son Père l’a engendré sans mère. V/. Je suis fiancée à celui que servent les Anges, à celui dont le soleil et la lune admirent la beauté. * C’est. Gloire au Père. * C’est.

Au troisième nocturne

Ant. 7 De sa beauté * le soleil et la lune sont dans l’admiration ; c’est à lui-même, à lui seul, que je garde ma foi.
Ant. 8 Le Christ m’a entièrement parée * de pierres précieuses, brillantes et étincelantes.
Ant. 9 Je suis fiancée * à celui que les Anges servent, à celui dont le soleil et la lune admirent la beauté.

Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu.
En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples cette parabole : Le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent au-devant de l’époux et de l’épouse. Et le reste.

Homélie de saint Grégoire, Pape. Leçons du Commun des Vierges, répons propres à la fête de Ste Agnès

Septième leçon. Je vous recommande souvent, mes très chers frères, de fuir le mal et de vous préserver de la corruption du monde ; mais aujourd’hui la lecture du saint Évangile m’oblige à vous dire de veiller avec beaucoup de soin à ne pas perdre le mérite de vos bonnes actions. Prenez garde que vous ne recherchiez dans le bien que vous faites, la faveur ou l’estime des hommes, qu’il ne s’y glisse un désir d’être loué, et que ce qui paraît au dehors ne recouvre un fond vide de mérite et peu digne de récompense. Voici que notre Rédempteur nous parle de dix vierges, il les nomme toutes vierges et cependant toutes ne méritèrent pas d’être admises an séjour de la béatitude, car tandis qu’elles espéraient recueillir de leur virginité une gloire extérieure, elles négligèrent de mettre de l’huile dans leurs vases.
R/. Je suis fiancée à celui que les Anges servent, à celui dont le soleil et la lune admirent la beauté : * C’est à lui seul que je garde ma foi, c’est à lui que je me livre sans aucune réserve. V/. Il a entouré ma main et mon cou de pierres précieuses, il a mis à mes oreilles d’inestimables perles. * C’est.

Huitième leçon. II nous faut d’abord examiner ce qu’est le royaume des cieux, ou pourquoi il est comparé à dix vierges, et encore quelles sont les vierges prudentes et les vierges folles. Puisqu’il est certain qu’aucun réprouvé n’entrera dans le royaume des cieux, pourquoi nous dit-on qu’il est semblable à des vierges parmi lesquelles il y en a de folles ? Mais nous devons savoir que l’Église du temps présent est souvent désignée dans le langage sacré sous le nom de royaume des cieux ; d’où vient que le Seigneur dit en un autre endroit : « Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son royaume tous les scandales ». Certes, ils ne pourraient trouver aucun scandale à enlever, dans ce royaume de la béatitude, où se trouve la plénitude de la paix.
R/. Je vous bénis, ô tout-puissant, adorable, digne d’être honoré et craint : * De ce que, par votre Fils unique, j’ai échappé aux menaces d’hommes impies, et de ce que j’ai franchi sans être souillée les pièges d’impureté du diable. V/. C’est vous que louent mes lèvres et mon cœur, c’est vous que je désire du fond de mon âme. * De. Gloire au Père. * De.

Neuvième leçon. L’âme il humaine subsiste dans un corps doué de cinq sens. Le nombre cinq, multiplié par deux, donne celui de dix. Et parce que la multitude des fidèles comprend l’un et l’autre sexe, la sainte Église est comparée à dix vierges. Comme, dans cette Église, les méchants se trouvent mêlés avec les bons et ceux qui seront réprouvés avec les élus, ce n’est pas sans raison qu’on la dit semblable à des vierges, dont les unes sont sages et les autres insensées. Il y a en effet, beaucoup de personnes chastes qui veillent sur leurs passions quant aux choses extérieures et sont portées par l’espérance vers les biens intérieurs ; elles mortifient leur chair et aspirent de toute l’ardeur de leur désir vers la patrie d’en haut ; elles recherchent les récompenses éternelles, et ne veulent pas recevoir pour leurs travaux de louanges humaines : celles-ci ne mettent assurément pas leur gloire dans les paroles des hommes, mais la cachent au fond de leur conscience. Et il en est aussi plusieurs qui affligent leur corps par l’abstinence, mais attendent de cette abstinence même des applaudissements humains.

A LAUDES

Ant. 1 Agnès, introduite * dans le lieu d’ignominie, y trouva un Ange du Seigneur prêt à la défendre.
Ant. 2 J’ai avec moi * pour gardien de mon corps un Ange du Seigneur.
Ant. 3 Par son anneau, * Jésus-Christ, mon Seigneur, m’a fiancée, et il m’a ornée d’une couronne comme son épouse.
Ant. 4 Je vous bénis, * Père de mon Seigneur Jésus-Christ, parce que le feu qui brûlait, autour de moi a été éteint par votre Fils.
Ant. 5 Partagez mon allégresse, * et félicitez-moi, car j’ai obtenu avec toutes ces (saintes Vierges) un trône de lumière.

Capitule Je vous glorifierai Seigneur mon Roi, et je vous louerai, vous qui êtes Dieu, mon Sauveur. Je glorifierai votre nom, parce que vous m’êtes devenu un aide et un protecteur, et vous avez délivré mon corps de la perdition.

Ant. au Bénédictus Voici que ce que j’ai désiré avec ardeur, * je le vois maintenant ; déjà je possède ce que j’ai espéré ; je suis unie dans les cieux à celui que, sur la terre, j’ai aimé avec un dévouement sans réserve.

AUX DEUXIÈMES VÊPRES.

Ant. au Magnificat La bienheureuse Agnès, * debout au milieu des flammes, les mains étendues, priait ainsi le Seigneur : O tout-puissant, adorable, digne d’être honoré et craint, je vous bénis, et je glorifie votre nom à jamais.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Nous n’avons pas épuisé encore la splendide constellation de Martyrs qui se rencontre en ces jours sur le Cycle. Hier, Sébastien ; demain, Vincent, qui porte la victoire jusque dans son nom. Entre ces deux fortes palmes apparaît aujourd’hui, tressée de lis et de roses, la gracieuse couronne d’Agnès. C’est à une enfant de treize ans que l’Emmanuel a donné ce mâle courage du martyre, qui l’a fait marcher dans l’arène d’un pas aussi ferme que le vaillant chef de la cohorte prétorienne et que l’intrépide Diacre de Sarragosse. S’ils sont les soldats du Christ, elle en est la chaste amante. Tels sont les triomphes du Fils de Marie. A peine s’est-il manifesté au monde, que tous les nobles cœurs volent vers lui, selon la parole qu’il a dite : « Où sera le corps, les aigles se rassembleront. » [4]. Fruit admirable de la virginité de sa Mère, qui a mis en honneur la fécondité de l’âme, bien au-dessus de la fécondité des corps, et ouvert une voie ineffable par laquelle les âmes choisies s’élancent rapidement jusqu’au divin Soleil, dont leur regard épuré contemple, sans nuage, les rayons ; car il a dit aussi : « Heureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu. » [5].

