Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Ant. ad Introitum. Ps. 29, 11. | Introït |
Audívit Dóminus, et misértus est mihi : Dóminus factus est adiútor meus. | Le Seigneur a entendu et il a eu pitié de moi ; le Seigneur s’est fait mon protecteur. |
Ps. ibid., 2. | |
Exaltábo te, Dómine, quóniam suscepísti me : nec delectásti inimícos meos super me. | Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez relevé et que vous n’avez pas réjoui mes ennemis à mon sujet. |
V/.Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Inchoáta ieiúnia, quǽsumus, Dómine, benígno favore proséquere : ut observántiam, quam corporáliter exhibémus, méntibus etiam sincéris exercére valeámus. Per Dóminum. | Favorisez dans votre bonté, Seigneur, nous vous en supplions, les jeûnes dont nous avons commencé le cours ; afin qu’accomplissant corporellement cette observance, nous puissions aussi la poursuivre d’un cœur sincère. |
Léctio Isaíæ Prophétæ. | Lecture du Prophète Isaïe. |
Is. 58, 1-9. | |
Hæc dicit Dóminus Deus : Clama, ne cesses : quasi tuba exálta vocem tuam : et annúntia pópulo meo scélera eórum, et dómui Iacob peccáta eórum. Me étenim de die in diem quærunt, et scire vias meas volunt : quasi gens, quæ iustítiam fécerit, et iudícium Dei sui non derelíquerit : rogant me iudícia iustítiæ : appropinquáre Deo volunt. Quare ieiunávimus, et non aspexísti : humiliávimus ánimas nostras, et nescísti ? Ecce, in die ieiúnii vestri invénitur volúntas vestra, et omnes debitóres vestros repétitis. Ecce, ad lites et contentiónes ieiunátis, et percútitis pugno ímpie. Nolíte ieiunáre sicut usque ad hanc diem, ut audiátur in excélso clamor vester. Numquid tale est ieiúnium, quod elégi, per diem afflígere hóminem ánimam suam ? numquid contorquére quasi círculum caput suum, et saccum et cínerem stérnere ? numquid istud vocábis ieiúnium, et diem acceptábilem Dómino ? Nonne hoc est magis ieiúnium quod elégi ? dissólve colligatiónes impietátis, solve fascículos depriméntes : dimítte eos, qui confrácti sunt, líberos, et omne onus dirúmpe. Frange esuriénti panem tuum, et egénos vagósque induc in domum tuam : cum víderis nudum, operi eum, et carnem tuam ne despéxeris. Tunc erúmpet quasi mane lumen tuum, et sánitas tua cítius oriétur, et anteíbit fáciem tuam iustítia tua, et glória Dómini cólliget te. Tunc invocábis, et Dóminus exáudiet : clamábis, et dicet : Ecce, adsum. Quia miséricors sum, Dóminus, Deus tuus. | Ainsi parle le Seigneur Dieu : Crie à plein gosier, ne te retiens pas ; fais retentir ta voix comme la trompette, et dénonce à mon peuple son péché, à la maison de Jacob ses iniquités. Ils me cherchent chaque jour, et ils veulent connaître mes voies, comme une nation qui aurait pratiqué la justice ; et n’aurait pas abandonné le commandement de son Dieu ; Ils me demandent des jugements justes, ils veulent que Dieu s’approche. "Que nous sert de jeûner, si vous ne le voyez pas, d’humilier notre âme, si vous n’y prenez pas garde ?". Au jour de votre jeûne, vous faites vos affaires et vous pressez au travail tous vos mercenaires. Voici, c’est en vous disputant et vous querellant que vous jeûnez ; jusqu’à frapper du poing méchamment ! Vous ne jeûnez pas en ce jour, de manière à faire écouter votre voix en haut. Est-ce à un jeûne pareil que je prends plaisir ? Est-ce là un jour où l’homme humilie son âme ? Courber la tête comme un jonc, se coucher sur le sac et la cendre est-ce là ce que tu appelles un jeûne, un jour agréable au Seigneur ? Le jeûne que je choisis ne consiste-t-il pas en ceci : détacher les chaînes injustes, délier les noeuds du joug, renvoyer libres les opprimés, briser toute espèce de joug ? Ne consiste-t-il pas à rompre ton pain à celui qui a faim, à recueillir chez toi les malheureux sans asile ; si tu vois un homme nu, à le couvrir, à ne point te détourner de ta propre chair ? Alors ta lumière poindra comme l’aurore, et ta guérison germera promptement ; ta justice marchera devant toi ; la gloire du Seigneur sera ton arrière garde. Alors tu appelleras, et le Seigneur répondra, tu crieras, et il dira : "Me voici !" Car je suis miséricordieux, moi le Seigneur votre Dieu. |
