Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Ant. ad Introitum. Phil. 2, 10, 8 et 11. | Introït |
In nómine Iesu omne genu flectátur, cæléstium, terréstrium et infernórum : quia Dóminus factus est obœdiens usque ad mortem, mortem autem crucis : ideo Dóminus Iesus Christus in glória est Dei Patris. | Qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers ; car le Seigneur s’est fait obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix : c’est pourquoi le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père. |
Ps. 101, 2. | |
Dómine, exáudi oratiónem meam : et clamor meus ad te véniat. | Seigneur, écoutez ma prière, et que mon cri parvienne jusqu’à vous. |
In nómine… | Qu’au nom… |
Post Kýrie, eléison, dicitur : | Après Kýrie, eléison, on dit : |
Orémus. Flectámus génua. | Prions. Fléchissons les genoux |
V/. Leváte. | V/. Levez-vous. |
Oratio. | Collecte |
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, qui nostris excéssibus incessánter afflígimur, per unigéniti Fílii tui passiónem liberémur : Qui tecum vivit. | Faites, nous vous en prions, Dieu tout-puissant, que sans cesse affligés par nos débordements, nous soyons libérés par la passion de votre Fils. |
Léctio Isaíæ Prophétæ. | Lecture du Prophète Isaïe. |
Is. 62. 11 ; 63, 1-7. | |
Hæc dicit Dóminus Deus : Dícite fíliæ Sion : Ecce, Salvátor tuus venit : ecce, merces eius cum eo. Quis est iste, qui venit de Edom, tinctis véstibus de Bosra ? Iste formósus in stola sua, grádiens in multitúdine fortitúdinis suæ. Ego, qui loquor iustítiam, et propugnátor sum ad salvándum. Quare ergo rubrum est induméntum tuum, et vestiménta tua sicut calcántium in torculári ? Tórcular calcávi solus, et de géntibus non est vir mecum : calcávi eos in furóre meo, et conculcávi eos in ira mea : et aspérsus est sanguis eórum super vestiménta mea, et ómnia induménta mea inquinávi. Dies enim ultiónis in corde meo, annus redemptiónis meæ venit. Circumspéxi, et non erat auxiliátor : quæsívi, et non fuit, qui adiuváret : et salvávit mihi bráchium meum, et indignátio mea ipsa auxiliáta est mihi. Et conculcávi pópulos in furóre meo, et inebriávi eos in indignatióne mea, et detráxi in terram virtútem eórum. Miseratiónum Dómini recordábor, laudem Dómini super ómnibus, quæ réddidit nobis Dóminus, Deus noster. | Voici ce que le Seigneur Dieu a dit : Dites à la fille de Sion : "Voici que ton Sauveur vient ; voici que sa récompense est avec lui." Qui est celui-là qui vient d’Edom, de Bosra en habits écarlates ? Il est magnifique dans son vêtement, il se redresse dans la grandeur de sa force. C’est moi, qui parle avec justice, et qui suis puissant pour sauver. Pourquoi y a-t-il du rouge à ton vêtement, et tes habits sont-ils comme ceux du pressureur ?Au pressoir j’ai foulé seul, et, parmi les peuples, personne n’a été avec moi. Et je les ai foulés dans ma colère, piétinés dans ma fureur ; le jus en a jailli sur mes habits, et j’ai souillé tout mon vêtement. Car un jour de vengeance était dans mon coeur, et l’année de ma rédemption était venue. J’ai regardé, et personne pour m’aider ; j’étais étonné, et personne pour me soutenir. Alors mon bras m’a sauvé, et ma fureur m’a soutenu. J’ai écrasé les peuples dans ma colère, et je les ai enivrés de ma fureur, et j’ai fait couler leur sang à terre." Je célébrerai les miséricordes du Seigneur, les louanges du Seigneur, selon tout ce que le Seigneur a fait pour nous, lui notre Dieu |
Graduale. Ps. 68, 18 et 2-3. | Graduel |
Ne avértas fáciem tuam a púero tuo, quóniam tríbulor : velóciter exáudi me. | Ne cachez pas votre face à votre serviteur, parce que je suis dans l’angoisse : vite, exaucez-moi. |
V/. Salvum me fac, Deus, quóniam intravérunt aquæ usque ad ánimam meam : infíxus sum in limo profúndi, et non est substántia. | Sauvez-moi, mon Dieu, les eaux me montent à la gorge ; je suis enlisé dans la fange du gouffre, et rien de solide où poser le pied. |
