Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Ant. ad Introitum. Ps. 16, 15. | Introït |
Ego autem cum iustítia apparébo in conspéctu tuo : satiábor, dum manifestábitur glória tua. | Pour moi c’est par la justice que je serai admis en votre présence : je serai rassasié lorsque se manifestera votre gloire. |
Ps. ibid., 1. | |
Exáudi, Dómine, iustitiam meam : inténde deprecatióni meæ. | Exaucez, Seigneur, ma justice ; soyez attentif à ma supplication. |
V/.Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Da, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, sacro nos purificánte ieiúnio, sincéris méntibus ad sancta ventúra fácias perveníre. Per Dóminum nostrum. | Faites, ô Dieu tout-puissant, que purifiés par ce jeûne sacré, nous parvenions avec un cœur sincère aux saintes solennités qui approchent. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ. |
Léctio libri Genesis. | Lecture du livre de la Genèse. |
Gen. 37, 6-22. | |
In diébus illis : Dixit Ioseph frátribus suis : Audíte sómnium meum, quod vidi : Putábam nos ligáre manípulos in agro : et quasi consúrgere manípulum meum et stare, vestrósque manípulos circumstántes adoráre manípulum meum. Respondérunt fratres eius : Numquid rex noster eris ? aut subiciémur dicióni tuæ ? Hæc ergo causa somniórum atque sermónum, invídiæ et ódii fómitem ministrávit. Aliud quoque vidit sómnium, quod narrans frátribus, ait : Vidi per sómnium, quasi solem et lunam et stellas úndecim adoráre me. Quod cum patri suo et frátribus rettulísset, increpávit eum pater suus, et dixit : Quid sibi vult hoc sómnium, quod vidísti ? Num ego et mater tua et fratres tui adorábimus te super terram ? Invidébant ei igitur fratres sui : pater vero rem tácitus considerábat. Cumque fratres illíus in pascéndis grégibus patris moraréntur in Sichem, dixit ad eum Israël : Fratres tui pascunt oves in Síchimis : veni, mittam te ad eos. Quo respondénte : Præsto sum, ait ei : Vade et vide, si cuncta próspera sint erga fratres tuos et pécora : et renúntia mihi, quid agatur. Missus de valle Hebron, venit in Sichem : invenítque eum vir errántem in agro, et interrogávit, quid quǽreret. At ille respóndit : Fratres meos quæro : índica mihi, ubi pascant greges. Dixítque ei vir : Recessérunt de loco isto : audívi autem eos dicéntes : Eámus in Dóthain. Perréxit ergo Ioseph post fratres suos, et invénit eos in Dóthain. Qui cum vidíssent eum procul, ántequam accéderet ad eos, cogitavérunt illum occídere, et mútuo loquebántur : Ecce, somniátor venit ; veníte, occidámus eum, et mittámus in cistérnam véterem, dicemúsque : Fera péssima devorávit eum : et tunc apparébit, quid illi prosint sómnia sua. Audiens autem hoc Ruben, nitebátur liberáre eum de mánibus eórum, et dicébat : Non interficiátis ánimam eius, nec effundátis sánguinem : sed proícite eum in cistérnam hanc, quæ est in solitúdine, manúsque vestras serváte innóxias : hoc autem dicébat, volens erípere eum de mánibus eórum, et réddere patri suo. | En ces jours-là, Joseph dit à ses frères : Écoutez le songe que j’ai eu. Il me semblait que je liais avec vous des gerbes dans la campagne, que ma gerbe se leva et se tint debout, et que les vôtres, entourant la mienne, l’adoraient. Ses frères lui répondirent : Est-ce que tu seras notre roi, et serons-nous soumis à ta puissance ? Ces songes et ces entretiens allumèrent donc encore davantage l’envie et la haine qu’ils avaient contre lui. Il eut encore un autre songe, qu’il raconta à ses frères, en leur disant : J’ai vu en songe que le soleil, et la lune, et onze étoiles m’adoraient. Lorsqu’il eut rapporté ce songe à son père et à ses frères, son père lui en fit réprimande, et il lui dit : Que voudrait dire ce songe que tu as eu ? Est-ce que ta mère, tes frères et moi nous t’adorerons sur la terre ? Ainsi ses frères étaient transportés d’envie contre lui ; mais le père considérait tout cela en silence. Il arriva alors que les frères de Joseph s’arrêtèrent à Sichem, où ils faisaient paître les troupeaux de leur père. Et Israël dit à Joseph : Tes frères font paître nos brebis dans le pays de Sichem ; viens, et je t’enverrai vers eux. Je suis tout prêt, lui dit Joseph. Jacob ajouta : Va, et vois si tes frères se portent bien, et si les troupeaux sont en bon état, et tu me rapporteras ce qui se passe. Ayant donc été envoyé de la vallée d’Hébron, il vint à Sichem ; et un homme, l’ayant trouvé errant dans la campagne, lui demanda ce qu’il cherchait. Il lui répondit : Je cherche mes frères ; je vous prie de me dire où ils font paître leurs troupeaux. Cet homme lui répondit : Ils se sont retirés de ce lieu, et j’ai entendu qu’ils se disaient : Allons vers Dothaïn. Joseph alla donc après ses frères, et il les trouva à Dothaïn. Lorsqu’ils l’eurent aperçu, de loin, avant qu’il se fût approché d’eux, ils résolurent de le tuer ; et ils se disaient l’un à l’autre : Voici notre songeur qui vient. Allons, tuons-le et jetons-le dans une vieille citerne ; nous dirons qu’une bête sauvage l’a dévoré, et après cela on verra à quoi ses songes lui auront servi. Ruben, les ayant entendus parler ainsi, tâchait de le tirer d’entre leurs mains, et il leur disait : Ne le tuez point et ne répandez point son sang, mais jetez-le dans cette citerne qui est au désert, et conservez vos mains pures. Il disait cela dans le dessein de le tirer de leurs mains et de le rendre à son père. |
