Accueil - Missel - Sanctoral

03/07 St Irénée, évêque et martyr

Version imprimable de cet article Version imprimable Partager


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique  

La fête de St Irénée ne fut inscrite au calendrier universel qu’en 1921 [1], mais à la date du 28 juin, déplaçant la seconde fête de St Léon le Grand au 3 juillet [2].

La réhabilitation de la vigile des saints Apôtres dans le calendrier de 1960 a entraîné le déplacement de la fête de St Irénée au 3 juillet, supprimant la commémoraison de St Léon II.

Textes de la Messe

die 3 iulii
le 3 juillet
ante CR 1960 : die 28 iunii
avant 1960 : le 28 juin
S. IRENÆI
SAINT IRÉNÉE
Ep. et Mart.
Évêque et Martyr
III classis (ante CR 1960 : duplex)
IIIème classe (avant 1960 : double)
Ant. ad Introitum. Malach. 2, 6.Introït
Lex veritátis fuit in ore eius, et iníquitas non est invénta in lábiis eius : in pace et in æquitáte ambulávit mecum, et multos avértit ab iniquitáte.La loi de vérité a été dans sa bouche, et l’iniquité n’a pas été trouvée sur ses lèvres : dans la paix et l’équité il a marché avec moi, et il a détourné un grand nombre de l’iniquité.
Ps. 77, 1.
Atténdite, pópule meus, legem meam : inclináte aurem vestram in verba oris mei.Appliquez-vous à ma loi, ô mon peuple : inclinez votre oreilles aux paroles de ma bouche.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui beáto Irenǽo Mártyri tuo atque Pontifici tribuísti, ut et veritate doctrínæ expugnáret hǽreses, et pacem Ecclésiæ felíciter confirmáret : da, quǽsumus, plebi tuæ in sancta religióne constántiam ; et pacem tuam nostris concéde tempóribus. Per Dóminum.Dieu, vous avez accordé au bienheureux Irénée, votre Martyr et Pontife, de réprimer les hérésies par la vérité de sa doctrine et d’affermir la paix de l’Église : nous vous en supplions, donnez à votre peuple la constance dans la sainte religion, et à nos temps la paix.
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Timótheum.Lecture de l’Épître de saint Paul Apôtre à Timothée.
2. Tim. 3, 14-17 ; 4, 1-5.
Caríssime : Permane in iis, quæ didicísti et crédita sunt tibi : sciens, a quo didíceris ; et quia ab infántia sacras ; lítteras nosti, quæ te possunt instrúere ad salútem, per fidem, quæ est in Christo Iesu. Omnis Scriptúra divínitus inspiráta útilis est ad docéndum, ad arguéndum, ad corripiéndum, ad erudiéndum in iustítia : ut perféctus sit homo Dei, ad omne opus bonum instrúctus. Testíficor coram Deo, et Iesu Christo, qui iudicatúrus est vivos et mórtuos, per advéntum ipsíus et regnum eius : pr.dica verbum, insta opportúne, importúne : árgue, óbsecra, íncrepa in omni patiéntia et doctrína. Erit enim tempus, cum sanam doctrínam non sustinébunt, sed ad sua desidéria coacervábunt sibi magístros, pruriéntes áuribus, et a veritáte quidem audítum avértent, ad fábulas autem converténtur. Tu vero vígila, in ómnibus labóra, opus fac Evangelístæ, ministérium tuum imple.Très cher : Pour toi, tiens-t’en à ce que tu as appris et dont tu as la certitude, sachant de qui tu l’as appris et que, depuis l’enfance, tu connais les Saintes Lettres, qui peuvent te donner la sagesse pour le salut par la foi en le Christ Jésus. Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour reprendre, pour redresser, pour éduquer en la justice, afin que l’homme de Dieu soit parfait, prêt pour toute œuvre bonne. Je t’adjure devant Dieu et le Christ Jésus, qui doit juger les vivants et les morts, et par son apparition et par son règne : prêche la parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, censure, exhorte, avec une entière patience et (souci d’)instruction. Car un temps viendra où ils ne supporteront pas la saine doctrine, mais au gré de leurs désirs se donneront une foule de maîtres, l’oreille leur démangeant, et ils détourneront l’oreille de la vérité pour se tourner vers les fables. Pour toi, sois sobre en toutes choses, endure la souffrance, fais œuvre de prédicateur de l’Évangile, remplis pleinement ton ministère.
Graduale. Ps. 121, 8.Graduel
Propter fratres meos et próximos meos loquébar pacem de te.A cause de mes frères et de mes proches, j’ai demandé pour toi la paix.
V/. Ps. 36, 37. Custódi innocéntiam et vide æquitátem : quóniam sunt relíquiæ hómini pacífico.V/. Conserve l’innocence et aie les yeux sur l’équité : car il y a une postérité pour l’homme qui est pacifique.
Allelúia, allelúia. V/. Eccli. 6, 35. In multitúdine presbyterórum prudéntium sta, et sapiéntiæ illórum ex corde coniúngere, ut omnem narratiónem Dei possis audíre. Allelúia.Allelúia, allelúia. V/. Tiens-toi au milieu de la multitude des vieillards prudents, et à leur sagesse unis-toi de cœur, afin que tu puisses écouter tout leur récit sur Dieu. Alléluia.
In Missis votivis post Septuagesimam, ommissis Allelúia et versu sequenti, dicitur :Aux messes votives après la Septuagésime, on omet l’Alléluia et son verset et on dit :
Tractus. Ps. 36, 23 et 30-31.Trait
Apud Dóminum gressus hóminis dirigéntur : et viam eius volet.C’est par le Seigneur que les pas de l’homme seront dirigés : et c’est lui qui favorisera ses voies.
V/. Os iusti meditábitur sapiéntiam, et lingua eius loquétur iudícium.V/. La bouche du juste méditera la sagesse et sa langue proférera l’équité.
V/. Lex Dei eius in corde ipsíus : et non supplantabúntur gressus eius.V/. La loi de son Dieu est dans son cœur, ses pas ne chancelleront pas.
Tempore paschali omittitur graduale, et eius loco dicitur :Pendant le temps pascal, on omet le graduel et à sa place on dit :
Allelúia, allelúia. V/. Ps. 36, 37. Custódi innocéntiam et vide æquitátem : quóniam sunt relíquiæ hómini pacífico.Allelúia, allelúia. V/. Conserve l’innocence et aie les yeux sur l’équité, car il y a une postérité pour l’homme qui est pacifique.
Allelúia. V/. Eccli. 6, 35. In multitúdine presbyterórum prudéntium sta, et sapiéntiæ illórum ex corde coniúngere, ut omnem narratiónem Dei possis audire. Allelúia.Allelúia. V/. Tiens-toi au milieu de la multitude des vieillards prudents, et à leur sagesse unis-toi de cœur, afin que tu puisses écouter tout leur récit sur Dieu. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum.Suite du Saint Évangile selon saint Mathieu.
Matth. 10, 28-33.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Nolíte timére eos, qui occídunt corpus, ánimam autem non possunt occídere ; sed pótius timéte eum, qui potest et ánimam et corpus pérdere in gehénnam. Nonne duo pásseres asse véneunt : et unus ex illis non cadet super terram sine Patre vestro ? Vestri autem capílli cápitis omnes numeráti sunt. Nolíte ergo timére : multis passéribus melióres estis vos. Omnis ergo, qui confitébitur me coram homínibus, confitébor et ego eum coram Patre meo, qui in cælis est. Qui autem negáverit me coram homínibus, negábo et ego eum coram Patre meo, qui in cælis est.En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut perdre l’âme et le corps dans la géhenne. Deux moineaux ne se vendent-ils pas un as ? Et pas un d’entre eux ne tombe sur la terre, sans (la permission de) votre Père. Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Ne craignez donc point : vous valez, vous, plus que beaucoup de moineaux. Celui donc qui me confessera devant les hommes, moi aussi je le confesserai devant mon Père qui est dans les cieux ; mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est dans les cieux.
Ant. ad Offertorium. Eccli. 24, 44.Offertoire
Doctrínam quasi ante lucánum illúmino ómnibus, et enarrábo illam usque ad longínquum.Je fais briller la doctrine pour tous, et je l’expliquerai jusqu’au loin.
SecretaSecrète
Deus, qui credéntes in te pópulos nullis sinis cóncuti terróribus : dignáre preces et hóstias dicátæ tibi plebis suscípere ; ut pax, a tua pietáte concéssa, christianórum fines ab omni hoste fáciat esse secúros. Per Dóminum nostrum.Dieu, vous ne laissez ébranler par aucune terreur les peuples qui croient en vous, daignez recevoir les prières et les offrandes du peuple qui vous est consacré, afin que la paix que vous accordez par votre miséricorde garde en sécurité les frontières des chrétiens contre tout ennemi.
Ant. ad Communionem. Eccli. 24, 47.Communion
Vidéte, quóniam non soli mihi laborávi, sed ómnibus exquiréntibus veritátem.Voyez comme je n’ai pas travaillé pour moi seul, mais pour tous ceux qui recherchent la vérité.
PostcommunioPostcommunion
Deus, auctor pacis et amátor, quem nosse vívere, cui servíre regnáre est : prótege ab ómnibus impugnatiónibus súpplices tuos ; ut, qui in defensióne tua confídimus, beáti Irenǽi Mártyris tui atque Pontíficis intercessióne, nullius hostilitátis arma timeámus. Per Dóminum.O Dieu, vous aimez la paix et en êtes l’auteur, vous connaître c’est vivre et vous servir, c’est régner : protégez de toute attaque ceux qui vous supplient, afin que, nous qui nous confions en votre protection et qui espérons en l’intercession du bienheureux Irénée votre Martyr et Pontife, nous ne craignions les d’armes d’aucune hostilité.

