Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Leçons des Matines |
La Messe |
Déposition après 451. Élu évêque de Ravenne entre 425 et 429. Surnommé "Chrysologue" au IXème siècle. Docteur en 1729 et fête au calendrier universel à la même date (fêté localement le 3 décembre, avant la fête de St François Xavier).
La même Providence divine qui n’a pas permis que l’Église, au saint temps de l’Avent, fût privée de la consolation de fêter quelques-uns des Apôtres qui ont annoncé la venue du Verbe aux Gentils, a voulu aussi qu’à la même époque, les saints Docteurs qui ont défendu la vraie Foi contre les hérétiques, fussent pareillement représentés dans cette importante fraction du Cycle catholique. Deux d’entre eux, saint Ambroise et saint Pierre Chrysologue, resplendissent au ciel de la sainte Église, en cette saison, comme deux astres éclatants. Il est digne de remarque que tous deux ont été les vengeurs du Fils de Dieu que nous attendons. Le premier a vaillamment combattu les Ariens, dont le dogme impie voudrait faire du Christ, objet de nos espérances, une créature et non un Dieu ; le second s’est opposé à Eutychés, dont le système sacrilège détruit toute la gloire de l’Incarnation du Fils de Dieu, osant enseigner que, dans ce mystère, la nature humaine a été absorbée par la divinité.
C’est ce second Docteur, le pieux Pontife de Ravenne, que nous honorons aujourd’hui. Son éloquence pastorale lui acquit une haute réputation, et il nous est resté un grand nombre de ses Sermons. On y recueille une foule de traits de la plus exquise beauté, bien qu’on y sente quelquefois la décadence de la littérature au Ve siècle. Le mystère de l’Incarnation y est souvent traité, et toujours avec une précision et un enthousiasme qui révèlent la science et la piété du saint évêque. Son admiration et son amour envers Marie Mère de Dieu qui avait, en ce siècle, triomphé de ses ennemis par le décret du concile d’Éphèse, lui inspirent les plus beaux mouvements et les plus heureuses pensées.
Nous citerons quelques lignes sur l’Annonciation :
« A la Vierge Dieu envoie un messager ailé. C’est lui qui sera le porteur de la grâce ; il présentera les arrhes et en recevra le retour. C’est a lui qui rapportera la foi donnée, et qui, après avoir conféré la récompense à une si haute vertu, remontera en hâte porteur de la promesse virginale. L’ardent messager s’élance d’un vol rapide vers la Vierge ; il vient suspendre les droits de l’union humaine ; sans enlever la Vierge à Joseph, il la restitue au Christ à qui elle fut fiancée dès l’instant même où elle était créée [1]. C’est donc son épouse que le Christ reprend, et non celle d’un autre ; ce n’est pas une séparation qu’il opère, c’est lui qui se donne à sa créature en s’incarnant en elle.
Mais écoutons ce que le récit nous raconte de l’Ange : Étant entré près d’elle, il lui dit : Salut, ô pleine de grâce ! Le Seigneur est avec vous. De telles paroles annoncent déjà le don céleste ; elles n’expriment pas un salut ordinaire. Salut ! C’est-à-dire : recevez la grâce, ne tremblez pas, ne songez pas à la nature. Pleine de grâce, c’est-à-dire : en d’autres réside la grâce, mais en vous résidera la plénitude de la grâce. Le Seigneur est avec vous : qu’est-ce à dire ? Sinon que le Seigneur n’entend pas seulement vous visiter, mais qu’il descend en vous, pour naître de vous par un mystère tout nouveau. L’Ange ajoute : Vous êtes bénie entre toutes les femmes : pourquoi ? parce que celles dont Ève la maudite déchirait les entrailles, ont maintenant Marie la bénie qui se réjouit en elles, qui les honore, qui devient leur type. Ève, par la nature, n’était plus que la mère des mourants ; Marie devient, par la grâce, la mère des vivants [2]. »
