Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Dom Lefebvre, Missel Quotidien |
La confiance en Dieu au milieu des luttes et des souffrances de cette vie, est la pensée qui domine toute la liturgie de ce jour. Elle ressort de la lecture de l’histoire de David dans le Bréviaire ainsi que d’un épisode de la vie de S. Pierre dont la fête est proche, car ce sont ces deux éléments très divers qui ont inspiré le choix des différentes pièces de la messe.
Ant. ad Introitum. Ps. 26, 1 et 2. | Introït |
Dóminus illuminátio mea et salus mea, quem timebo ? Dóminus defénsor vitæ meæ, a quo trepidábo ? qui tríbulant me inimíci mei, ipsi infirmáti sunt, et cecidérunt. | Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je ? Le Seigneur est le défenseur de ma vie, de quoi tremblerai-je ? Mes ennemis qui me suscitent des maux, ce sont eux qui se sont affaiblis et sont tombés. |
Ps. ibid., 3. | |
Si consístant advérsum me castra : non timébit cor meum. | Si des armées rangées en bataille s’élèvent contre moi : mon cœur n’aura pas de frayeur. |
V/.Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Da nobis, quǽsumus, Dómine : ut et mundi cursus pacífice nobis tuo órdine dirigátur ; et Ecclésia tua tranquílla devotióne lætétur. Per Dóminum. | Donnez-nous, nous vous en prions, Seigneur : que le cours du monde soit pour nous paisible sous la conduite de votre providence ; et que votre Église vous serve avec joie dans la tranquillité. |
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Romános. | Lecture de l’Épître de Saint Paul Apôtre aux Romains. |
Rom. 8, 18-23. | |
Fratres : Exístimo, quod non sunt condígnæ passiónes huius témporis ad futúram glóriam, quæ revelábitur in nobis. Nam exspectátio creatúræ revelatiónem filiórum Dei exspéctat. Vanitáti enim creatúra subiécta est, non volens, sed propter eum, qui subiécit eam in spe : quia et ipsa creatúra liberábitur a servitúte corruptiónis, in libertátem glóriæ filiórum Dei. Scimus enim, quod omnis creatúra ingemíscit et párturit usque adhuc. Non solum autem illa, sed et nos ipsi primítias spíritus habéntes : et ipsi intra nos gémimus, adoptiónem filiórum Dei exspectántes, redemptiónem córporis nostri : in Christo Iesu, Dómino nostro. | Mes frères : J’estime que les souffrances du temps présent n’ont pas de proportion avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous. Aussi la créature attend-elle d’une vive attente la manifestation des enfants de Dieu. Car la créature a été assujettie à la vanité, non pas volontairement, mais à cause de celui qui l’a assujettie avec espérance ; en effet, la créature aussi sera elle-même délivrée de cet asservissement à la corruption, pour participer à la glorieuse liberté des enfants de Dieu. Car nous savons que toute créature gémit et est dans le travail de l’enfantement jusqu’à cette heure ; et non seulement elle, mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous gémissons en nous-mêmes, attendant l’adoption des enfants de Dieu, la rédemption de notre corps, en Notre-Seigneur Jésus-Christ. |
Graduale. Ps. 78, 9 et 10. | Graduel |
Propítius esto, Dómine, peccátis nostris : ne quando dicant gentes : Ubi est Deus eórum ? | Soyez apaisé, Seigneur, quant à nos péchés, afin que les nations ne disent point : Où est leur Dieu ? |
V/. Adiuva nos, Deus, salutáris noster : et propter honórem nóminis tui, Dómine, líbera nos. | V/. Venez à notre aide, ô Dieu, notre Sauveur, et pour l’honneur de votre nom, Seigneur, délivrez-nous. |
Allelúia, allelúia. V/.Ps. 9, 5 et 10. | Alléluia, alleluia. |
V/.Ps. 9, 5 et 10. Deus, qui sedes super thronum, et iúdicas æquitátem : esto refúgium páuperum in tribulatióne. Allelúia. | V/. O Dieu, qui siégez sur votre trône et jugez avec équité, soyez le refuge des pauvres dans la tribulation. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam. | Suite du Saint Évangile selon saint Luc. |
Luc. 5, 1-11. | |
In illo témpore : Cum turbæ irrúerent in Iesum, ut audírent verbum Dei, et ipse stabat secus stagnum Genésareth. Et vidit duas naves stantes secus stagnum : piscatóres autem descénderant et lavábant rétia. Ascéndens autem in unam navim, quæ erat Simónis, rogávit eum a terra redúcere pusíllum. Et sedens docébat de navícula turbas. Ut cessávit autem loqui, dixit ad Simónem : Duc in altum, et laxáte rétia vestra in captúram. Et respóndens Simon, dixit illi : Præcéptor, per totam noctem laborántes, nihil cépimus : in verbo autem tuo laxábo rete. Et cum hoc fecíssent, conclusérunt píscium multitúdinem copiósam : rumpebátur autem rete eórum. Et annuérunt sóciis, qui erant in ália navi, ut venírent et adiuvárent eos. Et venérunt, et implevérunt ambas navículas, ita ut pæne mergeréntur. Quod cum vidéret Simon Petrus, prócidit ad génua Iesu, dicens : Exi a me, quia homo peccátor sum, Dómine. Stupor enim circumdéderat eum et omnes, qui cum illo erant, in captúra píscium, quam céperant : simíliter autem Iacóbum et Ioánnem, fílios Zebedǽi, qui erant sócii Simónis. Et ait ad Simónem Iesus : Noli timére : ex hoc iam hómines eris cápiens. Et subdúctis ad terram návibus, relictis ómnibus, secuti sunt eum. | En ce temps-là : Jésus, pressé par la foule qui voulait entendre la parole de Dieu, se tenait sur le bord du lac de Génésareth. Et il vit deux barques arrêtées au bord du lac ; les pêcheurs étaient descendus, et lavaient leurs filets. Et montant dans l’une de ces barques, qui appartenait à Simon, il le pria de s’éloigner un peu de la terre ; et s’étant assis, il enseignait les foules de dessus la barque. Lorsqu’il eut cessé de parler, il dit à Simon : Pousse au large, et jetez vos filets pour pêcher. Simon, lui répondant, dit : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur votre parole, je jetterai le filet. Lorsqu’ils l’eurent fait, ils prirent une si grande quantité de poissons, que leur filet se rompait. Et ils firent signe à leurs compagnons, qui étaient dans l’autre barque, de venir les aider. Ils vinrent, et ils remplirent les deux barques, au point qu’elles étaient presque submergées. Quand Simon Pierre vit cela, il tomba aux pieds de Jésus, en disant : Seigneur, retirez-vous de moi, car je suis un pécheur. Car l’épouvante l’avait saisi, et aussi tous ceux qui étaient avec lui, à cause de la pêche des poissons qu’ils avaient faite ; et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée qui étaient compagnons de Simon. Alors Jésus dit à Simon : Ne crains point ; désormais ce sont des hommes que tu prendras. Et ayant ramené les barques à terre, ils quittèrent tout, et le suivirent. |
Credo | |
Ant. ad Offertorium. Ps. 12, 4-5. | Offertoire |
Illúmina óculos meos, ne umquam obdórmiam in morte : ne quando dicat inimícus meus : Præválui advérsus eum. | Éclairez mes yeux, en sorte que jamais je ne m’endorme dans la mort, et que mon ennemi ne dise pas : J’ai prévalu contre lui. |
Secreta. | Secrète |
Oblatiónibus nostris, quǽsumus, Dómine, placáre suscéptis : et ad te nostras étiam rebélles compélle propítius voluntátes. Per Dóminum nostrum. | Nous vous en supplions, Seigneur, laissez-vous fléchir en recevant nos oblations, et, dans votre bienveillance, poussez nos volontés, même rebelles, à recourir à vous. |
Praefatio de sanctissima Trinitate ; non vero in feriis, quando adhibetur Missa huius dominicæ, sed tunc dicitur praefatio communis. | Préface de la Sainte Trinité ; mais les jours de Féries, où l’on reprend la Messe de ce Dimanche, on dit la Préface Commune . |
Ant. ad Communionem. Ps. 17, 3. | Communion |
Dóminus firmaméntum meum, et refúgium meum, et liberátor meus : Deus meus, adiútor meus. | Le Seigneur est mon ferme appui, mon refuge et mon libérateur ; mon Dieu est celui qui m’aide. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Mystéria nos, Dómine, quǽsumus, sumpta puríficent : et suo múnere tueántur. Per Dóminum. | Faites, nous vous en supplions, Seigneur, que les mystères par nous reçus, nous purifient, et qu’en leur vertu bienfaisante, ils nous soient une protection. |
AUX PREMIÈRES VÊPRES.