Graduale. Ps. 26, 4. | Graduel |
Unam pétii a Dómino, hanc requíram, ut inhábitem in domo Dómini. | Il est une chose que j’ai demandé au Seigneur, et je la rechercherai uniquement : c’est d’habiter dans la maison du Seigneur. |
V/. Ut vídeam voluptátem Dómini, et prótegar a templo sancto eius. | Pour contempler les délices et être protégé par son saint temple. |
Tractus. Ps. 102, 10. | |
Dómine, non secúndum peccáta nostra, quæ fécimus nos : neque secúndum iniquitátes nostras retríbuas nobis. | Seigneur, ne nous traitez pas selon nos péchés, et ne nous punissez pas selon nos iniquités. |
V/.Ps. 78, 8-9. Dómine, ne memíneris iniquitátum nostrarum antiquarum : cito antícipent nos misericórdiæ tuæ, quia páuperes facti sumus nimis. | Seigneur, ne vous souvenez plus de nos anciennes iniquités ; que vos miséricordes viennent en hâte au-devant de nous, car nous sommes réduits à la dernière misère. |
(Hic genuflectitur) V/. Adiuva nos, Deus, salutáris noster : et propter glóriam nóminis tui, Dómine, libera nos : et propítius esto peccátis nostris, propter nomen tuum. | Aidez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et pour la gloire de votre nom, Seigneur, délivrez-nous et pardonnez-nous nos péchés, à cause de votre nom. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Matthǽum. | Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu. |
Matth. 5, 43-48 ; 6, 1-4. | |
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Audístis, quia dictum est : Diliges próximum tuum, et odio habébis inimícum tuum. Ego autem dico vobis : Dilígite inimícos vestros, benefácite his, qui odérunt vos, et oráte pro persequéntibus et calumniántibus vos, ut sitisfílii Patris vestri, qui in cælis est : qui solem suum oriri facit super bonos et malos, et pluit super iustos et iniústos. Si enim dilígitis eos, qui vos díligunt, quam mercédem habébitis ? nonne et publicáni hoc fáciunt ? Et si salutavéritis fratres vestros tantum, quid ámplius fácitis ? nonne et éthnici hoc fáciunt ? Estóte ergo vos perfécti, sicut et Pater vester cæléstis perféctus est. Atténdite, ne iustítiam vestram faciátis coram homínibus, ut videámini ab eis : alióquin mercédem non habébitis apud Patrem vestrum, qui in cælis est. Cum ergo facis eleemósynam, noli tuba cánere ante te, sicut hypócritæ fáciunt in synagógis et in vicis, ut honorificéntur ab homínibus. Amen, dico vobis, recepérunt mercédem suam. Te autem faciénte eleemósynam, nésciat sinístra tua, quid fáciat déxtera tua, ut sit eleemósyna tua in abscóndito, et Pater tuus, qui videt in abscóndito, reddet tibi. | En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton proche, et tu haïras ton ennemi. Et moi je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous deveniez enfants de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et descendre la pluie sur les justes et sur les injustes. Si en effet vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. Gardez-vous de pratiquer votre justice aux regards des hommes pour être vus d’eux ; autrement, vous n’avez pas de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. Quand donc tu fais l’aumône, ne fais pas sonner de la trompette devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, afin d’être glorifiés par les hommes ; en vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. Pour toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 118, 154 et 125. | Offertoire |
Dómine, vivífica me secúndum elóquium tuum : ut sciam testimónia tua. | Seigneur, rendez-moi la vie selon votre parole, afin que je connaisse vos témoignages. |
Secreta. | Secrète |