Gloire immortelle de l’Église catholique, qui, seule, possède en son sein le don de la virginité, principe de tous les dévouements, parce que la virginité procède uniquement de l’amour ! Honneur sublime pour Rome chrétienne d’avoir produit Agnès, cet ange de la terre, devant laquelle pâlissent ces anciennes Vestales, dont la virginité comblée de faveurs et de richesses ne fut jamais éprouvée par le fer ni le feu !

Quelle gloire est comparable à celle de cette enfant de treize ans, dont le nom retentira jusqu’à la fin des siècles dans le Canon sacré du Sacrifice universel ! La trace de ses pas innocents, après tant de siècles, est empreinte encore dans la ville sainte. Ici, sur l’ancien Cirque Agonal, un temple somptueux s’élève avec sa riche coupole, et donne entrée sous ces voûtes jadis souillées par la prostitution, maintenant tout embaumées des parfums de la virginité d’Agnès. Plus loin, sur la voie Nomentane, hors des remparts de Rome, une élégante Basilique, bâtie par Constantin, garde, sous un autel revêtu de pierres précieuses, le chaste corps de la vierge. Sous terre, autour de la Basilique, commencent et s’étendent de vastes cryptes, au centre desquelles Agnès reposa jusqu’au jour de la paix, et où dormirent, comme sa garde d’honneur, des milliers de Martyrs.

Nous ne devons pas taire non plus le plus gracieux hommage que rend, chaque année, la sainte Église Romaine à notre illustre Vierge, au jour de sa fête. Deux agneaux sont placés sur l’autel de la Basilique Nomentane, rappelant à la fois la mansuétude du divin Agneau et la douceur d’Agnès. Après qu’ils ont été bénis par l’Abbé des Chanoines réguliers qui desservent cette église, ils sont conduits ensuite dans un monastère de vierges consacrées au Seigneur, qui les élèvent avec soin ; et leur laine sert à tisser les Pallium que le Pontife suprême doit envoyer, comme signe essentiel de leur juridiction, à tous les Patriarches et Métropolitains du monde catholique. Ainsi le simple ornement de laine que ces Prélats doivent porter sur leurs épaules comme symbole de la brebis du bon Pasteur, et que le Pontife Romain prend sur le tombeau même de saint Pierre pour le leur adresser, va porter jusqu’aux extrémités de l’Église, dans une union sublime, le double sentiment de la vigueur du Prince des Apôtres et de la douceur virginale d’Agnès.

Nous donnerons maintenant les admirables pages que saint Ambroise, dans son livre des Vierges, a consacrées à la louange de sainte Agnès. L’Église en lit la plus grande partie dans l’Office d’aujourd’hui ; et la vierge du Christ ne pouvait désirer un plus aimable panégyriste que le grand évêque de Milan, le plus éloquent des Pères sur la virginité, et le plus persuasif ; car l’histoire nous apprend que, dans les villes où il prêchait, les mères renfermaient leurs filles, dans la crainte que les attrayantes paroles du prélat n’allumassent en elles un si ardent amour du Christ, qu’on les vît renoncer à tout hymen terrestre.

« Ayant à écrire un livre de la Virginité, dit le grand évêque, je m’estime heureux de l’ouvrir par l’éloge de la vierge dont la solennité nous réunit. C’est aujourd’hui la fête d’une Vierge : recherchons la pureté. C’est aujourd’hui la fête d’une Martyre : immolons des victimes. C’est aujourd’hui la fête de sainte Agnès : que les hommes soient dans l’admiration, que les enfants ne perdent pas courage, que les épouses considèrent avec étonnement, que les vierges imitent. Mais comment pourrons-nous parler dignement de celle dont le nom même renferme l’éloge ? Son zèle a été au-dessus de son âge, sa vertu au-dessus de la nature ; en sorte que son nom ne semble pas un nom humain, mais plutôt un oracle qui présageait son martyre. » Le saint Docteur fait ici allusion au mot agneau, dont on peut dériver le nom d’Agnès. Il le considère ensuite comme formé du mot grec agnos, qui signifie pur, et continue ainsi son discours :
« Le nom de cette vierge est aussi un titre de pureté : j’ai donc à la célébrer et comme Martyre et comme Vierge. C’est une louange abondante que celle que l’on n’a pas besoin de chercher, et qui existe déjà par elle-même. Que le rhéteur se retire, que l’éloquence se taise ; un seul mot, son nom seul, loue Agnès. Que les vieillards, que les jeunes gens, que les enfants la chantent. Tous les hommes célèbrent cette Martyre ; car ils ne peuvent dire son nom sans la louer.
« On rapporte qu’elle avait treize ans quand elle souffrit le martyre. Cruauté détestable du tyran, qui n’épargne pas un âge si tendre ; mais, plus encore, merveilleuse puissance de la foi, qui trouve des témoins de cet âge ! Y avait-il place en un si petit corps pour les blessures ? A peine le glaive trouvait-il sur cette enfant un lieu où frapper ; et cependant Agnès avait en elle de quoi vaincre le glaive.
« A cet âge, la jeune fille tremble au regard irrité de sa mère ; une piqûre d’aiguille lui arrache des larmes, comme ferait une blessure. Intrépide entre les mains sanglantes des bourreaux, Agnès se tient immobile sous le fracas des lourdes chaînes qui l’écrasent ; ignorante encore de la mort, mais prête à mourir, elle présente tout son corps à la pointe du glaive d’un soldat furieux. La traîne-t-on, malgré elle, aux autels : elle tend les bras au Christ, à travers les feux du sacrifice ; et sa main forme, jusque sur les flammes sacrilèges, ce signe qui est le trophée du Seigneur victorieux. Son cou, ses deux mains, elle les passe dans les fers qu’on lui présente ; mais on n’en trouve pas qui puissent serrer des membres si petits.
« Nouveau genre de martyre ! La Vierge n’a pas encore l’âge du supplice, et déjà elle est mûre pour la victoire ; elle n’est pas mûre pour le combat, et déjà elle est capable de la couronne ; elle avait contre elle le préjugé de son âge, et déjà elle est maîtresse en fait de vertu. L’épouse ne marche pas vers le lit nuptial avec autant de vitesse que cette Vierge qui s’avance, pleine de joie, d’un pas dégagé, vers le lieu de son supplice ; parée, non d’une chevelure artificieusement disposée, mais du Christ ; couronnée, non de fleurs, mais de pureté.
« Tous étaient en larmes ; elle seule ne pleure pas ; on s’étonne qu’elle prodigue si facilement une vie qu’elle n’a pas encore goûtée ; qu’elle la sacrifie , comme si elle l’eût épuisée. Tous admirent qu’elle soit déjà le témoin de la divinité, à un âge où elle ne pourrait encore disposer d’elle-même. Sa parole n’aurait pas valeur dans la cause d’un mortel : on la croit aujourd’hui dans le témoignage qu’elle rend à Dieu. En effet, une force qui est au-dessus de la nature ne saurait venir que de l’auteur delà nature. Quelles terreurs n’employa pas le juge pour l’intimider ! que de caresses pour la gagner ! Combien d’hommes la demandèrent pour épouse ! Elle s’écrie : La fiancée fait injure à l’époux, si elle se fait attendre. Celui-là m’aura seul, qui, le premier, m’a choisie. Que tardes-tu, bourreau ? Périsse ce corps que peuvent aimer des yeux que je n’agrée pas.
« Elle se présente, elle prie, elle courbe la tête. Vous eussiez vu trembler le bourreau, comme si lui-même eût été condamné. Sa main était agitée, son visage était pâle sur le danger d’un a autre, pendant que la jeune fille voyait, sans crainte, son propre péril. Voici donc, dans une seule victime, un double martyre : l’un de chasteté, l’autre de religion. Agnès demeura vierge, et elle obtint le martyre. »

