Textes de la Messe |
Office avant 1955 |
Dom Guéranger, l'Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Avant 1955, ce dimanche était le Dimanche dans l’Octave de la Fête-Dieu.
L’Église a choisi pour célébrer la Fête-Dieu le Jeudi entre le Dimanche où elle parle de la miséricorde de Dieu envers les hommes et du devoir de charité fraternelle qui en découle pour les chrétiens (ler dimanche après la Pentecôte) et ce Dimanche (2ème après la Pentecôte) où elle reprend les mêmes idées (Ép.) et où elle présente le royaume des cieux sous la terme de la parabole du repas des noces (Év. : cette messe a existé avec ses éléments actuels bien avant que la Fête Dieu n’ait été instituée). Rien ne pouvait mieux convenir, en effet, à l’Eucharistie, qui est le banquet où toutes les âmes sont unies dans l’amour à Jésus, leur époux, et à tous ses membres mystiques. Et n’est-ce pas du reste le meilleur moment que celui où on lit a l’Office l’histoire de Samuel qui fut consacré à Dieu dès sa plus tendre enfance pour habiter près de l’Arche du Seigneur et devenir le prêtre du Très-Haut dans son sanctuaire. La liturgie nous montre, en effet, à cette époque, comment ce petit enfant, offert par sa mère à Dieu, servait avec un cœur très pur le Seigneur dans le temple et se nourrissait de la vérité divine.
En ce temps-là, dit le Bréviaire, « la parole du Seigneur se faisait rare et il n’y avait pas de vision manifeste », car Héli était orgueilleux et faible et ses deux fils, Ophni et Phinéès, infidèles à Dieu et relâchés dans son service. Le Seigneur se manifesta alors à l’enfant Samuel, car « il se révèle aux petits, dit Notre-Seigneur et se cache aux superbes ». « C’est aux humbles, déclare S. Grégoire, que les arcanes du conseil divin sont révélés et c’est pour cela que Samuel est appelé un enfant » (Commentaire au Livre des Rois). Et Dieu annonça à Samuel le châtiment qui frapperait Héli et sa maison. Bientôt après, en effet, l’Arche fut prise par les Philistins, les deux fils d’Héli furent tués et Héli lui-même mourut. Dieu avait aussi refusé ses communications au grand-prêtre, car lui et ses fils ne faisaient pas assez de cas des jouissances divines, figurées par « le grand souper » dont parle en ce jour l’Évangile, et s’attachaient plus aux délices du corps qu’à celles de l’âme. Aussi, en leur appliquant le texte de S. Grégoire dans l’homélie de ce jour pouvons-nous dire qu’ils « en étaient arrivés à perdre tout appétit pour ces délices intérieures, par cette raison même qu’ils s’en étaient tenus éloignés et avaient perdu depuis longtemps l’habitude de les goûter. Et parce qu’ils ne voulaient pas goûter au dedans la douceur qui leur était offerte, ils aimaient la faim qui les consumait au dehors ». Les fils d’Héli prenaient en effet les viandes qui étaient offertes à Dieu et les mangeaient. Et Héli, leur père, les laissait faire. Samuel, au contraire, qui avait toujours vécu avec Héli dans le temple, ne faisait ses délices que des consolations divines. La nourriture qu’il mangeait, c’était celle que Dieu lui-même lui servait quand, dans la contemplation et la prière, il lui manifestait ses secrets. « L’enfant dormait », ce qui veut dire, déclare S. Grégoire, que « son âme se reposait sans soucis des choses terrestres ». « Les jouissances corporelles, qui allument en nous un ardent désir avant leur possession, explique ce Saint dans son commentaire sur l’Évangile de ce jour, amènent bientôt au dégoût, par la satiété même, celui qui les savoure, tandis que les jouissances spirituelles, au contraire, provoquent le mépris avant leur possession, mais excitent le désir quand on les possède ; et celui qui les goûte en est d’autant plus affamé qu’il s’en nourrit davantage ».Et c’est ce qui explique comment les âmes qui mettent toutes leurs complaisances dans les plaisirs de ce monde, refusent de prendre part au banquet de la foi chrétienne où l’Église les rassasie par ses prédicateurs, de la doctrine évangélique. « Goûtez et voyez, continue S. Grégoire, combien le Seigneur est doux. Par ces paroles le Psalmiste nous dit formellement : Vous ne connaissez pas sa douceur si vous ne le goûtez pas, mais touchez, avec le palais de votre cœur, l’aliment de vie, afin que, faisant l’expérience de sa douceur, vous soyez capables de l’aimer. L’homme a perdu ces délices quand il pécha dans le paradis ; il en sortit lorsqu’il ferma sa bouche à l’aliment d’éternelle douceur. De là vient aussi qu’étant nés dans les peines de cet exil, nous en arrivons ici-bas à un tel dégoût, que nous ne savons plus ce que nous devons désirer » (Matines). Mais par la grâce du Saint-Esprit « nous sommes passés de la mort à la vie » (Ep.) et dès lors, il faut comme le petit et humble Samuel, que nous, qui sommes les faibles, les pauvres et les estropiés de l’Évangile, nous ne cherchions nos délices que près du tabernacle du Seigneur et dans ses communications intimes. Évitons l’orgueil et l’amour des choses terrestres afin qu’« établis solidement dans l’amour du saint nom de Dieu » (Or.), et sans cesse « dirigés par lui, nous nous élevions de jour en jour à la pratique d’une vie toute céleste » (Secr.) et « que grâce à la réception de l’Eucharistie, reçue au banquet divin, les fruits de salut croissent toujours en nous. » (Postc.).
Dans les lieux où la solennité de la Fête-Dieu se transfère au 2ème Dimanche après la Pentecôte, la messe de dimanche n’est plus dite qu’en semaine.
Ant. ad Introitum. Ps. 17, 19-20. | Introït | |
Factus est Dóminus protéctor meus, et edúxit me in latitúdinem : salvum me fecit, quóniam vóluit me. | Le Seigneur s’est fait mon protecteur et il m’a conduit au large : il m’a sauvé, parce qu’il m’aime. | |
Ps. ib., 2-3. | ||
Díligam te. Dómine, virtus mea : Dóminus firmaméntum meum et refúgium meum et liberátor meus. | Je vous aimerai, Seigneur, ma force : Le Seigneur est mon ferme appui, et mon refuge et mon libérateur. | |
V/.Glória Patri. | ||
¶ Dicitur Glória in excélsis in omnibus Dominicis post Pentecosten ; non dicitur autem in diebus ferialibus, quando adhibetur Missa Dominicæ præcedentis. | ¶ On dit [1] Glória in excélsis tous les Dimanches après la Pentecôte ; Cependant, on ne le dit pas quand on reprend la messe du Dimanche précédent les jours de féries. | |
Oratio. | Collecte | |
Sancti nóminis tui, Dómine, timórem páriter et amórem fac nos habére perpétuum : quia numquam tua gubernatióne destítuis, quos in soliditáte tuæ dilectiónis instítuis. Per Dóminum. | Faites, Seigneur, que nous ayons toujours la crainte et l’amour de votre saint nom, parce que vous ne cessez jamais de diriger ceux que vous établissez dans la solidité de votre amour. | |
Ante 1955 : Deinde fit commemoratio Octavæ Ssmi Corporis Christi : | Avant 1955 : Ensuite on fait mémoire de l’Octave de la Fête-Dieu : | |
Deus, qui nobis sub Sacraménto mirábili passiónis tuæ memóriam reliquísti : tríbue, quǽsumus, ita nos Córporis et Sánguinis tui sacra mystéria venerári ; ut redemptiónis tuæ fructum in nobis iúgiter sentiámus : Qui vivis et regnas. | Dieu, vous nous avez laissé sous un Sacrement admirable le mémorial de votre passion : accordez-nous, nous vous en prions, de vénérer les mystères sacrés de votre Corps et de votre Sang ; de manière à ressentir toujours en nous le fruit de votre rédemption. | |
Léctio Epístolæ beáti Ioánnis Apóstoli. | Lecture de l’Épître de saint Jean apôtre. | |
1. Ioann. 3, 13-18. | ||
Caríssimi : Nolíte mirári, si odit vos mundus. Nos scimus, quóniam transláti sumus de morte ad vitam, quóniam dilígimus fratres. Qui non díligit, manet in morte : omnis, qui odit fratrem suum, homícida est. Et scitis, quóniam omnis homícida non habet vitam ætérnam in semetípso manéntem. In hoc cognóvimus caritátem Dei, quóniam ille ánimam suam pro nobis pósuit : et nos debémus pro frátribus ánimas pónere. Qui habúerit substántiam huius mundi, et víderit fratrem suum necessitátem habére, et cláuserit víscera sua ab eo : quómodo cáritas Dei manet in eo ? Filíoli mei, non diligámus verbo neque lingua, sed ópere et veritáte. | Mes bien-aimés : Ne vous étonnez pas, si le monde vous hait. Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Quiconque hait son frère est un homicide ; et vous savez qu’aucun homicide n’a la vie éternelle demeurant en lui. A ceci nous avons connu l’amour de Dieu : c’est qu’il a donné sa vie pour nous ; et nous devons aussi donner notre vie pour nos frères. Si quelqu’un possède les biens de ce monde, et que, voyant son frère dans le besoin, il lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui ? Mes petits enfants, n’aimons pas en paroles ni avec la langue, mais par les actes et en vérité. | |
Graduale. Ps. 119, 1-2. | Graduel | |
Ad Dóminum, cum tribulárer, clamávi, et exaudívit me. | Comme j’étais livré à la tribulation j’ai crié vers le Seigneur et il m’a exaucé. | |
V/. Dómine, libera ánimam meam a lábiis iníquis, et a lingua dolósa. | V/. O Seigneur, délivrez mon âme des lèvres iniques et des langues fourbes. | |
Allelúia, allelúia. | Alléluia, alleluia. | |
V/.Ps. 7, 2. Dómine, Deus meus, in te sperávi : salvum me fac ex ómnibus persequéntibus me et líbera me. Allelúia. | V/. Seigneur mon Dieu, c’est en vous que j’ai espéré, sauvez-moi de tous ceux qui me persécutent et délivrez-moi. Alléluia. | |
¶ Sic dicitur Allelúia cum suo Versu post Graduale in omnibus Dominicis post Pentecosten, etiam si Missa Dominicæ in Feriis adhibetur. | ¶ On dit l’Allelúia avec son Verset après le Graduel tous les Dimanches après la Pentecôte, même si la Messe du Dimanche est reprise aux féries. | |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam. | Suite du Saint Évangile selon saint Luc. | |
Luc. 14, 16-24. | ||
In illo témpore : Dixit Iesus pharisǽis parábolam hanc : Homo quidam fecit cœnam magnam, et vocávit multos. Et misit servum suum hora cœnæ dícere invitátis, ut venírent, quia iam paráta sunt ómnia. Et cœpérunt simul omnes excusáre. Primus dixit ei : Villam emi, et necésse hábeo exíre et vidére illam : rogo te, habe me excusátum. Et alter dixit : Iuga boum emi quinque et eo probáre illa : rogo te, habe me excusátum. Et álius dixit : Uxórem duxi, et ídeo non possum veníre. Et revérsus servus nuntiávit hæc dómino suo. Tunc irátus paterfamílias, dixit servo suo : Exi cito in pláteas et vicos civitátis : et páuperes ac débiles et cœcos et claudos íntroduc huc. Et ait servus : Dómine, factum est, ut imperásti, et adhuc locus est. Et ait dóminus servo : Exi in vias et sepes : et compélle intrare, ut impleátur domus mea. Dico autem vobis, quod nemo virórum illórum, qui vocáti sunt, gustábit cœnam meam. | En ce temps-là, Jésus dit cette parabole aux Pharisiens : Un homme fit un grand souper, et invita de nombreux convives, Et à l’heure du souper, il envoya son serviteur dire aux invités de venir, parce que tout était prêt. Mais tous, unanimement, commencèrent à s’excuser. Le premier lui dit : J’ai acheté une terre, et il est nécessaire que j’aille la voir ; je t’en prie, excuse-moi. Le second lui dit : J’ai acheté cinq paires de bœufs, et je vais les essayer ; je t’en prie, excuse-moi. Et un autre dit : J’ai épousé une femme, et c’est pourquoi je ne puis venir. A son retour, le serviteur rapporta cela à son maître. Alors le père de famille, irrité, dit à son serviteur : Va promptement sur les places et dans les rues de la ville, et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux. Le serviteur dit ensuite : Seigneur, ce que vous avez commandé a été fait, et il y a encore de la place. Et le maître dit au serviteur : Va dans les chemins et le long des haies, et contrains les gens d’entrer, afin que ma maison soit remplie. Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon souper. | |
Credo | ||
Ant. ad Offertorium. Ps. 6, 5. | Offertoire | |
Dómine, convértere, et éripe ánimam meam : salvum me fac propter misericórdiam tuam. | Revenez à moi, Seigneur, et sauvez mon âme ; délivrez-moi à cause de votre miséricorde. | |
Secreta. | Secrète | |
Oblátio nos, Dómine, tuo nómini dicánda puríficet : et de die in diem ad cæléstis vitæ tránsferat actiónem. Per Dóminum. | Que cette oblation qui va être consacrée en l’honneur de votre nom, nous purifie, Seigneur, et nous porte, de jour en jour, à la pratique d’une vie céleste. | |
Ante 1955 : Pro Octava Ssmi Corporis Christi : | Avant 1955 : Pour l’Octave de la Fête-Dieu : | |
Ecclésiæ tuæ, quǽsumus, Dómine, unitátis et pacis propítius dona concéde : quæ sub oblátis munéribus mýstice designántur. Per Dóminum nostrum. | Nous vous en supplions, Seigneur, accordez dans votre bonté à votre Église les dons de l’unité et de la paix : que figurent mystiquement les matières offertes en ce sacrifice. | |
Præfatio de Ssma Trinitate. | Préface de la Sainte Trinité . | |
Ante 1955 | Avant 1955 | |
Præfatio de Nativitáte, ratione Octavæ ; sed, si Commemoratio Octavæ sit omittenda, dicitur Præfatio de Ssma Trinitate, iuxta Rubricas. | Préface de la Nativité , en raison de l’Octave ; mais s’il faut omettre la commémoraison de l’Octave, on dit la Préface de la Sainte Trinité , selon les Rubriques. | |
Ante 1955 : In aliquibus diœcesibus : præfatio de Ssmo Sacramento. | Avant 1955 : Dans certains diocèses, préface du St Sacrement [*]. | |
Ante 1955 : In aliquibus diœcesibus : altera præfatio de Ssmo Sacramento. | Avant 1955 : Dans certains diocèses, autre préface du St Sacrement [**]. | |
Ant. ad Communionem. Ps. 12, 6. | Communion | |
Cantábo Dómino, qui bona tríbuit mihi : et psallam nómini Dómini altíssimi. | Je chanterai le Seigneur qui m’a comblé de biens, et je louerai le nom du Très-Haut. | |
Postcommunio. | Postcommunion | |
Sumptis munéribus sacris, quǽsumus, Dómine : ut cum frequentatióne mystérii, crescat nostræ salútis efféctus. Per Dóminum. | Après avoir reçu ces dons sacrés, nous vous en supplions, Seigneur, de nous faire la grâce que, par la communion fréquente à ces mystères, les fruits de salut s’accroissent en nous. | |
Ante 1955 : Pro Octava Ssmi Corporis Christi : | Avant 1955 : Pour l’Octave de la Fête-Dieu : | |
Fac nos, quǽsumus, Dómine, divinitátis tuæ sempitérna fruitióne repléri : quam pretiósi Corporis et Sanguinis tui temporalis percéptio præfigúrat : Qui vivis. | Nous vous en supplions, Seigneur, faites que nous soyons rassasiés par la jouissance éternelle de votre divinité : jouissance dont la réception dans le temps, de votre précieux Corps et de votre Sang, nous est une figure à l’avance. |
AUX PREMIÈRES VÊPRES.
