Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Ant. ad Introitum. Ps. 24, 17 et 18. | Introït |
De necessitátibus meis éripe me, Dómine : vide humilitátem meam et labórem meum, et dimítte ómnia peccáta mea. | Seigneur, délivrez-moi de mes angoisses ; voyez mon humiliation et ma peine et remettez-moi tous mes péchés. |
Ps. ibid., 1-2. | |
Ad te, Dómine, levávi ánimam meam : Deus meus, in te confído, non erubéscam. | Vers vous, Seigneur, j’ai élevé mon âme ; mon Dieu, je mets ma confiance en vous, que je n’aie pas à rougir. |
V/.Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Esto, Dómine, propítius plebi tuæ : et, quam tibi facis esse devótam, benígno réfove miserátus auxílio. Per Dóminum. | Soyez, Seigneur, propice à votre peuple ; vous lui inspirez la piété envers vous, que votre miséricorde le soutienne de son bienfaisant secours. |
Léctio Ezechiélis Prophétæ. | Lecture du Prophète Ezéchiel. |
Ezech. 18, 20-28. | |
Hæc dicit Dóminus Deus : Anima, quæ peccáverit, ipsa moriétur : fílius non portábit iniquitátem patris, et pater non portábit iniquitátem fílii : iustítia iusti super eum erit, et impíetas ímpii erit super eum. Si autem ímpius égerit pæniténtiam ab ómnibus peccátis suis, quæ operátus est, et custodíerit ómnia præcépta mea, et fécerit iudícium et iustítiam : vita vivet, et non moriétur. Omnium iniquitátum eius, quas operátus est, non recordábor : in iustítia sua, quam operátus est, vivet. Numquid voluntátis meæ est mors ímpii, dicit Dóminus Deus, et non ut convertátur a viis suis, et vivat ? Si autem avértent se iustus a iustítia sua, et fécerit iniquitátem secúndum omnes abominatiónes, quas operári solet ímpius, numquid vivet ? omnes iustítiæ eius, quas fécerat, non recordabúntur : in prævaricatióne, qua prævaricátus est, et in peccáto suo, quod peccávit, in ipsis moriétur. Et dixístis : Non est æqua via Dómini. Audíte ergo, domus Israël : Numquid via mea non est æqua, et non magis viæ vestræ pravæ sunt ? Cum enim avértent se iustus a iustítia sua, et fecerit iniquitátem, moriétur in eis : in iniustítia, quam operátus est, moriétur. Et cum avértent se ímpius ab impietáte sua, quam operátus est, et fécerit iudícium et iustítiam : ipse ánimam suam vivificábit. Consíderans enim, et avértens se ab ómnibus iniquitátibus suis, quas operátus est, vita vivet, et non moriétur, ait Dóminus omnípotens. | Voici ce que dit le Seigneur Dieu : L’âme qui pèche c’est celle qui mourra ; le fils ne portera pas l’iniquité du père, et le père ne portera pas l’iniquité du fils ; la justice du juste sera sur lui, et la méchanceté du méchant sera sur lui. Quant au méchant, s’il se détourne de tous ses péchés qu’il commis, s’il observe tous mes préceptes et agit selon le droit et la justice, il vivra, il ne mourra pas. De toutes les transgressions qu’il a commises, on ne se souviendra plus à cause de la justice qu’il a pratiquée, il vivra. Prendrai-je plaisir à la mort du méchant, dit le Seigneur Dieu ? N’est-ce pas plutôt à ce qu’il se détourne de ses voies et qu’il vive ? Et si le juste se détourne de sa justice et qu’il commette l’iniquité, selon toutes les abominations que le méchant commet, il les ferait et il vivrait !... de toutes ses oeuvres de justice qu’il a pratiquées, on ne se souviendra plus ; à cause de la transgression dont il s’est rendu coupable et de son péché qu’il a commis, à cause de cela il mourra. Vous dites : "La voie du Seigneur n’est pas droite ?" Ecoutez donc, maison d’Israël : Est-ce ma voie qui n’est pas droite ? Ne sont-ce pas vos voies qui ne sont pas droites ? Quand le juste se détourne de sa justice et commet l’iniquité, et que là-dessus il meurt, c’est à cause de l’iniquité qu’il à commise qu’il meurt. Et si le méchant se détourne de sa méchanceté qu’il a pratiquée et qu’il agisse suivant le droit et la justice, il fera vivre son âme. S’il ouvre les yeux et se détourne de toutes ses transgressions qu’il a commises, il vivra certainement, et il ne mourra point, dit le Seigneur tout-puissant. |
Graduale. Ps. 85, 2 et 6. | Graduel |
Salvum fac servum tuum. Deus meus, sperántem in te. | Sauvez, mon Dieu, votre serviteur qui espère en vous. |
V/. Auribus pércipe, Dómine, oratiónem meam. | Prêtez l’oreille, Seigneur, à ma prière. |
Tractus. Ps. 102, 10. | Trait. |
Dómine, non secúndum peccáta nostra, quæ fécimus nos : neque secúndum iniquitátes nostras retríbuas nobis. | Seigneur, ne nous traitez pas selon nos péchés, et ne nous punissez pas selon nos iniquités. |
V/.Ps. 78, 8-9. Dómine, ne memíneris iniquitátum nostrarum antiquarum : cito antícipent nos misericórdiæ tuæ, quia páuperes facti sumus nimis. | Seigneur, ne vous souvenez plus de nos anciennes iniquités ; que vos miséricordes viennent en hâte au-devant de nous, car nous sommes réduits à la dernière misère. |
(Hic genuflectitur) V/. Adiuva nos, Deus, salutáris noster : et propter glóriam nóminis tui, Dómine, libera nos : et propítius esto peccátis nostris, propter nomen tuum. | On se met à genoux V/. Aidez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et pour la gloire de votre nom, Seigneur, délivrez-nous et pardonnez-nous nos péchés, à cause de votre nom. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Joánnem. | Lecture du Saint Evangile selon saint Jean. |
Ioann. 5, 1-15. | |