Graduale. Ps. 119, 1-2. | Graduel |
Ad Dóminum, cum tribulárer, clamávi, et exaudívit me. | Dans ma tribulation, j’ai crié vers le Seigneur et il m’a exaucé. |
V/. Dómine, líbera ánimam meam a lábiis iníquis et a lingua dolósa. | Seigneur, délivrez mon âme des lèvres injustes et de la langue trompeuse. |
Tractus. Ps. 102, 10. | Trait. |
Dómine, non secúndum peccáta nostra, quæ fécimus nos : neque secúndum iniquitátes nostras retríbuas nobis. | Seigneur, ne nous traitez pas selon nos péchés, et ne nous punissez pas selon nos iniquités. |
V/.Ps. 78, 8-9. Dómine, ne memíneris iniquitátum nostrarum antiquarum : cito antícipent nos misericórdiæ tuæ, quia páuperes facti sumus nimis. | Seigneur, ne vous souvenez plus de nos anciennes iniquités ; que vos miséricordes viennent en hâte au-devant de nous, car nous sommes réduits à la dernière misère. |
(Hic genuflectitur) V/. Adiuva nos, Deus, salutáris noster : et propter glóriam nóminis tui, Dómine, libera nos : et propítius esto peccátis nostris, propter nomen tuum. | On se met à genoux V/. Aidez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et pour la gloire de votre nom, Seigneur, délivrez-nous et pardonnez-nous nos péchés, à cause de votre nom. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Matthǽum. | Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu. |
Matth, 21, 33-46. | |
In illo témpore : Dixit Iesus turbis Iudæórum et princípibus sacerdótum parábolam hanc : Homo erat paterfamílias, qui plantávit víneam, et sepem circúmdedit ei, et fodit in ea tórcular, et ædificávit turrim, et locávit eam agrícolis, et péregre proféctus est. Cum autem tempus frúctuum appropinquásset, misit servos suos ad agrícolas, ut accíperent fructus eius. Et agrícolæ, apprehénsis servis eius, alium cecidérunt, alium occidérunt, álium vero lapidavérunt. Iterum misit álios servos plures prióribus, et fecérunt illis simíliter. Novíssime autem misit ad eos fílium suum, dicens : Verebúntur fílium meum. Agrícolæ autem vidéntes fílium, dixérunt intra se : Hic est heres, veníte, occidámus eum, et habébimus hereditátem eius. Et apprehénsum eum eiecérunt extra víneam, et occidérunt. Cum ergo vénerit dóminus víneæ, quid fáciet agrícolis illis ? Aiunt illi : Malos male perdet : et víneam suam locábit áliis agrícolis, qui reddant ei fructum tempóribus suis. Dicit illis Iesus : Numquam legístis in Scriptúris : Lápidem, quem reprobavérunt ædificántes, hic factus est in caput ánguli ? A Dómino factum est istud, et est mirábile in óculis nostris. Ideo dico vobis, quia auferétur a vobis regnum Dei, et dábitur genti faciénti fructus eius. Et qui cecíderit super lápidem istum, confringétur : super quem vero cecíderit, cónteret eum. Et cum audíssent príncipes sacerdótum et pharisǽi parábolas eius, cognovérunt, quod de ipsis díceret. Et quæréntes eum tenére, timuérunt turbas : quóniam sicut Prophétam eum habébant. | En ce temps-là, Jésus dit à la foule des Juifs et aux princes des prêtres cette parabole : II y avait un père de famille qui planta une vigne, l’entoura d’une haie, y creusa un pressoir, et y bâtit une tour ; puis il la loua à des vignerons, et partit pour un pays lointain. Or, lorsque le temps des fruits approcha, il envoya ses serviteurs aux vignerons, pour recueillir les fruits de sa vigne. Mais les vignerons, s’étant saisis de ses serviteurs, battirent l’un, tuèrent l’autre, et en lapidèrent un autre. Il leur envoya encore d’autres serviteurs, en plus grand nombre que les premiers, et ils les traitèrent de même. Enfin il leur envoya son fils, en disant : Ils auront du respect pour mon fils. Mais les vignerons voyant le fils, dirent entre eux : Voici l’héritier ; venez, tuons-le, et nous aurons son héritage. Et s’étant saisis de lui, ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Lors donc que le maître de la vigne sera venu, que fera-t-il à ces vignerons ? Ils lui dirent : II fera périr misérablement ces misérables, et il louera sa vigne à d’autres vignerons, qui lui en rendront les fruits en leur temps. Jésus leur dit : N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont re-jetée ceux qui bâtissaient, celle-là même est devenue la tête de l’angle ; c’est le Seigneur qui a fait cela, et c’est une chose admirable à nos yeux ? C’est pourquoi, je vous dis que le royaume de Dieu vous sera enlevé, et qu’il sera donné à une nation qui en produira les fruits. Et celui qui tombera sur cette pierre, s’y brisera, et celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera. Lorsque les princes des prêtres et les pharisiens eurent entendu ces paraboles, ils comprirent que Jésus parlait d’eux. Et cherchant à se saisir de lui, ils craignirent les foules, parce qu’elles le regardaient comme un prophète. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 39, 14 et 15. | Offertoire |
Dómine, in auxílium meum réspice : confundántur et revereántur, qui quærunt ánímam meam, ut áuferant eam : Dómine, in auxílium meum réspice. | Seigneur, regardez vers moi pour me secourir. Qu’ils soient confondus et couverts de honte, ceux qui cherchent ma vie pour me l’ôter. Seigneur, regardez vers moi pour me secourir. |
Secreta. | Secrète |
Hæc in nobis sacrifícia, Deus, et actióne permáneant, et operatióne firméntur. Per Dóminum. | 0 Dieu, que ce sacrifice demeure en nous par son action et que son effet se confirme en notre âme. Par Notre-Seigneur. |