L’Église Romaine chante aujourd’hui de mélodieux Répons, dans lesquels Agnès exprime avec tant de charmes son naïf amour, et le bonheur qu’elle éprouve d’être fiancée au Christ. Ils sont formés de paroles tirées des anciens Actes de la martyre, longtemps attribués à saint Ambroise. Saint Ambroise a voulu chanter lui-même, dans cette Hymne gracieuse et délicate, le martyre de notre incomparable Vierge :

HYMNE.
C’est la fête d’Agnès, l’heureuse vierge, le jour où, sacrée par son sang, elle rendit au ciel son âme faite pour le ciel.
Elle fut mûre pour le martyre avant de l’être pour les noces, dans un temps où la foi chancelait au cœur même des hommes, où le vieillard lassé cédait au tyran.
Ses parents, dans la crainte de la perdre, la gardaient plus sévèrement encore que ne la retenait la bienséance du sexe ; elle force les portes de sa retraite : sa foi ne saurait demeurer captive.
On croirait voir s’avancer une épouse, tant son visage est radieux ; elle apporte à l’Époux de nouvelles richesses ; le prix de sa dot est dans son sang.
On veut la contraindre à allumer la torche aux autels d’un dieu sacrilège ; elle répond : « Ce ne sont pas là les flambeaux que portent les vierges du Christ.
« Votre feu éteint la foi, votre flamme détruit la lumière ; frappez, frappez ici : mon sang versé éteindra vos brasiers. »
Pour recevoir le coup, comme elle dispose sa parure ! Soigneuse de la pudeur, elle se drape dans ses vêtements, afin qu’aucun œil ne la contemple immodeste.
Cette pudeur la suit dans la mort ; sa main voilait son visage, elle tombe à genoux sur Ta terre, et sa chute encore est empreinte de modestie.
Gloire à vous, Seigneur, gloire au Fils unique, avec le Saint-Esprit, dans les siècles éternels. Amen.

Notre admirable Prudence, qui visita Rome dans les premières années du Ve siècle, témoin de la piété romaine envers la glorieuse épouse du Christ, lui a consacré l’un de ses plus gracieux poèmes. Ce beau chant qui, malgré sa longueur, forme l’Hymne de la fête au Bréviaire Mozarabe.

(On en trouvera le texte ici.)

Le concert ne serait fias complet à la louange d’Agnès, si nous n’entendions pas notre mélodieux Adam de Saint-Victor chanter en son honneur une de ses plus belles Séquences.

SEQUENCE.
Animons-nous à la lutte, en célébrant la Passion d’une vierge glorieuse.
En touchant la fleur sacrée, respirons les parfums de suavité qu’elle exhale.
Belle, prudente et d’illustre race, déjà Agnès à deux premiers lustres avait ajouté trois ans.
Aimée du fils du Préfet, la vierge à ses désirs résiste avec courage.
Merveilleuse force de la foi ! Merveilleuse virginité ! Merveilleuse intégrité d’un cœur virginal !
Ainsi le Fils de Dieu, par un conseil admirable, se montre plus admirable dans un instrument fragile.
L’amant languit sur sa couche de souffrance ; la cause de cette langueur est connue du Préfet, qui s’empresse d’y chercher remède.
Il offre beaucoup, promet plus encore de choses périssables, périssable qu’il est ; mais tout cela est vil aux yeux de la vierge.
Le Préfet la fait exposer nue dans un lieu infâme ; mais le Christ la revêt du voile de sa chevelure et d’un vêtement céleste.
Un messager d’en haut veille à ses côtés ; l’antre du crime devient un séjour de lumière ; la terreur s’empare des débauchés.
L’aveugle amant s’irrite ; il s’élance, et tombe étouffé par l’esprit malin.
Le père pleure, tout pleure : Rome a pleuré aux funérailles du jeune mort.
Agnès le rend à la vie : la foule frémit confusément, et cependant on prépare pour la vierge un bûcher.
Mais les flammes brûlent les impies ; elles tourmentent les bourreaux furieux, et rendent hommage au grand Dieu.
Agnès, au Seigneur rendant grâces, présente son cou au licteur ; tranquille sur sa pureté, elle ne craint pas de mourir sur l’heure.
Debout à la droite de l’Agneau du salut, tu es glorieuse, Agnès ! tu viens consoler tes parents ; tu les invites aux réjouissances.
Qu’ils cessent de pleurer ta mort, maintenant que tu es unie à l’Époux céleste.
Apparaissant sous la forme d’un agneau, il leur révèle sa gloire, et les honneurs de ta virginité.
Ne permets pas que jamais nous soyons séparés de cet Agneau salutaire, à qui tu t’es consacrée tout entière, et par la puissance duquel tu guéris la noble Constantia.
Vase élu, vase d’honneur, fleur d’incorruptible parfum, bien-aimée des chœurs des Anges, tu donnes au monde un exemple de noblesse et de pudeur.
Toi, ornée de la palme triomphale, couronnée des fleurs de la virginité : nous, indignes d’une récompense spéciale, fais-nous du moins inscrire sur les fastes communs des saints. Amen.