In illo témpore : Erat dies festus Iudæórum, et ascéndit Iesus Ierosólymam. Est autem Ierosólymis Probática piscína, quæ cognominátur hebráice Bethsáida, quinque pórticus habens. In his iacébat multitúdo magna languéntium, cæcórum, claudórum, aridórum exspectántium aquæ motum. Angelus autem Dómini descendébat secúndum tempus in piscínam, et movebátur aqua. Et, qui prior descendísset in piscínam post motiónem aquæ, sanus fiébat, a quacúmque detinebátur infirmitáte. Erat autem quidam homo ibi, trigínta et octo annos habens in infirmitáte sua. Hunc cum vidísset Iesus iacéntem, et cognovisset, quia iam multum tempus habéret, dicit ei : Vis sanus fíeri ? Respóndit ei lánguidus : Dómine, hóminem non hábeo, ut, cum turbáta fúerit aqua, mittat me in piscínam : dum vénio enim ego, álius ante me descéndit. Dicit ei Iesus : Surge, tolle grabátum tuum, et ámbula. Et statim sanus factus est homo ille : et sústulit grabátum suum, et ambulábat. Erat autem sábbatum in die illo. Dicébant ergo Iudǽi illi, qui sanátus fúerat : Sábbatum est, non licet tibi tóllere grabátum tuum. Respóndit eis : Qui me sanum fecit, ille mihi dixit : Tolle grabátum tuum, et ámbula. Interrogavérunt ergo eum : Quis est ille homo, qui dixit tibi : Tolle grabátum tuum et ámbula ? Is autem, qui sanus fúerat efféctus, nesciébat, quis esset. Iesus enim declinávit a turba constitúta in loco. Póstea invénit eum Iesus in templo, et dixit illi : Ecce, sanus factus es : iam noli peccáre, ne detérius tibi áliquid contíngat. Abiit ille homo, et nuntiávit Iudǽis, quia Iesus esset, qui fecit eum sanum. | En ce temps-là, il y eut une fête des Juifs, et Jésus monta à Jérusalem. Or, à Jérusalem, près de la porte des Brebis, il y a une piscine qui s’appelle en hébreu Béthesda, et qui a cinq portiques. Sous ces portiques étaient couchés un grand nombre de malades, d’aveugles, de boiteux et de paralytiques. Ils attendaient le bouillonnement de l’eau. Car un ange du Seigneur descendait à certains temps dans la piscine, et agitait l’eau. Et celui qui y descendait le premier après l’agitation de l’eau, était guéri de son infirmité quelle qu’elle fut. Là se trouvait un homme malade depuis trente huit ans. Jésus l’ayant vu gisant et sachant qu’il était malade depuis longtemps, lui dit : "Veux-tu être guéri ?" Le malade lui répondit : "Seigneur, je n’ai personne pour me jeter dans la piscine dès que l’eau est agitée, et pendant que j’y vais, un autre descend avant moi." Jésus lui dit "Lève-toi, prends ton grabat et marche." Et à l’instant cet homme fut guéri ; il prit son grabat et se mit à marcher. C’était un our de sabbat. Les Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri : "C’est le sabbat, il ne t’est pas permis d’emporter ton grabat." Il leur répondit : "Celui qui m’a guéri m’a dit : Prends ton grabat et marche." Ils lui demandèrent : "Qui est l’homme qui t’a dit : Prends ton grabat et marche ?" Mais celui qui avait été guéri ne savait pas qui c’était ; car Jésus s’était esquivé, grâce à la foule qui était en cet endroit. Plus tard, Jésus le trouva dans le temple et lui dit : "Te voilà guéri ; ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire." Cet homme s’en alla, et annonça aux Juifs que c’était Jésus qui l’avait guéri. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 102, 2 et 5. | Offertoire |
Bénedic, anima mea, Dómino, et noli oblivísci omnes retributiónes eius : et renovábitur, sicut áquilæ, iuvéntus tua. | Mon âme, béni le Seigneur, et n’oublie jamais tous ses bienfaits ; et ta jeunesse sera renouvelée comme celle de l’aigle. |
Secreta. | Secrète |
Súscipe, quǽsumus, Dómine, múnera nostris obláta servítiis : et tua propítius dona sanctífica. Per Dóminum. | Nous vous en supplions, Seigneur, agréez les offrandes qui vous sont offerts par notre ministère, et dans votre miséricorde, sanctifiez vos dons. |
Præfatio de Quadragesima. | Préface du Carême . |
Ant. ad Communionem. Ps. 6, 11. | Communion |
Erubéscant et conturbéntur omnes inimíci mei : avertántur retrórsum, et erubéscant valde velóciter. | Que tous mes ennemis rougissent et soient saisis de crainte ; qu’ils reculent promptement et qu’ils soient bientôt confondus. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Per huius, Dómine, operatiónem mystérii, et vítia nostra purgéntur, et iusta desidéria compleántur. Per Dóminum nostrum. | Faites, Seigneur, par la vertu de ce mystère que nos torts soient effacés et nos justes désirs accomplis. |
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo. | Sur le peuple : Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu. |
Oratio. | Prière |
Exáudi nos, miséricors Deus : et méntibus nostris grátiæ tuæ lumen osténde. Per Dóminum. | Ecoutez-nous, ô Dieu de miséricorde, manifestez à nos âmes la lumière de votre grâce. |
A MATINES
Hymne : Ex more docti mýstico (matines du Carême)
Lectio i | 1ère leçon |
Léctio sancti Evangélii secúndum Ioánnem. | Lecture du saint Évangile selon saint Jean |
Cap. 5, 1-15 | |
In illo témpore : Erat dies festus Iudæórum, et ascéndit Iesus Ierosólymam. Et réliqua. | En ce temps-là, il y eut une fête des Juifs et Jésus monta à Jérusalem. Et le reste. [1] |
Homilía sancti Augustíni Epíscopi | Homélie de saint Augustin, évêque |
Tractátus 17 in Ioánnem, post initium | |
Videámus quid volúerit significáre in illo uno, quem étiam ipse servans unitátis mystérium, de tot languéntibus unum sanáre dignátus est. Invénit in annis eius númerum quemquam languóris : trigínta et octo annos habébat in infirmitáte. Hic númerus quómodo magis ad languórem pertíneat, quam ad sanitátem, paulo diligéntius exponéndum est. Inténtos vos volo : áderit Dóminus, ut cóngrue loquar, et sufficiénter audiátis. Quadragenárius númerus sacrátus nobis in quadam perfectióne commendátur ; notum esse árbitror caritáti vestræ : testántur sæpíssime divínæ Scriptúræ : ieiúnium hoc número consecrátum esse, bene nostis. Nam et Móyses quadragínta diébus ieiunávit, et Elias tótidem : et ipse Dóminus noster et Salvátor Iesus Christus hunc ieiúnii númerum implévit. Per Móysen significátur Lex, per Elíam significántur Prophétæ, per Dóminum significátur Evangélium. Ideo in illo monte tres apparuérunt, ubi se discípulis osténdit in claritáte vultus et vestis suæ : appáruit enim médius inter Móysen et Elíam, tamquam Evangélium testimónium habéret a Lege et Prophétis. | Voyons ce que le Seigneur a voulu signifier par cet unique malade que, pour garder le mystère de l’unité, il a daigné guérir, – lui seul , – parmi tant de malades. Il a trouvé dans son âge un nombre qui semble indiquer la maladie. « Il était infirme depuis trente-huit ans. » Il nous