Sacrifícium, Dómine, observántiæ quadragesimális, quod offérimus, præsta, quǽsumus : ut tibi et mentes nostras reddat accéptas, et continéntiæ promptióris nobis tríbuat facultátem. Per Dóminum. | Accordez-nous, s’il vous plaît, Seigneur, que le sacrifice que nous vous offrons, en l’observance quadragésimale, vous rende nos âmes agréables et nous procure le moyen de nous dominer nous-mêmes plus résolument. |
Præfatio de Quadragesima. | Préface du Carême . |
Ant. ad Communionem. Ps. 2, 11-12. | Communion |
Servite Dómino in timóre, et exsultáte ei cum tremóre : apprehéndite disciplínam, ne pereátis de via iusta. | Servez le Seigneur avec crainte, et réjouissez-vous en lui avec tremblement. Attachez-vous à la doctrine pour que vous ne périssiez pas hors de la voie droite. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Spíritum nobis, Dómine, tuæ cantátis infúnde : ut, quos uno pane cælésti satiásti, tua fácias pietáte concórdes. Per Dóminum ... in unitáte eiusdem. | Répandez en nous, Seigneur, votre esprit de charité afin que ceux que vous avez rassasiés d’un même pain céleste, vous les rendiez, grâce à votre bonté, vraiment unis de cœur. |
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo. | Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu. |
Oratio. | |
Tuére, Dómine, pópulum tuum et ab ómnibus peccátis cleménter emúnda : quia nulla ei nocébit advérsitas, si nulla ei dominétur iníquitas. Per Dóminum. | Protégez votre peuple, Seigneur, et purifiez-le avec clémence de tous ses péchés, car si nulle iniquité ne le domine, aucune adversité ne lui nuira. |
Lectio i | 1ère leçon |
Léctio sancti Evangélii secundum Matthǽum. | Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu |
Cap. 5, 43-48 ; 6, 1-4 | |
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis : Audístis quia dictum est : Diliges próximum tuum, et ódio habébis inimícum tuum. Et réliqua. | En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Vous avez entendu qu’il a été dit Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Et le reste. |
Homilía sancti Hierónymi Presbýteri | Homélie de saint Jérôme, Prêtre |
Liber 1 Comment. in cap. 5 et 6 Matth. | |
Ego autem dico vobis : Dilígite inimícos vestros ; benefácite his qui odérunt vos. Multi præcépta Dei, imbecillitáte sua, non Sanctórum víribus æstimántes, putant esse impossibília quæ præcépta sunt : et dicunt suffícere virtútibus, non odísse inimícos : céterum dilígere, plus prǽcipi, quam humána natúra patiátur. Sciéndum est ergo, Christum non impossibília præcípere, sed perfécta. Quæ fecit David in Saul, et in Absalom : Stéphanus quoque Martyr pro inimícis lapidántibus deprecátus est : et Paulus anáthema cupit esse pro persecutóribus suis. Hæc autem Iesus et dócuit et fecit, dicens : Pater, ignósce illis : quod enim fáciunt, nésciunt. | « Eh bien, moi je vous dis : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. » Bien des gens soupèsent les préceptes de Dieu au poids de leur propre lâcheté au lieu de les jauger au courage des saints ; aussi les prétendent-ils irréalisables. C’est bien assez de vertu, disent-ils, de ne pas haïr les ennemis. Ordonner de les aimer, voilà qui dépasse la nature humaine ! Il faut toutefois penser que le Christ ne commande pas l’impossible, mais la perfection. David l’a pratiquée à l’égard de Saül et d’Absalon ; le martyr Étienne a prié pour ceux qui le lapidaient ; Paul, de même, a souhaité d’être anathème pour ses persécuteurs. Et Jésus mit en pratique son propre enseignement quand il pria : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » |
R/. Angelus Dómini vocávit Abraham, dicens : * Ne exténdas manum tuam super púerum, eo quod tímeas Dóminum. | R/. L’Ange du Seigneur appela Abraham, disant : * N’étends pas ta main sur l’enfant, parce que tu crains le Seigneur. |
V/. Cumque extendísset manum ut immoláret fílium, ecce Angelus Dómini de cælo clamávit, dicens. | V/. Comme il étendait la main pour immoler son fils, voilà que l’Ange du Seigneur cria du ciel, disant : |