Qu’il est doux et fort, ô Agnès, l’amour de Jésus, votre Époux ! Comme il s’empare des cœurs innocents, pour les transformer en cœurs intrépides ! Que vous importaient le monde et ses joies, le supplice et ses tortures ? Qu’aviez-vous à craindre de l’affreuse épreuve à laquelle la féroce dérision du persécuteur voulut vous soumettre ? Sous ces voûtes impures, l’Ange du Seigneur attendait le téméraire. Vous l’ignoriez, et cependant votre cœur ne tremblait pas, car l’amour de Jésus le remplissait tout entier. Le lupanar, le bûcher, le glaive n’étaient rien pour vous ; votre amour vous disait assez que nulle violence humaine ne vous ravirait le cœur de l’Époux divin ; vous aviez sa parole, et vous saviez qu’il est fidèle.

O enfant si pure au milieu de la contagion de Rome, si libre au milieu d’un peuple esclave, combien le caractère de notre Emmanuel paraît en vous ! Il est Agneau, et vous êtes simple comme lui ; il est le Lion de la tribu de Juda, et, comme lui, vous êtes invincible. Quelle est donc cette nouvelle race descendue du ciel qui vient peupler la terre ? Oh ! Qu’elle vivra de longs siècles, cette famille chrétienne issue des Martyrs, qui compte parmi ses ancêtres des héros si magnanimes ! des vierges, des enfants, à côté des pontifes et des guerriers, tous remplis d’un feu céleste, et n’aspirant qu’à sortir de ce monde, après y avoir jeté la semence des vertus. Ainsi sont rapprochés de nous les exemples du Christ par la noble chaîne de ses Martyrs. Par nature, ils étaient fragiles comme nous ; ils avaient à triompher des mœurs païennes qui avaient corrompu le sang de l’humanité ; et cependant ils étaient forts et purs.

Jetez les yeux sur nous, ô Agnès, et secourez-nous. L’amour du Christ languit dans nos cœurs. Vos combats nous émeuvent ; nous versons quelques larmes au récit de votre héroïsme ; mais nous sommes faibles contre le monde et les sens. Amollis par la recherche continuelle de nos aises, par une folle dépense de ce que nous appelons sensibilité, nous n’avons plus de courage en face des devoirs. N’est-il pas vrai de dire que la sainteté n’est plus comprise ? Elle étonne, elle scandalise ; nous la jugeons imprudente et exagérée. Et cependant, ô Vierge du Christ, vous êtes là devant nous, avec vos renoncements, avec vos ardeurs célestes, avec votre soif de la souffrance qui mène à Jésus. Priez pour nous, indignes ; élevez-nous au sentiment d’un amour généreux, agissant, d’un amour qui connaisse la jalousie à l’encontre de ce qui n’est pas Dieu. Épurez cette religion tiède et contente d’elle-même, qui est venue prendre la place de la piété des anciens jours. Il est quelques âmes fortes qui vous suivent ; mais il en est peu ; accroissez-en le nombre par vos prières, afin que l’Agneau, dans les deux, ait une suite nombreuse, entre les lis et les roses de ce séjour du bonheur.

Vous nous apparaissez, ô Vierge innocente, dans ces jours où nous nous pressons autour du berceau de l’Enfant divin. Qui pourrait dire les caresses que vous lui prodiguez, et celles dont il vous comble ? Laissez toutefois approcher les pécheurs près de cet Agneau qui vient les racheter, et recommandez-les vous-même, au nom de votre tendresse, à ce Jésus que vous avez toujours aimé. Conduisez-nous à Marie, la tendre et pure brebis qui nous a donné ce Sauveur. Vous qui réfléchissez en vous le doux éclat de sa virginité, obtenez-nous d’elle un de ces regards qui purifient les cœurs.

Suppliez, ô Agnès, pour la sainte Église qui est aussi l’Épouse de Jésus. C’est elle qui vous a enfantée à son amour ; c’est d’elle que nous aussi tenons la vie et la lumière. Obtenez qu’elle soit de plus en plus féconde en vierges fidèles. Protégez Rome, où votre tombe est si glorieuse, où vos palmes sont si éclatantes. Bénissez les Prélats de l’Église : obtenez pour eux la douceur de l’agneau, la fermeté du rocher, le zèle du bon Pasteur pour la brebis égarée. Enfin, ô Épouse de l’Emmanuel, soyez le secours de tous ceux qui vous invoquent ; et que votre amour pour les hommes s’allume de plus en plus à celui qui brûle au Cœur de Jésus.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Station dans le « coemeterium », ou « agellum » de sainte Agnès sur la voie Nomentane.

Aujourd’hui, dans l’antiquité, la station était dans la basilique de la martyre sur la voie Nomentane, où, à cette occasion, saint Grégoire prononça une de ses quarante célèbres homélies sur l’Évangile. Les Pères de l’Église latine, Jérôme, Ambroise, Damase, Prudence, forment comme un concert d’éloges de cette « agnelle » virginale qui, prodigue de son propre sang envers Celui qui l’avait consacrée avec le sien, affronte intrépide les bûchers et les glaives de la Rome idolâtre. Omnium gentium litteris atque linguis, praecipue in Ecclesiis, Agnes vita laudata est [6].

Son corps fut primitivement déposé dans une petite propriété sur la voie Nomentane in agello suo, à peu de distance du cimetière Majeur où d’anciennes traditions romaines veulent que saint Pierre ait baptisé.

