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Lundi de la 4ème semaine de Carême

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1960.


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

La Station se fait au Mont Cœlius, dans une église élevée au VIIe siècle en l’honneur de quatre officiers de l’armée romaine qui, ayant refusé d’adorer une statue d’Esculape, reçurent la couronne du martyre. Ce furent les Quatre Couronnés dont les reliques sont vénérées dans ce sanctuaire, ainsi que le chef du martyr S. Sébastien, officier de l’armée de Dioclétien. C’est une des 25 paroisses romaines au Ve siècle.

Textes de la Messe

Feria Secunda
Lundi de la 4ème semaine de Carême
III Classis
3ème Classe
Statio ad Ss. Quatuor Coronatos
Station aux Quatre-Saints-Couronnés
Ant. ad Introitum. Ps. 53, 3-4.Introït
Deus, in nómine tuo salvum me fac, et in virtúte tua líbera me : Deus, exáudi oratiónem meam : áuribus pércipe verba oris mei.Dieu, sauvez-moi par votre nom, et rendez-moi justice par votre puissance. O Dieu, exaucez ma prière ; prêtez l’oreille aux paroles de ma bouche.
Ps. ibid., 5.
Quóniam aliéni insurrexérunt in me : et fortes quæsiérunt ánimam meam.Car des étrangers se sont élevés contre moi, et des hommes puissants ont cherché à m’ôter la vie.
V/.Glória Patri.
Oratio.Collecte
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, observatiónes sacras ánnua devotióne recoléntes, et córpore tibi placeámus et mente. Per Dóminum.Faites-nous la grâce, ô Dieu tout-puissant, qu’en pratiquant chaque année ces saintes observances avec une religieuse fidélité, nous vous soyons agréables de corps et d’âme. Par Notre-Seigneur.
Léctio libri Regum.Lecture du livre des Rois.
3 Reg. 3, 16-28.
In diébus illis : Venérunt duæ mulíeres meretríces ad regem Salomónem, steterúntque coram eo, quarum una ait : Obsecro, mi dómine : ego et múlier hæc habitabámus in domo una, et péperi apud eam in cubículo. Tértia autem die postquam ego péperi, péperit et hæc : et erámus simul, nullúsque álius nobíscum in domo, excéptis nobis duábus. Mórtuus est autem fílius mulíeris huius nocte : dórmiens quippe oppréssit eum. Et consúrgens intempéstæ noctis siléntio, tulit fílium meum de látere meo ancíllæ tuæ dormiéntis, et collocávit in sinu suo : suum autem fílium, qui erat mórtuus, pósuit in sinu meo. Cumque surrexíssem mane, ut darem lac fílio meo, appáruit mórtuus : quem diligéntius íntuens clara luce, deprehéndi non esse meum, quem genúeram. Respondítque áltera múlier Non est ita, ut dicis, sed fílius tuus mórtuus est, meus autem vivit. E contrário illa dicébat : Mentiris : fílius quippe meus vivit, et fílius tuus mórtuus est. Atque in hunc modum contendébant coram rege. Tunc rex ait : Hæc dicit Fílius meus vivit, et fílius tuus mórtuus est. Et ista respóndit : Non, sed fílius tuus mórtuus est, meus autem vivit. Dixit ergo rex : Affért mihi gládium. Cumque attulíssent gládium coram rege : Divídite, inquit, infántem vivum in duas partes, et dat dimídiam partem uni, et dimídiam partem alteri. Dixit autem múlier, cuius fílius erat vivus, ad regem (commóta sunt quippe víscera eius super fílio suo) : Obsecro, dómine, date illi infántem virum, et nolíte interfícere dum. E contrário illa dicebat : Nec mihi nec tibi sit, sed diridátur. Respóndit rex et ait : Date huic infántem vivum, et non occidátur : hæc est enim mater eius. Audívit itaque omnis Israël iudícium, quod iudicásset rex, et timuérunt regem, vidéntes sapiéntiam Dei esse in eo ad faciéndum iudícium.En ces jours-là, deux femmes de mauvaise vie vinrent trouver le roi, et se présentèrent devant lui. L’une d’elles lui dit : Je vous prie, mon seigneur, faites-moi justice. Nous demeurions, cette femme et moi, dans une même maison, et je suis accouchée près d’elle dans la même chambre. Elle est accouchée aussi trois jours après moi ; nous étions ensemble dans cette maison, et il n’y avait personne autre que nous deux. Le fils de cette femme est mort pendant la nuit, car elle l’a étouffée en dormant ; et se levant dans le silence d’une nuit profonde, pendant que je dormais, moi votre servante, elle m’a ôté mon fils que j’avais à mon côté ; et l’ayant pris auprès d’elle, elle a mis auprès de moi son fils qui était mort. Quand je me levai le matin pour allaiter mon fils, je vis qu’il était mort ; et, le considérant avec plus d’attention au grand jour, j’ai reconnu que ce n’était pas le mien, celui que j’avais enfanté. L’autre femme lui répondit : Ce que tu dis n’est pas vrai ; mais c’est ton fils qui est mort, et le mien, est vivant. La première, au contraire, répliquait : Tu mens, car c’est mon fils qui est vivant, et le tien est mort : et elles disputaient ainsi devant le roi. Alors le roi dit : Celle-ci dit : Mon fils est vivant, et le tien est mort. Et l’autre répond : Non, mais c’est ton fils qui est mort, et le mien est vivant. Le roi ajouta : Apportez-moi une épée. Lorsqu’on eut apporté une épée devant le roi, il dit à ses gardes : Coupez en deux cet enfant qui est vivant, et donnez-en la moitié à l’une, et la moitié à l’autre. Alors la femme dont le fils était vivant dit au roi (car ses entrailles furent émues pour son fils) : Seigneur, donnez-lui, je vous supplie, l’enfant vivant, et ne le tuez point. L’autre disait au contraire : Qu’il ne soit ni à moi ni à toi ; mais qu’on le divise en deux. Alors le roi prononça cette sentence : Donnez à celle-ci l’enfant vivant, et qu’on ne le tue point ; car c’est elle qui est sa mère. Tout Israël apprit donc la manière dont le roi avait jugé cette affaire, et ils conçurent tous de la crainte pour lui, voyant que la sagesse de Dieu était en lut pour rendre la justice.