Office

Leçons des Matines avant 1960

Quatrième leçon. Irénée, né dans l’Asie proconsulaire non loin de la ville de Smyrne se mit dès son enfance sous la conduite de saint Polycarpe, disciple de saint Jean l’Évangéliste et Évêque de cette Église de Smyrne. Grâce à la direction de cet excellent maître, ses progrès dans la connaissance et la pratique de la religion chrétienne furent remarquables. Quand Polycarpe lui eut été enlevé pour le ciel par un glorieux martyre, Irénée, bien qu’admirablement instruit des saintes Écritures, brûlait cependant encore du plus ardent désir d’étudier au lieu même où elles avaient été confiées à leur garde, les traditions que d’autres pouvaient avoir reçues quant à l’enseignement et aux institutions apostoliques. Il put rencontrer plusieurs disciples des Apôtres ; ce qu’il apprit d’eux, il le grava dans sa mémoire, et il devait dans la suite opposer fort à propos ce qu’il en avait recueilli, aux hérésies qu’il voyait s’étendre chaque jour davantage non sans grand péril pour le peuple chrétien, et qu’il se proposait de combattre avec soin et abondance de preuves. S’étant rendu dans les Gaules, Irénée fut ordonné prêtre de l’Église de Lyon par l’Évêque Pothin. Il remplit les devoirs de son ministère avec tant d’assiduité pour la prédication et tant de science qu’au témoignage de saints Martyrs qui combattirent courageusement pour la vraie religion sous l’empereur Marc-Aurèle, il se montra le zélateur du testament du Christ.