Præfatio de Quadragesima. | Préface du Carême . |
Ant. ad Communionem. Ps. 11, 8. | Communion |
Tu, Dómine, servábis nos, et custódies nos a generatióne hac in ætérnum. | C’est vous, Seigneur, qui nous garderez, et qui nous préserverez à jamais de cette génération. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Fac nos, quǽsumus, Dómine : accépto pígnore salútis ætérnæ, sic téndere congruénter ; ut ad eam perveníre póssimus. Per Dóminum. | Faites, nous vous en supplions, Seigneur, qu’ayant reçu le gage du salut éternel, nous tendions à ce salut de manière à pouvoir y parvenir. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ. |
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo. | Sur le peuple : Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu. |
Oratio. | Prière |
Da, quǽsumus, Dómine, pópulo tuo salútem mentis et córporis : ut, bonis opéribus inhæréndo, tuæ semper virtútis mereátur protectióne deféndi. Per Dóminum. | Donnez à votre peuple, nous vous en supplions, Seigneur, la santé de l’âme et du corps afin que s’attachant aux bonnes oeuvres, il mérite de demeurer toujours sous la protection et sous la défense de votre puissance. Par... |
A MATINES
Ex more docti mýstico (matines du Carême)
Lectio i | 1ère leçon |
Léctio sancti Evangélii secúndum Matthǽum. | Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu. |
Cap. 21, 33-46 | |
In illo témpore : Dixit Iesus turbis Iudæórum, et princípibus sacerdótum parábolam hanc : Homo erat paterfamílias, qui plantávit víneam, et sepem circúmdedit ei. Et réliqua. | En ce temps-là, Jésus dit à la foule des Juifs et aux princes des prêtres cette parabole : II y avait un père de famille qui planta une vigne, l’entoura d’une haie. Et le reste. [1] |
Homilía sancti Ambrósii Epíscopi | Homélie de saint Ambroise, Évêque |
Liber 9 in cap. 20 Lucæ | |
Pleríque várias significatiónes de víneæ appellatióne derívant : sed evidénter Isaías víneam Dómini Sábaoth, domum Israël esse memorávit. Hanc víneam quis álius, nisi Deus, cóndidit ? Hic est ergo qui eam locávit colónis, et ipse péregre fuit : non quia ex loco ad locum proféctus est Dóminus, qui ubíque semper præsens est : sed quia est præséntior diligéntibus, negligéntibus abest. Multis tempóribus ábfuit, ne præprópera viderétur exáctio. Nam quo indulgéntior liberálitas, eo inexcusabílior pervicácia. | Beaucoup d’auteurs font dériver de cette dénomination de vigne des sens variés ; mais Isaïe a exposé clairement que la vigne du Seigneur des armées n’était autre que la maison d’Israël. Quel est celui qui planta cette vigne, si ce n’est Dieu ? C’est donc lui qui la loua à des vignerons, et partit pour un voyage : non que le Seigneur soit allé d’un lieu dans un autre, lui qui demeure sans cesse présent partout : mais en ce sens qu’il est très proche de ceux qui travaillent avec amour et diligence, tandis qu’il est éloigné des négligents. Longtemps, il resta absent, afin de ne point paraître réclamer trop tôt les fruits de sa vigne. Aussi la persistance opiniâtre des vignerons dans leur mauvais vouloir est-elle d’autant plus inexcusable, que la bonté du maître a poussé plus loin l’indulgence. |
R/. Dum exíret Iacob de terra sua, vidit glóriam Dei, et ait : Quam terríbilis est locus iste ! * Non est hic áliud, nisi domus Dei, et porta cæli. | R/. Tandis que Jacob [2] s’en allait de son pays, il vit la gloire de Dieu et dit : Qu’il est terrible ce lieu-ci ! * Ce n’est autre chose que la maison de Dieu et la porte du ciel. |
V/. Vere Deus est in loco isto, et ego nesciébam. | V/. Vraiment Dieu est en ce lieu, et je ne le savais pas. |
R/. Non est hic áliud, nisi domus Dei, et porta cæli. | R/. Ce n’est autre chose que la maison de Dieu et la porte du ciel. |
Lectio ii | 2e leçon |
Unde bene secúndum Matthǽum habes, quia et sepem circúmdedit : hoc est, divínæ custódiæ munitióne vallávit, ne fácile spiritálium patéret incúrsibus bestiárum. Et fodit in ea tórcular. Quómodo intellígimus quid sit tórcular, nisi forte quia Psalmi pro torculáribus inscribúntur ; eo quod in his mystéria Domínicæ passiónis, modo musti Sancto fervéntis Spíritu, redundántius æstuáverint ? Unde ébrii putabántur, quibus Spíritus Sanctus inundábat. Ergo et hic fodit tórcular, in quod uvæ rationábilis fructus intérior spiritáli infusióne deflúeret. | Ce n’est pas sans raison qu’il est dit dans l’Évangile selon saint Matthieu, que le père de famille environna sa vigne d’une haie ; ce qui signifie que le Seigneur l’entoura du rempart de la protection divine, afin qu’elle ne fût pas facilement accessible aux incursions des bêtes spirituelles. « Et il y. creusa un pressoir. » Comment comprendrons-nous quel est ce pressoir, si ce n’est en nous souvenant qu’il y a des Psaumes intitulés : Pour les pressoirs, parce qu’en ceux-ci les mystères de la passion du Seigneur distillent plus abondamment, comme un vin échauffé par le Saint-Esprit ? Aussi l’on croyait ivres, [au jour de la Pentecôte], ceux qui étaient remplis de l’Esprit-Saint. Le Seigneur a donc aussi creusé un pressoir, afin que le jus du raisin mystérieux découlât par une infusion spirituelle. |