faut expliquer avec un peu plus de soin comment ce nombre convient mieux à la maladie qu’à la santé. Je demande toute votre attention. Que le Seigneur soit présent, qu’il me donne de parler comme il convient, qu’il vous accorde de bien comprendre. Quarante est pour nous un nombre sacré. Il marque une certaine perfection. Je pense que la chose est bien connue de votre charité. Très souvent, les saintes Écritures l’attestent : le jeûne est consacré par ce nombre, vous le savez bien. Car Moïse a jeûné quarante jours ; Élie aussi, tout autant. Et notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ lui-même a rempli ce nombre du jeûne. Par Moïse est signifiée la Loi, par Élie sont signifiés les Prophètes, par le Seigneur est signifié l’Évangile. Voilà pourquoi tous trois apparurent sur cette montagne où Jésus se montra à ses disciples dans l’éclat de son visage et de ses vêtements. Il apparut au milieu, entre Moïse et Élie, comme l’Évangile qui reçoit le témoignage de la Loi et des Prophètes. |
R/. Emendémus in mélius, quæ ignoránter peccávimus : ne súbito præoccupáti die mortis, quærámus spátium pœniténtiæ, et inveníre non possímus : * Attende, Dómine, et miserére, quia peccávimus tibi. | R/. Réparons en agissant mieux, les fautes que l’ignorance nous a fait commettre, de peur que surpris tout à coup par le jour de la mort, nous cherchions le temps de faire pénitence et ne puissions pas le trouver. * Ecoutez [2], Seigneur, et ayez pitié, parce que nous avons péché contre vous. |
V/. Adiuva nos, Deus, salutáris noster, et propter honórem nóminis tui, Dómine, líbera nos. | V/. Aidez-nous [3], ô Dieu notre Sauveur, et pour la gloire de votre nom, Seigneur, délivrez-nous. * Ecoutez. |
R/. Attende, Dómine, et miserére, quia peccávimus tibi. | R/. Ecoutez [4], Seigneur, et ayez pitié, parce que nous avons péché contre vous. |
Lectio ii | 2e leçon |
Sive ergo in Lege, sive in Prophétis, sive in Evangélio, quadragenárius númerus nobis in ieiúnio commendátur. Ieiúnium autem magnum et generále est, abstinére ab iniquitátibus et illícitis voluptátibus sǽculi, quod est perféctum ieiúnium : Ut abnegántes impietátem et sæculáres cupiditátes, temperánter et iuste et pie vivámus in hoc sǽculo. Huic ieiúnio quam mercédem addit Apóstolus ? Séquitur et dicit : Exspectántes illam beátam spem, et manifestatiónem glóriæ beáti Dei et Salvatóris nostri Iesu Christi. In hoc ergo sǽculo quasi quadragésimam abstinéntiæ celebrámus, cum bene vívimus, cum ab iniquitátibus et ab illícitis voluptátibus abstinémus : sed quia hæc abstinéntia sine mercéde non erit, exspectámus beátam illam spem, et revelatiónem glóriæ magni Dei et Salvatóris nostri Iesu Christi. In illa spe, cum fúerit de spe facta res, acceptúri sumus mercédem denárium. Ipsa enim merces rédditur operáriis in vínea laborántibus, secúndum Evangélium, quod vos credo reminísci : neque enim ómnia commemoránda sunt tamquam rúdibus et imperítis. Denárius ergo, qui accépit nomen a número decem, rédditur, et coniúnctus quadragenário fit quinquagenárius : unde cum labóre celebrámus. Quadragésimam ante Pascha ; cum lætítia vero, tamquam accépta mercéde, Quinquagésimam post Pascha. | Donc, soit dans la Loi, soit dans les Prophètes, soit dans l’Évangile, le nombre quarante nous est recommandé comme convenant au jeûne. Or, le grand jeûne, le jeûne qui oblige tous les hommes, consiste à s’abstenir du mal et des plaisirs illicites de ce monde. Tel est bien le jeûne parfait : « Rejeter l’impiété et les convoitises du monde pour vivre avec mesure, justice et piété dans le siècle d’ici-bas » [5]. Quelle récompense l’Apôtre attache-t-il à ce jeûne ? Il le dit car il poursuit : « Attendant l’espérance bienheureuse et la manifestation de la gloire de notre bienheureux Dieu et Sauveur, Jésus le Christ » [6]. Nous célébrons donc en ce monde comme un Carême d’abstinence lorsque notre vie est bonne, lorsque nous nous abstenons du mal et des plaisirs illicites. Mais comme cette abstinence ne sera pas sans récompense, nous attendons « l’espérance bienheureuse et la révélation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus le Christ. » En cette espérance, lorsque d’espérance, elle, sera devenue réalité, nous recevrons un denier pour salaire. C’est ce salaire qui, selon l’Évangile, est donné aux ouvriers qui travaillent dans la vigne, – vous vous en souvenez, je pense, et il n’est point nécessaire de tout vous rappeler comme si je m’adressais à des ignorants et à des incapables. Un denier donc, – qui tire son nom du nombre dix, – est donné. Joignons-le au nombre quarante, nous obtenons cinquante. Ainsi nous célébrons avec labeur le Carême avant Pâques, mais avec joie, les cinquante jours après Pâques comme si nous avions reçu notre salaire. |
R/. Derelínquat ímpius viam suam, et vir iníquus cogitatiónes suas, et revertátur ad Dóminum, et miserébitur eius : * Quia benígnus et miséricors est, et præstábilis super malítia Dóminus Deus noster. | R/. Que l’impie [7] abandonne sa voie, et l’homme inique ses pensées, et qu’il retourne au Seigneur, et il aura pitié de lui, * Car le Seigneur notre Dieu [8] est bon et miséricordieux, et sa bonté surpasse notre malice. |
V/. Non vult Dóminus mortem peccatóris, sed ut convertátur et vivat. | V/. Le Seigneur [9] ne veut point la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. |
R/. Quia benígnus et miséricors est, et præstábilis super malítia Dóminus Deus noster. | R/. Car le Seigneur notre Dieu [10] est bon et miséricordieux, et sa bonté surpasse notre malice. |
Lectio iii | 3e leçon |