Psaumes, capitule et hymne : 1ères Vêpres du Dimanche per annum
V/. Vespertína orátio ascéndat ad te, Dómine. | V/. Que la prière du soir s’élève vers vous, Seigneur. |
R/. Et descéndat super nos misericórdia tua. | R/. Et que votre miséricorde descende sur nous. |
Ad Magnificat Ant. Præváluit David * in Philisthǽum in funda et lápide in nómine Dómini. | Ant. au Magnificat David l’emporta * sur le Philistin avec la fronde et la pierre, au nom du Seigneur [1]. |
Magnificat | |
Oratio | Prière |
Da nobis, quǽsumus, Dómine : ut et mundi cursus pacífice nobis tuo órdine dirigátur ; et Ecclésia tua tranquílla devotióne lætétur. Per Dóminum. | Donnez-nous, nous vous en prions, Seigneur : que le cours du monde soit pour nous paisible sous la conduite de votre providence ; et que votre Église vous serve avec joie dans la tranquillité. |
A MATINES
1er Nocturne
Introduction des Matines et psaumes du 1er nocturne du Dimanche per annum en été
Lectio i | 1ère leçon |
De libro primo Regum. | Du premier Livre des Rois. |
Cap. 17, 1-7. | |
Congregántes autem Philísthiim ágmina sua in prǽlium convenérunt in Socho Iudæ, et castrametáti sunt inter Socho et Azéca in fínibus Dommim. Porro Saul et fílii Israël congregáti venérunt in Vallem terebínthi, et direxérunt áciem ad pugnándum contra Philísthiim. Et Philísthiim stabant super montem ex parte hac, et Israël stabat supra montem ex áltera parte, vallísque erat inter eos. Et egréssus est vir spúrius de castris Philisthinórum nómine Góliath de Geth altitúdinis sex cubitórum et palmi. Et cassis ǽrea super caput eius, et loríca squamáta induebátur ; porro pondus lorícæ eius quinque míllia siclórum æris erat. Et ócreas ǽreas habébat in crúribus, et clýpeus ǽreus tegébat húmeros eius. Hastíle autem hastæ eius erat quasi liciatórium texéntium ; ipsum autem ferrum hastæ eius sexcéntos siclos habébat ferri ; et ármiger eius antecedébat eum. | Or les Philistins, assemblant leurs troupes pour le combat, se réunirent à Socho de Juda, et ils campèrent entre Socho et Azéca sur les confins de Dommin. Mais Saül et les enfants d’Israël, s’étant rassemblés, vinrent dans la vallée du Térébinthe, et rangèrent leur armée en bataille pour combattre contre les Philistins. Et les Philistins se tenaient sur la montagne d’un côté, et Israël se tenait sur la montagne de l’autre côté, et la vallée était entre eux. Et il sortit du camp des Philistins un homme de père inconnu, du nom de Goliath, de Geth, de la hauteur de six coudées et d’un palme ; et un casque d’airain était sur sa tête, et il était vêtu d’une cuirasse à écailles ; or, le poids de sa cuirasse était de cinq mille sicles d’airain ; et il avait des bottes d’airain sur les jambes, et un bouclier d’airain couvrait ses épaules. Mais la hampe de sa lance était comme une ensouple de tisserands ; mais le fer lui-même de sa lance pesait six cents sicles de fer ; et son écuyer le précédait. |
R/. Præparáte corda vestra Dómino, et servíte illi soli : * Et liberábit vos de mánibus inimicórum vestrórum. | R/. Préparez vos cœurs pour le Seigneur et ne servez que lui seul [2] : * Et il vous délivrera de la main de vos ennemis. |
V/. Convertímini ad eum in toto corde vestro, et auférte deos aliénos de médio vestri. | V/. Convertissez-vous au Seigneur de tout votre cœur, et ôtez d’au milieu de vous les dieux étrangers. |
* Et liberábit vos de mánibus inimicórum vestrórum. | * Et il vous délivrera de la main de vos ennemis. |
Lectio ii | 2e leçon |
Cap. 17, 8-11. | |
Stansque clamábat advérsum phalángas Israël et dicébat eis : Quare venístis paráti ad prǽlium ? Numquid ego non sum Philisthǽus, et vos servi Saul ? Elígite ex vobis virum, et descéndat ad singuláre certámen : si quíverit pugnáre mecum et percússerit me, érimus vobis servi ; si autem ego prævalúero et percússero eum, vos servi éritis et serviétis nobis. Et aiébat Philisthǽus : Ego exprobrávi agmínibus Israël hódie : Date mihi virum, et íneat mecum singuláre certámen. Audiens autem Saul et omnes Israëlítæ sermónes Philisthǽi huiuscémodi, stupébant et metuébant nimis. | Et, se présentant, il criait devant les phalanges d’Israël, et leur disait : Pourquoi êtes-vous venus, préparés au combat ? Est-ce que moi je ne suis pas Philistin, et vous serviteurs de Saül ? Choisissez un homme d’entre vous, et qu’il descende pour un combat singulier ; s’il peut combattre avec moi, et qu’il me tue, nous serons vos esclaves ; mais si moi j’ai le dessus et que je le tue, c’est vous qui serez esclaves, et qui nous servirez. Et le Philistin disait : C’est moi qui ai défié les troupes d’Israël aujourd’hui : donnez-moi un homme, et qu’il engage avec moi un combat singulier. Mais Saül et tous les Israélites, entendant les paroles d’un tel Philistin, étaient étonnés et avaient une grande peur. |
R/. Deus ómnium exaudítor est : ipse misit Angelum suum, et tulit me de óvibus patris mei [3] ; * Et unxit me unctióne misericórdiæ suæ. | R/. C’est le Seigneur qui exauce les prières de tous, lui-même a envoyé son Ange et m’a retiré du milieu des brebis de mon père ; * Et il m’a oint de l’onction de sa miséricorde. |
V/. Dóminus, qui erípuit me de ore leónis, et de manu béstiæ liberávit me. | V/. C’est le Seigneur qui m’a arraché de la gueule du lion, et des griffes de la bête féroce [4]. |
* Et unxit me unctióne misericórdiæ suæ. | * Et il m’a oint de l’onction de sa miséricorde. |
Lectio iii | 3e leçon |
Cap. 17, 12-16. | |
David autem erat fílius viri Ephrathǽi, de quo supra dictum est, de Béthlehem Iuda, cui nomen erat Isai, qui habébat octo fílios, et erat vir in diébus Saul senex et grandǽvus inter viros. Abiérunt autem tres fílii eius maióres post Saul in prǽlium ; et nómina trium filiórum eius, qui perrexérunt ad bellum, Eliab primogénitus et secúndus Abínadab tertiúsque Samma ; David autem erat mínimus. Tribus ergo maióribus secútis Saulem, ábiit David et revérsus est a Saul, ut pásceret gregem patris sui in Béthlehem. Procedébat vero Philisthǽus mane et véspere, et stabat quadragínta diébus. | Or, David était fils de cet homme Ephratéen, dont il a été parlé plus haut, de Bethléhem-Juda, dont le nom était Isaï, qui avait huit fils, et qui était aux jours de Saül un homme vieux, et très avancé en âge parmi les hommes. Mais ses trois plus grands fils suivirent Saül au combat ; et les noms de ses trois fils qui allèrent à la guerre, étaient Éliab, le premier-né, le second Abinadab, et le troisième Samma. Or, David était le plus petit. Ainsi, les trois plus grands ayant suivi Saül, David s’en alla, et revint d’auprès de Saül pour paître le troupeau de son père à Bethléhem. Cependant le Philistin s’avançait le matin et le soir, et il se présenta pendant quarante jours. |
R/. Dóminus, qui erípuit me de ore leónis, et de manu béstiæ liberávit me, * Ipse me erípiet de mánibus inimicórum meórum. | R/. Le Seigneur qui m’a arraché de la gueule du lion, et délivré des griffes de la bête féroce [5], * Lui-même m’arrachera aux mains de mes ennemis. |
V/. Misit Deus misericórdiam suam et veritátem suam : ánimam meam erípuit de médio catulórum leónum. | V/. Dieu a envoyé sa miséricorde et sa vérité, et il a arraché mon âme du milieu des petits des lions [6]. |
* Ipse me erípiet de mánibus inimicórum meórum. Glória Patri. * Ipse me erípiet de mánibus inimicórum meórum. | * Lui-même m’arrachera aux mains de mes ennemis. Gloire au Père. * Lui-même m’arrachera aux mains de mes ennemis. |
2nd Nocturne
Psaumes du 2nd nocturne du Dimanche per annum
Lectio iv | 4e leçon |
Sermo sancti Augustíni Epíscopi. | Sermon de saint Augustin, Évêque. |
Sermo 197 de Temp. circa med. | |
Stábant fílii Israël contra adversários quadragínta diébus. Quadragínta dies, propter quátuor témpora et quátuor partes orbis terræ, vitam præséntem signíficant, in qua contra Góliath vel exércitum eius, id est, contra diábolum et ángelos eius, Christianórum pópulus pugnáre non désinit. Nec tamen víncere posset, nisi verus David Christus cum báculo, id est, cum crucis mystério descendísset. Ante advéntum enim Christi, fratres caríssimi, solútus erat diábolus ; véniens Christus fecit de eo, quod in Evangélio dictum est : Nemo potest intráre in domum fortis et vasa eius dirípere, nisi prius alligáverit fortem. Venit ergo Christus et alligávit diábolum. | Les enfants d’Israël se trouvaient depuis quarante jours devant l’ennemi. Les quarante jours, à cause des quatre saisons et des quatre parties du monde, signifient la vie présente durant laquelle le peuple chrétien ne cesse d’avoir à combattre un Goliath et son armée, c’est-à-dire le diable et ses anges. Et toutefois ce peuple ne pourrait vaincre si le véritable David, le Christ, n’était pas descendu avec son bâton, je veux dire avec le mystère de sa croix. Car, mes très chers frères, avant l’arrivée du Christ, le diable était sans entraves ; mais le Christ, en venant, a fait de lui ce qui est dit dans l’Évangile : « Nul ne peut entrer dans la maison du fort et ravir ce qu’il possède, s’il ne l’a lié auparavant » [7]. Le Christ est donc venu et il a enchaîné le démon. |
R/. Percússit Saul mille, et Davíd decem míllia : * Quia manus Dómini erat cum illo ; percússit Philisthǽum, ct ábstulit oppróbrium ex Israel. | R/. Saül en a tué mille et David dix mille [8] : * Car la main du Seigneur était avec lui ; il a frappé le Philistin, et enlevé l’opprobre d’Israël [9]. |
V/. Nonne iste est David, de quo canébant in choro, dicéntes : Saul percússit mille, et David decem millia ? | V/. Celui-ci n’est-il pas David pour lequel on chantait dans les chœurs, en disant : Saül en a tué mille et David dix mille [10] ? |
* Quia manus Dómini erat cum illo ; percússit Philisthǽum, ct ábstulit oppróbrium ex Israel. | * Car la main du Seigneur était avec lui ; il a frappé le Philistin, et enlevé l’opprobre d’Israël. |
Lectio v | 5e leçon |