Quand la paix eut été donnée à l’Église, Constance, fille de Constantine et sœur de l’empereur Constantin, fit ériger sur cette tombe une somptueuse basilique, près de laquelle furent ensevelis plusieurs membres de cette famille impériale. Il est très probable que dès lors s’éleva un monastère de vierges qui serait de la sorte le plus ancien de la Ville éternelle. Nous avons encore l’épigraphe acrostiche de cette première construction constantinienne :

CONSTANTINA • DEVM • VENERANS • CHRISTOQVE • DICATA
OMNIBVS • IMPENSIS • DEVOTA • MENTE • PARATIS
NVMINE • DIVINO • MVLTVM • CHRISTO • QVE • IVVANTE
SACRAVIT • TEMPLVM • VICTRICIS • VIRGINIS • AGNES
TEMPLORVM • QVOD • VICIT • OPVS • TERRENAQVE • CVNCTA
AVREA • QVAE • RVTILANT • SVMMI • FASTIGIA • TECTI
NOMEN • ENIM • CHRISTI • CELEBRATVR • SEDIBVS • ISTIS
TARTAREAM • SOLVS • POTVIT • QUI • VINCERE • MORTEM
INVECTVS • CAELO • SOLVS • QVE • INFERRE • TRIVMPHVM
NOMEN • ADAE • REFERENS • ET • CORPVS • ET • OMNIA • MEMBRA
A • MORTIS • TENEBRIS • ET • CAECA • NOCTE • LEVATA
DIGNVM • IGITVR • MVNVS • MARTYR • DEVOTA • QVE • CHRISTO
EX • OPIBVS • NOSTRIS • PER • SAECVLA • LONGA • TENEBIS
O • FELIX • VIRGO • MEMORANDI • NOMINIS • AGNES.

« Constantine, vouée à Dieu et consacrée au Christ, ayant préparé avec la grâce du Seigneur et l’aide du même Christ les fonds nécessaires, dédia avec une âme pieuse ce temple à la vierge victorieuse Agnès. L’édifice surpasse la splendeur de tous les temples et de toutes les constructions terrestres, dont le faîte couvert de tuiles dorées miroite aux rayons du soleil. En ce temple, en effet, on invoque le nom du Christ, c’est-à-dire de Celui qui seul put vaincre le tartare et la mort, et qui, au nom de l’entière descendance d’Adam, ayant revendiqué son corps et ses membres contre les prétentions de la mort ténébreuse et de l’horrible nuit du sépulcre, la fit pénétrer triomphante dans le ciel.
Toi donc tu posséderas pour de longs siècles un monument élevé à nos frais, ô Martyre consacrée au Christ, ô heureuse Vierge Agnès, dont le nom est dans toutes les mémoires. »

L’acrostiche initial de ce poème de la décadence, à la fois obscur et peu élégant, est : Constantina Deo.

Bien que la basilique ait été restaurée plusieurs fois, elle conserve encore suffisamment le type architectonique primitif des temps de Symmaque et d’Honorius Ier. Comme le titre des Quatre-Couronnés au Cœlius, les nefs mineures sont divisées en deux galeries superposées ; la plus élevée, ou matroneum, était réservée autrefois aux femmes de la haute aristocratie et aux vierges consacrées. La basilique se trouve à un niveau assez inférieur à celui de la route, et elle est parallèle au plan du cimetière, parce que, à l’époque de Constantin, pour ne pas enlever la martyre de son tombeau primitif, on creusa le terrain du temple, détruisant ainsi les galeries cimitérales contiguës, précisément comme l’on fit dans un cas semblable à Saint-Laurent et dans la basilique des martyrs Nérée et Achillée sur la voie Ardéatine.

Outre l’hypogée de la voie Nomentane, à Rome, durant le haut moyen âge beaucoup d’autres églises s’élevaient en l’honneur de sainte Agnès ; rappelons seulement les plus célèbres, celle in Agone sur les ruines du stade d’Alexandre-Sévère, où, probablement, elle fut exposée dans le lupanar ; une autre près du Panthéon, et une autre encore ad duo furna près de Sainte-Praxède.

La messe en l’honneur de sainte Agnès a été le prototype de celle qui est devenue par la suite commune à toutes les vierges. Elle a un caractère d’antiquité, solennel et fort sobre, à la différence de l’office qui est d’une époque plus tardive, et se fonde sur des textes apocryphes. A cet éloge liturgique fait un magnifique écho l’épigraphe du pape Damase en l’honneur d’Agnès. Aujourd’hui encore, dans son marbre originel, elle orne l’escalier monumental qui, de la voie Nomentane, descend à la basilique de la martyre.

FAMA • REFERT • SANCTOS • DVDVM • RETVLISSE • PARENTES
AGNEN • CVM • LVGVBRES • CANTVS • TVBA • CONCREPVISSET
NVTRICIS • GREMIVM • SVBITO • LIQVISSE • PVELLAM
SPONTE • TRVCIS • CALCASSE • MINAS • RABIEM • QVE • TYRAMNI
VRERE • CVM • FLAMMIS • VOLVISSET • NOBILE • CORPVS
VIRIBVS • IMMENSVM • PARVIS • SVPERASSE • TIMOREM
NVDA • QVE • PROFVSVM • CRINEM • PER • MEMBRA • DEDISSE
NE • DOMINI • TEMPLVM • FACIES • PERITVRA • VIDERET
O • VENERANDA • MIHI • SANCTVM • DECVS • ALMA • PVDORIS
VT • DAMASI • PRECIBVS • FAVEAS - PRECOR • INCLITA • MARTYR

« La renommée rapporte ce que les pieux parents d’Agnès ont narré, c’est-à-dire comment celle-ci, encore enfant, dès que la trompette du héraut eut annoncé le funeste édit de persécution, tout de suite s’arrache aux bras de sa nourrice pour affronter, intrépide, la fureur du féroce tyran et en mépriser les menaces.
Alors que celui-ci tenta de livrer aux flammes son corps délicat, Agnès, avec ses forces débiles d’enfant, réussit à vaincre l’horrible crainte qu’inspirait ce supplice. Découverte, pour qu’un œil humain ne se posât pas sur le temple consacré au Seigneur, elle couvrit son corps de sa chevelure. O magnanime, ô digne de toute ma vénération, ô splendeur de la pudeur chrétienne, je te supplie, illustre martyre, d’accueillir avec bienveillance les prières de Damase. »

L’antienne pour l’introït est la même que pour sainte Vibiane, le 1er décembre.

La prière fait relever l’immense gloire du Christ, lequel a voulu triompher des tourments et de toute la puissance de l’enfer au moyen des instruments les plus faibles, tels précisément que peuvent être la virginité et la sainteté d’une tendre jeune fille, afin que la louange de la victoire soit toute attribuée à Dieu. C’est ici la force de l’Église, l’argument qui démontre le mieux la divinité de son origine, de sa vie ; elle seule peut revendiquer une telle et si abondante race de héros. « O Dieu éternel et tout-puissant, qui avez choisi les créatures les plus faibles de ce monde pour confondre tous les puissants, accordez-nous cette grâce, que célébrant la solennité de votre bienheureuse martyre, la Vierge Agnès, nous éprouvions l’effet de son patronage auprès de vous. »

La lecture est tirée de l’Ecclésiastique, et elle est identique à celle de la fête de sainte Barbe, le 4 décembre. Toutefois si nous en jugeons d’après le Comes de Würzbourg [7], cette péricope devait probablement autrefois occuper la place de la première lecture prophétique, puisqu’il y en avait ensuite une seconde, tirée de l’épître de saint Paul aux Corinthiens, là où sont décrits les mérites de la virginité (II, 10-11). La première lecture, l’unique maintenant, s’adapte admirablement à sainte Agnès, à ce point que les Actes de la sainte semblent même s’inspirer du texte sacré qu’on lisait à la messe stationnale de son dies natalis.