Cinquième leçon. Comme les Confesseurs de la foi eux-mêmes et le clergé de Lyon étaient au plus haut point préoccupés de la paix des Églises d’Asie que troublait la faction des Montanistes, ils s’adressèrent à Irénée qu’ils proclamaient être l’homme le plus capable d’obtenir gain de cause, et le choisirent avec grande unanimité pour aller prier le Pape Éleuthère de condamner les nouveaux sectaires par l’autorité du Siège apostolique et de supprimer ainsi la cause des discordes. Déjà l’Évêque Pothin était mort martyr, Irénée lui ayant succédé s’acquitta de la charge épiscopale avec tant de succès, par sa sagesse, sa prière et son exemple, qu’en peu de temps il vit non seulement tous les habitants de Lyon, mais ceux de beaucoup d’autres cités gauloises, rejeter l’erreur et la superstition et s’inscrire dans la milice chrétienne. Tandis qu’il se livrait à ces labeurs apostoliques une discussion s’était élevée au sujet du jour auquel il convenait de célébrer la fête de Pâques et, le Pontife romain Victor voyant les Évêques d’Asie se séparer presque tous de leurs frères dans l’épiscopat quant au jour de cette célébration, les traitait avec rigueur ou menaçait de les excommunier. Irénée, ami de la paix, intervint respectueusement auprès du Pape et, faisant valoir l’exemple des Pontifes précédents, il l’amena à ne pas souffrir que tant d’Églises se séparassent de l’unité catholique à propos d’un rite qu’elles affirmaient avoir reçu par tradition.

Sixième leçon. Irénée composa de nombreux ouvrages qu’ont cité Eusèbe de Césarée et saint Jérôme ; mais dont une grande partie a disparu par le malheur des temps. On a encore de lui cinq livres contre les hérésies, écrits vers l’année cent quatre vingt, quand Éleuthère régissait encore la chrétienté. Dans le troisième de ces livres, l’homme de Dieu, instruit par ceux qu’il déclare avoir ouï l’enseignement direct des Apôtres, dit au sujet de l’Église romaine et de sa succession de Pontifes, que son témoignage est le plus grand et le plus éclatant parce qu’elle a la garde fidèle perpétuelle et très sûre de la tradition divine. Aussi, ajoute-t-il, est-il nécessaire qu’avec cette Église, en raison de sa puissante primauté, s’accorde toute Église, c’est-à-dire les fidèles de tous les lieux. En même temps que d’innombrables chrétiens qui lui devaient le bonheur d’être parvenus à la vraie foi, Irénée obtint enfin la couronne du martyre et partit pour le ciel l’an du salut deux cent deux, alors que Septime Sévère avait ordonné de vouer à la torture et à la mort tous ceux qui voudraient persévérer avec constance dans la pratique de la religion chrétienne. Le Souverain Pontife Benoît XV a ordonné d’étendre la fête de saint Irénée à l’Église universelle. »

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

L’Année Liturgique est écrite avant que la fête de St Irénée ne soit inscrite au calendrier universel en 1921, d’abord à la date du 28 juin, ce qui entraîna le déplacement de celle de Léon ‘II’ au 3 juillet, puis à la date du 3 juillet en 1960, avec la suppression de Léon ‘II’.

Quoique la fête de saint Léon II eût suffi par elle-même à compléter les enseignements de cette journée, l’Église de Lyon présente à la reconnaissante admiration du monde, en ce même jour, son grand docteur, le pacifique et vaillant Irénée, lumière de l’Occident [3]. A cette date qui le vit confirmer dans son sang la doctrine qu’il avait prêchée, il est bon de l’écouter rendant à l’Église-mère le témoignage célèbre qui, jusqu’à nos temps, a désespéré l’hérésie et confondu l’enfer ; c’est pour une instruction si propre à préparer nos cœurs aux gloires du lendemain, que l’éternelle Sagesse a voulu fixer aujourd’hui son triomphe. Entendons l’élève de Polycarpe, l’auditeur zélé des disciples des Apôtres, celui que sa science et ses pérégrinations, depuis la brillante Ionie jusqu’au pays des Celtes, ont rendu le témoin le plus autorisé de la foi des Églises au second siècle. Toutes ces Églises, nous dit l’évêque de Lyon, s’inclinent devant Rome la maîtresse et la mère. « Car c’est avec elle, à cause de sa principauté supérieure, qu’il faut que s’accordent les autres ; c’est en elle que les fidèles qui sont en tous lieux, gardent toujours pure la foi qui leur fut prêchée. Grande et vénérable par son antiquité entre toutes, connue de tous, fondée par Pierre et Paul les deux plus glorieux des Apôtres, ses évêques sont, par leur succession, le canal qui transmet jusqu’à nous dans son intégrité la tradition apostolique : de telle sorte que quiconque diffère d’elle en sa croyance, est confondu par le seul fait » [4].

La pierre qui porte l’Église était dès lors inébranlable aux efforts de la fausse science. Et pourtant ce n’était pas une attaque sans périls que celle de la Gnose, hérésie multiple, aux trames ourdies, dans un étrange accord, par les puissances les plus opposées de l’abîme. On eût dit que, pour éprouver le fondement qu’il avait posé, le Christ avait permis à l’enfer d’essayer contre lui l’assaut simultané de toutes les erreurs qui se divisaient alors le monde, ou même devaient plus tard se partager les siècles. Simon le Mage, engagé par Satan dans les filets des sciences occultes, fut choisi pour lieutenant du prince des ténèbres dans cette entreprise. Démasqué à Samarie par le vicaire de l’Homme-Dieu, il avait commencé, contre Simon Pierre, une lutte jalouse qui ne se termina point à la mort tragique du père des hérésies, mais continua plus vive encore dans le siècle suivant, grâce aux disciples qu’il s’était formés. Saturnin, Basilide, Valentin ne firent qu’appliquer les données du maître, en les diversifiant selon les instincts que faisait naître autour d’eux la corruption de l’esprit ou du cœur. Procédé d’autant plus avouable, que la prétention du Mage avait été de sceller l’alliance des philosophies, des religions, des aspirations les plus contradictoires de l’humanité. Il n’était point d’aberrations, depuis le dualisme persan, l’idéalisme hindou, jusqu’à la cabale juive et au polythéisme grec, qui ne se donnassent la main dans le sanctuaire réservé de la Gnose ; là, déjà, se voyaient formulées les hétérodoxes conceptions d’Arius et d’Eutychès ; là par avance prenaient mouvement et vie, dans un roman panthéistique étrange, les plus bizarres des rêves creux de la métaphysique allemande. Dieu abîme, roulant de chute en chute jusqu’à la matière, pour prendre conscience de lui-même dans l’humanité et retourner par l’anéantissement au silence éternel : c’était tout le dogme de la Gnose, engendrant pour morale un composé de mystique transcendante et de pratiques impures, posant en politique les bases du communisme et du nihilisme modernes.