Sed dicit áliquis : Si alligátus est, quare adhuc tantum prǽvalet ? Verum est, fratres caríssimi, quia multum prǽvalet : sed tépidis, et negligéntibus, et Deum in veritáte non timéntibus dominátur. Alligátus est enim tamquam innéxus canis caténis et néminem potest mordére, nisi eum qui se illi mortífera securitáte coniúnxerit. Iam vidéte, fratres, quam stultus est homo ille, quem canis in caténa pósitus mordet. Tu te illi per voluntátes et cupiditátes sǽculi noli coniúngere, et ille ad te non præsúmit accédere. Latráre potest, sollicitáre potest ; mordére omníno non potest, nisi voléntem. Non enim cogéndo, sed suadéndo nocet ; nec extórquet a nobis consénsum, sed petit. | Mais, dira quelqu’un, s’il a été enchaîné, pourquoi a-t-il encore tant de puissance ? Il est vrai, mes très chers frères, qu’il en a beaucoup, mais sur les tièdes, les négligents, ceux qui ne craignent pas Dieu véritablement. Retenu comme un chien qui est à la chaîne, il ne peut mordre personne, excepté l’imprudent qui se lie avec lui par une funeste confiance. Jugez alors, mes frères, de la folie de l’homme qui se fait mordre par ce chien enchaîné ! Toi, évite de te lier avec lui par les désirs et les cupidités, du siècle, et lui, n’osera point s’approcher. Il peut aboyer, il peut provoquer, il ne peut mordre que si on le veut bien. Car il fait du mal, non par la violence, mais par la persuasion : il n’extorque point notre consentement, il le sollicite. |
R/. Montes Gélboë, nec ros nec plúvia véniant super vos, * Ubi cecidérunt fortes Israël. | R/. Montagnes de Gelboé, que ni pluie ni rosée ne viennent sur vous [11], * Où les forts d’Israël sont tombés. |
V/. Omnes montes, qui estis in circúitu eius, vísitet Dóminus ; a Gélboë autem tránseat. | V/. Que le Seigneur visite toutes les montagnes qui sont alentour, mais qu’il passe loin de Gelboé. |
* Ubi cecidérunt fortes Israël. | * Où les forts d’Israël sont tombés. |
Lectio vi | 6e leçon |
Venit ergo David et invénit Iudæórum pópulum contra diábolum præliántem ; et cum nullus esset qui præsúmeret ad singuláre certámen accédere, ille qui figúram Christi gerébat, procéssit ad prǽlium, tulit báculum in manu sua et éxiit contra Góliath. Et in illo quidem tunc figurátum est, quod in Dómino Iesu Christo complétum est. Venit enim verus David Christus, qui contra spiritálem Góliath, id est, contra diábolum pugnatúrus crucem suam ipse portávit. Vidéte, fratres, ubi David Góliath percússerit : in fronte útique, ubi crucis signáculum non habébat. Sicut enim báculus crucis typum hábuit, ita étiam et lapis ille, de quo percússus est, Christum Dóminum figurábat. | David survint donc et trouva le peuple des Hébreux en face de l’ennemi ; et comme il n’y avait personne qui osât engager un combat singulier, lui, qui était la figure du Christ, il sortit des rangs, prit en main son bâton et marcha contre le géant ; on vit alors figuré dans sa personne ce qui plus tard s’accomplit en notre Seigneur Jésus-Christ. Le Christ, en effet, le vrai David, venu combattre le Goliath spirituel, c’est-à-dire le diable, a lui-même porté sa croix. Remarquez, mes frères, à quel endroit David a frappé Goliath : c’est juste au front, où il n’avait pas le signe de la croix. C’est que, de même que le bâton représentait la croix, de même aussi la pierre qui frappa Goliath figurait le Christ, notre Seigneur. |
R/. Ego te tuli de domo patris tui, dicit Dóminus, et pósui te páscere gregem pópuli mei : * Et fui tecum in ómnibus, ubicúmque ambulásti, firmans regnum tuum in ætérnum. | R/. C’est moi qui t’ai tiré de la maison de ton père, dit le Seigneur, et t’ai établi pour pasteur du troupeau de mon peuple [12] : * Et j’ai été avec toi dans tous les lieux où tu as marché, affermissant ton royaume pour toujours. |
V/. Fecíque tibi nomen grande, iuxta nomen magnórum, qui sunt in terra : et réquiem dedi tibi ab ómnibus inimícis tuis. | V/. J’ai rendu ton nom grand comme le nom des grands qui sont sur la terre et je t’ai donné le repos du côté de tous tes ennemis. |
* Et fui tecum in ómnibus, ubicúmque ambulásti, firmans regnum tuum in ætérnum. Glória Patri. * Et fui tecum in ómnibus, ubicúmque ambulásti, firmans regnum tuum in ætérnum. | * Et j’ai été avec toi dans tous les lieux où tu as marché, affermissant ton royaume pour toujours. Gloire au Père. * Et j’ai été avec toi dans tous les lieux où tu as marché, affermissant ton royaume pour toujours. |
3ème Nocturne
Psaumes du 3ème nocturne du Dimanche per annum
Lectio vii | 7e leçon |
Léctio sancti Evangélii secundum Lucam. | Lecture du saint Évangile selon saint Luc. |
Cap. 5, 1-11. | |
In illo témpore : Cum turbæ irrúerent in Iesum, ut audírent verbum Dei, et ipse stabat secus stagnum Genésareth. Et réliqua. | En ce temps-là : Jésus, pressé par la foule qui voulait entendre la parole de Dieu, se tenait sur le bord du lac de Génésareth. Et le reste. |
Homilía sancti Ambrósii Epíscopi. | Homélie de saint Ambroise, Évêque. |
Liber 4 in Lucæ cap. 5, prope finem libri | |
Ubi Dóminus multis impartívit vária génera sanitátum, nec témpore, nec loco pótuit ab stúdio sanándi turba cohibéri. Vesper incúbuit sequebántur : stagnum occúrrit, urgébant : et ídeo ascéndit in Petri navim. Hæc est illa navis, quæ adhuc secúndum Matthǽum flúctuat, secúndum Lucam replétur píscibus : ut et princípia Ecclésiæ fluctuántis, et posterióra exuberántis agnóscas. Pisces enim sunt, qui hanc enávigant vitam. Ibi adhuc discípulis Christus dormit, hic præcipit ; dormit enim tépidis, perféctis vígilat. | Du moment que le Seigneur, par des miracles divers, eut rendu la santé à beaucoup de malades, la foule de ceux qui désiraient ardemment des guérisons ne se laissa plus arrêter par les difficultés de temps et de lieux. La soirée s’avançait et ils le suivaient encore ; près du lac, la foule accourt, le presse ; si bien qu’il se voit obligé de monter dans la barque de Pierre. Cette barque, saint Matthieu nous la représente battue des flots, et saint Luc nous la montre remplie de poissons ; ce qui vous dépeint les fluctuations de l’Église à son berceau, et sa prodigieuse fécondité dans la suite. Les poissons figurent ceux qui naviguent sur l’océan de cette vie. Dans le premier cas, le Christ sommeille encore pour ses disciples ; dans le second, il commande en maître : Jésus dort en effet dans les âmes tièdes, et il veille dans les âmes parfaites. |
R/. Peccávi super númerum arénae maris, et multiplicáta sunt peccáta mea ; et non sum dignus vidére altitúdinem cæli præ multitúdine iniquitátis meæ : quóniam irritávi iram tuam, * Et malum coram te feci. | R/. J’ai péché, et mes péchés se sont multipliés au-dessus du nombre du sable de la mer, et à cause de la multitude de mon iniquité je ne suis pas digne de regarder en haut le ciel : parce que j’ai excité votre colère [13], * Et commis le mal en votre présence. |
V/. Quóniam iniquitátem meam ego cognósco : et delíctum meum contra me est semper, quia tibi soli peccávi. | V/. Parce que je connais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi, car j’ai péché contre vous seul [14]. |
* Et malum coram te feci. | * Et commis le mal en votre présence. |
Lectio viii | 8e leçon |
Non turbátur hæc navis, in qua prudéntia návigat, abest perfídia, fides aspírat. Quemádmodum enim turbári póterat, cui prǽerat is, in quo Ecclésiæ firmaméntum est ? Illic ergo turbátio, ubi módica fides ; hic secúritas, ubi perfécta diléctio. Et si áliis imperátur ut laxent rétia sua, soli tamen Petro dícitur : Duc in altum ; hoc est, in profúndum disputatiónum. Quid enim tam altum, quam altitúdinem divitiárum vidére, scire Dei Fílium, et professiónem divínæ generatiónis assúmere ? Quam licet mens non queat humána plene ratiónis investigatióne comprehéndere, fídei tamen plenitúdo compléctitur. | Elle ne court aucun danger, la barque qui porte la sagesse, d’où l’a trahison est absente et qui vogue au souffle de la foi. Et que pourrait-elle craindre, ayant pour pilote celui en qui l’Église est affermie ? Le péril se rencontre où il y a peu de foi : ici, sécurité, car l’amour est parfait. Et pendant que les autres disciples ont ordre de jeter leurs filets, à Pierre seul il est dit : « Avance en pleine mer » [15] ; c’est-à-dire, pénètre au profond de la doctrine. En effet, quoi de plus profond que de découvrir l’abîme des richesses célestes, de connaître le Fils de Dieu et de confesser sa génération divine ? Génération que l’esprit humain ne peut sans doute pleinement comprendre par les investigations de sa raison, mais que la plénitude étreint cependant. |
Répons [16] | |
R/. Duo Séraphim clamábant alter ad álterum : * Sanctus, sanctus, sanctus Dóminus Deus Sábaoth : * Plena est omnis terra glória eius. | R/. Deux Séraphins se criaient l’un à l’autre [17] : * Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées : * Toute la terre est pleine de sa gloire. |
V/. Tres sunt qui testimónium dant in cælo : Pater, Verbum, et Spíritus Sanctus : et hi tres unum sunt. | V/. Ils sont trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit-Saint ; et ces trois sont une seule chose [18]. |
* Sanctus, sanctus, sanctus Dóminus Deus Sábaoth : Glória Patri. * Plena est omnis terra glória eius. | * Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées : Gloire au Père. * Toute la terre est pleine de sa gloire. |
Lectio ix | 9e leçon |
Nam, etsi non licet mihi scire quemádmodum natus sit, non licéte tamen nescíre quod natus sit. Sériem generatiónis ignóro ; sed auctórem generatiónis agnósco. Non interfúimus cum ex Patre Dei Fílius nascerétur ; sed interfúimus cum a Patre Dei Fílius dicerétur. Si Deo non crédimus, cui credémus ? Omnia enim quæ crédimus, vel visu crédimus, vel audítu : visus sæpe fállitur, audítus in fide est. | Car bien qu’il ne me soit pas donné de savoir comment il est engendré de Dieu, néanmoins il ne m’est pas permis d’ignorer qu’il est engendré de Dieu. J’ignore le mode de sa génération, mais j’en connais le principe. Nous n’étions pas là, lorsque le Fils de Dieu était engendré du Père ; mais nous étions là, lorsque le Père l’appelait Fils de Dieu. Si nous ne croyons pas même à Dieu, à qui croirons-nous ? Car tout ce que nous croyons, c’est par la vue ou par l’ouïe que nous le croyons. La vue est parfois trompée ; l’ouïe est sûre en matière de foi. |
Te Deum | |
A LAUDES.
Psaumes, capitule et hymne : Laudes du Dimanche per annum en été
V/. Dóminus regnávit, decórem índuit. | V/. Le Seigneur a régné, il revêt la beauté [19]. |
R/. Induit Dóminus fortitúdinem, et præcínxit se virtúte. | R/. Le Seigneur se revêt de force, il s’est ceint de puissance [20]. |
Ad Bened. Ant. Ascéndens Iesus * in navim et sedens docébat turbas, allelúia. | Ant. au Benedictus Jésus monta * dans une barque, et s’étant assis, il enseignait le peuple [21], alléluia. |
Benedictus | |
Oratio | Prière |
Da nobis, quǽsumus, Dómine : ut et mundi cursus pacífice nobis tuo órdine dirigátur ; et Ecclésia tua tranquílla devotióne lætétur. Per Dóminum. | Donnez-nous, nous vous en prions, Seigneur : que le cours du monde soit pour nous paisible sous la conduite de votre providence ; et que votre Église vous serve avec joie dans la tranquillité. |
AUX DEUXIÈMES VÊPRES.