Dans le discours suivant, le saint Docteur nous enseigne avec quelle profonde vénération nous devons contempler Marie en ces jours où Dieu réside encore en elle. « Quand il s’agit, dit-il, de l’appartement intime du roi, de quel mystère, de quelle révérence, de quels profonds égards ce lieu n’est-il pas entouré ? L’accès en est interdit à tout étranger, à tout immonde, à tout infidèle. Les usages des cours disent assez combien doivent être dignes et fidèles les services que l’on y rend ; l’homme vil, l’homme » indigne seraient-ils soufferts à se rencontrer seulement aux portes du palais ? Lors donc qu’il s’agit du sanctuaire secret de l’Epoux divin, qui pourrait être admis, s’il n’est intime, si sa conscience n’est pure, si sa renommée n’est honorable, si sa vie n’est vertueuse ? Dans cet asile sacré, où un Dieu possède la Vierge, la virginité sans tache a seule le droit de pénétrer. Vois donc, ô homme, ce que tu as, ce que tu peux valoir, et demande-toi si tu pourrais sonder le mystère de l’Incarnation du Seigneur, si tu as mérité d’approcher de l’auguste asile où repose encore en ce moment la majesté tout entière du Roi suprême, de la Divinité en personne. »
Saint Pontife, dont la bouche d’or s’est ouverte dans l’assemblée des fidèles, pour faire connaître Jésus-Christ, daignez considérer d’un œil paternel le peuple chrétien qui veille dans l’attente de cet Homme-Dieu dont vous avez si hautement confessé la double nature. Obtenez-nous la grâce de le recevoir avec le souverain respect dû à un Dieu qui descend vers sa créature, et avec la tendre confiance que l’on doit à un frère qui vient s’offrir en sacrifice pour ses frères indignes. Fortifiez notre foi, ô très saint Docteur ! Car l’amour qu’il nous faut procède de la foi. Détruisez les hérésies qui dévastent le champ du Père de famille ; confondez surtout l’odieux Panthéisme, dont l’erreur d’Eutychès est une des plus funestes semences. Éteignez-le enfin dans ces nombreuses chrétientés d’Orient qui ne connaissent l’ineffable mystère de l’Incarnation que pour le blasphémer, et poursuivez aussi parmi nous ce système monstrueux qui, sous une forme plus repoussante encore, menace de tout dévorer. Inspirez aux fidèles enfants de l’Église cette parfaite obéissance aux jugements du Siège Apostolique, dont vous donniez à l’hérésiarque Eutychès, dans votre immortelle Épître, une si belle et si utile leçon, quand vous lui disiez : « Sur toutes choses, nous vous exhortons, honorable frère, de recevoir avec obéissance les choses qui ont été écrites par le bienheureux Pape de la ville de Rome ; car saint Pierre, qui vit et préside toujours sur son propre Siège, y manifeste la vérité de la foi à tous ceux qui la lui demandent. »
La fête de ce célèbre évêque de Ravenne, mort le 2 décembre vers l’an 450, avait pénétré depuis longtemps dans la liturgie romaine quand Benoît XIII l’éleva au rite double, pour honorer surtout le titre de Docteur de l’Église universelle attribué à Chrysologue dès l’antiquité. De fait, il convient que l’Église romaine, dans sa liturgie de l’Avent, réserve une place d’honneur à celui qui, consacré évêque à Rome, travailla tant, avec saint Léon le Grand, pour que les Pères de Chalcédoine distinguassent, dans l’unité de personne, la double nature divine et humaine du Verbe incarné, et qu’ainsi fût condamnée l’erreur d’Eutychès.
Rappelons ces célèbres paroles de saint Pierre Chrysologue, adressées à Eutychès qui avait sollicité sa bienveillance : Quoniam beatus Petrus qui in propria sede et vivit et praesidet, praestat quaerentibus fidei veritatem. Nos enim pro studio pacis et fidei, extra consensum Romanae civitatis episcopi, causas fidei audire non possumus [3].
La messe est celle des docteurs, sauf la première oraison, le graduel, le verset alléluiatique et la Communion.
L’antienne pour l’introït, commune à la fête de saint Jean évangéliste, est tirée de l’Ecclésiastique (15, 5). Le disciple de l’éternelle Sagesse devient à son tour maître de piété. Rempli de cet esprit de sagesse, d’intelligence, de conseil et de science qui parla autrefois par les prophètes et par les apôtres, il élèvera sa chaire de docteur au milieu de l’assemblée des fidèles, et leur enseignera les voies de Dieu. Ainsi l’Église, au moyen de ses saints Docteurs, des souverains pontifes et des conciles œcuméniques, demeure à travers tous les siècles ce flambeau allumé et placé sur le chandelier d’or, cette colonne immobile, soutien de toute céleste vérité, que nous décrit l’Apôtre dans sa première lettre à Timothée (I, 3, 15).