Graduale. Ps. 30, 3.Graduel
Esto mihi in Deum protectórem et in locum refúgii, ut salvum me fácias.Soyez-moi un Dieu protecteur et une maison de refuge, afin que vous me sauviez.
V/. Ps. 70, 1. Deus, in te sperávi : Dómine, non confúndar in ætérnum.O Dieu, j’ai espéré en vous, Seigneur, que je ne sois jamais confondu.
Tractus. Ps. 102, 10.Trait.
Dómine, non secúndum peccáta nostra, quæ fécimus nos : neque secúndum iniquitátes nostras retríbuas nobis.Seigneur, ne nous traitez pas selon nos péchés, et ne nous punissez pas selon nos iniquités.
V/.Ps. 78, 8-9. Dómine, ne memíneris iniquitátum nostrarum antiquarum : cito antícipent nos misericórdiæ tuæ, quia páuperes facti sumus nimis.Seigneur, ne vous souvenez plus de nos anciennes iniquités ; que vos miséricordes viennent en hâte au-devant de nous, car nous sommes réduits à la dernière misère.
(Hic genuflectitur) V/. Adiuva nos, Deus, salutáris noster : et propter glóriam nóminis tui, Dómine, libera nos : et propítius esto peccátis nostris, propter nomen tuum.On se met à genoux V/. Aidez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et pour la gloire de votre nom, Seigneur, délivrez-nous et pardonnez-nous nos péchés, à cause de votre nom.
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Joánnem.Lecture du Saint Evangile selon saint Jean.
Ioann. 2, 13-25.
In illo témpore : Prope erat Pascha Iudæórum, et ascéndit Iesus Ierosólymam : et invénit in templo vendéntes boves et oves et colúmbas, et nummulários sedéntes. Et cum fecísset quasi flagéllum de funículis, omnes eiécit de templo, oves quoque et boves, et nummulariórum effúdit æs et mensas subvértit. Et his, qui colúmbas vendébant, dixit : Auférte ista hinc, et nolíte fácere domum Patris mei domum negotiationis. Recordáti sunt vero discipuli eius, quia scriptum est : Zelus domus tuæ comédit me. Respondérunt ergo Iudǽi, et dixérunt ei : Quod signum osténdis nobis, quia hæc facis ? Respóndit Iesus et dixit eis : Sólvite templum hoc, et in tribus diébus excitábo illud. Dixérunt ergo Iudǽi : Quadragínta et sex annis ædificátum est templum hoc, et tu in tribus diébus excitábis illud ? Ille autem dicébat de templo córporis sui. Cum ergo resurrexísset a mórtuis, recordáti sunt discípuli eius, quia hoc dicébat, et credidérunt Scriptúræ, et sermóni, quem dixit Iesus. Cum autem esset Ierosólymis in Pascha in die festo, multi credidérunt in nómine eius, vidéntes signa eius, quæ faciébat. Ipse autem Iesus non credébat semetípsum eis, eo quod ipse nosset omnes, et quia opus ei non erat, ut quis testimónium perhibéret de hómine : ipse enim sciébat, quid esset in hómine.En ce temps-là : la Pâque des Juifs était proche et Jésus monta à Jérusalem, et il trouva dans le temple des marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et des changeurs assis. Et ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; et il jeta par terre l’argent des changeurs et renversa leurs tables. Et il dit à ceux qui vendaient des colombes : Otez cela d’ici, et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. Or ses disciples se souvinrent qu’il est écrit : Le zèle de votre maison me dévore. Les Juifs, prenant la parole, lui dirent : Quel signe montrez-vous pour agir de la sorte ? Jésus leur répondit : Détruisez ce temple, et en trois jours je le rétablirai. Les Juifs dirent : Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple et vous le rétablirez en trois jours ? Mais il parlait du temple de son corps. Après donc qu’il fut ressuscité d’entre les morts, ses disciples se souvinrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture, et à la parole que Jésus avait dite. Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de Pâque, beaucoup crurent en son nom, voyant les miracles qu’il faisait. Mais Jésus ne se fiait point à eux, parce qu’il les connaissait tous, et qu’il n’avait pas besoin que personne lui rendît témoignage d’aucun homme ; car il savait lui-même ce qu’il y avait dans l’homme.
Ant. ad Offertorium. Ps. 99, 1-2.Offertoire
Iubiláte Deo, omnis terra, servíte Dómino in lætítia : intráte in conspéctu eius in exsultatióne : quia Dóminus ipse est Deus.Acclamez Dieu, toute la terre ; servez le Seigneur avec joie. Entrez en sa présence avec allégresse, car le Seigneur est Dieu.
Secreta.Secrète
Oblátum tibi, Dómine, sacrifícium vivíficet nos semper et múniat. Per Dóminum.Ce sacrifice vous est offert, ô Seigneur, qu’il nous vivifie toujours et nous munisse de votre secours. Par Notre-Seigneur.
Præfatio de Quadragesima. Préface du Carême .
Ant. ad Communionem. Ps. 18, 13 et 14.Communion
Ab occúltis meis munda me, Dómine : et ab aliénis parce servo tuo.Purifiez-moi, Seigneur, de mes fautes cachées, et préservez votre serviteur de la corruption des étrangers.
Postcommunio.Postcommunion
Sumptis, Dómine, salutáribus sacraméntis : ad redemptiónis ætérnæ, quǽsumus, proficiámus augméntum. Per Dóminum.Ayant pris en nourriture ce sacrement salutaire, nous vous en supplions, Seigneur, accordez-nous le bienfait de l’éternelle rédemption. Par Notre-Seigneur.
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo.Sur le peuple : Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu.
Oratio.Prière
Deprecatiónem nostram, quǽsumus. Dómine, benígnus exáudi : et, quibus supplicándi præstas afféctum, tríbue defensiónis auxílium. Per Dóminum.Nous vous le demandons instamment, Seigneur, exaucez en votre bienveillance, nos supplications et accordez l’assistance de votre protection à ceux auxquels vous donnez la volonté de vous prier. Par Notre-Seigneur.