Combien ce spectacle de la Babel gnostique, élevant ses matériaux incohérents sur les eaux de l’orgueil ou des passions immondes, était de nature à faire ressortir l’admirable unité présidant aux accroissements de la cité sainte ! Saint Irénée, choisi de Dieu pour opposer à la Gnose les arguments de sa puissante logique et rétablir contre elle le sens véritable des Écritures, excellait plus encore, quand, en face des mille sectes portant si ouvertement la marque du père de la division et du mensonge, il montrait l’Église gardant pieusement dans l’univers entier la tradition reçue des Apôtres. La foi à la Trinité sainte gouvernant ce monde qui est son ouvrage, au mystère de justice et de miséricorde qui, délaissant les anges tombés, a relevé jusqu’à notre chair en Jésus le bien-aimé, fils de Marie, notre Dieu, notre Sauveur et Roi : tel était le dépôt que Pierre et Paul, que les Apôtres et leurs disciples avaient confié au monde [5]. « L’Église donc, constate saint Irénée dans son pieux et docte enthousiasme, l’Église ayant reçu cette foi la garde diligemment, faisant comme une maison unique de la terre où elle vit dispersée : ensemble elle croit, d’une seule âme, d’un seul cœur ; d’une même voix elle prêche, enseigne, transmet la doctrine, comme n’ayant qu’une seule bouche. Car, encore bien que dans le monde les idiomes soient divers, cela pourtant n’empêche point que la tradition demeure une en sa sève. Les églises fondées dans la Germanie, chez les Ibères ou les Celtes, ne croient point autrement, n’enseignent point autrement que les églises de l’Orient, de l’Égypte, de la Libye, ou celles qui sont établies au centre du monde. Mais comme le soleil, créature de Dieu, est le même et demeure un dans l’univers entier : ainsi l’enseignement de la vérité resplendit, illuminant tout homme qui veut parvenir à la connaissance du vrai. Que les chefs des églises soient inégaux dans l’art de bien dire, la tradition n’en est point modifiée : celui qui l’expose éloquemment ne saurait l’accroître ; celui qui parle avec moins d’abondance ne la diminue pas » [6].

Unité sainte, foi précieuse déposée comme un ferment d’éternelle jeunesse en nos cœurs, ceux-là ne vous connaissent point qui se détournent de l’Église. S’éloignant d’elle, ils perdent Jésus et tous ses dons. « Car où est l’Église, là est l’Esprit de Dieu ; et où se trouve l’Esprit de Dieu, là est l’Église et toute grâce. Infortunés qui s’en séparent, ils ne puisent point la vie aux mamelles nourrissantes où les appelait leur mère, ils n’étanchent point leur soif à la très pure fontaine du corps du Sauveur ; mais, loin de la pierre unique, ils s’abreuvent à la boue des citernes creusées dans le limon fétide où ne séjourne point l’eau de la vérité » [7]. Sophistes pleins de formules et vides du vrai, que leur servira leur science ? « Oh ! combien, s’écrie l’évêque de Lyon dans un élan dont l’auteur de l’Imitation semblera s’inspirer plus tard [8] combien meilleur il est d’être ignorant ou de peu de science, et d’approcher de Dieu par l’amour ! Quelle utilité de savoir, de passer pour avoir beaucoup appris, et d’être ennemi de son Seigneur ? Et c’est pourquoi Paul s’écriait : La science enfle, mais la charité édifie [9]. Non qu’il réprouvât la vraie science de Dieu : autrement, il se fût condamné lui-même le premier ; mais il voyait que quelques-uns, s’élevant sous prétexte de science, ne savaient plus aimer. Oui certes, pourtant : mieux vaut ne rien du tout savoir, ignorer les raisons des choses, et croire à Dieu et posséder la charité. Évitons la vaine enflure qui nous ferait déchoir de l’amour, vie de nos âmes ; que Jésus-Christ, le Fils de Dieu, crucifié pour nous, soit toute notre science » [10].

Plutôt que de relever ici, à la suite d’illustres auteurs, le génie de l’éminent controversiste du second siècle, il nous plaît de citer de ces traits qui nous font entrer dans sa grande âme, et nous révèlent sa sainteté si aimante et si douce. « Quand viendra l’Époux, dit-il encore des malheureux qu’il voudrait ramener, ce n’est pas leur science qui tiendra leur lampe allumée, et ils se trouveront exclus de la chambre nuptiale » [11].

En maints endroits, au milieu de l’argumentation la plus serrée, celui qu’on pourrait appeler le petit-fils du disciple bien-aimé trahit son cœur ; il montre sur les traces d’Abraham la voie qui conduit à l’Époux : sa bouche alors redit sans fin le nom qui remplit ses pensées. Nous reconnaîtrons, dans ces paroles émues, l’apôtre qui avait quitté famille et patrie pour avancer le règne du Verbe en notre terre des Gaules : « Abraham fit bien d’abandonner sa parenté terrestre pour suivre le Verbe de Dieu, de s’exiler avec le Verbe pour vivre avec lui. Les Apôtres rirent bien, pour suivre le Verbe de Dieu, d’abandonner leur barque et leur père. Nous aussi, qui avons la même foi qu’Abraham, nous faisons bien, portant la croix comme Isaac le bois, de marcher à sa suite. En Abraham l’humanité connut qu’elle pouvait suivre le Verbe de Dieu, et elle affermit ses pas dans cette voie bienheureuse [12]. Le Verbe, lui, cependant, disposait l’homme aux mystères divins par des figures éclairant l’avenir [13]. Moïse épousait l’Éthiopienne, rendue ainsi fille d’Israël : et par ces noces de Moïse les noces du Verbe étaient montrées, et par cette Éthiopienne était signifiée l’Église sortie des gentils [14] ; en attendant le jour où le Verbe lui-même viendrait laver de ses mains, au banquet de la Cène, les souillures des filles de Sion [15]. Car il faut que le temple soit pur, où l’Époux et l’Épouse goûteront les délices de l’Esprit de Dieu ; et comme l’Épouse ne peut elle-même prendre un Époux, mais doit attendre qu’elle soit recherchée : ainsi cette chair ne peut monter seule à la magnificence du trône divin ; mais quand l’Époux viendra, il l’élèvera, elle le possédera moins qu’elle ne sera possédée par lui [16]. Le Verbe fait chair se l’assimilera pleinement, et la rendra précieuse au Père par cette conformité avec son Verbe visible [17]. Et alors se consommera l’union à Dieu dans l’amour. L’union divine est vie et lumière ; elle donne la jouissance de tous les biens qui sont à Dieu ; elle est éternelle de soi, comme ces biens eux-mêmes. Malheur à ceux qui s’en éloignent : leur châtiment vient moins de Dieu que d’eux-mêmes et du libre choix par lequel, se détournant de Dieu, ils ont perdu tous les biens » [18].

