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5ème dimanche après la Pentecôte

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Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  
  Dom Lefebvre, Missel Quotidien  

La confiance en Dieu au milieu des luttes et des souffrances de cette vie, est la pensée qui domine toute la liturgie de ce jour. Elle ressort de la lecture de l’histoire de David dans le Bréviaire ainsi que d’un épisode de la vie de S. Pierre dont la fête est proche, car ce sont ces deux éléments très divers qui ont inspiré le choix des différentes pièces de la messe.

Textes de la Messe

Dominica Quinta post Pentecosten
5ème dimanche après la Pentecôte
II Classis (ante CR 1960 : semiduplex)
2ème Classe (avant 1960 : semidouble)
Ant. ad Introitum. Ps. 26, 7 et 9.Introït
Exáudi, Dómine, vocem meam, qua clamávi ad te : adiútor meus esto, ne derelínquas me neque despícias me, Deus, salutáris meus.Exaucez, Seigneur, ma voix qui a crié vers vous : soyez mon aide, ne m’abandonnez pas, et ne me méprisez pas, ô Dieu, qui opérez mon Salut.
Ps. ibid., 1.
Dóminus illuminátio mea et salus mea, quem timébo ?Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrais-je ?
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Deus, qui diligéntibus te bona invisibília præparásti : infúnde córdibus nostris tui amóris afféctum ; ut te in ómnibus et super ómnia diligéntes, promissiónes tuas, quæ omne desidérium súperant, consequámur. Per Dóminum.Dieu, vous avez préparé des biens invisibles à ceux qui vous aiment : répandez dans nos cœurs le sentiment de votre amour ; afin que, vous aimant en toutes choses et par dessus toutes choses, nous obtenions un jour ces biens que vous nous avez promis et qui surpassent tous nos désirs.
Léctio Epístolæ beáti Petri Apóstoli.Lecture de l’Épître du Bienheureux Apôtre Pierre.
I Petri 3, 8-15.
Caríssimi : Omnes unánimes in oratióne estóte, compatiéntes, fraternitátis amatóres, misericórdes, modésti, húmiles : non reddéntes malum pro malo, nec maledíctum pro maledícto, sed e contrário benedicéntes : quia in hoc vocáti estis, ut benedictiónem hereditáte possideátis. Qui enim vult vitam dilígere et dies vidére bonos, coérceat linguam suam a malo, et lábia eius ne loquántur dolum. Declínet a malo, et fáciat bonum : inquírat pacem, et sequátur eam. Quia óculi Dómini super iustos, et aures eius in preces eórum : vultus autem Dómini super faciéntes mala. Et quis est, qui vobis nóceat, si boni æmulatóres fuéritis ? Sed et si quid patímini propter iustítiam, beáti. Timórem autem eórum ne timuéritis : et non conturbémini. Dóminum autem Christum sanctificáte in córdibus vestris.Mes bien-aimés : soyez tous unis dans la prière, compatissants, vous aimant en frères, miséricordieux, modestes, humbles : ne rendant point mal pour mal, ni malédiction pour malédiction ; mais au contraire, bénissant parce que c’est à cela que vous avez été appelés, afin de posséder la bénédiction en héritage. Que celui donc qui veut aimer la vie, et voir des jours bons, défende la langue du mal, et que ses lèvres ne profèrent point les paroles de tromperie. Qu’il se détourne du mal et fasse le bien ; qu’il cherche la paix et la poursuive ; parce que les yeux du Seigneur sont sur les justes, et ses oreilles à leurs prières ; mais la face du Seigneur est sur ceux qui font le mal. Et qui est-ce qui vous nuira, si vous avez le zèle du bien ? Et si même vous souffrez pour la justice, vous serez bienheureux. N’ayez donc aucune crainte d’eux : et ne vous en troublez point. Mais glorifiez dans vos cœurs la sainteté du Seigneur Jésus-Christ [1].
Graduale. Ps. 83, 10 et 9.Graduel
Protéctor noster, áspice, Deus, et réspice super servos tuos.O Dieu, notre protecteur, considérez et jetez un regard sur vos serviteurs.
V/. Dómine, Deus virtútum, exáudi preces servórum tuórum.Seigneur, Dieu des armées, exaucez les prières de vos serviteurs.
Allelúia, allelúia. Ps. 20, IAlléluia, alleluia.
V/. Dómine, in virtúte tua lætábitur rex : et super salutáre tuum exsultábit veheménter. Allelúia. V/. Seigneur, le roi se réjouira dans votre force : et il tressaillira d’une vive allégresse parce que vous l’aurez sauvé. Alléluia.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Matthǽum.Suite du Saint Évangile selon saint Mathieu.
Matth. 5, 20-24.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Nisi abundáverit iustítia vestra plus quam scribárum et pharisæórum, non intrábitis in regnum cælórum. Audístis, quia dic tum est antíquis : Non occídes : qui autem occídent, re us erit iudício. Ego autem dico vobis : quia omnis, qu iráscitur fratri suo, reus erit iudício. Qui autem díxerit fratri suo, raca : reus erit concílio. Qui autem díxerit, fatue : reus erit gehénnæ ignis Si ergo offers munus tuum ad altáre, et ibi recordátus fúeris, quia frater tuus habet áliquid advérsum te : relínque ibi munus tuum ante altáre et vade prius reconciliári fratri tuo : et tunc véniens ófferes munus tuum.En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : si votre justice ne surpasse celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne tueras point ; mais qui tuera sera justiciable du tribunal. Et moi, je vous dis : Quiconque se met en colère contre son frère [à la légère] sera justiciable du tribunal ; et qui dira à son frère : Raca ! sera justiciable du Sanhédrin ; et qui lui dira : Fou ! sera justiciable pour la géhenne du feu. Si donc tu viens présenter ton offrande à l’autel et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; et alors viens présenter ton offrande.
Credo
Ant. ad Offertorium. Ps. 15, 7 et 8.Offertoire
Benedícam Dóminum, qui tríbuit mihi intelléctum : providébam Deum in conspéctu meo semper : quóniam a dextris est mihi, ne commóvear.Je bénirai le Seigneur qui m’a donné l’intelligence : je prenais soin d’avoir toujours le Seigneur devant mes yeux : car il est à ma droite, pour que je ne sois pas ébranlé.
Secreta.Secrète
Propitiáre, Dómine, supplicatiónibus nostris : et has oblatiónes famulórum famularúmque tuárum benígnus assúme ; ut, quod sínguli obtulérunt ad honórem nóminis tui, cunctis profíciat ad salútem. Per Dóminum.Laissez-vous fléchir, Seigneur, par nos supplications : et recevez avec bonté ces offrandes de vos serviteurs et de vos servantes ; afin que, ce que chacun a offert en l’honneur de votre nom, profite à tous pour le salut.
Praefatio de sanctissima Trinitate ; non vero in feriis, quando adhibetur Missa huius dominicæ, sed tunc dicitur praefatio communis. Préface de la Sainte Trinité  ; mais les jours de Féries, où l’on reprend la Messe de ce Dimanche, on dit la Préface Commune .
Ant. ad Communionem. Ps. 26, 4.Communion
Unam pétii a Dómino, hanc requíram : ut inhábitem in domo Dómini ómnibus diébus vitæ meæ.Il est une chose que j’ai demandé au Seigneur, et je la rechercherai uniquement : c’est d’habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie.
Postcommunio.Postcommunion
Quos cælésti, Dómine, dono satiásti : præsta, quǽsumus ; ut a nostris mundémur occúltis et ab hóstium liberémur insídiis. Per Dóminum nostrum.Accordez, nous vous en prions, à ceux que vous avez rassasiés du don céleste, que nous soyons purifiés de nos fautes cachées, et délivrés des embûches de nos ennemis.

Office

AUX PREMIÈRES VÊPRES.

Psaumes, capitule et hymne : 1ères Vêpres du Dimanche per annum

V/. Vespertína orátio ascéndat ad te, Dómine. V/. Que la prière du soir s’élève vers vous, Seigneur.
R/. Et descéndat super nos misericórdia tua. R/. Et que votre miséricorde descende sur nous.
Ad Magnificat Ant. Montes Gelboë, * nec ros nec plúvia véniant super vos : quia in te abiéctus est clýpeus fórtium, clýpeus Saul, quasi non esset unctus óleo. Quómodo cecidérunt fortes in bello ? Iónathas in excélsis interféctus est : Saul et Iónathas, amábiles et decóri valde in vita sua, in morte quoque non sunt divísi. Ant. au Magnificat Montagnes de Gelboé, * que ni pluie, ni rosée ne viennent sur vous : parce que là a été jeté un bouclier de forts, le bouclier de Saul, comme s’il n’avait pas été oint avec l’huile. Comment des forts sont-ils tombés dans la bataille ? Jonathas a été tué sur tes hauteurs. Saül et Jonathas, aimables et beaux dans leur vie, même à la mort n’ont pas été séparés [2].
Magnificat
OratioPrière
Deus, qui diligéntibus te bona invisibília præparásti : infúnde córdibus nostris tui amóris afféctum ; ut te in ómnibus et super ómnia diligéntes, promissiónes tuas, quæ omne desidérium súperant, consequámur. Per Dóminum.Dieu, vous avez préparé des biens invisibles à ceux qui vous aiment : répandez dans nos cœurs le sentiment de votre amour ; afin que, vous aimant en toutes choses et par dessus toutes choses, nous obtenions un jour ces biens que vous nous avez promis et qui surpassent tous nos désirs.