R/. Si Dóminus Deus meus fúerit mecum in via ista, per quam ego ámbulo, et custodíerit me, et déderit mihi panem ad edéndum, et vestiméntum quo opériar, et revocáverit me cum salúte : * Erit mihi Dóminus in refúgium, et lapis iste in signum. | R/. Si le Seigneur mon Dieu [3] est avec moi dans le chemin par lequel je marche, s’il me garde et me donne du pain pour me nourrir, et des vêtements pour me couvrir, et s’il me ramène heureusement ; * Le Seigneur me sera un refuge et cette pierre comme un monument. |
V/. Surgens ergo mane Iacob, tulit lápidem quem supposúerat cápiti suo, et eréxit in títulum, fundénsque óleum désuper, dixit. | V/. Se levant donc le matin, Jacob prit la pierre qu’il avait mise sous sa tête et l’érigea en monument, répandant de l’huile dessus et dit. |
R/. Erit mihi Dóminus in refúgium, et lapis iste in signum. | R/. Le Seigneur me sera un refuge et cette pierre comme un monument. |
Lectio iii | 3e leçon |
Ædificávit turrim, vérticem scílicet legis attóllens : atque ita hanc víneam munítam, instrúctam, ornátam, locávit Iudǽis. Et témpore frúctuum sérvulos misit. Bene tempus frúctuum pósuit, non provéntuum. Nullus enim fructus éxstitit Iudæórum, nullus víneæ huius provéntus, de qua Dóminus ait : Exspectávi ut fáceret uvas, fecit autem spinas. Itaque non lætítiæ vino, non spiritali musto, sed cruénto Prophetárum sánguine torculária redundárunt. | « Il y bâtit une tour », c’est-à-dire qu’il y éleva le faîte de la loi ; et sa vigne étant ainsi fortifiée, pourvue et ornée, il la loua au peuple juif. « En la saison des fruits, il envoya ses serviteurs. » On ne dit pas que ce fut au temps de la récolte, mais au temps des fruits. Car les Juifs ne firent paraître aucun fruit ; il fut nul, le revenu de cette vigne dont le Seigneur a dit [4] : « J’ai espéré qu’elle produirait des raisins, et elle n’a produit que des grappes sauvages. » Ses pressoirs n’ont pas regorgé d’un vin de joie, d’un vin doux spirituel, mais du sang des .Prophètes. |
R/. Erit mihi Dóminus in Deum, et lapis iste quem eréxi in títulum, vocábitur domus Dei : et de univérsis quæ déderis mihi, * Décimas et hóstias pacíficas ófferam tibi. | R/. Le Seigneur sera mon Dieu [5], et cette pierre que j’ai érigée en monument sera appelée la maison de Dieu [6] ; et de tout ce que vous m’aurez donné. * Je vous offrirai la dîme et des hosties pacifiques. |
V/. Si revérsus fúero próspere ad domum patris mei. | V/. Si je retourne heureusement à la maison de mon père. |
* Décimas et hóstias pacíficas ófferam tibi. Glória Patri. * Décimas et hóstias pacíficas ófferam tibi. | * Je vous offrirai la dîme et des hosties pacifiques. Gloire au Père. * Je vous offrirai la dîme et des hosties pacifiques. |
A LAUDES
O sol salútis, íntimis (laudes du Carême)
Ad Bened. Ant. Malos male perdet, * et víneam suam locábit áliis agrícolis, qui reddant ei fructum tempóribus suis. | Ant. au Bénédictus Il fera mourir misérablement ces misérables * et il louera sa vigne à d’autres vignerons qui lui en rendront le fruit en son temps. |
AUX VÊPRES
Audi, benígne Cónditor (vêpres du Carême)
Ad Magnificat Ant. Quæréntes eum tenére, * timuérunt turbam, quia sicut prophétam eum habébant. | Ant. au Magnificat Cherchant à se saisir de lui, * il craignirent le peuple, parce qu’il le regardait comme un prophète. |
La Station est aujourd’hui dans l’Église de Saint-Vital, Martyr, père des deux illustres martyrs milanais saint Gervais et saint Protais.
LEÇON.
La sainte Église reporte aujourd’hui notre attention sur la prévarication des Juifs, et sur ce qui en est résulté pour la vocation des Gentils ; dans cette instruction destinée aux Catéchumènes, puisons notre propre édification. Prenons d’abord dans une figure de l’Ancien Testament la notion du fait que nous allons voir accompli dans notre Évangile. Joseph est l’objet des complaisances de son père Jacob, qui voit en lui le fils de Rachel, son épouse préférée, et qui l’aime pour son innocence. Des songes prophétiques ont annoncé la future grandeur de cet enfant ; mais il a des frères ; et ces frères, poussés par une noire envie, ont résolu de le faire périr. Ce dessein impie n’est pas mis à exécution dans toute son étendue ; mais il s’accomplit dans une certaine mesure : Joseph ne reverra plus la terre qui l’a vu naître. Il est vendu à des marchands étrangers ; bientôt un noir cachot devient son séjour. Mais il en sort pour dicter des lois, non dans la terre de Chanaan qui l’a repoussé, mais au sein de l’Égypte païenne. Par lui, cette région de la gentilité, livrée à la plus affreuse famine, retrouve l’abondance et la paix ; et pour ne pas périr eux-mêmes dans le pays d’où ils l’ont exilé, les frères de Joseph sont réduits à descendre en Égypte et à venir implorer la clémence de celui qui fut leur victime. Qui ne reconnaît dans cette merveilleuse histoire le type de notre divin Rédempteur, Fils de Dieu et de Marie, en butte à la jalousie de sa propre nation, malgré les signes prophétiques qui se réalisent en lui jusqu’au dernier ? Sa mort est résolue comme celle de Joseph ; comme lui il est indignement vendu. Il traverse les ombres de la mort, pour reparaître ensuite plein de gloire et de puissance. Mais ce n’est plus à Israël qu’il prodigue les marques de sa prédilection ; il s’est tourné vers les Gentils, et il demeure avec eux désormais. C’est là que les restes d’Israël viendront le chercher, lorsque, voulant enfin rassasier la faim qui les presse, ils consentiront à reconnaître pour le véritable Messie ce Jésus de Nazareth, leur Roi, qu’ils ont crucifié.