Office

A MATINES

Invitatorium Invitatoire
Non sit vobis vanum mane súrgere ante lucem : * Quia promísit Dóminus corónam vigilántibus.Ne pensez- pas que ce soit vain de vous lever le matin avant le jour : * Car le Seigneur a promis la couronne à ceux qui veillent.

Ex more docti mýstico (matines du Carême)

Lectio i1ère leçon
Léctio sancti Evangélii secúndum Ioánnem.Lecture du saint Évangile selon saint Jean.
Cap. 2, 13-25
In illo témpore : Prope erat Pascha Iudæórum, et ascéndit Iesus Ierosólymam : et invénit in templo vendéntes boves, et oves, et colúmbas. Et réliqua.En ce temps-là : La Pâque des Juifs était proche, Jésus monta à Jérusalem. Et il trouva dans le temple les vendeurs de bœufs, de brebis et de colombes. Et le reste. [1]
Homilía sancti Augustíni EpíscopiHomélie de saint Augustin, Évêque.
Tract. 10 in Ioannem, post initium
Quid audívimus, fratres ? Ecce templum illud figúra adhuc erat, et eiécit inde Dóminus omnes qui sua quærébant, qui ad núndinas vénerant. Et quæ ibi vendébant illi ? Quæ opus habébant hómines in sacrifíciis illíus témporis. Novit enim cáritas vestra, quod sacrifícia illi pópulo pro eius carnalitáte, et corde adhuc lapídeo, tália data sunt, quibus tenerétur, ne in idóla deflúeret : et immolábant ibi sacrifícia, boves, oves et colúmbas. Nostis, quia legístis.Que venons-nous d’entendre, mes frères ? Ce temple n’était que figuratif, et le Seigneur en chassa tous ceux qui, cherchant leurs intérêts, y étaient venus faire le trafic. Et qu’y vendaient-ils ? Ce dont les hommes avaient besoin pour les sacrifices de ce temps-là. Car votre charité n’ignore pas que c’était à cause de ses instincts grossiers et de son cœur de pierre, que de tels sacrifices avaient été donnés à ce peuple, pour le retenir sur le penchant qui l’entraînait au culte des idoles. Les Juifs immolaient donc dans le temple des bœufs, des brebis et des colombes. Vous le savez, car vous l’avez lu.
R/. Vos, qui transitúri estis Iordánem, ædificáte altáre Dómino. * De lapídibus, quos ferrum non tétigit : et offérte super illud holocáusta, et hóstias pacíficas Deo vestro.R/. Vous [2] qui devez passer le Jourdain, élevez un autel au Seigneur, * Avec des pierres que le fer n’aura pas touchées ; et offrez sur cet autel des holocaustes, et des hosties pacifiques à votre Dieu.
V/. Cumque intravéritis terram, quam Dóminus datúrus est vobis, ædificáte ibi altáre Dómino.V/. Lorsque vous serez entrés dans la terre que le Seigneur votre Dieu vous donnera, vous bâtirez là un autel au Seigneur.
R/. De lapídibus, quos ferrum non tétigit : et offérte super illud holocáusta, et hóstias pacíficas Deo vestro.R/. Avec des pierres que le fer n’aura pas touchées ; et offrez sur cet autel des holocaustes, et des hosties pacifiques à votre Dieu.
Lectio ii2e leçon
Non ergo magnum peccátum, si hoc vendébant in templo, quod emebátur ut offerétur in templo : et tamen eiécit inde illos. Quid si ibi ebriósos inveníret, quid fáceret Dóminus, si vendéntes ea quæ lícita sunt, et contra iustítiam non sunt (quæ enim honéste emúntur, non illícite vendúntur) éxpulit tamen, et non est passus domum oratiónis fíeri domum negotiatiónis ? Il semble donc que ce n’était pas un grand péché de vendre dans le temple ce qui s’achetait pour être offert dans le temple, et cependant Jésus-Christ en chassa les marchands. Qu’aurait donc fait le Seigneur, s’il avait trouvé là des hommes plongés dans l’ivresse, lui qui expulsa ceux qui vendaient des choses qu’il est pourtant permis de vendre, et qui ne blessaient point la justice (car ce qu’on achète honnêtement, se vend licitement) ; qu’aurait-il fait, lui qui ne souffrit pas que la maison de la prière devint une maison de négoce ?
R/. Audi, Israël, præcépta Dómini, et ea in corde tuo quasi in libro scribe : * Et dabo tibi terram fluéntem lac et mel.R/. Écoute, Israël [3], les préceptes du Seigneur, et écris-les dans ton cœur comme dans un livre ; * Et je te donnerai une terre où coulent du lait et du miel.
V/. Obsérva ígitur, et audi vocem meam : et inimícus ero inimícis tuis.V/. Observe [4] donc et écoute ma parole, et je serai un ennemi pour ton ennemi.
R/. Et dabo tibi terram fluéntem lac et mel.R/. Et je te donnerai une terre où coulent du lait et du miel.
Lectio iii3e leçon
Si negotiatiónis domus non debet fíeri domus Dei, potatiónis debet fíeri ? Nos autem quando ista dícimus, strident déntibus suis advérsus nos : et consolátur nos Psalmus, quem audístis : Stridérunt in me déntibus suis. Nóvimus et nos audíre unde curémur : etsi ingeminántur flagélla Christo, quia flagellátur sermo ipsíus. Congregáta sunt, inquit, in me flagélla, et nesciébant. Flagellátus est flagéllis Iudæórum : flagellátur blasphémiis falsórum Christianórum : multíplicant flagélla Dómino Deo suo, et nésciunt. Faciámus nos, quantum ipse ádiuvat. Ego autem, cum mihi molésti essent, induébam me cilício, et humiliábam in ieiúnio ánimam meam.Si la maison de Dieu ne doit pas devenir une maison de trafic, doit-elle devenir un lieu d’ivresse ? Quand nous parlons de la sorte, les coupables grincent des dents contre nous ; mais nous trouvons notre consolation dans les paroles du Psaume que vous venez d’entendre : « Ils ont grincé des dents contre moi. » [5] Nous savons entendre les paroles qui peuvent nous guérir, bien que leurs fouets tombent à coups redoublés sur le Christ, car c’est sa parole qui est flagellée : « Leurs fouets, dit-il, se sont réunis contre moi, et ils ne le savaient pas. » [6] Jésus-Christ a été flagellé par les verges des Juifs, il est flagellé encore par les blasphèmes des faux chrétiens ; ceux-ci multiplient les coups contre le Seigneur leur Dieu, et ils ne le savent point. Pour nous, faisons, autant que lui-même nous en donne la grâce, ce qui est marqué au même Psaume : « Mais moi, pendant qu’ils me tourmentaient, j’étais revêtu d’un cilice, j’humiliais mon âme par le jeûne. » [7]
R/. Sicut fui cum Móyse ita ero tecum, dicit Dóminus : * Confortáre, et esto robústus : introdúces pópulum meum ad terram lacte et melle manántem.R/. Comme [8] j’ai été avec Moïse, ainsi je serai avec toi, ait le Seigneur fà Josué] ; * Prends courage et sois fort : tu introduiras mon peuple dans une terre où coulent le lait et le miel.
V/. Noli timére, quóniam tecum sum : ad quæcúmque perréxeris, non dimíttam te, neque derelínquam.V/. Ne crains point, parce que je suis avec toi ; en quelque lieu que tu ailles, je ne te laisserai, ni ne t’abandonnerai.
* Confortáre, et esto robústus : introdúces pópulum meum ad terram lacte et melle manántem. Glória Patri. * Confortáre, et esto robústus : introdúces pópulum meum ad terram lacte et melle manántem.* Prends courage et sois fort : tu introduiras mon peuple dans une terre où coulent le lait et le miel. Gloire au Père. * Prends courage et sois fort : tu introduiras mon peuple dans une terre où coulent le lait et le miel.