R/. Ne exténdas manum tuam super púerum, eo quod tímeas Dóminum. | R/. N’étends pas ta main sur l’enfant, parce que tu crains le Seigneur. |
Lectio ii | 2e leçon |
Ut sitis fílii Patris vestri, qui in cælis est. Si Dei præcépta custódiens, fílius quis effícitur Dei : ergo non est natúra fílius, sed arbítrio suo. Cum ergo facis eleemósynam, noli tuba cánere ante te, sicut hypócritæ fáciunt in synagógis et in vicis, ut honorificéntur ab homínibus. Qui tuba canit, eleemósynam fáciens, hypócrita est. Qui ieiúnans demolítur fáciem suam, ut ventris inanitátem monstret in vultu, et hic hypócrita est. Qui in synagógis et in ángulis plateárum orat, ut videátur ab homínibus, hypócrita est. | « Ainsi serez-vous les fils de votre Père qui est aux cieux. » Si c’est en gardant les préceptes de Dieu qu’on devient fils, c’est donc que cette filiation n’est pas due à la nature, mais au libre choix. « Quand tu fais l’aumône, ne va pas le claironner devant toi ; ainsi font les hypocrites dans les synagogues et les rues afin d’être honorés des hommes. » Celui qui claironne son aumône est un hypocrite. L’est aussi celui qui, durant son jeûne, prend une mine exténuée pour que ses traits fassent deviner qu’il a le ventre vide. Il en est de même de celui qui, pour prier, plastronne dans les synagogues et les carrefours afin d’être vu. |
R/. Vocávit Angelus Dómini Abraham de cælo, secúndo, dicens : Benedícam tibi, * Et multiplicábo te sicut stellas cæli. | R/. L’Ange du Seigneur appela Abraham une seconde fois du ciel, disant : Je te bénirai, * Et je multiplierai ta postérité comme les étoiles du ciel. |
V/. Possidébit semen tuum portas inimicórum tuórum, et benedicéntur in sémine tuo omnes tribus terræ. | V/. Ta postérité possédera les portes de ses ennemis, et seront bénies en ta postérité toutes les nations de la terre. |
R/. Et multiplicábo te sicut stellas cæli. | R/. Et je multiplierai ta postérité comme les étoiles du ciel. |
Lectio iii | 3e leçon |
Ex quibus ómnibus collígitur hypócritas esse, qui quódlibet fáciunt ut ab homínibus glorificéntur. Mihi vidétur et ille, qui dicit fratri suo : Dimítte ut tollam festúcam de óculo tuo : nam propter glóriam hoc fácere vidétur, ut ipse iustus esse videátur. Unde dícitur ei a Dómino : Hypócrita, éice primum trabem de óculo tuo. Non ítaque virtus, sed causa virtútis apud Deum mercédem habet. Et si a recta via páululum declináveris, non ínterest, utrum ad déxteram vadas, an ad sinístram, cum verum iter amíseris. | De tous ces exemples, il ressort une définition de l’hypocrisie : tout faire en vue de s’attirer les louanges des hommes. Voici un autre exemple d’hypocrite, c’est celui qui dit à son frère : « Attends que j’enlève la paille de ton œil. » C’est pour se mettre en valeur, semble-t-il, qu’il en agit de la sorte et pour se faire passer lui-même pour juste. Aussi, le Seigneur lui dit-il : « Hypocrite, enlève d’abord la poutre de ton œil. » Ce n’est donc pas la vertu, mais le motif qui l’inspire que Dieu récompense. Peu importe que ce soit à droite ou à gauche que l’on dévie en glissant hors de la voie droite ; ce qui est grave, c’est de quitter le chemin de la vérité. |
R/. Deus dómini mei Abraham, dírige viam meam : * Ut cum salúte revértar in domum dómini mei. | R/. O Dieu d’Abraham, mon maître, dirigez ma voie, * Afin que je retourne heureusement dans la maison de mon maître. |
V/. Obsecro, Dómine, fac misericórdiam cum servo tuo. | V/. Je vous supplie, Seigneur, de faire miséricorde à votre serviteur. |
* Ut cum salúte revértar in domum dómini mei. Glória Patri. * Ut cum salúte revértar in domum dómini mei. | * Afin que je retourne heureusement dans la maison de mon maître. Gloire au Père. * Afin que je retourne heureusement dans la maison de mon maître. |
La Station de ce jour est à l’Église des saints Martyrs Jean et Paul.