ÉVANGILE.
Ce ne sont plus ici les ombres et les figures de l’antique alliance, qui ne nous montraient notre Rédempteur que dans le lointain et sous des traits empruntés ; nous sommes en face de la réalité même. Encore un peu de temps, et la victime trois fois sainte aura succombé sous les coups de ses envieux. Qu’elle est terrible et solennelle la parole de Jésus dans ces dernières heures ! Ses ennemis en sentent tout le poids ; mais, dans leur orgueil, ils veulent lutter jusqu’à la fin contre celui qui est la Sagesse du Père, s’obstinant à ne pas reconnaître en lui cette Pierre redoutable qui brise celui qui la heurte, et qui écrase celui sur lequel elle tombe. Cette Vigne, c’est la Vérité révélée, la règle de la foi et des mœurs, l’attente du Messie Rédempteur, l’ensemble des moyens du salut ; c’est aussi la famille des enfants de Dieu, son héritage, son Église. Dieu avait choisi la Synagogue pour être dépositaire d’un tel trésor ; il voulait que sa vigne fût gardée fidèlement, qu’elle fructifiât entre les mains des vignerons, qu’ils la reconnussent toujours pour son bien à lui, l’objet de ses complaisances. Mais dans son cœur sec et avare, la Synagogue a voulu s’approprier la Vigne du Seigneur. En vain a-t-il envoyé à diverses reprises ses Prophètes pour revendiquer ses droits : les vignerons infidèles les ont fait périr. Le Fils de Dieu, l’héritier, vient lui-même en personne. Le recevront-ils du moins avec honneur et déférence ? Rendront-ils hommage à son divin caractère ? Non ; ils ont formé l’affreux projet de le tuer, et, après l’avoir expulsé comme un étranger sacrilège, ils le mettront à mort. Accourez donc, ô Gentils ! Venez exercer la vengeance du Père ; ne laissez pas pierre sur pierre dans cette ville coupable qui a crié : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » Mais vous ne serez pas seulement les ministres de la justice céleste ; vous êtes devenus l’objet de la prédilection du Seigneur. La réprobation de ce peuple ingrat vous ouvre les portes du salut. Soyez désormais les gardiens de la vigne jusqu’à la fin des siècles ; nourrissez-vous de ses fruits ; ils sont à vous. De l’Orient à l’Occident, du Midi à l’Aquilon, venez à la grande Pâque qui se prépare ; il y a place pour vous tous Descendez dans la piscine du salut, peuple nouveau formé de tous les peuples qui sont sous le ciel. Soyez la joie de L’Église votre Mère, qui ne cesse d’enfanter, jusqu’à ce que le nombre des élus étant rempli, son Époux descende comme un juge formidable pour condamner « ceux qui n’auront pas connu le temps de sa visite [7] ».
Nous empruntons à la Liturgie grecque cette Hymne composée par saint André de Crète ; elle servira aujourd’hui d’expression aux sentiments de notre pénitence.
Feria V quintae Hebdomadae
Par où commencer ma lamentation sur les actes de ma misérable vie ? O Christ ! Comment débuterai-je aujourd’hui dans ce chant de deuil ? Toi qui es miséricordieux, accorde-moi le pardon de mes péchés.
Viens, âme misérable, viens, accompagnée de ton corps ; confesse tout à ton Créateur ; réprime tes désirs si longtemps contraires à la raison, et fais voir à Dieu les larmes de ta pénitence.
J’ai imité la prévarication d’Adam le premier père ; je me suis vu nu, dépouillé de Dieu, du royaume éternel et de ses délices.
Malheur à toi, âme misérable ! Quoi ! As-tu été semblable à la première Ève ? Tes yeux ont mal vu, et tu as été blessée cruellement ; tu as mis la main sur l’arbre, et dans ton entraînement tu as goûté le fruit dangereux.
C’est avec justice, ô Sauveur ! qu’Adam, pour n’avoir pas gardé ton unique commandement, fut chassé de l’Éden ; mais moi, qui sans cesse ai méprisé tes préceptes vivifiants, qu’ai-je mérité ?
C’est le temps de la pénitence : je viens à toi, mon Créateur ; enlève le joug du péché qui pèse sur moi, et, puisque tu es miséricordieux, pardonne-moi mes offenses.
N ’aie pas horreur de moi, ô Sauveur ! Ne me rejette pas de devant ta face ; enlève le joug du péché qui pèse sur moi, et puisque tu es miséricordieux, pardonne-moi mes offenses.