Psaumes, capitule et hymne : Vêpres du Dimanche per annum
V/. Dirigátur, Dómine, orátio mea. | V/. Que ma prière soit dirigée, Seigneur [22]. |
R/. Sicut incénsum in conspéctu tuo. | R/. Comme un encens en votre présence. |
Ad Magnificat Ant. Præcéptor, * per totam noctem laborántes nihil cépimus ; in verbo autem tuo laxábo rete. | Ant. au Magnificat Maître, * nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre ; cependant sur votre parole, je jetterai le filet [23]. |
Magnificat | |
Oratio | Prière |
Da nobis, quǽsumus, Dómine : ut et mundi cursus pacífice nobis tuo órdine dirigátur ; et Ecclésia tua tranquílla devotióne lætétur. Per Dóminum. | Donnez-nous, nous vous en prions, Seigneur : que le cours du monde soit pour nous paisible sous la conduite de votre providence ; et que votre Église vous serve avec joie dans la tranquillité. |
Le quatrième Dimanche après la Pentecôte fut longtemps appelé en Occident le Dimanche de la Miséricorde, parce qu’on y lisait autrefois le passage de saint Luc commençant par ces mots : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ». Mais cet Évangile ayant été depuis transféré à la Messe du premier Dimanche après la Pentecôte, on fit de l’Évangile du cinquième Dimanche celui du quatrième ; celui du sixième passa au cinquième, et ainsi de suite jusqu’au vingt-troisième. Le changement dont nous parlons n’eut lieu toutefois qu’assez tard dans un certain nombre d’Églises [24], et ne fut même reçu universellement qu’au XVIe siècle.
Pendant que la série des lectures évangéliques remontait ainsi d’un degré dans presque toute sa longueur, les Épîtres, Oraisons et parties chantées des anciennes Messes étaient, à peu d’exceptions près, maintenues en leurs places accoutumées. Le rapport que les liturgistes des XIe, XIIe et XIIIe siècles avaient cru trouver, pour chaque Dimanche, entre l’Évangile primitif et le reste de la Liturgie, ne pouvait donc plus se soutenir comme auparavant. L’Église, en écartant des rapprochements parfois trop subtils, n’entendait pas néanmoins condamner ces auteurs, ni détourner ses fils de rechercher dans leurs ouvrages une édification d’autant plus saine qu’elle est puisée souvent aux sources authentiques des anciennes Liturgies. Nous profiterons de leurs travaux, sans oublier que l’harmonie principale à chercher dans les Messes du Temps après la Pentecôte n’est autre que l’unité du Sacrifice même.
Chez les Grecs, l’absence de toute préoccupation d’agencement méthodique est plus sensible encore. Ils commencent au lendemain de la Pentecôte la lecture de saint Matthieu, et la continuent, en suivant l’ordre de la narration du livre sacré, jusqu’à la fête de l’Exaltation de la sainte Croix en septembre. Saint Luc succède alors à saint Matthieu, et se lit de la même manière. Leurs semaines et Dimanches n’ont point, en ce temps, d’autre dénomination que celle de l’Évangile de chaque jour ou de l’Évangéliste en cours de lecture ; notre premier Dimanche après la Pentecôte est pour eux le premier Dimanche de saint Matthieu, celui auquel nous sommes arrivés le quatrième du même Évangéliste.
Nous avons rappelé, au temps de Pâques, la majesté du huitième jour substitué au Sabbat des Juifs, et devenu le jour sacré du nouveau peuple. « La sainte Église, qui est l’Épouse, disions-nous, s’associe à l’œuvre même de l’Époux. Elle laisse s’écouler le samedi, ce jour que son Époux passa dans le lugubre repos du sépulcre ; mais, illuminée des splendeurs de la Résurrection, elle consacre désormais à la contemplation de l’œuvre divine le premier jour de la semaine, qui vit tour à tour sortir des ombres et la lumière matérielle, première manifestation de la vie sur le chaos, et celui-là même qui, étant la splendeur éternelle du Père, a daigné nous dire : « Je suis la lumière du monde » [25].
Telle est l’importance de la liturgie dominicale destinée à célébrer chaque semaine de si grands souvenirs, que les Pontifes romains se refusèrent longtemps à multiplier au Calendrier les fêtes d’un degré supérieur au rite semidouble qui est celui du Dimanche, afin de conserver à celui-ci sa prérogative légitime et ses droits séculaires. Leur réserve à cet égard ne s’était point démentie jusque dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Elle céda enfin devant la nécessité de répondre plus efficacement aux attaques dont le culte des Saints était devenu l’objet de la part des Protestants et des Jansénistes leurs frères. Il devenait urgent de rappeler aux fidèles que l’honneur rendu aux serviteurs n’enlève rien à la gloire du Maître, que le culte des Saints, membres du Christ, n’est que la suite et le développement de celui qui est dû au Christ leur Chef ; l’Église devait à son Époux une protestation contre les vues étroites de ces novateurs qui n’allaient à rien moins qu’à tronquer le dogme de la divine Incarnation, en le séparant de ses ineffables conséquences. Ce ne fut donc point sans une influence particulière du divin Esprit que le Siège apostolique consentit alors à déclarer du rite double plusieurs fêtes anciennes ou nouvelles ; pour appuyer la solennelle condamnation des nouveaux hérétiques, il convenait en effet de rendre moins rare la célébration des vertus des Saints en ce jour du Dimanche, réservé tout spécialement aux solennelles démonstrations de la foi catholique et aux grandes réunions de la famille chrétienne.
La liturgie dominicale ne fut point d’ailleurs complètement déshéritée, dans les jours mêmes où elle dut céder le pas désormais à quelque fête particulière. Il n’est point en effet de solennité, si élevée soit-elle, qui, tombant un Dimanche, n’emprunte du moins à celui-ci, comme Mémoire, ses Oraisons et son Évangile, lequel se dit alors à la fin de la Messe, en place de celui de saint Jean. Rappelons aussi qu’après l’assistance à la Messe solennelle et aux Heures canoniales, l’un des meilleurs moyens d’accomplir le précepte de la sanctification du jour du Seigneur est de méditer et d’approfondir, en notre particulier, les enseignements contenus dans l’Épître et l’Évangile proposés chaque Dimanche à notre attention par la sainte Église.
A LA MESSE.
L’Église a commencé au lendemain de la Sainte-Trinité, dans l’Office de la nuit, la lecture des livres des Rois ; elle est entrée cette nuit même dans l’admirable récit du triomphe de David sur Goliath, le géant Philistin. Or quel est pour l’Église le vrai David, sinon le chef divin qui mène depuis dix-huit cents ans l’armée des saints à la victoire ? N’est-elle pas elle-même en toute vérité la fille du roi [26] promise au vainqueur de ce combat singulier du Christ et de Satan qui, au Calvaire, sauva le véritable Israël et vengea l’injure faite au Dieu des armées ? Toute pénétrée encore des sentiments que cet épisode de l’histoire sacrée a ranimés en son cœur d’Épouse, elle emprunte dans l’Introït les paroles de David [27] pour chanter les hauts faits de l’Époux, et proclamer la confiance dans laquelle son triomphe l’a établie pour jamais.
L’Église, malgré sa confiance dans le secours du ciel pour les jours mauvais, demande cependant toujours la paix du monde au Dieu très-haut. Si, en face du combat, l’Épouse tressaille à la pensée de pouvoir prouver son amour, la Mère commune craint pour ses fils dont plusieurs, qu’une vie tranquille eût sauvés, périront dans l’épreuve. Prions avec elle dans la Collecte.
ÉPÎTRE.
Les prémices de l’Esprit sont la grâce et les vertus qu’il a déposées dans nos âmes comme le gage du salut et le germe de la gloire future. Affermie par la foi dans la possession de ces arrhes divines, l’humanité régénérée garde comme réconfort, au sein des misères dont sa vie est remplie, la conscience de ses nobles destinées. C’est en vain que Satan prétend reprendre sur elle de haute lutte les droits abolis de ses anciennes victoires : si laborieuse que puisse être la défense d’une terre une première fois saccagée par l’ennemi, l’espérance chrétienne revêt l’homme ici-bas d’une force céleste. Pénétrant pour lui jusqu’à l’intérieur du voile [28], elle lui rappelle sans cesse la disproportion signalée par l’Apôtre entre les fatigues de la route et la consommation des vrais biens qui l’attendent dans la lumière béatifique de la patrie. Les promesses de son Dieu, les merveilleuses avances du Paraclet dans le passé et le présent lui assurent l’avenir. Bien plus ; la terre qui le porte, cette terre fangeuse et obscure qui l’enchaîne aujourd’hui sous les sens, excite elle-même directement ses aspirations supérieures et les partage à sa manière. C’est la doctrine de saint Paul dans notre Épître : les changements désordonnés, les vicissitudes inquiètes de la création matérielle appellent, avec la destruction du péché, le triomphe final et universel sur la corruption qui en fut la suite. L’état présent du monde fournit donc, lui aussi, son spécial et très sûr motif à la sainte vertu d’espérance. Ceux-là seuls pourraient s’en trouver étonnés qui ne sauraient pas jusqu’à quel point l’élévation de l’homme à l’état surnaturel a fait, dès le commencement, la vraie noblesse du monde soumis à son empire. Mais leur science incomplète prétendrait vainement chercher ailleurs l’explication de l’œuvre divine et la raison de toute chose. La vérité qui explique tout sur la terre et au ciel, l’axiome divin, principe et fondement des mondes, est que Dieu, qui nécessairement fait tout pour sa gloire, a librement placé la consommation de cette gloire souveraine dans le triomphe de son amour par l’ineffable mystère de l’union divine réalisé dans sa créature. L’union divine à conquérir étant donc par la volonté de Dieu le seul but, est aussi l’unique loi, la loi vraiment vitale et constitutive de la création. Lorsque l’Esprit, planant sur le chaos, adaptait aux vues de l’amour infini la matière informe, les éléments divers et les atomes sans nombre du monde en préparation puisaient donc bien réellement dans cet amour infini le principe de leurs développements et mouvements ultérieurs ; ils recevaient pour mission unique d’aider l’Esprit en leur mesure à conduire l’homme, l’élu de la Sagesse éternelle, au terme suprême des noces divines. Le péché, brisant l’alliance, eût du même coup détruit le monde en lui enlevant sa raison d’être, sans l’incompréhensible patience du Dieu outragé et les merveilleuses retouches apportées au plan premier par l’Esprit d’amour. Mais l’état violent de la lutte et de l’expiation remplaçait désormais la marche sans contrainte du roi de la création, l’épanouissement spontané du dieu en fleurs ; l’union divine ne devait plus être pour le monde que le fruit d’un enfantement douloureux, où les gémissements et les pleurs allaient précéder longtemps les chants du triomphe et de l’épithalame.