A MATINES

1er Nocturne

Introduction des Matines et psaumes du 1er nocturne du Dimanche per annum en été

Lectio i1ère leçon
Incipit liber secúndus Regum.Commencement du second livre des Rois.
Cap. 1, 1-5.
Factum est autem, postquam mórtuus est Saul, ut David reverterétur a cæde Amalec et manéret in Síceleg duos dies. In die autem tértia appáruit homo véniens de castris Saul veste conscíssa et púlvere conspérsus caput et, ut venit ad David, cécidit super fáciem suam et adorávit. Dixítque ad eum David : Unde venis ? Qui ait ad eum : De castris Israël fugi. Et dixit ad eum David : Quod est verbum quod factum est ? Indica mihi. Qui ait : Fugit pópulus ex prǽlio, et multi corruéntes e pópulo mórtui sunt ; sed et Saul et Iónathas fílius eius interiérunt.Or, il arriva, après que Saül fut mort, que David revint de la défaite d’Amalec et qu’il demeura à Siceleg pendant deux jours. Mais au troisième jour il parut un homme, venant du camp de Saül, le vêtement déchiré et la tête couverte de poussière ; et dès qu’il arriva auprès de David, il tomba sur sa face et se prosterna. Et David lui demanda : D’où viens-tu ? Celui-ci répondit : Je me suis échappé du camp d’Israël. David demanda encore : Qu’est ce qui a été fait ? Apprends-le-moi. Il répondit : Le peuple s’est enfui de la bataille, et beaucoup d’entre le peuple, ayant succombé, sont morts ; et Saül même et Jonathas son fils ont péri.
R/. Præparáte corda vestra Dómino, et servíte illi soli : * Et liberábit vos de mánibus inimicórum vestrórum.R/. Préparez vos cœurs pour le Seigneur et ne servez que lui seul [3] : * Et il vous délivrera de la main de vos ennemis.
V/. Convertímini ad eum in toto corde vestro, et auférte deos aliénos de médio vestri.V/. Convertissez-vous au Seigneur de tout votre cœur, et ôtez d’au milieu de vous les dieux étrangers.
* Et liberábit vos de mánibus inimicórum vestrórum. * Et il vous délivrera de la main de vos ennemis.
Lectio ii2e leçon
Cap. 1, 6-10.
Dixítque David ad adolescéntem qui nuntiábat ei : Unde scis quia mórtuus est Saul et Iónathas fílius eius ? Et ait adoléscens qui nuntiábat ei : Casu veni in montem Gélboë, et Saul incumbébat super hastam suam. Porro currus et équites appropinquábant ei, et convérsus post tergum suum vidénsque me vocávit ; cui cum respondíssem : Adsum, dixit mihi : Quisnam es tu ? Et aio ad eum : Amalecítes ego sum. Et locútus est mihi : Sta super me et intérfice me, quóniam tenent me angústiæ, et adhuc tota ánima mea in me est. Stansque super eum occídi illum, sciébam enim quod vívere non póterat post ruínam ; et tuli diadéma, quod erat in cápite eius et armíllam de bráchio illíus et áttuli ad te dóminum meum huc.Et David dit au jeune homme qui lui apportait la nouvelle : D’où sais-tu que Saül est mort, et Jonathas son fils ? Et le jeune homme qui lui apportait la nouvelle lui répondit : Je suis venu par hasard sur la montagne de Gelboé, et Saül était appuyé sur sa lance ; or, les chariots et les cavaliers s’avançaient vers lui, et s’étant retourné, et me voyant, il m’a appelé. Et quand je lui eus répondu : Me voici, il me demanda : Qui es-tu ? Et je lui répondis : Je suis Amalécite. Alors il me dit : Jette-toi sur moi, et tue-moi, parce que je suis en proie aux angoisses, et que toute mon âme est encore en moi. Me jetant donc sur lui, je le tuai ; car je savais qu’il ne pouvait pas vivre après son désastre ; alors je pris le diadème qui était sur sa tête, et le bracelet de son bras, et je les apportai ici à vous, mon seigneur [4].
R/. Deus ómnium exaudítor est : ipse misit Angelum suum, et tulit me de óvibus patris mei [5] ; * Et unxit me unctióne misericórdiæ suæ.R/. C’est le Seigneur qui exauce les prières de tous, lui-même a envoyé son Ange et m’a retiré du milieu des brebis de mon père ; * Et il m’a oint de l’onction de sa miséricorde.
V/. Dóminus, qui erípuit me de ore leónis, et de manu béstiæ liberávit me.V/. C’est le Seigneur qui m’a arraché de la gueule du lion, et des griffes de la bête féroce [6].
* Et unxit me unctióne misericórdiæ suæ. * Et il m’a oint de l’onction de sa miséricorde.
Lectio iii3e leçon
Cap. 1, 11-15.
Apprehéndens autem David vestiménta sua scidit, omnésque viri, qui erant cum eo, et planxérunt et flevérunt et ieiunavérunt usque ad vésperam super Saul et super Iónathan fílium eius et super pópulum Dómini et super domum Israël, eo quod corruíssent gládio. Dixítque David ad iúvenem qui nuntiáverat ei : Unde es tu ? Qui respóndit : Fílius hóminis ádvenæ Amalecítæ ego sum. Et ait ad eum David : Quare non timuísti míttere manum tuam, ut occíderes christum Dómini ? Vocánsque David unum de púeris suis ait : Accédens írrue in eum. Qui percússit illum, et mórtuus est.Mais David, prenant ses vêtements, les déchira ; aussi tous les hommes qui étaient avec lui. Et ils furent dans le deuil, et ils pleurèrent, et ils jeûnèrent jusqu’au soir, au sujet de Saül, de Jonathas, son fils, du peuple du Seigneur et de la maison d’Israël, parce qu’ils avaient succombé au glaive. Et David dit au jeune homme qui lui avait apporté la nouvelle : D’où es-tu ? Il répondit : Je suis fils d’un étranger, d’un Amalécite. Et David lui dit : Pourquoi n’as-tu pas craint de lever ta main, pour tuer le christ du Seigneur ? Et David appelant un de ses serviteurs, dit : Approche-toi, jette-toi sur lui. Le serviteur le frappa, et il mourut.
R/. Dóminus, qui erípuit me de ore leónis, et de manu béstiæ liberávit me, * Ipse me erípiet de mánibus inimicórum meórum.R/. Le Seigneur qui m’a arraché de la gueule du lion, et délivré des griffes de la bête féroce [7], * Lui-même m’arrachera aux mains de mes ennemis.
V/. Misit Deus misericórdiam suam et veritátem suam : ánimam meam erípuit de médio catulórum leónum.V/. Dieu a envoyé sa miséricorde et sa vérité, et il a arraché mon âme du milieu des petits des lions [8].
* Ipse me erípiet de mánibus inimicórum meórum. Glória Patri. * Ipse me erípiet de mánibus inimicórum meórum.* Lui-même m’arrachera aux mains de mes ennemis. Gloire au Père. * Lui-même m’arrachera aux mains de mes ennemis.

2nd Nocturne

Psaumes du 2nd nocturne du Dimanche per annum

Lectio iv4e leçon
Ex libro Morálium sancti Gregórii Papæ.Du livre des Morales, de saint Grégoire, Pape.
Lib. 4, cap. 3 et 4
Quid est quod David, qui retribuéntibus sibi mala non réddidit, cum Saul et Iónathas bello occúmberent, Gélboë móntibus maledíxit, dicens : Montes Gélboë, nec ros nec plúvia véniant super vos : neque sint agri primitiárum : quia ibi abiéctus est clýpeus fórtius, clýpeus Saul, quasi non esset unctus óleo ? Quid est quod Ieremías, cum prædicatiónem suam cérneret audiéntium difficultáte præpedíri, maledíxit dicens : Maledíctus vir, qui annuntiávit patri meo, dicens : Natus est tibi puer másculus ?Pourquoi David, qui n’a pas même rendu le mal pour le mal, apprenant que Saül et Jonathas avaient succombé dans le combat, proféra-t-il contre les montagnes de Gelboé ces paroles de malédiction : « Montagnes de Gelboé, que ni pluie ni rosée ne viennent sur vous : qu’il n’y ait point de champs de prémices, parce que là a été jeté un bouclier de forts, le bouclier de Saül, comme s’il n’avait pas été oint avec l’huile ? [9] » Et pourquoi Jérémie, voyant sa prédication se heurter aux mauvaises dispositions des auditeurs, laissa-t-il échapper cette imprécation : « Maudit l’homme qui a annoncé (ma naissance) à mon père, disant : Un enfant mâle t’est né ? [10] »
R/. Percússit Saul mille, et Davíd decem míllia : * Quia manus Dómini erat cum illo ; percússit Philisthǽum, ct ábstulit oppróbrium ex Israel.R/. Saül en a tué mille et David dix mille [11] : * Car la main du Seigneur était avec lui ; il a frappé le Philistin, et enlevé l’opprobre d’Israël [12].
V/. Nonne iste est David, de quo canébant in choro, dicéntes : Saul percússit mille, et David decem millia ?V/. Celui-ci n’est-il pas David pour lequel on chantait dans les chœurs, en disant : Saül en a tué mille et David dix mille [13] ?
* Quia manus Dómini erat cum illo ; percússit Philisthǽum, ct ábstulit oppróbrium ex Israel. * Car la main du Seigneur était avec lui ; il a frappé le Philistin, et enlevé l’opprobre d’Israël.
Lectio v5e leçon
Quid ergo montes Gélboë, Saul moriénte, deliquérunt, quátenus in eos nec ros nec plúvia cáderet et ab omni eos viriditátis gérmine senténtiæ sermo siccáret ? Sed quia Gélboë interpretátur decúrsus, per Saul autem unctum et mórtuum mors nostri mediatóris exprímitur ; non immérito per Gélboë montes supérba Iudæórum corda signántur, quæ dum in huius mundi desidériis défluunt, in Christi, id est, uncti se morte miscuérunt : et quia in eis unctus rex corporáliter móritur, ipsi ab omni grátiæ rore siccántur.En quoi les collines de Gelboé ont-elles donc été coupables de la mort de Saül, pour que, ne recevant plus ni rosée ni pluie, toute leur verdoyante végétation devienne aridité, conformément au souhait de malheur ? Mais Gelboé signifiant cours d’eau, et Saül, que l’onction n’empêche point de mourir, étant la figure de notre Médiateur en son trépas, les monts de Gelboé ne représentent pas mal ces Juifs aux cœurs superbes, qui, s’écoulant en un flux de convoitises terrestres, sont venus se mêler à la mort du Christ, l’Oint par excellence. Le Roi, l’Oint véritable, a perdu la vie du corps au milieu d’eux ; et c’est pour cela que, privés de toute rosée de grâce, ils sont dans la stérilité.
R/. Montes Gélboë, nec ros nec plúvia véniant super vos, * Ubi cecidérunt fortes Israël.R/. Montagnes de Gelboé, que ni pluie ni rosée ne viennent sur vous [14], * Où les forts d’Israël sont tombés.
V/. Omnes montes, qui estis in circúitu eius, vísitet Dóminus ; a Gélboë autem tránseat.V/. Que le Seigneur visite toutes les montagnes qui sont alentour, mais qu’il passe loin de Gelboé.
* Ubi cecidérunt fortes Israël. * Où les forts d’Israël sont tombés.
Lectio vi6e leçon
De quibus et bene dícitur, ut agri primitiárum esse non possint. Supérbæ quippe Hebræórum mentes primitívos fructus non ferunt : quia in Redemptóris advéntu ex parte máxima in perfídia remanéntes, primórdia fídei sequi noluérunt. Sancta namque Ecclésia in primítiis suis multitúdine Géntium fœcundáta, vix in mundi fine Iudǽos quos invénerit, súscipit, et extréma cólligens, eos quasi relíquias frugum ponit.C’est d’eux qu’on a raison de dire qu’ils ne sauraient plus être des terres de prémices. Et de fait, ces âmes superbes ne donnent pas de fruits nouveaux, étant demeurées dans l’infidélité à la venue du Rédempteur, et n’ayant pas voulu suivre les premiers enseignements de la foi. Et tandis que la sainte Église, dès le début, s’est montrée précocement féconde par la multitude des Nations qu’elle a engendrées, c’est à peine si, dans les derniers temps, elle recueillera quelques Juifs qu’elle pourra trouver encore, les ramassant comme une tardive récolte et les servant comme des fruits d’arrière-saison.
R/. Ego te tuli de domo patris tui, dicit Dóminus, et pósui te páscere gregem pópuli mei : * Et fui tecum in ómnibus, ubicúmque ambulásti, firmans regnum tuum in ætérnum.R/. C’est moi qui t’ai tiré de la maison de ton père, dit le Seigneur, et t’ai établi pour pasteur du troupeau de mon peuple [15] : * Et j’ai été avec toi dans tous les lieux où tu as marché, affermissant ton royaume pour toujours.
V/. Fecíque tibi nomen grande, iuxta nomen magnórum, qui sunt in terra : et réquiem dedi tibi ab ómnibus inimícis tuis.V/. J’ai rendu ton nom grand comme le nom des grands qui sont sur la terre et je t’ai donné le repos du côté de tous tes ennemis.
* Et fui tecum in ómnibus, ubicúmque ambulásti, firmans regnum tuum in ætérnum. Glória Patri. * Et fui tecum in ómnibus, ubicúmque ambulásti, firmans regnum tuum in ætérnum.* Et j’ai été avec toi dans tous les lieux où tu as marché, affermissant ton royaume pour toujours. Gloire au Père. * Et j’ai été avec toi dans tous les lieux où tu as marché, affermissant ton royaume pour toujours.