Ant. 1 Sacérdos in ætérnum * Christus Dóminus secúndum órdinem Melchísedech, panem et vinum óbtulit. | Ant. 1 Prêtre à jamais * selon l’ordre de Melchisédech [2], le Christ Seigneur a offert le pain et le vin [3]. | |
Psaume 109 | ||
Ant. 2 Miserátor Dóminus * escam dedit timéntibus se in memóriam suórum mirabílium. | Ant. 2 Le Seigneur miséricordieux * a donné, en mémoire de ses merveilles, une nourriture à ceux qui le craignent [4]. | |
Psaume 110 | ||
Ant. 3 Cálicem salutáris * accípiam : et sacrificábo hóstiam laudis. | Ant. 3 Le calice du salut, * je le prendrai, et je sacrifierai une hostie de louange [5]. | |
Psaume 115 | ||
Ant. 4 Sicut novéllæ olivárum, * Ecclésiæ fílii sint in circúitu mensæ Dómini. | Ant. 4 Comme de jeunes plants d’olivier, * qu’ainsi soient les enfants de l’Église autour de la table du Seigneur [6]. | |
Psaume 127 | ||
Ant. 5 Qui pacem * ponit fines Ecclésiæ, fruménti ádipe sátiat nos Dóminus. | Ant. 5 Celui qui dans la paix * établit le territoire de l’Église, le Seigneur, nous rassasie de la fleur du froment [7]. | |
Psaume 147 | ||
Capitulum 1 Ioánn. 3. 13-14. | Capitule | |
Caríssimi : Nolíte mirári, si odit vos mundus. Nos scimus quóniam transláti sumus de morte ad vitam, quóniam dilígimus fratres. | Mes bien-aimés : Ne vous étonnez pas, si le monde vous hait. Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. | |
Hymnus | Hymne [8] | |
Pange, lingua, gloriósi
Córporis mystérium, Sanguinísque pretiósi, Quem in mundi prétium Fructus ventris generósi Rex effúdit Géntium. | Chante, ô ma langue, le mystère
du corps glorieux et du sang précieux que pour la rançon du monde, le fruit d’un sein généreux, le Roi des nations a versé. | |
Nobis datus, nobis natus
Ex intácta Vírgine, Et in mundo conversátus, Sparso verbi sémine, Sui moras incolátus Miro clausit órdine. | Il nous fut donné ; pour nous il est né
de la Vierge sans tache ; il vécut dans le monde, il y a jeté la semence de sa parole, il acheva son séjour ici-bas par une admirable institution. | |
In suprémæ nocte cænæ
Recúmbens cum frátribus, Observáta lege plene Cibis in legálibus, Cibum turbæ duodénæ Se dat suis mánibus. | Dans la nuit de la dernière cène,
attablé avec ses frères, ayant pleinement observé la loi avec les nourritures légales, au groupe des douze il se donne en aliment de ses propres mains. | |
Verbum caro, panem verum
Verbo carnem éfficit ; Fitque sanguis Christi merum ; Et si sensus déficit, Ad firmándum cor sincérum Sola fides súfficit. | Le Verbe fait chair, par son Verbe,
fait de sa chair le vrai pain ; et le vin devient le sang du Christ ; si la raison défaille ici, pour rassurer le cœur pur [9] la foi seule suffit. | |
¶ Sequens stropha, si coram Sanctissimo exposito Officium persolvatur, dicitur flexis genibus. | ¶ La strophe suivante, si l’Office est célébré devant le Saint Sacrement exposé, est dite à genoux. | |
Tantum ergo Sacraméntum
Venerémur cérnui : Et antíquum documéntum Novo cedat rítui : Præstet fides suppleméntum Sénsuum deféctui. | Un si grand Sacrement
adorons donc, prosternés : que l’ancienne alliance cède la place à ce rite nouveau : et que la foi supplée à la défaillance des sens. | |
Genitóri, Genitóque
Laus et iubilátio, Salus, honor, virtus quoque Sit et benedíctio : Procedénti ab utróque Compar sit laudátio. Amen. | Au Père et au Fils
louange et acclamation, salut et honneur et puissance en même temps que bénédiction : à Celui qui procède des deux soit un hommage égal. Amen. | |
V/. Cibávit illos ex ádipe fruménti, allelúia. | V/. Il les a nourris de la moelle du froment, alléluia [10]. | |
R/. Et de petra, melle saturávit eos, allelúia. | R/. Et il les a rassasiés de miel sorti d’une pierre, alléluia. | |
Ad Magnificat Ant. Puer Sámuel * ministrábat ante Deum coram Heli, et sermo Dómini erat pretiósus cum eo. | Ant. au Magnificat L’enfant Samuel * servait le Seigneur devant Héli, et la parole du Seigneur était rare pour lui [11]. | |
Magnificat | ||
Oratio | Prière | |
Sancti nóminis tui, Dómine, timórem páriter et amórem fac nos habére perpétuum : quia numquam tua gubernatióne destítuis, quos in soliditáte tuæ dilectiónis instítuis. Per Dóminum. | Faites, Seigneur, que nous ayons toujours la crainte et l’amour de votre saint nom, parce que vous ne cessez jamais de diriger ceux que vous établissez dans la solidité de votre amour. | |
Et fit commemoratio præcedentis diei infra Octavam : | Et on fait mémoire du samedi dans l’Octave : | |
Ant. O sacrum convívium, in quo Christus súmitur : recólitur memória passiónis eius : mens implétur grátia : et futúræ glóriæ nobis pignus datur, allelúia. | Ant. O banquet sacré, où est reçu le Christ : et renouvelée la mémoire de sa passion : où l’âme est remplie de grâce : et le gage de la gloire future nous est donné, alléluia. | |
V/. Panem de cælo præstitísti eis, allelúia. | V/. Vous leur avez donné le pain du ciel [12], alléluia. | |
R/. Omne delectaméntum in se habéntem, allelúia. | R/. Ayant en lui toutes délices, alléluia. | |
Oratio | Prière | |
Deus, qui nobis sub Sacraménto mirábili passiónis tuæ memóriam reliquísti : tríbue, quǽsumus, ita nos Córporis et Sánguinis tui sacra mystéria venerári ; ut redemptiónis tuæ fructum in nobis iúgiter sentiámus : Qui vivis et regnas. | Dieu, vous nous avez laissé sous un Sacrement admirable le mémorial de votre passion : accordez-nous, nous vous en prions, de vénérer les mystères sacrés de votre Corps et de votre Sang ; de manière à ressentir toujours en nous le fruit de votre rédemption. |
A MATINES
Invitatorium | Invitatoire |
Christum Regem adorémus dominántem Géntibus : * Qui se manducántibus dat spíritus pinguédinem. | Adorons le Christ-Roi, dominateur des nations : * Qui donne à ceux qui le mangent l’abondance de son esprit. |
Psaume 94 (Invitatoire) | |
Hymnus | Hymne [13] |
Sacris solémniis iuncta sint gáudia,
Et ex præcórdiis sonent præcónia ; Recédant vétera, nova sint ómnia, Corda, voces, et ópera. | Qu’à ces solennités sacrées se joignent nos joies,
que du fond des cœurs résonne les louanges ; loin de nous la vétusté, que tout soit nouveau, les cœurs, les voix et les œuvres. |
Noctis recólitur cœna novíssima,
Qua Christus créditur agnum et ázyma Dedísse frátribus, iuxta legítima Priscis indúlta pátribus. | Nous célébrons la mémoire de la dernière cène,
de cette nuit où nous savons que le Christ partagea aux frères l’agneau et les azymes, selon les rites légaux donnée à leurs pères [14]. |
Post agnum týpicum, explétis épulis,
Corpus Domínicum datum discípulis, Sic totum ómnibus, quod totum síngulis, Eius fatémur mánibus. | Après l’agneau figuratif, le repas terminé,
le corps du Seigneur fut donné aux disciples tout entier à tous, tout entier à chacun, par ses mains : c’est notre foi. |
Dedit fragílibus córporis férculum,
Dedit et trístibus sánguinis póculum, Dicens : Accípite quod trado vásculum ; Omnes ex eo bíbite. | Aux faibles, il donna son corps en aliment,
aux tristes, il donna son sang en boisson, disant : Prenez la coupe que je livre ; buvez-en tous. |
Sic sacrifícium istud instítuit,
Cuius offícium commítti vóluit Solis presbýteris, quibus sic cóngruit, Ut sumant, et dent céteris. | C’est ainsi qu’il institua ce sacrifice
dont il a voulu que le ministère fût confié aux seuls prêtres : à eux il appartient de s’en nourrir et d’en donner aux autres. |
Panis Angélicus fit panis hóminum ;
Dat panis cǽlicus figúris términum ; O res mirábilis : mandúcat Dóminum Pauper servus et húmilis. | Le pain des Anges devient le pain des hommes ;
le pain du ciel met fin aux figures ; o prodige admirable : il mange son Seigneur, le pauvre, l’esclave, le tout petit. |
Te, trina Déitas únaque, póscimus ;
Sic nos tu vísita, sicut te cólimus : Per tuas sémitas duc nos quo téndimus, Ad lucem quam inhábitas. Amen. | O Dieu unique et Trine, nous vous le demandons ;
visitez-nous en ce jour où nous vous honorons ; et, par vos sentiers [15], conduisez-nous au but auquel nous tendons, vers la lumière que vous habitez ! Amen. |
In I Nocturno | Au 1er Nocturne |
Ant. 1 Fructum salutíferum * gustándum dedit Dóminus mortis suæ témpore. | Ant. 1 C’est un fruit apportant le salut * que le Seigneur nous a donné à savourer au temps de sa mort [16]. |
Psaume 1 | |
Ant. 2 A fructu fruménti * et vini multiplicáti fidéles in pace Christi requiéscunt. | Ant. 2 Multipliés par l’abondance du froment * et du vin, les fidèles se reposent dans la paix du Christ [17]. |
Psaume 4 | |
Ant. 3 Communióne cálicis, * quo Deus ipse súmitur, non vitulórum sánguine, congregávit nos Dóminus. | Ant. 3 C’est par la communion au calice * où l’on se nourrit de Dieu lui-même et non par le sang des taureaux, que le Seigneur nous a rassemblés [18]. |
Psaume 15 | |
V/. Panem cæli dedit eis, allelúia. | V/. Il leur a donné le pain du ciel [19], alléluia. |
R/. Panem Angelórum manducávit homo, allelúia. | R/. L’homme a mangé le pain des Anges, alléluia. |
Lectio i | 1ère leçon |
De libro primo Regum. | Du premier Livre des Rois. |
Cap. 4, 1-3. | |
Et factum est in diébus illis, convenérunt Philísthiim in pugnam ; et egréssus est Israël óbviam Philísthiim in prǽlium, et castrametátus est iuxta Lápidem adiutórii. Porro Philísthiim venérunt in Aphec et instruxérunt áciem contra Israël. Inito autem certámine, terga vértit Israël Philisthǽis, et cæsa sunt in illo certámine passim per agros quasi quátuor míllia virórum. Et revérsus est pópulus ad castra, dixerúntque maióres natu de Israël : Quare percússit nos Dóminus hódie coram Philísthiim ? Afferámus ad nos de Silo arcam fœderis Dómini, et véniat in médium nostri, ut salvet nos de manu inimicórum nostrórum. | Or, il arriva en ces jours-là, que les Philistins se rassemblèrent pour le combat ; et Israël sortit au-devant des Philistins pour la bataille, et il campa près de la pierre du Secours. Mais les Philistins vinrent à Aphec, et ils rangèrent leur armée en bataille en face d’Israël. Or, le combat engagé, Israël tourna le dos aux Philistins ; et il y eut de taillés en pièces dans ce combat, ça et là, à travers les champs, environ quatre mille hommes. Et le peuple revint dans le camp, et les anciens d’Israël dirent : Pourquoi le Seigneur nous a-t-il frappés aujourd’hui, devant les Philistins ? Apportons près de nous, de Silo, l’arche de l’alliance du Seigneur ; et qu’elle vienne au milieu de nous, afin qu’elle nous sauve de la main de nos ennemis. |
R/. Immolábit hædum multitúdo filiórum Israël ad vésperam Paschæ : * Et edent carnes et ázymos panes. | R/. La multitude des enfants d’Israël immolera un chevreau au soir delà Pâque [20] : * Et ils en mangeront les chairs avec des pains azymes. |
V/. Pascha nostrum immolátus est Christus : ítaque epulémur in ázymis sinceritátis et veritátis. | V/. Notre agneau pascal, le Christ, a été immolé : mangeons-le avec les azymes de la sincérité et de la vérité [21]. |
* Et edent carnes et ázymos panes. | * Et ils en mangeront les chairs avec des pains azymes. |
Lectio ii | 2e leçon |
Cap. 4, 4-6. | |
Misit ergo pópulus in Silo, et tulérunt inde arcam fœderis Dómini exercítuum sedéntis super Chérubim ; erántque duo fílii Heli cum arca fœderis Dei, Ophni et Phínees. Cumque venísset arca fœderis Dómini in castra vociferátus est omnis Israël clamóre grandi, et persónuit terra. Et audiérunt Philísthiim vocem clamóris dixerúntque : Quænam est hæc vox clamóris magni in castris Hebræórum ? Et cognovérunt quod arca Dómini venísset in castra. | Le peuple envoya donc à Silo, et ils en apportèrent l’arche de l’alliance du Seigneur des armées, assis sur les Chérubins ; et les deux fils d’Héli, Ophni et Phinéès, étaient avec l’arche de l’alliance de Dieu. Et lorsque l’arche de l’alliance du Seigneur fut venue dans le camp, tout Israël cria d’un grand cri, et la terre retentit. Et les Philistins entendirent le bruit de la clameur et dirent : Quel est le bruit de cette grande clameur dans le camp des Hébreux ? Et ils connurent que l’arche du Seigneur était dans le camp. |
R/. Comedétis carnes, et saturabímini pánibus : * Iste est panis, quem dedit vobis Dóminus ad vescéndum. | R/. Vous mangerez de la chair, et vous serez rassasiés de pain [22] : * Voici le pain que le Seigneur vous a donné à manger. |
V/. Non Móyses dedit vobis panem de cælo, sed Pater meus dat vobis panem de cælo verum. | V/. Moïse ne vous a point donné le pain du ciel, mais c’est mon Père qui vous donne le vrai pain du ciel [23]. |
* Iste est panis, quem dedit vobis Dóminus ad vescéndum. | * Voici le pain que le Seigneur vous a donné à manger. |
Lectio iii | 3e leçon |
Cap. 4, 7-11. | |
Timuerúntque Philísthiim, dicéntes : Venit Deus in castra ; et ingemuérunt dicéntes : Væ nobis, non enim fuit tanta exsultátio heri et nudiustértius : væ nobis. Quis nos salvábit de manu deórum sublímium istórum ? Hi sunt dii, qui percussérunt Ægýptum omni plaga in desérto. Confortámini et estóte viri, Philísthiim : ne serviátis Hebrǽis, sicut et illi serviérunt vobis, confortámini et belláte. Pugnavérunt ergo Philísthiim, et cæsus est Israël, et fugit unusquísque in tabernáculum suum, et facta est plaga magna nimis, et cecidérunt de Israël trigínta míllia péditum, et arca Dei capta est, duo quoque fílii Heli mórtui sunt, Ophni et Phínees. | Alors les Philistins craignirent, disant : Dieu est venu dans le camp. Et ils gémirent, disant : Malheur à nous ! Car il n’y eut pas une si grande allégresse hier et avant-hier ; malheur à nous ! Qui nous sauvera de la main de ces dieux suprêmes ? Ce sont ces dieux qui ont frappé l’Égypte de toutes sortes de plaies dans le désert. Prenez courage, et soyez hommes de cœur, Philistins ; ne servez pas les Hébreux comme eux vous ont servis ; prenez courage et combattez. Les Philistins combattirent donc, et Israël fut taillé en pièces, et chacun s’enfuit dans son tabernacle ; et il se fit un très grand carnage, et |
R/. Respéxit Elías ad caput suum subcinerícium panem : qui surgens comédit et bibit : * Et ambulávit in fortitúdine cibi illíus usque ad montem Dei. | R/. Élie vit auprès de sa tête un pain cuit sous la cendre : se levant, il mangea et but [24] : * Et il marcha dans la force de cette nourriture jusqu’à la montagne de Dieu. |
V/. Si quis manducáverit ex hoc pane, vivet in ætérnum. | V/. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement [25]. |
* Et ambulávit in fortitúdine cibi illíus usque ad montem Dei. Glória Patri. * Et ambulávit in fortitúdine cibi illíus usque ad montem Dei. | * Et il marcha dans la force de cette nourriture jusqu’à la montagne de Dieu. Gloire au Père. * Et il marcha dans la force de cette nourriture jusqu’à la montagne de Dieu. |
In II Nocturno | Au 2nd Nocturne |
Ant. 4 Memor sit Dóminus * sacrifícii nostri : et holocáustum nostrum pingue fiat. | Ant. 4 Que le Seigneur se souvienne * de notre sacrifice, et que notre holocauste lui soit agréable [26]. |
Psaume 19 | |