La collecte est de rédaction assez récente, mais sa trame primitive est antique ; le compilateur, tout préoccupé de l’histoire, a voulu y insérer une allusion à la vision qu’eut le Pape avant l’ordination épiscopale de Chrysologue, et aussi à son double office de chef et de maître de son église. Il en est résulté que le concept général est désormais trop morcelé par les idées accessoires ; la phrase n’y a point gagné en harmonie, et moins encore en élégance de proportions.
La première lecture est tirée de la seconde lettre de l’Apôtre à Timothée (4, 1-8) et elle est commune à la messe de saint Sylvestre Ier. Saint Paul, sur le point de consommer son martyre, ou plutôt de répandre sa vie, telle une libation, comme il le dit en termes énergiques, conjure son disciple, par tout ce qu’il y a de plus sacré au ciel et sur la terre, de vaquer constamment à la prédication évangélique et de s’opposer aux fausses spéculations de la gnose naissante.
De cette suprême adjuration du grand saint Paul, où il invoque jusqu’à la terrible sentence du Christ-Juge, apprenons tous, évêques et prêtres, l’importance souveraine qu’assumé, dans le ministère pastoral, la prédication de la parole de Dieu et le compte strict que nous devrons rendre à Dieu et aux âmes qui nous sont confiées, si nous avons négligé ce devoir principal et essentiel de tout pasteur véritable. Paul en était si pénétré que, ayant confié à d’autres la mission de baptiser pour vaquer lui-même sans relâche à la prédication sacrée, il tremblait pour son âme et disait : vae ! mihi si non evangelizavero. Les Onze eux aussi considéraient la prédication évangélique comme leur principal devoir, et, en élisant les sept premiers diacres, ils leur confièrent le ministère extérieur des biens de l’Église, se réservant au contraire celui de la prédication et de la prière : Nos vero orationi et ministerio verbi instantes erimus (Act., 6, 4).
Le répons-graduel a été adapté de l’Ecclésiastique (44, 16, 20), comme pour la fête de saint Thomas de Cantorbéry le 29 décembre. « Voici le grand pontife qui se concilia les divines complaisances, et, vengeur de la loi divine, de même que par le rang il était au-dessus de son troupeau, ainsi surpassait-il chacun en sainteté. » — Saint Bernard observe que c’est une chose vraiment monstrueuse que d’être le premier par le rang et le dernier par le mérite de la vie.
Le verset alléluiatique qui suivait — il est bon de le rappeler — la seconde lecture précédant l’Évangile, est tiré du psaume 109 qui est évidemment messianique. Il se rapporte littéralement au Christ, qui, à la différence des prêtres de l’ancienne Loi, a obtenu du Père un sacerdoce éternel ; ce sacerdoce que Melchisédech symbolise dans l’Écriture, lui qui unit dans sa personne la dignité royale et sacerdotale, et qui offre au Seigneur, en présence d’Abraham, un sacrifice de pain et de vin. Le Saint-Esprit lui-même s’est plu, dans l’Épître ad Hebraeos, à nous expliquer longuement ce mystérieux symbolisme de Melchisédech, roi de paix et de justice, prêtre du Très-Haut, auquel le Patriarche de tous les croyants Abraham offre les dîmes de sujétion. C’est pour cette raison que mention est faite de Melchisédech au canon de la messe.
La lecture évangélique est tirée de saint Matthieu (5, 13-19). Les apôtres et l’Église ont une mission spéciale à accomplir, et c’est pourquoi il est impossible qu’ils demeurent dans l’obscurité, cachés et ignorés. Tous les hommes doivent arriver à la connaissance du salut éternel qui se trouve dans le Christ, c’est pourquoi l’Église est comparée à un flambeau ou à une ville érigée sur une haute montagne, et que la lumière enveloppe de toute part afin que tous la voient de loin pour pouvoir diriger vers elle leurs pas.