3ème Nocturne

Psaumes du 3ème nocturne du Dimanche per annum

Lectio vii7e leçon
Léctio sancti Evangélii secundum Matthǽum.Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu.
Cap. 5, 20-24.
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Nisi abundáverit iustítia vestra plus quam scribárum et pharisæórum, non intrábitis in regnum cælórum. Et réliqua.En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples : si votre justice ne surpasse celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. Et le reste.
Homilía sancti Augustíni Epíscopi.Homélie de saint Augustin, Évêque.
Liber 1 de Sermone Domini in monte, cap. 9
Iustítia pharisæórum est, ut non occídant : iustítia eórum, qui intratúri sunt in regnum cælórum, ut non irascántur sine causa. Mínimum est ergo, non occídere ; et qui illud sólverit, mínimus vocábitur in regno cælórum. Qui autem illud impléverit, ut non occídat, non contínuo magnus erit, et idóneus regno cælórum ; sed tamen ascéndit áliquem gradum : perficiétur autem, si nec irascátur sine causa ; quod si perfécerit, multo remótior erit ab homicídio. Quaprópter qui docet ut non irascámur, non solvit legem ne occidámus, et in corde, dum non iráscimur, innocéntiam custodiámus.La justice des Pharisiens consistait à ne pas tuer ; la justice de ceux qui doivent entrer dans le royaume des cieux est de ne point se fâcher sans raison. C’est donc peu de chose que de ne pas tuer ; et celui qui aura violé ce commandement sera appelé très petit dans le royaume des cieux ; mais celui qui l’aura observé, en ne se rendant point coupable d’homicide, ne sera pas pour cela réputé grand devant Dieu et digne du royaume des cieux, quoiqu’il soit déjà monté d’un degré ; il se perfectionnera s’il ne se met pas non plus en colère sans sujet ; et s’il se perfectionne, il sera beaucoup plus éloigné de l’homicide. C’est pourquoi le législateur qui nous défend de nous mettre en colère, ne détruit nullement la loi, nous interdisant de tuer ; mais il la complète plutôt, afin que nous gardions l’innocence, et extérieurement, en ne tuant point, et au fond de notre cœur, en ne nous mettant pas en colère.
R/. Peccávi super númerum arénae maris, et multiplicáta sunt peccáta mea ; et non sum dignus vidére altitúdinem cæli præ multitúdine iniquitátis meæ : quóniam irritávi iram tuam, * Et malum coram te feci.R/. J’ai péché, et mes péchés se sont multipliés au-dessus du nombre du sable de la mer, et à cause de la multitude de mon iniquité je ne suis pas digne de regarder en haut le ciel : parce que j’ai excité votre colère [16], * Et commis le mal en votre présence.
V/. Quóniam iniquitátem meam ego cognósco : et delíctum meum contra me est semper, quia tibi soli peccávi.V/. Parce que je connais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi, car j’ai péché contre vous seul [17].
* Et malum coram te feci. * Et commis le mal en votre présence.
Lectio viii8e leçon
Gradus ítaque sunt in istis peccátis : ut primo quisque irascátur, et eum motum retíneat corde concéptum. Iam si extórserit vocem indignántis ipsa commótio, non significántem áliquid, sed illum ánimi motum ipsa eruptióne testántem, qua feriátur ille, cui iráscitur ; plus est útique, quam si surgens ira siléntio premerétur. Si vero non solum vox indignántis audiátur, sed étiam verbum, quo iam certam eius vituperatiónem, in quem profértur, desígnet et notet ; quis dúbitet, ámplius hoc esse, quam si solus indignatiónis sonus ederétur ?Dans ces péchés de colère, il y a aussi des degrés. Au premier, l’on s’irrite, mais en retenant dans son cœur l’émotion conçue. Si le trouble ressenti arrache à celui qui éprouve de l’indignation un jet de voix, ne signifiant rien par lui-même mais attestant cette émotion d’âme, par l’exclamation même qui échappe à l’homme irrité : la faute est plus grande assurément que si la colère naissante était silencieusement comprimée. Fait-on entendre non seulement un cri d’indignation, mais encore une parole, marquant et rendant notoire le blâme que l’on inflige à celui contre lequel s’élève notre colère, qui pourra douter que ce ne soit là un péché plus grave que de manifester par le seul son de sa voix, son mécontentement ?
Répons [18]
R/. Duo Séraphim clamábant alter ad álterum : * Sanctus, sanctus, sanctus Dóminus Deus Sábaoth : * Plena est omnis terra glória eius.R/. Deux Séraphins se criaient l’un à l’autre [19] : * Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées : * Toute la terre est pleine de sa gloire.
V/. Tres sunt qui testimónium dant in cælo : Pater, Verbum, et Spíritus Sanctus : et hi tres unum sunt.V/. Ils sont trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit-Saint ; et ces trois sont une seule chose [20].
* Sanctus, sanctus, sanctus Dóminus Deus Sábaoth : Glória Patri. * Plena est omnis terra glória eius.* Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées : Gloire au Père. * Toute la terre est pleine de sa gloire.
Lectio ix9e leçon
Vide nunc étiam tres reátus, iudícii, concílii, et gehénnæ ignis. Nam in iudício adhuc defensióni datur locus. In concílio autem, quamquam et iudícium esse sóleat, tamen quia interésse áliquid hoc loco fatéri cogit ipsa distínctio, vidétur ad concílium pertinére senténtiæ prolátio ; quando non iam cum ipso reo ágitur, utrum damnándus sit ; sed inter se, qui iúdicant, cónferunt quo supplício damnári opórteat, quem constat esse damnándum. Gehénna vero ignis, nec damnatiónem habet dúbiam, sicut iudícium, nec damnáti pœnam, sicut concílium : in gehénna quippe ignis, certa est damnátio, et pœna damnáti.Remarquez à présent trois degrés aussi dans l’instruction et la solution de la cause : jugement, conseil, géhenne du feu. En la séance de jugement, il y a encore place pour la défense. Le conseil se confond d’ordinaire avec le jugement ; cependant, parce que la distinction même que nous établissons nous oblige à reconnaître ici quelque différence entre ces deux degrés, il nous semble que la promulgation de la sentence appartient au conseil ; car alors, il ne s’agit plus d’examiner si le coupable doit être condamné ; mais les juges délibèrent entre eux sur le supplice à infliger à celui qui mérite certainement la condamnation. Dans la géhenne du feu, il n’y a plus de doute quant à la condamnation, comme dans le jugement, ni d’incertitude quant à la peine du condamné, comme dans le conseil ; car dans le feu de l’enfer, certaine est la condamnation et fixée la peine du coupable.
Te Deum

A LAUDES.

Psaumes, capitule et hymne : Laudes du Dimanche per annum en été

V/. Dóminus regnávit, decórem índuit. V/. Le Seigneur a régné, il revêt la beauté [21].
R/. Induit Dóminus fortitúdinem, et præcínxit se virtúte. R/. Le Seigneur se revêt de force, il s’est ceint de puissance [22].
Ad Bened. Ant. Audístis * quia dictum est antíquis : Non occídes ; qui autem occíderit, reus erit iudício. Ant. au Benedictus Vous avez entendu * qu’il a été dit aux anciens : Tu ne tueras point ; car celui qui tuera sera soumis au jugement.
Benedictus
OratioPrière
Deus, qui diligéntibus te bona invisibília præparásti : infúnde córdibus nostris tui amóris afféctum ; ut te in ómnibus et super ómnia diligéntes, promissiónes tuas, quæ omne desidérium súperant, consequámur. Per Dóminum.Dieu, vous avez préparé des biens invisibles à ceux qui vous aiment : répandez dans nos cœurs le sentiment de votre amour ; afin que, vous aimant en toutes choses et par dessus toutes choses, nous obtenions un jour ces biens que vous nous avez promis et qui surpassent tous nos désirs.

AUX DEUXIÈMES VÊPRES.

Psaumes, capitule et hymne : Vêpres du Dimanche per annum

V/. Dirigátur, Dómine, orátio mea. V/. Que ma prière soit dirigée, Seigneur [23].
R/. Sicut incénsum in conspéctu tuo. R/. Comme un encens en votre présence.
Ad Magnificat Ant. Si offers * munus tuum ad altáre et recordátus fúeris quia frater tuus habet áliquid advérsus te, relínque ibi munus tuum ante altáre et vade prius reconciliári fratri tuo, et tunc véniens ófferes munus tuum, allelúia. Ant. au Magnificat Si tu présentes * ton offrande à l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère, et alors, revenant, tu présenteras ton offrande, alléluia.
Magnificat
OratioPrière
Deus, qui diligéntibus te bona invisibília præparásti : infúnde córdibus nostris tui amóris afféctum ; ut te in ómnibus et super ómnia diligéntes, promissiónes tuas, quæ omne desidérium súperant, consequámur. Per Dóminum.Dieu, vous avez préparé des biens invisibles à ceux qui vous aiment : répandez dans nos cœurs le sentiment de votre amour ; afin que, vous aimant en toutes choses et par dessus toutes choses, nous obtenions un jour ces biens que vous nous avez promis et qui surpassent tous nos désirs.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Ce Dimanche est le cinquième de saint Matthieu pour les Grecs ; il était connu chez les Latins sous le nom de Dimanche de la Pêche, avant que l’Église eût transféré au Dimanche précédent l’Évangile d’où lui était venue cette dénomination. La semaine qu’il commence est désignée comme première après la fête des Apôtres ou de saint Pierre en d’anciens lectionnaires, en d’autres comme deuxième ou troisième après la même fête ; ces divergences et d’autres semblables, qu’il n’est pas rare de rencontrer dans les livres liturgiques du moyen âge, tiennent à la date plus ou moins tardive de la Pâque dans les années où furent dressés ces documents.

