Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Dom Lefebvre, Missel Quoditien |
Ant. ad Introitum. Ps. 27, 8-9. | Introït |
Dóminus fortitudo plebis suæ, et protéctor salutárium Christi sui est : salvum fac pópulum tuum, Dómine, et benedic hereditáti tuæ, et rege eos usque in sǽculum. | Le Seigneur est la force de son peuple et le protecteur salutaire de son Messie : sauvez votre peuple, Seigneur, et bénissez votre héritage, régissez-les jusqu’aux siècles sans fin. |
Ps. ibid., 1. | |
Ad te, Dómine, clamábo, Deus meus, ne síleas a me : ne quando táceas a me, et assimilábor descendéntibus in lacum. | Je crierai vers vous, Seigneur, mon Dieu, ne gardez pas le silence à mon égard : de peur que, si vous ne répondez pas, je ne sois semblable à ceux qui descende dans la fosse. |
V/.Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Deus virtútum, cuius est totum quod est óptimum : ínsere pectóribus nostris amórem tui nóminis, et præsta in nobis religiónis augméntum ; ut, quæ sunt bona, nútrias, ac pietátis stúdio, quæ sunt nutríta, custódias. Per Dóminum. | Dieu des vertus, unique auteur de tout ce qui est très bon : imprimez dans nos cœurs l’amour de votre nom, et augmentez en nous l’esprit de religion ; afin que vous y nourrissiez tout ce qu’il y a de bien, et que par l’amour de la piété vous conserviez ce que vous avez nourri. |
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Romános. | Lecture de l’Épître du Bienheureux Apôtre Paul aux Romains. |
Rom. 6, 3-11. | |
Fratres : Quicúmque baptizáti sumus in Christo Iesu, in morte ipsíus baptizáti sumus. Consepúlti enim sumus cum illo per baptísmum in mortem : ut, quómodo Christus surréxit a mórtuis per glóriam Patris, ita et nos in novitáte vitæ ambulémus. Si enim complantáti facti sumus similitúdini mortis eius : simul et resurrectiónis érimus. Hoc sciéntes, quia vetus homo noster simul crucifíxus est : ut destruátur corpus peccáti, et ultra non serviámus peccáto. Qui enim mórtuus est, iustificátus est a peccáto. Si autem mórtui sumus cum Christo : crédimus, quia simul étiam vivémus cum Christo : sciéntes, quo d Christus re surgens ex mórtuis, iam non móritur, mors illi ultra non dominábitur. Quod enim mórtuus est peccáto, mórtuus est semel : quod autem vivit, vivit Deo. Ita et vos existimáte, vos mórtuos quidem esse peccáto, vivéntes autem Deo, in Christo Iesu, Dómino nostro. | Mes Frères : nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi nous marchions dans une vie nouvelle. Si, en effet, nous avons été greffés sur lui, par la ressemblance de sa mort, nous le serons aussi par celle de sa résurrection : sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché fût détruit, pour que nous ne soyons plus les esclaves du péché ; car celui qui est mort est affranchi du péché. Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons avec lui, sachant que le Christ ressuscité des morts ne meurt plus ; la mort n’a plus sur lui d’empire. Car sa mort fut une mort au péché une fois pour toutes, et sa vie est une vie pour Dieu. Ainsi vous-mêmes regardez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur. |
Graduale. Ps. 89, 13 et 1. | Graduel |
Convértere, Dómine, aliquántulum, et deprecáre super servos tuos. | Tournez-vous un peu vers nous, et laissez-vous toucher au sujet de vos serviteurs. |
V/. Dómine, refúgium factus es nobis, a generatióne et progénie. | Seigneur, vous vous êtes fait notre refuge de génération en génération. |
Allelúia, allelúia. V/.Ps. 30, 2-3. In te, Dómine, sperávi, non confúndar in ætérnum : in iustítia tua líbera me et éripe me : inclína ad me aurem tuam, accélera, ut erípias me. Allelúia. | Alléluia, alléluia. V/. J’ai espéré en vous, Seigneur, que je ne sois jamais confondu : dans votre justice, délivrez-moi et arrachez-moi au danger : inclinez vers moi votre oreille, hâtez-vous de me délivrer. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Marcum. | Suite du Saint Évangile selon saint Marc. |
Marc. 8, 1-9. | |
In illo témpore : Cum turba multa esset cum Iesu, nec haberent, quod manducárent, convocatis discípulis, ait illis : Miséreor super turbam : quia ecce iam tríduo sústinent me, nec habent quod mandúcent : et si dimísero eos ieiúnos in domum suam, defícient in via : quidam enim ex eis de longe venérunt. Et respondérunt ei discípuli sui : Unde illos quis póterit hic saturáre pánibus in solitúdine ? Et interrogávit eos : Quot panes habétis ? Qui dixérunt : Septem. Et præcépit turbæ discúmbere super terram. Et accípiens septem panes, grátias agens fregit, et dabat discípulis suis, ut appónerent, et apposuérunt turbæ. Et habébant piscículos paucos : et ipsos benedíxit, et iussit appóni. Et manducavérunt, et saturáti sunt, et sustulérunt quod superáverat de fragméntis, septem sportas. Erant autem qui manducáverant, quasi quatuor mília : et dimísit eos. | En ce temps-là : Comme il y avait avec Jésus une nombreuse foule qui n’avait pas de quoi manger, il appela ses disciples et leur dit : « J’ai compassion de cette foule, car voilà trois jours déjà qu’ils restent près de moi, et ils n’ont rien à manger. Si je les renvoie chez eux à jeun, les forces leur manqueront en chemin ; or plusieurs d’entre eux sont venus de loin. » Ses disciples lui répondirent : « Comment pourrait-on ici, dans un désert, rassasier de pain ces gens ? » Et il leur demanda : « Combien de pains avez-vous ? » Ils dirent : « Sept ». Alors il fit asseoir la foule par terre, prit les sept pains, et, après avoir rendu grâces, il les rompit et les donna à ses disciples pour les servir ; et ils les servirent à la foule. Ils avaient (en outre) quelques petits poissons ; après avoir prononcé la bénédiction sur eux, il dit de les servir aussi. Ils mangèrent et furent rassasiés, et l’on emporta sept corbeilles des morceaux qui restaient. Or ils étaient environ quatre mille. Et il les renvoya. |
Credo | |
Ant. ad Offertorium. Ps. 16, 5 et 6-7. | Offertoire |
Pérfice gressus meos in sémitis tuis, ut non moveántur vestígia mea : inclína aurem tuam, et exáudi verba mea : mirífica misericórdias tuas, qui salvos facis sperántes in te, Dómine. | Affermissez mes pas dans vos sentiers, afin que mes pieds ne soient point ébranlés : inclinez votre oreille et exaucez mes paroles : Seigneur, faites éclater vos miséricordes, vous qui sauvez ceux qui espèrent en vous. |
Secreta. | Secrète |
Propitiáre, Dómine, supplicatiónibus nostris, et has pópuli tui oblatiónes benígnus assúme : et, ut nullíus sit írritum votum, nullíus vácua postulátio, præsta ; ut, quod fidéliter pétimus, efficáciter consequámur. Per Dóminum. | Laissez-vous fléchir, Seigneur, par nos supplications, et recevez avec bonté ces offrandes de votre peuple : et pour que les vœux d’aucun de vos fidèles ne restent sans fruit, faites que nul ne vous adresse de vaines demandes, en sorte que nous obtenions l’effet de ce que nous demandons avec foi. |
Præfatio de sanctissima Trinitate ; non vero in feriis, quando adhibetur Missa huius dominicæ, sed tunc dicitur præfatio communis. | Préface de la Sainte Trinité ; mais les jours de Féries, où l’on reprend la Messe de ce Dimanche, on dit la Préface Commune . |
Ant. ad Communionem. Ps. 26, 6. | Communion |
Circuíbo et immolábo in tabernáculo eius hóstiam iubilatiónis : cantábo et psalmum dicam Dómino. | J’entourerai l’autel et j’immolerai dans son tabernacle une victime avec des cris de joie : je chanterai et je dirai une hymne au Seigneur. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Repléti sumus, Dómine, munéribus tuis : tríbue, quǽsumus ; ut eórum et mundémur efféctu et muniámur auxílio. Per Dóminum. | Nous sommes comblés de vos bienfaits, Seigneur : accordez-nous, s’il vous plaît d’être purifiés par leur action, et fortifiés grâce à leur secours. |
AUX PREMIÈRES VÊPRES.
Psaumes, capitule et hymne : 1ères Vêpres du Dimanche per annum
V/. Vespertína orátio ascéndat ad te, Dómine. | V/. Que la prière du soir s’élève vers vous, Seigneur. |
R/. Et descéndat super nos misericórdia tua. | R/. Et que votre miséricorde descende sur nous. |
Ad Magnificat Ant. Obsecro, Dómine, * aufer iniquitátem servi tui, quia insipiénter egi. | Ant. au Magnificat Je vous conjure, Seigneur, * effacez l’iniquité de votre serviteur, parce que j’ai agi en insensé. |
Magnificat | |
Oratio | Prière |
Deus virtútum, cuius est totum quod est óptimum : ínsere pectóribus nostris amórem tui nóminis, et præsta in nobis religiónis augméntum ; ut, quæ sunt bona, nútrias, ac pietátis stúdio, quæ sunt nutríta, custódias. Per Dóminum. | Dieu des vertus, unique auteur de tout ce qui est très bon : imprimez dans nos cœurs l’amour de votre nom, et augmentez en nous l’esprit de religion ; afin que vous y nourrissiez tout ce qu’il y a de bien, et que par l’amour de la piété vous conserviez ce que vous avez nourri. |
A MATINES
1er Nocturne
Introduction des Matines et psaumes du 1er nocturne du Dimanche per annum en été
Lectio i | 1ère leçon |
De libro secúndo Regum. | Du second livre des Rois. |
Cap. 12, 1-4. | |
Misit ergo Dóminus Nathan ad David : qui, cum venísset ad eum, dixit ei : Duo viri erant in civitáte una, unus dives et alter pauper. Dives habébat oves et boves plúrimos valde ; pauper autem nihil habébat omníno præter ovem unam párvulam, quam émerat et nutríerat, et quæ créverat apud eum cum fíliis eius simul de pane illíus cómedens et de cálice eius bibens et in sinu illíus dórmiens ; erátque illic sicut filia. Cum autem peregrínus quidam venísset ad dívitem, parcens ille súmere de óvibus et de bobus suis, ut exhibéret convívium peregríno illi qui vénerat ad se, tulit ovem viri páuperis et præparávit cibos hómini qui vénerat ad se. | Le Seigneur donc envoya Nathan vers David ; et lorsque Nathan fut venu vers lui, il lui dit : Deux hommes étaient dans une ville, l’un riche et l’autre pauvre. Le riche avait des brebis et des bœufs en très grand nombre ; mais le pauvre n’avait absolument rien, hors une brebis très petite, qu’il avait achetée et nourrie, et qui avait grandi chez lui en même temps que ses enfants, mangeant de son pain, buvant de sa coupe, et dormant sur son sein, et elle était pour lui comme une fille. Mais un étranger étant venu chez le riche, s’abstenant de prendre de ses brebis et de ses bœufs, pour faire un festin à cet étranger, qui était venu chez lui, il enleva la brebis de l’homme pauvre, et apprêta un mets à l’homme qui était venu chez lui. |
R/. Præparáte corda vestra Dómino, et servíte illi soli : * Et liberábit vos de mánibus inimicórum vestrórum. | R/. Préparez vos cœurs pour le Seigneur et ne servez que lui seul [1] : * Et il vous délivrera de la main de vos ennemis. |
V/. Convertímini ad eum in toto corde vestro, et auférte deos aliénos de médio vestri. | V/. Convertissez-vous au Seigneur de tout votre cœur, et ôtez d’au milieu de vous les dieux étrangers. |
* Et liberábit vos de mánibus inimicórum vestrórum. | * Et il vous délivrera de la main de vos ennemis. |
Lectio ii | 2e leçon |
Cap. 12, 5-9. | |