En un tel état de choses, après plus de dix-neuf siècles de rédemption, est-il possible que cette irréligion qu’affiche la société laïque actuelle soit le fruit de la seule ignorance et procède de la bonne foi ? Ou plutôt ne devra-t-on pas dire du monde contemporain ce que disait jadis Jésus de la Synagogue : la lumière parut au monde, mais les hommes préférèrent les ténèbres à la lumière.
Dans la collecte avant l’anaphore, nous demandons au Seigneur que jamais ne nous fasse défaut l’intercession du saint dont nous célébrons le natale, afin que ses prières lui rendent plus agréable notre sacrifice et qu’elles nous obtiennent les fruits magnifiques de sa miséricorde.
Tel est l’office des anges et des saints près de l’autel d’or de Dieu au ciel. Ici-bas, nos prières sont faibles et froides ; mais eux, dans le ciel, tout pénétrés du feu divin, peuvent les réchauffer dans leurs cœurs afin de les présenter ensuite au Seigneur.
Le verset chanté pendant la communion est identique à celui de la fête de saint Apollinaire et semble même commun aux saints évêques de la Métropole de Ravenne. Il suppose une lecture évangélique tirée de saint Matthieu (25, 20-21), différente de celle que nous venons de faire, laquelle est empruntée au chapitre v, 13-19 : « Seigneur, vous m’avez confié cinq talents, voici que j’en ai gagné cinq autres en plus. Très bien, ô serviteur fidèle ; parce que tu fus fidèle pour peu de choses, je t’établirai sur beaucoup. Entre dans la joie de ton Seigneur. »
Ces talents sont la parole de Dieu, laquelle, au moyen de la prédication fidèle et prudente, est maintenant dispensée par les évêques et par les docteurs sacrés au peuple du Seigneur, ou, comme disaient les anciens : plebi sanctae Dei, afin qu’elle retourne au divin Juge accrue de l’intérêt d’une correspondance pleine d’empressement et de la pratique des bonnes œuvres.
Dans la prière d’action de grâces, nous supplions le Seigneur d’accueillir en notre faveur l’intercession du saint dont nous célébrons la fête, afin que ce sacrifice qui, s’il devait uniquement considérer notre mérite, serait sans doute inefficace, devienne, par les prières du saint fêté aujourd’hui, la source du salut éternel pour tous.
Il est bon de méditer de nos jours une parole célèbre, prononcée jadis par saint Pierre Chrysologue devant les frivoles habitants de Ravenne ses contemporains : « Celui qui veut se divertir avec le diable ne pourra pas ensuite se réjouir en compagnie de Jésus-Christ. » Se divertir avec le diable signifie suivre les pompes, les modes, la luxure et la légèreté des mondains, ce qui nous empêche de prendre notre croix pour suivre Jésus-Christ. Des hommes de telle sorte, comme le dit l’Apôtre, sont les ennemis de la Croix du Christ, et leur fin, s’ils ne se repentent, sera la mort et la damnation éternelle.
Les docteurs de l’Église sont les précurseurs du Roi qui vient.
Saint Pierre Chrysologue. Jour de mort : 4 décembre 450. Tombeau : à Imola (province de Bologne) ; un de ses bras est gardé à Ravenne, sa ville épiscopale. Sa vie : Le saint devint en 433 évêque de Ravenne. Il reçut en raison de sa brillante éloquence le surnom de “parleur d’or — Chrysologue”. Quand il prêchait à son peuple, il y apportait tant de zèle que souvent la voix lui manquait, comme cela lui arriva dans l’homélie sur l’hémorrhoïsse. Ses auditeurs, les habitants de Ravenne, en étaient profondément touchés, ils pleuraient tant silencieusement et à haute voix, que le saint évêque ne pouvait, ensuite, que remercier le Seigneur de ce que son manque de voix avait contribué au salut des âmes et à l’accroissement de la charité. On connaît aussi sa formule célèbre : “Celui qui veut rire avec le diable ne pourra pas se réjouir avec le Christ.” Il nous a laissé des sermons que nous lisons au bréviaire. Sa ville épiscopale, Ravenne, conserve encore aujourd’hui des trésors de l’art chrétien et liturgique d’autrefois.