Hic dicitur V/. Dóminus vobíscum, sine Flectámus génua. | Ici on dit V/. Le Seigneur soit avec vous, sans Fléchissons les genoux. |
Oratio. | Collecte |
Deus, qui pro nobis Fílium tuum Crucis patíbulum subire voluísti, ut inimíci a nobis expélleres potestatem : concéde nobis fámulis tuis ; ut resurrectiónis grátiam consequámur. Per eúndem Dóminum nostrum. | O Dieu, qui avez voulu que pour nous, votre Fils subît le gibet de la Croix afin de nous arracher à la puissance de l’ennemi, accordez à vos serviteurs de parvenir à la grâce de la résurrection. |
Léctio Isaíæ Prophétæ. | Lecture du Prophète Isaïe. |
Is. 53, 1-12. | |
In diébus illis : Dixit Isaías : Dómine, quis crédidit auditui nostro ? et bráchium Dómini cui revelátum est ? Et ascéndet sicut virgúltum coram eo, et sicut radix de terra sitiénti : non est spécies ei neque decor : et vídimus eum, et non erat aspéctus, et desiderávimus eum : despéctum et novíssimum virórum, virum dolórum, et sciéntem infirmitátem : et quasi abscónditus vultus eius et despéctus, unde nec reputávimus eum. Vere languóres nostros ipse tulit, et dolóres nostros ipse portávit : et nos putávimus eum quasi leprósum, et percússum a Deo, et humiliátum. Ipse autem vulnerátus est propter iniquitátes nostras, attrítus est propter scélera nostra : disciplína pacis nostræ super eum, et livóre eius sanáti sumus. Omnes nos quasi oves errávimus, unusquísque in viam suam declinávit : et pósuit Dóminus in eo iniquitátem ómnium nostrum. Oblátus est, quia ipse vóluit, et non apéruit os suum : sicut ovis ad occisiónem ducátur, et quasi agnus coram tondénte se obmutéscet, et non apériet os suum. De angústia et de iudício sublátus est : generatiónem eius quis enarrábit ? quia abscíssus est de terra vivéntium : propter scelus pópuli mei percússi eum. Et dabit ímpios pro sepultúra, et dívitem pro morte sua : eo quod iniquitátem non fécerit, neque dolus fúerit in ore eius. Et Dóminus vóluit contérere eum in infirmitáte : si posúerit pro peccáto ánimam suam, vidébit semen long.vum, et volúntas Dómini in manu eius dirigátur. Pro eo, quod laborávit ánima eius, vidébit, et saturábitur : in sciéntia sua iustificábit ipse iustus servus meus multos, et iniquitátes eórum ipse portábit. Ideo dispértiam ei plúrimos : et fórtium dívidet spólia, pro eo, quod trádidit in mortem ánimam suam, et cum scelerátis reputátus est : et ipse peccáta multórum tulit, et pro transgressóribus rogávit. | En ces jours-là, Isaïe dit : Qui a cru ce que nous avons entendu, et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé ? Il s’est élevé devant lui comme un frêle arbrisseau ; comme un rejeton gui sort d’une terre desséchée ; il n’avait ni forme ni beauté pour attirer nos regards, ni apparence pour exciter notre amour. Il était méprise et abandonné des hommes, homme de douleurs et familier de la souffrance, comme un objet devant lequel on se voile la face ; en butte au mépris, nous n’en faisions aucun cas. Vraiment c’était nos maladies qu’il portait, et nos douleurs dont il s’était chargé ; et nous, nous le regardions comme un puni, frappé de Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos péchés, broyé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun de nous suivait sa propre voie ; et le Seigneur a fait retomber sur lui l’iniquité de nous tous. On le maltraite, et lui se soumet et n’ouvre pas la bouche, semblable à l’agneau qu’on mène à la tuerie, et à la brebis muette devant ceux qui la tondent ; il n’ouvre point la bouche. l a été enlevé par l’oppression et le jugement, et, parmi ses contemporains, qui a pensé qu’il était retranché de la terre des vivants, que la plaie le frappait à cause des péchés de mon peuple ? On lui a donné son sépulcre avec les