Ant. 5 Parátur * nobis mensa Dómini advérsus omnes, qui tríbulant nos. | Ant. 5 Elle est dressée * pour nous, la table du Seigneur, contre tous ceux qui nous persécutent [27]. |
Psaume 22 | |
Ant. 6 In voce exsultatiónis * résonent epulántes in mensa Dómini. | Ant. 6 Que des accents d’allégresse * retentissent parmi les convives, à la table du Seigneur [28]. |
Psaume 41 | |
V/. Cibávit illos ex ádipe fruménti, allelúia. | V/. Il les a nourris de la fleur du froment [29], alléluia. |
R/. Et de petra, melle saturávit eos, allelúia. | R/. Et pour les rassasier, il a fait sortir le miel de la pierre [30], alléluia. |
Lectio iv | 4e leçon |
Sermo sancti Ioánnis Chrysóstomi. | Sermon de saint Jean Chrysostome. |
Homilia 60 ad populum Antioch. | |
Quóniam Verbum dicit : Hoc est corpus meum ; et assentiámur et credámus et intellectuálibus ipsum óculis intueámur. Nihil enim sensíbile nobis Christus trádidit ; sed sensibílibus quidem rebus, at ómnia intelligibília. Itidem et in baptísmate : per rem nempe sensíbilem, aquam, donum confértur ; intelligíbile vero quod perfícitur, generátio et renovátio. Si enim incorpóreus esses, nuda et incorpórea tibi dedísset ipse dona ; sed quóniam ánima córpori consérta est, in sensibílibus intelligibília tibi præbet. Quot nunc dicunt : Vellem ipsíus formam aspícere, figúram, vestiménta, calceaménta ? Ecce eum vides, ipsum tangis, ipsum mandúcas. Et tu quidem vestiménta cupis vidére ; ipse vero tibi concédit non tantum vidére, verum et manducáre, et tángere, et intra te súmere. | Puisque le Verbe a dit : « Ceci est mon corps, » adhérons et croyons à sa parole, et contemplons-le des yeux de l’esprit. Car le Christ ne nous a rien donné de sensible, mais sous des choses sensibles, il nous donne tout à comprendre. Il en est de même dans le baptême aussi, où par cette chose tout à fait sensible, l’eau, le don nous est conféré ; spirituelle est la chose accomplie, à savoir la régénération et la rénovation. Si tu n’avais point de corps, il n’y aurait rien de corporel dans les dons que Dieu te fait ; mais parce que l’âme est unie au corps, il te donne le spirituel au moyen du sensible. Combien y en a-t-il maintenant qui disent : Je voudrais le voir lui-même, son visage, ses vêtements, sa chaussure ? Eh bien, tu le vois, tu le touches, tu le manges. Tu désires de voir ses habits, et le voici lui-même qui te permet, non seulement de le voir, mais encore de le toucher, de le manger et de le recevoir au dedans de toi. |
R/. Cœnántibus illis, accépit Iesus panem, et benedíxit, ac fregit, dedítque discípulis suis, et ait : * Accípite et comédite : hoc est corpus meum. | R/. Pendant qu’ils soupaient, Jésus prit du pain, le bénit, le rompit, et le donna à ses disciples, disant [31] : * Prenez et mangez : ceci est mon corps. |
V/. Dixérunt viri tabernáculi mei : Quis det de cárnibus eius, ut saturémur ? | V/. Les hommes qui demeurent sous ma tente ont dit : Qui nous donnera de nous rassasier de sa chair [32] ? |
* Accípite et comédite : hoc est corpus meum. | * Prenez et mangez : ceci est mon corps. |
Lectio v | 5e leçon |
Igitur accédat nemo cum náusea, nemo resolútus ; omnes accénsi, omnes fervéntes et excitáti. Nam si Iudǽi stantes, et calceaménta in pédibus habéntes, et báculos mánibus gestántes, agnum cum festinatióne comedébant ; te multo magis opórtet esse solértem. Nam illi quidem in Palæstínam erant profectúri, et proptérea viatórum figúram habébant : tu vero debes in cælum migráre. Quaprópter in ómnibus opórtet te vigiláre ; nec enim parva pœna propónitur indígne suméntibus. Cógita quantum advérsus proditórem indignáris, et contra eos qui illum crucifixérunt : ítaque consídera, ne tu quoque sis reus córporis et sánguinis Christi. Illi sanctíssimum corpus occidérunt, tu vero pollúta súscipis ánima, post tot benefícia. Neque enim illi satis fuit, hóminem fíeri, cólaphis cædi, et crucifígi ; verum et semetípsum nobis commíscet ; et non fide tantum, verum et ipsa re, nos suum éfficit corpus. | Que personne donc ne s’approche avec dégoût, avec nonchalance ; que tous viennent à lui, brûlants d’amour, remplis de ferveur et de zèle. Si les Juifs mangeaient l’agneau pascal debout, avec leur chaussure, un bâton à la main, avec empressement, à combien plus forte raison dois-tu pratiquer ici la vigilance ! Les Juifs étaient alors sur le point de passer de l’Égypte dans la Palestine, c’est pourquoi ils avaient l’attitude de voyageurs : mais toi, tu dois émigrer au ciel. Il te faut donc toujours veiller ; car ce n’est pas d’un léger supplice, que sont menacés ceux qui reçoivent le corps du Seigneur indignement. Songe à ta propre indignation contre celui qui a trahi et ceux qui ont crucifié le Sauveur ; prends garde que tu ne deviennes, toi aussi, coupable du corps et du sang du Christ. Ces malheureux firent souffrir la mort au très saint corps du Seigneur, et toi, tu le reçois avec une âme impure après tant de bienfaits. Non content de s’être fait homme, d’avoir été souffleté, crucifié, le Fils de Dieu a voulu de plus s’unir à nous, de telle sorte que nous devenons un même corps avec lui, non seulement par la foi, mais effectivement et en réalité. |
R/. Accépit Iesus cálicem, postquam cœnávit, dicens : Hic calix novum testaméntum est in meo sánguine : * Hoc fácite in meam commemoratiónem. | R/. Jésus prit le calice après avoir soupe, disant : Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang [33] : * Faites ceci en mémoire de moi. |
V/. Memória memor ero, et tabéscet in me ánima mea. | V/. J’en conserverai toujours la mémoire, et mon âme sera comme défaillante d’amour à ce souvenir [34]. |
* Hoc fácite in meam commemoratiónem. | * Faites ceci en mémoire de moi. |
Lectio vi | 6e leçon |
Quo non opórtet ígitur esse puriórem, tali fruéntem sacrifício ? quo solári rádio non splendidiórem manum, carnem hanc dividéntem ? os quod igni spiritáli replétur, linguam quæ treméndo nimis sánguine rubéscit ? Cógita quali sis insignítus honóre, quali mensa fruáris. Quod Angeli vidéntes horréscunt, neque líbere audent intuéri propter emicántem inde splendórem ; hoc nos páscimur, huic nos unímur, et facti sumus unum Christi corpus, et una caro. Quis loquétur poténtias Dómini, audítas fáciet omnes laudes eius ? Quis pastor oves próprio pascit cruóre ? Et quid dico, pastor ? Matres multæ sunt, quæ post partus dolóres, fílios áliis tradunt nutrícibus. Hoc autem ipse non est passus ; sed ipse nos próprio sánguine pascit, et per ómnia nos sibi coagméntat. | Qui donc doit être plus pur que celui qui est participant d’un tel sacrifice ? Quel rayon de soleil ne doit point céder en splendeur à la main qui distribue cette chair, à la bouche qui est remplie de ce feu spirituel, à la langue qui est empourprée de ce sang redoutable ? Pense à tout l’honneur que tu reçois et à quelle table tu prends place. Ce que les Anges regardent en tremblant, ce dont ils ne peuvent soutenir la rayonnante splendeur, nous en faisons notre nourriture, nous nous y unissons et nous devenons avec le Christ un seul corps et une seule chair. « Qui dira les puissances du Seigneur, et fera entendre ses louanges [35] ? » Quel pasteur a jamais donné son sang pour nourriture à ses brebis ? Que dis-je, un pasteur ? Il y a beaucoup de mères qui livrent à des nourrices étrangères les enfants qu’elles viennent de mettre au monde : Jésus-Christ n’agit pas de la sorte, il nous nourrit lui-même de son propre sang, il nous incorpore absolument à lui. |
R/. Ego sum panis vitæ ; patres vestri manducavérunt manna in desérto, et mórtui sunt [36] : * Hic est panis de cælo descéndens, ut, si quis ex ipso mandúcet, non moriátur. | R/. Je suis le pain de vie ; vos pères ont mangé la manne dans le désert et sont morts : * C’est ici le pain qui descend du ciel, afin que celui qui le mange ne meure pas. |
V/. Ego sum panis vivus, qui de cælo descéndi : si quis manducáverit ex hoc pane, vivet in ætérnum. | V/. Je suis le pain vivant, qui suis descendu du ciel, si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. |
* Hic est panis de cælo descéndens, ut, si quis ex ipso mandúcet, non moriátur. Glória Patri. * Hic est panis de cælo descéndens, ut, si quis ex ipso mandúcet, non moriátur. | * C’est ici le pain qui descend du ciel, afin que celui qui le mange ne meure pas. Gloire au Père. * C’est ici le pain qui descend du ciel, afin que celui qui le mange ne meure pas. |
In III Nocturno | Au 2nd Nocturne |
Ant. 7 Introíbo * ad altáre Dei : sumam Christum, qui rénovat iuventútem meam. | Ant. 7 Je viendrai * à l’autel de Dieu, je recevrai le Christ qui renouvelle ma jeunesse [37]. |
Psaume 42 | |
Ant. 8 Cibávit nos Dóminus * ex ádipe fruménti : et de petra, melle saturávit nos. | Ant. 8 Le Seigneur nous a nourris * de la fleur du froment, et pour nous rassasier il a fait sortir le miel de la pierre [38]. |
Psaume 80 | |
Ant. 9 Ex altári tuo, * Dómine, Christum súmimus : in quem cor et caro nostra exsúltant. | Ant. 9 A votre autel, * Seigneur, nous recevons le Christ, en qui exultent notre cœur et notre chair [39]. |
Psaume 83 | |
V/. Edúcas panem de terra, allelúia [40]. | V/. Faites sortir le pain de la terre, alléluia. |
R/. Et vinum lætíficet cor hóminis, allelúia. | R/. Et que le vin réjouisse le cœur de l’homme, alléluia. |
Lectio vii | 7e leçon |
Léctio sancti Evangélii secundum Lucam. | Lecture du saint Évangile selon saint Luc. |
Cap. 14, 16-24. | |
In illo témpore : Dixit Iesus pharisǽis parábolam hanc : Homo quidam fecit cœnam magnam, et vocávit multos. Et réliqua. | En ce temps-là : Jésus dit cette parabole aux Pharisiens : Un homme fit un grand souper, et invita de nombreux convives. |
Homilía sancti Gregórii Papæ. | Homélie de saint Grégoire, Pape. |
Homilia 36 in Evang. | |
Hoc distáre, fratres caríssimi, inter delícias córporis et cordis solet : quod corporáles delíciæ, cum non habéntur, grave in se desidérium accéndunt ; cum vero ávide edúntur, comedéntem prótinus in fastídium per satietátem vertunt. At contra, spiritáles delíciæ, cum non habéntur, in fastídio sunt ; cum vero habéntur, in desidério : tantóque a comedénte ámplius esuriúntur, quanto et ab esuriénte ámplius comedúntur. In illis appetítus placet, experiéntia dísplicet ; in istis appetítus saturitátem, satúritas fastídium génerat : in istis autem appetítus saturitátem, satúritas appetítum parit. | Voici, très chers frères, en quoi les jouissances du corps et celles de l’âme diffèrent ordinairement ; les jouissances corporelles, avant leur possession, allument en nous un ardent désir ; mais pendant qu’on s’en repaît avidement, elles amènent bientôt au dégoût, par la satiété même, celui qui les savoure. Les jouissances spirituelles, au contraire, provoquent le mépris avant leur possession, mais excitent le désir quand on les possède ; et celui qui les goûte en est d’autant plus affamé qu’il s’en nourrit davantage. Dans celles-là, le désir plaît, mais l’expérience est déplaisir ; celles-ci semblent au contraire de peu de valeur lorsqu’on ne fait encore que les désirer, mais leur usage est ce qui plaît le plus. Dans les premières, l’appétit engendre le rassasiement, et le rassasiement, le dégoût ; dans les secondes, l’appétit fait naître la jouissance, et le rassasiement, l’appétit. |
R/. Qui mandúcat meam carnem et bibit meum sánguinem, * In me manet, et ego in eo. | R/. Celui qui mange ma chair et boit mon sang [41], * Demeure en moi et moi en lui. |
V/. Non est ália nátio tam grandis, quæ hábeat deos appropinquántes sibi, sicut Deus noster adest nobis. | V/. Il n’est point d’autre nation, si grande qu’elle soit, qui ait des dieux s’approchant d’elle, comme notre Dieu est présent pour nous [42]. |
* In me manet, et ego in eo. | * Demeure en moi et moi en lui. |
Lectio viii | 8e leçon |
Augent enim spiritáles delíciæ desidérium in mente, dum sátiant : quia quanto magis eárum sapor percípitur, eo ámplius cognóscitur quod avídius amétur ; et idcírco non hábitæ amári non possunt, quia eárum sapor ignorátur. Quis enim amáre váleat quod ignórat ? Proínde Psalmísta nos ádmonet, dicens : Gustáte et vidéte, quóniam suávis est Dóminus. Ac si apérte dicat : Suavitátem eius non cognóscitis, si hanc mínime gustátis ; sed cibum vitæ ex paláto cordis tángite, ut probántes eius dulcédinem, amáre valeátis. Has autem homo delícias tunc amísit, cum in paradíso peccávit ; extra éxiit, cum os a cibo ætérnæ dulcédinis clausit. | Les délices spirituelles augmentent en effet le désir dans l’âme, à mesure qu’elle s’en rassasie ; plus on goûte leur saveur, mieux on connaît qu’on doit les désirer avec avidité ; c’est ce qui explique pourquoi on ne peut les aimer sans les avoir éprouvées, puisqu’on n’en connaît pas la saveur. Qui peut, en effet, aimer ce qu’il ne connaît pas ? Aussi le Psalmiste nous en avertit en disant : « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux » [43]. Comme s’il disait formellement : Vous ne connaissez pas sa douceur si vous ne le goûtez point, mais touchez avec le palais de votre cœur, l’aliment de vie, afin que, faisant l’expérience de sa douceur, vous deveniez capables de l’aimer. L’homme a perdu ces délices quand il pécha dans le paradis ; il en sortit lorsqu’il ferma sa bouche à l’aliment d’éternelle douceur. |
R/. Homo quidam fecit cœnam magnam, et misit servum suum hora cœnæ dícere invitátis ut venírent, * Quia paráta sunt ómnia. | R/. Un homme fit un grand souper, et à l’heure du souper, il envoya son serviteur dire aux conviés de venir ; * Parce que tout était prêt [44]. |
V/. Veníte, comédite panem meum, et bíbite vinum quod míscui vobis. | V/. Venez, mangez mon pain et buvez le vin que je vous ai mêlé [45]. |
* Quia paráta sunt ómnia. Glória Patri. * Quia paráta sunt ómnia. | * Parce que tout était prêt. Gloire au Père. * Parce que tout était prêt. |
Lectio ix | 9e leçon |
Unde nos quoque, nati in huius peregrinatiónis ærúmna, huc fastidiósi iam vénimus, nescímus quid desideráre debeámus. Tantóque se ámplius fastídii nostri morbus exággerat, quanto se magis ab esu illíus dulcédinis ánimus elóngat ; et eo iam intérnas delícias non áppetit, quo eas comédere, diu longéque desuévit. Fastídio ergo nostro tabéscimus, et longa inédiæ peste fatigámur. Et quia gustáre intus nólumus parátam dulcédinem, amámus foris míseri famem nostram. | De là, vient aussi qu’étant nés dans les peines de cet exil, nous en arrivons ici-bas à un tel dégoût, que nous ne savons plus ce que nous devons désirer. Cette maladie de l’ennui s’augmente d’autant plus en nous, que l’âme s’éloigne davantage de cette nourriture pleine de douceur. Elle en arrive à perdre tout appétit pour ces délices intérieures, par cette raison même qu’elle s’en est tenue éloignée et a perdu depuis longtemps l’habitude de les goûter. C’est donc notre dégoût qui nous fait dépérir ; c’est cette funeste inanition prolongée qui nous épuise. Et, parce que nous ne voulons pas goûter au dedans la douceur qui nous est offerte, nous aimons, misérables que nous sommes, la faim qui nous consume au dehors. |
Te Deum | |
A LAUDES.