Le répons que l’on chantait sur les degrés de l’ambon est tiré du psaume 44 de virginitate, et, adaptant à l’épouse ce qui y est dit de la fermeté de l’époux, il célèbre non seulement la grâce extérieure de la courageuse jeune fille, mais aussi les mérites plus intimes de ses vertus, sa foi, sa force, son amour de la vérité, qui la poussèrent à se ceindre, elle aussi, des armes pour le combat, à sauter en selle et à se battre avec Satan, montant finalement sur le bûcher, plutôt que de dévier jamais de cette suprême vérité dans laquelle — pour employer un mot de saint Jean — elle marchait. « La grâce est répandue sur vos lèvres, c’est pourquoi Dieu vous a bénie dès l’éternité. Chevauchez pour la vérité et la justice ; votre droite vous conduira à des choses merveilleuses. »

Le verset alléluiatique suivant (Matth., XXV, 4-6) est propre à la fête de sainte Agnès. Il faut toutefois remarquer que ces parties de la messe qui sont lues aujourd’hui par le prêtre seul, étaient à l’origine chantées par d’habiles solistes, ou par de nombreuses scholae de clercs chantres. C’est ainsi que lectures, chants, musique, cérémonies, ministres, faisaient de la messe non pas simplement une prière, mais une action sacrée, presque un drame liturgique qui éveillait une impression profonde, surtout dans les niasses populaires. De plus, comme l’élément mélodique occupe une place très importante dans la liturgie romaine, l’on ne peut juger de la beauté de son inspiration artistique par le simple texte d’un répons ou d’une antienne ; mais il convient de tenir compte spécialement du vêtement mélodique dont elle est ornée. Nous en avons une preuve dans le verset alléluiatique de la messe de sainte Agnès, qui est l’un des plus délicats et des plus riches de sentiment du recueil grégorien. Il semble qu’il ait même inspiré l’artiste de Ravenne, contemporain des Goths, qui, dans la basilique de Saint-Apollinaire-le-Neuf représenta, sur la paroi de la nef centrale, une théorie de vierges, parmi lesquelles sainte Agnès, qui, avec les lampes allumées à la main, vont à la rencontre de la Mère du Sauveur.

« Les cinq vierges prévoyantes prirent, avec leurs lampes, dé l’huile dans leurs vases. A minuit, l’on entendit un cri : voici l’Époux ! Allez au-devant du Christ Seigneur. » Les cinq vierges prudentes, comme saint Augustin l’explique, sont toutes ces âmes catholiques qui, détournant leurs sens des objets illicites au moyen de la mortification chrétienne, et par des progrès continuels dans la voie de la vertu, vont au-devant du Christ Juge.

Après la Septuagésime, l’on omet le précédent verset alléluiatique, et l’on dit le psaume-trait, lequel, contrairement aux règles de la tradition classique, a un verset initial étranger au Psautier : « Viens, ô Épouse du Christ, reçois la couronne que, de toute éternité, t’a préparée le Seigneur pour l’amour duquel tu as été prodigue de ton sang. » PS. 44 : « Tu as aimé la justice et haï l’iniquité ; c’est pourquoi Yahweh ton Dieu t’a consacré entre tous tes compagnons avec un chrême d’allégresse. Avance dans la splendeur et la beauté et règne. » La martyre a épousé Jésus en s’étendant sur la croix comme sur un lit nuptial, et l’Époux divin a décidé qu’il serait Lui-même la couronne de son Épouse.

C’est de cette pensée que s’inspire la célèbre inscription composée par le pape Honorius Ier, et qui, copiée sur le tombeau de sainte Agnès, entra dans les recueils épigraphiques du moyen âge :

INCLITA • VOTA • SVIS • ADQVIRVNT • PRAEMIA • LAVDIS
DVM • PERFECTA • MICANT • MENTE • FIDE • MERITIS
VIRGINIS • HOC • AGNAE • CLAVDVNTVR • MEMBRA • SEPVLCHRO
QVAE • INCORRVPTA • TAMEN • VITA • SEPVLTA • TENET
HOC • OPVS • ARGENTO • CONSTRVXIT • HONORIVS • AMPLO
MARTYRIS • ET • SANCTAE • VIRGINIS • OB • MERITVM

L’Évangile rapporte la parabole des vierges, qui, leurs lampes allumées à la main, vont au-devant du couple nuptial (Matth., XXV, 1-13) ; il fut commenté par saint Grégoire le Grand dans la basilique de Sainte-Agnès, précisément le jour de son natale. Par la suite, tant le passage évangélique que l’homélie du saint Docteur firent partie du Commun des vierges.

L’Époux et l’Épouse sont le Christ et l’Église. Les dix vierges sont les fidèles qui, avec les stigmates de la mortification chrétienne, s’abstiennent des joies illicites du monde pour aller à la rencontre de Dieu qui vient pour le dernier jugement. L’huile dans les lampes signifie la charité ardente et les bonnes œuvres qui procèdent de la foi catholique quae per dilectionem operatur ; l’arrivée imprévue de l’Époux et la clôture de la porte du banquet désignent l’heure de la mort, qui, pour employer les derniers mots de l’Évangile de ce jour, vient avec le Christ, quand l’homme s’y attend le moins.

Cette péricope de l’Évangile qui se rapporte, comme nous l’avons dit, à toutes les âmes fidèles, est, d’une façon particulière, appliquée aux saintes vierges, précisément parce que celles-ci, en considération de la fugacité du temps et de la brièveté de la vie humaine, ont par le saint propos de leur chasteté sans tache, anticipé dans l’Église militante cet état privilégié qui deviendra général dans l’Église triomphante, où même les mortels erunt sicut angeli Dei in coelo.