Les dispositions dans lesquelles le jeûne doit être accompli, tel est l’objet de la lecture que nous venons de faire dans le prophète Isaïe. C’est le Seigneur lui-même qui parle, le Seigneur qui lui-même avait prescrit le jeûne à son peuple. Il déclare que le jeûne des aliments matériels n’est rien à ses yeux, si ceux qui s’y livrent n’arrêtent pas enfin le cours de leurs iniquités. Dieu exige le sacrifice du corps ; mais il ne peut l’accepter, si celui de l’âme n’est pas offert en même temps. Le Dieu vivant ne peut consentir à être traité comme les dieux de bois et de pierre qu’adoraient les Gentils. Des hommages purement extérieurs étaient tout ce qu’il leur fallait ; car ces dieux étaient aveugles et insensibles. Que l’hérétique cesse donc de reprocher à l’Église ses pratiques qu’il ose traiter de matérielles ; c’est lui-même qui, en voulant affranchir le corps de tout joug, s’est précipité dans la matière. Les enfants de l’Église jeûnent, parce que les saintes Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament recommandent le jeûne à chaque page, parce que Jésus-Christ lui-même a jeûné quarante jours ; mais ils n’estiment cette pratique qui leur est imposée de si haut, qu’autant qu’elle est relevée et complétée par l’hommage d’un cœur qui a résolu de réformer ses penchants vicieux. Il ne serait pas juste, en effet, que le corps, qui n’est devenu coupable que par la perversité de l’âme, lût dans la souffrance, tandis que celle-ci continuerait le cours de ses mauvaises œuvres. De même aussi, ceux que la faiblesse de leur santé empêche de se soumettre , en ce saint temps, aux satisfactions qui pèsent sur le corps, ne sont point dégagés de l’obligation d’imposer à leur âme ce jeûne spirituel qui consiste dans l’amendement de la vie, dans la fuite de tout ce qui est mal, dans la recherche de toute sorte de bonnes œuvres.
Sœur de la prière et du jeûne, l’aumône est la troisième des œuvres fondamentales qui constituent la pénitence chrétienne. C’est pour cette raison que l’Église aujourd’hui nous propose les enseignements du Sauveur sur la manière dont nous devons accomplir les œuvres de miséricorde. Jésus-Christ nous impose l’amour de nos semblables, sans distinction d’amis et d’ennemis. Il nous suffit que Dieu, qui les a tous créés, les aime lui-même, pour que nous soyons dans le devoir d’être miséricordieux envers tous. S’il daigne les supporter, lors même qu’ils sont dans le mal, et attendre leur retour jusqu’à la fin de leur vie, en sorte que pas un ne périt si ce n’est par sa propre faute, que ferons-nous, nous qui sommes pécheurs et qui sommes leurs frères, tirés comme eux du néant ? C’est donc un hommage dont le cœur de Dieu est flatté, que de le servir et de l’assister dans les hommes dont il daigne se regarder comme le père. La reine des vertus, la Charité, renferme essentiellement l’amour du prochain, comme une application de l’amour même de Dieu ; et la Charité, en même temps qu’elle est un devoir sacré pour les membres de la grande famille humaine, est aux yeux de Dieu, dans les actes qu’elle inspire, une œuvre de pénitence, à raison des privations que l’on s’impose et des répugnances que l’on peut avoir à vaincre dans son accomplissement. Remarquons aussi comment le Sauveur nous répète, à propos de l’aumône, le conseil qu’il nous a donné sur le jeûne : celui de fuir l’éclat et l’ostentation. La pénitence est humble et silencieuse , elle ne cherche point les regards des hommes ; l’œil de celui qui voit dans le secret lui suffit pour témoin.
Sainte-Lucie in Septizonio est une ancienne diaconie détruite sous Sixte-Quint ; elle s’élevait à l’angle méridional du Palatin, près du Septizonium de Septime Sévère. Le Liber Pontificalis la mentionne dans les biographies de Léon III et de Grégoire IV, qui y firent des offrandes. Nous savons qu’elle était très vaste et bien ornée.