Les hommes qui ne connaissent d’autre loi que celle de la chair auront beau néanmoins s’obstiner à fermer aux enseignements de la révélation positive leurs oreilles et leurs cœurs : la matière même condamnera toujours leur matérialisme ; la nature, qu’ils invoquent comme unique autorité, prêche par ses mille voix le surnaturel aux quatre vents du monde ; la création bouleversée, dévoyée par la chute, proclame plus haut que jamais, dans sa misère anxieuse, la fin sublime du roi tombé dont elle est l’apanage. Mystérieuses souffrances des éléments, gémissements ineffables dont parle l’Apôtre, larmes des choses, soupirs sans nom qu’ont chantés les poètes [29], vous êtes bien en effet la vraie poésie de cette terre de l’épreuve ; car vous ramenez qui sait vous comprendre et se laisse pénétrer de votre suave et douloureuse harmonie, jusqu’à la source même de toute beauté et de tout amour ! L’antiquité vous connut ; mais l’intelligence faussée de ses prétendus sages dénatura vos accents, et ne fit plus de vous que la voix stérile d’un hideux panthéisme. Le règne du Paraclet ne s’était point encore levé sur le monde ; lui seul devait donner à l’humanité, en même temps que la connaissance distincte de l’Esprit créateur, la clef de cette langue mystérieuse de la nature, de ces aspirations puissantes et universelles dont le secret vient de lui tout entier. Mais nous le savons aujourd’hui : l’Esprit du Seigneur a rempli l’univers [30] ; le témoin divin qui atteste à nos âmes que nous sommes les fils de Dieu [31] a porté jusqu’aux extrémités de la création son précieux témoignage, et la création entière tressaille, impatiente devoir se lever le grand jour qui montrera ces fils de Dieu dans leur gloire. Car ayant à cause d’eux partagé leurs souffrances, elle sera délivrée comme eux, et participera des splendeurs de leurs trônes. « Comme en effet, dit saint Jean Chrysostome, la nourrice d’un enfant royal, lorsqu’il entre en possession du royaume paternel, voit elle-même s’élever sa fortune, ainsi fera la création... Comme encore les hommes, lorsque leur fils doit paraître dans l’éclat d’une dignité nouvelle, revêtent en son honneur les serviteurs eux-mêmes d’une robe plus brillante, ainsi Dieu revêtira d’incorruption toute créature au jour de la délivrance et de la gloire de ses fils » [32].
Le Graduel fait monter jusqu’à Dieu la voix des chrétiens trop souvent pécheurs qui, se sentant indignes de secours, implorent néanmoins son intervention pour sa gloire à lui-même ; car ils n’en sont pas moins les soldats du Dieu des armées, et leur cause est la sienne. Le Verset alléluiatique nous montre l’Église, ici-bas pauvre et persécutée, dirigeant sa prière confiante vers le trône des justices de son Époux.
ÉVANGILE.
La prophétie de Jésus à Simon fils de Jean est maintenant accomplie. Au jour où descendit l’Esprit-Saint, nous avons admiré la puissance des premiers coups de filet du pêcheur d’hommes amenant l’élite d’Israël aux pieds du Christ Sauveur. Mais la barque de Pierre ne devait pas rester longtemps confinée dans les eaux juives. L’humble nacelle a gagné la haute mer ; elle vogue désormais sur les eaux profondes qui sont, nous dit saint Jean, les nations et les peuples [33]. Le vent violent, les vagues houleuses et la tempête n’effraient plus le batelier de Tibériade ; il sait qu’il porte à son bord le maître des flots, celui dont l’abîme est comme le vêtement [34]. Pénétré de la force d’en haut [35], il a jeté sur l’Océan immense le filet de la prédication apostolique, vaste comme le monde, et qui seul doit amener les fils du grand poisson [36], de l’ICHTHUS céleste [37], à la rive éternelle. Il est grand ce rôle de Pierre qui, encore bien qu’il ait des compagnons dans sa divine entreprise, les domine tous cependant comme leur chef incontesté, comme le maître de la barque où Jésus commande en sa personne et dirige les opérations du salut universel. L’Évangile d’aujourd’hui prépare donc ou résume très opportunément les enseignements de la fête du Prince des Apôtres, toujours voisine du quatrième Dimanche après la Pentecôte. Mais cette proximité même nous permet de laisser à ce grand jour la considération plus détaillée des gloires inhérentes au vicaire du Christ, et d’insister en ce moment sur les autres mystères contenus dans le récit qui nous est proposé par la sainte Église.
Les Évangélistes nous ont conservé le souvenir de deux pêches miraculeuses faites par les Apôtres en présence de leur Maître : l’une décrite par saint Luc, et qui vient de nous être rappelée ; l’autre dont le disciple bien-aimé nous invitait à scruter, au Mercredi de Pâques, le profond symbolisme. Dans la première, qui se rapporte au temps de la vie mortelle du Sauveur, le filet, jeté au hasard, se rompt sous la multitude des poissons captifs, sans que leur nombre ou leurs qualités soient marqués autrement par l’Évangéliste ; dans la seconde, le Seigneur ressuscité indique aux disciples la droite de la barque, et, sans rompre le filet, cent cinquante-trois gros poissons abordent au rivage où Jésus les attend pour les joindre au pain et au poisson mystérieux d’un festin préparé par lui-même. Or, expliquent d’une commune voix tous les Pères, ces deux pêches figurent l’Église : l’Église dans le temps d’abord, et plus tard dans l’éternité. Maintenant l’Église est multitude, elle englobe sans compter bons et mauvais ; après la résurrection, les bons seuls formeront l’Église, et leur nombre sera précisé, fixé pour jamais. « Le royaume des cieux, nous dit le Sauveur, est semblable à un filet jeté dans la mer et rassemblant des poissons de toutes sortes ; lorsqu’il est plein, on le retire pour choisir les bons et rejeter les mauvais » [38].
Les pêcheurs d’hommes ont lancé leurs filets, dit saint Augustin ; ils ont pris cette multitude de chrétiens que nous contemplons dans l’admiration ; ils en ont rempli les deux barques, figures des deux peuples Juif et Gentil. Mais qu’avons-nous entendu ? La multitude surcharge les barques, et les met en danger de naufrage : ainsi voyons-nous aujourd’hui que la foule hâtive et confuse des baptisés alourdit l’Église. Beaucoup de chrétiens vivent mal, et ils troublent, ils retardent les bons. Mais pire encore font ceux qui rompent le filet par leurs schismes ou leurs hérésies : poissons impatients du joug de l’unité qui ne veulent point venir au festin du Christ, ils se complaisent en eux-mêmes ; prétextant qu’ils ne peuvent vivre avec les méchants, ils brisent les mailles qui les retenaient dans le sillage apostolique et périssent loin du bord. En combien de lieux n’ont-ils pas brisé de la sorte l’immense filet du salut ? Les Donatistes en Afrique, les Ariens en Égypte, en Phrygie Montan, Manès en Perse, et depuis combien d’autres ont excellé dans l’œuvre de rupture ! N’imitons point leur démence orgueilleuse. Si la grâce nous fait bons, prenons en patience la compagnie des mauvais dans les eaux de ce siècle. Que leur vue ne nous pousse ni à vivre comme eux, ni à sortir de l’Église : la rive est proche où ceux de la droite, où les bons seuls seront admis, et d’où les méchants seront rejetés à l’abîme [39].
Dans l’Offertoire, l’armée des chrétiens demande cette lumière de la foi qui seule peut lui assurer la victoire, en lui découvrant l’ennemi et ses multiples embûches. Pour le fidèle la nuit n’a point d’ombre, et la clarté du céleste flambeau chasse de ses yeux le sommeil funeste qui bientôt amènerait la défaite et la mort.
Les dons offerts sur l’autel pour la transformation toute-puissante du Sacrifice sont la figure des fidèles eux-mêmes. C’est pourquoi l’Église, dans la Secrète, prie le Seigneur d’attirer et de changer en même temps que ces dons nos volontés indociles. Rappelons-nous que de tous les poissons rassemblés dans le filet mystique, ceux-là seuls, nous disent les Pères, seront les élus de la rive éternelle, « qui vivent de façon à mériter d’être présentés par les pêcheurs de l’Église au festin du Christ » [40].
Le Dieu qui fit triompher la faiblesse de David du géant philistin se donne à nous dans les sacrés Mystères. Chantons, avec le Psaume d’où l’Antienne de la Communion est tirée, sa force miséricordieuse qui se fait nôtre au Sacrement.
Saint Augustin [41] donne le nom de Sacrement de l’espérance au mystère divin dans lequel l’Église proclame et restaure chaque jour ici-bas son unité sociale. L’union réelle, quoique voilée encore, du Chef et des membres au banquet de la Sagesse éternelle dépasse en effet de beaucoup, comme gage des gloires futures de l’humanité régénérée, cette attente douloureuse des éléments dont nous parlait l’Apôtre en l’Épître du jour. Demandons, dans la Postcommunion, que nos souillures soient effacées et n’empêchent point la plénitude de l’effet de ce Sacrement, dont la vertu peut nous conduire jusqu’à la perfection consommée du salut.
L’Antienne et les Répons qui suivent, empruntés par l’Office de ce jour au premier Livre des Rois, nous aideront à pénétrer dans l’ordre de considérations où l’Église se plaît à voir entrer ses fils.
ANTIENNE ET RÉPONS.
Ant. l’emporta sur le Philistin avec une fronde et une pierre, au nom du Seigneur.
R/. Deus ómnium exaudítor est : ipse misit Angelum suum, et tulit me de óvibus patris mei [42] ; * Et unxit me unctióne misericórdiæ suæ. | R/. Dieu exauce tous ceux qui l’invoquent ; c’est lui qui a envoyé son Ange et m’a pris du milieu des brebis de mon père : * Pour m’oindre de l’onction de sa miséricorde. |
V/. Dóminus, qui erípuit me de ore leónis, et de manu béstiæ liberávit me. | V/. C’est le Seigneur qui m’a délivré de la gueule du lion et de la griffe des fauves. |
* Et unxit me unctióne misericórdiæ suæ. | * Pour m’oindre de l’onction de sa miséricorde. |
R/. Dóminus, qui erípuit me de ore leónis, et de manu béstiæ liberávit me, * Ipse me erípiet de mánibus inimicórum meórum. | R/. Le Seigneur qui m’a délivré de la gueule du lion et de la griffe des fauves : * M’arrachera de même aux mains de mes ennemis. |
V/. Misit Deus misericórdiam suam et veritátem suam : ánimam meam erípuit de médio catulórum leónum. | V/. Dieu a envoyé sa miséricorde et sa vérité, il a arraché mon âme du milieu des petits du lion. |
R/. Le Seigneur qui m’a délivré de la gueule du lion et de la griffe des fauves : * Il m’arrachera de même aux mains de mes ennemis. | |
R/. Percússit Saul mille, et Davíd decem míllia : * Quia manus Dómini erat cum illo ; percússit Philisthǽum, ct ábstulit oppróbrium ex Israel. | R/. Saul en a tué mille, et David dix mille : * Parce que la main du Seigneur était avec lui, il a frappé le Philistin et enlevé l’opprobre d’Israël. |
V/. Nonne iste est David, de quo canébant in choro, dicéntes : Saul percússit mille, et David decem millia ? | V/. N’est-ce pas là ce David dont on chantait dans les chœurs : Saül en a tué mille, et David dix mille ? |
* Quia manus Dómini erat cum illo ; percússit Philisthǽum, ct ábstulit oppróbrium ex Israel. | * Parce que la main du Seigneur était avec lui, il a frappé le Philistin et enlevé l’opprobre d’Israël. |
Ajoutons la Préface très ancienne de l’Église Romaine pour ce jour. On doit savoir en effet qu’autrefois les Préfaces étaient bien plus multipliées que de nos jours, et qu’en particulier chaque Dimanche avait la sienne.