Mementóte quod proposúerim númerum trigíntaócto annórum in illo lánguido. Volo expónere, quare númerus ille trigésimus et octávus, languóris sit pótius quam sanitátis. Ergo, ut dicébam, cáritas implet Legem : ad plenitúdinem Legis in ómnibus opéribus pértinet quadragenárius númerus. In caritáte autem duo præcépta nobis commendántur : Díliges Dóminum Deum tuum ex toto corde tuo, et ex tota ánima tua, et ex tota mente tua : et díliges próximum tuum sicut teípsum. In his duóbus præcéptis tota Lex pendet, et Prophétæ. Mérito et illa vídua omnes facultátes suas, duo minúta misit in dona Dei : mérito et pro illo lánguido a latrónibus sauciáto stabulárius duos nummos accépit, unde sanarétur : mérito apud Samaritános bíduum fecit Iesus, ut eos caritáte firmáret. Binário ergo isto número cum áliquid boni significátur, máxime bipertíta cáritas commendátur. Si ergo quadragenárius númerus habet perfectiónem Legis, et Lex non implétur nisi in gémino præcépto caritátis : quid miráris, quia languébat, qui ad quadragínta, duo minus habébat ? | Souvenez-vous de mon projet : je veux expliquer en cet infirme le nombre de trente-huit ans : pourquoi ce nombre trente-huit convient-il à la maladie plutôt qu’à la santé ? Donc, comme je le disais, la charité est l’accomplissement de la Loi. Le nombre quarante indique l’accomplissement de la Loi dans toutes les œuvres. Mais dans la charité, deux commandements nous sont enjoints : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit », et « tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la Loi ainsi que les Prophètes » [11]. Oui, cette veuve qui a donné deux petites pièces dans les offrandes faites à Dieu a bien donné tout ce qu’elle avait, et de même c’est à dessein que l’aubergiste a reçu deux deniers pour ce blessé, victime des brigands, ainsi pourra-t-il le guérir. A dessein aussi Jésus est demeuré deux jours auprès des Samaritains pour les affermir dans la charité. Et donc, lorsque par ce chiffre deux est signifié quelque bien, c’est la double charité qui nous est recommandée par-dessus tout. Par conséquent, si le nombre quarante a la perfection de la Loi et si la Loi n’est accomplie que par le double précepte de la charité, pourquoi t’étonnes-tu que soit atteint de langueur celui qui avait deux de moins que quarante ? |
R/. Paradísi portas apéruit nobis ieiúnii tempus : suscipiámus illud orántes, et deprecántes : * Ut in die resurrectiónis cum Dómino gloriémur. | R/. Le temps du jeûne ouvre les porte du paradis : entreprenons ce jeûne en priant et suppliant, * Afin qu’au jour de la résurrection nous participions à la gloire du Seigneur. |
V/. In ómnibus exhibeámus nosmetípsos sicut Dei minístros in multa patiéntia. | V/. Montrons-nous [12] en toutes choses comme des ministres de Dieu, par une grande patience. |
* Ut in die resurrectiónis cum Dómino gloriémur. Glória Patri. * Ut in die resurrectiónis cum Dómino gloriémur. | * Afin qu’au jour de la résurrection nous participions à la gloire du Seigneur. Gloire au Père. * Afin qu’au jour de la résurrection nous participions à la gloire du Seigneur. |
A LAUDES
Hymne : O sol salútis, íntimis (laudes du Carême)
Ad Bened. Ant. Angelus Dómini * descendébat de cælo, et movebátur aqua, et sanabátur unus. | Ant. au Bénédictus L’Ange du Seigneur * descendait du ciel et agitait l’eau, et un seul était guéri. |
AUX VÊPRES
Hymne : Audi, benígne Cónditor (vêpres du Carême)
Ad Magnificat Ant. Qui me sanum fecit, * ille mihi præcépit : Tolle grabátum tuum, et ámbula in pace. | Ant. au Magnificat Celui qui m’a guéri * m’a ordonné : prends ton grabat et va en paix. |
La Station est dans la Basilique des Douze-Apôtres, l’une des plus augustes de Rome, enrichie des corps des deux Apôtres saint Philippe et saint Jacques le Mineur
LEÇON.
Portons nos regards sur les pénitents publics que l’Église se prépare à rétablir bientôt dans la participation des Mystères. Mais auparavant ils ont besoin d’être réconciliés avec Dieu qu’ils ont offensé. Leur âme est morte par le péché ; pourra-t-elle donc revivre ? Oui, le Seigneur nous l’atteste ; et la lecture du Prophète Ézéchiel, que l’Église commençait hier pour les Catéchumènes, elle la continue aujourd’hui en faveur des pénitents publics. « Que l’impie, dit le Seigneur, fasse pénitence de tous les péchés qu’il a commis ; qu’il garde désormais mes préceptes : il vivra certainement, et il ne mourra pas. » Cependant ses iniquités sont là, qui s’élèvent contre lui ; leur voix est montée jusqu’au ciel et provoque une vengeance éternelle. Assurément, il en est ainsi ; mais voici que le Seigneur qui sait tout, qui n’oublie rien, nous déclare qu’il ne se souviendra plus de l’iniquité rachetée par la pénitence. Telle est la tendresse de son cœur paternel, qu’il veut bien oublier l’outrage qu’il a reçu d’un fils, si ce fils revient sincèrement à son devoir. Ainsi nos pénitents seront réconciliés, et au jour de la Résurrection du Sauveur, ils se mêleront aux justes, parce que Dieu ne gardera plus souvenir de leurs iniquités ; ils seront devenus justes eux-mêmes. En remontant par la pensée le cours des âges, nous nous retrouvons ainsi en face de ce grand spectacle de la pénitence publique, dont la Liturgie, qui ne change pas, a seule conservé les traces aujourd’hui. De nos jours, les pécheurs ne sont plus mis à part ; la porte de l’église ne leur est plus fermée ; ils se tiennent souvent tout près des saints autels, mêlés aux justes ; et quand le pardon descend sur eux, l’assemblée des fidèles n’en est point avertie par des rites spéciaux et solennels. Admirons la miséricorde divine, et profitons de l’indulgence de notre mère la sainte Église. A toute heure et sans éclat, la brebis égarée peut rentrer au bercail : qu’elle use donc de la condescendance dont elle est l’objet, et qu’elle ne quitte plus désormais le Pasteur qui a daigné l’accueillir encore. Quant au juste, qu’il ne s’élève pas par une vaine complaisance, en se comparant à la pauvre brebis égarée ; qu’il médite ces paroles : « Si le juste se détourne de la justice, s’il commet l’iniquité, toutes les œuvres de justice qu’il avait faites, on ne s’en souviendra plus ». Craignons donc pour nous-mêmes, et ayons pitié des pécheurs. La prière des fidèles pour les pécheurs, durant le Carême, est un des grands moyens sur lesquels compte l’Église pour obtenir leur réconciliation.