La messe stationnale est sur le Cœlius, dans la basilique de Bisantius, érigée par ce sénateur et par son fils Pammachius dans la maison des saints Jean et Paul. Les deux martyrs y avaient trouvé la mort pour la foi, et y avaient été secrètement ensevelis dans un souterrain. Ainsi arriva-t-il que, seuls entre tous les martyrs romains, — enterrés régulièrement dans les cimetières situés hors les murs, comme l’imposait la loi, — Jean et Paul reposèrent dans le cœur même de la Ville éternelle, privilège particulier que fait bien remarquer le Sacramentaire léonien dans la préface de la fête des deux saints.
L’introït est tiré du psaume 29 : « Le Seigneur a écouté mon cri et il a eu compassion de moi ; Yahweh est venu à mon aide. »
La collecte supplie le Seigneur de favoriser par sa grâce le jeûne commencé, afin que l’abstinence de nourriture soit jointe à la purification de l’esprit.
La lecture d’Isaïe (LVIII, 1-9) insiste pour montrer l’inutilité des cérémonies extérieures, si celles-ci ne sont pas accompagnées d’un vif désir de plaire à Dieu, et de l’esprit intérieur d’une pénitence sincère qui nous éloigne du péché et nous fait revenir au Seigneur. Sans cela jeûner, revêtir le cilice, marcher la tête inclinée et le cou tordu, comme Isaïe le reproche précisément aux Hébreux, est dépourvu d’efficacité.
Le répons-graduel appartient au psaume 26 : « J’ai demandé une seule chose à Yahweh, et je la désire ardemment : Rester dans la maison de Yahweh et me réfugier dans son saint temple. » Le psalmiste souffre violence de la part d’adversaires, sans doute de la caste sacerdotale, qui voudraient l’expulser, comme indigne du service du Sanctuaire ; il en fut de même pour Jésus, qui fut déclaré blasphémateur et digne de mort par les pontifes eux-mêmes et par le sanhédrin. Le psalmiste, figure du Christ, prie, et Dieu l’exauce, lui conférant un sacerdoce éternel.
La lecture évangélique (Matth., V, 43-48 ; VI, 1-4) décrit aujourd’hui les lois suprêmes de l’amour envers le prochain et celles de la bienfaisance chrétienne. Répondre à l’amabilité d’autrui avec une égale politesse, c’est une bonne règle d’éducation à laquelle le païen lui-même peut adhérer ; mais, pour pardonner les injures, pour faire du bien à celui qui est incapable de se montrer reconnaissant, pour se priver du nécessaire et le donner aux autres sans que personne ne vienne à connaître notre bienfaisance, l’exemple, le commandement et la grâce de Jésus-Christ sont nécessaires.
Peut-être le choix de cette péricope de saint Matthieu a-t-il été inspiré par les souvenirs mêmes de l’ambiance dans laquelle se déroulait aujourd’hui solennellement le rite sacré. Pammachius consacra ses biens aux pauvres, et, après avoir converti sa maison en titre, il fonda à Porto l’un des premiers hospices pour les pèlerins et pour les malades. Les Valerii chrétiens l’imitèrent, et là où, autrefois, étaient les riches palais de Mélanie, de Pinien, des Gordiani, des martyrs Jean et Paul, s’éleva au VIe siècle le Xenodochium Valerii, qui fut uni dans la suite à un célèbre monastère dédié à saint Érasme.
L’offertoire est tiré du psaume 118 : « Seigneur, selon votre parole, établissez-moi dans une vie nouvelle, afin que j’apprenne vos vérités. »
Dans la collecte sur les oblations, nous supplions le Seigneur afin que le sacrifice qui accompagne le jeûne quadragésimal fasse agréer nos cœurs, et nous obtienne la grâce d’une sainte ardeur spirituelle dans l’observance de l’abstinence sacrée.
Voici le verset de la Communion emprunté au psaume 2, ce qui nous démontre que la station d’hier n’est pas primitive : « Servez le Seigneur dans la crainte, et rendez-lui gloire en tremblant. Pénétrez-vous de la discipline, pour ne pas vous éloigner du droit chemin. »
La collecte eucharistique s’inspire de saint Paul. Comme le pain et le fruit de nombreux grains de blé qui, broyés, pétris, forment une masse unique ; ainsi, la nourriture eucharistique symbolise et produit l’unité de l’Église, dans un seul idéal de foi et d’amour.