PRÉFACE. | |
Vere dignum tibi gratias agere, æterne Deus. Quoniam illa festa remanent, quibus nostræ mortalitati procuratur immortale commercium, ac temporali vitæ subrogatur æternitas, et de peccati pœna peccata mundantur, mirificisque modis conficitur de perditione salvatio, ut status conditionis humanæ, qui per felicitatis insolentiam venit ad tristitiam, humilis et modestus ad æterna gaudia redeat per mœrorem. | C’est une chose vraiment digne de vous rendre grâces, Dieu éternel. Car voici que sont à nous ces jours solennels où notre mortalité se voit offrir un commerce immortel : à la vie du temps se substitue l’éternité, la peine du péché purifie les péchés, et, par un procédé merveilleux, de la perte sort le salut ; ainsi l’état de l’humaine condition qu’une arrogante félicité avait conduite à tristesse, est ramené dans une humble retenue par la douleur aux joies éternelles. |
Terminons par cette Oraison qui revient plus d’une fois dans les formules de la Liturgie ambrosienne à cette époque de l’année, et se retrouve aussi au Sacramentaire gélasien.
ORAISON. | |
Deus qui te in rectis ac sinceris manere pectoribus asseris : da nobis tua gratia tales exsistere, in quibus habitare digneris. | O Dieu qui assurez demeurer dans les cœurs droits et sincères ; accordez-nous d’être tels par votre grâce, que vous daigniez habiter en nous. Par Jésus-Christ. |
L’ordre progressif des psaumes choisis pour les introïts, nous montre que ces messes dominicales après la Pentecôte constituaient à l’origine une série indépendante qui n’est que trop troublée aujourd’hui par de fréquentes lacunes remontant au moins au VIIe siècle. La liste évangéliaire de Würzbourg nous avertit qu’à Rome, au VIIe siècle, on comptait deux seconds dimanches post Pentecosten, l’un ante natale Apostolorum, et l’autre post natale Apostolorum ; puis le cycle se poursuivait : dominica tertia et ainsi de suite. Il importe de constater que la fête de saint Pierre et de saint Paul, à l’égal des plus grandes solennités de l’année, constituait un terme chronologique pour compter les diverses semaines du cycle liturgique. L’Évangile de ce jour, traitant de la pêche miraculeuse de saint Pierre, est assigné, dans l’évangéliaire de Würzbourg, au IIe dimanche avant le natale Apostolorum et cela était peut-être en relation avec la fête que Rome se préparait à célébrer avec la plus grande solennité. La foi de nos temps nous donne à peine l’idée de la dévotion avec laquelle, dans l’antiquité chrétienne, on célébrait dans la Ville le natale des apôtres Pierre et Paul. De toute l’Italie et même des provinces d’Europe les plus lointaines, affluaient à cette occasion des caravanes de pèlerins, pour qui Rome était l’image de la Jérusalem céleste, la cité des Martyrs.
L’antienne pour l’entrée du cortège des célébrants dans l’église est empruntée au psaume 26, qui reflète bien les sentiments de l’Église dans cette période de combat et de péril. « Yahweh est ma lumière et mon salut, qui dois-je craindre ? Les adversaires roulèrent à terre et ils périrent. » Ce prodige, déjà narré par les Évangélistes à l’occasion de l’arrestation du Juste par excellence au jardin de Gethsémani, se renouvelle sans cesse dans l’histoire de l’Église, où nous constatons que tous ceux qui l’ont combattue ont toujours fini par se précipiter dans l’abîme.
La mélodie de ce psaume devait avoir un charme tout à fait spécial quand, autrefois, il était exécuté par les fidèles tremblants dans l’obscurité des catacombes. « Le Seigneur est ma lumière et mon bouclier, que craindrai-je donc ? » Néron, Domitien, Valérien ont tous été renversés du trône par la main de Dieu. Mais cette Église qu’ils voulaient détruire est encore debout, et demain, du haut du Vatican, elle succédera même à l’empire des Augustes dans l’hégémonie universelle du monde. La collecte semble poursuivre l’idée ébauchée dans l’introït. A l’accroissement de l’Église importent fort les conditions sociales publiques qui elles aussi d’ailleurs sont entre les mains de Dieu, car, tandis que les peuples s’agitent et se passent des caprices au gré de leurs passions, Dieu cependant met ordre à tous ces événements et les dirige à sa gloire finale et au salut des âmes.
Nous demandons donc aujourd’hui avec l’Église que la divine Providence dispose enfin le cours des événements humains en sorte que rien ne vienne empêcher la famille chrétienne de rendre, à Dieu l’hommage social de sa dévotion. En d’autres termes, on demande au Seigneur de ne pas permettre le retour de la persécution, car si celle-ci glorifie l’Église par les Martyrs, toutefois la vie normale de la communauté chrétienne se déroule mieux en temps de paix et de faveur.
Très probablement, la succession des épîtres, durant le temps après la Pentecôte, formait elle aussi une série indépendante, aujourd’hui fréquemment troublée. Dans la lecture de ce dimanche, saint Paul décrit en traits vigoureux l’attente patiente mais résolue de toute la création, souhaitant d’être affranchie de l’abjecte servitude où la réduit le pécheur, pour revendiquer contre lui son droit, qui a été méprisé et qui est de servir exclusivement à la gloire de Dieu. Ce texte est mystérieux, mais on en comprend suffisamment l’idée maîtresse. De même que le péché a dégradé la création entière, ainsi celle-ci, même dans ses éléments insensibles, participe à la restauration messianique. De quelle manière ? Ce n’est pas le lieu de faire une longue exégèse ; qu’il nous suffise de faire remarquer ici que dès à présent, au moyen des sacrements, la matière est élevée à la dignité de cause instrumentale dans la sanctification de l’homme.
Le répons-graduel, tiré du psaume 78, est identique à celui du samedi des Quatre-Temps de décembre, après la première leçon : « O Yahweh ! à cause de votre nom pardonnez nos fautes ; car si nous étions abattus sous le poids du péché, les nations idolâtres nous regarderaient avec mépris et diraient : Où est leur Dieu ? O Dieu, notre salut, aidez-nous et délivrez-nous des adversités, pour la gloire de votre nom. »
Bien avant que saint Paul, dans l’Épître aux Romains, mît en pleine évidence la différence qu’il y a entre ceux qui se promettaient le salut par l’observance de ce demi-millier au moins d’œuvres prescrites par la Thora, et ceux qui, comme Abraham, étaient justifiés par la foi, le Psalmiste insiste sans cesse sur cette pensée : Dieu nous remet en sa grâce, il nous soustrait aux châtiments mérités par le péché ; mais tout cela, rigoureusement, n’advient pas en vertu d’un droit quelconque que nous puissions alléguer sur la divine miséricorde, mais propter nomen suum, à cause de son nom même. C’est pourquoi le Verbe, en s’incarnant, voulut s’appeler Jésus, c’est-à-dire Sauveur.
Le verset alléluiatique est tiré du psaume 9, qui est alphabétique. Dieu a préparé son trône pour le jugement. Il est le refuge du pauvre dans la misère. Ce pauvre mystérieux, qui revient avec tant d’insistance sous la plume des prophètes sacrés, c’est le fils du charpentier, c’est Jésus. Le Père l’a laissé pour peu de temps au pouvoir de ses ennemis ; mais le jour de Pâques il a enfin répondu à son appel, il a jugé sa cause, et d’accusé qu’il était devant Hérode et Pilate, il l’a constitué Juge des vivants et des morts.
La narration évangélique de la pêche miraculeuse de saint Pierre (Luc. V, I-11) prépare l’âme des fidèles à célébrer le natale de celui qui fut choisi pour prendre tous les hommes dans son filet évangélique. Les Apôtres aident, mais Pierre est celui qui jette le filet dans la mer et accomplit la pêche prodigieuse ; cela indique que, dans l’Église, le centre de l’autorité réside dans le Pontife romain, dont les évêques et le clergé sont les coopérateurs et les auxiliaires soumis, pour le sublime ministère du salut du monde.
Le verset ad offerendum, pris au psaume 12, est commun au samedi avant le troisième dimanche de Carême. « Éclairez mes yeux, afin que je ne m’endorme pas dans une léthargie mortelle, et que mon ennemi ne dise pas : Je l’ai vaincu. » II s’agit des illusions spirituelles, qui sont l’un des périls les plus redoutables pour notre vie intérieure. L’amour-propre, la fumée des passions, nous donnent de nous-mêmes une idée souvent très différente de ce que nous sommes en réalité. Parfois cette bonne opinion est volontiers partagée par tout un entourage d’adulateurs. Et pourtant, devant Dieu, peut-être nous trouvons-nous alors dans un état très dangereux —nomen habes quod vivas et mortuus es [43] — et tous ces prétextes spécieux par lesquels nous tentons de justifier devant notre conscience notre manière irrégulière de procéder, ne sont qu’une espèce de volontaire strabisme spirituel destiné à en détourner savamment notre regard intérieur. Cette terrible maladie des illusions peut frapper de préférence les âmes religieuses qui, en vertu d’un certain orgueil spirituel, sont portées plus que les autres à déguiser sous des motifs d’étrange mysticisme ce qui représente au contraire un honteux recul de l’âme dans le chemin de la perfection.
La collecte précédant l’anaphore eucharistique est la même que le samedi avant le dimanche de la Passion, et on y demande que, grâce au divin sacrifice, le Seigneur ramène à lui et à sa loi notre volonté rebelle elle-même. Dieu ne fait jamais violence au libre arbitre ; s’il en était autrement, la liberté de l’acte humain serait détruite. Souvent néanmoins, il triomphe de nos mauvaises dispositions précédentes par la puissance de sa grâce, et alors il nous donne de vouloir efficacement le bien, malgré tous les égarements et toute la résistance des mauvaises habitudes, que vise précisément aujourd’hui cette épithète de la collecte : rebelles compelle propitius voluntates [44].
L’antienne pour la Communion est tirée du psaume 17. Au milieu des continuelles fluctuations de ce monde, dans toute cette instabilité des choses, — πάντα ρει, a dit le Philosophe, tout passe — Dieu seul ne change pas et demeure toujours ami très fidèle et fondement inébranlable pour tous ceux qui se confient en lui. Il est le salut au jour de la tentation, puisque la seule invocation de son nom met en fuite les démons. En un mot Il est notre Dieu, c’est-à-dire non un bien fini et particulier, mais tout le bien, comblant tout notre désir.