méchants, et dans sa mort il est avec le riche, alors qu’il n’a pas commis d’injustice, et qu’il n’y a pas de fraude dans sa bouche. Il a plu au Seigneur de le briser par la souffrance ; mais quand son âme aura offert le sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses jours, et le dessein du Seigneur prospérera dans ses mains. A cause des souffrances de son âme, il verra et se rassasiera. Par sa connaissance le juste, mon Serviteur, justifiera beaucoup d’hommes, et lui-même se chargera de leurs iniquités. C’est pourquoi je lui donnerai sa part parmi les grands ; il partagera le butin avec les forts. Parce qu’il a livré son âme à la mort et qu’il a été compté parmi les malfaiteurs ; et lui-même a porté la faute de beaucoup, et il intercédera pour les pécheurs. |
Tractus. Ps. 101, 2-5 et 14. | Trait |
Dómine, exáudi oratiónem meam, et clamor meus ad te véniat. | Seigneur, écoutez ma prière et que mon cri parvienne jusqu’à vous. |
V/. Ne avértas fáciem tuam a me : in quacúmque die tríbulor, inclína ad me aurem tuam. | V/. Ne me cachez pas votre face au jour de ma détresse ; inclinez vers moi votre oreille. |
V/. In quacúmque die invocávero te, velóciter exáudi me. | V/. Au jour où je vous invoque, vite, exaucez-moi. |
V/. Quia defecérunt sicut fumus dies mei : et ossa mea sicut in frixório confríxa sunt. | V/. Car mes jours se consument en fumée ; mes os brûlent comme un brasier. |
V/. Percússus sum sicut fænum. et áruit cor meum : quia oblítus sum manducáre panem meum. | V/. Comme l’herbe mon cœur se dessèche, j’en oublie de manger mon pain. |
V/. Tu exsúrgens, Dómine, miseréberis Sion : quia venit tempus miseréndi eius. | V/. Dressez-toi, Seigneur, prenez en pitié Sion ; le temps est venu de lui faire grâce. |
Pássio Dómini nostri Iesu Christi secúndum Lucam. | Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ selon saint Luc. |
Luc. 22, 1-71 ; 23, 1-53. | |
In illo témpore : Egréssus Iesus ibat secúndum consuetúdinem in montem Olivárum. Secúti sunt autem illum et discípuli. Et cum pervenísset ad locum, dixit illis : + Oráte, ne intrétis in tentatiónem. C. Et ipse avúlsus est ab eis, quantum iactus est lápidis, et pósitis génibus orábat, dicens : + Pater, si vis, transfer cálicem istum a me : verúmtamen non mea volúntas, sed tua fiat. C. Appáruit autem illi Angelus de cælo, ccnfórtans eum. Et factus in agónia, prolíxius orábat. Et factus est sudor eius, sicut guttæ sánguinis decurréntis in terram. Et cum surrexísset ab oratióne, et venísset ad discípulos suos, invénit eos dormiéntes præ tristítia. Et ait illis : + Quid dormítis ? súrgite, oráte, ne intrétis in tentatiónem. C. Adhuc eo loquénte, ecce turba : et qui vocabátur Iudas, unus de duódecim, antecedébat eos : et appropinquávit Iesu, ut oscularétur eum. Iesus autem dixit illi : + Iuda, ósculo Fílium hóminis tradis ? C. Vidéntes autem hi, qui circa ipsum erant, quod futúrum erat, dixérunt ei : S. Dómine, si percútimus in gladio ? C. Et percússit unus ex illis servum príncipis sacerdótum, et amputávit aurículam eius déxteram. Respóndens autem Iesus, ait : + Sínite usque huc. C. Et cum tetigísset aurículam eius, sanávit eum. Dixit autem Iesus ad eos, qui vénerant ad se, príncipes sacerdótum et magistrátus templi et senióres : + Quasi ad latrónem exístis cum gládiis et fústibus ? Cum cotídie vobíscum fúerim in templo, non extendístis manus in me : sed hæc est hora vestra et potéstas tenebrárum. C. Comprehendéntes autem eum, duxérunt ad domum príncipis sacerdótum : Petrus vero sequebátur a longe. Accénso autem igne in médio átrii, et circumsedéntibus illis, erat Petrus in médio eórum. Quem cum vidísset ancílla quædam sedéntem ad lumen, et eum fuísset intúita, dixit : S. Et hic cum illo erat. C. At ille negávit eum, dicens : S. Múlier, non novi illum. C. Et post pusíllum álius videns