L’Église a commencé cette nuit la lecture du second livre des Rois, qui débute par le récit de la fin malheureuse de Saül et l’avènement de David au trône d’Israël. L’exaltation du fils de Jessé marque le point culminant de la vie prophétique de l’ancien peuple ; en lui Dieu trouvait son serviteur fidèle [24], et il allait le montrer au monde comme la plus complète figure du Messie à venir. Un serment divin garantissait au nouveau roi l’avenir de sa race ; son trône devait être éternel [25] : car il devait devenir un jour le trône de celui qui serait appelé le Fils du Très-Haut, sans cesser d’avoir David pour père [26].

Mais au moment où la tribu de Juda acclamait dans Hébron l’élu du Seigneur, les circonstances n’étaient pas toutes, il s’en faut, à l’allégresse et à l’espoir. L’Église, hier à Vêpres, empruntait une des plus belles Antiennes de sa Liturgie au chant funèbre inspiré à David par la vue de ce diadème ramassé dans la poussière ensanglantée du champ de bataille où venaient de succomber les princes d’Israël : « Montagnes de Gelboé, que la rosée ni la pluie ne descendent point sur vous ; car c’est là qu’est tombé le bouclier des forts, le bouclier de Saül, comme si l’huile sainte n’eût point marqué son front. Comment, dans le combat, sont-ils tombés les forts ? Jonathas a été tué sur les hauteurs ; Saül et Jonathas, aimables et beaux durant leur vie, n’ont point non plus été divisés dans la mort. »

Inspirée par le voisinage de la solennité des Apôtres, au 29 juin, et du jour où l’Office du Temps ramène chaque année cette Antienne, l’Église en applique les derniers mots à saint Pierre et à saint Paul durant l’Octave de leur fête : « Glorieux princes de la terre, ils s’étaient aimés pendant leur vie, s’écrie-t-elle ; ils n’ont point davantage été séparés dans la mort [27] ! » Comme le peuple hébreu à cette époque de son histoire, plus d’une fois l’armée chrétienne n’a salué l’avènement de ses chefs que sur une terre humide du sang de leurs prédécesseurs.

A LA MESSE.

De même que Dimanche dernier, l’Église semble s’être plue à rattacher aux lectures de la nuit l’entrée du Sacrifice. L’Introït est tiré en effet du Psaume XXVI, composé par David à l’occasion de son couronnement dans Hébron. Il exprime l’humble et confiante supplication de celui à qui tout fait défaut ici-bas, mais dont le Seigneur est la lumière et la force. Dans les circonstances que nous avons rappelées, il ne fallait rien moins qu’une foi aveugle aux promesses divines pour soutenir le courage de l’ancien berger de Bethléhem et de la nation qui devenait son peuple. Mais comprenons en même temps que la royauté du fils de Jessé et de sa descendance, dans l’ancienne Jérusalem, représente pour l’Église une royauté plus sublime, une dynastie plus haute, qui sont la royauté du Christ et la succession des Pontifes.

Les biens promis à David comme récompense de ses combats n’étaient qu’une faible image de ceux qui attendent dans la patrie les vainqueurs du démon, du monde et de la chair. Rois pour jamais, ils goûteront sur leurs trônes la plénitude de ces délices enivrantes et glorieuses, dont l’Époux laisse parfois tomber quelques gouttes ici-bas sur les âmes fidèles. Aimons donc celui qui récompense ainsi l’amour ; et comme de nous-mêmes nous ne pouvons rien, demandons par l’Époux à l’auteur de tout don excellent [28] la perfection de la divine charité.

ÉPÎTRE.

L’Évangile nous faisait assister, il y a huit jours, au travail apostolique amenant du sein des eaux les pierres vivantes dont le Christ Jésus bâtit son Église. Aujourd’hui c’est le chef de la pêche mystérieuse, Simon fils de Jean, qui, prenant la parole dans notre Épître, s’adresse aux éléments divers qui doivent former la cité sainte, matériaux sacrés rassemblés du fond des abîmes pour resplendir désormais comme autant de perles brillantes à l’admirable lumière du Sauveur des saints [29]. Le Fils de Dieu, en effet, n’est point venu des cieux dans un autre but que de fonder sur terre une ville merveilleuse où Dieu lui-même pût habiter dignement [30], que d’élever à son Père un temple incomparable où la louange et l’amour, s’exhalant sans fin des pierres mêmes qui composeraient ses murs, désignassent noblement l’enceinte du grand Sacrifice [31]. Lui-même s’est fait le fondement de l’édifice trois fois saint où doit brûler l’holocauste éternel [32] ; et cette qualité de fondement du nouveau temple, il l’a communiquée à Simon son vicaire [33], voulant que ce titre de Pierre, devenu le nom unique de son représentant ici-bas, rappelât jusqu’au dernier jour à tous les siens l’unique but de ses divins travaux. Écoutons avec une reconnaissance respectueuse, de la bouche même du vicaire de l’Homme-Dieu, les avis pratiques qui découlent pour nous de cette grande vérité ; et suivons pieusement la sainte Église qui, en cette saison dominée sur le Cycle sacré par l’astre radieux du prince des Apôtres, ramène sans cesse ses fils vers le pasteur et l’évêque de leurs âmes [34].

L’union d’une vraie charité, la concorde et la paix à maintenir à tout prix comme condition de leur félicité présente et future : tel est l’objet des recommandations adressées par Simon devenu Pierre à ces autres pierres choisies qui s’appuient sur lui, et forment les assises du temple élevé par le Fils de l’homme à la gloire du Très-Haut. La solidité et la durée des palais de la terre eux-mêmes ne dépendent-elles pas, en effet, de l’union plus ou moins persistante et intime des matériaux qui les composent ? C’est l’union encore qui fait la force et la splendeur des mondes ; vienne à cesser l’attraction mutuelle qui harmonise leurs mouvements dans un vaste concert, vienne à se briser pour chacun d’eux la cohésion qui lie leurs atomes, et l’univers ne sera plus qu’une poussière ténébreuse, impalpable et sans nom. Le Créateur a fait régner dans les célestes sphères une concorde admirable [35], et lui-même il s’écrie : « Qui donc endormira le concert des cieux [36] ? » Et cependant, de même que la terre périra dans sa forme présente, les cieux aussi passeront comme un vêtement usé [37]. Quel sera donc l’élément de stabilité, le ciment sans pareil du palais préparé pour demeure au Dieu dont les mondes se déclareront impuissants à porter la durée ? Car l’Église alors même restera stable, embaumant sans fin des parfums de l’Époux le trône de la Trinité souveraine établi dans ses murs.

C’est à l’Esprit sanctificateur qu’ici encore il appartient de nous expliquer le mystère de cette union qui fait la cité sainte [38], et dont la persévérance défie les siècles. La charité versée dans nos cœurs au sortir des eaux est empruntée à l’amour même qui règne au sein de l’adorable Trinité ; car les opérations de l’Esprit dans les saints n’ont point d’autre but que de les faire entrer en participation des divines énergies. Devenu la vie de l’âme régénérée, le feu divin la pénètre de Dieu tout entière ; il communique à son amour créé et fini la direction et la puissance de la flamme éternelle. Le chrétien doit donc aimer comme Dieu désormais ; la charité n’est vraie en lui qu’autant qu’elle atteint, dans la simplicité de sa flamme divine, l’objet complet de l’amour infini. Or tel est l’ineffable commerce d’amitié véritable établi par l’ordre surnaturel entre Dieu et ses créatures intelligentes, qu’il daigne les aimer de l’amour dont il s’aime lui-même ; la charité doit donc embrasser elle aussi, dans l’unité de ses actes d’amour, non seulement Dieu, mais tous les êtres appelés par lui en participation de sa vie bienheureuse. Comprenons maintenant l’incomparable puissance de l’union dans laquelle l’Esprit-Saint établit l’Église : rien d’étonnant que ses liens soient plus forts que la mort, sa cohésion plus résistante que l’enfer [39] ; car le ciment qui joint les pierres vivantes de ses murailles possède la force de Dieu même et la stabilité de son amour éternel. L’Église est bien cette tour bâtie sur les eaux, qui apparut à Hermas formée de pierres resplendissantes et si intimement assemblées, que l’œil ne découvrait point leurs jointures [40].

Mais comprenons aussi l’importance pour tous les chrétiens de l’union mutuelle, de cet amour des frères, si fréquemment, si fortement recommandé par la voix des Apôtres, ces coopérateurs de l’Esprit dans l’édification de la sainte Église. L’abstention du schisme et de l’hérésie, dont l’Évangile rappelait, il y a huit jours, les excès désastreux, la répression même des passions haineuses ou des aigreurs jalouses, ne suffiraient point à faire de nous des pierres utiles dans ce grand œuvre ; il y faut un amour effectif, dévoué, persévérant, qui joigne véritablement et harmonise comme il convient les âmes et les cœurs ; il y faut cette charité débordante et seule digne de ce nom qui, nous montrant Dieu même en nos frères, fait vraiment nôtres leur bonheur et leurs maux. Loin de nous la somnolence égoïste où se complaît l’âme paresseuse, où trop souvent des âmes faussées croient satisfaire d’autant mieux à la première des vertus qu’elles se désintéressent plus complètement de ce qui les entoure. Sur de telles âmes le ciment divin ne peut avoir prise : pierres impropres à toute construction, que rejette le céleste ouvrier, ou qu’il laisse sans emploi au pied des murailles, parce qu’elles ne s’adaptent pas à l’ensemble et ne sauraient s’appareiller. Malheur à elles cependant, si l’édifice s’achève sans qu’elles aient mérité de trouver place en ses murs ! Elles comprendraient alors, mais trop tard, que la charité est une, que celui-là n’aime pas Dieu qui n’aime pas son frère [41], et que celui qui n’aime pas demeure dans la mort [42]. Plaçons donc, avec saint Jean, la perfection de notre amour pour Dieu dans l’amour de nos frères [43] : alors seulement nous aurons Dieu en nous [44] ; alors seulement nous pourrons jouir des ineffables mystères de l’union divine avec Celui qui ne s’unit aux siens que pour faire de tous et de lui-même un temple auguste à la gloire de son Père.

Le Graduel, rentrant dans l’ordre d’idées qui inspire l’Introït du jour, demande la protection divine pour le peuple rangé sous le sceptre de l’oint du Seigneur. Le Verset annonce les victoires du Christ roi, et le salut qu’il apporte à la terre.

ÉVANGILE.