La collecte d’action de grâces a un caractère assez général : « Que le Mystère auquel nous venons de participer nous serve, Seigneur, à expier nos fautes et à nous prémunir contre les périls futurs. » L’expiation du péché advient grâce au sang de la Rédemption, dans lequel l’Agneau innocent lave les fautes des mortels ; la protection contre les périls est un effet de l’augmentation de la grâce sanctifiante qui, dans la Communion, nous donnant part à la vie de Jésus, nous aguerrit et nous rend terribles à l’adversaire.
De quel abus ne se rend pas coupable le pécheur quand il transforme en instruments de péché et de damnation les biens créés qui, selon l’ordre divin, auraient dû être les moyens ordinaires pour s’élever vers Dieu !
Le pêcheur d’hommes.
Le deuxième et le troisième dimanches, nous avons considéré l’amour et le souci de Dieu pour les hommes ; l’amour qui invite (le banquet) et l’amour qui cherche (brebis perdue). Nous voyons, aujourd’hui, comment le Sauveur, dans son amour, a fondé une institution de salut et établi des pêcheurs d’hommes...
Ainsi Jésus apparaît devant nous sous des images variées : comme Bon Pasteur (3e dimanche) et comme pêcheur d’hommes (4e dimanche). Nous sommes à l’époque de la fête de saint Pierre et de saint Paul. Ce dimanche dépend étroitement de cette fête (autrefois, on comptait les dimanches suivants d’après cette fête). Pierre reçoit la haute mission de pêcheur d’hommes. La barque de Pierre, dans laquelle le Seigneur prononce son sermon inaugural, est l’image de l’Église catholique (dans beaucoup de régions, on procède. à cette époque, à l’ordination sacerdotale).
1. La messe (Dominus illuminatio). — La messe n’a pas la même unité architecturale que, par exemple, les messes de Pâques. Cependant, en considérant cette messe du point de vue de l’Évangile des pêcheurs, nous pouvons lui donner une certaine unité. — Nous entrons, le cœur lourd, dans le sanctuaire. Les Chants psalmodiques et les oraisons supposent une grande détresse. Cependant, nous chantons, à l’Introït, un chant d’ardente confiance (récitons le beau psaume 26 dans son entier). En Dieu, je suis vainqueur de tous mes ennemis. Le Christ, dans la messe du dimanche, est le phare dans l’obscurité de la semaine.
Aujourd’hui, nous implorons aussi la paix extérieure ; nous demandons « que l’Église puisse jouir sans trouble de son culte » (Or.). Nous venons, en effet, du monde impie et l’on nous apprend (Ép.) que les souffrances terrestres sont nécessaires à l’enfant de Dieu, que ce sont les douleurs de l’enfantement qui préparent la béatitude éternelle. Une phrase d’or : « Les souffrances de ce temps ne sont rien en comparaison de la gloire qui sera révélée en nous ». L’Épître est une méditation profonde et élevée sur la nature, un cri de la nature qui attend ardemment l’immortalité et la rédemption. La nature nous prêche l’attente du retour du Seigneur.
L’Évangile nous offre à la fois un enseignement et une image mystique de la messe. Nous apprenons que la Sainte Église, l’institution chargée du soin des âmes, est la barque de Pierre et, en même temps, le filet dans lequel se trouve le « poisson du Christ » ; nous apprenons ensuite que le Christ est le grand pêcheur d’hommes et que ses auxiliaires sont les Apôtres, les évêques, les prêtres de l’Église. Leur grande tâche est de prendre les poissons. Ainsi l’Évangile est tout une instruction pastorale. Cependant l’Évangile doit aussi se réaliser dans la messe d’aujourd’hui. Nous sommes les foules que le Seigneur enseigne de la barque de Pierre (prédication — parole de Dieu). Nous sommes même les poissons qui fûmes « tirés » de la mer du monde quand il fit « jour », quand le Christ fut notre « lumière » (Intr., Offert.).
Cela se produisit d’abord dans le baptême, mais cela se produit encore dans la Sainte Eucharistie. Nous devons être Pierre qui s’écrie, plein d’humilité : « Éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur » qui suit avec obéissance l’appel du Christ : « Ils quittèrent tout ». Comme action de grâces, nous récitons tout le psaume 17, dans lequel David, à la fin de sa vie, remercie Dieu pour ses victoires.
2. Symboles du poisson et du pêcheur. — Dimanche dernier, l’Église nous a montré le Bon Pasteur qui prend la brebis sur ses épaules. Pasteur et brebis, tel est le symbole le plus fréquent dans l’ancienne Église. L’Église dessine aujourd’hui une autre image charmante, celle du pêcheur et du poisson. Cette image est, elle aussi, un symbole très aimé et très important. Examinons-le de plus près.
a) Le pêcheur d’hommes. On retrouve dans les catacombes une image qui représente un jeune homme prenant des poissons à la ligne. Cette image remonte aux premiers siècles. Elle illustre une parole du Sauveur : Désormais, vous serez des pêcheurs d’hommes. Ici, le pêcheur, c’est le Christ lui-même, et le poisson qu’il prend avec sa ligne, c’est le chrétien. Savons-nous quand le Christ nous a pêchés ? C’est au moment du baptême. Quand il nous a tirés de l’eau du baptême, nous sommes devenus les poissons du Christ. Sur l’image, on voit aussi un vase et un filet. Dans le vase, il y a déjà quelques poissons. Ce vase signifie l’Église. Elle est désignée aussi par le filet, car le Sauveur lui-même l’a comparée à un filet. L’image montre chez le divin pêcheur un soin et une attention extraordinaires. Cette image est donc une représentation du baptême. Chaque dimanche est une petite fête de Pâques, un renouvellement de la grâce du baptême. L’Église veut donc nous dire dans l’Évangile : Vous êtes des poissons du Christ ; il vous a pêchés au baptême ; laissez-vous prendre de nouveau, et davantage encore, par le bon pêcheur d’hommes qu’est le Christ ; laissez-vous prendre dans la Sainte Eucharistie.
Le Seigneur a aussi envoyé des pêcheurs d’hommes visibles sur la terre ; ce sont les prêtres de la Sainte Église. Ils sont ses aides. Ils jettent à sa place, avec sa grâce et sur son ordre, les filets qui doivent prendre les hommes. Voyons donc dans les prêtres le divin pêcheur d’hommes lui-même. En effet, de même que Pierre, sans le Christ, jeta toute la nuit son filet sans rien prendre, de même toute l’action, tout le ministère des prêtres serait vain, si le Christ ne donnait pas sa grâce et ne conférait pas la mission. D’un autre côté, quelle consolation et quelle bénédiction dans l’œuvre pastorale de l’Église et des prêtres ! Ce n’est pas une œuvre humaine, c’est l’œuvre du Sauveur. Ce qui convertit, ce n’est pas la persuasion humaine, mais la grâce qui vient d’en haut. Ceux que son Père lui donne viennent comme des poissons dans le filet du Christ. Le rôle des prêtres est d’accueillir ces poissons, de les conserver et de les garder.
b) Les poissons. Considérons maintenant la seconde image. Une autre image des catacombes nous montre les poissons nageant vers le filet soutenu par une poutre en forme de T. La signification est claire. Le filet est l’Église, et la poutre en forme de T est la Croix du Christ. Le filet est tendu sur cette poutre parce que toute l’efficacité de l’Église vient de la Croix. Sans la Croix, l’Église ne serait qu’une association qui essaie de réunir les hommes. Mais, de la Croix, elle reçoit tous les biens du salut, toute grâce et toute force. C’est de la Croix que découle dans notre âme la vie divine que nous recevons au baptême et dans l’Eucharistie. Nous devrions chaque dimanche nous rendre avec empressement à la messe pour nous laisser prendre dans le filet suspendu à la Croix. « Nous sommes les petits poissons du Christ », a écrit Tertullien. Cette phrase répond parfaitement à la parole du Christ dans l’Évangile d’aujourd’hui.
c) Le grand poisson. Si nous sommes les petits poissons, le Christ est le grand poisson. L’ancienne Église, dans son langage secret, aimait désigner le Christ sous le nom de poisson. Le mot grec qui veut dire poisson est : ICHTUS. Les cinq lettres sont les premières lettres du titre complet du divin sauveur : I(esus), Ch(ristos), Th(eou), U(ios), S(oter) ; ce qui veut dire : Jésus, Fils de Dieu, Sauveur. Les premiers chrétiens gardaient leur foi secrète devant les païens. Aussi ils peignaient par exemple un poisson. Personne n’en savait la signification, sauf eux. Ou bien ils parlaient du poisson en entendant le Sauveur. On représentait volontiers le poisson avec une corbeille de pain. La corbeille remplie de cinq pains rappelait d’abord le miracle de la multiplication des pains. Cette multiplication est une image du Sacrement de l’autel. L’eau dans laquelle nage le poisson rappelle l’eau du baptême. Ainsi, nous retrouvons encore ici la représentation des deux sacrements principaux : le baptême et l’Eucharistie. Ce sont ces deux sacrements que les premiers chrétiens appréciaient le plus ; ils doivent aussi nous être les plus chers. Le baptême nous donne la vie divine, l’Eucharistie l’entretient et la développe.
d) La barque. Maintenant, considérons l’image suivante. La barque dans laquelle monta le Seigneur appartenait à Pierre. La barque de Pierre est une image de la sainte Église. C’est de cette barque que prêcha le Seigneur ; c’est dans cette barque aussi que fut déposée la pêche miraculeuse. Cela est significatif. Dans l’Église, le Christ enseigne toujours. C’est dans l’Église qu’il rassemble les hommes pêchés dans la mer du monde et dont il a fait ses poissons. Et comme la maison de Dieu, l’église paroissiale, est une image de notre sainte Mère l’Église, on parle aussi du vaisseau de l’église ; c’est l’espace réservé aux fidèles. Nous avons là encore une image du dimanche. Le dimanche, les chrétiens sont rassemblés pour la messe ; les poissons du Christ sont renfermés dans la barque de Pierre.
e) L’ancre. Les premiers chrétiens étaient inépuisables dans leurs symboles. Ils ont également donné une signification aux agrès du navire, et particulièrement à l’ancre. L’ancre est, dans un navire, un objet très important et nécessaire, surtout quand le navire est ballotté par les flots et qu’il faut le fixer. C’est pourquoi on parle volontiers de l’ancre de l’espérance. Mais comme l’ancre a une certaine ressemblance avec la Croix, les premiers chrétiens aimaient y voir un symbole de la Rédemption et du salut. C’est pourquoi ils plaçaient volontiers une ancre sur les tombeaux. Faisons, nous aussi, de la Croix du Christ, notre ancre. Le Christ crucifié doit être notre tout. Dans la Croix se trouve notre salut.