ÉVANGILE.
Revenons encore sur nos pénitents de l’antiquité ; le passage sera facile à ceux d’aujourd’hui et à nous-mêmes. Nous venons devoir par le Prophète la disposition du Seigneur à pardonner au pécheur repentant. Mais comment ce pardon sera-t-il appliqué ? Par qui la sentence d’absolution sera-t-elle prononcée ? Notre Évangile nous l’apprend. Ce malheureux paralytique de trente-huit ans figure le pécheur invétéré ; cependant il est guéri, et le voici qui marche. Que s’est-il donc passé ? Écoutons-le d’abord : « Seigneur, dit-il, je n’ai point d’homme pour me « jeter dans la piscine ». L’eau de cette piscine l’eût sauvé ; mais il lui fallait un homme pour l’y plonger. Le Fils de Dieu sera cet homme ; c’est parce qu’il s’est fait homme que nous sommes guéris. Comme homme, il a reçu le pouvoir de remettre les péchés, et avant de monter aux cieux, il dit à d’autres hommes : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ». Nos pénitents seront donc réconciliés avec Dieu, en vertu de ce pouvoir surnaturel ; et le paralytique levant avec facilite son grabat, et l’emportant sur ses épaules, comme un trophée de sa guérison, est la figure du pécheur auquel l’Église de Jésus-Christ, en vertu du divin pouvoir des clefs, a remis ses iniquités.
Au IIIe siècle du christianisme, un hérétique, Novatien, osa enseigner que l’Église n’avait pas le pouvoir de remettre les péchés commis depuis le baptême. Cette erreur désespérante fut proscrite par les conciles et les saints docteurs ; et, pour exprimer aux yeux des fidèles l’auguste puissance que le Fils de l’homme a reçue pour purifier toute âme pénitente, on peignit, dans les lieux où les chrétiens s’assemblaient, le paralytique de notre Évangile marchant libre et dégage, son grabat sur les épaules. Cette consolante image se rencontre fréquemment sur les fresques des Catacombes de Rome, contemporaines de l’âge des Martyrs. Nous apprenons sur ces monuments l’intention de cette lecture de l’Évangile que l’Église, depuis tant de siècles, a fixée à ce jour.
L’eau de la piscine Probatique était aussi un symbole ; mais il était destiné à l’instruction des Catéchumènes. C’est par l’eau qu’ils devaient être guéris, et par une eau divinement fécondée d’en haut. Ce miracle, dont Dieu favorisait encore la Synagogue, ne servait chez les Juifs qu’à la guérison du corps, et seulement pour un seul homme, à rares intervalles ; mais depuis que l’Ange du grand Conseil est descendu des cieux et qu’il a sanctifie l’eau du Jourdain, la piscine est partout ; à chaque heure son eau rend la santé aux âmes, depuis l’enfant naissant jusqu’au vieillard. L’homme est le ministre de cette grâce ; mais c’est le Fils de Dieu devenu Fils de l’homme qui opère. Disons aussi un mot des malades que l’Évangile nous représente comme rassemblés dans l’attente de la guérison. C’est l’image de la société chrétienne, en ces jours. Il y a des languissants, hommes tièdes qui ne rompent jamais franchement avec le mal ; des aveugles, chez lesquels l’œil de l’âme est éteint ; des boiteux, dont la marche dans la voie du salut est chancelante ; des malheureux dont les membres sont desséchés, impuissants à toute espèce de bien ; ils espèrent dans le moment favorable. Jésus va venir à eux ; il va leur demander, comme au paralytique : Voulez-vous être guéris ? Question remplie d’une charité divine ! Qu’ils y répondent avec amour et confiance, et ils seront guéris.
Rendons hommage au céleste médecin de nos âmes, en lui exprimant nos vœux par ces strophes de l’Église grecque, dans son Triodion :
Feria VI Hebdomadae Iae Jejuniorum.
Toi qui par tes souffrances as délivré l’homme des mauvaises passions, fais, Seigneur, que ta divine croix éloigne les penchants de ma chair, et que je contemple ta sainte Résurrection.
Source de pureté, Seigneur miséricordieux, conserve-nous par le mérite de ce jeûne ; vois-nous prosternés à tes pieds, vois nos mains élevées vers toi qui as étendu les tiennes sur le bois pour tous les mortels, unique Seigneur des Anges.
Les illusions de l’ennemi m’ont jeté dans les ténèbres ; éclaire-moi, ô mon Christ ! Toi qui, suspendu à la croix, as obscurci la lumière du soleil et fait luire sur tes fidèles la lumière du pardon. Que je marche à la lueur de tes préceptes, et que j’arrive purifié aux splendeurs salutaires de ta Résurrection.
O Sauveur ! ô Christ ! Semblable à une vigne attachée au bois, tu as arrosé toute la terre du vin de l’immortalité. Je m’écrie : Déjà tu m’as versé, à moi aveuglé par mes péchés, le suc de la douce componction ; maintenant donne-moi la force de jeûner des plaisirs coupables, toi qui es bon et miséricordieux.
O puissance de ta croix ! c’est elle qui a fait fleurir dans l’Église le germe de l’abstinence, en arrachant l’ancienne intempérance qui, dans Éden, fit tomber Adam ; celle-ci a été une source de mort pour les hommes ; celle-là est pour le monde un fleuve d’immortalité toujours pur, qui coule comme d’un autre paradis dans ton sang vivifiant uni avec l’eau ; c’est de là que tout a repris la vie ; par ce fleuve , fais-nous goûter des délices dans le jeûne, ô Dieu d’Israël ! Toi dont la miséricorde est si grande.