O Sauveur ! Comme un Dieu compatissant, pardonne les péchés de ma volonté et ceux auxquels elle n’a pas pris part, mes péchés manifestes et ceux qui sont cachés, mes péchés connus et ceux que je ne connais pas ; sois moi propice et sauve-moi.
Le rendez-vous de ce jour est dans la diaconie suburrienne de Sainte-Agathe des Goths, rendue au culte catholique par saint Grégoire le Grand. De là, la procession se dirigeait vers le titre de Vestina, qui s’élève dans le voisinage et fut dédié sous Innocent Ier au martyr Vital. Qui est ce Vital ? Certains ont pensé qu’il s’agit probablement d’un martyr romain confondu par Adon, dans le Martyrologe, avec le martyr homonyme de Ravenne, et, dans cette hypothèse, ce titre consacrerait le souvenir de son ancienne habitation.
Toutefois, il semble plus sûr d’identifier le titulaire du temple romain de Vestina avec le martyr bolonais, compagnon d’Agricola, auquel était également dédiée la basilique de Saint-Vital à Ravenne.
Dans la célèbre litanie septiformis de saint Grégoire, pendant la peste, la basilique de Vestina fut choisie comme lieu de rendez-vous ou de collecte, d’où la procession des veuves devait se diriger vers Saint-Pierre ; dans l’antiquité, son clergé avait l’administration du cimetière de la voie Nomentane in agello où sainte Agnès était ensevelie.
A la messe, le choix de l’histoire de Joseph descendu dans la citerne vide et de la péricope évangélique des vignerons perfides qui lapident le fils du maître, s’inspire des actes de saint Vital, selon lesquels ce martyr aurait d’abord été enseveli jusqu’à la ceinture dans une fosse, puis tué à coups de pierres.
L’introït est pris du psaume 16 : « A cause de la justice, je verrai votre face, et je me rassasierai quand resplendira votre gloire. » C’est le martyr qui parle, et qui, au déclin de sa vie tourmentée, salue déjà par la foi l’aube du triomphe.
Dans la collecte, nous prions le Seigneur afin que le jeûne sacré nous purifie, et que, avec un cœur pur de toute souillure charnelle, nous puissions nous approcher du sacrement pascal.
La lecture est prise de la Genèse (XXXVII, 6-22). Joseph, vendu par ses frères aux marchands Ismaélites qui l’emmènent en Égypte où, par la suite, Dieu l’élève au rang de vice-roi et de sauveur de l’humanité, est le symbole de Jésus-Christ, livré par ses propres compatriotes au gouverneur romain pour être crucifié. Dieu toutefois exalte l’humble obéissance de son Fils, le ressuscite, et lui donne la gloire d’un nom qui est tout un programme de salut.
Dans le répons-graduel, c’est toujours le juste persécuté, le martyr, qui, dans la tribulation, invoque Dieu et est écouté : « Sauvez, dit-il avec le psalmiste (ps. 119), ô Dieu, sauvez mon âme des lèvres du méchant et de la langue trompeuse. »
Ensuite vient la parabole évangélique des vignerons perfides (Matth., XXI, 33-46) où est annoncé clairement le rejet de l’indigne Synagogue et l’élection de la gentilité. Terrible condamnation, qui, depuis plus de dix-neuf siècles, pèse sur Israël et sur tous les ennemis du Christ. Lui, il est vrai, est la pierre rejetée par ceux qui bâtissaient, mais Dieu en a fait la pierre angulaire. Qui tombera sur cette pierre se brisera, et celui sur qui elle tombera en sera écrasé. L’histoire tout entière de plus de dix-neuf cents ans de christianisme confirme la vérité de cette prédiction. Néron, Galère et Dioclétien sont passés comme un ouragan terrible, certes, mais de brève durée ; toutes les idoles de Rome païenne gisent au fond de la Méditerranée, où firent en effet naufrage les navires des Vandales qui, pendant deux semaines, avaient saccagé la Ville éternelle. Au commencement du IVe siècle, Lactance écrivit son livre De mortibus persecutorum, mais outre les noms des persécuteurs venus ensuite, combien de pages sont laissées encore en blanc pour y noter le châtiment de tous les futurs ennemis du Christ ? Tous les siècles défilent devant lui comme dans une revue ; Lui seul vincit, regnat, imperat, heri, hodie, Ipse et in saecula.
L’antienne de l’offertoire provient du psaume 39 ; c’est le cri de l’opprimé, qui appelle Dieu à l’aide. Ses ennemis attentent à sa vie, mais le Seigneur accueille le martyr dans sa gloire, tandis que la honte du sacrilège tombe sur les assassins.
La collecte sur les oblations est concise, et, traduite, perd beaucoup de sa valeur. On y demande deux choses : que le divin Sacrifice actione permaneat et operatione firmetur ; c’est-à-dire que l’efficacité et le contenu mystique du Sacrement aient leur pleine et stable réalisation dans l’âme des communiants ; et que, même, la correspondance assidue des fidèles à ces grâces eucharistiques en intensifie l’effet. Ceci n’est qu’une paraphrase qui ne vaut pas la beauté sculpturale de l’original latin.
La Communion provient du psaume 11 : « Seigneur, conservez-nous et gardez-nous maintenant et toujours. » Conservez-nous non seulement dans notre être naturel, mais dans votre grâce et dans votre amour, puisque, sans le soutien continuel de votre bras, nous ne pouvons, je ne dirai pas faire un pas, mais même nous tenir debout devant vous.
La collecte a une saveur exquise d’antiquité classique : « Ayant reçu dans nos cœurs le gage du salut éternel, faites, Seigneur, que nous y aspirions avec tant d’insistance que nous l’obtenions heureusement. » Mais, répétons-le, la traduction gâte l’original si concis et si élégant.