eum, dixit : S. Et tu de illis es. C. Petrus vero ait : S. O homo, non sum. C. Et intervállo facto quasi horæ uníus, álius quidam affirmábat, dicens : S. Vere et hic cum illo erat : nam et Galilǽus est. C. Et ait Petrus : S. Homo, néscio, quid dicis. C. Et contínuo adhuc illo loquénte cantávit gallus. Et convérsus Dóminus respéxit Petrum. Et recordátus est Petrus verbi Dómini, sicut díxerat : Quia priúsquam gallus cantet, ter me negábis. Et egréssus foras Petrus flevit amáre. Et viri, qui tenébant illum, illudébant ei, cædéntes. Et velavérunt eum et percutiébant fáciem eius : et interrogábant eum, dicéntes : S. Prophetíza, quis est, qui te percússit ? C. Et alia multa blasphemántes dicébant in eum. Et ut factus est dies, convenérunt senióres plebis et príncipes sacerdótum et scribæ, et duxérunt illum in concílium suum, dicente ? S. Si tu es Christus, dic nobis. C. Et ait illis : + Si vobis díxero, non credétis mihi : si autem et interrogávero, non respondébitis mihi, neque dimítte ti S. Ex hoc autem erit Fílius hóminis sedens a dextris virtútis Dei. C. Dixérunt autem omnes : S. Tu ergo es Fílius Dei ? C. Qui ait : + Vos dicitis, quia ego sum. C. At illi dixérunt : S. Quid adhuc de sider ámus te stimónium ? Ipsi enim audívimus de ore eius. C. Et surgens omnis multitúdo eórum, duxérunt illum ad Pilátum. Coepérunt autem illum accusáre, dicéntes : S. Hunc invénimus subverténtem gentem nostram, et prohibéntem tribúta dare C.sari, et dicéntem se Christum regem esse. C. Pilátus autem interrogávit eum, dicens : S. Tu es Rex Iudæórum ? C. At ille respóndens, ait : + Tu dicis. C. Ait autem Pilátus ad príncipes sacerdótum et turbas : S. Nihil invénio causæ in hoc hómine. C. At illi invalescébant, dicéntes : S. Cómmovet pópulum, docens per univérsam Iudǽam, incípiens a Galilǽa usque huc. C. Pilátus autem áudiens Galilǽam, interrogávit, si homo Galilǽus esset. Et ut cognóvit, quod de Heródis potestáte esset, remísit eum ad Heródem, qui et ipse Ierosólymis erat illis diébus. Heródes autem, viso Iesu, gavísus est valde. Erat enim cúpiens ex multo témpore vidére eum, eo quod audíerat multa de eo, et sperábat signum áliquod vidére ab eo fíeri. Interrogábat autem eum multis sermónibus. At ipse nihil illi respondébat. Stabant autem príncipes sacerdótum et scribæ, constánter accusántes eum. Sprevit autem illum Heródes cum exércitu suo : et illúsit indútum veste alba, et remísit ad Pilátum. Et facti sunt amíci Heródes et Pilátus in ipsa die : nam ántea inimíci erant ad ínvicem. Pilátus autem, convocátis princípibus sacerdótum et magistrátibus et plebe, dixit ad illos : S. Obtulístis mihi hunc hóminem, quasi averténtem pópulum, et ecce, ego coram vobis intérrogans, nullam causam invéni in hómine isto ex his, in quibus eum accusátis. Sed neque Heródes : nam remísi vos ad illum, et ecce, nihil dignum morte actum est ei. Emendátum ergo illum dimíttam. C. Necésse autem habébat dimíttere eis per diem festum, unum. Exclamávit autem simul univérsa turba, dicens : S. Tolle hunc, et dimítte nobis Barábbam. C. Qui erat propter seditiónem quandam fáciam in civitáte et homicídium missus in cárcerem. Iterum autem Pilátus locútus est ad eos, volens dimíttere Iesum. At illi succlamábant, dicéntes : S. Crucifíge, crucifíge eum. C. Ille autem tértio dixit ad illos : S. Quid enim mali fecit iste ? Nullam causam mortis invénio in eo : corrípiam ergo illum et dimíttam. C. At illi instábant vócibus magnis, postulántes, ut crucifigerétur. Et invalescébant voces eórum. Et Pilátus adiudicávit fíeri petitiónem eórum. Dimísit autem illis eum, qui propter homicídium et seditiónem missus fúerat in cárcerem, quem petébant : Iesum vero trádidit voluntáti eórum. Et cum dúcerent eum, apprehendérunt Simónem quendam Cyrenénsem, veniéntem de villa : et imposuérunt illi crucem portáre post Iesum. Sequebátur