Pratique : Pour le développement de notre vie chrétienne et liturgique, il sera utile d’écouter avec amour et zèle les homélies et les sermons. Les auditeurs de saint Pierre Chrysologue nous donnent à ce sujet un exemple magnifique ; le saint lui-même nous invite à écouter la Parole de Dieu et nous montre la meilleure manière de la recevoir. Comment recherchons-nous et apprécions-nous tout ce qui annonce la parole de Dieu, dans la liturgie et en dehors de la liturgie ?
La messe est tirée du commun des docteurs (In medio). “Au milieu de l’Église Dieu ouvre la bouche du docteur de l’Église.” Voilà ce qui donne la valeur à la prédication, c’est la Parole de Dieu. Aujourd’hui c’est Pierre qui parle, demain ce sera un autre, le curé ou tel ou tel prêtre ; mais c’est toujours le Christ qui continue, par leur bouche, son ministère de prédication. C’est pourquoi cette parole est toujours vraie : “Prêche avec insistance, que ce soit à temps ou à contre-temps, reprends, adjure, châtie en toute patience et sagesse” (Épître). Nous fêtons à la messe la mort de notre saint, dans laquelle s’est accomplie la belle parole de l’Épître : “J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai conservé la foi, je sais que m’est réservée la couronne de justice que me donnera en ce jour le Seigneur, le juste Juge, non seulement à moi, mais à tous ceux qui attendent avec amour son avènement.” Au Saint-Sacrifice, le Seigneur se tient devant nous, il a en main deux couronnes, l’une pour le saint et l’autre pour nous.
Le sens d’une messe en l’honneur des saints est une communauté de souffrance, mais aussi une communauté de gloire. Nous communions donc vraiment avec le saint. Saint Pierre a reçu cinq talents et, à l’arrivée de son Maître, il lui en a présenté cinq autres. En vérité, il a pu fêter avec joie la venue de son Maître. Il ne faut pas que, de notre côté, nous paraissions devant le Roi, les mains vides. Saint Pierre nous prête de ses richesses.
Leçons des Matines (avant 1960)
Quatrième leçon. Pierre, surnommé Chrysologue, à cause de l’or de son éloquence, naquit de parents honnêtes, à Imola dans l’Émilie. Dès son jeune âge, tournant son cœur vers la piété, il s’attacha à l’Évêque de cette ville, Cornélius le romain ; ayant fait auprès de lui de rapides progrès en science et en sainteté, il fut créé Diacre. Peu après, l’Archevêque de Ravenne étant mort, les habitants de cette ville envoyèrent, à Rome, suivant l’usage, le successeur qu’ils avaient élu, solliciter du saint Pape Sixte III, la confirmation de cette élection. Cornélius se joignit aux députés de Ravenne et emmena avec lui son Diacre. Cependant l’Apôtre saint Pierre et le Martyr Apollinaire apparurent en songe au Souverain Pontife, ayant entre eux ce jeune lévite, et ordonnèrent au Pape de ne pas en placer d’autre que lui sur le siège archiépiscopal de Ravenne. Aussi le Pontife n’eut pas plutôt vu Pierre, qu’il reconnut en lui l’élu du Seigneur ; il rejeta donc le candidat qui lui avait été présenté et préposa Pierre au gouvernement de cette Église métropolitaine, l’an du Christ quatre cent trente-trois. Les envoyés de l’Église de Ravenne eurent d’abord quelque peine à accepter ce choix, mais au récit de la vision ils acquiescèrent volontiers à la volonté divine et reçurent le nouvel Archevêque avec le plus grand respect.