Irátus autem indignatióne David advérsus hóminem illum nimis, dixit ad Nathan : Vivit Dóminus, quóniam fílius mortis est vir qui fecit hoc : ovem reddet in quádruplum, eo quod fécerit verbum istud et non pepércerit. Dixit autem Nathan ad David : Tu es ille vir. Hæc dicit Dóminus Deus Israël : Ego unxi te in regem super Israël et ego érui te de manu Saul et dedi tibi domum dómini tui, et uxóres dómini tui in sinu tuo dedíque tibi domum Israël et Iuda ; et, si parva sunt ista, adíciam tibi multo maióra. Quare ergo contempsísti verbum Dómini, ut fáceres malum in conspéctu meo ? Uríam Hethǽum percussísti gládio et uxórem illíus accepísti in uxórem tibi et interfecísti eum gládio filiórum Ammon. | Or, fortement irrité d’indignation contre cet homme, David dit : Le Seigneur vit ! C’est un fils de mort, l’homme qui a fait cela. Il rendra la brebis au quadruple, parce qu’il a fait cette action, et qu’il n’a pas épargné la pauvreté. Alors Nathan dit à David : C’est vous qui êtes cet homme. Voici ce que dit le Seigneur Dieu d’Israël : C’est moi qui t’ai oint roi sur Israël, et moi qui t’ai délivré de la main de Saül ; et je t’ai donné la maison de ton Seigneur ; je t’ai donné aussi la maison d’Israël et de Juda ; et si ce sont là de petites choses, je t’en aurais ajouté de beaucoup plus grandes. Pourquoi as-tu méprisé la parole du Seigneur pour faire le mal en ma présence ? Tu as frappé du glaive Urie, l’Héthéen, tu as pris sa femme pour en faire ta femme, et tu l’as tué par le glaive des enfants d’Ammon. |
R/. Deus ómnium exaudítor est : ipse misit Angelum suum, et tulit me de óvibus patris mei [2] ; * Et unxit me unctióne misericórdiæ suæ. | R/. C’est le Seigneur qui exauce les prières de tous, lui-même a envoyé son Ange et m’a retiré du milieu des brebis de mon père ; * Et il m’a oint de l’onction de sa miséricorde. |
V/. Dóminus, qui erípuit me de ore leónis, et de manu béstiæ liberávit me. | V/. C’est le Seigneur qui m’a arraché de la gueule du lion, et des griffes de la bête féroce [3]. |
* Et unxit me unctióne misericórdiæ suæ. | * Et il m’a oint de l’onction de sa miséricorde. |
Lectio iii | 3e leçon |
Cap. 12, 10-16. | |
Quam ob rem non recédet gládius de domo tua usque in sempitérnum, eo quod despéxeris me et túleris uxórem Uríæ Hethǽi ut esset uxor tua. Itaque hæc dicit Dóminus : Ecce ego suscitábo super te malum de domo tua, et tollam uxóres tuas in óculis tuis et dabo próximo tuo, et dórmiet cum uxóribus tuis in óculis solis huius. Tu enim fecísti abscóndite, ego autem fáciam verbum istud in conspéctu omnis Israël et in conspéctu solis. Et dixit David ad Nathan : Peccávi Dómino. Dixítque Nathan ad David : Dóminus quoque tránstulit peccátum tuum : non moriéris. Verúmtamen, quóniam blasphemáre fecísti inimícos Dómini propter verbum hoc, fílius, qui natus est tibi, morte moriétur. Et revérsus est Nathan in domum suam. Percússit quoque Dóminus párvulum, quem pepérerat uxor Uríæ David, et desperátus est. Deprecatúsque est David Dóminum pro párvulo, et ieiunávit David ieiúnio et ingréssus seórsum iácuit super terram. | Pour cette raison, le glaive ne s’éloignera jamais de ta maison, parce que tu m’as méprisé, et que tu as enlevé la femme d’Urie, l’Héthéen, afin qu’elle fût ta femme. C’est pourquoi, voici ce que dit le Seigneur : Voilà que moi je susciterai sur toi du mal de ta propre maison. Toi, tu as agi secrètement ; mais moi, j’accomplirai cette parole en la présence de tout Israël, et en la présence du soleil. Et David dit à Nathan : J’ai péché contre le Seigneur. Et Nathan répondit à David : Le Seigneur aussi a transféré [4] votre péché ; vous ne mourrez point. Cependant, parce que vous avez fait blasphémer les ennemis du Seigneur à cause de cette action, le fils qui vous est né mourra de mort. Ensuite Nathan retourna en sa maison. Le Seigneur frappa aussi le petit enfant qu’avait enfanté la femme d’Urie à David, et il fut désespéré. Et David pria le Seigneur pour le petit enfant, et David jeûna entièrement, et, étant à part, il demeura couché sur la terre. |
R/. Dóminus, qui erípuit me de ore leónis, et de manu béstiæ liberávit me, * Ipse me erípiet de mánibus inimicórum meórum. | R/. Le Seigneur qui m’a arraché de la gueule du lion, et délivré des griffes de la bête féroce [5], * Lui-même m’arrachera aux mains de mes ennemis. |
V/. Misit Deus misericórdiam suam et veritátem suam : ánimam meam erípuit de médio catulórum leónum. | V/. Dieu a envoyé sa miséricorde et sa vérité, et il a arraché mon âme du milieu des petits des lions [6]. |
* Ipse me erípiet de mánibus inimicórum meórum. Glória Patri. * Ipse me erípiet de mánibus inimicórum meórum. | * Lui-même m’arrachera aux mains de mes ennemis. Gloire au Père. * Lui-même m’arrachera aux mains de mes ennemis. |
2nd Nocturne
Psaumes du 2nd nocturne du Dimanche per annum
Lectio iv | 4e leçon |
Ex libro sancti Ambrósii Epíscopi de Apología David. | Du livre de saint Ambroise, Évêque, sur l’Apologie de David. |
Apolog. 1, c. 2 | |
Unusquísque nostrum per síngulas horas quam multa delínquit ! nec tamen unusquísque de plebe peccátum suum confiténdum putat. Ille rex, tantus ac potens, ne exíguo quidem moménto manére penes se delícti passus est consciéntiam ; sed, præmatúra confessióne atque imménso dolóre, réddidit peccátum suum Dómino. Quem mihi nunc fácile repérias honorátum ac dívitem, qui, si arguátur alicúius culpæ reus, non moléste ferat ? At ille régio clarus império, tot divínis probátus oráculis, cum a priváto hómine corriperétur quod gráviter deliquísset, non indignátus infrémuit, sed conféssus ingémuit culpæ dolóre. | Que de fautes chacun de nous ne commet-il pas à toute heure ! Et cependant aucun de nous, qui formons le peuple, ne pense à l’obligation de les confesser. David, ce roi si glorieux et si puissant, ne peut garder en lui, même un temps assez court, le péché qui pèse sur sa conscience : mais, par une prompte confession, accompagnée d’un regret sans mesure, il s’en décharge aux pieds du Seigneur. Me trouveriez-vous facilement aujourd’hui quelqu’un de riche et d’honoré, qui souffre sans peine d’être repris pour une faute qu’il aurait commise ? Et David, dans l’éclat de la puissance royale, David, loué si souvent par les saintes Écritures, lorsqu’un particulier lui reproche un grand crime, ne frémit point d’indignation, mais au contraire avoue sa faute et en gémit avec douleur. |
R/. Percússit Saul mille, et Davíd decem míllia : * Quia manus Dómini erat cum illo ; percússit Philisthǽum, ct ábstulit oppróbrium ex Israel. | R/. Saül en a tué mille et David dix mille [7] : * Car la main du Seigneur était avec lui ; il a frappé le Philistin, et enlevé l’opprobre d’Israël [8]. |
V/. Nonne iste est David, de quo canébant in choro, dicéntes : Saul percússit mille, et David decem millia ? | V/. Celui-ci n’est-il pas David pour lequel on chantait dans les chœurs, en disant : Saül en a tué mille et David dix mille [9] ? |
* Quia manus Dómini erat cum illo ; percússit Philisthǽum, ct ábstulit oppróbrium ex Israel. | * Car la main du Seigneur était avec lui ; il a frappé le Philistin, et enlevé l’opprobre d’Israël. |
Lectio v | 5e leçon |
Dénique Dóminum dolor íntimi movit afféctus, ut Nathan díceret : Quóniam pœnítuit te, et Dóminus ábstulit peccátum tuum. Matúritas ítaque véniæ, profúndam regis fuísse pœniténtiam declarávit, quæ tanti erróris offénsam tradúxerit. Alii hómines cum a sacerdótibus corripiúntur, peccátum suum íngravant, dum negáre cúpiunt aut deféndere ; ibíque eórum lapsus est maior, ubi sperátur corréctio. Sancti autem Dómini, qui consummáre pium certámen géstiunt, et cúrrere cursum salútis, sícubi forte ut hómines corrúerint, natúræ magis fragilitáte quam peccándi libídine, acrióres ad curréndum resúrgunt, pudóris stímulo maióra reparántes certámina ; ut non solum nullum attulísse æstimétur lapsus impediméntum, sed étiam velocitátis incentíva cumulásse. | Aussi le Seigneur fut-il touché de cette immense douleur, si bien que Nathan dit à David : Parce que tu t’es repenti, le Seigneur a mis à l’écart ton péché. La promptitude du pardon fait voir que le repentir du prince était bien profond, pour écarter ainsi l’offense d’un tel égarement. Le reste des hommes, lorsque les Prêtres ont lieu de les reprendre, aggravent leur péché, en cherchant soit à le nier, soit à l’excuser ; et il y a pour eux chute plus grande, là même où l’on espérait les voir se relever. Mais les saints du Seigneur, qui brûlent de continuer le pieux combat et de fournir en entier la carrière du salut, si parfois, hommes qu’ils sont, ils viennent à faillir, moins par détermination de pécher que par fragilité naturelle, ils se relèvent plus ardents à la course, et, stimulés par la honte de la chute, ils la compensent par de plus rudes combats. De sorte que leur chute, au lieu de leur avoir causé quelque retard, n’a servi qu’à les aiguillonner et à les faire avancer plus vite. |
R/. Montes Gélboë, nec ros nec plúvia véniant super vos, * Ubi cecidérunt fortes Israël. | R/. Montagnes de Gelboé, que ni pluie ni rosée ne viennent sur vous [10], * Où les forts d’Israël sont tombés. |
V/. Omnes montes, qui estis in circúitu eius, vísitet Dóminus ; a Gélboë autem tránseat. | V/. Que le Seigneur visite toutes les montagnes qui sont alentour, mais qu’il passe loin de Gelboé. |
* Ubi cecidérunt fortes Israël. | * Où les forts d’Israël sont tombés. |
Lectio vi | 6e leçon |
Peccávit David, quod solent reges ; sed pœniténtiam gessit, flevit, ingémuit, quod non solent reges. Conféssus est culpam, obsecrávit indulgéntiam, humi stratus deplorávit ærúmnam, ieiunávit, orávit, confessiónis suæ testimónium in perpétua sæcula vulgáto dolóre transmísit. Quod erubéscunt fácere priváti, rex non erúbuit confitéri. Qui tenéntur légibus, audent suum negáre peccátum, dedignántur rogáre indulgéntiam, quam petébat qui nullis légibus tenebátur humánis. Quod peccávit, conditiónis est ; quod supplicávit, correctiónis. Lapsus commúnis, sed speciális conféssio. Culpam ítaque incidísse, natúræ est : diluísse, virtútis. | David pèche, ce qui arrive aux rois trop souvent ; mais il fait pénitence, il pleure, il gémit : ce qui est assez rare chez les rois. Il reconnaît sa faute, il en demande pardon, le front dans la poussière ; il déplore sa misérable fragilité ; il jeûne, il prie, et, manifestant ainsi sa douleur, fait parvenir aux siècles futurs le témoignage de sa confession. L’aveu qui fait rougir de honte les particuliers, ce prince n’en rougit pas. Ceux que les lois atteignent osent nier leur péché, ou ne veulent pas demander ce pardon que sollicite un souverain, qui n’est soumis aux lois d’aucun homme. En péchant, il a donné un signe de sa fragile condition ; en suppliant, il donne une marque d’amendement. |
R/. Ego te tuli de domo patris tui, dicit Dóminus, et pósui te páscere gregem pópuli mei : * Et fui tecum in ómnibus, ubicúmque ambulásti, firmans regnum tuum in ætérnum. | R/. C’est moi qui t’ai tiré de la maison de ton père, dit le Seigneur, et t’ai établi pour pasteur du troupeau de mon peuple [11] : * Et j’ai été avec toi dans tous les lieux où tu as marché, affermissant ton royaume pour toujours. |
V/. Fecíque tibi nomen grande, iuxta nomen magnórum, qui sunt in terra : et réquiem dedi tibi ab ómnibus inimícis tuis. | V/. J’ai rendu ton nom grand comme le nom des grands qui sont sur la terre et je t’ai donné le repos du côté de tous tes ennemis. |
* Et fui tecum in ómnibus, ubicúmque ambulásti, firmans regnum tuum in ætérnum. Glória Patri. * Et fui tecum in ómnibus, ubicúmque ambulásti, firmans regnum tuum in ætérnum. | * Et j’ai été avec toi dans tous les lieux où tu as marché, affermissant ton royaume pour toujours. Gloire au Père. * Et j’ai été avec toi dans tous les lieux où tu as marché, affermissant ton royaume pour toujours. |
3ème Nocturne
Psaumes du 3ème nocturne du Dimanche per annum