autem illum multa turba pópuli, et mulíerum, quæ plangébant et lamentabántur eum. Convérsus autem ad illas Iesus dixit : + Filiæ Ierúsalem, nolíte flere super me, sed super vos ipsas flete et super fílios vestros. Quóniam ecce vénient dies, in quibus dicent : Beátæ stériles, et veníres, qui non genuérunt, et úbera, quæ non lactavérunt. Tunc incípient dícere móntibus : Cádite super nos ; et cóllibus : Operíte nos. Quia si in víridi ligno hæc fáciunt, in árido quid fiet ? C. Ducebántur autem et alii duo nequam cum eo, ut interficeréntur. Et postquam venérunt in locum, qui vocátur Calváriæ, ibi crucifixérunt eum : et latrónes, unum a dextris et álterum a sinístris. Iesus autem dicebat : + Pater, dimítte illis : non enim sciunt, quid fáciunt. C. Dividéntes vero vestiménta eius, misérunt sortes. Et stabat pópulus spectans, et deridébant eum príncipes cum eis, dicéntes : S. Alios salvos fecit : se salvum fáciat, si hic est Christus Dei electus. C. Illudébant autem ei et mílites accedéntes, et acétum offeréntes ei, et dicéntes : S. Si tu es Rex Iudæórum, salvum te fac. C. Erat autem et superscríptio scripta super eum lítteris græcis et latínis et hebráicis : Hic est Rex Iudæórum. Unus autem de his, qui pendébant, latrónibus, blasphemábat eum, dicens : S. Si tu es Christus, salvum fac temetípsum, et nos. C. Respóndens autem alter increpábat eum, dicens : S. Neque tu times Deum, quod in eadem damnatióne es. Et nos quidem iuste, nam digna factis recípimus : hic vero nihil mali gessit. C. Et dicebat ad Iesum : S. Dómine, meménto mei, cum véneris in regnum tuum. C. Et dixit illi Iesus : + Amen, dico tibi : Hódie mecum eris in paradíso. C. Erat autem fere hora sexta, et ténebræ factæ sunt in univérsam terram usque in horam nonam. Et obscurátus est sol : et velum templi scissum est médium. Et clamans voce magna Iesus, ait : + Pater, in manus tuas comméndo spíritum meum. C. Et hæc dicens, exspirávit. (Hic genuflectitur, et pausatur aliquántulum) Videns autem centúrio quod factum fúerat, glorificávit Deum, dicens : S. Vere hic homo iustus erat. C. Et omnis turba eórum, qui simul áderant ad spectáculum istud et vidébant, quæ fiébant, percutiéntes péctora sua revertebántur. Stabant autem omnes noti eius a longe, et mulíeres, quæ secútæ eum erant a Galilǽa, hæc vidéntes. | En ce temps-là : Etant sorti, Jésus s’en alla, comme de coutume, vers le mont des Oliviers ; les disciples aussi l’accompagnèrent. Lorsqu’il fut à l’endroit, il leur dit : "Priez afin de ne pas entrer en tentation." Et il s’éloigna d’eux environ d’un jet de pierre ; et, s’étant mis à genoux, il priait, disant : "Père, si vous voulez, détournez de moi ce calice. Cependant, que ce ne soit pas ma volonté, mais la vôtre qui soit faite." Et lui apparut, (venant) du ciel, un ange qui le réconfortait. Et, se trouvant en agonie, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des gouttes de sang, qui tombaient sur la terre. S’étant relevé de (sa) prière, il vint vers les disciples, qu’il trouva plongés dans le sommeil à cause de la tristesse. Et il leur dit : "Pourquoi dormez-vous ? Levez-vous et priez, afin que vous n’entriez point en tentation." Comme il parlait encore, voici (venir) une foule, et le nommé Judas, l’un des Douze, les précédait. Il s’approcha de Jésus pour lui donner un baiser. Et Jésus lui dit : "Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme !" Ceux qui étaient autour de lui, voyant ce qui allait arriver, dirent : "Seigneur, si nous frappions du glaive ?" Et l’un d’eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui emporta l’oreille droite. Jésus répondit : "Laissez (faire) jusque là !" Et touchant l’oreille, il le guérit. Et Jésus dit à ceux qui étaient venus contre lui, grands prêtres, commandants du temple et anciens : "Comme contre un brigand, vous êtes