Dans la bénédiction sur le peuple, le prêtre invoque la grâce divine, pour qu’elle garde les fidèles dans l’esprit et dans le corps. C’est en un sens meilleur, la mens sana in corpore sano du poète ; puisque un spiritualisme outrancier qui divise ce que Dieu a uni, est aussi ennemi de la droite piété que le naturalisme sensuel. La chair et l’âme ont eu toutes deux part au péché ; il est nécessaire que l’une et l’autre aient part à l’expiation, à la sanctification, et, finalement, à la glorification.
L’Église, craignant que la splendeur de sa liturgie puisse induire les simples en erreur, comme si le christianisme consistait tout entier à faire des cérémonies ou à participer aux sacrements, insiste continuellement, dans les formules quadragésimales, pour que, au moyen des œuvres, nous donnions une réalité à l’élévation de l’expression liturgique. Sans ce travail assidu de réalisation personnelle et intime, la liturgie se réduisant à une sorte de formule magique, on s’explique très bien ce que dit l’Évangile de tous ceux qui, dans la vie, occupent les premières places à la suite de Jésus, qui prophétisent et opèrent des prodiges en son nom, et qui, après la mort, sont reniés et condamnés par le Christ lui-même. Nescio vos : Je ne vous connais pas. Éloignez-vous de moi, vous tous qui opérez l’iniquité. Ce n’est pas le rite ni la foi inerte, ce sont les œuvres selon la foi qui comptent.
L’image voilée de la croix.
La messe d’aujourd’hui est encore dominée tout entière par le thème de la Passion. Les antiennes du matin et du soir ont aussi pour objet la Passion.
« Les méchants, il les fera périr misérablement, et il donnera sa vigne à d’autres vignerons qui lui rapporteront du fruit en leur temps » (Ant. Bened.).
« Ils cherchaient à l’arrêter, mais ils craignaient le peuple, parce que le peuple le considérait comme un prophète » (Ant. Magn.).
Nous devons ressentir, aujourd’hui, la tragédie du peuple juif qui, après avoir été le peuple élu, fit mourir son Messie.
1. La station. — Le saint de station lui-même est, aujourd’hui, au service de la pensée de la Passion. Au sujet de notre saint de station, saint Vital, le martyrologe relate, le 28 avril : « A Ravenne (Haute-Italie), mort du saint martyr Vital ; il était le père de saint Gervais et de saint Protais. Il avait emporté secrètement chez lui le corps du bienheureux Ursicinus et l’avait enseveli avec le respect convenable. Ensuite, le consulaire Paulinus le fit arrêter ; il le fit torturer et jeter dans une fosse qui fut comblée avec des pierres et de la terre. Par ce martyre, il s’en alla vers le Christ. » Le saint subit le martyre vers 70. Au Ve siècle, on dédia une église à ce saint et à ses deux fils, saint Gervais et saint Protais. C’est la plus récente des 25 églises titulaires primitives qui ont une grande importance dans la vie liturgique. Dans cette église qui, au cours des siècles, fut plusieurs fois modifiée dans sa construction se trouvent trois tableaux qui intéressent notre messe au fond de l’abside, un tableau représente le crucifiement du Christ et, sur les murs de l’avant-chœur deux grandes fresques représentent des scènes du martyre de saint Vital (l’une d’entre elles nous le montre jeté dans la fosse). C’est dans cette vénérable église que se rend, aujourd’hui, la communauté chrétienne de l’Occident pour célébrer la messe.
2. La messe (Ego autem). — Cette messe d’une belle unité, la seule qui soit nettement une messe de la Passion pendant le Carême, peut se comparer à une composition de quatre tableaux. Au milieu, la scène du crucifiement (si l’on veut, celle de notre église de station) ; au-dessus le martyre de saint Vital jeté dans la fosse ; à gauche Joseph jeté par ses frères dans la citerne ; à droite la parabole des mauvais vignerons. — C’est aujourd’hui vendredi, quatre semaines avant le Vendredi-Saint, et nous comprenons que la liturgie parle, à la messe, de la Passion du Seigneur, bien que ce soit en images et en figures.
L’Introit est une magnifique prière qui nous suggère de nombreuses pensées : « Pour moi, je paraîtrai dans la justice, devant ta face ; je serai rassasié quand ta gloire se révèlera. » Nous nous demandons : Qui parle ainsi ? On peut mettre ces paroles dans la bouche des catéchumènes, des pénitents, des fidèles, qui font leur entrée. Plus tard, ce sera l’espérance pascale ; maintenant, ils sont encore dans l’humiliation du Carême. Dans la nuit de Pâques, les catéchumènes paraîtront en habits blancs devant la face du Seigneur et se rassasieront du pain de vie. Les pénitents seront réconciliés le Jeudi Saint. Quant aux fidèles, ils goûtent déjà, par avance, au Saint-Sacrifice et dans la communion, la gloire pascale. Pour ces trois groupes, cette parole est le but du long voyage de Carême, qui est décrit en termes très beaux dans le psaume entier (l’antienne est le dernier verset du psaume) : « Écoute, Seigneur, ma juste prière, fais attention à ma supplication... Tu éprouves mon cœur et le visite pendant la nuit... à cause de tes commandements j’ai dû suivre une voie pénible... » — Cependant, nous pouvons aussi mettre cette parole dans la bouche du Christ et dans celle de saint Vital. Eux aussi marchent vers le but du « pénible chemin » de la souffrance, dans lequel ils sont entrés. L’Introït est, en tout cas, une belle prière d’entrée, que nous pourrions réciter comme oraison jaculatoire avant la messe. Dans chaque messe, nous contemplons la face du Seigneur (Canon) et nous nous rassasions de sa gloire (Communion).