A LAUDES

O sol salútis, íntimis (laudes du Carême)

Ad Bened. Ant. Auférte ista hinc, * dicit Dóminus : et nolíte fácere domum Patris mei domum negotiatiónis. Ant. au Bénédictus Emportez cela d’ici, * dit le Seigneur : et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce.

Benedictus

AUX VÊPRES

Audi, benígne Cónditor (vêpres du Carême)

Ad Magnificat Ant. Sólvite templum hoc, * dicit Dóminus ; et post tríduum reædificábo illud : hoc autem dicébat de templo córporis sui. Ant. au Magnificat Détruisez ce temple, * dit le Seigneur ; et après trois jours, je le rebâtirai : mais il parlait du temple de son corps.

Magnificat

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

La Station est dans l’antique Église appelée des Quatre-Couronnés, c’est-à-dire des saints martyrs Sévère, Sévérien, Carpophore et Victorin, qui souffrirent la mort sous la persécution de Dioclétien. Leurs corps reposent dans ce sanctuaire, qui s’honore aussi de posséder le chef du grand martyr saint Sébastien.

LEÇON.

Saint Paul nous expliquait, dans l’Épître de la Messe d’hier, l’antagonisme de la Synagogue et de L’Église, et comment le fils d’Agar persécute le fils de Sara qui lui a été préféré par le père de famille. Aujourd’hui, ces deux femmes qui comparaissent devant Salomon nous présentent encore ce double type. Elles se disputent un enfant ; cet enfant est la Gentilité initiée à la connaissance du vrai Dieu. La Synagogue, figurée par la femme qui a laissé mourir son fils, c’est-à-dire le peuple qui lui était confié, réclame injustement celui que son sein n’a point porté ; et comme cette réclamation ne lui est inspirée que par son orgueil, et non par aucune affection maternelle, il lui est indifférent qu’on l’immole, pourvu qu’il soit arraché à sa vraie mère qui est l’Église. Salomon, le Roi pacifique, figure du Christ, adjuge l’enfant à celle qui l’a conçu, qui l’a enfanté, qui l’a nourri ; et la fausse mère est confondue. Aimons donc notre Mère la sainte Église, l’Épouse de notre Sauveur. C’est elle qui par le Baptême nous a faits enfants de Dieu ; elle qui nous a nourris du Pain de vie ; elle qui nous a donné le Saint-Esprit ; elle enfin qui, lorsque nous avons eu le malheur de retomber dans la mort parle péché, nous a rendu la vie par le divin pouvoir qui est en elle. L’amour filial envers l’Église est le signe des élus, et l’obéissance à ses commandements est la marque d’une âme sur laquelle Dieu règne.

ÉVANGILE.