sortis avec des glaives et des bâtons ! Alors que chaque jour j’étais avec vous dans le temple, vous n’avez pas porté les mains sur moi. Mais c’est (maintenant) votre heure et la puissance des Ténèbres." S’étant saisis de lui, ils l’emmenèrent et le firent entrer dans la maison du grand prêtre. Or Pierre suivait de loin. Ayant allumé du feu au milieu de la cour, ils s’assirent autour, et Pierre s’assit parmi eux. Une servante, qui le vit assis près de la flamme, le dévisagea et dit : "Celui-là aussi était avec lui." Mais il nia, en disant : "Femme, je ne le connais point." Un peu après, un autre, l’ayant vu, dit : "Toi aussi, tu en es." Mais Pierre dit : "Homme, je n’en suis point." Et une heure environ s’étant écoulée, un autre affirma avec force : " our sûr, celui-là aussi était avec lui ; aussi bien, il est Galiléen." Pierre dit : "Homme, je ne sais ce que tu dis." Et à l’instant, comme il parlait encore, un coq chanta. Et le Seigneur, s’étant retourné, arrêta son regard sur Pierre, et Pierre se souvint de la parole du Seigneur, comme il lui avait dit : "Avant que le coq ait chanté aujourd’hui, tu me renieras trois fois." Et étant sorti, il pleura amèrement. Et ceux qui le tenaient se moquaient de lui et le frappaient. Et lui ayant voilé (le visage), ils l’interrogeaient, disant : "Prophétise ! Quel est celui qui t’a frappé ?" Et ils proféraient contre lui beaucoup d’autres injures. Quand il fit jour, se réunit le conseil des anciens du peuple, grands prêtres et scribes ; et ils l’amenèrent à leur tribunal. Ils dirent : "Si tu es le Christ, dis-le-nous." Il leur dit : "Si je vous le dis, vous ne le croirez pas ; et si je vous interroge, vous ne répondrez pas. Mais dès maintenant le Fils de l’homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu." Ils dirent tous : "Tu es donc le Fils de Dieu ?" Il leur répondit : "Vous le dites : je le suis." Et ils dirent : "Qu’avons-nous encore besoin de témoignage ? Car nous l’avons nous-mêmes entendu de sa bouche." Alors toute l’assemblée s’étant levée, ils le menèrent à Pilate ; et ils se mirent à l’accuser, en disant : "Nous avons trouvé que cet homme détourne notre nation en l’empêchant de payer les impôts à César et en disant de lui-même qu’il est Christ-roi." Pilate l’interrogea, disant : "Es-tu le roi des Juifs ?" Jésus lui répondit : "Tu le dis." Pilate dit aux grands prêtres et aux foules : "Je ne trouve rien de coupable en cet homme." Mais eux insistaient avec force, disant : "Il soulève le peuple, enseignant par toute la Judée, depuis la Galilée, où il a commencé, jusqu’ici." A ces mots, Pilate demanda si l’homme était Galiléen ; et apprenant qu’il était de la juridiction d’Hérode, il le renvoya à Hérode, qui, lui aussi, était à Jérusalem en ces jours-là. Hérode, en voyant Jésus, se réjouit fort, car depuis longtemps il avait le désir de le voir, pour ce qu’il entendait dire de lui, et il espérait lui voir faire quelque miracle. Il lui adressa beaucoup de questions, mais lui ne répondit rien. Or les grands prêtres et les scribes se trouvaient là, l’accusant avec force. Hérode le traita avec mépris, ainsi que ses hommes d’armes, se moqua de lui et, après l’avoir revêtu d’un vêtement de couleur éclatante, il le renvoya à Pilate. En ce jour même, Hérode et Pilate devinrent amis, eux qui auparavant étaient en inimitié entre eux. Pilate, ayant convoqué les grands prêtres, les chefs et le peuple, leur dit : "Vous m’avez amené cet homme comme détournant le peuple ; or j’ai instruit l’affaire devant vous et je n’ai rien trouvé de coupable en cet homme quant aux choses dont vous l’accusez ; ni Hérode non plus, car il nous l’a renvoyé ; c’est bien qu’il n’a rien fait qui mérite la mort. Je le relâcherai donc après l’avoir fait châtier." Or il était obligé, à chaque fête, de leur relâcher quelqu’un. Mais