Lectio vii | 7e leçon |
Léctio sancti Evangélii secundum Marcum. | Lecture du saint Évangile selon saint Marc. |
Cap. 8, 1-9. | |
In illo témpore : Cum turba multa essetcum Iesu nec habérent quod manducárent, convocátis discípulis, ait illis : Miséreor super turbam, quia ecce iam tríduo sústinent me nec habent quod mandúcent. Et réliqua. | En ce temps-là : Comme il y avait avec Jésus une nombreuse foule qui n’avait pas de quoi manger, il appela ses disciples et leur dit : J’ai compassion de cette foule, car voilà trois jours déjà qu’ils restent près de moi, et ils n’ont rien à manger. Et le reste. |
Homilía sancti Ambrósii Epíscopi. | Homélie de saint Ambroise, Évêque. |
Liber 6 in Lucæ cap. 9 post initium | |
Posteáquam illa, quæ Ecclésiæ typum accépit, a fluxu curáta est sánguinis, posteáquam Apóstoli ad evangelizándum regnum Dei sunt destináti, grátiæ cæléstis impartítur aliméntum. Sed quibus impartiátur, advérte. Non otiósis, non in civitáte, quasi in synagóga vel sæculári dignitáte residéntibus ; sed inter desérta quæréntibus Christum. Qui enim non fastídiunt, ipsi excipiúntur a Christo, et cum ipsis lóquitur Dei Verbum, non de sæculáribus, sed de regno Dei. Et si qui corporális gerunt úlcera passiónis, his medicínam suam libénter indúlget. | C’est après que cette femme qui figurait l’Église, eut été guérie d’un flux de sang ; c’est après que les Apôtres eurent été choisis pour prêcher l’Évangile du royaume de Dieu, que Jésus-Christ distribua l’aliment de la grâce céleste. Et remarquez à qui il le dispense : ce n’est point à ceux qui demeurent oisifs, à ceux qui restent dans la ville, c’est-à-dire à ceux qui s’attardent dans la synagogue ou se complaisent dans les honneurs du siècle ; mais c’est à ceux qui, pour chercher le Christ, pénètrent jusqu’au désert. Ceux qui surmontent toute répugnance, ceux-là sont accueillis par le Christ, c’est avec eux que le Verbe de Dieu s’entretient, non des affaires de ce monde, mais du royaume de Dieu. Et si parmi eux il en est qui soient affligés de quelque infirmité corporelle, il leur accorde d’abord le bienfait de la guérison. |
R/. Peccávi super númerum arénae maris, et multiplicáta sunt peccáta mea ; et non sum dignus vidére altitúdinem cæli præ multitúdine iniquitátis meæ : quóniam irritávi iram tuam, * Et malum coram te feci. | R/. J’ai péché, et mes péchés se sont multipliés au-dessus du nombre du sable de la mer, et à cause de la multitude de mon iniquité je ne suis pas digne de regarder en haut le ciel : parce que j’ai excité votre colère [12], * Et commis le mal en votre présence. |
V/. Quóniam iniquitátem meam ego cognósco : et delíctum meum contra me est semper, quia tibi soli peccávi. | V/. Parce que je connais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi, car j’ai péché contre vous seul [13]. |
* Et malum coram te feci. | * Et commis le mal en votre présence. |
Lectio viii | 8e leçon |
Cónsequens ígitur erat, ut quos a vúlnerum dolóre sanáverat, eos alimóniis spiritálibus a ieiúnio liberáret. Itaque nemo cibum áccipit Christi, nisi fúerit ante sanátus ; et illi qui vocántur ad cœnam, prius vocándo sanántur. Si claudus fuit, gradiéndi facultátem, ut veníret, accépit : si lúmine oculórum privátus, domum útique Dómini, nisi refúsa luce, intráre non pótuit. | Il était naturel qu’il tint en réserve un aliment spirituel, pour faire cesser le jeûne de ceux dont il venait de guérir les blessures. Personne donc ne reçoit la nourriture du Christ, s’il n’a d’abord été guéri, et tous ceux qui sont appelés au banquet, sont auparavant guéris par l’appel divin. Celui qui était boiteux a reçu, pour venir, la faculté de marcher ; celui qui était privé de la vue n’a pu entrer dans la maison du Seigneur, qu’après que la lumière lui a été rendue. |
Répons [14] | |
R/. Duo Séraphim clamábant alter ad álterum : * Sanctus, sanctus, sanctus Dóminus Deus Sábaoth : * Plena est omnis terra glória eius. | R/. Deux Séraphins se criaient l’un à l’autre [15] : * Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées : * Toute la terre est pleine de sa gloire. |
V/. Tres sunt qui testimónium dant in cælo : Pater, Verbum, et Spíritus Sanctus : et hi tres unum sunt. | V/. Ils sont trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit-Saint ; et ces trois sont une seule chose [16]. |
* Sanctus, sanctus, sanctus Dóminus Deus Sábaoth : Glória Patri. * Plena est omnis terra glória eius. | * Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées : Gloire au Père. * Toute la terre est pleine de sa gloire. |
Lectio ix | 9e leçon |
Ubique ígitur mystérii ordo servátur, ut prius per remissiónem peccatórum vulnéribus medicína tribuátur, post alimónia mensæ cæléstis exúberat ; quamquam nondum validióribus hæc turba reficiátur aliméntis, neque Christi córpore et sánguine ieiúna solidióris fídei corda pascántur. Lacte, inquit, vos potávi, non esca ; nondum enim poterátis, sed nec adhuc quidem potéstis. In modum lactis quinque sunt panes : esca autem solídior, corpus est Christus ; potus veheméntior, sanguis est Domini. | C’est donc un ordre mystérieux toujours observé : d’abord la rémission des péchés guérit les blessures spirituelles, ensuite la céleste nourriture est accordée avec largesse. Et cependant, cette foule n’est pas encore appelée à se nourrir des aliments les plus substantiels : ces cœurs, vides d’une foi solide, ne sont pas restaurés par le corps et le sang du Christ. « Je ne vous ai donné que du lait, dit l’Apôtre, vous ne pouviez encore supporter autre chose, et d’ailleurs vous en êtes encore incapables ». Ici, les cinq pains rappellent le lait : la nourriture plus substantielle, c’est le corps du Christ ; le breuvage plus fortifiant, c’est le sang du Seigneur. |
Te Deum | |
A LAUDES.
Psaumes, capitule et hymne : Laudes du Dimanche per annum en été
V/. Dóminus regnávit, decórem índuit. | V/. Le Seigneur a régné, il revêt la beauté [17]. |
R/. Induit Dóminus fortitúdinem, et præcínxit se virtúte. | R/. Le Seigneur se revêt de force, il s’est ceint de puissance [18]. |
Ad Bened. Ant. Cum turba multa * esset cum Iesu nec habérent quod manducárent, convocátis discípulis, ait illis : Miséreor super turbam, quia ecce iam tríduo sústinent me nec habent quod mandúcent, allelúia. | Ant. au Benedictus Comme une grande multitude * était avec Jésus et n’avait pas de quoi manger, il appela ses disciples et leur dit : J’ai pitié de cette multitude ; car voilà déjà trois jours qu’ils sont constamment avec moi, et ils n’ont pas de quoi manger, alléluia. |
Benedictus | |
Oratio | Prière |
Deus virtútum, cuius est totum quod est óptimum : ínsere pectóribus nostris amórem tui nóminis, et præsta in nobis religiónis augméntum ; ut, quæ sunt bona, nútrias, ac pietátis stúdio, quæ sunt nutríta, custódias. Per Dóminum. | Dieu des vertus, unique auteur de tout ce qui est très bon : imprimez dans nos cœurs l’amour de votre nom, et augmentez en nous l’esprit de religion ; afin que vous y nourrissiez tout ce qu’il y a de bien, et que par l’amour de la piété vous conserviez ce que vous avez nourri. |
AUX DEUXIÈMES VÊPRES.
Psaumes, capitule et hymne : Vêpres du Dimanche per annum
V/. Dirigátur, Dómine, orátio mea. | V/. Que ma prière soit dirigée, Seigneur [19]. |
R/. Sicut incénsum in conspéctu tuo. | R/. Comme un encens en votre présence. |
Ad Magnificat Ant. Miséreor * super turbam, quia ecce iam tríduo sústinent me nec habent quod mandúcent, et, si dimísero eos ieiúnos, defícient in via, allelúia. | Ant. au Magnificat J’ai pitié * de cette multitude ; car voilà déjà trois jours qu’ils sont constamment avec moi, et ils n’ont pas de quoi manger ; et si je les renvoie à jeun dans leurs maisons, ils tomberont de défaillance en chemin, alléluia. |
Magnificat | |
Oratio | Prière |
Deus virtútum, cuius est totum quod est óptimum : ínsere pectóribus nostris amórem tui nóminis, et præsta in nobis religiónis augméntum ; ut, quæ sunt bona, nútrias, ac pietátis stúdio, quæ sunt nutríta, custódias. Per Dóminum. | Dieu des vertus, unique auteur de tout ce qui est très bon : imprimez dans nos cœurs l’amour de votre nom, et augmentez en nous l’esprit de religion ; afin que vous y nourrissiez tout ce qu’il y a de bien, et que par l’amour de la piété vous conserviez ce que vous avez nourri. |
L’Office du sixième Dimanche après la Pentecôte s’ouvrait hier soir par l’exclamation poignante d’un immense repentir. David, le roi-prophète, le vainqueur de Goliath, vaincu à son tour par l’entraînement des sens, et d’adultère devenu homicide, s’écriait sous le poids de son double crime : « Je vous en prie, mon Dieu, pardonnez l’iniquité de votre serviteur, car j’ai agi en insensé (1) ! » [20]
Le péché, quels que soient le coupable et la faute, est toujours faiblesse et folie. L’orgueil de l’ange rebelle ou de l’homme déchu aura beau faire : il n’empêchera pas que la flétrissure de ces deux mots ne s’attache, comme un stigmate humiliant, à la révolte contre Dieu, à l’oubli de sa loi, à cet acte insensé de la créature qui, conviée à s’élever dans les régions sereines où réside son auteur, s’échappe et fuit vers le néant, pour retomber plus bas même que ce néant d’où elle était sortie. Folie volontaire cependant, et faiblesse sans excuse ; car si l’être créé ne possède de son fonds que ténèbres et misères, la bonté souveraine met à sa disposition par la grâce, qui ne manque jamais, la force et la lumière de Dieu.
Le dernier, le plus obscur pécheur ne saurait donc avoir de raisons pour justifier ses fautes ; mais l’offense est plus injurieuse à Dieu, quand elle lui vient d’une créature comblée de ses dons et placée par sa bonté plus haut que d’autres dans l’ordre des grâces. Qu’elles ne l’oublient pas ces âmes pour qui le Seigneur a, comme pour David, multiplié ses magnificences [21]. Conduites par les voies réservées de son amour, elles auraient beau avoir atteint déjà les sommets de l’union divine ; une vigilance sans fin peut seule garder quiconque n’a pas déposé le fardeau de la chair. Sur les montagnes comme dans les plaines et les vallées, toujours et partout, la chute est possible ; et combien n’est-elle pas plus effrayante, quand le pied glisse sur ces pics élevés de la terre d’exil qui déjà confinent à la patrie et donnent entrée dans les puissances du Seigneur [22] ! Alors les précipices béants, que l’âme avait évités dans la montée, semblent tous l’appeler à la fois ; elle roule d’abîme en abîme, effrayant quelquefois jusqu’aux méchants eux-mêmes par la violence des passions longtemps contenues qui l’entraînent.
Âme brisée, que l’orgueil de Satan va chercher à fixer dans la fange ! Mais bien plutôt, du fond du gouffre où l’a jetée sa chute lamentable, qu’elle s’humilie, qu’elle pleure son crime ; qu’elle ne craigne point de lever de nouveau ses yeux humides vers les hauteurs brillantes où naguère elle semblait faire partie déjà des phalanges bienheureuses. Sans plus tarder, qu’elle s’écrie comme David : « J’ai péché contre le Seigneur » ; et comme à lui, il sera répondu : « Le Seigneur a pardonné ton péché, tu ne mourras pas » [23] ; et comme pour David, Dieu pourra faire encore en elle de grandes choses. David innocent avait paru la fidèle image du Christ, objet divin des complaisances de la terre et des cieux ; David pécheur, mais pénitent, resta la très noble figure de l’Homme-Dieu chargé des crimes du monde, et portant sur lui la miséricordieuse et juste vengeance de son Père offensé.