Ant. 1 Sapiéntia * ædificávit sibi domum, míscuit vinum et pósuit mensam, allelúia. | Ant. 1 La sagesse * s’est bâti une maison, elle a mêlé le vin [46] et dressé la table, alléluia [47]. | |
Psaume 92 | ||
Ant. 2 Angelórum esca * nutrivísti pópulum tuum, et panem de cælo præstitísti eis, allelúia. | Ant. 2 De l’aliment des Anges * vous avez nourri votre peuple, et vous leur avez donné le pain du ciel, alléluia [48]. | |
Psaume 99 | ||
Ant. 3 Pinguis est panis * Christi, et præbébit delícias régibus, allelúia. | Ant. 3 Il est nourrissant le pain * du Christ, et il fournira des délices aux rois [49], alléluia [50]. | |
Psaume 62 | ||
Ant. 4 Sacerdótes sancti * incénsum et panes ófferunt Deo, allelúia. | Ant. 4 Des prêtres saints * offriront à Dieu l’encens et le pain du sacrifice, alléluia [51]. | |
Cantique des trois Enfants | ||
Ant. 5 Vincénti dabo * manna abscónditum, et nomen novum, allelúia. | Ant. 5 Au vainqueur je donnerai * la manne cachée et un nom nouveau [52], alléluia [53]. | |
Psaume 148 | ||
Capitulum 1 Ioánn. 3. 13-14. | Capitule | |
Caríssimi : Nolíte mirári, si odit vos mundus. Nos scimus quóniam transláti sumus de morte ad vitam, quóniam dilígimus fratres. | Mes bien-aimés : Ne vous étonnez pas, si le monde vous hait. Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. | |
Hymnus | Hymne [54] | |
Verbum supérnum pródiens,
Nec Patris linquens déxteram, Ad opus suum éxiens, Venit ad vitæ vésperam. | Le Verbe, descendant des cieux,
sans quitter la droite du Père, sortant pour accomplir son œuvre, arriva au soir de sa vie. | |
In mortem a discípulo
Suis tradéndus ǽmulis, Prius in vitæ férculo Se trádidit discípulis. | Un disciple doit le livrer
à ses envieux ennemis pour la mort, lui, le prévenant, se livra à ses disciples comme aliment de vie. | |
Quibus sub bina spécie
Carnem dedit et sánguinem ; Ut dúplicis substántiæ Totum cibáret hóminem. | A ceux-ci, sous deux apparences
il donna sa chair et son sang ; afin de nourrir tout entier l’homme composé de deux substances. | |
Se nascens dedit sócium,
Convéscens in edúlium, Se móriens in prétium, Se regnans dat in prǽmium. | En naissant, il s’est fait compagnon,
dans son repas, il s’est fait aliment, en mourant, il s’est fait rançon, dans son royaume, il se fait récompense. | |
O salutáris hóstia,
Quæ cæli pandis óstium, Bella premunt hostília ; Da robur, fer auxílium. | O victime salutaire,
qui ouvrez la porte du ciel, l’ennemi nous presse par ses attaques ; donnez la force, apportez le secours. | |
Uni trinóque Dómino,
Sit sempitérna glória : Qui vitam sine término Nobis donet in pátria. Amen. | Au Seigneur unique et trine
soit une gloire éternelle : qu’il nous donne en la patrie la vie qui n’aura pas de fin. Amen. | |
V/. Panem cæli dedit eis, allelúia. | V/. Il leur a donné le pain du ciel [55], alléluia. | |
R/. Panem Angelórum manducávit homo, allelúia. | R/. L’homme a mangé le pain des Anges, alléluia. | |
Ad Bened. Ant. Homo quidam * fecit cœnam magnam, et vocávit multos : et misit servum suum hora cœnæ dícere invitátis ut venírent, quia ómnia paráta sunt, allelúia. | Ant. au Benedictus Un homme * fit un grand souper, et y appela beaucoup de monde ; et à l’heure du souper il envoya son serviteur dire aux conviés de venir, parce que tout était prêt, alléluia [56]. | |
Benedictus | ||
Oratio | Prière | |
Sancti nóminis tui, Dómine, timórem páriter et amórem fac nos habére perpétuum : quia numquam tua gubernatióne destítuis, quos in soliditáte tuæ dilectiónis instítuis. Per Dóminum. | Faites, Seigneur, que nous ayons toujours la crainte et l’amour de votre saint nom, parce que vous ne cessez jamais de diriger ceux que vous établissez dans la solidité de votre amour. | |
Et fit commemoratio Octavæ : | Et on fait mémoire de l’Octave : | |
Ant. Ego sum panis vivus, qui de cælo descéndi : si quis manducáverit ex hoc pane, vivet in ætérnum, allelúia. | Ant. Je suis le pain vivant, qui descends du ciel : si quelqu’un mange de ce pain il vivra éternellement, alléluia [57]. | |
V/. Pósuit fines tuos pacem, allelúia. | V/. Il a établi la paix sur tes frontières, alléluia [58]. | |
R/. Et ádipe fruménti sátiat te, allelúia. | R/. Qu’il te rassasie de la fleur du froment, alléluia. | |
Oratio | Prière | |
Deus, qui nobis sub Sacraménto mirábili passiónis tuæ memóriam reliquísti : tríbue, quǽsumus, ita nos Córporis et Sánguinis tui sacra mystéria venerári ; ut redemptiónis tuæ fructum in nobis iúgiter sentiámus : Qui vivis et regnas. | Dieu, vous nous avez laissé sous un Sacrement admirable le mémorial de votre passion : accordez-nous, nous vous en prions, de vénérer les mystères sacrés de votre Corps et de votre Sang ; de manière à ressentir toujours en nous le fruit de votre rédemption. |
AUX DEUXIÈMES VÊPRES.
Ant. 1 Sacérdos in ætérnum * Christus Dóminus secúndum órdinem Melchísedech, panem et vinum óbtulit. | Ant. 1 Prêtre à jamais * selon l’ordre de Melchisédech [59], le Christ Seigneur a offert le pain et le vin [60]. | |
Psaume 109 | ||
Ant. 2 Miserátor Dóminus * escam dedit timéntibus se in memóriam suórum mirabílium. | Ant. 2 Le Seigneur miséricordieux * a donné, en mémoire de ses merveilles, une nourriture à ceux qui le craignent [61]. | |
Psaume 110 | ||
Ant. 3 Cálicem salutáris * accípiam : et sacrificábo hóstiam laudis. | Ant. 3 Le calice du salut, * je le prendrai, et je sacrifierai une hostie de louange [62]. | |
Psaume 115 | ||
Ant. 4 Sicut novéllæ olivárum, * Ecclésiæ fílii sint in circúitu mensæ Dómini. | Ant. 4 Comme de jeunes plants d’olivier, * qu’ainsi soient les enfants de l’Église autour de la table du Seigneur [63]. | |
Psaume 127 | ||
Ant. 5 Qui pacem * ponit fines Ecclésiæ, fruménti ádipe sátiat nos Dóminus. | Ant. 5 Celui qui dans la paix * établit le territoire de l’Église, le Seigneur, nous rassasie de la fleur du froment [64]. | |
Psaume 147 | ||
Capitulum 1 Ioánn. 3. 13-14. | Capitule | |
Caríssimi : Nolíte mirári, si odit vos mundus. Nos scimus quóniam transláti sumus de morte ad vitam, quóniam dilígimus fratres. | Mes bien-aimés : Ne vous étonnez pas, si le monde vous hait. Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. | |
Hymnus | Hymne [65] | |
Pange, lingua, gloriósi
Córporis mystérium, Sanguinísque pretiósi, Quem in mundi prétium Fructus ventris generósi Rex effúdit Géntium. | Chante, ô ma langue, le mystère
du corps glorieux et du sang précieux que pour la rançon du monde, le fruit d’un sein généreux, le Roi des nations a versé. | |
Nobis datus, nobis natus
Ex intácta Vírgine, Et in mundo conversátus, Sparso verbi sémine, Sui moras incolátus Miro clausit órdine. | Il nous fut donné ; pour nous il est né
de la Vierge sans tache ; il vécut dans le monde, il y a jeté la semence de sa parole, il acheva son séjour ici-bas par une admirable institution. | |
In suprémæ nocte cænæ
Recúmbens cum frátribus, Observáta lege plene Cibis in legálibus, Cibum turbæ duodénæ Se dat suis mánibus. | Dans la nuit de la dernière cène,
attablé avec ses frères, ayant pleinement observé la loi avec les nourritures légales, au groupe des douze il se donne en aliment de ses propres mains. | |
Verbum caro, panem verum
Verbo carnem éfficit ; Fitque sanguis Christi merum ; Et si sensus déficit, Ad firmándum cor sincérum Sola fides súfficit. | Le Verbe fait chair, par son Verbe,
fait de sa chair le vrai pain ; et le vin devient le sang du Christ ; si la raison défaille ici, pour rassurer le cœur pur [66] la foi seule suffit. | |
¶ Sequens stropha, si coram Sanctissimo exposito Officium persolvatur, dicitur flexis genibus. | ¶ La strophe suivante, si l’Office est célébré devant le Saint Sacrement exposé, est dite à genoux. | |
Tantum ergo Sacraméntum
Venerémur cérnui : Et antíquum documéntum Novo cedat rítui : Præstet fides suppleméntum Sénsuum deféctui. | Un si grand Sacrement
adorons donc, prosternés : que l’ancienne alliance cède la place à ce rite nouveau : et que la foi supplée à la défaillance des sens. | |
Genitóri, Genitóque
Laus et iubilátio, Salus, honor, virtus quoque Sit et benedíctio : Procedénti ab utróque Compar sit laudátio. Amen. | Au Père et au Fils
louange et acclamation, salut et honneur et puissance en même temps que bénédiction : à Celui qui procède des deux soit un hommage égal. Amen. | |
V/. Cibávit illos ex ádipe fruménti, allelúia. | V/. Il les a nourris de la moelle du froment, alléluia [67]. | |
R/. Et de petra, melle saturávit eos, allelúia. | R/. Et il les a rassasiés de miel sorti d’une pierre, alléluia. | |
Ad Magnificat Ant. Exi cito * in platéas et vicos civitátis : et páuperes ac débiles, cæcos et claudos compélle intráre, ut impleátur domus mea, allelúia. | Ant. au Magnificat Va vite * dans les places et les rues de la ville, et amène ici les pauvres et les estropiés, les aveugles et les boiteux ; force-les d’entrer, afin que ma maison soit remplie, alléluia [68]. | |
Magnificat | ||
Oratio | Prière | |
Sancti nóminis tui, Dómine, timórem páriter et amórem fac nos habére perpétuum : quia numquam tua gubernatióne destítuis, quos in soliditáte tuæ dilectiónis instítuis. Per Dóminum. | Faites, Seigneur, que nous ayons toujours la crainte et l’amour de votre saint nom, parce que vous ne cessez jamais de diriger ceux que vous établissez dans la solidité de votre amour. | |
Et fit commemoratio sequentis diei infra Octavam : | Et on fait mémoire du lundi dans l’Octave : | |
Ant. O quam suávis est, Dómine, spíritus tuus, qui, ut dulcédinem tuam in fílios demonstráres, pane suavíssimo de cælo prǽstito, esuriéntes reples bonis, fastidiósos dívites dimíttens inánes. | Ant. Qu’il est suave, votre Esprit, ô Seigneur ! Voulant montrer votre tendresse pour vos enfants, vous comblez de biens, par un pain très doux venu du ciel, ceux qui ont faim, laissant partir vides les riches dédaigneux [69]. | |
V/. Panem de cælo præstitísti eis, allelúia. | V/. Vous leur avez donné le pain du ciel [70], alléluia. | |
R/. Omne delectaméntum in se habéntem, allelúia. | R/. Ayant en lui toutes délices, alléluia. | |
Oratio | Prière | |
Deus, qui nobis sub Sacraménto mirábili passiónis tuæ memóriam reliquísti : tríbue, quǽsumus, ita nos Córporis et Sánguinis tui sacra mystéria venerári ; ut redemptiónis tuæ fructum in nobis iúgiter sentiámus : Qui vivis et regnas. | Dieu, vous nous avez laissé sous un Sacrement admirable le mémorial de votre passion : accordez-nous, nous vous en prions, de vénérer les mystères sacrés de votre Corps et de votre Sang ; de manière à ressentir toujours en nous le fruit de votre rédemption. |
Le désiré de toutes les nations [71], l’Ange de l’alliance voulu par Israël [72], est descendu des cieux. La Sagesse l’accompagne. Qui donc, disait le prophète, montera aux cieux pour la saisir et l’amener du sein des nuées ? Qui passera la mer, et le rapportera des plages lointaines, ce trésor plus précieux que l’or le plus pur ? Israël a délaissé la source de la Sagesse. On ne la connaît plus dans la terre de Chanaan ; on ne l’a point vue dans l’Idumée. Les fils d’Agar, les princes des nations, les prudents de la terre, inventeurs fameux, chercheurs de la science, artisans de richesses, de force et de beauté trompeuse, n’ont point trouvé les voies de la Sagesse ; ils ont perdu ses sentiers [73]. Mais voici que le fils promis à David s’est assis sur son trône d’honneur. C’est lui qui, le premier, l’a connue pleinement dans le mystère des noces sacrées où l’amour éternel conviait notre humble nature. Il est devenu, par cette indissoluble alliance, la source unique delà Sagesse ; les quatre fleuves du Paradis ont rassemblé en lui leurs eaux : réservoir prédestiné, d’où l’amour et la vie s’épancheront sur le monde !
Ses pensées sont plus vastes que la mer, ses conseils plus profonds que l’abîme [74]. Il vient accomplir le dessein de la volonté souveraine : relier toutes choses en un sur la terre et au ciel [75]. Dieu et homme tout ensemble, vrai médiateur, Pontife suprême, il est lui-même le nœud de cette religion sainte qui rattache toute créature au Créateur dans l’unité d’un même hommage, et consomme du même coup la justice et l’amour. Son Sacrifice est bien le chef-d’œuvre de la divine Sagesse ; c’est par lui qu’embrassant tous les êtres créés dans l’immensité de cet amour dont nous avons vu les ardeurs impatientes, elle prétend ne faire plus du monde entier qu’un holocauste sublime à la gloire du Père. Il nous reste maintenant à la voir immoler sa victime, et dresser la table du festin [76].
L’Eucharistie, en effet, n’a point d’autre but que l’application incessante ici-bas du grand Sacrifice ; et il nous faut considérer ce Sacrifice de l’Homme-Dieu en lui-même, afin d’admirer mieux la merveilleuse continuation qui s’en fait dans l’Église. Mais il importe à cette fin de préciser tout d’abord la notion générale du Sacrifice.