Les jours s’écoulent rapidement pour l’ancienne Jérusalem ; dans moins d’un mois, la ruine affreuse de la cité qui ne connut point le temps de la visite de son Seigneur [45], aura passé sous nos yeux. C’est au neuvième Dimanche après la Pentecôte, dans ces mois de juillet et d’août qui virent sous Vespasien les dernières convulsions du peuple déicide, que la sainte Liturgie a placé la mémoire de ce terrible accomplissement des prophéties du Sauveur. En attendant, l’ancien temple, toujours debout, continue de fermer aux nations ses portes intérieures, et prétend retenir encore la Divinité sous les voiles du vieux Testament, dans son sanctuaire impénétrable aux fils mêmes d’Israël. Depuis cinq semaines déjà cependant, l’Église a commencé d’élever en Sion ses immortelles assises. En face du monument de l’alliance restreinte et imparfaite du Sinaï, l’Esprit-Saint l’a fondée comme le rendez-vous de l’allégresse de la terre entière [46], comme la ville du grand Roi, où tous désormais connaîtront Dieu [47] ; aussi n’a-t-elle cessé de se montrer à nous, depuis le commencement, comme le lieu des délices de la Sagesse éternelle [48] et le vrai sanctuaire de l’union divine.

La loi de crainte et de servitude [49] est donc définitivement abrogée par la loi d’amour. Un reste d’égards pour l’institution autrefois agréée, qui fut la dépositaire des oracles divins [50], laisse encore à la première génération des convertis de Juda la libre observation des coutumes de leurs pères ; mais cette tolérance doit elle-même disparaître avec le temple, dont la chute prochaine scellera pour jamais le tombeau de la synagogue. Dès maintenant, les prescriptions du code mosaïque ne suffisent plus à justifier devant Dieu les enfants de Jacob. Les ordonnances rituelles, qui avaient pour but d’entretenir par un ensemble de représentations figuratives l’attente du Sacrifice à venir, ont perdu leur objet depuis l’accomplissement des mystères qu’elles annonçaient. Les commandements eux-mêmes du décalogue, ces lois nécessaires qui sont de tous les temps et ne peuvent changer, parce qu’elles tiennent à l’essence des rapports existants entre les créatures et leur auteur, ont brillé d’un éclat si nouveau sous les feux du Soleil de justice, que leur portée s’en est trouvée, pour la conscience humaine, immensément agrandie.

Indépendamment du précepte positif concernant le fruit de l’arbre de la science, l’homme, dans Éden, avait reçu de Dieu, en même temps que la vie, la connaissance de ces lois éternelles. Cette connaissance depuis lors, il n’aurait pu s’en dégager ou la perdre entièrement, sans cesser d’être homme ; car elle lui avait été donnée comme son être lui-même, comme la règle naturelle de ses jugements pratiques, et elle formait ainsi, pour une part, sa raison même. Mais la raison de l’homme s’étant obscurcie grandement par le fait de la chute, l’ombre désastreuse gagna dans son âme jusqu’à la notion, d’abord si complète et si claire, des obligations morales résultant pour lui de sa propre nature. La malice de la volonté dépravée, mettant à profit d’autre part cet affaiblissement originel de la raison, accrut bientôt en d’effrayantes proportions des ténèbres qui favorisaient ses excès. On vit les peuples, victimes volontaires ou insouciantes d’aberrations étranges, régler leurs mœurs sur des maximes faussées, tellement contraires parfois aux principes de la plus élémentaire morale, que nos générations redressées par la foi se refusent à y croire. Les descendants des patriarches, préservés plus que d’autres par la bénédiction donnée à leurs pères, furent loin toutefois d’échapper entièrement à l’universelle déviation. Lorsque Moïse, envoyé par Dieu, les constitua en corps de nation sur la base même de la fidélité à cette loi écrite qui venait restaurer la loi de nature, plus d’un point que le libre essor de cette dernière eût réclamé dut rester dans l’ombre ; le Seigneur nous l’apprend, Moïse fut obligé d’accorder quelque chose à la dureté de leur cœur [51]. Il ne put faire surtout qu’après sa mort, les docteurs privés et les sectes particulières qui s’élevèrent dans la nation n’arrivassent à corrompre, sous l’effort de vaines traditions et d’interprétations erronées, l’esprit, sinon toujours la lettre même de la loi du Sinaï.

La loi de Dieu, revêtant pour le Juif le caractère d’une charte nationale, était placée en cette qualité sous la sauvegarde du pouvoir public ; des tribunaux, plus ou moins élevés suivant l’importance des causes qui leur étaient déférées, jugeaient les infractions commises ou les crimes accomplis contre elle. Mais, en dehors du tribunal sacré de la loi de grâce où Dieu même agit et parle en la personne du prêtre, tout jugement exercé par des hommes, si imposante que soit leur autorité, ne saurait avoir pour objet que des faits extérieurs ; Moïse, dans sa législation, n’avait donc point assigné de sanction pénale pour ces fautes intimes de la conscience, qui, toutes graves qu’elles puissent être, échappent néanmoins, par leur nature, à l’appréciation comme à la connaissance des sociétés et des pouvoirs humains qui les régissent. C’est ainsi qu’aujourd’hui, l’Église elle-même n’applique point ses censures aux crimes de l’âme qui ne se manifestent pas dans un acte quelconque tombant sous les sens ; comme Moïse l’avait fait, sans mettre en doute la culpabilité des pensées ou désirs criminels, elle laisse à Dieu le jugement de causes dont lui seul peut connaître.

Mais s’il n’est personne aujourd’hui, parmi les enfants de l’Église, qu’une distinction si simple et si conforme à la nature de tout droit social puisse induire en erreur, il n’en fut pas de la sorte au sein du peuple hébreu. Longtemps la voix des prophètes s’évertua sans relâche à porter au delà du monde présent la pensée alourdie de cette race si gratuitement privilégiée ; mais alors même l’esprit étroit, exclusif, de la nation ne put jamais se faire à l’idée que les principes divinement inspirés de sa constitution politique et la forme extérieure de sa législation recouvrissent une réalité immatérielle, bien autrement vivante et profonde. Aussi lorsque, peu après le retour de la captivité, les derniers représentants du ministère prophétique, disparaissant, laissèrent le champ libre à l’éclosion de systèmes en rapport avec ces tendances mesquines, les casuistes Juifs eurent bientôt trouvé la formule de cette morale étrange des circoncis, dont saint Paul nous apprend qu’elle faisait le scandale des nations [52]. Confondant le domaine intime de la conscience avec le théâtre forcément restreint de la justice publique, ils apprécièrent les obligations du for intérieur à la mesure des règles établies pour guider cette dernière, et s’habituèrent promptement, dans cette voie, à n’estimer que ce qui était vu des hommes, à négliger tout ce qui ne tombe pas sous les yeux. L’Évangile est rempli des malédictions du Sauveur contre ces guides aveugles étouffant sous l’écorce de la lettre, dans les âmes qu’ils prétendent conduire, la loi, la justice et l’amour ; l’Homme-Dieu dénonce en toute occasion, il flagelle, il flétrit sans pitié ces Scribes et ces Pharisiens hypocrites purifiant sans fin le dehors du vase, et pleins au dedans d’impureté, d’homicide et de rapine [53].

Le Verbe divin descendu pour sanctifier les hommes dans la vérité, c’est-à-dire en lui-même [54], devait en effet rendre avant tout leur splendeur première, ternie par le temps, aux immuables principes de justice et de droit qui reposent en lui comme en leur centre. C’est ce qu’il fit tout d’abord et avec une solennité incomparable, après l’appel de ses disciples et l’élection des douze, dans le passage du Sermon sur la montagne où l’Église a choisi l’Évangile de ce jour. En cela il venait, déclarait-il, non point condamner ou détruire la loi [55], mais rétablir contre les Scribes et les Pharisiens son vrai sens, et lui donner cette plénitude que les anciens du temps de Moïse eux-mêmes n’avaient pu porter. Il faut lire en entier, dans saint Matthieu, cet important passage dont les explications qui précèdent suffiront à donner l’intelligence.

Dans les quelques lignes que l’Église en a empruntées, la pensée du Sauveur est qu’on ne doit point estimer à la mesure des tribunaux d’ici-bas le degré de justice nécessaire à l’entrée du royaume des cieux. La loi juive déférait l’homicide au tribunal criminel dit du jugement ; et lui, le Maître et l’auteur de la loi, il déclare que la colère, ce premier pas vers l’homicide, fût-elle restée dans les replis les plus secrets de la conscience, peut amener à elle seule la mort de l’âme, encourant ainsi véritablement, dans l’ordre spirituel, la peine capitale réservée dans l’ordre social de la vie présente à l’homicide accompli. Si, sans même en venir aux coups, cette colère s’échappe en paroles méprisantes, comme l’expression syriaque de raca, homme de rien, la faute devient si grave, qu’appréciée à sa valeur réelle devant Dieu, elle dépasserait la juridiction criminelle ordinaire pour ne relever que du conseil suprême de la nation. Si du mépris on passe à l’injure, il n’est plus rien dans la gradation des procédures humaines qui puisse donner une idée de l’énormité du péché commis. Mais les pouvoirs du juge souverain ne s’arrêtent point, comme ceux des hommes, à une limite donnée : la charité fraternelle, foulée aux pieds, trouvera toujours au delà du temps son vengeur. Tant est grand le précepte de la sainte dilection qui unit les âmes ! Tant s’oppose directement à l’œuvre divine la faute qui, de près ou de loin, vient compromettre ou troubler l’harmonie des pierres vivantes de l’édifice qui s’élève ici-bas, dans la concorde et l’amour, à la gloire de l’indivisible et pacifique Trinité !

A mesure que les années se succèdent pour le peuple élu, il comprend toujours mieux son bonheur d’avoir choisi les vrais biens pour la part de son héritage. Avec son Roi, dans l’Offertoire, il chante les célestes faveurs et la présence continue du Dieu qui s’est fait son soutien.

Demandons à Dieu, dans la Secrète, qu’il daigne recevoir favorablement, en guise des anciennes oblations, l’offrande de nos cœurs. Mais si nous voulons que cette prière ait son effet, rappelons-nous la recommandation qui termine l’Évangile du jour : les cœurs de ceux-là seuls seront agréés du Très-Haut qui sont en paix, autant du moins qu’il dépend d’eux, avec tous leurs frères.

La secourable présence de Dieu, que célébrait l’Antienne de l’Offertoire, ne marquait point le terme des divines condescendances. Conquis par l’amour infini dans l’ineffable union des Mystères sacrés, le peuple saint ne désire plus, ne demande plus que d’être admis à se fixer pour jamais dans la maison du Seigneur.

L’effet des sacrés Mystères est multiple : ils purifient jusqu’aux retraites les plus cachées des âmes, et nous protègent au dehors contre les embûches dressées sur la voie du salut. Disons donc avec l’Église, dans la Postcommunion :

Voici l’Antienne des premières Vêpres et les Répons qui concordent avec les lectures de l’Office de la nuit.

ANTIENNE ET RÉPONS.