Nous avons vu déjà, au Mardi de la première semaine, le Seigneur chasser les vendeurs du Temple ; il accomplit en effet deux fois cet acte de justice et de religion. Le récit que nous lisons aujourd’hui se rapporte à la première expulsion de ces profanes du lieu saint. L’Église insiste sur ce fait dans le Carême, parce qu’il nous présente la sévérité avec laquelle Jésus-Christ agira contre l’âme qui se sera laissé envahir par les passions terrestres. Que sont, en effet, nos âmes, sinon le temple de Dieu ? de Dieu qui les a créées et sanctifiées pour y habiter ? Mais il veut que tout y soit digne de cette sublime destination. En ces jours où nous scrutons nos âmes, combien de profanes vendeurs ne trouvons-nous pas établis dans la demeure du Seigneur ? Hâtons-nous de les expulser ; prions même le Seigneur de les chasser lui-même avec le fouet de sa justice, dans la crainte qu’il ne nous arrive de trop ménager ces hôtes dangereux. Le jour où le pardon descendra sur nous est proche ; veillons à être dignes de le recevoir. Avons-nous remarqué dans notre Évangile ce qui est dit de ces Juifs qui, plus sincères que les autres, se mirent à croire en lui, à cause des miracles qu’ils lui voyaient faire ? Jésus cependant ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous. Il y a donc des hommes qui arrivent à croire, à reconnaître Jésus-Christ, sans que pour cela leur cœur soit changé ! O dureté du cœur de l’homme ! ô anxiété cruelle pour la conscience des ministres du salut ! Des pécheurs, des mondains assiègent, en ces jours, les tribunaux de la réconciliation ; ils croient, ils confessent leurs péchés : et l’Église n’ose se fier à leur repentir. Elle sait d’avance que, bien peu de temps après le festin pascal, ils seront redevenus ce qu’ils étaient le jour où elle leur imposa les cendres de la pénitence ; elle tremble en songeant au danger que ces âmes, partagées entre Dieu et le monde, encourent en recevant sans préparation, sans conversion véritable, le Saint des Saints ; d’un autre côté, elle se souvient qu’il est écrit de ne pas éteindre la mèche qui fume encore, de ne pas achever de rompre le roseau déjà éclaté [9]. Prions pour ces âmes dont le sort est si inquiétant, et demandons pour les pasteurs de l’Église quelques rayons de cette lumière par laquelle Jésus connaissait tout ce qu’il y avait dans l’homme.

Prions pour l’entière conversion des pécheurs, en empruntant au Pontifical Romain cette belle Préface que l’Église employait autrefois dans la réconciliation des Pénitents publics.

PRÉFACE
Vere dignum et justum est, æquum et salutare, nos tibi semper, et ubique gratias agere. Domine sancte, Pater omnipotens, alterne Deus, per Christum Dominum nostrum : C’est une chose digne et juste, équitable et salutaire, de vous rendre grâces en tout temps et en tout lieu, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, par Jésus-Christ notre Seigneur.
Quem, omnipotens Genitor, ineffabiliter nasci voluisti, ut debitum Adæ tibi persolveret æterno Patri, mortemque nostram sua interficeret, et vulnera nostra in suo corpore ferret, nostrasque maculas sanguine suo dilueret ; ut qui antiqui hostis corrueramus invidia, et ipsius resurgeremus clementia. Lui dont vous avez décrété la naissance ineffable, afin qu’il acquittât la dette d’Adam envers vous, Père éternel ; qu’il détruisit notre mort par la sienne, qu’il supportât nos blessures en son corps, qu’il effaçât nos taches dans son sang, nous relevant dans sa bonté de la chute où nous avait précipités la jalousie de l’ancien ennemi.
Te per eum, Domine, supplices rogamus ac petimus, ut pro aliorum excessibus nos digneris exaudire, qui pro nostris non sufficimus exorare.C’est par lui, Seigneur, que nous vous supplions humblement d’exaucer nos prières pour les péchés des autres, nous cependant qui ne suffisons pas à vous prier pour les nôtres.
Tu igitur, clementissime Domine, hos famulos tuos, quos a te separaverunt flagitia, ad te revoca pietate solita. Tu namque nec Achab scelestissimi humiliationem despexisti, sed vindictam debitam protelasti. Petrum quoque lacrymantem exaudisti, clavesque postmodum cœlestis regni ipsi tradidisti ; et confitenti latroni ejusdem regni præmia promisisti. Daignez donc, Seigneur très clément, rappeler à vous, dans votre bonté accoutumée, ces hommes vos serviteurs, que leurs péchés ont séparés de vous. Vous n’avez pas dédaigné l’humiliation du criminel Achab ; mais vous avez suspendu la vengeance qu’il avait méritée. Vous avez exaucé les pleurs de Pierre, et vous lui avez donné ensuite les clefs du royaume céleste, de ce royaume que vous avez daigné promettre au larron qui confessait ses crimes.
Ergo, clementissime Domine, hos, pro quibus preces tibi fundimus, clemens recollige, et tuæ Ecclesiæ gremio redde, ut nequaquam de eis valent triumphare hostis, sed tibi reconciliet Filius, tibi coæqualis, emundetque eos ab omni facinore, et ad tuæ sacratissimæ Cœnæ dapes dignetur admittere. Sicque sua carne, et sanguine reficiat, ut post hujus vitæ cursum ad cœlestia regna perducat.Recueillez, miséricordieux Seigneur, ceux pour qui nous vous adressons nos prières ; remettez-les au giron de votre Église ; quel ennemi ne puisse plus triompher d’eux, mais que votre Fils, qui vous est égal, les réconcilie avec vous, qu’il les purifie de tous péchés et daigne les admettre à goûter les mets de votre festin sacré. Qu’il daigne les nourrir de sa chair et de son sang, et les conduise après cette vie au royaume des cieux.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Collecte à Saint-Etienne sur le Mont-Cœlius.
Station aux Quatre-Saints-Couronnés.

Nous connaissons déjà la rotonde du protomartyr sur le Cœlius, où a eu lieu la station le 26 décembre. Elle est éloignée de moins de cent mètres de la basilique des Martyrs-Couronnés, qui domine aujourd’hui encore sur tout l’agreste Cœlius. L’écheveau embrouillé que, jusqu’à ces derniers temps, présentait la légende des Couronnés, a été démêlé. Il s’agit d’un premier groupe de martyrs romains, Clément, Simpronianus, Claude et Nicostrate, ensevelis sur la voie Labicane ad duas lauros, non loin donc de la résidence impériale, et de qui, récemment, fut rendue à la lumière la crypte sépulcrale avec ses graffiti. A ces saints, l’on doit ajouter un second groupe de tailleurs de pierre de Pannonie, martyrisés dans le Save, et enfin un troisième groupe de quatre autres martyrs d’Albano. Dans l’hypogée sous l’autel majeur, sont conservées les reliques des saints titulaires, mais l’église n’est plus celle qui fut élevée au Ve siècle, puisqu’elle fut considérablement réduite de proportions sous Paschal II, après que l’incendie des Normands eut ruiné l’édifice primitif. On y conserve encore le chef de saint Sébastien, dans un antique et précieux reliquaire.