Dieu a droit à l’hommage de sa créature. Si les rois et seigneurs de la terre sont en droit d’exiger des vassaux de leur domination cette reconnaissance solennelle de leur suzeraineté, le domaine souverain du premier Être, cause première et fin dernière de toutes choses, l’impose à plus juste titre aux êtres appelés du néant par sa bonté toute-puissante. Et de même que, par la redevance qui l’accompagne, l’hommage des serfs et vassaux emporte, avec l’aveu de leur sujétion, la déclaration effective des biens et droits qu’ils reconnaissent tenir de leur seigneur ; ainsi l’acte par lequel la créature s’abaisse en cette qualité devant son Créateur devra manifester suffisamment, par lui-même, qu’elle le reconnaît comme Seigneur de toutes choses et auteur de la vie.
Mais il peut arriver que la créature ait, de son propre fait, conféré contre elle-même à la justice de Dieu des droits non moins sérieux et autrement redoutables que ceux de sa toute-puissance et de sa bonté. La miséricorde infinie peut alors, il est vrai, suspendre ou commuer l’exécution des vengeances du Seigneur suprême ; mais l’acte d’hommage de l’être créé devenu pécheur ne sera complet qu’à la condition d’exprimer désormais, non moins que sa dépendance de créature, l’aveu de sa faute et de la justice du châtiment encouru par la transgression des préceptes divins ; la redevance trop justifiée du serf insoumis, l’oblation suppliante de l’esclave révolté devra montrer, par sa nature même, que Dieu n’est plus seulement pour lui l’auteur de la vie, mais l’arbitre de la mort.
Telle est, dans son essence, la vraie notion du Sacrifice, ainsi appelé de ce qu’il sépare de la multitude des êtres de même nature, et fait sacrée l’offrande par laquelle il s’exprime : oblation intérieure et purement spirituelle dans les esprits dégages de la matière ; oblation spirituelle et sensible à la fois pour l’homme, qui, composé d’une âme et d’un corps, doit l’hommage à Dieu pour l’un et pour l’autre.
Le Sacrifice ne peut être offert qu’au seul vrai Dieu, comme étant la reconnaissance effective du domaine souverain du Créateur et de cette gloire qu’il ne donne point à un autre [77]. Par contre, il est de l’essence de la religion en tout état de chute ou d’innocence. La religion, en effet, cette reine des vertus morales qui a pour objet le culte dû au Seigneur, ne trouve qu’en lui son expression dernière. L’Eden l’eût vu célébré par l’homme innocent dans l’adoration, l’action de grâces et la prière confiante ; offrande de ses fruits les plus beaux, symboles du fruit divin que promettait l’arbre de vie, le péché n’y eût point marqué dans le sang sa sinistre empreinte. Devenu après la chute l’unique voie de propitiation, il apparut toujours plus comme le centre nécessaire de toute religion sur la terre d’exil ; ainsi jusqu’à Luther le comprirent tous les peuples, et les modernes réformateurs, en voulant exclure le Sacrifice de la religion, l’ont détruite chez eux par la base. Bien plus ; il s’impose dans le ciel à la créature déjà glorifiée, qui, non moins et plus même dans les splendeurs de la vision que sous les ombres de la foi, doit à Celui qui l’a couronnée l’hommage de ses dons.
C’est par le Sacrifice que Dieu atteint le but qu’il s’est proposé dans la création : sa propre gloire [78]. Mais pour que du monde s’élevât vers son Auteur un hommage représentant la mesure de ses dons, il fallait un chef qui résumât le monde entier dans sa personne, et, disposant de lui comme de son bien propre, l’offrît au Seigneur en toute plénitude avec lui-même. Dieu fait mieux encore : en lui donnant pour chef son propre Fils revêtu de notre nature, il obtient que, l’hommage de cette nature inférieure revêtant la dignité de la personne, l’honneur rendu soit vraiment digne de la Majesté souveraine ; comme un banquier habile sait tirer l’or d’une vile monnaie, il fait rapporter au monde sorti du néant un fruit infini.
Merveilleux couronnement de l’œuvre créatrice ! La gloire immense que rend au Père le Verbe incarné a rapproché Dieu et la créature, si distants l’un de l’autre ; elle rejaillit sur le monde en flots de grâce qui achèvent de combler l’abîme. Le Sacrifice du fils de l’homme devient la base et la raison de l’ordre surnaturel, au ciel et sur la terre. Objet premier et principal du décret de création, c’est pour le Christ, sur son modèle et dans l’ordre des aptitudes de sa future nature, que sortirent du néant, à la voix du Père, les divers degrés d’être spirituel et matériel, appelés à former son palais et sa cour : de même encore dans l’ordre de la grâce, est-il vraiment ainsi l’homme, le Bien-Aimé. L’Esprit de dilection se répandra, parfum divin, de cet unique bien-aimé, de cette tête chérie, du Chef sur tous ses membres et jusqu’à la dernière frange de son vêtement [79], communiquant sans mesure la vraie vie, l’être surnaturel, à ceux que le Christ aura daigné appeler en participation de sa divine substance au banquet de l’amour. Car à la suite du Chef viendront les membres, unissant au sien leur hommage ; et cet hommage qui, de soi, fût demeuré trop au-dessous de la Majesté infinie, empruntera, par leur incorporation au Verbe incarné dans l’acte de son Sacrifice, la dignité du Christ lui-même.
Ainsi encore, on ne saurait trop le redire contre l’individualisme étroit qui tend, de nos jours, à donner aux pratiques d’une dévotion privée la prépondérance sur la solennité des grands actes liturgiques formant l’essence de la religion : ainsi par le Sacrifice est consommée dans l’unité la création entière, et fondée en Dieu la vraie vie sociale Dieu est un dans son essence, et l’ineffable harmonie des trois divines personnes ne fait que mieux ressortir, dans sa sublime fécondité, cette unité puissante. La créature est multiple au contraire, et la division, fruit de la chute, vient encore accuser davantage en elle ce signe d’un être emprunté. Sortie de Dieu néanmoins, c’est à lui qu’elle retourne, mais à la condition de détruire en elle cette division funeste qui la sépare de Dieu et de ses semblables, et de reproduire au sein de la multiplicité, dans sa marche vers Dieu, l’image de la féconde harmonie des trois personnes divines. Qu’ils soient un en nous comme nous-mêmes [80] : tel est le dernier mot des intentions du Créateur, révélé au monde par l’Ange du grand Conseil venu sur terre réaliser ce programme divin. Or, c’est la religion qui rassemble devant Dieu les divers éléments du corps social ; et le Sacrifice, qui en est l’acte fondamental, est à la fois le moyen et le but de cette unification grandiose dans le Christ, dont l’achèvement marquera la consommation du règne éternel du Père devenu par lui tout en tous [81].
Mais cette royauté de l’éternité, que prépare au Père le règne du Christ ici-bas [82], a des ennemis qu’il faut réduire. Les Principautés, les Puissances et les Vertus de l’enfer sont liguées contre elle. Leur jalousie s’attaquant à l’homme, image de Dieu, a introduit dans le monde la désobéissance et la mort [83] ; par l’homme devenu son esclave, le péché s’est fait une arme de tous les préceptes divins contre leur Auteur [84] : et, loin de songer à présenter au Seigneur suprême un hommage digne de lui, le genre humain semble avoir pris à tâche d’ajouter à la bassesse de son être de néant l’indignité de toutes les souillures. Avant donc que de pouvoir être agréés du Père, les futurs membres du Christ appellent un Sacrifice de propitiation et de délivrance. Il faut que le Christ vive lui-même de la vie expiatrice du pécheur, qu’il souffre de ses souffrances et meure de mort [85]. Car telle était la peine apposée comme sanction dès l’origine au précepte divin : peine souveraine pour le transgresseur qui n’en pouvait subir de plus grande, mais sans proportion avec l’offense de la suprême Majesté, à moins qu’une personne divine, endossant l’effrayante responsabilité de cette dette infinie, subît la peine de l’homme et le rendît à l’innocence.
Qu’il vienne donc notre Pontife, qu’il apparaisse le Chef divin de notre race et du monde ! Parce qu’il a aimé la justice et haï l’iniquité, Dieu l’a oint de l’huile d’allégresse entre tousses ses frères [86]. Il était Christ par le sacerdoce à lui destiné dès le sein du Père, et confirmé dans un serment auguste [87] ; il est Jésus, car le Sacrifice qu’il vient offrir sauvera son peuple du péché [88] : JESUS-CHRIST, tel doit être à jamais le nom du Pontife éternel.
Quelle puissance et quel amour en son Sacrifice ! Prêtre et victime à la fois, pour la détruire il absorbe la mort, et du même coup terrasse le péché dans sa chair innocente ; il satisfait jusqu’à la dernière obole, et par delà, à la justice du Père ; il arrache le décret qui nous était contraire, le cloue à la croix, l’efface en son sang, et, dépouillant les Principautés ennemies de leur tyrannique empire, il les enchaîne à son char de triomphe [89]. Crucifié avec lui, notre vieil homme a perdu son corps de péché ; renouvelé dans le sang rédempteur, il sort avec lui du tombeau pour une vie nouvelle [90]. « Vous êtes morts, dit l’Apôtre, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu ; quand paraîtra le Christ votre vie, vous aussi paraîtrez avec lui dans la gloire » [91]. C’est comme Chef en effet que le Christ a souffert ; son Sacrifice embrasse le corps entier dont il est la tête, et qu’il transforme avec lui pour l’holocauste éternel dont la suave odeur embaumera les cieux.
Chrétiens, pénétrons-nous de ces grands enseignements. Plus en effet nous comprendrons le Sacrifice de l’Homme-Dieu dans son incommensurable grandeur, plus facilement laisserons-nous l’Église, dans sa Liturgie, enlever nos âmes aux égoïstes et mesquines préoccupations d’une piété trop souvent repliée sur elle-même. Membres du Christ-Pontife, élargissons nos cœurs ; ouvrons-les aux flots de lumière et d’amour qui jaillissent des rochers du Calvaire. Sur ces mêmes sommets, deux mille ans à l’avance, Abraham, le père de notre foi, s’écriait dans l’extase : Le Seigneur verra sur la montagne ! Et les échos de l’humanité s’étaient renvoyé sa parole prophétique dans la longue nuit des siècles de l’attente [92]. Spectacle en effet vraiment digne de Dieu que cette marche en avant de notre Isaac, que cette ascension du Pontife éternel gravissant la montagne où il doit, dans son sang, ramener toutes choses à Dieu son Père, et unir avec soi pour jamais dans une seule oblation la terre et les cieux [93] !
Sous l’ancienne loi, le Pontife montant à l’autel était revêtu d’une robe éclatante des plus riches couleurs [94], dont les détails mystérieux figuraient l’univers [95]. Véritable Aaron, le Verbe s’avance, dit saint Ambroise, dans la vraie robe du sacerdoce souverain décrite par Moïse, vêtu du monde en sa magnificence, pour tout remplir de la plénitude de Dieu » [96]. C’était l’imposante vérité qui faisait dire au Christ Sauveur parlant de son immolation sur la montagne [97] : Lorsque je serai élevé de terre, j’attirerai tout à moi [98]. Il annonçait l’ébranlement de la terre et des cieux exaltés avec lui sur la croix réparatrice et triomphante. En ce moment, le plus solennel de l’histoire du monde, l’appel divin devait en effet convoquer de toutes parts et unir étroitement à leur Chef immolé les membres de la victime universelle. Attraction merveilleuse, qui, dans cet unique point de l’espace et du temps, allait rassembler tous les êtres créés sous le regard éternel, et consommer la gloire du Dieu très-haut dans l’hommage parfait d’un seul Sacrifice !
Du pied de l’autel figuratif érigé dans Jacob, David déjà lui aussi contemplait par avance le sublime rendez-vous de toute créature à l’autel du Christ-Pontife, son Seigneur et son fils [99]. A la vue de ce concours immense dont le défilé non interrompu des victimes mosaïques offrait pourtant une trop faible image, ému d’un juste et saint transport, il chantait dans le psaume : A vous viendra toute chair [100] ! Il a pris chair en effet, notre Pontife, s’écrie saint Augustin [101] ; et la chair qu’il a prise attirera toute chair. Dans le sein de la Vierge il a pris les prémices ; le reste, le genre humain tout entier, suivra les prémices, pour compléter l’holocauste dont il est dit ici même : « A vous je rendrai mon vœu dans Jérusalem [102] ».
Car quel est-il ce vœu de notre chef bien-aimé, sinon celui qu’au psaume suivant il décrit plus au long ? S’adressant à son Père : « J’entrerai, dit-il, dans votre maison, portant l’holocauste ; je vous rendrai les vœux qu’ont formulés mes lèvres. Ma bouche a dit, au jour de la tribulation : « Je vous offrirai de grasses victimes avec l’encens des béliers, des bœufs et des boucs en un a même holocauste [103] ». Ce jour de la grande tribulation du Pontife suprême, c’est celui dont parle l’Apôtre, où, daignant par amour sentir en lui la fragilité de la chair, et présentant avec un grand cri ses prières et ses larmes au Dieu qui pouvait le sauver de la mort, il fut exaucé dans l’hommage de son Sacrifice [104]. Cependant que parle-t-il encore des béliers et des boucs, inutiles offrandes réprouvées de Dieu ? Lui-même ne disait-il pas, en entrant dans le monde : « Vous n’avez point voulu de leurs holocaustes et de leurs victimes, mais vous m’avez formé un corps [105] ? »
Oui, sans doute ; et c’est le corps même du Christ qui paraît ici tout entier, dit saint Augustin, comme l’offrande une et multiple à la fois qu’il présente au Seigneur : les béliers sont les chefs de l’Église, les autres victimes ses divers membres [106]. Exaucez ma prière, à vous viendra toute chair ; princes et peuples de tous les siècles, enfants, jeunes hommes, vieillards, Juifs et Gentils, Grecs, Romains et Barbares, suspendus au bois, sont la victime promise au Père. C’est avec eux, en leur nom et pour eux tous, dans l’intégrité de son corps et dans son unité, que le Christ s’écrie : J’entrerai dans votre maison portant l’holocauste : envoyez votre feu, le feu de l’Esprit, la flamme divine de l’éternelle Sagesse : qu’elle brûle et consume ce corps qui est à moi ; qu’il ne m’en reste rien, que tout soit vôtre [107].
Apportez donc, enfants de Dieu, apportez au Seigneur les fils des béliers [108] ! La voix du Seigneur a retenti dans sa puissance : il appelle la foudre sur la montagne, et déjà l’holocauste est en flammes. Vaste incendie qui, du Calvaire, s’étend bientôt au monde entier ! Le feu divin poursuit son œuvre à travers les générations successives, absorbant un à un les membres de la grande Victime, dévorant le péché, consumant les scories du vice, et purifiant, jusque dans la poussière du tombeau, la chair sanctifiée par l’attouchement du Christ dans les Mystères. Vrai feu du Ciel, flamme incréée qui ne dissipe que le mal, et ne dégage l’âme par la souffrance et la mort des ruines amoncelées autour d’elle, que pour refaire à neuf dans l’expiation l’être humain tout entier !
Un jour viendra, que le feu du grand Sacrifice ayant consommé jusqu’au dernier les membres du Christ, la chair elle-même des élus reparaîtra spirituelle et glorieuse, offrant aux yeux, dans cette transformation merveilleuse de la victime, un Sacrifice vraiment digne du Seigneur suprême ; car en lui, bien mieux que dans la destruction par la mort, s’affirmeront le pouvoir et le domaine souverain de l’Auteur de la vie. C’est alors que le corps complet du Verbe incarné, comme un encens très pur, s’élèvera de la montagne sainte où l’Église avait fixé sa tente ici-bas, jusqu’à l’autel sublime des cieux : aliment éternel de la flamme divine, holocauste immense où sans fin la cité rachetée, la société des Saints, sera offerte à Dieu par le grand Pontife qui s’offrit lui-même pour nous, dans la Passion, sous la forme d’esclave » [109].
Dans cet universel Sacrifice d’adoration et d’action de grâces, où l’expiation n’aura plus de part, entreront eux-mêmes les esprits bienheureux des milices angéliques. Car ils sont, eux aussi, le Sacrifice du Seigneur, formant avec nous l’unique Cité de Dieu célébrée dans le psaume [110]. « Tous en effet, dit saint Cyrille d’Alexandrie, nous avons reçu de sa plénitude. Toute créature, visible ou non, participe du Christ. Les Anges et les Archanges, les natures mêmes qui leur sont supérieures, et jusqu’aux Chérubins, ne sont point sanctifiés autrement que par le Christ seul dans le Saint-Esprit. Lui-même donc est l’autel, lui-même l’encens et le souverain Prêtre, comme lui-même encore le sang de la rémission des péchés » [111].