Cinquième leçon. Ainsi Pierre, sacré Archevêque malgré lui, fut conduit à Ravenne où l’empereur Valentinien, Galla Placidia sa mère, et tout le peuple, l’accueillirent avec une grande joie ; il leur déclara qu’ayant consenti à porter pour leur salut un si lourd fardeau, il ne leur demandait qu’une chose : de s’appliquer à suivre ses avis et de ne pas résister aux préceptes divins. Il s’occupa alors de faire ensevelir avec des parfums précieux les corps de deux Saints morts en cette ville, saint Barbatien Prêtre, et saint Germain, Évêque d’Auxerre, dont il revendiqua comme héritage le capuchon et le cilice. Il ordonna Évêques, Projectus et Marcellin. Il fit creuser à Classe une fontaine vraiment admirable de grandeur et éleva plusieurs temples magnifiques en l’honneur du bienheureux Apôtre André et d’autres Saints. On avait coutume de célébrer aux calendes de janvier, des jeux accompagnés de représentations théâtrales et de danses ; il abolit cet usage par la force de ses exhortations, et dit à ce propos, entre plusieurs autres choses remarquables : « Celui qui veut s’amuser avec le diable ne pourra pas se réjouir avec le Christ. » Par l’ordre de saint Léon le Grand, il écrivit au concile de Chalcédoine contre l’hérésie d’Eutychès. En outre, il répondit à l’hérésiarque lui-même, par une autre lettre qu’on a jointe aux actes du concile dans les dernières éditions, et qui est consignée dans les annales ecclésiastiques.
Sixième leçon. Dans les prédications publiques qu’il adressait à son peuple, l’éloquence de Pierre était si véhémente et son ardeur si grande, que parfois la voix fui manqua, comme il arriva dans son sermon sur l’hémorroïsse. Les Ravennais présents en furent si émus et remplirent tellement l’église de larmes, de cris et de prières que, dans la suite, le Saint lui-même remerciait Dieu d’avoir fait tourner son extinction de voix au profit de l’amour du Sauveur. Il gouvernait très saintement cette Église depuis environ dix-huit ans, lorsqu’ayant appris par une révélation divine que la fin de ses travaux approchait, il revint dans sa ville natale. Là, il se rendit dans l’église de Saint-Cassien et y déposa en offrande sur l’autel principal, un grand diadème d’or orné de pierres précieuses, une coupe également en or, et une patène d’argent qui donne à l’eau qu’on y met et qui en est versée comme on l’a souvent expérimenté, la vertu de guérir les morsures de chiens enragés, et de couper la fièvre. Alors il congédia ceux des habitants de Ravenne qui l’avaient suivi, leur recommandant d’apporter le plus grand soin au choix d’un excellent pasteur. Puis, adressant à Dieu d’humbles prières, et suppliant saint Cassien, son protecteur, de recevoir avec bonté son âme, il s’en alla doucement de cette vie, le trois des nones de décembre, vers l’an quatre cent cinquante. Son saint corps fut enseveli avec honneur, au milieu des larmes et des témoignages de piété de la ville entière, et déposé auprès de celui du même saint Cassien, où, de nos jours encore, il est religieusement honoré. Un de ses bras, entouré d’or et de pierres précieuses, a été transporté à Ravenne, et on l’y vénère dans la basilique Ursicane.
Ant. ad Introitum. Eccli. 15, 5. | Introït |
In médio Ecclésiæ apéruit os eius : et implévit eum Dóminus spíritu sapiéntiæ et intelléctus : stolam glóriæ índuit eum. | Au milieu de l’Église, il a ouvert la bouche, et le Seigneur l’a rempli de l’esprit de sagesse et d’intelligence, et il l’a revêtu de la robe de gloire. |
Ps. 91,2. | |
Bonum est confitéri Dómino : et psállere nómini tuo, Altíssime. | Il est bon de louer le Seigneur et de chanter votre nom, ô Très-Haut. |
V/. Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Deus, qui beátum Petrum Chrysólogum Doctorem egrégium, divínitus præmonstrátum, ad regéndam et instruéndam Ecclésiam tuam éligi voluísti : præsta, quǽsumus ; ut, quem Doctórem vitæ habúimus in terris, intercessórem habére mereámur in cælis. Per Dóminum. | O Dieu, qui, par des prodiges divins, avez désigné et fait élire pour gouverner et enseigner votre Église l’illustre Docteur, le bienheureux Pierre Chrysologue, faites, nous vous en prions, que nous méritions d’avoir pour intercesseur dans les cieux, celui qui nous a donné sur terre la doctrine de vie. |