L’introït est pris au psaume 53 : « Seigneur, sauvez-moi par votre nom, et délivrez-moi par votre puissance ; car les tyrans attentent à ma vie. » Déjà, à l’horizon lointain, le Calvaire apparaît, et les prières de la divine Victime qui, avec tant d’insistance, parle à Dieu de ses ennemis, servent d’introduction au drame de la Parascève pascale.

Nous supplions le Seigneur, dans la collecte, que la pieuse fidélité avec laquelle le peuple chrétien célèbre annuellement l’abstinence quadragésimale, lui mérite cette grâce, que les œuvres corporelles, non moins que celles de l’esprit, soient toujours selon le bon plaisir divin.

La lecture du livre des Rois (III, III, 16-28) vient ensuite, avec le récit du jugement de Salomon rappelé jusqu’en une peinture de Pompéi. De même que les sentiments de tendre compassion pour l’existence de l’enfant survivant découvrent au fils de David laquelle est la vraie mère, contre les prétentions de l’autre prostituée, ainsi l’Église, en face de la légalité cruelle de la synagogue, se montre mère de toutes les âmes à cause de la vive sollicitude qu’elle éprouve à leur égard. « Peu importe, dit le Sanhédrin Israélite, qu’une épée divise l’humanité par moitié ; l’héritage d’Abraham ne doit rien avoir de commun avec les Goiim, tous destinés à la perdition. » Mais le Christ, véritable Salomon, prononce déjà la sentence. La Synagogue, qui se montre marâtre impitoyable, est repoussée, tandis que les tendres sentiments de l’Église témoignent en faveur de sa maternité. Qu’à elle soit donc attribué l’enfant, c’est-à-dire le monde.

Le graduel emprunte son premier verset au psaume 30, et le second au 70e. C’est le Christ qui demande de l’aide à l’approche de sa passion : « O Dieu, soyez mon protecteur, mon refuge, mon salut. Ah ! que je ne demeure pas confondu pour avoir compté sur vous. » De quelle façon Dieu a-t-il fait tout cela vis-à-vis de Jésus ? En le ressuscitant et en le constituant unique Sauveur de tout le genre humain.

Au IIIe siècle, à Rome, le jeûne pascal qui comprenait trois semaines avant la solennité de la résurrection, commençait aujourd’hui, et le dernier souvenir de cette période liturgique spéciale est le cycle des lectures de saint Jean qui, désormais, se poursuivront jusqu’à Pâques. Le petit nombre de messes qui font exception confirment la règle, puisqu’il s’agit ou bien de stations postérieures instituées par Grégoire II, ou bien de péricopes scripturaires non primitives. Le passage évangélique de ce jour (Ioan., n, 13-25) parle de Jésus qui, ayant chassé du temple les vendeurs ambulants, discute avec les divers représentants du Sanhédrin, auxquels, pour leur prouver sa divinité, il annonce, sous les voiles du mystère, sa mort violente et sa résurrection. Les Juifs ne laissèrent pas tomber dans le vide cette confession messianique ; mais, l’ayant détournée en un sens tout matériel, ils s’en servirent pour accuser Jésus au tribunal de Caïphe. Le temple immatériel dont parlait Jésus était son humanité très sainte, qui fut rendue par Dieu à la vie glorieuse, le troisième jour après que les Juifs l’eurent mis en croix ; mais il signifie aussi l’Église catholique, qui, après la résurrection de Jésus, remplaça la vieille Synagogue tombant en ruines sous les coups que lui donnèrent ses fils eux-mêmes.

Le verset de l’offertoire est celui du 1er dimanche après l’Épiphanie. C’est un vrai iubilus, avec sa luxuriante mélopée grégorienne, qui, autrefois, s’adaptait admirablement à ce premier jour du grand jeûne pascal, où devait dominer plus que tout autre, un intime sentiment d’allégresse. Dieu, dit l’apôtre, préfère celui qui donne avec le cœur joyeux ; et saint François de Sales ajoute spirituellement qu’ « un saint triste est un triste saint ».

La prière d’introduction à la préface est pareillement empruntée au Ier dimanche après l’Épiphanie ; on y implore de la divine miséricorde que le sacrifice que nous allons offrir, ravive et confirme en nous la grâce qui est la vie de l’âme.

Le verset ad Communionem provient du psaume 18 : « Seigneur, purifiez-moi des péchés cachés, et qui échappent à mon examen à cause de l’amour-propre qui les voile à mes yeux et de l’inattention qui m’empêche d’approfondir tout ce qui regarde la vie de l’esprit. Tenez-moi loin des rebelles à votre loi, dont la compagnie licencieuse peut aplanir mes voies pour le mal et être pour moi et pour les autres une pierre d’achoppement. »

Dans la collecte d’action de grâces, nous supplions Dieu, afin que la participation au divin Sacrement intensifie en nous l’œuvre de notre rédemption, nous rachetant de la servitude des passions, et orientant nos pas sur le chemin de l’éternité, En effet, l’Eucharistie, en tant qu’elle nous communique la vie de Jésus crucifié, est pour l’âme un principe de vie et de mort à la fois. De mort, parce que l’esprit de crucifiement entraîne avec soi la mort au péché et à la nature corrompue ; de vie, en tant qu’elle nous donne part à la vie de Jésus, vie de sainteté parfaite, vie entièrement en Dieu, pour Dieu, de Dieu. C’est cela qu’entendait l’Apôtre quand il écrivait du Christ : Quod mortuus est peccato, mortuus est semel, quod autem vivit, vivit Deo.

La missa, ou prière sacerdotale de bénédiction sur le peuple, au moment de le congédier, supplie la divine clémence afin que, après nous avoir fait la grâce d’élever vers Dieu notre prière, pour nous arracher aux périls qui nous menacent, elle fasse que cette prière nous vaille aussi le fruit désiré du salut.