Ayant donc pour Pontife Jésus le Fils de Dieu, qui dans un seul Sacrifice a consommé pour jamais la Cité sainte, demeurons fermes dans la foi [112].
Comme autrefois le grand Prêtre, au jour solennel de l’Expiation, pénétrait seul dans le Saint des Saints, tenant en mains le vase rempli du sang propitiateur, ainsi notre Pontife, ayant conquis l’éternelle rédemption [113], a disparu pour un temps aux regards de son peuple. Ministre du vrai sanctuaire et du tabernacle fixé par Dieu même [114], nous l’avons vu, dans sa triomphante Ascension, pénétrer au delà du voile qui nous dérobe encore la vue de la Majesté souveraine ; poursuivant dans une parfaite unité le rite de son Sacrifice, il présente au Père, en sa nature humaine toujours marquée des stigmates glorieux de sa Passion, l’auguste victime dont l’immolation sur terre appelait la consommation dans les cieux. Cependant, comme autrefois Israël attendant le retour du grand Prêtre, le peuple chrétien s’unit à lui d’ici-bas, prolongeant sa prière autour de l’autel du parvis extérieur.
« C’est le jour de l’Expiation, dit Origène ; il persévère tant que luit le soleil, tant que durera le monde. Nous, debout près des portes, nous attendons notre Pontife arrêté dans le Saint des Saints près du Père, et intercédant pour les péchés de ceux qui l’attendent... Le lieu saint avait deux parties, en effet, nous dit l’Écriture : l’une visible, accessible aux prêtres ; l’autre invisible, et impénétrable à tout autre qu’au seul Pontife. Quelle est cette première partie, sinon celle où nous sommes maintenant dans la chair, l’Église, où les prêtres remplissent leur ministère devant l’autel des holocaustes alimenté par ce feu dont le Sauveur a dit : « Je suis venu apporter le feu sur la terre » [115] ? C’est là, dans cette première partie du lieu saint, que le Pontife immole la victime ; c’est de là qu’il part pour entrer à l’intérieur du voile, dans cette seconde partie qui est le Ciel même et le trône de Dieu. Mais le feu, mais l’encens qu’il porte avec lui dans le Saint des Saints, il le prend de cet autel, il le reçoit d’ici même ; les vêtements sacrés eux-mêmes qui l’enveloppent tout entier de leur pompe mystérieuse, il ne s’en revêt point ailleurs » [116].
Bien plus, devons-nous dire encore : après son départ, le feu du Sacrifice ne s’éteint pas dans le parvis ; et la victime de propitiation, dont le sang lui ouvre l’accès du redoutable sanctuaire, continue de brûler sur l’autel extérieur.
A LA MESSE.
Par suite des mesures consenties entre le Saint-Siège et le Gouvernement français pour la réduction des fêtes, au commencement de ce siècle, la plupart des Églises de France célèbrent aujourd’hui seulement la solennité du Corps du Seigneur. La Messe que l’on chante dans ces Églises est celle du jour même de la fête, avec mémoire du Dimanche en la manière ordinaire. Dans les lieux au contraire où la solennité s’est célébrée à son jour, on fait seulement mémoire de la fête à la Messe de ce Dimanche qui est le deuxième après la Pentecôte.
L’Introït est tiré des Psaumes. Il chante les bienfaits du Seigneur qui protège son peuple et le dégage de ses ennemis. Célébrons dans l’amour le Dieu notre sûr refuge et notre ferme appui.
L’Église demande pour nous, dans la Collecte, la crainte et l’amour du Nom sacré du Seigneur. La crainte en effet dont il s’agit ici, la crainte des fils envers leur père, n’exclut point l’amour ; elle l’affermit au contraire, en le préservant de la négligence et des écarts auxquels une fausse familiarité entraîne trop souvent certaines âmes.
ÉPÎTRE.
Ces touchantes paroles du disciple bien-aimé ne pouvaient mieux être rappelées au peuple fidèle qu’en la radieuse Octave qui poursuit son cours. L’amour de Dieu pour nous est le modèle comme la raison de celui que nous devons à nos semblables ; la charité divine est le type de la nôtre. « Je vous ai donné l’exemple, dit le Sauveur, afin que, comme j’ai fait à votre égard, vous fassiez vous-mêmes » [117]. Si donc il a été jusqu’à donner sa vie, il faut savoir aussi donner la nôtre à l’occasion pour sauver nos frères. A plus forte raison devons-nous les secourir selon nos moyens dans leurs nécessités, les aimer non de parole ou de langue, mais effectivement et en vérité.
Or le divin mémorial, qui rayonne sur nous dans sa splendeur, est-il autre chose que l’éloquente démonstration de l’amour infini, le monument réel et la représentation permanente de cette mort d’un Dieu à laquelle s’en réfère l’Apôtre ?
Aussi le Seigneur attendit-il, pour promulguer la loi de l’amour fraternel qu’il venait apporter au monde, l’institution du Sacrement divin qui devait fournir à cette loi son puissant point d’appui. Mais à peine a-t-il créé l’auguste Mystère, à peine s’est-il donné sous les espèces sacrées : « Je vous a donne un commandement nouveau, dit-il aussitôt ; et mon commandement, c’est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés » [118]. Précepte nouveau, en effet, pour un monde dont l’égoïsme était l’unique loi ; marque distinctive qui allait foire reconnaître entre tous les disciples du Christ [119], et les vouer du même coup à la haine du genre humain [120] ; rebelle à cette loi d’amour. C’est à l’accueil hostile fait par le monde d’alors au nouveau peuple, que répondent les paroles de saint Jean dans notre Epître : « Mes bien-aimés, ne vous étonnez pas que le monde vous haïsse. Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. »
L’union des membres entre eux par le Chef divin est la condition d’existence du christianisme ; l’Eucharistie est l’aliment substantiel de cette union, le lien puissant du corps mystique du Sauveur qui, par elle, croît tous les jours dans la charité [121]. La charité, la paix, la concorde, est donc, avec l’amour de Dieu lui-même, la plus indispensable et la meilleure préparation aux sacrés Mystères. C’est ce qui nous explique la recommandation du Seigneur dans l’Évangile : « Si, lorsque vous présentez votre offrande à l’autel, vous vous souvenez là même que votre frère a quelque chose contre vous, laissez là votre offrande devant l’autel, et allez d’abord vous réconcilier avec votre frère, et venez ensuite présenter votre offrande » [122].
Le Graduel, tiré des Psaumes, rend grâces au Seigneur de sa protection dans le passé, et implore contre des ennemis toujours acharnés la continuation de son puissant secours.
ÉVANGILE.
La fête du Corps du Seigneur n’était point encore établie, que déjà cet Évangile était attribué au présent Dimanche. C’est ce que témoignent, pour le XIIe siècle, Honorius d’Autun [123] et Rupert [124]. Le divin Esprit, qui assiste l’Église dans l’ordonnance de sa Liturgie, préparait ainsi à l’avance le complément des enseignements de cette grande solennité.
La parabole que propose ici le Sauveur à la table d’un chef des Pharisiens [125] reviendra sur ses lèvres divines au milieu du temple, dans les jours qui précéderont immédiatement sa Passion et sa mort [126]. Insistance significative, qui nous révèle assez l’importance de l’allégorie. Quel est, en effet, ce repas aux nombreux invités, ce festin des noces, sinon celui-là même dont la Sagesse éternelle a fait les apprêts dès l’origine du monde ? Rien n’a manqué aux magnificences de ces divins apprêts : ni les splendeurs de la salle du festin élevée au sommet des monts [127] et soutenue parles sept colonnes mystérieuses [128] ; ni le choix des mets, ni l’excellence du pain, ni les délices du vin servis sur la table royale. Elle-même, de ses mains, la Sagesse du Père a pressuré dans la coupe la grappe de cypre [129] au suc généreux, broyé le froment levé sans semence d’une terre sacrée, immolé la victime [130]. Israël, l’élu du Père [131], était l’heureux convive qu’attendait son amour ; elle multipliait ses messages aux fils de Jacob. La Sagesse de Dieu s’était dit : Je leur enverrai les prophètes et les apôtres [132]. Mais le peuple aimé, engraissé de bienfaits, a regimbé contre l’amour ; il a prisa tâche de provoquer par ses abandons méprisants la colère du Dieu son Sauveur [133]. La fille de Sion, dans son orgueil adultère, a préféré le libelle de répudiation au festin des noces [134] ; Jérusalem a méconnu les célestes messages, tué les prophètes [135], et crucifié l’Époux.
Mais, alors même, la Sagesse éternelle offre encore aux fils ingrats d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, en souvenir de leurs pères, la première place à son divin banquet ; c’est aux brebis perdues delà maison d’Israël que sont d’abord envoyés les Apôtres [136]. « Ineffables égards, s’écrie saint Jean Chrysostome ! Le Christ appelle les Juifs avant la croix ; il persévère après son immolation et continue de les appeler. Lorsqu’il devait, semble-t-il, les accabler du plus dur châtiment, il les invite à son alliance et les comble d’honneurs. Mais eux, qui ont massacré ses prophètes et qui l’ont tué lui-même, sollicités par un tel Époux, conviés à dételles noces par leur propre victime, ils n’en tiennent nul compte, et prétextent leurs paires de bœufs, leurs femmes ou leurs champs » [137].
Bientôt ces pontifes, ces scribes, ces pharisiens hypocrites, poursuivront et tueront les Apôtres à leur tour ; et le serviteur de la parabole ne ramènera de Jérusalem au banquet du père de famille que les pauvres, les petits, les infirmes des rues et places de la ville, chez qui du moins l’ambition, l’avarice ou les plaisirs n’auront point fait obstacle à l’avènement du royaume de Dieu.
C’est alors que se consommera la vocation des gentils, et le grand mystère de la substitution du nouveau peuple à l’ancien dans l’alliance divine. « Les noces de mon Fils étaient prêtes, dira Dieu le Père à ses serviteurs ; mais ceux que j’y avais invités n’en ont point été dignes. Allez donc ; quittez la ville maudite qui a méconnu le temps de sa visite [138] ; sortez dans les carrefours, parti courez toutes les routes, cherchez dans les champs de la gentilité, et appelez aux noces tous ceux que vous rencontrerez » [139].
Gentils, glorifiez Dieu pour sa miséricorde [140]. Conviés sans mérites de votre part au festin préparé pour d’autres, craignez d’encourir les reproches qui les ont exclus des faveurs promises à leurs pères. Boiteux et aveugle appelé du carrefour, sois empressé à la table sacrée. Mais songe aussi, par honneur pour Celui qui t’appelle, à déposer les vêtements souillés du mendiant du chemin. Revêts en hâte la robe nuptiale. Ton âme est reine désormais par l’appel à ces noces sublimes : « Orne-la donc de pourpre, dit saint Jean Chrysostome ; mets-lui le diadème, et place-la sur un trône. Songe aux noces qui t’attendent, aux noces de Dieu ! De quels tissus d’or, de quelle variété d’ornements ne doit pas resplendir l’âme appelée à franchir le seuil de cette salle du festin, de cette chambre nuptiale » [141] !
L’Offertoire est, comme le Graduel, une prière instante, une demande de secours fondée sur la divine miséricorde.
L’Église implore, par la Secrète, le double effet du divin Sacrement dans la transformation des âmes : la purification des restes du péché, et le progrès dans les œuvres de la vie céleste.
Pendant la Communion, la sainte Église, inondée des faveurs du ciel, laisse éclater sa reconnaissance pour Celui qui, étant le Seigneur Très-Haut, est aussi son Époux et la comble de ces biens excellents.
Demandons avec l’Église, dans la Postcommunion, que la fréquentation du Mystère sacré ne demeure pas inféconde en nos âmes, mais y produise des fruits de salut toujours plus abondants.
La Liturgie portée sous le nom de saint Jacques aux Constitutions apostoliques continue, après le Trisagion, par la bouche du Pontife :
CONSTITUTIO JACOBI.
Saint êtes-vous vraiment en effet, très saint, très haut, exalté dans les siècles. Saint de même votre Fils unique, notre Seigneur et Dieu Jésus-Christ.
O Dieu qui êtes son Père, lui, votre ministre dans la création et le gouvernement du monde, ne méprisa point la race humaine qui se perdait. Elle avait eu la loi de nature, le redressement du Sinaï, les reproches des prophètes ; mais violant a la fois la loi naturelle et positive, oubliant le déluge, l’embrasement de Sodome, les plaies d’Egypte et l’extermination des peuples de la Palestine, elle courait à une ruine entière : lorsque, de votre consentement, il voulut bien se faire homme lui créateur de l’homme, sujet des lois lui le législateur, hostie lui pontife, brebis lui pasteur ; et vous, son Dieu et Père, fûtes apaisé et réconcilié avec le monde par ce Dieu Verbe, ce Fils aimé, premier-né de toute créature, né d’une Vierge, né dans la chair, sorti de la race de David et d’Abraham, de la tribu de Juda, conformément aux prophéties que lui-même avait inspirées sur sa propre personne.
Il fut donc façonné dans le sein d’une Vierge, celui qui forme tous les êtres ; il se fit chair, l’immatériel ; il naquit dans le temps, le fils engendré avant tous les temps. Il vécut dans la sainteté, enseigna dans la vérité. Il chassa des hommes maladies et langueurs, sema dans le peuple signes et prodiges. Il mangea, but et dormit, celui qui nourrit ceux qui ont faim et remplit de sa bénédiction tous les êtres. Il manifesta votre Nom à ceux qui ne le connaissaient pas, dissipa l’ignorance, ranima l’amour, accomplit votre volonté, et consomma l’œuvre que vous lui aviez donnée à faire. Ayant donc conduit à bonne fin toutes ces choses, trahi par le fils de perdition, il fut saisi par les mains de pontifes criminels et d’un peuple inique qui l’accablèrent par votre permission de souffrances et d’outrages.
Il fut livré au gouverneur Pilate ; le Juge fut jugé, le Sauveur condamné ; on crucifia celui qui ne peut souffrir ; l’immortel connut la mort ; l’artisan de la vie entra au tombeau : pour délivrer de la souffrance et sauver de la mort ceux pour lesquels il était venu, pour briser les chaînes forgées par l’enfer et arracher les hommes à ses tromperies perfides.
Le troisième jour, il se leva d’entre les morts ; il demeura quarante jours avec ses disciples, monta aux cieux, et s’assit à votre droite, ô Dieu son Père.
Ayant donc mémoire de sa passion et de sa mort, de ta résurrection et de son retour au ciel ; dans la pensée aussi du second avènement où il doit venir, avec gloire et puissance, juger les vivants et les morts, et rendre à chacun selon ses œuvres : à vous, roi et Dieu, nous offrons ce pain et ce calice, ainsi qu’il l’a ordonné, par lui vous rendant grâces.
L’Église syrienne met la belle formule qui suit dans la bouche du Diacre au moment le plus solennel des Mystères.
CONCIO
Voici le temps de la crainte, voici l’heure remplie de terreur : les esprits célestes sont dans la frayeur et, près de l’autel, s’acquittent en tremblant de leur ministère.
L’effroi saisit les fils de lumière, la terre est indifférente, le pécheur se dérobe à l’heure qui apporte la grâce. Ministres de l’Église, tremblez ; car vous avez en mains le feu vivant, et la puissance qui vous est donnée surpasse les Séraphins.
Heureuse l’âme pure ici présente à cette heure ! Car l’Esprit-Saint écrit son nom, et la transporte aux cieux.
Notre-Dame, ô Marie bienheureuse, implorez avec nous votre unique Fils, pour que, propre à vos prières, il ait pitié de nous tous.
Seigneur, regardez d’un œil de miséricorde le Prêtre notre Père debout à votre Autel. Recevez son offrande, ô vous notre Seigneur, comme l’offrande des Prophètes et des Apôtres.