L’Oraison exprime les mêmes pensées : après le « pénible chemin » du Carême, puissions-nous parvenir, avec des cœurs purs, aux fêtes qui vont venir — ad sancta ventura — à la fête de Pâques.
La leçon nous fait déjà apercevoir la Croix dans le clair-obscur de l’Ancien Testament, en nous rapportant l’histoire de Joseph vendu par ses frères. Objet de la prédilection de son père, envoyé par lui vers les troupeaux de ses frères qui le haïssent, jeté par eux dans une citerne, puis vendu pour vingt pièces d’argent — mais, plus tard, sauveur de son peuple en Égypte, Joseph est une figure du Christ. Le Christ, le bien-aimé en qui le Père a mis sa complaisance, est envoyé en tant qu’homme vers ses frères ; mais il est haï par ses concitoyens, vendu et trahi pour trente pièces d’argent et livré aux païens ; mais c’est justement sa souffrance qui en a fait le Sauveur de son peuple et du monde entier.
Au Graduel, nous entendons Joseph, le Christ, Vital, s’écrier dans la détresse de leur souffrance : « J’ai invoqué le Seigneur dans mon oppression et il m’a exaucé. »
Ce que la leçon faisait pressentir obscurément, le Seigneur l’exprime dans l’Évangile, en parabole sans doute, mais cependant d’une manière claire. C’est au moment des derniers discours de combat, peu de jours avant la mort du Seigneur. Le Christ annonce, sans réticence, aux Juifs, sa mort, sa filiation divine, la réprobation du peuple élu, la vocation des païens. Dans cette parabole, se trouve contenue toute l’histoire du salut : « Ils cherchèrent à s’emparer de lui, mais ils craignaient le peuple. »
L’antienne de l’Offertoire est un écho des lectures ; par là est indiqué le sens de la procession de l’Offrande : entrer en communion avec la Passion du Christ. La Communion, elle aussi, est en relation avec les lectures. Ce sont les paroles du Christ souffrant : « Tu nous garderas et nous protégeras de cette génération mauvaise. »
La postcommunion est d’une beauté classique et d’un contenu très riche : « Nous avons reçu le gage du salut éternel. »
3. Psaume 11. — Parole de Dieu et phrases des hommes. — Le psaume est la plainte de l’homme au cœur noble en face du mal qu’il voit dans le monde : partout le péché, le mensonge, l’égoïsme. Alors le psalmiste se réfugie vers la seule chose qui soit vraie et noble : la parole de Dieu.
Seigneur, aide-moi, car il n’y a plus d’hommes pieux,
plus de fidélité parmi les hommes.
Ils se disent des mensonges les uns aux autres,
ils parlent avec des lèvres trompeuses et un cœur double.
Retranche, Seigneur, les lèvres trompeuses
et les langues qui discourent avec jactance ;
Ils disent : « Par notre langue nous sommes forts
et nos lèvres sont à nous ; qui est notre maître ? »
« A cause de l’oppression des affligés
et du gémissement des pauvres,
je me lève, dit le Seigneur.
J’aide tous ceux qui soupirent après le secours. »
Les paroles du Seigneur sont des paroles pures,
elles sont comme de l’argent éprouvé dans le feu,
qui est passé au creuset, purifié sept fois.
Toi, Seigneur, tu nous garderas et nous protégeras
à jamais contre cette génération.
Autour de nous les méchants se promènent avec arrogance
et au milieu des hommes triomphe la bassesse.
[1] Il y creusa un pressoir, et y bâtit une tour ; puis il la loua à des vignerons, et partit pour un pays lointain. Or, lorsque le temps des fruits approcha, il envoya ses serviteurs aux vignerons, pour recueillir les fruits de sa vigne. Mais les vignerons, s’étant saisis de ses serviteurs, battirent l’un, tuèrent l’autre, et en lapidèrent un autre. Il leur envoya encore d’autres serviteurs, en plus grand nombre que les premiers, et ils les traitèrent de même. Enfin il leur envoya son fils, en disant : Ils auront du respect pour mon fils. Mais les vignerons voyant le fils, dirent entre eux : Voici l’héritier ; venez, tuons-le, et nous aurons son héritage. Et s’étant saisis de lui, ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Lors donc que le maître de la vigne sera venu, que fera-t-il à ces vignerons ? Ils lui dirent : II fera périr misérablement ces misérables, et il louera sa vigne à d’autres vignerons, qui lui en rendront les fruits en leur temps. Jésus leur dit : N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont re-jetée ceux qui bâtissaient, celle-là même est devenue la tête de l’angle ; c’est le Seigneur qui a fait cela, et c’est une chose admirable à nos yeux ? C’est pourquoi, je vous dis que le royaume de Dieu vous sera enlevé, et qu’il sera donné à une nation qui en produira les fruits. Et celui qui tombera sur cette pierre, s’y brisera, et celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera. Lorsque les princes des prêtres et les pharisiens eurent entendu ces paraboles, ils comprirent que Jésus parlait d’eux. Et cherchant à se saisir de lui, ils craignirent les foules, parce qu’elles le regardaient comme un prophète.
[2] Gen. 28, 17
[3] Gen. 28, 20
[4] Is. 5, 2
[5] Gen. 28, 21
[6] « Voici le sens de ce texte : Je promets au Seigneur de l’honorer par un culte plus grand et plus spécial à l’avenir, et le lieu dans lequel se trouve cette pierre, lieu sanctifié par la présence de Dieu et de ses Anges, je veux qu’il soit considéré comme sanctifié. Sur cette pierre, comme sur un autel, j’offrirai des sacrifices à Dieu. »(Corn. a Lap.)
[7] Luc. XIX, 44.