Lorsque Dieu eut rejeté Saül à cause de son orgueil, Il dit à Samuel d’oindre comme roi le plus jeune fils de Jessé qui était encore enfant. Et Samuel l’oignit au milieu de ses frères et depuis ce jour l’Esprit de Dieu se retira de Saül et vint sur David. Or les Philistins, voulant recommencer la guerre, réunirent leur armée sur le versant d’une montagne. Saül rangea alors la sienne sur le versant d’une autre montagne de sorte qu’ils étaient séparés par une vallée où passait un torrent. Et il sortit du camp des Philistins un Géant qui s’appelait Goliath. Il portait un casque d’airain, une cuirasse d’écaillés, des bottes d’airain sur les jambes et un bouclier d’airain couvrait ses épaules. Il avait un javelot en bandoulière et brandissait une lance dont le fer pesait six cents sicles. Et défiant Israël : « Esclaves de Saül, s’écria-t-il, choisissez un champion qui vienne se mesurer avec moi ! S’il m’abat, nous serons vos esclaves ; si je l’abats, vous serez les nôtres ».
Saül et tout Israël furent alors saisis d’effroi. Et pendant quarante jours le Philistin s’avança matin et soir et renouvela son défi sans que personne osât le relever. Le jeune David vint sur ces entrefaites au camp de Saül où se tenaient ses frères et quand il entendit Goliath et vit la terreur d’Israël, plein de foi il s’écria : Qui est donc ce Philistin, ce païen, pour insulter l’armée du Dieu vivant ? Que nul ne perde cœur en Israël, je combattrai le géant. « Va, lui dit Saül, et que Dieu soit avec toi ! » David prit son bâton et sa fronde, traversa le lit du torrent, y choisit cinq cailloux bien ronds et s’avança hardiment vers le Philistin. Goliath, en voyant venir cet enfant, le méprisa : « Suis-je donc un chien que tu viennes à moi avec un bâton ? » Et il le maudit par tous ses dieux. David lui répondit : « Je vais à toi au nom du Dieu d’Israël que tu as insulté ; aujourd’hui même toute la terre saura que ce n’est ni par l’épée, ni par la lance que ce Dieu sauve : il est le maître de la guerre et donne la victoire à qui il lui plaît ». Le géant se précipita alors vers David. Celui-ci mit une pierre dans sa fronde qu’il fit tournoyer et la pierre s’enfonça dans le front du géant qui tomba tout d’une pièce le visage contre terre. David bondit alors sur lui et tirant du fourreau l’épée de Goliath, il le tua en lui coupant la tête qu’il éleva pour la montrer aux Philistins. A cette vue les Philistins se débandèrent et l’armée d’Israël poussant un cri de guerre les poursuivirent et les massacrèrent.
« Les enfants d’Israël, explique S. Augustin, se trouvaient depuis quarante jours devant l’ennemi. Ces quarante jours, à cause des quatre saisons et des quatre parties du monde, signifient la vie présente durant laquelle le peuple chrétien ne cesse d’avoir à combattre un Goliath et son armée, c’est-à-dire le diable et ses anges. Et pourtant ce peuple ne pourrait vaincre si le véritable David, le Christ, n’était pas descendu avec son bâton, je veux dire avec le mystère de sa croix. David, en effet, qui était la figure du Christ, sortit des rangs, prit en main son bâton et marcha contre le géant ; on vit alors figuré dans sa personne ce qui plus tard s’accomplit en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Le Christ, en effet, le vrai David, venu combattre le Goliath spirituel, c’est-à-dire le diable, a lui-même porté sa croix. Remarquez, mes frères, à quel endroit David a frappé Goliath ; c’est juste au front où il n’avait pas le signe de la croix. C’est que, de même que le bâton représentait la croix, de même aussi la pierre qui frappa Goliath, figurait le Christ, Notre-Seigneur » (2eme Noct.)
L’armée d’Israël, c’est l’Église qui souffre des humiliations que lui imposent ses ennemis. Elle gémit en attendant sa libération (Épître), elle demande au Seigneur « qui est une forteresse pour les malheureux à l’heure de la persécution » (Alléluia), « au Seigneur qui est un refuge et un libérateur » (Communion), de lui venir en aide « de peur que l’ennemi ne s’écrie : Je l’ai vaincue » (Offertoire).Et avec confiance elle dit : « Venez à notre aide, ô Dieu, pour l’honneur de votre nom, et délivrez-nous » (Graduel). « Le Seigneur est mon salut, qui pourrais-je redouter ? Le Seigneur est le rempart de ma vie, qui me ferait trembler ? Quand je verrais campée contre moi toute une armée, mon cœur serait sans crainte. Ce sont mes persécuteurs et mes ennemis qui chancellent et qui tombent » (Introit).
Et c’est ainsi que sous la conduite de la Providence, l’Église sert Dieu avec joie dans une sainte paix (Oraison). C’est ce que nous montre aussi l’Évangile choisi en raison de la proximité de la fête du 29 Juin. Un Évangéliaire de Würzbourg appelle en effet ce Dimanche Dominica ante natalem Apostolorum. C’est la barque de Pierre que Jésus choisit pour prêcher, c’est à Simon qu’il ordonne d’avancer au large et c’est lui qui, sur l’ordre du Maître, jette ses filets qui se remplissent jusqu’à se rompre. C’est Pierre enfin qui, saisi d’étonnement et d’effroi, adore son Maître et qui est choisi par lui comme pêcheur d’hommes. « Cette barque, explique S. Ambroise, S. Matthieu nous la représente battue des flots, et S. Luc nous la montre remplie de poissons ; ce qui nous dépeint les fluctuations de l’Église à son berceau, et sa prodigieuse fécondité dans la suite. Elle ne court aucun danger la barque qui porte la sagesse et qui vogue au souffle de la foi. Et que pourrait-elle craindre, ayant pour pilote celui en qui l’Église est affermie ? Le péril se rencontre où il y a peu de foi ; ici sécurité, car l’amour est parfait » (3e Noct.).
En commentant un Évangile fort semblable à celui-ci (v. Mercredi de Pâques) où S. Jean raconte une pêche miraculeuse qui eut lieu après la résurrection du Sauveur, S. Grégoire écrit : « Que figure la mer, sinon le siècle présent où les vicissitudes et les agitations de cette vie corruptible ressemblent à des flots qui sans cesse s’entrechoquent et se brisent ? Que représente la terre ferme du rivage, sinon la perpétuité du repos éternel ? Parce que les disciples se trouvaient encore parmi les flots de cette vie mortelle, ils travaillaient sur mer. Et comme notre Rédempteur avait dépouillé la corruptibilité de la chair, il se tenait, après sa résurrection, sur le rivage » (3eme Noct. du Mercredi de Pâques). En S. Matthieu, Nôtre Seigneur compare aussi « le royaume des cieux à un filet jeté en mer et qui ramasse toutes sortes de poissons. Et lorsqu’il est plein, les pêcheurs le tirent et s’étant assis au bord du rivage ils gardent les bons et rejettent tous les mauvais ».
Le baptême était de même représenté dans les Catacombes par un pêcheur qui retirait un poisson hors de l’eau. Ce sera donc le rôle de l’Église, dont Pierre est le chef, « de pêcher des hommes », c’est-à-dire de délivrer les âmes de tous les dangers qu’elles courent dans le monde figuré par la mer. « Nouvelle méthode de pêcher, assurément, dit S. Jean Chrysostome, car les pêcheurs tirent les poissons hors de l’eau pour leur donner la mort, mais nous, nous lançons nos filets dans l’eau et ceux que nous prenons sont vivifiés », « Les filets des Apôtres, dit S. Grégoire dans l’homélie de ce jour, ne détruisent pas ceux qu’ils prennent, mais les réservent et, du fond de l’abîme, les font venir à la lumière ; ils élèvent vers les hauteurs ceux qui sont agités dans les bas-fonds ».
Dans la barque de Pierre que secouent les flots agités et les tempêtes de ce monde, mettons toute notre confiance en Jésus. Il nous sauvera par son Église des attaques du « fort armé », le démon, comme il sauva par David l’armée d’Israël que défiait le géant Goliath.
[1] I Reg. 17, 50.
[2] I Reg. 7, 3.
[3] Ps. 151 apocr.
[4] I Reg. 17, 37.
[5] I Reg. 17, 37.
[6] Ps. 56, 4.
[7] Marc. 3, 27.
[8] I reg. 18, 7.
[9] Luc. 1, 66.
[10] I Reg. 17, 26 & 21, 11.
[11] 2 Reg. 1, 21.
[12] 2 Reg. 7, 8.
[13] Prière de Manassé, apocr.
[14] Ps. 50, 5-6.
[15] Luc. 5, 4.
[16] Ce répons, le 8ème de la Fête de la Sainte Trinité, est repris tous les dimanches après la Pentecôte.
[17] Is. 6, 3.
[18] I. Jn. 5, 7.
[19] Ps. 92, 2.
[20] Le Seigneur a régné, il s’est revêtu de gloire, lorsqu’en ressuscitant des morts il s’est adjoint le chœur des Saints : Le Seigneur s’est revêtu de force, parce qu’il a détruit l’empire du démon, et l’a ceinte autour de ses reins, lorsqu’il est remonté vers son Père, entouré de la multitude des Anges. (S. Jérôme). Selon S. Augustin, notre Seigneur se couvrit de gloire et de beauté dans ses souffrances, de force dans l’ignominie, et, quand il se ceignit d’un linge retombant devant lui (præcinxit se), pour laver les pieds de ses Apôtres, sa puissance éclata dans son humilité.
[21] Luc. 5, 3.
[22] Ps. 140, 2.
[23] Luc. 5, 5.
[24] Cf. cum Missali hodierno BERN. AUG. De offic. Mis. cap. V ; Microlog. De eccl. obs. cap. LXI ; Honor. Augustod. Gemma animas, l. IV ; RUPERT. De div. Off. l. XII ; DURAND. l. VI ; etc.
[25] Johan. VIII, 12.
[26] I Reg. XVII, 25-27.
[27] Psalm. XXVI.
[28] Heb. VI, 19.
[29] Virg. En. I, 462.
[30] Sap. I, 7.
[31] Rom. VIII, 16.
[32] In ep. ad Rom. Hom. XIV, 5.
[33] Apoc. XVII, 15.
[34] Psalm. CIII, 6.
[35] Luc. XXIV, 49.
[36] Titul. S. Abercii.
[37] Inscript. Augustod.
[38] Matth. XIII, 47-48.
[39] Aug. Serm. 248-252, passim.
[40] Bruno Ast. Expos, in Gen. c. I.
[41] Contra Faust. L. XII, 20.
[42] Ps. 151 apocr.
[43] Apoc. 3, 1 : tu passes pour être vivant, et tu es mort.
[44] Secrète : dans votre bienveillance, poussez nos volontés, même rebelles.