La prière sur le peuple avant de le congédier est ainsi conçue : « Protégez, Seigneur, votre peuple, et purifiez-le de toute tache ; car aucune adversité ne pourra lui nuire, quand il ne sera plus dominé par aucune passion. »
Dieu ne nous veut pas seulement bons, mais parfaits ; bien plus, parfaits selon l’exemplaire de l’infinie sainteté divine. Il nous a procuré largement tous les moyens d’y arriver, voulant que la rédemption fût, non seulement suffisante, mais copieuse et abondante ; c’est pour cela qu’il a répandu tout son précieux Sang.
Quelle pernicieuse erreur est donc celle d’un grand nombre, qui estiment que, tout au plus, les religieux et les ecclésiastiques sont appelés à la perfection ! A un Dieu qui nous a aimés infiniment, jusqu’à s’anéantir lui-même, selon la phrase énergique de saint Paul, quelle noire ingratitude de répondre : Je vous aimerai jusqu’à tel point, sans vous offenser gravement, mais pas plus !
L’esprit de l’aumône.
L’Église nous a montré, hier, une image guerrière, elle nous montre, aujourd’hui, une image pacifique : deux oliviers dans le jardin de Dieu. L’Église nous instruit au sujet de l’aumône qui est un exercice de Carême.
1. L’aumône. — Nous nous rendons, aujourd’hui, n pèlerinage dans la basilique de deux saints bienfaiteurs des pauvres, saint Jean et saint Paul. Cette église était précédemment une diaconie (maison des pauvres au sens chrétien). A l’origine, c’était la maison privée des deux saints frères, par conséquent un lieu de miséricorde et de charité. Les deux martyrs (v. 26 juin) sont très honorés à Rome ; le bréviaire les appelle « les hommes de miséricorde, deux oliviers et deux candélabres brillants devant le Seigneur ». Ils partagèrent eux-mêmes leurs biens entre les pauvres, « afin de pouvoir entreprendre plus aisément le voyage de l’éternité. » Il convenait donc que les lectures de la messe traitent de l’aumône. L’aumône, en effet, est un des trois exercices principaux du Carême. Le jeûne et l’aumône se complètent. Faisons donc régulièrement, pendant le Carême, notre offrande de Carême, si petite soit-elle. Mais l’Église, qui entreprend notre renouvellement spirituel, nous explique immédiatement quel doit être « l’esprit de l’aumône ». L’aumône n’est, pour ainsi dire, que le fruit de l’arbre ; l’arbre c’est l’amour du prochain. Nous nous rappelons que, le dimanche de la Quinquagésime, l’Église nous a prêché l’Épître de la charité. Elle voulait nous faire comprendre que le centre vital du travail de Carême c’est la charité, la divine charité qui supporte tout, qui fait abnégation de soi-même et qui ne cessera jamais. Les deux lectures traitent principalement de la charité. Quelles belles pensées n’exprime pas la leçon ! « Délie les nœuds de la méchanceté, déchire les liens de l’oppression, affranchis les esclaves et brise tout joug. Offre ton pain à celui qui a faim. » Ce que le Prophète exprime d’une manière plutôt négative, le Christ l’expose d’une manière positive : il annonce le précepte de l’amour des ennemis. En ce jour, notre Mère l’Église implore aussi pour ses enfants, comme fruit du Saint-Sacrifice, la charité : « Verse dans nos cœurs l’esprit de ton amour et fais que tous ceux que tu rassasies d’un seul pain soient un seul cœur dans ta bonté » (Postcommunion). Par l’aumône, nous combattons également un mauvais esprit et nous le chassons : l’esprit de l’amour propre, de l’avarice. C’est ce mauvais esprit qui dévore la substance du christianisme et c’est pourquoi le Christ l’a si vivement combattu. L’égoïsme, en effet, enlève leur valeur aux saints exercices du Carême : la prière, le jeûne et l’aumône. Aussi, dans l’Évangile, le Christ nous met en garde contre ce danger. Et l’Église fait ressortir, dans le bréviaire, deux paroles qui doivent écarter l’esprit d’égoïsme : « Quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait la droite »(Laudes). « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme la porte et prie ainsi ton Père » (Vêpres). Réfléchissons à ces pensées pendant tout le jour : l’aumône entretient l’esprit de charité et fait disparaître l’esprit d’égoïsme.