La grâce de la prière, l’esprit d’oraison, est l’une des plus insignes faveurs que Dieu fasse à une âme. L’oraison est, en effet, l’atmosphère ordinaire dans laquelle se développe le germe de la sainteté ; elle est la condition, la qualité requise d’abord pour que l’Esprit Saint se communique à l’âme et se l’unisse par les liens de la charité. Le précis de l’ascèse est tout entier dans ce mot : prière. On commence à prier pour que Dieu nous assiste par sa grâce dans les exercices laborieux de la voie purgative ; et dans les opérations propres à la voie contemplative, se présente à nouveau la prière. Bien plus, au ciel même, on ne fera rien autre que prier, aussi pouvons-nous considérer l’oraison comme le principe de notre béatitude future.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

STATION AUX QUATRE SAINTS COURONNES

Croix et Résurrection.

Pâques est proche ; les Juifs se préparent à détruire le temple du Christ. Quant à lui, il annonce sa Résurrection.

Nous chantons au lever et au coucher du soleil : « Enlevez tout cela et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce » (Ant. Bened.). « Renversez ce temple et, en trois jours, je le rebâtirai ; or il disait cela du temple de son corps » (Ant. Magn.).

Ces deux antiennes renferment les pensées principales du Carême. La première indique le travail de purification de l’âme ; la seconde parle de la Croix et de la Résurrection.

Au troisième siècle, c’est aujourd’hui que commençait le Carême pascal. Cela est encore nettement visible dans la liturgie. Le thème de la Passion passe décidément au premier plan. Il y a, dans les textes, un changement de ton. Désormais, tous les Évangiles (sauf jeudi) sont tirés de saint Jean. Saint Jean va nous raconter l’histoire intérieure de la Passion : le combat des ténèbres contre la lumière. C’est là tout le thème du quatrième évangile : « La lumière a brillé dans les ténèbres, mais les ténèbres ne l’ont pas reçue » (elles l’ont même combattue avec acharnement). C’est ce que saint Jean va nous expliquer dans les jours suivants. Les lectures montrent d’ordinaire des images du Messie souffrant. Même dans les chants, on voit nettement le changement. Jusqu’ici, c’était l’effusion de l’âme pénitente, pleine d’ardents désirs et de joie, le chant de la communauté fidèle ou bien celui des pénitents et des catéchumènes ; désormais, nous voyons le Christ souffrir et nous entendons ses plaintes. En ce qui concerne la messe d’aujourd’hui, on a l’impression que, dans ses pensées principales, elle a été copiée sur celle d’hier. Dans l’Épître, il est également question de deux femmes dont une seule est la véritable mère (l’Église). L’Évangile commence de même avec insistance : La Pâque des Juifs était proche.

I. La station est, aujourd’hui, l’église des quatre saints couronnés. Le martyrologe raconte, à leur sujet, le 8 novembre : « A Rome, sur la Via Lavicana, la mort de quatre saints martyrs, les frères Sévère, Sévérien, Carpophore et Victorin. Sous l’empereur Dioclétien, ils furent battus de verges plombées, jusqu’à la mort. Leurs noms ne furent connus que plusieurs années plus tard par révélation divine. Comme, précédemment, on ne pouvait découvrir leurs noms, on décida de les célébrer tous les ans sous ce titre : les quatre saints couronnés. » Cette manière de les désigner fut conservée même après qu’on eut découvert leurs noms. L’église dans laquelle, depuis Léon IV (847-855), se trouvent leurs reliques qui reposent sous l’autel, est une très antique église titulaire. C’est dans cette église aussi qu’on conserve le chef de saint Sébastien. Cette église a été plusieurs fois restaurée au cours des âges. Cependant, c’est « une des plus intéressantes et des plus impressionnantes parmi les antiques églises de la ville éternelle. On peut suivre son histoire dans la construction même, grâce aux nombreux vestiges qui ont été conservés soit dans l’intérieur de l’église, soit dans le transept. C’est un sanctuaire très pieux, rempli de souffle religieux, et qui porte à la prière ; elle convient parfaitement aux solennités liturgiques » [10].

2. La messe (Deus in nomine).-Après le dimanche joyeux que nous venons de célébrer, les chants d’aujourd’hui nous frapperont par la mobilité des sentiments et des impressions. Alors que les premiers font entendre deux plaintes sorties de la bouche du Christ, nous chantons, à l’Offertoire, un joyeux cantique de Résurrection. Cette union de la Croix et de la Résurrection se retrouve aussi dans l’Évangile. Le Seigneur parle de la destruction et, en même temps, de la reconstruction du temple de son corps. La Croix et la Résurrection nous accompagnent constamment ; la sainte compassion et la sainte joie se complètent mutuellement.

Dans la semaine qui commence, nous verrons le thème de la Passion grandir sans cesse, sans que pour cela diminue la joie de la Résurrection. Cette disposition de l’Église doit être aussi celle de l’âme. Notre âme doit se lamenter avec le Sauveur souffrant et pleurer avec lui, mais, en même temps, elle doit tressaillir de joie à la pensée de son exaltation et de sa Résurrection. Bien plus, l’âme doit être à la fois crucifiée et glorifiée. « Avec le Christ, je suis attaché à la Croix. » C’est précisément par cette Passion terrestre que l’âme est glorifiée et participe à la Résurrection du Christ. Plus le temple terrestre de notre vie est détruit, plus s’élève le temple spirituel de l’âme. Le corps frémit et se plaint : « Ô Dieu, à cause de ton nom, donne-moi le salut, délivre-moi dans ta force, les ennemis se sont soulevés contre moi… » (Intr.). Mais l’âme glorifiée chante : « Tressaillez d’allégresse en Dieu, tressaille, terre entière, servez Dieu dans la joie » (Off.). Nous pensons à la Croix et à la Résurrection pendant chaque messe, pensons-y pendant toute notre vie.

La leçon nous raconte le jugement de Salomon concernant les deux femmes ; ces femmes représentent, comme hier, l’Église et la synagogue. Le Christ, le sage Salomon, tranche le différend entre les deux femmes, l’Église et la synagogue, sauve l’enfant, l’âme humaine, et l’attribue à la vraie mère, à l’Église. Il est vrai que le Christ doit payer ce jugement de la haine des Juifs et, plus tard, de sa mort.