Ant. au Magnificat Montagnes de Gelboé, que la rosée ni la pluie ne descendent point sur vous ; car c’est là qu’a été jeté le bouclier des forts, le bouclier de Saul, comme si l’huile sainte n’eût point marqué son front. Comment les forts sont-ils tombés dans le combat ? Jonathas a été tué sur les hauteurs ; Saül et Jonathas, aimables et beaux durant leur vie, n’ont point non plus été divisés dans la mort.

R/. Montagnes de Gelboé, que la rosée ni la pluie ne viennent jamais sur vous : * Où sont tombés les forts d’Israël.
V/. Que toutes les montagnes alentour soient visitées du Seigneur, mais qu’il s’éloigne de Gelboé. * Où sont tombés.
R/. Je t’ai pris dans la maison de ton père, dit le Seigneur, et je t’ai choisi pour paître le troupeau de mon peuple : * Partout j’ai accompagné tes démarches, affermissant pour jamais ton règne.
V/. J’ai rendu ton nom illustre, autant que le nom des grands de la terre ; et je t’ai donné le repos sur tous tes ennemis.

Faisons suivre de deux Oraisons de l’Église de Milan pour ce jour. — Dans la Liturgie ambrosienne, après l’Introït ou Ingressa suivi de l’Hymne angélique ou de Prières selon les temps, vient l’Oraison super populum répondant à notre Collecte. Puis se succèdent une Leçon de l’Ancien Testament et les versets de son Psalmellus, l’Épître et (en dehors du Carême) le Verset alléluiatique, l’Évangile et une Antienne post Evangelium. Alors, et avant d’enlever le voile du calice, se dit l’Oraison super sindonem, suivie de l’Offertoire, du Credo, de l’Oraison super oblata et de la Préface. Avant le Pater a lieu la fraction de l’hostie, accompagnée du Confractorium ; notre Communion s’appelle Transitorium, et précède l’Oraison post Communionem.

ORATIO SUPER POPULUM.
Omnipotens sempiterne Deus, in protectione fidelium populorum antiqua brachii tui operare miracula : ut hostibus nostris tua virtute compressis, secura tibi serviat Catholica fides et devotio. Per Dominum.Dieu tout-puissant et éternel, renouvelez pour la protection des peuples fidèles les antiques miracles de votre bras ; afin que nos ennemis étant comprimés par votre vertu, la foi et dévotion Catholique vous serve sans trouble. Par Jésus-Christ.
ORATIO SUPER SINDONEM.
Deus, qui creaturæ tuæ misereri potius eligis quam irasci, cordis nostri infirma considera : et tuæ nos gratia pietatis illustra. Per Dominum.O Dieu, qui à l’égard de votre créature préférez user plutôt de miséricorde que de colère ; considérez l’infirmité de notre cœur, et éclairez-nous par la grâce de votre bonté. Par Jésus-Christ.

Enfin, dans le sens des enseignements de l’Épître et de l’Évangile, la belle formule que nous allons emprunter au Missel gothique clora dignement cette journée.

AD PACEM.
Deus, cui summum sacrificium est concordans anima : cui holocaustum pinguissimum est placata et pura conscientia ; concede nobis, quæsumus : ut conjunctio labiorum copula efficiatur animarum ; et ministerium osculi perpetuuæ proficiat charitati. Per Dominum.Dieu pour qui le sacrifice suprême est une âme bien accordée, pour qui le plus gras holocauste est une conscience paisible et pure ; faites, nous vous en supplions, que le rapprochement des lèvres soit l’union des âmes, et que le rit du saint baiser profite à l’amour éternel. Par Jésus-Christ.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

« Post natale Apostolorum ».

Dans le Capitulaire des Évangiles de Würzbourg, la péricope évangélique de ce jour est assignée au second dimanche du cycle de la Pentecôte après la fête de saint Pierre et de saint Paul qui semble correspondre précisément à notre Ve dimanche. Cette sorte de cycle liturgique romain autour de la solennité des deux Princes des Apôtres est très remarquable, et nous rappelle le temps où, après la fête de Pâques, elle était la plus grande solennité de Rome chrétienne. Outre les foules innombrables de pèlerins, tous les évêques de la province métropolitaine du Pape se rendaient régulièrement à Rome à cette occasion, pour célébrer avec lui la fête des Apôtres et tenir ensuite le concile romain annuel qui nous est attesté par d’anciens documents.

Étant donné toute cette célébrité du natale des Princes des Apôtres à Rome, en raison surtout de sa signification dogmatique, on comprend facilement l’opportunité d’un cycle liturgique préparatoire à une si grande solennité.

Le verset pour l’entrée du célébrant est tiré du psaume 26, comme celui du dimanche précédent. « Écoutez, ô Yahweh, le cri que j’élève vers vous. Soyez mon aide. Ne m’abandonnez pas, ne me méprisez pas, ô mon Dieu et mon salut ». Il ne faut pas s’étonner si la plus grande partie des introïts tirés des psaumes expriment avec force le déchirement de l’âme qui, aux prises avec ses ennemis spirituels, appelle le Seigneur à l’aide. La paix de l’heureuse victoire n’est pas pour la vie présente, laquelle, au contraire, a été définie par le Voyant de Hus comme un temps de dur service militaire, un temps d’épreuve.

L’exorde de la collecte s’inspire du fameux texte de saint Paul (I Cor., II, 9) où il enseigne que jamais l’œil n’a vu, ni l’oreille n’a entendu, ni l’intelligence n’a compris le bien préparé par Dieu à celui qui l’aime. Ce bien n’est autre que Dieu, bien entièrement disproportionné à notre pauvre nature humaine, mais auquel il nous entraîne lui-même, moyennant l’effusion du Paraclet dans l’âme. Quand l’Esprit Saint allume dans notre cœur la flamme sacrée de la charité, alors toutes les choses du monde ne peuvent apaiser le feu qui nous consume. En cet état, l’âme se trouve comme plongée dans un creuset d’amour, et attend que Dieu lui-même mette un terme à ce martyre, en lui donnant enfin ce dont elle a uniquement besoin : le divin Bien. Attirée donc par des promesses si sublimes, l’Église aujourd’hui dans sa collecte engage l’âme fidèle à demander précisément le don de ce saint amour.

Il faut remarquer les paroles du texte liturgique : te in omnibus et super omnia diligentes. Le cœur des saints, des vrais amants de Dieu, ne devient point tel qu’un rocher aride, de manière à se rendre insensible et à ne plus éprouver aucune affection pour les créatures. Rien n’est plus faux que cette conception de la sainteté et il suffirait pour s’en convaincre, du cœur ardent et généreux de saint Paul, tel qu’il se révèle dans ses épîtres. Les vicissitudes de l’Église, le sort des amis et des disciples, les trahisons des faux-frères l’émeuvent profondément mais c’est toujours la charité du Christ qui marque le rythme des battements de son cœur apostolique, en sorte que tout ce qu’il entend, tout ce qu’il veut, tout ce qu’il fait, tout est accompli par lui in Christo Iesu.

La lecture qui suit est tirée de la Ire épître de saint Pierre (III, 8-15). Il est probable que la lecture de saint Pierre, qui, en ces quatre dimanches voisins du natale des Apôtres alterne avec celle de saint Paul, troublant ainsi l’ordre primitif des péricopes, a été instituée en relation avec leur fête prochaine.

Dans le passage désigné pour aujourd’hui, le premier Vicaire du Christ invite le troupeau fidèle à garder avec la pratique des plus belles vertus ce trésor de bénédiction qu’il a hérité du Seigneur. Au dehors règne Néron, qui brûle, déshonore, condamne au bûcher tous ceux qui croient en Jésus. Les chrétiens, au dire de Tacite lui-même, sont compris dans l’accusation non seulement d’incendiaires de Rome, mais d’ennemis haineux du genre humain. Il n’importe, enseigne l’Apôtre. Jésus lui-même fut accusé des pires crimes, et Il souffrit en silence, ne menaçant pas mais bénissant. Si les fidèles veulent suivre son exemple, rien ne pourra leur nuire, puisque au jour de l’éternité Dieu leur rendra au centuple tout ce dont ils auront été privés un instant ici-bas.

Le répons, emprunté au psaume 83, est commun au premier lundi de Carême : O Yahweh, notre unique défense, regardez-nous, car le serviteur est au compte de son maître. O Yahweh, qui faites resplendir dans le monde la vertu de votre puissance, accueillez favorablement les prières de vos serviteurs et étendez en leur faveur ce bras puissant qui anéantit la force de leurs adversaires qui sont aussi les vôtres.

Le verset alléluiatique est tiré du psaume 20 : Seigneur, qui employez votre force à abattre les ennemis du vrai Roi Jésus-Christ, voyez comme, avec son corps mystique, II s’en réjouit et élève vers vous des hymnes d’action de grâces. Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, faibles créatures, mais à vous et à votre Christ doivent être attribués la gloire et le mérite de cette insigne entreprise d’avoir délivré votre peuple fidèle de la servitude de l’Égypte, pour l’introduire dans le royaume de l’éternel salut.

Le passage de l’évangile selon saint Matthieu (V, 20-24) insiste avec une terrible sévérité sur le précepte de la charité fraternelle. La prière et le Sacrifice qui devraient nous unir intimement à Jésus-Christ peuvent parfois être infructueux, quand nous nous obstinons coupablement à demeurer séparés des membres mystiques de son corps. Pour un membre en effet, c’est une condition essentielle de vie et de santé que d’adhérer au corps. Séparé de celui-ci, il se corrompt. L’esprit du Christ est dans l’Église et dans la Communion des Saints ; attachons-nous donc de toute notre âme à cette union, si nous voulons que le souffle vital du Sauveur nous remplisse nous aussi et nous communique une vie divine.

Le verset pour le psaume d’offertoire (Ps. 15) est commun au lundi après le IIe dimanche de Carême. Tous ces chants des messes après la Pentecôte, dans la tradition manuscrite grégorienne, ont quelque chose d’incertain ; ils ont été réunis en une sorte de centon. — « Je bénirai Yahweh, qui est devenu mon conseil. Mon œil le contemple toujours devant soi. S’il est à ma droite, je ne chancellerai jamais ». Cela est magnifiquement dit ; pour ne pas errer, il faut toujours regarder en haut, vers Dieu, jugeant des choses humaines non avec la seule raison, mais avec la foi ; les considérant non telles qu’elles apparaissent au sens ou à la passion, mais comme elles sont réellement dans le jugement de Dieu. Combien donc est important le culte que l’âme doit avoir pour la présence divine qui partout l’accompagne. C’est pourquoi l’Église nous fait réciter, à l’office du matin (Prime), ce beau verset qui peut servir aussi d’oraison jaculatoire durant la journée : Et sit splendor Domini Dei nostri super nos, et opera manuum nostrarum dirige super nos [56].