Souvenez-vous, Seigneur, dans votre grâce et vos divines miséricordes, des Prêtres nos Pères et nos Princes. Que leur prière soit notre rempart.
Souvenez-vous, Seigneur, de nos pères, de nos frères, de nos maîtres ; rendez-nous dignes avec eux du royaume céleste par votre miséricorde.
Souvenez-vous, Seigneur, des absents, et ayez pitié de ceux qui sont ici ; donnez aussi aux âmes des défunts le repos, et pardonnez aux pécheurs à l’heure du jugement.
Aux âmes des morts qui, séparés de nous, ont quitté ce monde, donnez, Christ, le repos avec les bons et les justes.
Que votre croix soit pour eux comme un pont, que votre baptême soit leur vêtement, que votre Corps et votre Sang précieux soient la voie qui les conduise au royaume.
De ce sanctuaire puisse à jamais notre adoration être agréée, et donner gloire au Père, au Fils, à l’Esprit-Saint qui est vie ; que lui-même le Dieu vrai consomme en nous sa grâce, ses bénédictions, sa miséricorde et sa clémence, en ce moment et toujours. Et nous tous implorons le Seigneur.
Ajoutons cette Séquence tirée des manuscrits de Saint-Gall, où l’on retrouvera plus d’un trait du Victimæ paschali laudes.
SÉQUENCE. | |
Collaudent devote
Patris Filium christiani, | Que les chrétiens louent dévotement le Fils du Père : |
Quia sanguine suo
Agnus innocens, | Par son sang l’innocent Agneau |
Tollens a morte gehennæ peccatores, | A délivré les pécheurs de la mort de l’enfer ; |
Morte sua destruxit tartara, liberatos | Par sa mort, il a détruit l’abîme, et délivrés |
Reducens nos, ubi regnat vivus. | Il nous conduit là où vivant il règne. |
Vitalis non malis tu cibus es in via. | Vous êtes pour les bons l’aliment vivifiant du chemin. |
Tu vera spes peccatoris | Vous êtes l’espérance vraie du pécheur |
A criminum fœcibus surgentis. | Qui veut s’arracher au bourbier du crime. |
O digna tu caro, da Angelorum vestes. | O chair vénérable, revêtez-vous de la pureté des Anges. |
Per sacramentum Corporis | Par le sacrement de ce Corps |
Duc nos veram ad Galilæam. | Conduisez-nous à la vraie Galilée. |
O sacra Christi caro, | O chair sacrée du Christ, |
Adjuva, ut non damnemur | Prêtez secours : que nous ne soyons pas condamnés |
Cum Judæorum turba fallaci, | Avec la tourbe perfide des Juifs ; |
Sed tecum nos facias perenniter vivere. | Mais qu’avec vous nous vivions à jamais. |
Tu nobis, Christe rex, miserere. | O Christ roi, prenez pitié de nous ! |
Il semble qu’à l’époque de saint Grégoire les dimanches après la Pentecôte n’avaient aucune réunion stationnale fixe, puisque en ce jour, le saint Docteur célébra une fois la station à Saint-Laurent et une autre fois dans la basilique des apôtres Philippe et Jacques. Des deux homélies qu’il prononça en ce dimanche, la première seule s’accorde avec le passage évangélique de notre missel actuel, tandis que la seconde, traitant du mauvais riche, ne correspond plus à l’ordre présent des lectures. Il est probable que saint Grégoire lui-même, avant d’arriver à une réforme définitive de la liturgie romaine, aura commencé par une période plus ou moins longue de changements et d’essais, dont les documents romains nous ont conservé quelques traces.
Quand la Ve férie de Pentecôte était encore à Rome un jour libre (vacat), la station d’aujourd’hui à la fameuse basilique des Apôtres avait presque le caractère d’une fête spéciale célébrée en leur honneur après la solennité de la Pentecôte, à l’imitation de ce qui se pratiquait durant l’Octave solennelle de Pâques.
L’introït est tiré du psaume 17 : « Le Seigneur a couru à mon aide, il m’a tiré dehors au large, et il m’a sauvé parce qu’il me veut du bien. » Voilà la raison dernière de tout ce que Dieu fait à notre égard. Ce n’est pas qu’il ait besoin de nos adorations, ni qu’il trouve quelque bien en nous qui l’attire. Le bien, c’est Lui. Et parce qu’il est bon, Il veut que ce bien soit nôtre, c’est-à-dire qu’il veut se donner Lui-même à nous, afin que son bien qui est tout le bien et qui n’est que bien, Lui-même, devienne notre bien ou notre béatitude.
La collecte est toute débordante d’amour, et s’adapte admirablement à ce dimanche dans l’octave de la Fête-Dieu : « Inspirez-nous, Seigneur, continuellement, l’amour et la crainte de votre saint Nom, puisque nous sommes assurés que vous ne laissez jamais dans l’abandon ceux qui fréquentent l’école de votre sainte dilection. » Que d’idées, et combien profondes, se cachent en ces quelques mots ! Seule l’Église possède le secret de cette divine éloquence.
On demande d’abord l’amour et la crainte de Dieu, en tenant compte du double élément, matériel et spirituel, dont nous sommes composés. La crainte vaut surtout, mais non exclusivement, pour tenir en frein nos facultés inférieures, tandis que l’amour est le vrai rythme du cœur et de l’âme. Qui aime se confie au Seigneur, lequel, précisément parce qu’il nous aime, nous veut du bien, ou plutôt nous veut le Bien. On parle en dernier lieu d’une solide éducation dans l’amour, parce que la grâce du Paraclet tend à purifier de plus en plus notre amour de tout ce qu’il peut avoir de bas et de purement humain, pour entraîner l’âme à vivre dans cette brûlante atmosphère de pure dilection qui enveloppe la tente nuptiale de l’Époux divin.
On pourrait presque considérer la messe de ce jour comme un beau cantique d’action de grâces envers l’amour de Dieu. Après la splendide collecte stationnale, saint Jean, l’Apôtre de la dilection, prend la parole et nous dévoile les mystères sublimes de la sainte charité. L’amour de Dieu nous communique la vie de Jésus-Christ et s’épanche naturellement dans la charité envers le prochain. Celui qui n’aime pas ne participe pas à cette vie du Christ, et c’est pourquoi il pourrit dans la corruption de la mort. Celui qui veut conserver ce feu de la dilection doit l’alimenter continuellement par de nouveaux actes de charité envers le prochain, car un amour qui ne connaît pas le sacrifice est un simulacre d’amour.
Le répons que chantait le soliste sur les degrés de l’ambon d’où le sous-diacre avait lu l’Épître, est le même que celui du vendredi après le second dimanche de Carême : « Au comble de l’affliction j’ai invoqué l’aide divine, et Dieu a volé à mon secours. » Pourquoi le Seigneur, avant de nous secourir, attend-il parfois que l’affliction soit à son comble et que le mal soit presque à l’extrême ? Il le fait pour éprouver notre fidélité, pour entraîner notre esprit à ces marches forcées à la lueur tremblante, de l’étoile de la foi. Il y a plus ; pour nous exaucer, Il attend souvent le dernier fatal moment, afin que la gloire de l’aide ne puisse pas être attribuée à la créature mais uniquement à son bras invincible.
Le verset alléluiatique est tiré du psaume 7 : « O Seigneur ! J’ai eu confiance en Vous ! Sauvez-moi de ceux qui m’assaillent, et délivrez-moi. » Le motif de cette délivrance, c’est la confiance que l’âme met en Dieu, confiance qui souffre bien des désillusions quand elle s’appuie sur le secours humain, mais qui n’est jamais vaine quand c’est en Dieu qu’on espère. En effet, la foi et l’espérance, comme vertus théologales, anticipent en quelque sorte l’obtention de ce que l’on croit et espère ; spes autem non confundit [142], enseigne l’Apôtre, parce que c’est le Saint-Esprit lui-même qui alimente cette espérance dans notre cœur, comme un gage de sa splendide réalisation dans l’éternité.
L’Évangile (Luc., XIV, 16-24) achève la leçon d’amour commencée dans l’Épître et nous montre Dieu qui, dans l’excès de sa charité, prépare au ciel un ineffable banquet de béatitude auquel, sans distinction d’âge ni de rang, il appelle universellement tout le genre humain. Le peuple juif, qui symbolise lui-même les grands et les superbes du siècle, tantôt sous un prétexte, tantôt sous un autre, s’excuse et décline l’invitation, en sorte que les privilégiés qui s’assoient au banquet céleste sont les pauvres, les infirmes, les humbles, lesquels désignent précisément le malheureux peuple païen.
Les lectionnaires romains du VIIe siècle assignent à ce dimanche le texte évangélique de la pêche miraculeuse décrite par saint Luc (V, 2-11), pour préparer sans doute les âmes à la future fête de saint Pierre.
Le verset pour l’oblation des dons est le même que le lundi après le dimanche de la Passion. Il est tiré du psaume 6 : Seigneur, tournez-vous vers moi, et soustrayez ma vie au péril. Ah ! sauvez-moi, non que je mérite de vous cette faveur, car en m’éloignant de vous, je me suis volontairement précipité dans l’abîme du vice. Mais vous ne prenez pas sujet d’être bon dans la bonté que vous trouvez en nous ; vous faites le bien parce que vous êtes bon. Sauvez-moi donc, non pour moi mais pour vous-même, et pour que je vous attribue par la suite la gloire d’avoir été mon doux Sauveur.
La collecte qui introduit à l’anaphore consécratoire nous parle aujourd’hui de l’efficacité purificatrice qu’a l’oblation eucharistique, pour nous détacher de cette misérable terre, pour nous soulever, comme un puissant levier, vers le ciel.
L’antienne pour la Communion appartient au psaume 12, et exprime la gratitude de l’âme qui veut chanter à Dieu parce qu’il lui a fait part de son bien. Quel est le bien de Dieu, ce qui forme toute sa richesse, sa sagesse, l’unique objet de ses complaisances ? C’est le Verbe, le Christ, que notre Père nous a donné à nous aussi comme victime du Sacrifice.
Il fait donc preuve ou d’une sottise inconcevable, ou d’une avidité effrénée, celui à qui Jésus ne suffit pas, et qui, partant, cherche quelque autre secours en dehors de Lui.
La prière d’action de grâces est identique à celle du IVe dimanche de l’Avent. On y supplie le Seigneur de faire que la Communion fréquente complète chaque jour davantage et réalise le plan magnifique de sa prédestination à notre égard.
Certes, si Dieu nous a prédestinés à la gloire, y prédestinant Jésus le premier, Il a aussi voulu que le moyen d’arriver à cette récompense indestructible fût la grâce divine, dont Jésus est la source universelle. Or la sainte Communion diffère précisément des autres sacrements, en ce qu’elle unit directement l’âme avec l’Auteur de toute grâce, avec la source de tout salut et de toute prédestination ; aussi comprend-on combien est juste la recommandation qui nous est faite par la sainte liturgie, de participer fréquemment au Mystère sacré, pratique qui, plus que toute autre, sert à achever le plan de Dieu en nous faisant atteindre nostræ salutis effectus, pour parler comme le Missel.
Il n’y a rien de commun entre la piété sentimentale et la divine dilection. L’amour de Dieu ne se contente pas de vaines paroles et de tendres sentiments ; c’est un feu qui purifie l’âme de toute attache désordonnée, quelque minime qu’elle soit, aux choses créées ; qui la rend forte et intrépide en face de n’importe ,quel sacrifice, solidement établie en Dieu comme il est dit aujourd’hui dans la collecte stationnale : « Quos in soliditate tuæ dilectionis instituis » [143].
DEUXIÈME DIMANCHE APRÈS LA PENTECÔTE
En raison de l’Octave du Saint-Sacrement, le dimanche disparaît presque entièrement. Par son contenu, d’ailleurs, il se rattache aux pensées eucharistiques. Il semblerait même, presque, que l’Évangile du banquet a été choisi à cause de la fête du Saint-Sacrement. Ce n’est pas le cas, cependant, car la messe du dimanche est antérieure de quelques siècles.
LE DIMANCHE DANS L’OCTAVE DU SAINT-SACREMENT
O saint banquet dans lequel le Christ est reçut
Nous rattacherons les pensées de ce dimanche aux quatre lectures que nous présente l’Église.
1. Lecture d’Écriture (1 Rois, IV, 1-18). — L’arche d’alliance est portée dans le camp des Juifs. Mais, dans la bataille qui suit, Israël est battu, l’arche tombe aux mains des Pharisiens et les indignes fils du grand-prêtre sont tués. « Le peuple fut envoyé à Silo et l’on apporta, de cette ville, l’arche de l’alliance du Seigneur des armées qui est assis sur les Chérubins. Les deux fils d’Héli, Ophni et Phinées, accompagnaient l’arche de l’alliance de Dieu. Quand l’arche de l’alliance du Seigneur arriva dans le camp, tout Israël poussa de si grands cris de joie que la terre en retentit. Les Philistins entendirent ce cri et ils se demandèrent : que signifient ces grands cris de joie dans le camp des Hébreux ? Quand ils apprirent que l’arche du Seigneur était venue dans le camp, les Philistins furent effrayés et dirent : Dieu est venu dans le camp. Et ils s’écrièrent : Malheur à nous ! Car pareille chose n’a encore jamais eu lieu. Malheur à nous ! Qui nous délivrera de la main de cette divinité puissante ? Alors, les Philistins combattirent, et Israël fut battu et chacun s’enfuit dans sa tente. Il y eut une très grande défaite et il tomba, du côté d’Israël, trente mille hommes de pied. L’arche de Dieu fut prise et les deux fils d’Héli, Ophni et Phinées, périrent ». Un messager apporta la triste nouvelle au vieillard Héli. La mort de ses fils l’émut beaucoup. Mais quand il apprit que l’arche d’alliance était tombée aux mains des ennemis, il eut un tel chagrin qu’il perdit connaissance. « Il tomba de son siège à la renverse, à côté de la porte ; il se rompit la nuque et mourut. Il avait 98 ans et avait jugé Israël pendant 40 ans ». L’arche d’alliance est la figure de l’Eucharistie, qui nous accompagne également à travers la vie de l’Église militante.
2. Fête-Dieu. — La pensée de la grandeur de la Sainte Eucharistie nous occupe toute la journée d’aujourd’hui. C’est pourquoi la prière des Heures, spécialement les matines, est entièrement consacrée à la Fête-Dieu. La « Bouche d’or » de l’Église, saint Jean Chrysostome, nous offre aujourd’hui un magnifique sermon qui nous laisse deviner son éloquence : « Puisque le Verbe dit : Ceci est mon corps, donnons notre assentiment ; croyons et considérons-le de nos yeux spirituels. Le Christ ne nous a pas donné seulement quelque chose de sensible, mais, sous le sensible, il nous a donné quelque chose de purement spirituel. Il en est ainsi pour le baptême ; par le signe sensible, l’eau, nous est communiqué le don de la grâce. C’est donc quelque chose de spirituel qui se passe : la régénération, la rénovation. Si tu étais sans corps, le Seigneur t’aurait donné les dons de la grâce sans voile et sans signes sensibles. Mais, comme ton âme est unie à un corps, il te communique ce qui est spirituel sous des signes sensibles. Beaucoup disent aujourd’hui : je voudrais voir son aspect, sa figure, ses habits, ses chaussures ! Or, tu le vois, tu le touches, tu le manges lui-même. Tu désires voir ses vêtements et il te permet non seulement de le voir mais même de le manger, de le toucher, de le recevoir en toi ».
3. L’amour du prochain. — Les deux lectures de la messe nous donnent des pensées et des leçons importantes.
L’Épître, comme celles des dimanches précédents, parle de l’amour du prochain. Ce sont des paroles dont l’écho doit nous rester toute la semaine dans l’oreille : « Celui qui hait son frère est un meurtrier. Nous reconnaissons l’amour de Dieu (dans le Christ) en ce qu’i1 a donné sa vie pour ses frères... Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres, non pas avec la langue, mais en fait et en vérité ».