Le verset pour l’offrande est tiré de l’habituel psaume de virginitate, c’est-à-dire le 44e, et il s’adapte bien au moment liturgique auquel il est destiné, moment où, après l’Époux divin qui, dans le Sacrifice de l’autel se présente et s’offre au Roi, apparaît aussi l’Église Vierge accompagnée de l’armée vêtue de blanc de ses saints, pour associer sa propre offrande à celle du Rédempteur : « Les vierges ses amies seront présentées au Roi ; elles se présenteront dans l’allégresse et dans la joie ; elles seront introduites dans le temple du Seigneur et Roi. »

La secrète est la suivante : « Accueillez favorablement, Seigneur, les hosties que nous vous présentons ; et, par l’intercession de votre bienheureuse martyre la vierge Agnès, dégagez-nous des liens de nos péchés. »

Aujourd’hui le Sacramentaire Grégorien nous offre une splendide préface :

... aeterne Deus ;

et diem beatae Agnetis martyrio consecratam solemniter recensere ;
quae terrenae generositatis oblectamenta despiciens, caelestem meruit dignitatem ;
societatis humanae vota comtemnens,
aeterni Regis est sociata consortio ;

et pretiosam mortem, sexus fragilitate calcata,
pro Christi confessione suscipiens,
simul est facta conformis et sempiternitatis eius et gloriae.

Per Quem maiestatem tuam etc.

Dieu éternel ;

Et de fêter solennellement le jour consacré au martyre de la bienheureuse Agnès ;
qui, dédaignant les charmes de la magnanimité terrestre, a mérité la dignité céleste ;
et méprisant les souhaits de la société humaine,
elle fut associée à la compagnie du Roi éternel ;

Et foulant au pied la fragilité du sexe, recevant la mort précieuse
en confessant le Christ,
elle fut rendue en même temps conforme à son éternité et à sa gloire.

Lui, par qui nous louons ta majesté…

Dans ces préfaces classiques, outre l’élégance de l’antique cursus on sent toute l’importance et la célébrité dont jouissaient primitivement ces stations au natale des martyrs.

L’antienne pour la communion est identique au verset qui suit l’alléluia. Aux premiers siècles de l’Église, quand la foi populaire attendait encore comme imminente la parousie du divin Juge, quel effet profond devaient faire au cœur de la nuit, dans le cimetière, près du tombeau de la martyre, les paroles de l’Évangile sur lesquelles insiste tant la liturgie de ce jour : Voici que le Seigneur vient ! C’est là le désir suprême de tous les justes, et le vœu final de la sainte Bible, qui se clôt précisément par les paroles du voyant de Patmos : Amen, veni, Domine lesu.

La collecte après la communion était, à l’origine, propre au natale de sainte Agnès ; plus tard elle fit partie du Commun des confesseurs : « Réconfortés par la nourriture et le breuvage déifiques, nous vous conjurons humblement, Seigneur, de faire que nous protège la prière de Celle en mémoire de qui nous avons participé à de si grands dons ! »

L’Eucharistie célébrée en mémoire des martyrs exprime notre solidarité non seulement avec leur foi pour laquelle ils subirent jadis la mort corporelle, mais aussi avec leur charité, qui les incorpora au Christ, hostie de propitiation pour les péchés du monde. En somme, la messe et la communion offertes au natale d’un martyr, sont de notre part comme une sorte de martyre de désir.

L’Église romaine fête encore le natale de cette Agna très sainte par un rite fort émouvant. Le chapitre du Latran offre en ce jour au Pape, comme à titre de cens, deux petits agneaux dont la laine sert à tisser les palliums des archevêques. Mais avant qu’ils soient présentés au Pontife, on les dépose sur l’autel de Sainte-Agnès où, après la messe stationnale, les deux innocents animaux reçoivent une bénédiction spéciale. Au moyen âge, cette présentation prenait des formes fort solennelles, puisque les chanoines du Latran, avec la Croix dressée et en ordre de procession, précédaient le cheval recouvert d’un caparaçon doré et de coussins sur lesquels étaient les agneaux.

Aujourd’hui encore, après que ces petits agneaux, symboles de l’innocence, ont été présentés au Souverain Pontife, ils sont confiés aux soins des Bénédictines du monastère de Sainte-Cécile au Transtévère, afin d’associer les deux célèbres martyres romaines à ce rite si expressif de virginale candeur.

Nous terminerons avec Prudence dans sa belle hymne sur sainte Agnès [8], (voir le texte complet ici).

O virgo felix, o nova gloria,
caelestis arcis nobilis incola,
intende nostris conluvionibus
vultum gemello cum diademate,
cui posse soli cunctiparens dedit
castum vel ipsum reddere fornicem !
O Vierge heureuse, ô nouvelle gloire.
Noble habitante du séjour céleste.
Jette un regard sur nos souillures
Toi qui es couronnée d’un double diadème.
Le Créateur du monde t’a donné à toi seule
De rendre chaste le lupanar même.
Purgabor oris propitiabilis
fulgore, nostrum si iecur inpleas.
Nil non pudicum est, quod pia visere
dignaris almo vel pede tangere.
Je serai pur si, par la splendeur de tes paroles bienveillantes,
Tu rassasies mon cœur.
Tout est pur quand tu daignes le regarder, ô Sainte,
Ou le toucher de ton pied virginal.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

A Lui je suis fiancée... à Lui seul je garde ma foi.

Dans la virginale et héroïque fiancée de Dieu, Agnès, l’Église se représente aujourd’hui et c’est pourquoi elle nous laisse contempler son âme brûlante d’amour de Dieu ; la prière des Heures est aujourd’hui un cantique des cantiques, un chant nuptial de l’Église à son divin Époux. Notre âme aussi, qui est une image de l’Église, doit ressembler à sainte Agnès.

Sainte Agnès. — Jour de mort : 21 janvier (à la fin du IIIe siècle). Tombeau : dans l’église du tombeau à Rome. Image : On la représente comme une toute jeune fille, avec la couronne du martyre, avec un agneau. Sa vie : Sainte Agnès est une des plus célèbres figures de saints de l’Église romaine et les Pères de l’Église les plus illustres chantent à l’envi sa gloire. Saint Jérôme écrit : « Toutes les nations, et particulièrement les Églises chrétiennes, célèbrent, en paroles et en écrits, la vie de sainte Agnès. Elle triompha de son âge tendre comme du tyran sans cœur. En plus de : la couronne de l’innocence sans tache, elle conquit — la gloire du martyre ».