tous ensemble ils crièrent : "Fais mourir celui-ci, et relâche-nous Barabbas !" lequel était en prison à cause d’une sédition qui avait eu lieu dans la ville et d’un meurtre. Et de nouveau Pilate, qui désirait relâcher Jésus, s’adressa à eux ; mais ils clamaient, disant : "Crucifie ! crucifie-le !" Pour la troisième fois, il leur dit : "Qu’a-t-il donc fait de mal ? Je n’ai rien trouvé en lui qui mérite la mort. Donc, après l’avoir fait châtier, je le relâcherai." Mais ils insistaient avec de grands cris, demandant qu’il fût crucifié, et leurs cris allaient grandissant. Alors Pilate décréta qu’il serait fait selon leur demande. Il relâcha celui qui avait été mis en prison pour sédition et meurtre, qu’ils demandaient, et il livra Jésus à leur volonté. Comme ils l’emmenaient, ils saisirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait de la campagne, et ils le chargèrent de la croix, pour qu’il la portât derrière Jésus. Or, il était suivi d’une grande masse du peuple et de femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur lui. Se tournant vers elles, Jésus dit : "Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants, car voici venir des jours où l’on dira : Heureuses les stériles, et les entrailles qui n’ont point enfanté et les mamelles qui n’ont point allaité ! Alors on se mettra à dire aux montagnes : Tombez sur nous ! et aux collines : Recouvrez-nous ! Car, si l’on traite ainsi le bois vert, qu’en sera-t-il du sec ?" On menait aussi deux autres, des malfaiteurs, pour être exécutés avec lui. Lorsqu’ils furent arrivés au lieu appelé Calvaire, ils l’y crucifièrent, ainsi que les malfaiteurs, l’un à droite, l’autre à gauche. Et Jésus disait : "Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font." Et se partageant ses vêtements, ils les tirèrent au sort. Le peuple se tenait là et regardait. Même les chefs raillaient, disant : "Il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même, s’il est le Christ de Dieu, l’Élu !" Les soldats aussi se moquèrent de lui, s’avançant pour lui présenter du vinaigre, et disant : "Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même !" Il y avait aussi au-dessus de lui une inscription en caractères grecs, latins et hébraïques : "Celui-ci est le roi des Juifs." Or, l’un des malfaiteurs, mis en croix l’injuriait, disant : "N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même et sauve-nous !" Mais l’autre le reprenait, disant : "Tu n’as pas même la crainte de Dieu, toi qui subis la même condamnation ! Pour nous, c’est justice, car nous recevons ce que méritent les choses que nous avons faites ; mais lui n’a rien fait de mal." Et il dit : "Jésus, souvenez-vous de moi, quand vous reviendrez avec votre royauté." Et il lui dit : "Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis." Il était alors environ la sixième heure, et il se fit des ténèbres sur la terre entière jusqu’à la neuvième heure, le soleil s’étant éclipsé, et le voile du sanctuaire se fendit par le milieu. Et Jésus clama d’une voix forte : "Père, je remets mon esprit entre vos mains." Et, ce disant, il expira. (Ici, on fléchit le genou, et on fait une pause.)Le centurion, ayant vu ce qui s’était passé, glorifia Dieu, disant : "Réellement, cet homme était un juste." Et toutes les foules rassemblées à ce spectacle, après voir regardé ce qui s’était passé, s’en retournaient en se frappant la poitrine. Tous ceux de sa connaissance se tenaient à distance, ainsi que les femmes qui l’avaient suivi depuis la Galilée, pour voir (tout) cela. |