Les Grecs lisent à la Messe de ce Dimanche, qui est pour eux le sixième de saint Matthieu, le récit de la guérison du paralytique rapportée au chapitre IXe de cet évangéliste. Le chapitre précédent avait fourni, dans l’épisode du centurion et celui des deux possédés, le sujet des lectures évangéliques du quatrième Dimanche et du cinquième.
A LA MESSE.
Le rapport qui a pu exister autrefois, pour ce Dimanche, entre la Messe et l’Office de la nuit se laisserait aujourd’hui difficilement saisir. Honorius d’Autun et Durand de Mende appliquaient, de leur temps [24], l’Introït et les autres parties chantées qui vont suivre à l’inauguration du règne de Salomon. On prenait alors en effet pour ce jour, comme Leçons de l’Écriture, les premières pages du second livre des Paralipomènes où sont racontés les commencements glorieux du fils de David. Mais, depuis, l’usage a prévalu dans l’Église de continuer jusqu’au mois d’août la lecture des quatre livres des Rois, en laissant de côté les deux livres des Paralipomènes qui ne faisaient que répéter en partie les récits ayant fait la matière des lectures précédentes. Les anciens rapprochements proposés par les auteurs que nous venons de citer, n’ont donc plus maintenant d’application possible. Nous nous contenterons de puiser, dans l’Introït, un nouveau sentiment de ce qui fait la force du chrétien : sa foi dans la puissance du Seigneur qui ne saurait lui manquer, et la conscience de sa misère qui le garde de toute présomption.
La Collecte présente un admirable résumé de l’action forte et suave de la grâce sur toute la conduite de la vie chrétienne. Elle s’inspire du texte de saint Jacques : « Tout don excellent, tout don parfait est d’en haut, et descend du Père des lumières » [25].
ÉPÎTRE.
Les Messes des Dimanches après la Pentecôte ne nous avaient présenté qu’une seule fois jusqu’ici les Épîtres de saint Paul. C’est à saint Pierre et à saint Jean qu’était réservée de préférence la mission d’enseigner les fidèles au commencement des sacrés Mystères. Il semble que l’Église, en ces semaines qui représentent les premiers temps de la prédication apostolique, ait voulu rappeler ainsi le rôle prédominant du disciple de la foi et de celui de l’amour dans cette première promulgation de l’alliance nouvelle qui eut lieu tout d’abord au sein du peuple juif. Paul en effet n’était alors que Saul le persécuteur, et se montrait l’ennemi le plus violent de la parole qu’il devait porter plus tard avec tant d’éclat jusqu’aux extrémités du monde. Si ensuite sa conversion fit de lui un apôtre ardent et convaincu pour les Juifs eux-mêmes, il parut bientôt pourtant que la maison de Jacob n’était point, dans le domaine de l’apostolat, la part de son héritage [26]. Après avoir affirmé publiquement sa croyance à Jésus Fils de Dieu et confondu la synagogue par l’autorité de son témoignage [27], il laissa silencieusement s’écouler la fin de la trêve accordée à Juda pour accepter l’alliance ; il attendit dans la retraite [28] que le vicaire de l’Homme-Dieu, le chef du collège apostolique, donnât le signal de l’appel des Gentils, et ouvrît en personne les portes de l’Église à ces nouveaux fils d’Abraham [29].
Mais Israël a désormais trop longtemps abusé des divines condescendances ; l’heure de la répudiation approche pour l’ingrate Jérusalem [30], et l’Époux s’est enfin tourné vers les races étrangères. La parole est maintenant au Docteur des nations ; il la gardera jusqu’au dernier jour ; il ne se taira plus, jusqu’à ce qu’ayant redressé, soulevé vers Dieu la gentilité, il l’ait affermie dans la foi et l’amour. Il ne se donnera point de repos qu’il n’ait amené cette délaissée à la consommation des noces du Christ [31], à cette pleine fécondité de l’union divine, dont il dira au XXIVe et dernier Dimanche après la Pentecôte : « Nous n’avons point cessé de demander, de supplier que vous fussiez remplis de toute sagesse et doctrine, dignes de Dieu, lui plaisant en toutes choses, féconds dans toutes les bonnes œuvres et en toute vertu, par la puissance de celui qui nous a rendus dignes d’avoir part au sort des Saints dans la lumière de son Fils bien-aimé » [32].
C’est aux Romains que s’adressent aujourd’hui les instructions inspirées du grand Apôtre. L’Église en effet, dans la lecture de ces admirables Épîtres, observera l’ordre même de leur inscription au canon des Écritures : la lettre aux Romains, les deux aux Corinthiens, celles aux Galates, aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, passeront successivement sous nos yeux. Sublime correspondance, où l’âme de Paul, se livrant tout entière, donne en même temps le précepte et l’exemple de l’amour ! « Je vous en prie, dit-il sans cesse, soyez mes imitateurs, comme je le suis de Jésus-Christ » [33].
C’est qu’en effet l’Évangile [34], le royaume de Dieu [35], la vie chrétienne, n’est point simplement affaire de discours. Rien de moins spéculatif que la science du salut ; rien qui la fasse pénétrer plus avant dans les âmes que la sainteté de ceux qui l’enseignent. Pour cette raison, celui-là seul, dans le christianisme, est reconnu comme Apôtre ou Docteur, qui sait fournir aux hommes, dans l’unité de sa vie, le double enseignement de la doctrine et des œuvres. Ainsi le premier, Jésus, prince des pasteurs [36], a-t-il traduit l’éternelle vérité, non seulement dans les mots sortis de sa bouche divine, mais encore dans les actes de sa vie sur terre. Ainsi l’Apôtre, devenu lui-même la forme du troupeau [37], révèle à tous en sa personne les progrès merveilleux qu’une âme fidèle peut accomplir au souffle de l’Esprit sanctificateur. Soyons attentifs aux accents de cette bouche puissante toujours ouverte sur le monde [38] ; mais, en même temps, ouvrons les yeux de notre âme pour voir à l’œuvre notre Apôtre et marcher à sa suite [39]. Par ses Épîtres si vivantes, il reste véritablement sur la terre ; il demeure avec nous, comme il l’avait dit, pour notre avancement, pour la joie et le triomphe de notre foi [40].
D’autre part, si nous estimons à leur prix l’exemple et la doctrine de ce père des nations [41], rappelons-nous également ses travaux et ses souffrances ; n’oublions point la sollicitude, l’amour ardent qu’il professait pour tous ceux qui n’avaient point vu son visage en la chair [42]. Payons de retour, en dilatant pour lui nos cœurs ; aimons avec la lumière celui qui nous l’apporte, et tous ceux qui, comme lui, l’ont puisée si brillante dans les trésors de Dieu le Père et de son Christ. C’est la touchante recommandation de saint Paul lui-même [43] ; c’est l’intention voulue par Dieu, lorsqu’il daigna confier à des hommes mortels le soin d’instruire conjointement avec lui les nations [44]. La Sagesse éternelle ne se montre point directement ici-bas : elle s’est cachée dans l’Homme-Dieu tout entière [45] ; elle se révèle donc par lui [46], mais aussi par l’Église [47], qui est le corps mystique de cet Homme-Dieu [48]. Nous ne pouvons, en dehors du Christ Jésus, ni l’aimer, ni l’atteindre [49] ; mais nous n’aimons, nous ne comprenons Jésus, qu’en aimant et comprenant son Église [50]. Or, si dans cette Église, assemblée glorieuse des élus, il n’en est point qui ne réclament légitimement notre amour, est-il douteux pourtant que nous devions aimer et vénérer ceux-là surtout qui sont plus étroitement associés à l’humanité du Sauveur dans la manifestation du Verbe divin, centre unique de nos pensées dès ce monde et pour l’éternité [51] ?
Personne, à ce titre, ne mérita plus que Paul la vénération, la reconnaissance et l’amour du peuple fidèle. Qui en effet, des prophètes et des saints apôtres, pénétra davantage le mystère du Christ [52] ? Qui comme lui révéla au monde les rayonnements divins de la face du Sauveur [53] ? La vie d’union, cette union merveilleuse qui multiplie la vie du Verbe et la prolonge en chacun des chrétiens, eut-elle jamais un docteur plus complet, un si éloquent interprète ? A lui, le dernier venu, fut donnée cette grâce d’annoncer aux nations les insondables richesses du Christ ; le plus petit des saints, proclame-t-il dans son humilité sublime, il reçut la mission d’enseigner à toute créature le dernier mot de la création, resté longtemps caché en Dieu comme le secret des siècles et de l’histoire du monde, à savoir : la manifestation de la Sagesse infinie par l’Église, en Jésus-Christ notre Seigneur [54].
Car l’Église n’étant autre chose que le corps de l’Homme-Dieu et son mystique complément, la formation de l’Église, ses accroissements, ne sont pour saint Paul que la suite régulière de l’Incarnation, le développement continu du mystère apparu dans la crèche aux célestes principautés. Après l’Incarnation, Dieu fut mieux connu des Anges ; bien que le même en son immuable essence, il leur apparut plus grand et plus magnifique au reflet de ses perfections infinies dans la chair de son Verbe. Ainsi, bien que sans croissance possible elles-mêmes et fixées dans la plénitude, la perfection et la sainteté créées de l’Homme-Dieu se révèlent plus grandes à leur tour, à mesure que se multiplient dans le monde des merveilles de perfection et de sainteté qui ne trouvent qu’en lui leur source.
Parti de lui, coulant toujours de sa plénitude [55], le flot de la grâce et de la vérité [56] parcourt sans fin chacun des membres de l’immense corps de l’Église. Principe de divine croissance, sève mystérieuse dont les canaux rattachent plus étroitement l’Église à son Chef auguste, que les nerfs et les vaisseaux portant le mouvement et la vie jusqu’aux extrémités de notre corps ne rattachent ses diverses parties à la tête qui dirige et commande. Mais de même que dans le corps humain la vie est une pour la tête et les membres, constituant chacun d’eux dans la proportion et l’harmonie qui font l’homme parfait : ainsi n’y a-t-il dans l’Église qu’une seule vie, celle de l’Homme-Dieu, du Christ chef formant son corps mystique et développant dans l’Esprit-Saint ses divers membres [57]. Un temps viendra qu’il ne manquera plus rien à ce développement ; alors l’humanité, fondue avec son chef divin dans la mesure et la splendeur de l’âge parfait qui convient au Christ, apparaîtra sur le trône du Verbe [58], pour y faire à jamais l’admiration des Anges et l’objet des complaisances de la Trinité bienheureuse. Mais, en attendant, le Christ se complète en toutes choses et dans tous [59] ; comme autrefois à Nazareth, Jésus grandit encore [60], et ses accroissements manifestent chaque jour davantage la Sagesse infinie dans sa beauté [61].
La sainteté, les souffrances, et ensuite la gloire du Seigneur Jésus, sa vie même en un mot prolongée dans ses membres [62] telle est pour saint Paul la vie chrétienne : simple et sublime notion, qui résume à ses yeux le commencement, le progrès et la consommation du travail de l’Esprit d’amour en toute âme sanctifiée. Nous le verrons par la suite développer longuement cette vérité pratique, dont il se contente aujourd’hui de poser la base dans l’Épître que l’Église nous fait lire. Qu’est-ce que le baptême en effet, cette première entrée dans la voie qui conduit au ciel, sinon l’incorporation du néophyte à l’Homme-Dieu mort une fois au péché pour vivre à jamais en Dieu son Père ? Au Samedi saint [63], près des bords de la fontaine sacrée, nous avons compris, à l’aide d’un passage semblable de l’Apôtre [64], les divines réalités accomplies sous l’onde mystérieuse. La sainte Église n’y revient aujourd’hui que pour rappeler ce grand principe des commencements de la vie chrétienne, et l’établir comme point de départ des instructions qui vont suivre. Si le premier acte de la sanctification du fidèle enseveli dans son baptême avec Jésus-Christ a pour objet de le refaire tout entier, de le créer de nouveau dans cet Homme-Dieu [65], de greffer sa vie nouvelle sur la vie même du Seigneur Jésus pour en produire les fruits, nous ne serons point surpris que l’Apôtre se refuse à tracer aux chrétiens d’autre procédé de contemplation, d’autre règle de conduite, que l’étude et l’imitation du Sauveur. La perfection de l’homme [66] et sa récompense [67] sont en lui seul : selon donc la connaissance que vous avez reçue de lui, marchez en lui [68] ; car vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ [69]. Le Docteur des nations le déclare : il ne connaît, il ne saurait prêcher autre chose [70]. A son école, prenant en nous les sentiments qu’avait Jésus-Christ [71], nous deviendrons d’autres Christs, ou plutôt un seul Christ avec l’Homme-Dieu, par l’union des pensées et la conformité des vertus sous l’impulsion du même Esprit sanctificateur.