Et fit Commemoratio Feriæ. | Et on fait mémoire de la Férie de l’Avent. |
Deinde fit commemoratio S. Barbaræ, Virg. et Mart. : | Et on fait mémoire de Ste Barbe, Vierge et Martyre : |
Oratio. | Collecte |
Deus, qui inter cétera poténtiæ tuæ mirácula étiam in sexu frágili victóriam martýrii contulísti : concéde propítius ; ut, qui beátæ Bárbaræ Vírginis et Mártyris tuæ natalítia cólimus, per eius ad te exémpla gradiámur. Per Dóminum. | O Dieu, qui, entre autres merveilles de votre puissance, avez fait remporter la victoire du martyre même par le sexe le plus faible ; faites, dans votre bonté, qu’honorant la naissance au ciel de la Bienheureuse Barbe, votre Vierge et Martyre, nous tendions vers vous par l’imitation de ses exemples. |
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Timotheum. | Lecture de l’Epître de Saint Paul Apôtre à Timothée. |
2. Tim. 4, 1-8. | |
Caríssime : Testíficor coram Deo, et Iesu Christo, qui iudicatúrus est vi vos et mórtuos, per advéntum ipsíus et regnum eius : pr.dica verbum, insta opportúne, importune : árgue, óbsecra, íncrepa in omni patiéntia, et doctrína. Erit enim tempus, cum sanam doctrínam non sustinébunt, sed ad sua desidéria, coacervábunt sibi magistros, pruriéntes áuribus, et a veritáte quidem audítum avértent, ad fábulas autem converténtur. Tu vero vígila, in ómnibus labóra, opus fac Evangelístæ, ministérium tuum ímpie. Sóbrius esto. Ego enim iam delíbor, et tempus resolutiónis meæ instat. Bonum certámen certávi, cursum consummávi, fidem servávi. In réliquo repósita est mihi coróna iustítiæ, quam reddet mihi Dóminus in illa die, iustus iudex : non solum autem mihi, sed et iis, qui díligunt advéntum eius. | Mon bien-aimé, je t’adjure, devant Dieu et Jésus-Christ, qui doit juger les vivants et les morts, par son avènement et par son règne, prêche la parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, supplie, menace, en toute patience et toujours en instruisant. Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais ils amasseront autour d’eux des docteurs selon leurs désirs ; et éprouvant aux oreilles une vive démangeaison, ils détourneront l’ouïe de la vérité, et ils la tourneront vers des fables. Mais toi, sois vigilant, travaille constamment, fais l’œuvre d’un évangéliste, acquitte-toi pleinement de ton ministère ; sois sobre. Car pour moi, je vais être immolé, et le temps de ma dissolution approche, j’ai combattu le bon combat, j’ai achève ma course, j’ai gardé la foi. Reste la couronne de justice qui m’est réservée, que le Seigneur, le juste juge, me rendra en ce jour-là ; et non seulement à moi, mais aussi à ceux qui aiment son avènement. |
Graduale. Graduale. Eccli. 44, 16. | Graduel |
Ecce sacérdos magnus, qui in diébus suis plácuit Deo. | Voici le grand Pontife qui dans les jours de sa vie a plu à Dieu. |
V/. Ibid., 20. Non est invéntus símilis illi, qui conserváret legem Excélsi. | V/. Nul ne lui a été trouvé semblable, lui qui a conservé la loi du Très-Haut. |
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 109, 4. Tu es sacérdos in ætérnum, secúndum órdinem Melchísedech. Allelúia. | Allelúia, allelúia. V/. Vous êtes prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédech. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum. | Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu. |
Matth. 5, 13-19. | |