4. Le festin. – Qu’a voulu nous enseigner le Seigneur dans cette parabole ? Le festin est la Rédemption que Dieu offre à l’humanité. Les moyens de salut, les sacrements, la sainte messe et tout ce que l’Église nous donne, sont comme un festin richement servi auquel les hommes sont invités. Parmi les invités à ce festin, nous distinguons trois groupes : les citoyens de la ville, les pauvres de la ville, et les étrangers qui sont aux portes de la ville. Que désignent ces groupes. Les habitants de la ville sont les Juifs. Le Christ est venu dans le pays d’Israël et a d’abord invité ses compatriotes à le reconnaître comme le Messie. Ceux qui auraient dû entrer les premiers dam le royaume de Dieu, ce sont les Pharisiens et les Scribes, les princes des prêtres. Ils ne voulurent pas. C’était un si pauvre Sauveur ; il ne leur offrait que des biens spirituels ! Ils le rejetèrent. Alors, le Seigneur se tourna vers les petits et les humbles d’Israël. Il se rendit en Galilée et y annonça le joyeux message. Et voici que de pauvres pêcheurs, des publicains méprisés ; la pécheresse de Magdala, répondirent à son invitation et devinrent ses disciples. Ce sont les boiteux et les paralytiques de la parabole. Mais la magnifique salle de l’Église n’était pas encore remplie. C’est pourquoi Jésus envoya ses Apôtres et leurs successeurs en dehors de la ville, c’est-à-dire vers les païens, et les invita à venir dans la salle de noces de l’Église. Les pauvres païens vinrent avec joie ; ils devinrent chrétiens et enfants de Dieu. Le Seigneur prédit donc, dans cette parabole, la réprobation des Juifs et la vocation des petites gens du judaïsme, mais surtout la vocation des païens. Mais que veut nous enseigner, à nous, la sainte Église par cette parabole ? Tout d’abord, nous devons nous rappeler avec reconnaissance, en lisant cette parabole, que nous sommes du troisième groupe des invités. Nous sortons du paganisme et nous avons été invités à venir dans la salle du festin. Nous sommes heureux de participer à toutes les institutions salutaires. Ayons donc l’impression que nous sommes les hôtes de Dieu. Ne considérons pas notre qualité de chrétiens comme une chose qui va de soi.
Mais ce n’est sans doute pas sans intention que le Sauveur a choisi l’image d’un banquet de fête. Il pense, sans doute, à toute l’œuvre de la Rédemption et à toutes les institutions de l’Église ; il pense, surtout, à la sainte Eucharistie, le plus magnifique banquet qu’il puisse nous préparer. C’est pour cela que notre Évangile convient si bien à l’Octave du Saint-Sacrement. Ce que l’Évangile annonce en parabole se réalise immédiatement dans la messe du dimanche. Nous venons d’entrer dans la maison de Dieu ; c’est la maison du divin père de famille, c’est la salle de fête. Nous sommes vraiment les hôtes de Dieu. Une table est servie pour nous. C’est le Christ-lui-même qui nous reçoit. L’aliment qu’il nous sert est son corps immolé. Et dans la messe se trouve incluse toute l’œuvre de la Rédemption.
5. La messe (Factum est). — Les autres parties de la messe sont également très belles.
L’Introït s’adapte parfaitement aux lectures : Dieu m’a appelé à la filiation divine, il m’a délivré de la mort spirituelle parce qu’il m’a aimé. C’est pourquoi j’entonne un chant de louange à mon Seigneur : « Je te louerai, toi, ma force ! » Ce chant a été composé par le roi David au soir de sa vie, riche d’actions et de douleurs. Ce fut son chant du cygne.
L’Évangile, l’Épître et l’Introït traitent de la charité. L’oraison parle aussi de l’amour de Dieu. Elle demande la crainte et l’amour du saint nom de Dieu. C’est là une pensée importante. Il ne suffit pas d’aimer Dieu, il faut aussi le craindre. Qu’est-ce que cela veut dire : aimer Dieu et le craindre ? Cela veut dire que l’amour de Dieu doit être uni à l’observation de ses commandements. L’oraison nous apprend donc quelles doivent être nos relations avec Dieu.
C’est un mélange d’amour et de crainte, ou mieux d’amour et de respect, un amour respectueux. L’oraison ajoute : cet amour véritable et authentique de Dieu doit être un amour durable, régulier, qui ne connaisse pas de hauts et de bas. Cet amour durable, respectueux, nous ne pouvons pas nous le donner nous-mêmes ; c’est une grâce que Dieu nous donne quand nous la demandons.
Examinons aussi la dernière partie : Dieu n’abandonne pas celui qu’il a établi dans la solidité de son amour. Nous pouvons donc être sûrs que la grâce de Dieu ne nous fera pas défaut ; Dieu continuera à nous guider, pourvu que nous, aussi, le voulions.
Lisons aussi la secrète. Nous y apprenons quel effet doit produire en nous le sacrifice de la messe : « Que le sacrifice nous purifie et nous porte de jour en jour à une conduite plus céleste ». On nomme un double effet : le sacrifice doit nous purifier des taches de nos péchés ; il doit aussi nous rendre plus saints et plus vertueux. Les messes auxquelles nous assistons durant notre vie doivent être pour nous des degrés qui nous font sortir des abîmes du péché et nous élèvent toujours plus haut vers le ciel. Les messes sont donc la véritable échelle mystique qui nous fait monter au ciel.
[1] Ces rubriques, au Gloria et à l’Alléluia avant le Missel de 1962, étaient indiquées au 1er Dimanche après la Pentecôte
[*]
Vere dignum et iustum est, æquum et salutáre,
nos tibi semper et ubíque grátias ágere : Dómine, sancte Pater, omnípotens ætérne Deus : per Christum Dóminum nostrum. | Il est vraiment juste et nécessaire,
c’est notre devoir et c’est notre salut, de vous rendre grâces toujours et partout, Seigneur, Père saint, Dieu éternel et tout-puissant : par le Christ notre Seigneur. |
Qui, remótis carnálium victimárum (inánibus) umbris,
corpus et sánguinem suum nobis in sacrifícium commendávit, ut in omni loco offerátur nómini tuo, quæ tibi sola complácuit, oblátio munda. | Qui, écartant les (vains) symboles des bêtes immolées,
nous a confié le sacrifice de sa chair et de son sang pour qu’en tout lieu soit faite à votre gloire l’offrande pure qui seule vous agrée. |
In hoc ígitur inscrutábilis sapiéntiæ et imménsæ caritátis mysterio,
idípsum quod semel in Cruce perfécit, non cessat mirabíliter operári, ipse ófferens, ipse et oblátio. Et nos, unam secum hóstiam efféctos, ad sacrum invítat convívium, in quo ipse cibus noster súmitur, recólitur memória Passiónis eius, mens implétur grátia, et futúræ glóriæ nobis pignus datur. | C’est ainsi qu’en ce mystère d’insondable sagesse et d’immense charité,
ce qu’une fois il accomplit sur la croix, il ne cesse pas de l’opérer d’un manière admirable, étant lui-même celui qui offre et celui qui est offert. Et nous, qui lui sommes associés dans l’unité d’une même offrande, il nous convie à ce festin sacré où il se fait lui-même notre aliment, où se renouvelle le mémorial de sa passion, où l’âme se remplit de grâce et où nous est donné le gage de la gloire future. |
Et ídeo cum Angelis et Archángelis,
cum Thronis et Dominatiónibus, cumque omni milítia cæléstis exércitus, hymnum glóriæ tuæ cánimus, sine fine dicéntes. | C’est pourquoi, avec les Anges et les Archanges,
avec les Trônes et les Dominations, avec la troupe entière de l’armée céleste, nous chantons une hymne à votre gloire, redisant sans fin |
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Vere dignum et iustum est, æquum et salutáre,
nos tibi semper et ubíque grátias ágere : Dómine, sancte Pater, omnípotens ætérne Deus : per Christum Dóminum nostrum, verum æternúmque Pontíficem, et solum sine peccáti mácula Sacerdótem. | Il est vraiment juste et nécessaire,
c’est notre devoir et c’est notre salut, de vous rendre grâces toujours et partout, Seigneur, Père saint, Dieu éternel et tout-puissant : par le Christ notre Seigneur, le véritable et l’éternel pontife, et le seul prêtre que n’atteigne la souillure d’aucun péché. |
Qui in novíssima cena formam sacrifícii perénnis instítuens,
hóstiam se tibi primum óbtulit, et primus dócuit offérri. Cuius carne pro nobis, immoláta dum páscimur, roborámur, et fuso sánguine dum potámur, ablúimur. | Qui, instituant à la dernière cène le rite du sacrifice qui ne doit plus cesser,
s’offrit lui-même à vous et nous initia lui-même à cette offrande ; sa chair immolée pour nous, quand nous la mangeons, nous fortifie, et son sang pour nous répandu, quand nous le buvons, nous purifie. |
Et ídeo cum Angelis et Archángelis,
cum Thronis et Dominatiónibus, cumque omni milítia cæléstis exércitus, hymnum glóriæ tuæ cánimus, sine fine dicéntes. | C’est pourquoi, avec les Anges et les Archanges,
avec les Trônes et les Dominations, avec la troupe entière de l’armée céleste, nous chantons une hymne à votre gloire, redisant sans fin |
[2] Ps. 109, 5.
[3] Gen. 14, 18.
[4] Ps. 110, 4
[5] Ps. 115, 4.
[6] Ps. 127, 4.
[7] Ps. 147, 3.
[8] St Thomas d’Aquin.
[9] Nous traduisons cor sincerum par cœur pur, qui est l’acception la plus conforme à l’étymologie du qualificatif latin, et qui nous rappelle en outre tort à propos, au sujet de ce mystère, la parole de notre Seigneur : Bienheureux les cœurs purs, parce qu’ils verront Dieu. Cette béatitude, en effet, ne s’applique pas seulement à la vision de Dieu dans le ciel, mais aussi à la vision de Dieu sur la terre à travers les ombres eucharistiques. Celle-là n’est-elle pas la récompense de celle-ci, qui seule est méritoire ? (L’abbé Pimont.)
[10] Ps. 80, 17.
[11] I Reg. 3, 1.
[12] Sap. 16, 20.
[13] St Thomas d’Aquin.
[14] de l’ancienne alliance.
[15] Puisque les voies que vous avez choisies pour venir et fixer votre séjour au milieu de nous sont celles de l’amour, du sacrifice et de l’anéantissement, que nous n’en suivions pas d’autres pour arriver, sous votre conduite, au but auquel nous tendons, à la lumière que vous habitez. (L’abbé Pimont.)
[16] Ps. 1, 3.
[17] Ps. 4, 8.
[18] Heb. 9, 12.
[19] Ps. 77, 24.
[20] Ex. 12, 6.
[21] I Cor. 5, 7.
[22] Ex. 16, 12.
[23] Jn. 6, 32.
[24] III Reg. 19, 6.
[25] Jn. 6, 52.
[26] Ps. 19, 4.
[27] Ps. 22, 5.
[28] Ps. 41, 5.
[29] Ps. 80, 17.
[30] De miel sauvage déposé par les abeilles dans le creux des rochers.
[31] Matth. 26, 26.
[32] Job. 31, 31.
[33] Luc. 22, 20.
[34] Lament. 3, 20.
[35] Ps. 105, 2.
[36] Jn. 6, 48.
[37] Ps. 42, 4.
[38] Ps. 80, 17.
[39] Ps. 83, 3.
[40] Ps. 103, 4.
[41] Jn. 6, 57.
[42] Deut. 4, 7.
[43] Ps. 33, 9.
[44] Luc. 14, 16.
[45] Prov. 9, 5.
[46] Dans l’antiquité, le vin, presque sirupeux, était toujours mêlé d’eau avant d’être consommé.
[47] Prov. 9, 1.
[48] Sap. 16, 20.
[49] Des vrais rois, de ceux qui, par la grâce de Dieu, sont rois d’eux-mêmes et rois de tout ce qui leur arrive, puisqu’ils savent faire servir à leur vie et à celle du monde leurs peines aussi bien que leurs joies.
[50] Gen. 49, 20.
[51] Lévit. 21, 6.
[52] Un sens mystérieux du divin qui renouvellera sa vie et la rendra digne d’un nom nouveau.
[53] Apoc. 2, 17.
[54] St Thomas d’Aquin.
[55] Ps. 77, 24.
[56] Luc. 14, 16.
[57] Jn. 6, 51.
[58] Ps. 147, 14.
[59] Ps. 109, 5.
[60] Gen. 14, 18.
[61] Ps. 110, 4
[62] Ps. 115, 4.
[63] Ps. 127, 4.
[64] Ps. 147, 3.
[65] St Thomas d’Aquin.
[66] Nous traduisons cor sincerum par cœur pur, qui est l’acception la plus conforme à l’étymologie du qualificatif latin, et qui nous rappelle en outre tort à propos, au sujet de ce mystère, la parole de notre Seigneur : Bienheureux les cœurs purs, parce qu’ils verront Dieu. Cette béatitude, en effet, ne s’applique pas seulement à la vision de Dieu dans le ciel, mais aussi à la vision de Dieu sur la terre à travers les ombres eucharistiques. Celle-là n’est-elle pas la récompense de celle-ci, qui seule est méritoire ? (L’abbé Pimont.)
[67] Ps. 80, 17.
[68] Luc. 14, 21.
[69] Sap. 12, 1.
[70] Sap. 16, 20.
[71] Agg. II, 8.
[72] Malach. III, 1.
[73] Baruch. III, 12-38 ; Job. XXVIII, 12-28.
[74] Eccli. XXIV, 34-30.
[75] Eph. I, 10.
[76] Prov. IX, 2.
[77] Isai. XLVIII, 11.
[78] Prov. XVI, 4.
[79] Psalm. CXXXII, 2.
[80] Johan. XVII, 21.
[81] I Cor. XV, 24-28.
[82] Ibid. 24, 25.
[83] Sap. II, 23, 14.
[84] Rom. VII, 11.
[85] Gen. II, 17.
[86] Psalm. XLIV, 8.
[87] Psalm. CXIX, 4.
[88] Matth. I, 21.
[89] Col. II, 14, 15.
[90] Rom. VI, 4, 10.
[91] Col. III, 3.
[92] Gen. XXII, 14.
[93] Col. I, 20 ; Heb. X, 14.
[94] Exod. XXVIII.
[95] Sap. XVIII, 24.
[96] Ambr. De fuga sæculi, XVI.
[97] Johan. XII, 33.
[98] lbid. 32.
[99] Matth. XXII, 45.
[100] Psalm. LXIV, 3.
[101] Aug. Enarrat. in Ps. LXIV.
[102] Psalm. LXIV, 2.
[103] Psalm. LXV, 13-15.
[104] Heb. V, 7.
[105] Ibid. X, 5, 6.
[106] Enarrat. in Ps. LXV.
[107] Aug. passim in Psalm.
[108] Psalm. XXVIII, 1.
[109] Aug. De Civit. Dei. X. 6.
[110] Ibid. 7, in Psalm. LXXXVI.
[111] Cyr. Al. De Adorat. in spir. et ver. Lib. IX.
[112] Heb. IV, 14 ; X, 14.
[113] Heb. IX, 12.
[114] Ibid. VIII, 2.
[115] Luc. XII, 49.
[116] Orig. In Levit. Hom. 9.
[117] Johan. XIII, 15.
[118] Ibid. XIII, 34 ; XV, 12.
[119] Ibid XIII, 35.
[120] Tacit. Ann. XV.
[121] Eph. VI, 16.
[122] Matth. V, 23-24.
[123] Gemma anim. IV, 45-46.
[124] De div. Off. XII, 2.
[125] Luc. XIV, 1.
[126] Matth. XXII, 1-14.
[127] Isai. 11, 2.
[128] Prov. IX, 1.
[129] Cant. I, 13.
[130] Prov. IX, 2.
[131] Eccli. XXIV, 13.
[132] Luc. XI, 49.
[133] Deut. XXXII, 15-16.
[134] Isai. I, 1.
[135] Matth. XXIII, 34-37.
[136] Ibid. X, 6 ; Act. XIII, 46.
[137] Hom. 69 in Matth.
[138] Luc. XIX, 44.
[139] Matth. XXII, 8-14.
[140] Rom. XV, 9.
[141] Hom 69 in Matth.
[142] « L’espérance n’est point trompeuse », Rom. 5, 5.
[143] « ceux que vous établissez dans la solidité de votre amour ».