2. La messe (Audivit), — C’est avec une prière d’action de grâces sur les lèvres que nous nous rendons dans la maison de Dieu. Pourquoi ces actions de grâces ? Nous remercions Dieu d’avoir eu pitié de nous. Que nous soyons dans les rangs des catéchumènes ou dans ceux des pénitents, c’est à la miséricorde de Dieu que nous devons d’avoir « été admis » au nombre de ses enfants. Récitons en entier le psaume 29 ; c’est déjà un chant pascal ; il nous fera entrer dans le véritable esprit du Carême. Cet esprit n’est pas seulement un esprit de pénitence. Ce que veut surtout le Carême, c’est faire vivre en nous la grâce du baptême. L’oraison demande, pour ce début du Carême, la grâce et la bénédiction. Dans les deux lectures, l’Église nous enseigne le véritable exercice de la miséricorde et de l’amour du prochain. Au Graduel, nous demandons d’être admis dans la maison paternelle céleste : « Je n’ai demandé qu’une chose au Seigneur, c’est de pouvoir habiter dans la maison de Dieu. » Les deux saints martyrs ont donné à Dieu leur maison paternelle terrestre pour en faire une église, ils demandent en retour (et nous avec eux) d’être reçus dans la maison paternelle céleste. A l’Offertoire, nous demandons la grâce de la filiation divine. A la Communion, l’Église nous recommande de servir le Christ avec une crainte et une joie filiales, de nous attacher à la « discipline « du jeûne, afin d’être armés pour le grand combat qui se livre en nous entre le Christ et Satan (Psaume 2). Comme fruit du sacrifice, nous demandons l’esprit de charité, puisque nous mangeons d’un seul pain. Toute la messe retentit des chauds accents de l’amour paternel de Dieu et de l’amour filial des chrétiens.
3. Le psaume 2. — Un chant du Christ-Roi. — Le psaume 2 est un chant célèbre, directement messianique ; c’est en même temps un des psaumes poétiques et classiques. Nous pouvons l’appeler un chant du Christ-Roi. Saint Bernard l’appelle : « le rugissement du lion de Juda » contre ses ennemis. Le psaume nous place en plein combat du royaume de Dieu et commence d’une manière très dramatique :
Pourquoi les nations s’agitent-elles en tumulte et les peuples méditent-ils de vains projets ?
Les rois de la terre se soulèvent et les puissants tiennent conseil pour combattre contre Dieu et contre son Oint :
« Brisons leurs liens et jetons loin de nous leurs chaînes. «
Celui qui est assis dans le ciel rit,
Le Seigneur se moque d’eux.
Mais ensuite il les domine dans sa colère et il les épouvante dans sa fureur :
« Moi-même, je l’ai établi Roi sur Sion ma montagne sainte.
Je vais publier son décret :
« Le Seigneur m’a dit :
Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui.
Demande et je te donnerai les nations pour héritage, pour domaine les extrémités de la terre.
Avec un sceptre de fer tu les conduiras, tu les briseras comme le vase du potier. »
Et maintenant, rois, soyez sages, laissez-vous instruire, juges de la terre,
Dans la crainte, soyez soumis au Seigneur et dans le tremblement rendez-lui hommage.
Recevez la sagesse ; autrement le Seigneur s’irritera contre vous, et votre chemin conduira à la ruine.
Quand bientôt s’allumera sa colère,
Heureux ceux qui mettent en lui leur confiance.
Plan. — Notre psaume est d’une grande beauté et d’une construction harmonieuse. Il se compose de quatre strophes distinctes par les idées, mais semblables dans la forme :
1. Soulèvement des rois terrestres contre Dieu (v. 1-3).
2. Réponse de Dieu (v. 4-6).
3. L’institution royale du Messie (v. 7-9).
4. Enseignement aux rois de la terre (v. 10-13).