Entre la lecture de l’Épître et celle de l’Évangile, le Graduel et le Verset viennent raviver dans les cœurs l’humble et confiante prière qui doit s’élever sans cesse de l’âme du chrétien vers son Dieu.
ÉVANGILE.
L’explication du texte sacré nous est donnée par saint Ambroise au nom de l’Église, dans l’Homélie du jour ; elle n’est point faite pour changer en rien le cours des pensées que nous inspire l’ensemble de la sainte Liturgie dans cette partie de l’année.
« Après la guérison du flux de sang dont souffrait la femme figure de l’Église, après la mission d’évangéliser donnée aux Apôtres, l’aliment de la grâce céleste est distribué aux âmes affamées que ne saurait rassasier l’ancienne Loi mourante » [72]. Ainsi s’exprime le saint Docteur. Déjà en effet, comme nous le disions il y a huit jours, la loi du Sinaï, convaincue d’impuissance [73], a fait place au Testament de l’alliance universelle. C’est de Sion même néanmoins qu’est sortie la loi de la grâce ; Jérusalem, la première cette fois encore, a entendu la parole du Seigneur [74]. Mais les porteurs de la bonne nouvelle, conduits par un peuple endurci et jaloux, se sont tournés bientôt vers les nations [75], en secouant sur Jérusalem la poussière de leurs pieds ; poussière accusatrice [76] qui retombera dans peu sur l’orgueilleuse cité en pluie vengeresse, plus terrible que les torrents de feu déchaînés autrefois sur Sodome et Gomorrhe [77]. Déjà, dans la grande famille humaine, c’en est fait de la supériorité de Juda si longtemps maintenue, des droits du premier-né, antique honneur d’Israël ! La primauté a suivi vers l’Occident Simon Pierre ; et le diadème de Sion, tombé de sa tête prévaricatrice [78], brille pour jamais au front purifié de la reine des nations.
Comme l’hémorroïsse de l’Évangile qui avait dépensé tout son bien en traitements inutiles, la gentilité, épuisée depuis la chute première en pertes incessantes, avait achevé de dissiper dans les mains des docteurs de mensonge jusqu’à cette lumière primitive et ces dons de nature qui formaient, selon l’expression de l’évêque de Milan, « son patrimoine vital » [79]. Mais voici qu’au bruit de l’arrivée du médecin céleste, elle s’est levée dans la conscience de sa misère ; sa foi, triomphant de sa honte, l’a portée à la rencontre du Verbe ; son humble confiance, qui contrastait avec l’insultante arrogance de la synagogue, a touché le Christ ; et la vertu sortie de lui [80] a guéri sa plaie originelle, et répare en un moment ses ruines successives.
Il était juste que le Seigneur, ayant ainsi guéri l’humanité, la relevât de son jeûne séculaire, en lui donnant la nourriture convenable. C’est toujours la pensée de saint Ambroise ; et, rapprochant du repas miraculeux de notre Évangile cette autre multiplication des pains dont nous avons célébré le mystère au quatrième Dimanche de Carême, il remarque qu’il y a pour la nourriture spirituelle, comme pour celle des corps, divers degrés d’excellence. L’Époux ne sert point dès le commencement d’ordinaire son vin le plus enivrant, ses mets les plus exquis aux conviés de son amour [81]. Beaucoup d’ailleurs ne sauraient point s’élever, ici-bas, au delà d’une certaine limite vers la divine et substantielle lumière qui nourrit les âmes. A ceux-là donc, au plus grand nombre, figuré par les cinq mille hommes de la première multiplication miraculeuse, conviennent les cinq pains de moindre qualité [82], répondant par leur nombre aux cinq sens qui retiennent encore plus ou moins la multitude sous leur empire. Mais aux privilégiés de la grâce, aux hommes qui, dominant les mille sollicitudes de la vie et méprisant ses jouissances permises, parviennent dès ce monde à faire régner Dieu seul en leur âme, à ceux-là seuls l’Époux destine le pur froment des sept pains, dont le nombre rappelle la plénitude de l’Esprit de sainteté et abonde en mystères.
« Bien que dans le monde, dit saint Ambroise, ils ne sont plus du monde ces hommes qui goûtent l’aliment du mystique repos » [83]. Au commencement, Dieu donna en six jours à l’univers sorti de ses mains sa perfection et sa beauté ; il consacra le septième à la jouissance de ses ouvrages [84]. Sept est le chiffre du repos divin ; il devait être aussi celui du repos fécond des fils de Dieu, de la consommation des âmes dans la paix qui assure l’amour et fait l’invincible force de l’Épouse au Cantique [85]. C’est pourquoi l’Homme-Dieu, proclamant sur la montagne les béatitudes de la loi d’amour, attribua la septième aux pacifiques ou pacifiés [86], comme devant être nommés excellemment fils de Dieu [87]. En eux seuls, en effet, se développe pleinement le germe de la filiation divine [88] déposé dans l’âme au baptême. Grâce au silence des passions terrassées, leur esprit, maître de la chair et soumis à Dieu, ne connaît plus les tempêtes intérieures, les brusques variations, les inégalités mêmes si nuisibles toujours à la précieuse semence [89] ; échauffée par les feux du Soleil de justice dans une atmosphère continuellement sereine et sans nuages, elle se dilate sans obstacle, elle croît sans déviation ; absorbant tous les sucs humains de cette terre qui l’a reçue, s’assimilant la terre elle-même, elle ne laisse plus rien voir bientôt que de divin dans ces hommes devenus, pour le Père qui est aux cieux, la très fidèle image de son Fils premier-né [90].
« Elle est donc bien justement la septième cette béatitude des pacifiés, reprend saint Ambroise ; à eux le pain des sept corbeilles, le pain sanctifié, le pain du repos ! C’est quelque chose de grand que ce pain du septième jour ; et j’oserai le dire, si, après avoir mangé des cinq pains, vous goûtez les sept, n’attendez plus rien en terre » [91].
Mais pour prétendre à ce festin sans pareil, observez diligemment la condition qu’y met l’Évangile. « Ce n’est point, dit notre Homélie, aux désœuvrés, aux grands du siècle, aux habitants des villes, qu’est distribué le céleste aliment, mais à ceux qui cherchent le Christ au milieu des déserts ; ceux-là seuls qui ont faim sont reçus par le Christ à la participation du Verbe et du royaume de Dieu » [92]. Plus leur faim est intense, plus elle est pure surtout et va directement à son divin objet, plus aussi le pain merveilleux confortera ces affamés de lumière et d’amour et les rassasiera délicieusement.
Toute la vérité, toute la bonté, toute la beauté que contient l’univers, ne saurait par soi satisfaire une seule âme ; il y faut Dieu même ; et tant que l’homme ne l’a point compris, ce que ses sens et sa raison peuvent lui fournil de bien et de vrai, loin de le nourrir, n’est le plus souvent qu’une distraction lamentable à son besoin pressant et un obstacle à la vraie vie. Voyez comme le Seigneur attend, pour agir en faveur de ceux qui le suivent, que toutes leurs provisions humaines soient épuisées. Ils n’ont pas craint, pour rester avec lui, d’affronter la pénurie du désert ; leur foi, plus grande que celle de leurs frères restés dans les villes, les élève aussi plus haut dans l’ordre de ses grâces ; à cause de cela même, il ne veut plus que rien en eux agisse concurremment avec le mets divin qu’il prépare à leurs âmes.
Telle est l’importance de ce dépouillement complet sur les sommets de la vie chrétienne, telle aussi la difficulté pour les plus courageux d’y arriver par leurs seuls efforts, qu’on voit le Seigneur intervenir lui-même directement dans l’âme de ses saints pour y faire le désert, et obtenir ce vide, nécessaire à ses dons, au seul aspect duquel frémit la pauvre nature. Luttant comme Jacob avec Dieu [93] sous l’effort de cette épuration toute-puissante, la créature se sent alors broyée et consumée dans un indicible martyre. Elle est devenue l’objet des ineffables recherches du Fils de Dieu ; mais Celui qui prétend se donner sans réserve aucune, lui si grand à elle si faible et si dénuée, la veut du moins elle aussi tout entière. C’est pour cela que, d’autorité, il la dompte et la brise miséricordieusement, pour la dégager des créatures et d’elle-même. Rien n’échappe des moindres replis, des plus secrets détours de son être au regard transperçant du Verbe ; son action dévorante atteint dans ses poursuites jalouses jusqu’à la division de l’esprit et de l’âme ; pénétrant les moelles et les jointures, scrutant, disséquant sans pitié les intentions et les pensées [94]. Comme le fondeur en présence du métal précieux qui doit devenir l’ornement des rois, il s’est assis, dit le prophète [95] ; il a jeté au creuset cette âme aimée, dont il veut faire pour l’éternité l’un des joyaux éclatants de sa noble parure. Tout entier à ce travail qui lui est cher, à cette opération plus délicate à ses yeux que la création de mille mondes, il surveille et active la flamme purifiante, feu consumant lui-même dans la fournaise. Et lorsque depuis longtemps déjà ont cessé de s’élever les dernières vapeurs parties des sens, que les scories plus résistantes de l’esprit sont détachées à leur tour, la fusion étant complète, goutte à goutte comme l’avare il recueille son or ; il lui rend consistance ; il ne craint plus de le produire aux yeux émerveillés des hommes et des anges : tant est pur son éclat ! Tant le divin ciseleur est assuré maintenant d’y retracer selon qu’il le voudra, en traits dignes de lui, sa fidèle image !
« Le Seigneur nous appelle, disait l’ancien peuple sortant d’Égypte à la suite de Moïse ; nous irons à trois journées de chemin dans le désert, pour y sacrifier au Seigneur notre Dieu » [96]. Les disciples de Jésus-Christ, dans notre Évangile, l’ont de même suivi au désert ; après trois jours, ils ont été nourris d’un pain miraculeux qui présageait la victime du grand Sacrifice figuré par celui d’Israël. Bientôt le présage et la figure vont faire place, sur l’autel qui est devant nous, à la plus sublime des réalités. Quittons la terre de servitude, où nous retenaient nos vices ; l’appel miséricordieux du Seigneur est pour nous de chaque jour ; établissons donc pour jamais nos âmes loin des frivolités mondaines, dans la retraite d’un profond recueillement. Prions le Seigneur, en chantant l’Offertoire, qu’il daigne lui-même affermir nos pas dans les sentiers de ce désert intérieur, où il nous écoutera toujours favorablement et multipliera pour nous les merveilles de sa grâce.
L’efficacité de nos prières n’est assurée qu’autant que la foi les anime et inspire leur objet. L’Église, en recevant les dons de ses fils pour le Sacrifice, demande dans la Secrète qu’il en soit ainsi pour eux tous.
Nous admirions tout a l’heure le travail de purification qu’opère dans les âmes de son choix l’Ange de l’alliance. Or le prophète qui nous faisait assister à cette divine refonte des élus, en révèle le motif par ces paroles qui expliquent du même coup l’Antienne de la Communion : « Et ils sacrifieront au Seigneur dans la justice ; et le sacrifice de Juda et de Jérusalem plaira au Seigneur comme aux jours du passé, comme dans les temps antiques » [97].
Les Mystères sacrés sont le vrai feu purifiant ; ils dégagent pleinement des restes du péché quiconque s’abandonne à leurs ardeurs divines, et raffermissent dans la voie de la perfection. Disons donc avec l’Église :
L’Antienne qui ouvre l’Office de ce Dimanche a pour objet, comme nous l’avons dit, l’expression du repentir de David devenu pécheur. Il en est de même des Répons que nous donnons à la suite.
ANTIENNE ET RÉPONS. | |
Ant. Obsecro, Dómine, aufer iniquitátem servi tui, quia insipiénter egi. | Ant. [98]Je vous en prie, Seigneur , pardonnez l’iniquité de votre serviteur, car j’ai agi en insensé. |
R/. Peccávi super númerum arénae maris, et multiplicáta sunt peccáta mea ; et non sum dignus vidére altitúdinem cæli præ multitúdine iniquitátis meæ : quóniam irritávi iram tuam, * Et malum coram te feci. | R/. [99] J’ai péché par delà le nombre des grains de sable du rivage de la mer, et mes péchés se sont multipliés ; je ne suis pas digne de voir la hauteur des cieux, en raison de la multitude de mes iniquités ; car j’ai irrité votre colère, * Et fait le mal en votre présence. |
V/. Quóniam iniquitátem meam ego cognósco : et delíctum meum contra me est semper, quia tibi soli peccávi. | V/. Car je connais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi ; parce que c’est contre vous seul que j’ai péché, |
* Et malum coram te feci. | * Et fait le mal en votre présence. |
R/. Recordáre, Dómine, testamenti tui, et dic Angelo percutiénti : Cesset jam manus tua, * Ut non desolétur terra, et ne perdas omnem animan meam. | R/. [100] Souvenez-vous, Seigneur, de votre alliance, et dites à l’Ange exterminateur : Que ta main cesse maintenant de frapper : * Afin que ne soit pas désolée la terre, et que toute âme vivante ne meure pas sous vos coups. |
V/. Ego sum qui peccávi, ego qui iníque egi : isti qui oves sunt, quid fecérunt ? Avertátur, obsecro furor tuus, Dómine, a pópulo tuo. | V/. C’est moi qui ai péché, moi qui suis le coupable : ceux-là qui sont les brebis, qu’ont-ils fait ? Je vous en prie, détournez votre colère, Seigneur, de dessus votre peuple. |
* Ut non desolétur terra, et ne perdas omnem animan meam. | * Afin que ne soit pas désolée la terre, et que toute âme vivante ne meure pas sous vos coups. |
Ajoutons ces deux belles formules dominicales du Missel mozarabe.