La perte de la foi étant, de toutes les causes de l’éloignement de Dieu, la plus radicale et la plus profonde, on ne doit pas s’étonner de l’horreur qu’inspirait l’hérésie, dans ces temps où l’union à Dieu était le trésor qu’ambitionnaient toutes les conditions et tous les âges. Le nom d’Irénée signifie la paix ; et, justifiant ce beau nom, sa condescendante charité amena un jour le Pontife Romain à déposer ses foudres dans la question, pourtant si grave, de la célébration de la Pâque. Néanmoins, c’est Irénée qui nous rapporte de Polycarpe son maître, qu’ayant rencontré Marcion l’hérétique, sur sa demande s’il le connaissait, il lui répondit : « Je te reconnais pour le premier-né de Satan » [19]. C’est lui encore de qui nous tenons que l’apôtre saint Jean s’enfuit précipitamment d’un édifice public, à la vue de Cérinthe qui s’y trouvait, de peur, disait-il, que la présence de cet ennemi de la vérité ne fît écrouler les murailles : « tant, remarque l’évêque de Lyon, les Apôtres et leurs disciples avaient crainte de communiquer, même en parole, avec quelqu’un de ceux qui altéraient la vérité » [20]. Celui que les compagnons de Pothin et de Blandine nommaient dans leur prison le zélateur du Testament du Christ [21], était, sur ce point comme en tous les autres, le digne héritier de Jean et de Polycarpe. Loin d’en souffrir, son cœur, comme celui de ses maîtres vénérés, puisait dans cette pureté de l’intelligence la tendresse infinie dont il faisait preuve envers les égarés qu’il espérait sauver encore. Quoi de plus touchant que la lettre écrite par Irénée à l’un de ces malheureux, que le mirage des nouvelles doctrines entraînait au gouffre : « O Florinus, cet enseignement n’est point celui que vous ont transmis nos anciens, les disciples des Apôtres. Je vous ai vu autrefois près de Polycarpe ; vous brilliez à la cour, et n’en cherchiez pas moins à lui plaire. Je n’étais qu’un enfant, mais je me souviens mieux des choses d’alors que des événements arrivés hier ; les souvenirs de l’enfance font comme partie de l’âme, en effet ; ils grandissent avec elle. Je pourrais dire encore l’endroit où le bienheureux Polycarpe s’asseyait pour nous entretenir, sa démarche, son abord, son genre de vie, tous ses traits, les discours enfin qu’il faisait à la multitude. Vous vous rappelez comment il nous racontait ses relations avec Jean et les autres qui avaient vu le Seigneur, avec quelle fidélité de mémoire il redisait leurs paroles ; ce qu’il en avait appris touchant le Seigneur, ses miracles, sa doctrine, Polycarpe nous le transmettait comme le tenant de ceux-là mêmes qui avaient vu de leurs yeux le Verbe de vie ; et tout, dans ce qu’il nous disait, était conforme aux Écritures. Quelle grâce de Dieu que ces entretiens ! J’écoutais avidement, transcrivant tout, non sur le parchemin, mais dans mon cœur ; et à l’heure qu’il est, parla même grâce de Dieu, j’en vis toujours. Aussi puis-je l’attester devant Dieu : si le bienheureux, l’apostolique vieillard, eût entendu des discours tels que les vôtres, il eût poussé un grand cri, et se serait bouché les oreilles, en disant selon sa coutume : O Dieu très bon, à quels temps m’avez-vous réservé ! Et il se fût levé aussitôt pour fuir ce lieu de blasphème » [22].

Mais il est temps de donner le récit liturgique concernant l’histoire du grand évêque et martyr [23].

Irénée naquit en Asie proconsulaire, non loin de la ville de Smyrne. Il s’était mis dès son enfance à l’école de Polycarpe, disciple de saint Jean l’Évangéliste et évêque de Smyrne. Sous un si excellent maître, il fit des progrès merveilleux dans la science de la religion et la pratique des vertus chrétiennes. Il était embrasé d’un incroyable désir d’apprendre les doctrines qu’avaient reçues en dépôt tous les disciples des Apôtres ; aussi, quoique déjà maître dans les saintes Lettres, lorsque Polycarpe eut été enlevé au ciel dans la gloire du martyre, il entreprit de visiter le plus grand nombre qu’il put de ces anciens, tenant bonne mémoire de tous leurs discours. C’est ainsi que, par la suite, il lui fut possible de les opposer avec avantage aux hérésies. Celles-ci, en effet, s’étendant toujours plus chaque jour, au grand dommage du peuple chrétien, il avait conçu la pensée d’en faire une réfutation soignée et approfondie.

Venu dans les Gaules, il fut attaché comme prêtre à l’église de Lyon par l’évêque saint Pothin, et brilla dans cette charge par le zèle, la parole et la science. Vrai zélateur du testament du Christ, au témoignage des saints martyrs qui combattirent vaillamment pour la foi sous l’empereur Marc-Aurèle, ces généreux athlètes et le clergé de Lyon ne crurent pouvoir remettre en meilleures mains qu’en les siennes l’affaire de la pacification des églises d’Asie, que l’hérésie de Montan avait troublées ; dans cette cause donc qui leur tenait à cœur, ils choisirent Irénée entre tous comme le plus digne, et l’envoyèrent au Pape Éleuthère pour le prier de condamner par sentence Apostolique les nouveaux sectaires, et de mettre ainsi fin aux dissensions.