Aujourd’hui la prière qui sert de prélude au chant de l’anaphore consécratoire est très expressive et fait allusion à l’ancien rite de l’oblation, alors que, dans les synaxes stationnales, tous les fidèles présentaient à l’autel leurs propres offrandes, pour participer ensuite collectivement au Sacrifice eucharistique, qui, en ce cas, était offert pour tous. — C’est la primitive discipline de la missa pro populo que, encore aujourd’hui, aux jours de fête, les pasteurs d’âmes doivent célébrer pour leurs fidèles. — « Soyez propice, Seigneur, à nos vœux, et recevez l’offrande de vos serviteurs, en sorte que, ce que chacun personnellement a présenté à l’autel en votre honneur, serve au salut de l’entière communauté des fidèles ». On ne pouvait exprimer avec plus de grâce l’efficacité de la Communion des Saints, dont le Sacrifice eucharistique est précisément le symbole et le gage.

L’antienne pour la Communion est tirée du psaume 26, et décrit les sentiments de l’âme fidèle inondée de joie par la possession de son Dieu. En ces moments solennels, on sent tout le vide des joies de ce monde, en comparaison de celle que Dieu réserve à celui qui l’aime. « J’ai demandé une chose au Seigneur, j’ai sollicité une chose de lui : c’est de demeurer tous les jours de ma vie dans la maison de Dieu ». Nous pouvons demeurer continuellement près du tabernacle eucharistique en esprit, même quand les devoirs matériels de notre charge exigent que nous en soyons éloignés de corps. Ainsi faisait la bienheureuse mère de celui qui, au IXe Livre de ses Confessions put écrire : Ad pretii nostri sacramentum ligauit ancilla tua animam suam vinculo fidei [57].

La collecte eucharistique décrit les fruits de la sainte Communion. « Faites, Seigneur, que tous ceux que vous venez de rassasier par le don céleste de votre Sacrement, soient purifiés, même des fautes de malice les plus cachées, afin d’échapper aussi aux assauts insidieux de l’adversaire ». La liaison qu’établit ici la sainte liturgie, entre l’audace du démon et notre lâcheté quand nous péchons, n’est que trop vraie. C’est nous qui, par nos péchés, donnons force au diable et lui concédons l’empire sur nous-mêmes. Si nous étions plus diligents à le repousser, il n’aurait sur nous aucun pouvoir, comme Jésus le dit précisément à son propre sujet : « Venit princeps mundi huius, et in me non habet quidquam » [58].

Pour pouvoir bien prier, c’est-à-dire élever son âme à Dieu, il faut que celle-ci s’y soit déjà préparée moyennant le détachement des choses matérielles. C’est pourquoi l’Église a coutume de faire précéder les plus grandes solennités de l’année par une période de sainte préparation, afin que la pureté intérieure, la prière assidue, la pénitence et la dévotion nous disposent à recevoir avec fruit les grâces particulières que le Seigneur dispense plus largement à l’occasion des grandes fêtes du cycle ecclésiastique.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Réconcilie-toi d’abord avec ton frère, puis viens offrir ton présent.

Ce dimanche, lui aussi, se distingue beaucoup de ceux qui l’ont précédé. Nous savons gré à notre Mère l’Église de nous offrir de la variété dans la célébration de l’office divin. Dans les derniers dimanches, elle nous a présenté des images du Sauveur. Elle nous a montré d’abord l’hôte bienveillant qui nous invite à son banquet, puis le Bon Pasteur qui charge sa brebis sur ses épaules et la porte au bercail céleste, et enfin le divin pêcheur d’hommes qui recueille ses poissons dans le filet et la barque de l’Église. Aujourd’hui, l’Église ne nous offre pas d’image, mais elle nous donne un enseignement, et un enseignement très important, que nous devons graver profondément au fond de notre cœur : l’enseignement de l’amour du prochain. Quel est l’idéal que l’Église a devant les yeux ? Une communauté unie dans la charité et dans le Christ. Disons plutôt une famille de chrétiens unie intimement au Christ par la grâce, et dont tous les membres sont unis entre eux par une véritable charité. Et cette famille est justement réunie pour assister au sacrifice de la messe qu’elle offre avec le prêtre.

1. La messe (Inclina Domine). — Commençons par l’Épître. C’est saint Pierre qui nous parle. Que nous prêche-t-il ? La charité. Songeons bien que la famille chrétienne est rassemblée à la messe ; nous sommes présents et nous entendons de la bouche de saint Pierre, ou de l’Église, les paroles suivantes : « Soyez tous unanimes dans la prière, compatissants, animés de sentiments fraternels, miséricordieux, modestes, humbles. Ne rendez pas le mal pour le mal, ni injure pour injure ; ayez, au contraire, des paroles de bénédiction parce que vous avez été appelés pour recevoir l’héritage de bénédiction ». Réfléchissons à ces simples paroles. Que nous demande l’Église ? Que nous formions une unité. Unité dans la prière, unité dans la charité, unité dans la grâce. Nous avons un Père au ciel ; le Christ est notre Médiateur et en même temps notre Chef, mais aussi notre frère aîné. Pour nous, nous sommes tous frères et sœurs. Et maintenant, la messe, qui est le principal office religieux des chrétiens, nous prions ensemble notre Père. Ce n’est pas la prière de chacun pour soi ; nous prions tous en commun. Mais si nous voulons prier dans l’union, nous devons aussi vivre dans l’union. Ce doit être comme dans une famille unie : quand l’un est malade, tous souffrent. Telle doit être notre vie entre chrétiens. Nous devons avoir les uns pour les autres des sentiments fraternels. Nous sommes frères et sœurs parce que nous le sommes devenus dans le Christ par le baptême. Nous avons une parenté de sang, au sens le plus élevé, car nous participons au sang divin et à la vie divine. Nous devons donc nous supporter mutuellement, nous pardonner, nous montrer volontiers indulgents et humbles.

Lisons encore la dernière phrase de l’Épître : « Conservez le Seigneur, le Christ saint, dans votre Cœur ». Nous avons ici la seconde union. La première était l’union mutuelle par la charité ; la seconde est l’union avec le Christ. Depuis le baptême, nous avons « revêtu le Christ », comme s’exprime l’Apôtre. De même qu’un habit fait corps avec nous, de même nous sommes intimement unis avec le Christ. Les leçons de l’Épître pourraient réformer toute notre vie sociale.

L’Évangile est encore plus profond. Le Christ est pour nous le grand docteur de la charité et prononce des paroles graves. La haine fraternelle est considérée, dans son royaume, comme un meurtre, et le Père ne reçoit ni don, ni prière, ni offrande de notre main, si nous sommes les ennemis de nos frères.

L’oraison nous donne un beau résumé des deux lectures. « O Dieu qui as préparé des biens invisibles à ceux qui t’aiment, répands dans nos cœurs le sentiment de ton amour afin que, t’aimant en tout et par-dessus tout, nous obtenions l’effet de tes promesses qui surpassent tout désir ». Oui, aimer Dieu en tout et par-dessus tout, c’est ce qu’il y a de plus important.

Considérons aussi la belle progression des cinq chants psalmodiques. Dans l’Introït, l’âme oppressée s’approche du sanctuaire ; elle fait entendre un appel ardent : « ne m’abandonne pas ». Puis vient le cri de confiance du psaume 26 envers le Seigneur qui est notre « grande lumière ». Dans le Graduel, nous sommes déjà à l’abri ; le Seigneur est notre protecteur, nous sommes ses esclaves. Le verset de l’Alléluia nous fait songer au retour du Seigneur. A l’Offertoire, quand nous nous approchons de l’autel qui est le trône du divin Roi, nous remercions le Seigneur. (Le psaume récité dans son entier parle des « voies de vie »). A la Communion, nous chantons de nouveau le psaume de la confiance. Mais nous insistons moins sur la demande. Nous nous écrions, pour ainsi dire, comme Pierre : il fait bon être ici ; nous voudrions comme lui fixer cet heureux instant : « Je ne demande qu’une chose au Seigneur, c’est de demeurer dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie ». La sainte communion nous fait atteindre le but que nous avons recherché pendant toute la messe : l’union avec le Christ et avec les chrétiens.

2. Le baiser de paix à la messe. — Les paroles de l’Évangile : « Réconcilie-toi d’abord avec ton frère, puis offre ton sacrifice » ont amené dans les cérémonies de la messe un très bel usage qui malheureusement est tombé en désuétude chez nous : le baiser de paix. Les premiers chrétiens (comme cela se fait encore aujourd’hui dans l’Église grecque) échangeaient le baiser de paix avant l’offrande. Tous le faisaient : les prêtres entre eux, les hommes entre eux et les femmes entre elles. Ils prenaient à la lettre l’ordre du Seigneur. Avant d’aller porter leur offrande à l’autel, ils voulaient exprimer par ce baiser qu’ils voulaient vivre en paix avec tous les hommes, qu’ils n’avaient de « colère contre aucun frère ». Ils embrassaient donc leurs voisins dans la maison de Dieu. Dans l’Église romaine, le baiser de paix a été transporté avant la communion. Les textes de la messe préparent déjà au baiser de paix : « Agneau de Dieu qui enlèves les péchés du monde — donne-nous la paix ». (Dona nobis pacem). L’oraison de la paix demande : « Daigne, selon ta volonté, donner (à ton Église) la paix et l’union ». Comme, il est beau et pieux, ce baiser de paix avant le banquet de l’Agneau de Dieu qui, par sa mort, a voulu nous apporter la paix ! « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix », a-t-il dit. Cependant ce baiser de paix ne signifie pas seulement l’amour fraternel, il montre aussi notre union avec le Christ. Observons de près. Le prêtre baise d’abord l’autel, puis il donne le baiser de paix au diacre qui le transmet. Que signifie le baiser de l’autel ?

L’autel est le Christ lui-même. C’est donc du Christ que vient le baiser qui se transmet. Par conséquent, le baiser que nous donnons à nos frères est en même temps le baiser du Christ. Tous les chrétiens sont unis fraternellement dans le Christ. Tel est le sens du baiser de paix.

Dom Lefebvre, Missel Quotidien

« Réconcilie-loi d’abord avec ton frère ». (Évangile).

La liturgie de ce Dimanche est consacrée au pardon des injures et, comme Dimanche dernier, deux éléments y concourent : la lecture de l’histoire de David qui se continue au Bréviaire et celle d’un passage d’une des Épîtres de l’Apôtre Saint Pierre dont la fête se célèbre à cette époque. La semaine du 5e Dimanche après la Pentecôte était en effet autrefois appelée semaine après la fête des. Apôtres [59].