MISSA. | |
Deum, a quo averti cadere est, ad quem converti resurgere est ; a quo exire mori ; in quo manere, vivere et consistere atque vivescere est ; quem nemo quærit nisi ratione commonitus, nemo invenit nisi corde purgatus, nemo amittit nisi errore deceptus : intentis, fratres charissimi, precibus orando rogemus ; ut in nobis quæsitus existat, neque cum fuerit invocatus abscedat, sed sensibus nostris studio misericordias suas se inserat. | Frères bien-aimés, prions Dieu : c’est tomber que de se détourner de lui, c’est ressusciter que de se convertir à lui ; en sortir c’est la mort, y demeurer c’est la vie, l’affermissement, la croissance ; nul ne le cherche que mû par la raison, nul ne le trouve qu’étant pur de cœur, nul ne le perd que déçu par l’erreur. Donc prions-le instamment qu’en réponse à nos recherches il se trouve en nous, et qu’invoqué il ne s’éloigne pas, mais s’unisse intimement par le labeur de sa miséricorde à nos puissances. |
ORATIO. | |
Domine Deus qui a nobis indesinenter rogaris , et clementer tribuis ut rogeris ; qui das votum optanti, et pie viventibus nihil denegas : præroga quod audias, aut perficias quod acceptas. Da nobis quod ames in nobis, ut digneris semper exaudiri pro nobis. Tribue vota fidelia, sancta desideria, prompta officia, sedula mysteria, verba supplicia, grata eloquia, præconia indefessa. Sint puræ preces, petitiones commodæ, supplicationes justæ, rogationes crebræ, laudes assiduæ : ut ad salutem æternam omnia præstes omnibus, dum invocaris ab omnibus. | Seigneur Dieu prié par nous incessamment, c’est vous dans votre clémence qui nous donnez de vous prier ainsi ; ainsi accordez-vous à qui désire l’objet de ses vœux, et ne refusez-vous rien à qui vit pieusement : inspirez-nous d’acceptables prières, accomplissez les œuvres qui vous plaisent. Donnez-nous ce qu’en nous vous puissiez aimer, afin que vous daigniez toujours être pour nous exorable. Accordez-nous des vœux inspirés par la foi, de saints désirs, des œuvres alertes, l’empressement aux Mystères, les paroles suppliantes, le langage qui vous charme, les chants jamais lassés. Que pures soient les prières, opportunes les demandes, justes les supplications, fréquentes les instances, sans fin la louange : afin qu’à tous vous donniez toutes choses utiles au salut éternel, étant invoqué par tous. |
La série des lectures de saint Paul, momentanément interrompue à cause de la fête des Princes des Apôtres, se poursuit aujourd’hui avec l’épître aux Romains. Ensuite viendront celles aux Corinthiens, aux Calâtes, aux Éphésiens, aux Philippiens et aux Colossiens, en sorte que, durant tout le cycle de la Pentecôte à l’Avent, ce sera toujours Paul qui, dans la station dominicale, prendra la parole pour instruire les fidèles de Rome. Cette préférence, donnée à saint Paul, dans l’attribution de l’enseignement, n’est pas sans une profonde signification.
Pierre et Paul, les princes du collège apostolique, ont été appelés à accomplir une mission durable, qui ne peut se terminer à leur mort. Pierre transmet la puissance des clefs à Lin, à Clet, à Clément, et, aujourd’hui encore dans la personne de Pie XI, il continue d’être la pierre fondamentale sur laquelle s’appuie toute l’Église. Paul, comme l’observe fort bien saint Jean Chrysostome, a reçu de son côté du Seigneur les clefs de la sagesse, et, parmi les gentils, a été constitué le Docteur, l’Apôtre par excellence et le Prédicateur de la vérité jusqu’aux extrêmes confins du monde.
En cette qualité précisément d’Apôtre et de Docteur du monde, il écrit des lettres, des dissertations théologiques, lesquelles, après les saints Évangiles, constituent la portion la plus importante du dépôt de la divine révélation dans la grâce du Nouveau Testament. L’Église ne saurait donc renoncer à nourrir continuellement son esprit de la céleste doctrine de Paul ; si bien que chaque jour, presque régulièrement, à la sainte Messe, un passage des écrits de l’apôtre Paul précède la lecture des Évangiles.
L’introït provient du psaume 27 : « Yahweh est la force de son peuple, il est le bouclier de salut pour son Christ. Sauvez votre peuple, Seigneur, bénissez votre héritage et gouvernez-le pour toujours ». Ce peuple et ce salut doivent être entendus d’abord au sens spirituel, puisqu’il s’agit de l’Église que le Seigneur a rachetée au prix de son Sang et qu’il a rassemblée de toutes les nations de la terre pour en faire sa famille et sa possession. L’Église, qui sait qu’elle appartient à Dieu, est donc assurée qu’il voudra garder son bien contre tous les assauts de l’adversaire.
La collecte est riche de pensées. Tout le bien vient de Dieu, et c’est pourquoi aujourd’hui nous le prions d’inspirer à notre cœur l’amour de son saint Nom, afin que, au moyen d’œuvres vertueuses, nous sanctifiions ce Nom auguste de salut éternel en Jésus, que Lui-même, au baptême, voulut imprimer dans notre, âme en caractères indélébiles.
Nous demandons en outre que le Paraclet daigne intensifier dans notre cœur ce précieux esprit de piété qui est son don spécial. Grâce à ce don, l’âme se sent, pour ainsi dire, doucement orientée et comme attirée vers Dieu et les choses de la religion ; si bien que cette inclination filiale vers le Seigneur lui donne une garantie de sa participation à l’adoption divine. « Ipse enim Spiritus testimonium reddit spiritui nostro quod sumus filii Dei » [101]. Que de la sorte — conclut la collecte du jour — le Seigneur raffermisse et fortifie dans l’âme, au moyen de la grâce, ces bonnes dispositions qu’il a déjà daigné y produire, et que, sous la garde fidèle de la piété, il les conserve pour la vie éternelle.
La lecture de saint Paul (Rom., VI, 3-11) met en relation la résurrection de Jésus avec le saint Baptême. La vasque baptismale est comme un tombeau mystique où l’âme descend pour mourir au péché, et ressusciter ensuite à une vie nouvelle avec Jésus-Christ. A ce propos, l’Apôtre emploie une expression très énergique : « Nous avons été baptisés, c’est-à-dire immergés, dans sa mort » ; cela veut dire que la tombe typique, symbolisée par le baptême, représente la passion et la mort du Sauveur auxquelles nous devons nous associer et qu’il faut reproduire en nous, en sorte que nous mourions continuellement à nous-mêmes et au monde avec Jésus, pour vivre de l’esprit de sa résurrection, programme contenu dans ces brèves paroles : « Quod autem vivit, vivit Deo » [102].
Le chant responsorial que l’on exécutait sur les degrés de l’ambon, provient du psaume 89, et il est commun au samedi des Quatre-Temps de Carême : Seigneur, nos péchés vous ont contraint à détourner votre face — puisque, selon l’Écriture : Mundi sunt oculi tui, ne videas malum [103] ; — que l’humilité du repentir vous pousse maintenant à nous rendre votre regard bienveillant. O Yahweh ! à qui donc pourrions-nous recourir en ce misérable état de déception où nous a induits le monde par ses fausses promesses ? Nous croyions fonder nos espérances sur une base solide, alors qu’au contraire nous nous appuyions sur un roseau brisé. Celui-ci s’est rompu, mais vous, vous êtes venu aussitôt à notre secours pour nous empêcher de tomber et par votre grâce, vous vous êtes montré encore une fois ce que vraiment vous fûtes toujours avec nos Pères, le rocher d’Israël, lapis Israël.
Le verset alléluiatique est tiré du psaume 30 qui développe à peu près le même concept que le chant précédent. Je ne serai jamais déçu dans mes espérances, parce que j’ai mis en Yahweh ma confiance. Tous les autres amis ou protecteurs sont sujets à se tromper ou à faire défaut. Vous qui ne pouvez jamais faillir, ô mon Dieu, sauvez-moi. Ah ! faites-le pour votre justice et votre sainteté, non pour la mienne, car en moi il n’y a que péché et misère. Prêtez-moi une oreille favorable, et exaucez-moi vite. Accordez-moi d’abord la grâce d’une humble et confiante prière : je l’implore en premier lieu, afin que, par elle, je puisse ensuite demander les autres choses dont j’ai besoin. Hæc prima datur ut cætera impetrentur [104].
Le récit évangélique de la miraculeuse multiplication des pains (Marc., VIII, 1-9) met en évidence le contraste qui existe entre la Providence de Dieu et celle des hommes. Ceux-ci ne font que mettre des entraves et susciter des difficultés à la faveur que Jésus veut faire aux foules ; la divine Providence au contraire surmonte tout obstacle et répand largement ses grâces. Combien donc est-il mieux de mettre dans le Seigneur cette confiance que, trop déraisonnablement, on place parfois dans les pauvres créatures.
La multiplication des pains symbolise la Très Sainte Eucharistie ; aussi, dans l’art antique des catacombes, voyons-nous souvent rapprochées du banquet eucharistique, les sept corbeilles contenant chacune autant de pains marqués d’une croix, ceux précisément que Jésus bénit et multiplia dans le désert. De fait, le lien entre les deux miracles est intime et profond. Les sept pains bénits par le Christ dans le désert et qui suffisent à rassasier quatre mille personnes environ, symbolisent le Christ Lui-même, qui, dans l’Eucharistie, avec un même pain, nourrit pour la vie éternelle l’humanité tout entière.
Le même symbole se cache sous la figure du poisson, si populaire durant les premiers siècles de l’Église. L’ΙΧΘΥΣ céleste auquel participent les fidèles, est le Sauveur des Saints, lequel, selon l’épitaphe célèbre de Pectorius, se met entre les mains de ses amis, afin de les nourrir d’un aliment immortel tandis qu’ils sont encore ici-bas.
Pendant l’offrande des oblations, que dans l’antiquité le peuple allait présenter à l’autel, on chante le même verset que le dimanche de Sexagésime ; il est tiré du psaume 16. On y parle d’abord de la grâce par laquelle Dieu dirige le mouvement de notre libre arbitre dans l’observance de sa sainte loi. — La liberté de l’acte humain n’a rien à craindre de ce fait, puisque la motion de l’acte pur et du premier Être, par laquelle il communique à la créature la puissance d’agir et de causer l’entité de l’acte selon le mode qui lui est propre, est quelque chose d’intime et de connaturel à la volonté créée, en sorte que celle-ci, grâce précisément à ce concours préalable de Dieu, émet l’acte et l’émet librement. De cette façon, la racine intime de la liberté du vouloir humain est justement à rechercher dans la nature de la motion de Dieu.
Si Dieu gouverne notre volonté, et si nous ne mettons pas d’obstacle à la grâce, il est certain que nous ne nous éloignerons jamais du droit chemin. Alors plus facilement Dieu prêtera une oreille attentive à notre voix, si de notre côté, nous écoutons sa parole. Il veut répandre sur nous ses miséricordes — bonum est diffusivum sui [105] — et demande seulement que nous n’y mettions pas d’obstacle. Il est donc nécessaire que l’âme se confie en Dieu et le laisse agir en Maître, mettant en lui toute son espérance.
La collecte sur les oblations a une saveur d’antiquité, mais sans doute a-t-elle été un peu remaniée, puisque Ambroise Autpert, abbé de Volturno au VIIIe siècle, semble la citer d’après un texte beaucoup plus expressif. En effet, là où il demande que le Seigneur mette lui-même sur nos lèvres les paroles les plus adaptées pour que la prière du peuple mérite de n’être pas vaine et sans fruit, la collecte du Missel actuel présente un autre texte qui affaiblit l’antithèse et se trouve presque dénué de sens : « Afin que la prière d’aucun de nous ne soit vaine, faites que nous... obtenions ce que nous demandons ».