L’évêque Pothin était mort martyr. Irénée lui fut donné pour successeur. Son épiscopat fut si heureux, grâce à la sagesse dont il fit preuve, à sa prière, à ses exemples, qu’on vit bientôt, non seulement la ville de Lyon tout entière, mais encore un grand nombre d’habitants d’autres cités gauloises, renoncer à l’erreur de leurs superstitions et donner leur nom à la milice chrétienne. Cependant une contestation s’était élevée au sujet du jour où l’on devait célébrer la Pâque ; les évêques d’Asie étaient en désaccord avec presque tous leurs autres collègues, et le Pontife Romain, Victor, les avait déjà séparés de la communion des saints ou menaçait de le faire, lorsque Irénée se fit près de lui le respectueux apôtre de la paix : s’appuyant de la conduite des pontifes précédents, il l’amena à ne pas souffrir que tant d’églises fussent arrachées à l’unité catholique, pour un rit qu’elles disaient avoir reçu de leurs pères.

Il écrivit de nombreux ouvrages, qui sont mentionnes par Eusèbe de Césarée et saint Jérôme. Une grande partie a péri par injure des temps. Mais nous avons toujours ses cinq livres contre les hérésies, composés environ l’an cent quatre-vingt, lorsqu’Éleuthère gouvernait encore l’Église. Au troisième livre, l’homme de Dieu, instruit par ceux qui furent sans conteste les disciples des Apôtres, rend à l’église Romaine et à la succession de ses évêques un témoignage éclatant et grave entre tous : elle est pour lui la fidèle, perpétuelle et très sûre gardienne de la divine tradition. Et c’est, dit-il, avec cette église qu’il faut que toute église, c’est-à-dire les fidèles qui sont en tous lieux, se tiennent d’accord à cause de sa principauté supérieure. Enfin il fut couronné du martyre, avec une multitude presque innombrable d’autres qu’il avait amenés lui-même a la connaissance et pratique de la vraie foi ; son passage au ciel eut lieu l’an deux cent deux ; en ce temps-là, Septime Sévère Auguste avait ordonné de condamner aux plus cruels supplices et à la mort, tous ceux qui voudraient persévérer avec constance dans la pratique de la religion chrétienne.

Quelle couronne est la vôtre, illustre Pontife ! Les hommes s’avouent impuissants à compter les perles sans prix dont elle est ornée. Car dans l’arène où vous l’avez conquise, un peuple entier luttait avec vous ; et chaque martyr, s’élevant au ciel, proclamait qu’il vous devait sa gloire. Versé vingt-cinq années auparavant, le sang de Blandine et de ses quarante-six compagnons a produit, grâce à vous, plus que le centuple. Votre labeur fit germer du sol empourpré la semence féconde reçue aux premiers jours, et bientôt la petite chrétienté perdue dans la grande ville était devenue la cité même. L’amphithéâtre avait suffi naguère à l’effusion du sang des martyrs ; aujourd’hui le torrent sacré parcourt les rues et les places : jour glorieux, qui fait de Lyon l’émule de Rome et la ville sainte des Gaules !

Rome et Lyon, la mère et la fille, garderont bonne mémoire de l’enseignement qui prépara ce triomphe : c’est aux doctrines appuyées par vous sur la fermeté de la pierre apostolique, que pasteur et troupeau rendent aujourd’hui le grand témoignage. Le temps doit venir, où une assemblée d’évêques courtisans voudra persuader au monde que l’antique terre des Gaules n’a point reçu vos dogmes ; mais le sang versé à flots en ce jour confondra la prétentieuse lâcheté de ces faux témoins. Dieu suscitera la tempête, et elle renversera le boisseau sous lequel, faute de pouvoir l’éteindre, on aura dissimulé pour un temps la lumière ; et cette lumière, que vous aviez placée sur le chandelier, illuminera tous ceux qui habitent la maison [24].

Les fils de ceux qui moururent avec vous sont demeurés fidèles à Jésus-Christ ; avec Marie dont vous exposiez si pleinement le rôle à leurs pères [25], avec le Précurseur de l’Homme-Dieu qui partage aussi leur amour, protégez-les contre tout fléau du corps et de l’âme. Épargnez à la France, repoussez d’elle, une seconde fois, l’invasion de la fausse philosophie qui a tenté de rajeunir en nos jours les données de la Gnose. Faites de nouveau briller la vérité aux yeux de tant d’hommes que l’hérésie, sous ses formes multiples, tient séparés de l’unique bercail. O Irénée, maintenez les chrétiens dans la seule paix digne de ce nom : gardez purs les intelligences et les cœurs de ceux que l’erreur n’a point encore souillés. En ce moment, préparez-nous tous à célébrer comme il convient les deux glorieux Apôtres Pierre et Paul, et la puissante principauté de la mère des Églises.

Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Les liturgistes soumettent humblement à l’autorité compétente le vœu de ne pas voir altérer les périodes liturgiques les plus importantes, telles que la préparation à la solennité des Princes des Apôtres, par des changements de rubriques ou par des offices nouveaux. Que saint Irénée soit donc fêté un autre jour, et qu’au 28 juin revienne saint Léon le Grand, dont Serge Ier fit précisément coïncider la translation avec la vigile des saints Apôtres, afin de mieux mettre en relief le lien qui existe entre les deux solennités. Renvoyer saint Léon au 3 juillet, comme dans le Missel actuel, c’est dépouiller cette commémoration de son sens historique spécial, et aller à l’encontre d’une tradition liturgique vieille d’au moins onze siècles.

L’office de saint Irénée de Lyon fut inséré dans le calendrier universel ces dernières années seulement. D’ailleurs Irénée méritait bien cet honneur, tant pour sa qualité de disciple de saint Polycarpe, disciple lui-même de saint Jean Évangéliste, que pour son autorité de docteur de l’Église naissante, pour son martyre, pour ses relations avec l’Église romaine, et enfin pour la place spéciale qu’il revendique dans l’histoire ecclésiastique du IIe siècle.