Lorsque David eut remporté sa victoire sur Goliath, (v. Dimanche précédent.), Israël revint triomphant dans ses villes et chanta au son des tambourins et des triangles : « Saül a tué ses mille et David ses dix mille ! » Le roi Saül fut alors irrité et la jalousie le mordit au cœur. Il se disait : « Mille à moi et dix mille à David : David est-il donc au-dessus de moi ? Que lui manque-t-il encore, sinon d’être rot à ma place ». Depuis ce jour, il le regarda d’un mauvais œil, comme s’il devinait que David avait été choisi par Dieu. Aussi la jalousie rendit-elle Saül criminel. Deux fois, tandis que David jouait de la harpe pour apaiser ses fureurs, il lança contre lui son javelot et deux fois David évita le coup avec agilité et le javelot alla se fixer en vibrant dans la muraille. Alors Saül l’envoya combattre, espérant qu’il se ferait tuer. Mais David, victorieux revint sain et sauf à la tête des armées(Int., Grad., All., Post). Saül alors s’exaspéra et poursuivit David. Un soir il entra dans une caverne profonde et ténébreuse. Or David s’y trouvait. Un de ses compagnons dit à ce dernier : « C’est le roi : le Seigneur te le livre, voici le moment de le frapper de ta lance ». Mais David répondit : « Jamais je ne frapperai celui qui a reçu l’onction sainte ». Il coupa seulement de son épée un gland du manteau de Saül et sortit. Au jour levant, il montra de loin à Saül le gland de son manteau. Et Saül pleura, disant : « Mon fils David, tu es meilleur que moi ».

Une autre fois encore, David le surprit de nuit en plein sommeil, sa lance fixée en terre à son chevet. Il ne lui prit que sa lance et son gobelet. Et Saül le bénit de nouveau, mais ne continua pas moins de le poursuivre. Plus tard les Philistins recommencèrent la guerre et les Israélites furent défaits. Saül alors se donna la mort en se jetant sur son épée. Quand David apprit la disparition de Saül, il ne s’en réjouit point mais il se déchira les habits, il fit tuer l’Amalécite qui, s’attribuant le prétendu mérite d’avoir tué l’ennemi de David, lui annonça cette mort en lui apportant la couronne de Saül et il chanta ce cantique funèbre : « Montagnes de Gelboé, qu’il n’y ait plus sur vous ni rosée, ni pluie, ni champs de prémices ! Car sur vous sont tombés les héros d’Israël, Saül et Jonathas, aimables pendant la vie et que la mort n’a point séparés l’un de l’autre » [60].

« Pourquoi, demande S. Grégoire, David qui n’a pas même rendu le mal pour le mal, apprenant que Saül et Jonathas avalent succombé dans le combat, proféra-t-il contre les montagnes de Gelboé ces paroles de malédiction ? En quoi les collines de Gelboé ont-elles donc été coupables de la mort de Saül, pour que, ne recevant plus ni rosée ni pluie, toute leur verdoyante végétation devienne aridité, conformément au souhait de malheur ? Saül, que l’onction n’empêche point de mourir, est la figure de notre Médiateur en son trépas et les monts de Gelboé, nom qui signifie cours d’eau, représentent les Juifs aux cœurs superbes qui s’écoulent en un flux de convoitises terrestres. Le Roi, l’Oint véritable, a perdu la vie du corps au milieu d’eux ; et c’est pour cela que, privés de toute rosée de grâce, ils sont dans la stérilité. Ces âmes superbes ne donnent pas de fruits, car elles demeurent infidèles à la venue du Rédempteur et tandis que la Sainte Église, dès le début, s’est montrée précocement féconde par la multitude des Nations qu’elle a engendrées, c’est à peine si, dans les derniers temps, elle recueillera quelques Juifs ramassés comme une tardive récolte et des fruits d’arrière saison » (2e Nocturne).

Une grande leçon de charité se dégage de toutes ces considérations, car comme David a épargné son ennemi Saül et lui a rendu le bien pour le mal, Dieu pardonne aussi aux Juifs puisque, malgré leur infidélité, il est toujours prêt à les accueillir dans le royaume dont le Christ, leur victime, est le roi. On comprend dès lors la raison du choix de l’Épitre et de l’Évangile de ce jour qui prêchent le grand devoir du pardon des injures. « Soyez donc unis de cœur dans la prière, ne rendant point le mal pour le mal, ni l’injure pour l’injure », dit l’Épitre. « Si tu présentes ton offrande à l’autel, dit l’Évangile, et que tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel et va d’abord te réconcilier avec ton frère. » — David, oint roi sur Israël par les vieillards à Hébron, prit la citadelle de Sion, qui devint sa cité, et y plaça l’arche de Dieu dans le sanctuaire (Com.). Ce fut la récompense de sa grande charité, cette vertu indispensable pour que le culte rendu par tes hommes dans ses saints parvis soit agréé de Dieu (id.) Et c’est pour cela que l’Épître et l’Évangile remarquent que c’est surtout lorsque nous nous réunissons dans la prière qu’il faut que nous soyons unis de cœur [61].

Sans doute, comme le montrent l’histoire de Saül et la messe d’aujourd’hui, la justice divine a ses droits, mais, si elle exprime une sentence qui est un jugement final, ce n’est qu’après que Dieu a vainement épuisé tous les moyens inspirés par son amour. Le meilleur moyen d’arriver à posséder cette charité, c’est d’aimer Dieu, de désirer les biens éternels (Or.) et la possession du bonheur (Ép.) dans les palais célestes (Com.) où l’on n’entre que par la pratique continuelle de cette belle vertu.

Épître : La vertu chrétienne par excellence est la charité qui met en pratique les différentes vertus énumérées par Saint Pierre d’après le Ps. 33, v. 8 et 9 et qui, lorsqu’elle s’exerce à l’égard de ceux qui nous persécutent comme chrétiens, est une véritable apologie de la religion. Elle nous vaudra d’avoir des jours heureux dans le ciel (Com.)

Évangile : Jésus condamne non seulement le meurtre extérieur, mais le motif intérieur qui nous y porte et qui est la colère en tant qu’elle produit le désir de nous débarrasser du prochain. Cette colère a trois degrés, dit S. Augustin. Le premier est quand on retient dans son cœur le mouvement qui s’y est produit (Post.), le second quand on l’exprime par une exclamation, le troisième quand on le manifeste par la parole (Ép.). A ces trois degrés correspondent trois sentences, au caractère de plus en plus grave (Matines). « Le vrai sacrifice, dit S. Jean Chrysostome, c’est la réconciliation avec son frère ». « Le premier sacrifice, qu’il faut offrir à Dieu, ajoute Bossuet, c’est un cœur pur de toute froideur et de toute inimitié avec son frère » (Médit. 14e j.).

[1] Mais glorifiez dans vos cœurs, etc : Cette traduction de Bossuet rend parfaitement l’expression qui, dans la Vulgate comme dans le grec, répond à l’hébreu déclarer, proclamer saint.(Glaire)

[2] 2 Reg. 1, 21.

[3] I Reg. 7, 3.

[4] L’Amalécite s’attribue le prétendu mérite d’avoir tué l’ennemi de David ; tandis que Saül s’était jeté sur son glaive pour se tuer lui-même.

[5] Ps. 151 apocr.

[6] I Reg. 17, 37.

[7] I Reg. 17, 37.

[8] Ps. 56, 4.

[9] 2 Reg. 1, 21.

[10] Jer. 20, 15.

[11] I reg. 18, 7.

[12] Luc. 1, 66.

[13] I Reg. 17, 26 & 21, 11.

[14] 2 Reg. 1, 21.

[15] 2 Reg. 7, 8.

[16] Prière de Manassé, apocr.

[17] Ps. 50, 5-6.

[18] Ce répons, le 8ème de la Fête de la Sainte Trinité, est repris tous les dimanches après la Pentecôte.

[19] Is. 6, 3.

[20] I. Jn. 5, 7.

[21] Ps. 92, 2.

[22] Le Seigneur a régné, il s’est revêtu de gloire, lorsqu’en ressuscitant des morts il s’est adjoint le chœur des Saints : Le Seigneur s’est revêtu de force, parce qu’il a détruit l’empire du démon, et l’a ceinte autour de ses reins, lorsqu’il est remonté vers son Père, entouré de la multitude des Anges. (S. Jérôme). Selon S. Augustin, notre Seigneur se couvrit de gloire et de beauté dans ses souffrances, de force dans l’ignominie, et, quand il se ceignit d’un linge retombant devant lui (præcinxit se), pour laver les pieds de ses Apôtres, sa puissance éclata dans son humilité.

[23] Ps. 140, 2.

[24] Psalm. LXXXVIII, 21.

[25] Psalm. LXXXVIII, 36-38.

[26] Luc. I, 32.

[27] Ant. Oct. Apost. ad Benedict.

[28] Jac. I, 17.

[29] I Petr. II, 9.

[30] Apoc. XXI, 2-3.

[31] I Petr. II, 4-3.

[32] Ibid. 6-7.

[33] Matth. XVI, 18.

[34] I Petr. II, 25.

[35] Job. XXV, 2.

[36] Ibid. XXXVIII, 37.

[37] Psalm. CI, 26-28.

[38] Psalm. CXXI, 3.

[39] Cant. VIII, 6.

[40] Herm. Past. L. I, Visio III, 2.

[41] I Johan. IV, 21.

[42] Ibid. III, 14.

[43] Ibid. IV, 12.

[44] Ibid.

[45] Luc. XIX, 44.

[46] Psalm. XLVII, 3.

[47] Jerem. XXXI, 34.

[48] Prov. VIII, 31 ; IX. 1.

[49] Rom. VIII, 15.

[50] Ibid. III, 2.

[51] Matth. XIX, 8.

[52] Rom II, 24.

[53] Matth. XXIII, etc.

[54] Johan. XVII, 17, 19.

[55] Matth. V, 17.

[56] Ps. 89, 17 : Que la lumière du Seigneur notre Dieu brille sur nous ; dirigez d’en haut les ouvrages de nos mains.

[57] S. aug., Confess. ; lib. IX, ch. XIII, n. 36 : C’est au sacrement de cette Rédemption que votre servante a attaché son âme par le lien de la foi.

[58] Jn. 14, 30 : Le prince de ce monde vient, et il n’a aucun droit sur moi.

[59] D’après un ancien document, l’Évangile du IVe Dimanche après la Pentecôte, ayant été transféré à la messe du 1er Dimanche après la Pentecôte, un glissement aurait eu lien qui aurait porté sur tous les Évangiles à partir du Ve Dimanche jusqu’au XXIIIe, de sorte que l’Évangile du Ve Dimanche qui parlait de S, Pierre serait devenu celui du IVe et ainsi de suite. D’après cela autrefois l’Épitre et l’Évangile du Ve Dimanche attiraient l’attention sur S. Pierre. Mais d’autres documents infirment l’universalité de cet usage. L’ordre tel que nous l’avons actuellement dans le missel romain remonte jusqu’a S. Grégoire le Grand.

[60] Ce texte est à rapprocher de ceux où l’Église dit, à cette époque, que S. Pierre et S. Paul sont morts le même jour.

[61] C’est la Liturgie qui a ajouté aux premiers mots de l’Épitre in oratione qui ne se trouvent pas dans S. Pierre, afin d’expliquer par là les derniers mots de l’Évangile et de rattacher l’une à l’autre ces deux parties de la messe.