Le nom de la sainte est grec (Hagne = la pure), il ne vient pas du latin agna = agnelle. Cependant l’interprétation latine a prévalu dans la primitive Église (Agnès apparut huit jours après : sa mort à ses parents, environnée d’une troupe de vierges, avec un agneau blanc auprès d’elle). Saint Augustin connaissait les deux interprétations. « Agnès signifie en latin un agnelle et en grec la pure. » C’est de l’interprétation latine que vient l’usage de bénir, tous les ans à pareil jour, dans l’église Sainte-Agnès, à Rome, des agneaux dont la laine sert ensuite à faire le pallium des archevêques. Le martyre de sainte Agnès ne tarda pas à être célèbre dans toute l’Église. Dans l’église bâtie par Constantin, au-dessus de son tombeau, le pape saint Grégoire le Grand a prononcé quelques-unes de ses plus belles homélies. Au sujet de la vie de la sainte, nous n’avons que peu de renseignements sûrs. Nous trouvons les plus anciens dans l’ouvrage de saint Ambroise sur les vierges, dans un passage que nous lisons aujourd’hui au bréviaire. Par contre, la Passion postérieure est pour nous très importante, car c’est d’elle que, depuis l’antiquité, sont tirés les chants de la prière des Heures.

Vie de la sainte d’après les chants liturgiques :

Comme la jeune Agnès, âgée de treize ans, revenait de l’école, elle rencontra le fils du préfet de la. ville, Symphronius, qui s’éprit d’amour pour elle. Pour la gagner, il voulut lui offrir des joyaux précieux, mais Agnès le repoussa : « Loin de moi, nourriture de mort, car je possède déjà un autre fiancé » (2e A. I. N.). « Avec son anneau, mon Seigneur Jésus-Christ m’a fiancée à lui et il m’a parée de la couronne de fiancée » (3e A. Laud.). « Il a entouré ma main droite et mon cou de pierres précieuses et m’a donné des boucles d’oreilles avec des perles sans prix, il m’a parée de beaux brillants » (2e Rép.). « Il m’a donné une ceinture brochée d’or, et m’a parée de bijoux inestimables » (4e A). « J’ai reçu du miel et du lait de sa bouche et son sang a rougi mes joues » (5e A.). « J’aime le Christ dans la chambre duquel j’entrerai, dont la Mère est vierge, dont le Père ne connaît pas de femme, dont la musique me fait entendre d’aimables chants. Quand je l’aime, je reste chaste, quand je le touche je reste pure, quand je le reçois je reste vierge. Son corps est déjà uni à mon corps et son sang a rougi mes joues. Je lui suis fiancée, à lui que les anges servent, dont le soleil et la lune admirent la beauté. A lui seul je garde ma foi, à lui je me donne de tout mon cœur. » Irrité de voir repousser ses avances, le fils du préfet de la ville dénonça Agnès à son père. Celui-ci la menaça de l’envoyer dans une:maison de débauche, mais Agnès répondit : « J’ai à mon côté un ange qui me protège, un ange de Dieu » ( 2e Ant. Laud.). « Quand Agnès entra dans la maison de débauche, elle trouva l’ange du Seigneur prêt à la défendre » (1ère Ant. Laud.). Une lumière l’environna et aveugla tous ceux qui voulurent s’approcher d’elle. Un autre juge la condamna au bûcher, parce que les prêtres païens l’accusaient de sorcellerie. Sainte Agnès pria au milieu des flammes : « Je te supplie, Père tout-puissant, adorable et vénérable, par ton saint Fils j’ai échappé aux menaces d’un tyran impie et j’ai foulé d’un pied sans souillure les immondices du péché, voici maintenant que je viens vers toi que j’ai aimé, que j’ai cherché, que j’ai toujours désiré. » Elle remercie : « Tout-Puissant, adorable, vénérable, redoutable, je te loue, car par ton adorable Fils, j’ai échappé aux menaces des hommes impies et j’ai passé, sans me souiller les pieds, à travers les immondices de Satan. Je te confesse avec mes lèvres et je te désire de tout mon cœur et de toutes mes forces. » Alors les flammes s’éteignent :“Je te loue car, par ton Fils, le feu s’est éteint autour de moi » (4e Ant. Laud.). Maintenant elle soupire après son union avec le Christ : « Voici que ce que je désirais ardemment, je le contemple, ce que j’espérais, je l’ai déjà reçu, je suis unie dans le ciel avec Celui que j’ai aimé de tout mon cœur. » Son vœu fut exaucé, le juge la fit décapiter par l’épée.

La messe (Me expectaverunt). Cette belle messe de fiançailles, qui était d’abord la messe propre de la sainte, servit ensuite de modèle pour le commun des vierges. La parabole des vierges sages domine toute la messe (Allél., Évang., Comm.) ; puis vient le psaume 44, le chant nuptial de l’Église dont Agnès est aujourd’hui l’image (Grad., Off., Com. dans son développement entier).

A l’Introït, nous sortons avec Agnès du monde hostile qui nous guette pour nous perdre, et, avec la jeune vierge, nous suivons le chemin immaculé.

A l’Offertoire, nous voyons la virginale Épouse, l’Église, unir son offrande au sacrifice rédempteur du Christ. Elle est accompagnée de la blanche troupe des fidèles, sous la conduite d’Agnès (les anciens textes portent non pas « afferentur », mais « offerentur », ce qui indique une offrande).

A la Communion, nous entendons encore le leitmotiv de l’Évangile : Voici venir l’Époux, allez à sa rencontre. Quelle impression devait faire ce chant, dans la primitive Église, alors qu’on croyait encore au retour imminent du Seigneur, quand on le chantait, en pleine nuit, dans les catacombes, près du tombeau de la sainte !

[1] En écoutant sa parole divine, aliment et douceur.

[2] Car je me nourris de son Eucharistie.

[3] « Le saint Docteur fait ici allusion au mot agneau, dont on peut dériver le nom à Agnès. Il le considère ensuite comme formé du mot grec agnoi, qui lignifie pure. (Dom Guéranger).

[4] Matth. XXIV, 28.

[5] Matth. V, 8.

[6] HIERON. Epist. CXX ad Demetriadem, P. L., XXII, col. 1123.

[7] 30 : IN NAT SCARUM AGNAE ET AGATHAE lec epi beati pauli apost ad corinteos. II. FF qui gloriatur in dno glorietur non enim qui seipsum commendat usq. uirginem castam exibere xpo.
31 : IN NAT SCARUM SUPRASCRIPTARUM lec lib sapi salo. In omnibus requiem quaesiui et in ereditate dni morabo usq. quasi murra electa dedi odorem suauitatis.
32 : IN NAT UBI SUPRA lec lib sapi salom. Confitebor tibi dne rex usq. et liberasti eos de manu gentium.
33 : IN NAT UNDE SUPRA lec lib sapi salom. Dne ds meus exaltasti super terram habitationem meam usq. laudem dicam nomine tuo dne ds noster.

[8] Peristephanon Hymn. XIV, P. L.. LX, col. 589.