Irénée vint une première fois à Rome vers 177 ou 178 ; il apportait au pape Éleuthère une lettre du clergé de Lyon et de Vienne, dont la majeure partie était en prison pour la foi. Dès lors, le disciple de Polycarpe est loué par ces courageux confesseurs comme zélé pour le testament du Christ. Revenu à Lyon, Irénée succéda dans l’épiscopat au martyr Pothin et consacra toute son activité doctrinale à combattre la fausse gnose. Quand s’aggrava la discussion relative à la date de Pâques sous Victor Ier, ce Pape voulant excommunier tous les Asiatiques qui, sur ce point, s’écartaient de l’usage romain, Irénée, avec tout le crédit de son autorité, entra dans le débat comme médiateur de paix (εἰρηνηποιός), faisant honneur à son nom d’Εἰρηναῖος. Une tradition, rapportée pour la première fois par saint Jérôme, vent qu’Irénée ait souffert le martyre sous Septime Sévère.

La messe a tous les mérites et tous les défauts des compositions liturgiques modernes. Le rédacteur joue sur le sens du nom d’Irénée, et il ne peut pas se départir du souvenir de sa médiation de paix au temps du pape Victor.

L’antienne d’introït est tirée de Malachie (II, 6) : « Sur ses lèvres fut la loi de vérité, et on ne put jamais trouver de faute dans ses paroles. Il marcha avec moi dans la paix et la vérité et détourna du péché un grand nombre d’hommes ». Suit le verset du psaume 77 : « Écoute ma loi, ô mon peuple ; incline ton oreille pour écouter les paroles de mes lèvres ». Pour écouter la voix de Dieu, il faut d’abord incliner l’oreille, car le Seigneur nous parle ordinairement par l’intermédiaire d’autres hommes, des supérieurs, que seule une foi humble nous fait reconnaître comme les hérauts de la volonté de Dieu.

Voici la collecte : « Seigneur, qui, par la vérité de la doctrine avez accordé à votre bienheureux martyr et pontife Irénée de détruire l’hérésie et d’affermir la paix de l’Église ; donnez à votre peuple la constance dans le service divin et accordez la paix à nos temps agités ».

Une partie de la première lecture de ce jour appartient au Commun des Docteurs (II Tim. III, 14-17 ; IV, 1-5). Saint Paul y rappelle à Timothée l’avantage que retire le prédicateur évangélique d’une connaissance profonde de la sainte Écriture. On doit expliquer assidûment celle-ci aux fidèles, car elle est le pain divin qui procède des lèvres du Seigneur pour nourrir les âmes. Les Apôtres prévirent que les hérésies ne tenteraient que trop de souiller ces sources de la révélation divine. Il leur suffit donc d’avoir mis en garde les pasteurs de l’Église pour que, comme le van épure le grain, l’épreuve sépare les vrais fidèles de ceux qui n’en ont que le nom.

Le répons est formé du huitième verset du psaume 121 et du trente-septième du psaume 36, appliqués à la médiation de saint Irénée en faveur des Églises d’Asie, pour que le pape Victor ne les excommuniât pas malgré la différence de leur discipline pascale. Ps. 121 : « Pour l’amour de mes frères et de mes compagnons, je vous souhaite la paix ». — Ps. 36 : « Gardez l’innocence et observez la justice, parce que l’avenir est pour l’homme pacifique ».

A ceux qui sont doux, c’est-à-dire à ceux qui, par leur humilité, auront la force de pénétrer dans les cœurs et de se les gagner, l’Évangile promet lui aussi ces cœurs en héritage.

Le verset alléluiatique est tiré de l’Ecclésiastique (VI, 35) et fait allusion au caractère spécial de saint Irénée qui, à l’école de Polycarpe et de Pothin, s’est fait l’écho de la tradition des anciens prêtres formés directement par les Apôtres. « Tiens-toi au milieu des vieillards sages et attache-toi à leur expérience, afin que tu puisses apprendre profondément la science de Dieu ».

La lecture évangélique est tirée de saint Matthieu, X, 28-33, et nous l’avions déjà trouvée en grande partie dans le Missel pour la fête de saint Saturnin le 29 novembre. Le Seigneur, pour écarter de nous la crainte des persécuteurs de la foi, emploie un double argument. D’abord la confiance en Lui, sans la permission de qui un cheveu ne pourra jamais tomber de notre tête ; puis une crainte salutaire : celui qui reniera le Christ devant les hommes sera à son tour renié par le Seigneur devant les anges du ciel.

Le verset pour l’offertoire est tiré de l’Ecclésiastique (XXIV, 44) : « Comme l’aurore, j’apporte à tous la lumière par ma doctrine que je répandrai dans les régions les plus lointaines ». La science du Seigneur, dans l’Église catholique, est soumise au même développement que toutes les choses vraiment vivantes ; développement intrinsèque, et non évolution extrinsèque. Or, la période de la théologie patristique peut se comparer à la lumière d’une splendide aurore, annonciatrice d’un jour radieux. Les dogmes sont déjà tous affirmés comme un héritage transmis à l’Église par les Apôtres, mais le temps a fait défaut pour que, de ces vérités comparées entre elles, les docteurs aient pu déjà tirer toutes les déductions possibles, les coordonnant comme un système avec une terminologie bien fixée et reçue de tous. Ce travail sera confié au génie du catholicisme durant les vingt siècles de son histoire.

Les deux collectes qui suivent sont empruntées à l’ancienne messe « pro pace ».

Sur les offrandes : « Seigneur, qui ne laissez pas abattre par la terreur les peuples qui se confient en vous ; recevez l’oblation et la prière de vos fidèles, afin que la paix accordée par vous garde en toute sécurité le territoire de la chrétienté entière ». Au moyen âge, époque où cette prière fut composée, le mot chrétienté désignait tous les états civilisés auxquels une même foi et une identique législation catholique, sous l’autorité du suprême pasteur de Rome, conféraient, dans la multiplicité des dynasties royales, la note caractéristique de l’unité. L’Europe, quoique divisée en de nombreux États, constituait alors un tout unique, et ce tout avait un nom très significatif, c’était la chrétienté. Maintenant il en reste à peine le nom dans l’histoire, et la chose elle-même est si bien en voie de disparaître que, depuis trois lustres déjà, l’Europe est en état de guerre intestine et les congrès de ses diplomates n’arrivent pas à substituer une paix à celle que le Christ seul peut donner.