Un Lector de Pallacine est déjà mentionné dans une épigraphe de l’an 348, car le titre édifié par le pape Marc est compté parmi les premiers de la Ville. Il est possible que la dédicace à l’évangéliste d’Alexandrie soit postérieure ; le titulus Marci serait devenu, avec le temps, la basilique de Saint-Marc, comme les titres de Sabine, de Balbine, etc., devinrent respectivement consacrés aux martyres homonymes.
Dans la basilique ad balneas -pallacinas les deux célèbres diacres de Sixte II, Félicissime et Agapit, représentés dans la mosaïque de l’abside du temps de Grégoire IV, ainsi que les deux martyrs persans Abdon et Sennen, ensevelis sous l’autel de la confession, reçurent dans l’antiquité un culte particulier.
Dans l’ancienne liturgie romaine s’accomplissait aujourd’hui le second scrutin des candidats au sacerdoce et au diaconat ; c’est pourquoi, après la station de la IVe férie à la basilique mariale de l’Esquilin, l’Église sollicite fort à propos en ce jour la protection de tout le collège apostolique, dont les ministres sacrés continuent sur la terre la grande mission.
La vénérable basilique des Saints-Apôtres, édifiée jadis par Pelage et dédiée ensuite par Jean III comme monument votif de la délivrance de Rome reprise aux Goths par Narsès, garde sous son autel les reliques des apôtres Philippe et Jacques. Au moyen âge, on y transporta du cimetière d’Apronien sur la voie Latine plusieurs corps saints, parmi lesquels celui de la martyre Eugénie, en l’honneur de qui on célébrait la station le IVe dimanche de l’Avent.
L’antienne d’introït est tirée du psaume 24 : « Arrachez-moi aux angoisses, voyez ma misère et mon labeur, et pardonnez mes fautes. »
La collecte est ainsi conçue : « Seigneur, soyez propice à votre peuple, et, tout en vous le rendant dévot, réconfortez-le par votre secours. »
Pour les anciens, et spécialement alors que, à l’époque de Tertullien, par exemple, Christiani non nascuntur, sed fiunt, le baptême étant administré aux adultes devait déterminer les catéchumènes à une parfaite conversion du cœur. C’est pourquoi la liturgie quadragésimale, surtout en ces premières journées, insiste tant sur la réforme de la vie. La lecture de ce jour est la continuation de celle d’hier (Ézech., XVIII, 20-28). Les œuvres et la responsabilité sont strictement personnelles, et Dieu ne regarde pas aux mérites de la race. Voici déjà esquissée l’universalité du Nouveau Testament, différent de l’Ancien dont le caractère était national. Celui donc qui, par son libre arbitre, s’éloigne de Dieu en transgressant sa sainte loi, celui-là peut retourner sur ses pas, refaire le chemin en sens contraire, pour revenir au Seigneur, repenti et pénitent.
Le répons est pris au psaume 85 : « Sauvez, ô Dieu, votre serviteur qui se confie en vous ; prêtez l’oreille à ma prière, Seigneur. »
La piscine de Bethsaïde dont parle le saint Évangile (Ioan., V, 1-15) symbolise aujourd’hui les fonts baptismaux pour les catéchumènes, et le Cœur adorable de Jésus pour tous les fidèles, qui, à travers le côté transpercé du Rédempteur, trouvent un océan de compassion et d’amour. Dans les cinq portiques de la piscine Probatique, les saints Pères voient le symbole des cinq plaies du divin Crucifié, dont saint Augustin disait : Vulnera tua, merita mea. L’homme paralysé depuis trente-huit ans restait en cet état, sans trouver une âme bienveillante pour le déposer dans la piscine quand l’ange en agitait les eaux, soit parce que l’aide des créatures est défaillante, celles-ci ne pouvant ou ne voulant nous secourir ; soit encore parce que la piscine Probatique symbolisait la grâce, qui excède la puissance et les exigences de l’homme, et qui ne peut nous être donnée que par Celui qui, dans les Écritures, s’appelle précisément Vir oriens, Vir, Filius hominis, l’homme par excellence.
L’antenne de l’offertoire provient du psaume 102 : « Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie jamais ses récompenses ; il renouvellera ta jeunesse comme celle de l’aigle. »
Voici la collecte sur les oblations : « Accueillez, Seigneur, l’offrande qui accompagne le service divin, et daignez miséricordieusement sanctifier vos dons. » Le concept romain de l’oraison sur les oblations nous est révélé par le pape Innocent, quand il écrit à Décentius de Gubbio : Oblationes sunt commendandae ; non pas que la transsubstantiation eucharistique ait besoin d’autres prières d’intercession de la part du prêtre — puisque les sacrements tirent leur valeur de l’institution divine — mais afin que le sacrifice soit agréé et accepté quant au ministre et aux fidèles qui l’offrent, et soit profitable à leur salut commun.
L’antienne pour la communion est tirée du psaume 6 : « Que mes adversaires rougissent et se troublent, qu’ils soient vite repoussés en arrière et couverts de honte. » Les imprécations et les châtiments dont le psalmiste menace souvent dans les saintes Écritures, concernent l’impénitence finale des ennemis du Christ au dernier jugement, ou ont simplement un caractère pénal dans le but de stimuler leur conversion.
La collecte eucharistique est semblable à celle du dimanche dans l’octave de Noël.
La prière sur le peuple, avant de le congédier, implore du Seigneur la lumière intérieure qui éclaire les ténèbres du cœur et de l’âme, et nous découvre ce que nous sommes, et ce qu’est Dieu à notre égard. Noverim te, noverim me, comme demandait le grand saint Augustin.
Voilà le bénéfice qu’on a à mettre sa confiance dans les créatures ! Après une attente anxieuse de trente-huit ans, il faut pourtant finir par confesser qu’on n’a trouvé personne qui veuille et puisse nous secourir ! Hominem non habeo. Quand donc se dissipera pour nous aussi cet enchantement qui nous lie aux choses d’ici-bas ? Quand nous persuaderons-nous, avec le célèbre chancelier de Paris, Gerson, que omnis copia quae Deus tuus non est, tibi inopiae est ?