Dans l’Évangile, la liturgie souligne intentionnellement, comme hier, l’approche de la fête de Pâques : « La Pâque des Juifs approchait ». (Il s’agit sans doute de la première fête de Pâque pendant le ministère public de Jésus, mais il suffit à la liturgie d’attirer l’attention sur la proximité de Pâques). L’Évangile décrit le premier conflit de Jésus avec le judaïsme. Jésus chasse les vendeurs du temple (nous pensons aux exorcismes des catéchumènes, à notre travail de Carême par lequel nous devons faire de notre âme non pas une place de marché, mais la maison du Père céleste). Les princes des prêtres se sentent touchés ; ils exigent, de Jésus, une légitimation de sa mission. Il leur propose un signe de sa mort et de sa Résurrection : « Détruisez ce temple... » Il prédit, dès son premier conflit avec le judaïsme officiel, l’issue du combat : le Vendredi Saint et le dimanche de Pâques. Jésus ne se fait pas de disciples à Jérusalem, « car il les connaissait tous ». (Nous avons donc ici le thème de la Passion, de Pâques, de la pénitence).

On a l’impression que la liturgie veut choisir, en partant du commencement, tous les passages de saint Jean qui décrivent l’évolution de la haine des Juifs, qui amena finalement la Passion. Maintenant, « Jésus se fie à nous » (alors qu’il ne se fia pas aux Juifs). A la Communion, nous chantons le cantique du soleil (psaume 18) avec, il est vrai, une antienne de pénitence.

3. Psaume 18 — Le Christ, le vrai Soleil et l’Époux divin.

Ce psaume est l’un des chants les plus souvent utilisés par la liturgie. Il se divise en deux parties distinctes. La première est un hymne au soleil ; la seconde, une louange de la loi divine. Ce qui fait peut-être l’union entre ces deux parties, c’est que la première est une parabole du soleil, et l’autre, l’explication de cette parabole et son application à la loi.

Ce chant est d’une poésie puissante. Dans un beau mouvement, le psalmiste part du symbole de la loi, le soleil terrestre. Il lève son regard vers le ciel et célèbre la voûte azurée dont l’éclat annonce la gloire de Dieu, la nuit, par la magnificence des étoiles, le jour, par la clarté éblouissante du soleil. Dans une alternance sans repos, le jour et la nuit annoncent les louanges de Dieu et les portent au-delà des frontières du globe. Le psalmiste chante surtout le soleil, le chef-d’œuvre de la création. Comme un jeune héros, ardent et joyeux, il sort, dès l’aurore, de sa couche nuptiale et, dans la conscience de sa force, il parcourt avec allégresse sa route gigantesque, répandant partout les bienfaits de sa vertu vivifiante. Le poète pense alors à un autre soleil et il passe sans transition à la louange de la loi.

Dans la liturgie du cycle de Noël, on utilise surtout la première partie de ce psaume ; à présent, pendant le Carême, nous pouvons nous attacher davantage à la seconde partie, l’éloge de la loi.

Les cieux racontent la gloire de Dieu,
et le firmament annonce l’œuvre de ses mains.
Le jour crie au jour le message,
la nuit le transmet à la nuit.
Ce n’est pas un langage, ce ne sont pas des paroles,
dont la voix ne soit pas entendue, —
Leur son parcourt toute la terre,
leurs accents vont jusqu’aux extrémités du monde.

C’est là qu’il a dressé une tente pour le soleil,
et lui, semblable à l’époux qui sort de la chambre nuptiale,
Et comme un héros qui s’élance joyeux,
il parcourt sa carrière.
Il part d’une extrémité du ciel
et sa course s’achève à l’autre extrémité,
rien ne se dérobe à sa chaleur.

La loi du Seigneur est droite,
elle réjouit le cœur ;
Le précepte du Seigneur est pur,
il éclaire les yeux.
La parole du Seigneur est sainte,
elle demeure éternellement ;
les décrets du Seigneur sont vrais,
ils sont tous justes.
Ils sont plus précieux que l’or et les pierres précieuses,
plus doux que le miel et que les rayons de miel.

Voici que ton serviteur les observe,
celui qui les observe reçoit une grande récompense.
Qui connaît ses égarements ?
purifie-moi de ceux que j’ignore,
préserve ton serviteur des orgueilleux :
Qu’ils ne dominent pas sur moi,
alors je serai sans faute et pur des grands péchés.

Accueille avec faveur les paroles de ma bouche,
et que les sentiments de mon cœur soient devant toi !
Seigneur. tu es mon recours et mon libérateur.

[1] Et des changeurs assis. Et ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; et il jeta par terre l’argent des changeurs et renversa leurs tables. Et il dit à ceux qui vendaient des colombes : Otez cela d’ici, et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. Or ses disciples se souvinrent qu’il est écrit : Le zèle de votre maison me dévore. Les Juifs, prenant la parole, lui dirent : Quel signe montrez-vous pour agir de la sorte ? Jésus leur répondit : Détruisez ce temple, et en trois jours je le rétablirai. Les Juifs dirent : Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple et vous le rétablirez en trois jours ? Mais il parlait du temple de son corps. Après donc qu’il fut ressuscité d’entre les morts, ses disciples se souvinrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture, et à la parole que Jésus avait dite. Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de Pâque, beaucoup crurent en son nom, voyant les miracles qu’il faisait. Mais Jésus ne se fiait point à eux, parce qu’il les connaissait tous, et qu’il n’avait pas besoin que personne lui rendît témoignage d’aucun homme ; car il savait lui-même ce qu’il y avait dans l’homme.

[2] Deut 27, 2

[3] Deut 27, 3

[4] Ex 23, 22

[5] Ps 34, 16

[6] Ps 34, 15

[7] Ps 34, 13

[8] Jos 1, 5

[9] Isai. XIII, 3.

[10] Kirsch, Les églises de station du missel romain,p. 173 sq.