L’antienne pour la Communion est tirée de l’Ecclésiastique (XXIV, 47) : « Considérez que je n’ai pas travaillé pour moi seul, mais pour tous ceux qui cherchent la vérité ».

Tel est le prix de la vertu et de la sagesse chrétienne : elle n’est pas seulement un bien individuel, elle est un trésor social, qui par le mérite, l’exemple et l’enseignement, profite à l’avantage commun des fidèles.

Voici la collecte après la Communion : « O Dieu qui aimez la paix et qui en êtes l’auteur, vous connaître, c’est vivre, vous servir, c’est régner ; défendez vos fidèles contre toutes sortes d’adversaires, afin que, par l’intercession du bienheureux Irénée, votre Pontife et Martyr, nous tous qui nous confions en votre protection, nous n’ayons jamais à craindre les armes d’aucun ennemi ».

Retenons les paroles par lesquelles Irénée, pour convaincre d’erreur tout ce qui s’écarte de l’enseignement de l’Église, en appelle simplement à la tradition catholique gardée sans altération dans l’Église de Rome : — Elle est l’Église la plus grande et la plus ancienne, connue de tous, fondée et constituée à Rome par les très glorieux apôtres Pierre et Paul. — Puis il ajoute : Il faut que l’Église tout entière, c’est-à-dire les fidèles répandus dans l’univers, s’accordent avec cette Église à cause de sa primauté, — potiorem principalitatem, — car en elle fut toujours gardée la tradition apostolique.

Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique

Le saint qui a affirmé d’une manière si nette la primauté de l’Église romaine.

L’évêque Irénée était disciple de saint Polycarpe, qui était lui-même un disciple des Apôtres. Ce fut un écrivain ecclésiastique d’une grande valeur. Son nom lui-même fut un programme de vie : Irénée veut dire : le « Pacifique ». Né à Smyrne, vers 149, il fit de grands progrès sous la direction de l’évêque saint Polycarpe. Il se rendit plus tard en Gaule et devint évêque de Lyon. Pendant la querelle pascale (entre les évêques asiatiques et le pape Victor Ier) il joua le rôle de médiateur et de pacificateur. De ses nombreux écrits, nous avons conservé ses « cinq livres contre les hérésies ». Dans le troisième livre (III, 3,2), le saint, instruit par les disciples des Apôtres, rend un témoignage important et magnifique à l’Église romaine qui est la gardienne fidèle, perpétuelle et très sûre de la tradition divine ; il rend également témoignage à la succession de ses évêques. Le passage célèbre est celui-ci : « A cause de la prééminence particulière de l’Église romaine, chaque Église doit se diriger vers elle, et cela vaut pour tous les fidèles ». Saint Irénée mourut martyr en 202.

La messe a presque uniquement des textes propres qui illustrent la vie de notre saint. C’est intentionnellement que, dans les oraisons et les chants, est répété le mot Paix. On veut utiliser le sens étymologique du mot Irénée. « Dans la paix et la justice, il marche avec moi » (Introït). « Avec ceux qui haïssaient la paix, j’étais pacifique » (Ps. CXIX, 7). Dans l’oraison, on trouve deux fois le mot paix. Il en est de même du Graduel, de la Secrète et de la Postcommunion (ces deux dernières sont tirées de l’antique messe : pro pace). L’Épître, qui contient les conseils de saint Paul à son disciple Timothée, expose, pour ainsi dire, ici, les exhortations du disciple des Apôtres, saint Polycarpe, à son fidèle disciple. L’Évangile (Math., X, 28-33), qui est tiré du discours du Seigneur au moment de l’envoi des Apôtres, a été réalisé par notre saint. Il n’a pas eu peur de ses ennemis et a confessé le nom du Seigneur.

[1] « L’office de saint Irénée de Lyon fut inséré dans le calendrier universel ces dernières années seulement. D’ailleurs Irénée méritait bien cet honneur, tant pour sa qualité de disciple de saint Polycarpe, disciple lui-même de saint Jean Évangéliste, que pour son autorité de docteur de l’Église naissante, pour son martyre, pour ses relations avec l’Église romaine, et enfin pour la place spéciale qu’il revendique dans l’histoire ecclésiastique du IIe siècle. », Bhx Card. Schuster, Liber Sacramentorum

[2] Autrefois, on célébrait le 28 juin la translation des reliques de st Léon Ier à l’église Saint-Pierre ; la fête était désignée sous la rubrique S. Leonis secundo (St Léon pour la deuxième fois) ; de cette dénomination, on passa dans la suite par une confusion avec saint Léon II

[3] Theodoret. Haeretic. fabul. I, 5.

[4] Cont. Haeres. III, III, 2.

[5] Cont. Haeres. I, X, 1.

[6] Cont. Haeres. I, X, 2.

[7] Cont. Haeres. III, XXIV, 1-2.

[8] De Imitatione Christi, L. 1, cap. 1-5.

[9] I Cor. VIII, 1.

[10] Cont. Haeres. II, XXVI, 1.

[11] Ibid. XXVII, 2.

[12] Cont. Haeres. IV, V, 3, 4.

[13] Ibid. XX, II.

[14] Ibid. 12.

[15] Ibid. XXII, 1.

[16] Cont. Haeres. V, IX, 4.

[17] Ibid. XVI, 2.

[18] Ibid. XXVII, 2.

[19] Ibid. III, III, 4.

[20] Cont. Hœres. III, III,4.

[21] Ep. Martyr. Lugdun. et Vienn. ad Eleuther. Pap.

[22] Ep. ad Florinum.

[23] L’Année Liturgique donne ici une légende qui ne sera pas celle reprise par le bréviaire Romain

[24] Matth. V, 15.

[25] Cont. Haeres. V, XIX.