Voici que tu es guéri ; ne pèche plus.
Le Christ est le « guérisseur » des catéchumènes, des pénitents et des fidèles. Nous ressemblons au paralytique et nous sommes guéris dans la piscine de l’Église (Baptême et Eucharistie).
1. Thème de station. — Comme on l’a déjà dit pendant l’Avent, l’office de station, chaque vendredi des Quatre-temps, a lieu, depuis l’antiquité, dans la basilique des douze Apôtres. Grisar présume que cette église était l’église pénitentielle de Rome, c’est-à-dire l’église de réconciliation. En tout cas, ce qui est frappant, c’est qu’à chaque vendredi de Quatre-temps on y récite un Évangile qui est nettement un Évangile de pénitence et que, le jeudi de Pâques, où l’on se rend à la même station, l’Évangile est celui de Madeleine la pécheresse.
L’Église nous prêche, aujourd’hui, de bien des façons, la pénitence. Les douze Apôtres, qui se tiennent devant nous, sont aussi des prédicateurs de la pénitence, surtout les deux premiers : Pierre, sur les joues duquel coulent encore les larmes de repentir par suite de son reniement, et Paul, qui est pour nous un modèle de la fidélité dans la conversion. C’est là aussi que reposent les ossements des deux Apôtres Jacques et Philippe. Jacques le Mineur fut un homme de prière et de jeûne. — En pratique, nous pouvons faire, de chaque vendredi de Quatre-temps, un jour de pénitence pour les fautes du trimestre écoulé. Autour de l’église, il y avait des portiques et des piscines. C’est peut-être ce qui a déterminé le choix de l’Évangile du malade couché depuis trente-huit ans. Comme, dans l’antiquité, les Romains aimaient faire revivre le souvenir des lieux célèbres de Jérusalem, il n’est pas impossible que l’une de ces piscines ait porté le nom de Bethesda. Ranke fait remarquer que notre vendredi « est exactement le 38e jour avant Pâques ». On aurait ainsi comparé « les souffrances du malade avec le temps de tristesse du Carême, et sa guérison avec le jour de joie de la Résurrection du Seigneur. »
2. Le thème des pénitents et des catéchumènes. — Il est difficile, aujourd’hui, de dire auquel de ces deux groupes s’adresse surtout l’Église : aux pénitents ou aux catéchumènes. Cependant, le thème de la pénitence est souligné plus fortement par les Quatre-temps. Le Prophète Ézéchiel nous fait entendre une prédication pénétrante de pénitence ; il emploie des paroles de consolation et d’avertissement : Dieu est miséricordieux ; Dieu est juste. Dieu ne fait pas acception de personne ; quand on se repent de ses péchés ; il n’y pense plus ; mais quand le juste abandonne obstinément la voie droite, il perd la vie divine et est rejeté. L’Évangile nous dévoile une action dramatique très consolante. Le monde est une maison de malades, où gît l’humanité accablée sous le poids du péché originel et des nombreux péchés personnels. La piscine miraculeuse est l’Église avec ses sources intarissables du baptême et de l’Eucharistie, qui jaillissent de la Croix du Christ. Le Christ, le divin médecin, vient visiter les malades privés de secours et qui aspirent à la délivrance. Il s’avance à travers les galeries et il trouve un malade. Ce malade c’est chacun de nous ; il lui demande : veux-tu être guéri ? Le Christ, dans le baptême, nous a donné la vie divine, et il la renouvelle sans cesse dans son Église. Pendant le carême, nous venons encore vers l’Église, implorant la délivrance et la guérison de nos faiblesses. Le Seigneur nous rencontre et nous adresse cet avertissement : « Te voilà guéri, ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire. » Dans la source salutaire de l’Eucharistie, notre jeunesse de grâce trouve son renouvellement et sa fleur.
3. La messe (De necessitatibus). — L’Introït tire du psaume 24 de graves accents de pénitence : « Regarde vers ma misère et ma souffrance, pardonne tous mes péchés. » Nous entendons le malade (que nous sommes) crier vers le Seigneur. Dans la leçon, notre prédicateur de Carême, Ézéchiel, inscrit dans notre cœur deux paroles lapidaires, une parole de consolation et une parole d’avertissement : « Dieu te pardonnera tous tes péchés si tu te convertis sérieusement ; Dieu rejette le juste, quand il se détourne du bien. » Pas de certitude pharisaïque du salut, pas d’orgueil des mérites passés. Le graduel fait la liaison entre la leçon et l’Évangile : c’est une prière pour obtenir la guérison et la véritable vie. L’Évangile est le modèle classique d’une action dramatique, c’est un « mystère ». Le malade, c’est chacun de nous : le sabbat de la guérison est le grand samedi de la nuit pascale que nous anticipons, aujourd’hui, au Saint-Sacrifice. Dans l’Évangile, nous comprenons clairement que les deux sacrements, le Baptême et l’Eucharistie, se complètent, que ce sont les deux sacrements de Pâques qui, d’un homme pécheur, font un homme nouveau exempt de péchés. Dans le Baptême, l’homme reçoit la grâce en germe ; dans l’Eucharistie, il la reçoit dans son achèvement. Que l’on approche des fonts baptismaux ou de la table sainte, c’est toujours la même grâce de Rédemption qui nous est accordée. Cette constatation est importante pour bien comprendre les messes de Carême. A l’Offertoire, nous remercions Dieu, avec émotion, de la grâce du Baptême et de la vocation. Dans le sacrifice, nous recevons, comme dans le Baptême, « une jeunesse nouvelle et florissante ». Les versets, avec la répétition : « Ta jeunesse se renouvellera semblable à l’aigle », sont d’une grande beauté. A la Communion, retentit le psaume 6 qui est un psaume de pénitence, mais dont la tristesse s’éclaire de la conscience de la guérison et du pardon. Nous portons le Christ en nous ; il confondra, par sa présence, tous les ennemis du salut. C’est aussi l’impression du malade guéri que le psaume exprime parfaitement. « Je suis malade, guéris-moi... je baignais ma couche de larmes... »
4. La prière des Heures. — Saint Augustin essaie d’expliquer allégoriquement le nombre 38. Cette manière de faire paraît un peu recherchée aux modernes que nous sommes. Cependant, les pensées qu’il expose ont une grande importance pour nous : « Le nombre 40 contient une certaine perfection... Les Saintes Écritures l’attestent souvent ; que le jeûne soit consacré par ce nombre, vous le savez bien (par conséquent, vers 400, le Carême de 40 jours existait déjà). Car Moïse a jeûné pendant quarante jours, et Élie autant de jours. De même, notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ a sanctifié ce nombre de jours de jeûne. Par Moïse est signifiée la Loi, par Élie sont signifiés les Prophètes, par le Seigneur est signifié l’Évangile. C’est pourquoi ils apparurent, tous les trois, sur la montagne où le Seigneur se montra dans l’éclat de son visage et de ses vêtements ; il apparut, en effet, entre Moïse et Élie, pour nous indiquer que l’Évangile reçoit le témoignage de la Loi et des Prophètes... C’est pourquoi nous célébrons, dans l’effort, cette quarantaine avant la fête de Pâques ; mais nous célébrerons avec joie, comme des gens qui ont reçu leur récompense, la cinquantaine qui précède la Pentecôte. »
Les deux antiennes du lever et du coucher du soleil songent, peut-être, au baptême (« l’ange du Seigneur descendait et agitait l’eau ») et à la Pénitence (« celui qui m’a guéri m’a ordonné : prends ton lit et va en paix »).