A part cette brève variante, la collecte actuelle est toutefois vraiment exquise. La prière d’un peuple tout entier accompagne, au jour de fête, le sacrifice collectif que la communauté chrétienne offre au Seigneur par les mains de son pasteur. « Hæc vis Deo grata est » [106], s’écrie Tertullien dans son Apologie, puisque le Seigneur se trouve toujours là où deux ou trois sont réunis en son nom. Alors Il se tient au milieu d’eux, prie avec eux, et la prière de l’unité catholique et de la communion des saints, présentée par le Christ-Pontife au Père, ne peut pas ne pas être exaucée.
Le verset pour la Communion provient du psaume 26 : « Je sacrifierai des victimes opimes de triomphe dans son tabernacle ; je chanterai et je psalmodierai à Yahweh ». Il ne faut pas oublier que la sainte Communion se distingue en cela aussi des autres sacrements, qu’elle n’est pas simplement le sacrum signum de la divine grâce qui nous est donnée, mais qu’elle comporte aussi la participation, l’association au véritable, propre et unique sacrifice de la Loi Nouvelle, commencé par le Christ sur le Golgotha au soir de la Parascève, et qu’il renouvelle maintenant sur les autels par les mains de ses prêtres. Ce sacrifice auquel nous prenons part, surtout en communiant à la victime immolée, constitue donc l’acte du culte parfait et définitif que l’humanité rachetée et fidèle rend à l’Auguste Triade.
Dans la collecte d’action de grâces nous supplions le Seigneur afin que le don Eucharistique que nous avons reçu dans notre cœur nous purifie par sa vertu expiatoire et nous prémunisse contre les périls qui pourraient surgir à l’avenir. Il faut remarquer trois choses dans la concise prière liturgique de ce jour. Elle dit d’abord : « Repleti sumus, Domine, muneribus tuis », parce que l’Eucharistie n’est pas seulement une grâce particulière quelconque, mais elle est la plénitude de la grâce même, ou plutôt le Principe et l’Auteur de la grâce, qui se donne à nous et devient nôtre, comblant tous nos légitimes désirs. Qui pourra jamais suffire à qui Jésus ne suffit pas ?
La collecte continue et indique comme premier fruit eucharistique : « mundemur effectu », c’est-à-dire la purification de la conscience dans le sang de l’Agneau innocent qui efface les péchés du monde. Le second effet de la sainte Communion est décrit en ces termes : « muniamur auxilio ». Cette sauvegarde de l’âme contre la tentation se présente de deux façons, soit parce que l’Eucharistie fortifie notre esprit, et, en Jésus, lui confère la plénitude et la joie de la vie surnaturelle ; soit encore parce que le contact du Corps et du Sang virginal du Rédempteur éteint en nous le feu de la concupiscence et refrène l’impétuosité des passions.
Le miracle de la multiplication des pains symbolise aussi la divine Eucharistie en ce que la distribution du pain miraculeux ne fut pas accomplie directement par le Sauveur, mais fut confiée aux Apôtres, tout comme après l’Ascension fut confiée à eux-mêmes et à leurs successeurs la distribution du Pain Eucharistique. Dans les deux cas, le Christ est l’agent principal, et les Apôtres sont seulement ses instruments. Lors de la distribution du pain miraculeux, celui-ci se multiplie entre leurs mains à mesure qu’ils le rompent et le donnent aux foules affamées ; dans la distribution de l’Eucharistie, ainsi que le chante si bien saint Thomas :
Baptême et Eucharistie.
Dans l’église paroissiale, tous les dimanches avant la grand-messe, il est prescrit de faire de l’eau bénite. Puis le prêtre s’avance à l’autel et asperge l’autel et le peuple après avoir entonné l’ « Asperges ». Voici la traduction de ce chant : « Asperge-moi, Seigneur, avec l’hysope et je serai purifié ; lave-moi et je serai plus blanc que la neige ». On commence ensuite le psaume 50. « Aie pitié de moi, Seigneur, selon ta grande miséricorde ». Que signifie cela ? L’eau bénite rappelle l’eau baptismale qui nous a purifiés du péché originel. Elle doit nous purifier maintenant des péchés de la semaine qui vient de s’écouler ; elle doit laver notre robe baptismale que nous avons peut-être souillée dans cette semaine. C’est pourquoi nous récitons le psaume de pénitence et demandons que notre robe baptismale « devienne plus blanche que la neige ». L’aspersion avec l’eau bénite signifie donc un renouveau du baptême. Elle n’a lieu que le dimanche, parce que précisément le dimanche est un jour de baptême. Telle est la haute signification de ce jour. Comment renouvelons-nous le baptême ? Par la sainte messe, par la sainte communion. Le baptême nous a donné la vie divine et tous les biens de cette vie ; l’Eucharistie doit maintenir et développer cette vie en nous. Nous pouvons, au front de chaque dimanche, inscrire ces deux mots : baptême et Eucharistie. On peut donner ce titre particulièrement au sixième dimanche après la Pentecôte.
1. La messe (Dominus fortitudo). — La messe est une véritable messe pascale. Nous nous rendons parfaitement compte, aujourd’hui, que l’avant-messe appartient à la messe proprement dite. Les pensées de l’avant-messe sont, à proprement parler, un exposé de ce qui se passe mystérieusement dans l’action du sacrifice : l’actualisation de l’œuvre rédemptrice et son application à nos âmes.
L’Évangile est une image de la sainte messe. Le dimanche, il y a aussi « beaucoup de peuple (chrétiens) auprès de Jésus » ; ce peuple est rassemblé dans l’église. Jésus prêche comme autrefois ; il nous parle dans l’Épître, dans l’Évangile, au sermon. Il dit encore : « J’ai pitié de la foule ». La semaine est longue. « Je ne veux pas les renvoyer à jeun de peur qu’ils ne succombent sur la route (de la vie) ». Aussi, il nourrit notre âme du pain de vie. Il est vrai qu’il ne multiplie pas le pain, mais il change le pain en son corps.
La magnifique Épître renouvelle notre bonheur pascal. Par le baptême, nous avons été « greffés sur le Christ par la ressemblance de sa mort », « nous avons été ensevelis avec lui en sa mort ». Nous sommes devenus des hommes nouveaux et nous devons marcher dans une vie nouvelle ». « Nous sommes morts au péché ; ne vivons plus que pour Dieu, dans le Christ Jésus ». Tout ce bonheur pascal, l’Eucharistie doit aujourd’hui le faire revivre en nous.
Les chants psalmodiques sont très beaux. Quelle confiance n’y a-t-il pas dans l’Introït ! (Considérons toujours les chants en union avec l’action liturgique primitive ; par exemple, dans l’Introït considérons l’entrée à l’église : avec quel ardent désir pénétrons-nous dans le sanctuaire !) Nous nous sentons les « oints » de Dieu (par le baptême), son « peuple » et son « héritage ». La certitude d’être membres de la communauté de Dieu, de l’avoir comme « Pasteur », nous met à la bouche cette fervente prière à la Providence (récitons tout le psaume 27) : « Le Seigneur est la force de son peuple, le protecteur victorieux de son oint. Sauve ton peuple, Seigneur, et bénis ton héritage, et sois son Roi éternellement ».
L’oraison nous présente une véritable méditation. Dieu doit être mon tout, le commencement, le progrès et la fin. Il est le bon jardinier du jardin de mon âme : il y « sème » l’amour divin, il fait « croître » la vie spirituelle, il « entretient » les plantes des vertus, il sarcle les mauvaises herbes, il arrose, il « protège » les plantes contre les ennemis. Dieu est à la fois le semeur de la vie divine, le soleil qui la fait germer et croître, le jardinier qui la cultive et la protège.
L’Offertoire est un cantique de procession. Nous portons nos offrandes à l’autel ; cette démarche est le symbole du voyage de notre vie.
2. L’âme rachetée et l’âme non rachetée. — Quand nous lisons avec attention la belle Épître d’aujourd’hui, il semble que saint Paul veuille nous dire, que dans une âme baptisée qui a reçu la grâce le péché n’est plus possible. En effet, il tire clairement la conséquence. Nous sommes baptisés dans la mort de Jésus-Christ, c’est-à-dire : nous sommes morts avec lui. Le vieil homme a été attaché à la Croix. Nous sommes donc morts au péché. « De même que le Christ ne meurt plus, considérons-nous comme morts au péché, mais vivants pour Dieu ». Mais ce n’est là que l’idéal et la théorie. Saint Paul a devant les yeux l’idéal du chrétien. Ce serait un paradis sur terre si, de fait, nous n’étions plus soumis au péché. Mais, en réalité, il en est autrement. Sans doute le péché a été pardonné, le péché a été effacé, mais nous n’avons pas retrouvé les privilèges du paradis terrestre. Adam pouvait facilement éviter le péché, car il n’avait pas de tendance mauvaise vers le péché ; il était libre de la concupiscence de la chair. Mais nous, nous ne sommes pas dans l’état d’Adam avant le péché originel. Si le péché est effacé, l’inclination au mal demeure. Cette inclination nous entraîne sans cesse au péché et nous fait gémir sous le poids de nos faiblesses et de nos passions. Le mot de Goethe, dans Faust, est toujours vrai : « Deux âmes, hélas ! habitent dans mon sein ». L’une est l’âme rachetée, l’autre est l’âme non rachetée.
Il vaudrait la peine d’examiner comment la liturgie, au cours de l’armée ecclésiastique, considère l’âme, aussi bien que l’Église, comme rachetée et comme non rachetée. Dans chacun de ces deux cas, il ne faut pas prendre la chose au sens absolu. La liturgie considère l’âme et l’Église tantôt sous un aspect, tantôt sous l’autre. La vérité se trouve dans le juste milieu. Tant que nous sommes sur la terre, il y a en nous quelque chose de racheté, et quelque chose de non racheté. Pendant l’Avent, nous avons l’impression de n’être pas rachetés ; si nous voulons bien comprendre la liturgie de l’Avent, nous devons nous considérer, en fait, comme des hommes non rachetés. A Noël et à l’Épiphanie, nous nous sentons de nouveau rachetés. Pendant le Carême, nous nous plaçons dans la foule des catéchumènes, nous sommes donc non rachetés. A Pâques, nous sommes des enfants de Dieu rachetés. Le but de la liturgie, en agissant ainsi, est de développer et de cultiver tous les aspects de notre vie spirituelle. En tant qu’hommes non rachetés, nous devons prendre conscience de notre misère, nous devons particulièrement exercer l’humilité. En tant qu’hommes rachetés, nous devons porter en nous la conscience de notre vocation chrétienne. Le temps après la Pentecôte est un temps mêlé, un temps de tous les jours. L’âme rachetée et l’âme non rachetée prennent tour à tour la parole. Nous en avons un exemple dans la messe d’aujourd’hui.
Parcourons le texte de la messe et nous verrons, en examinant chaque partie, que ces deux âmes participent à l’office divin d’aujourd’hui. Aux prières graduelles, l’âme non rachetée parle seule au triple mea culpa. Les deux âmes chantent ensemble l’Introït. C’est l’âme non rachetée qui crie : « Vers toi, Seigneur, je crie ; mon Dieu, ne sois pas sourd à mon appel ; autrement je serais comme ceux qui descendent dans la tombe ». Elle compte donc avec la chute. Cependant, l’âme rachetée reprend le dessus ; elle s’attache au Seigneur. Sans doute elle est faible ; mais lui, il est la force, le protecteur, celui qui bénit, le Pasteur et le guide. Ce sont les deux âmes qui prennent la parole au Kyrie et au Gloria. Dans Kyrie s’exprime le besoin de Rédemption ; dans le Gloria, la certitude joyeuse de la Rédemption.
La collecte, sans doute, est la prière de l’âme rachetée ; cependant, cette âme a conscience que Dieu seul, avec une attention indicible, cultive et fait grandir la plante de la grâce.
Dans l’Épître, l’âme rachetée seule prend la parole. Saint Paul a l’idéal chrétien devant les yeux. Nous sommes morts au péché, nous vivons pour Dieu.
Le Graduel est la réponse de l’âme non rachetée à la voix du ciel. Le psaume 89 est une plainte poignante de l’âme non rachetée. Le contenu de ce psaume est celui-ci : le Dieu éternel et l’homme qui passe. Il y a dans ce cantique un accent tragique saisissant. Le psalmiste demande : Pourquoi les hommes meurent-ils ? La réponse se fait entendre : le péché en est la cause.
Le verset de l’Alléluia montre à l’âme rachetée le secours : dans cette misère, j’ai confiance dans le Seigneur ; il crée le salut.