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Vos estis sal terræ. Quod si sal evanúerit, in quo saliétur ? Ad níhilum valet ultra, nisi ut mittátur foras, et conculcétur ab homínibus. Vos estis lux mundi. Non potest cívitas abscóndi supra montem pósita. Neque accéndunt lucérnam, et ponunt eam sub módio, sed super candelábrum, ut lúceat ómnibus qui in domo sunt. Sic lúceat lux vestra coram homínibus, ut vídeant ópera vestra bona, et gloríficent Patrem vestrum, qui in cælis est. Nolíte putáre, quóniam veni sólvere legem aut prophétas : non veni sólvere, sed adimplére. Amen, quippe dico vobis, donec tránseat cælum et terra, iota unum aut unus apex non præteríbit a lege, donec ómnia fiant. Qui ergo solvent unum de mandátis istis mínimis, et docúerit sic hómines, mínimus vocábitur in regno cælórum : qui autem fécerit et docúerit, hic magnus vocábitur in regno cælórum. | En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel s’affadit, avec quoi le salera-t-on ? Il n’est plus bon qu’à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée ; et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le candélabre, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes ; je ne suis pas venu les abolir, mais les accomplir. Car, en vérité, je vous le dis, jusqu’à ce que passent le ciel et la terre, un seul iota ou un seul trait ne disparaîtra pas de la loi, que tout ne soit accompli. Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera les hommes à le faire, sera appelé le plus petit dans le royaume des deux ; mais celui qui fera et enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. |
Ante 1960 : Credo | Avant 1960 : Credo |
Ant. ad Offertorium. Ps. 91, 13. | Offertoire |
Iustus ut palma florébit : sicut cedrus, quæ in Líbano est multiplicábitur. | Le juste fleurira comme le palmier : et il se multipliera comme le cèdre du Liban. |
Secreta | Secrète |
Sancti Petri Pontíficis tui atque Doctóris nobis, Dómine, pia non desit orátio : quæ et múnera nostra concíliet ; et tuam nobis indulgéntiam semper obtíneat. Per Dóminum. | Que la pieuse intercession de saint Pierre, Pontife et Docteur, ne nous fasse point défaut, Seigneur, qu’elle vous rende nos dons agréables et nous obtienne toujours votre indulgence. |
Et fit Commemoratio Feriæ. | Et on fait mémoire de la Férie de l’Avent. |
Pro S. Barbara | Pour Ste Barbe |
Secreta | Secrète |
Súscipe, Dómine, múnera, quæ in beátæ Bárbaræ Vírginis et Mártyris tuæ sollemnitáte deférimus : cuius nos confídimus patrocínio liberári. Per Dóminum. | Recevez, Seigneur, les dons que nous vous présentons en la fête de la Bienheureuse Barbe, votre Vierge et Martyre ; en la protection de qui nous avons confiance pour être délivrés. |
Præfatio communis. | Préface Commune . |
In aliquibus diœcesibus et in Gallis, præfatio de Adventu. | Dans quelques diocèses et en France, Préface de l’Avent . |
Ant. ad Communionem. Matth. 25, 20 et 21. | Communion |
Dómine, quinque talénta tradidísti mihi, ecce, ália quinque superlucrátus sum. Euge, serve bone et fidélis, quia in pauca fuísti fidélis, supra multa te constítuam, intra in gáudium Dómini tui. | Seigneur, vous m’avez remis cinq talents ; voici que j’en ai gagné cinq autres. C’est bien, bon et fidèle serviteur ; parce que tu as été fidèle en peu de choses, je t’établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton maître. |
Postcommunio | Postcommunion |
Ut nobis, Dómine, tua sacrifícia dent salútem : beátus Petrus Póntifex tuus et Doctor egrégius, quǽsumus, precátor accédat. Per Dóminum nostrum. | Afin, Seigneur, que votre saint sacrifice nous procure le salut, que le bienheureux Pierre, votre Pontife et votre admirable Docteur intercède pour nous. |
Et fit Commemoratio Feriæ. | Et on fait mémoire de la Férie de l’Avent. |
Pro S. Barbara | Pour Ste Barbe |
Postcommunio | Postcommunion |
Auxiliéntur nobis, Dómine, sumpta mystéria : et, intercedénte beáta Bárbara Vírgine et Mártyre tua, sempitérna fáciant protectióne gaudére. Per Dóminum. | Qu’ils nous soient un secours efficace, ô Seigneur, les mystères auxquels nous avons participé et que la bienheureuse Barbe, votre Vierge et Martyre, intercédant pour nous, ils nous fassent jouir d’une protection constante. |
[1] On voit que saint Pierre Chrysologue proclame ici le mystère de la Conception immaculée. Si Marie était engagée au Fils de Dieu dès le moment même de sa création, comment le péché originel eût-il eu action sur elle ?
[2] Sermon CXI.
[3] P. L., LIV, 743. Epist. a. 25. Cf. La traduction à la fin du commentaire de Dom Guéranger, ci-dessus.