« Le temps du jeûne nous a ouvert les portes du paradis, recevons-le en priant et en suppliant,
Afin qu’au jour de la Résurrection nous puissions nous glorifier avec le Seigneur ;
Montrons-nous en tout des serviteurs de Dieu, dans une grande patience,
Afin qu’au jour de la Résurrection nous puissions nous glorifier avec le Seigneur » (Rép.).
5. Psaume 6. — Un cantique de pénitence. — Ce cantique, d’après le titre, a été composé par le roi David. Il se divise en trois strophes :
1. Demande de pardon (ne t’irrite pas, aie pitié, guéris-moi, je suis affligé).
2. Motif de la prière et image de la Passion (ma misère doit t’incliner à la pitié).
3. Confiance dans l’efficacité de la prière (certitude d’être exaucé).
Seigneur, ne me punis pas dans ton courroux
et ne me châtie pas dans ta colère.
Aie pitié de moi, Seigneur, car je suis sans force ;
guéris-moi, Seigneur, car mes os sont tremblants,
Mon âme est dans une affliction extrême ;
Mais toi, Seigneur, jusqu’à quand (tarderas-tu ?)Seigneur, tourne-toi vers moi, délivre-moi,
aide-moi dans ta miséricorde.
Dans la mort, personne ne pense plus à toi
et, dans les enfers, qui pourrait te louer ?
Je suis épuisé à force de gémir
et, chaque nuit, mes larmes baignent ma couche,
mon lit est arrosé de mes pleurs.
Mon œil est consumé par le chagrin
et j’ai vieilli parmi tous ceux qui me haïssent.Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal,
le Seigneur a entendu la voix de mes gémissements,
le Seigneur a accueilli ma supplication. Que mes ennemis soient confondus et saisis d’épouvante,
qu’ils s’enfuient couverts de honte !
Le cardinal Faulhaber appelle les deux premières strophes un petit Miserere. Récitons ce psaume. Nous jetons un regard en arrière sur notre vie passée, nous y voyons péchés sur péchés ; nous regardons vers l’avenir, nous voyons devant nous le juge éternel : Mon Dieu, j’ai mérité le châtiment éternel, ne me damne pas dans ton courroux ; aie pitié de moi ; je suis une pauvre créature, guéris les plaies de mon âme ; mon corps et mon âme sont profondément ébranlés ; sauve mon âme. Que puis-je invoquer en ma faveur ?
1. Je ne puis pas faire appel à ta justice, non, je fais appel à ta miséricorde.
2. Le motif : si tu me repousses éternellement, je ne pourrai pas te louer dans l’enfer, je serai obligé de te haïr et tu veux être aimé ! (Nous pouvons donner à la conception juive de la mort une interprétation chrétienne).
3. Autre motif : c’est la profonde douleur de mon âme, la contrition : mes larmes baignent ma couche (quel beau passage !)
Puis vient la transformation, l’allégement ; l’angoisse de l’âme a disparu ; péchés, éloignez-vous de moi — Dieu m’a pardonné ; il a accepté la douleur de mon âme ; loin de moi, ennemi mauvais, je ne veux rien avoir de commun avec toi : cette strophe exprime le bon propos sérieux et l’assurance du pardon.
[1] Or, dans la ville sainte, près de la porte des Brebis, il y a une piscine qui s’appelle en hébreu Béthesda, et qui a cinq portiques. Sous ces portiques étaient couchés un grand nombre de malades, d’aveugles, de boiteux et de paralytiques. Ils attendaient le bouillonnement de l’eau. Car un ange du Seigneur descendait à certains temps dans la piscine, et agitait l’eau. Et celui qui y descendait le premier après l’agitation de l’eau était guéri de son infirmité quelle qu’elle fût. Là se trouvait un homme malade depuis trente huit ans. Jésus l’ayant vu gisant et sachant qu’il était malade depuis longtemps, lui dit : « Veux-tu être guéri ? » Le malade lui répondit : « Seigneur, je n’ai personne pour me jeter dans la piscine dès que l’eau est agitée, et pendant que j’y vais, un autre descend avant moi. » Jésus lui dit : « Lève-toi, prends ton grabat et marche. » Et à l’instant cet homme fut guéri ; il prit son grabat et se mit à marcher. C’était un jour de sabbat. Les Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri : « C’est le sabbat, il ne t’est pas permis d’emporter ton grabat. » Il leur répondit : « Celui qui m’a guéri m’a dit : ‘Prends ton grabat et marche’. » Ils lui demandèrent : « Qui est l’homme qui t’a dit : ‘Prends ton grabat et marche’ ? » Mais celui qui avait été guéri ne savait pas qui c’était ; car Jésus s’était esquivé, grâce à la foule qui était en cet endroit. Plus tard, Jésus le trouva dans le temple et lui dit : « Te voilà guéri ; ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire. » Cet homme s’en alla, et annonça aux Juifs que c’était Jésus qui l’avait guéri.
[2] Baruch 3,2
[3] Ps 78, 9
[4] Baruch 3,2
[5] Tit 2, 12
[6] Tit 2, 13
[7] Is 55, 7
[8] Joël 2, 13
[9] Ez 33, 11
[10] Joël 2, 13
[11] Mt 22, 37-40
[12] 2 Cor 6, 4