Dans l’Évangile, le Christ nous dit : Même en tant que rachetés, vous pouvez succomber en route ; c’est pourquoi je vous donne un pain pour traverser le désert de votre pèlerinage : la Sainte Eucharistie. L’Eucharistie suppose ce double état en nous. Nous sommes rachetés, et l’Eucharistie complète le baptême ; mais nous sommes soumis à la faiblesse, c’est pourquoi nous avons besoin du pain de vie dans le désert de la vie. Voilà comment se termine le drame de l’avant-messe.
Avec la conscience de ces vérités, nous célébrons le Saint-Sacrifice. Ce sont les deux âmes qui vont à l’Offrande. L’âme non rachetée fait cette prière : « Dirige mes pas sur tes sentiers afin que mes pieds ne s’égarent pas ». L’âme rachetée souhaite davantage : « Montre les merveilles de ta miséricorde ; tu sauves tous ceux qui ont confiance en toi ». Il en est ainsi, d’ailleurs, dans la réalité. Dans le Saint-Sacrifice, le Seigneur nous montre les merveilles de sa miséricorde. Sur l’autel se tient le divin Agneau immolé et glorifié. Nous sommes élevés par lui et nous avons le droit de nous appeler son peuple saint. Mais, quand nous nous préparons à recevoir le pain de vie, nous nous rendons compte de nouveau des misères et des maux de notre âme et nous en demandons la délivrance. « Seigneur, je ne suis pas digne », s’écrie l’âme non rachetée. « Mais dis seulement une parole et mon âme sera guérie », tel est l’accent joyeux de l’âme rachetée. Et ainsi nous recevons le pain du désert de la vie qui nous « purifie et nous protège », qui nous donne la force de ne pas succomber en route.
Nous voyons donc, dans cette messe, une alternance de supplications dictées par le besoin de Rédemption et d’accents joyeux inspirés par la certitude de la Rédemption. Où se trouve la solution ? Nous sommes, certes, des hommes rachetés, mais nous portons notre trésor dans des vases fragiles. Saint Paul est pour nous le plus bel exemple. Quand il pense à ses péchés, il est abattu, il sent qu’il n’est pas digne d’être le dernier des Apôtres. Mais cela n’est que le Kyrie ; le Gloria vient ensuite. Alors son âme rachetée s’élève à la certitude joyeuse de sa vocation. Alors, il s’écrie dans son allégresse : Je puis tout en celui qui me fortifie. L’âme non rachetée nous garde petits et humbles. L’âme rachetée nous donne la joie, la force et la victoire.
« Il donna à ses disciples les pains pour les distribuer »
Une pensée domine toute la liturgie de ce jour : il faut tuer en nous le péché par un profond repentir et demander à Dieu de nous donner sa force pour n’y plus retomber. C’est le baptême qui nous a fait mourir au péché et c’est l’Eucharistie qui nous donne l’énergie divine nécessaire pour persévérer dans le chemin de la vertu. L’Église, toute pénétrée encore de la pensée de ces deux sacrements qu’elle a conférés à Pâques et à la Pentecôte, aime à en parler dans le « Temps après la Pentecôte ». Au Bréviaire, les lectures du 1er nocturne racontent, sous la forme d’un apologue, la gravité de la faute commise par David. Si pieux qu’il fût, ce grand roi, voulant épouser une jeune femme de grande beauté, nommée Bethsabée, avait ordonné qu’on envoyât son mari Urie au plus fort d’un combat contre les Ammonites afin qu’il fût tué, et lorsqu’il s’en fut débarrassé de la sorte, il épousa Bethsabée dont il eut un fils. Le Seigneur lui envoya alors le prophète Nathan pour lui dire : « Il y avait dans une ville deux hommes, l’un riche et l’autre pauvre. Le riche possédait de grands troupeaux ; mais le pauvre n’avait absolument rien, hormis une toute petite brebis qu’il avait achetée ; il la nourrissait et elle grandissait chez lui avec ses enfants, mangeant de son pain, buvant de sa coupe, et dormant sur son sein ; elle était pour lui comme sa fille. Un étranger arriva chez le riche, et celui-ci, ne voulant pas toucher à ses troupeaux pour lui préparer un repas, enleva la brebis du pauvre et la servit sur sa table ». David, violemment indigné, s’écria : « Aussi vrai que le Seigneur est vivant, cet homme mérite la mort ». Alors Nathan lui dit : « Cet homme c’est toi, car tu as pris l’épouse d’Urie pour en faire ta femme, alors que tu pouvais choisir une épouse parmi toutes les jeunes filles d’Israël. Ainsi parle le Seigneur : De ta propre maison, je ferai lever sur toi le malheur ! » David, alors, saisi de repentir, dit à Nathan : « Hélas ! j’ai péché contre le Seigneur ! » Nathan reprit : « A cause de ton repentir le Seigneur te pardonne ; tu ne mourras point. Mais voici le châtiment : le fils qui t’a été donné mourra ». A quelque temps de là l’enfant mourut. Et David, dans sa douleur, alla se prosterner le cœur contrit et humilié dans la maison du Seigneur. — « David, commente S. Ambroise, ne put supporter longtemps le poids du péché qui pesait sur sa conscience : par une prompte confession accompagnée d’un immense regret, il alla s’en décharger aux pieds du Seigneur qui, touché d’une pareille douleur, lui pardonna. Le commun des hommes, lorsque les prêtres ont lieu de les reprendre, aggravent leur péché en cherchant soit à le nier, soit à l’excuser ; et il y a pour eux chute plus grande, là même où l’on espérait les voir se relever. Mais les Saints du Seigneur, qui brûlent de continuer le pieux combat et de fournir jusqu’au bout la carrière du salut, s’il leur arrive de faillir, moins par préméditation que par faiblesse humaine, ils se relèvent plus ardents à la course, et stimulés par la honte de la chute, ils la compensent par de plus rudes combats. Si bien que leur chute, au lieu de les avoir retardés, n’a servi qu’à les aiguillonner et à les faire avancer plus vite » (2e nocturne).
La messe complète à souhait, pour notre vie chrétienne, cet enseignement de l’Écriture et du Bréviaire. S. Paul rappelle dans l’épitre, que morts au péché par le baptême, nous avons à vivre désormais d’une vie nouvelle où le péché ne devrait plus avoir aucune part. Il nous arrive pourtant, par faiblesse humaine, de pécher encore, et notre attitude alors doit être, en pareil malheur, d’implorer le pardon de Dieu (Grad.) de manière à pouvoir de nouveau entourer son autel et chanter ses louanges (Comm.). Dieu ne peut manquer, si nous l’invoquons ainsi, d’exaucer nos prières et d’affermir nos pas dans la voie de ses commandements (Off.), puisqu’il se fait la force de son peuple, son rempart et son guide (Intr.). L’évangile nous indique la source divine où nous pouvons sans cesse aller puiser la force dont nous avons besoin pour suivre le Christ jusqu’au ciel sans défaillir en chemin. Le récit de la multiplication des pains est une figure de l’Eucharistie, qui est notre viatique non seulement pour la fin de notre vie, au moment d’aboutir, mais tout le long du chemin. En nous identifiant avec la Victime du Calvaire, la communion parachève en nous les effets du baptême en nous donnant la force de ne plus retomber dans le péché et nous faisant vivre toujours davantage d’une vie toute à Dieu, qui est la loi même des baptisés.
[1] I Reg. 7, 3.
[2] Ps. 151 apocr.
[3] I Reg. 17, 37.
[4] A transféré, éloigné, c.-à-d. pardonne.
[5] I Reg. 17, 37.
[6] Ps. 56, 4.
[7] I reg. 18, 7.
[8] Luc. 1, 66.
[9] I Reg. 17, 26 & 21, 11.
[10] 2 Reg. 1, 21.
[11] 2 Reg. 7, 8.
[12] Prière de Manassé, apocr.
[13] Ps. 50, 5-6.
[14] Ce répons, le 8ème de la Fête de la Sainte Trinité, est repris tous les dimanches après la Pentecôte.
[15] Is. 6, 3.
[16] I. Jn. 5, 7.
[17] Ps. 92, 2.
[18] Le Seigneur a régné, il s’est revêtu de gloire, lorsqu’en ressuscitant des morts il s’est adjoint le chœur des Saints : Le Seigneur s’est revêtu de force, parce qu’il a détruit l’empire du démon, et l’a ceinte autour de ses reins, lorsqu’il est remonté vers son Père, entouré de la multitude des Anges. (S. Jérôme). Selon S. Augustin, notre Seigneur se couvrit de gloire et de beauté dans ses souffrances, de force dans l’ignominie, et, quand il se ceignit d’un linge retombant devant lui (præcinxit se), pour laver les pieds de ses Apôtres, sa puissance éclata dans son humilité.
[19] Ps. 140, 2.
[20] Ant. ad Magnificat in Iis Vesp. Dom. VI post Pentec.
[21] Psalm. LXX, 21.
[22] Ibid. 16.
[23] II Reg. XII, 13.
[24] XIIe et XIIIe siècles.
[25] Jacob, I, 17.
[26] Gal. II, 9.
[27] Act. IX, 20, 22.
[28] Gal. I, 17-22.
[29] Act. X.
[30] Isai. I, 1.
[31] II Cor. XI, 2.
[32] Col. I, 9-13 ; Epist. Dom. XXIV post Pentec.
[33] I Cor. IV, 16 ; XI, 1 ; Philip, III, 17 ; I Thess. I, 6.
[34] I Thess. I, 5.
[35] I Cor. IV, 20.
[36] I Petr. V, 4.
[37] Ibid. 3.
[38] II Cor. VI, 11.
[39] Philip, III, 17.
[40] Ibid. I, 25-26.
[41] I Cor. IV, 14-15.
[42] Col. II, 1-5.
[43] II Cor. VI, 11 -13 ; Heb. XIII, 7.
[44] Matth. XXVIII, 18-20.
[45] Col. II, 3.
[46] I Cor. I, 24.
[47] Eph. III, 10.
[48] Ibid. 1, 23.
[49] I Cor. II, 8.
[50] Johan. XV, 14, 12 ; Luc. X, 10.
[51] I Cor. II, 6-7.
[52] Eph. III, 4-5.
[53] II Cor. IV, 6.
[54] Eph. III, 8-11.
[55] Johan. I, 16.
[56] Ibid. 14.
[57] Eph. IV, 12-10.
[58] Ibid. 11, 6.
[59] Ibid. 1. 23.
[60] Luc. 11, 40.
[61] Ibid. 32.
[62] II Cor. IV, 10-11.
[63] La Passion, pages 676, 687.
[64] Col. III, 1-4 ; epist. Sabb. sancti.
[65] Eph. II, 10.
[66] Col. I, 28.
[67] Ibid. II, 10.
[68] Ibid. 6.
[69] Gal. III, 27.
[70] I Cor. II, 2.
[71] Philip, II, 5.
[72] Ambr. in Luc. VI, 69.
[73] Heb. VII, 18-19.
[74] Isai. II, 3.
[75] Act. XIII, 46.
[76] Luc. IX, 5.
[77] Matth. X, 15.
[78] Thren. V, 16.
[79] In Luc. VI, 56.
[80] Luc. VIII, 46.
[81] Johan. II, 10.
[82] Hordeaceos : Johan. VI, 9.
[83] In Luc. VI, 80.
[84] Gen. II, 1-3.
[85] Cant. VIII, 10.
[86] Ambr. in Luc. VI, 80.
[87] Matth. II, 9.
[88] Heb. III, 14.
[89] I Johan. III, 9.
[90] Rom. VIII, 29.
[91] Ambr. In Luc. VI, 80.
[92] Ibid. 69.
[93] Gen. XXXII, 24.
[94] Heb. IV, 12, 13.
[95] Malach. III, 24.
[96] Exod. III, 18.
[97] Malach. III, 4.
[98] Ant. des 1ères vêpres.
[99] Répons 7 des Matines romaines.
[100] Répons 4 des Matines bénédictines.
[101] Rom. 8, 16 : L’Esprit Lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.
[102] Rom. VI, 10 : en tant qu’Il vit, Il vit pour Dieu.
[103] Hab. 1, 13 : Vos yeux sont purs pour ne pas voir le mal.
[104] Elle est donnée en premier pour que les autres puissent être demandées.
[105] Le Bien de lui-même se répand. Dionysius Pseudo-Areopagita ou St Grégoire de Nazianze.
[106] Apol. XXXIX, Cette violence plaît à Dieu.
[107] Séquence Lauda Sion de la Messe de la Fête-Dieu : Un seul le reçoit, mille le reçoivent : celui-là autant que ceux-ci : on s’en nourrit sans le consumer.