Et ecce, vir nómine Ioseph, qui erat decúrio, vir bonus et iustus : hic non consénserat consílio et áctibus eórum, ab Arimathǽa civitáte Iudǽæ, qui exspectábat et ipse regnum Dei. Hic accéssit ad Pilátum et pétiit corpus Iesu : et depósitum invólvit síndone, et pósuit eum in monuménto excíso, in quo nondum quisquam pósitus fúerat. | Et alors un homme, nommé Joseph, qui était membre du conseil, homme bon et juste, il n’avait donné son assentiment à leur résolution ni à leur acte, d’Arimathie, ville juive, qui attendait le royaume de Dieu, cet (homme) alla trouver Pilate pour lui demander le corps de Jésus ; il le descendit, l’enveloppa d’un linceul, et le déposa dans un sépulcre taillé dans le roc, où personne n’avait encore été mis. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 101, 2-3. | Offertoire |
Dómine, exáudi oratiónem meam, et clamor meus ad te pervéniat : ne avértas fáciem tuam a me. | Seigneur, écoutez ma prière et que mon cri parvienne jusqu’à vous : Ne me cachez pas votre face. |
Secreta. | Secrète |
Súscipe, quǽsumus, Dómine, munus oblátum, et dignánter operáre : ut, quod passiónis Fílii tui, Dómini nostri, mystério gérimus, piis afféctibus consequámur. Per eúndem Dóminum. | Accueillez, Seigneur, l’offrande que nous vous présentons, et, dans votre bienveillance, faites-nous obtenir, par notre ferveur, ce que nous célébrons en ces mystères de la passion de votre Fils, notre Seigneur. |
Præfatio de sancta Cruce. | Préface de la sainte Croix . |
Ant. ad Communionem. Ps. 101,10, 1 et 14. | Communion |
Potum meum cum fletu temperábam : quia élevans allisísti me : et ego sicut fænum árui : tu autem, Dómine, in ætérnum pérmanes : tu exsúrgens miseréberis Sion, quia venit tempus miseréndi eius. | J’avale mes larmes avec mon pain, car vous m’avez soulevé et jeté au loin. Je me dessèche comme l’herbe, mais vous, Seigneur, vous trônez à jamais. Dressez-vous, Seigneur, prenez en pitié Sion ; le temps est venu de lui faire grâce. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Largíre sénsibus nostris, omnípotens Deus : ut, per temporálem Fílii tui mortem, quam mystéria veneránda testántur, vitam te nobis dedísse perpétuam confidámus. Per eúndem Dóminum. | Dieu tout-puissant, donnez-nous de croire en toute assurance que par la mort temporelle de votre Fils, dont témoignent ces augustes mystères, vous nous avez donné la vie éternelle. Par le même Jésus-Christ votre Fils, notre Seigneur. |
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo. | Sur le peuple : Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu. |
Oratio. | Prière |
Réspice, quǽsumus, Dómine, super hanc famíliam tuam, pro qua Dóminus noster Iesus Christus non dubitávit mánibus tradi nocéntium, et Crucis subíre torméntum : Qui tecum vivit et regnat in unitáte Spíritus Sancti Deus : per ómnia sǽcula sæculórum. | Jetez les yeux, Seigneur, sur votre famille que voici, pour laquelle notre Seigneur Jésus-Christ n’a pas hésité à se livrer aux mains des méchants et à subir la torture de la croix. |
A MATINES
Invitatorium | Invitatoire |
Hódie, si vocem Dómini audiéritis, * Nolíte obduráre corda vestra. | Aujourd’hui si vous entendez la voix du Seigneur, * N’endurcissez pas vos cœurs. |
Pange, Lingua, gloriósi (matines de la Passion)
Lectio i | 1ère leçon |
De Ieremía Propheta | |
Cap. 17, 13-18 | |
Exspectátio Israël, Dómine : omnes, qui te derelinquunt, confundéntur : recedéntes a te, in terra scribéntur : quóniam dereliquérunt venam aquárum vivéntium Dóminum. Sana me, Dómine, et sanábor : salvum me fac, et salvus ero : quóniam laus mea tu es. Ecce ipsi dicunt ad me : Ubi est verbum Dómini ? véniat. Et ego non sum turbátus, te pastórem sequens : et diem hóminis non desiderávi, tu scis. Quod egressum est de lábiis meis, rectum in conspéctu tuo fuit. Non sis tu mihi formidini, spes mea tu in die afflictiónis. Confundántur qui me persequúntur, et non confúndar ego : paveant illi, et non paveam ego : induc super eos diem afflictiónis, et duplici contritióne cóntere eos. | Seigneur, attente d’Israël : tous ceux qui vous abandonnent seront confondus ; ceux qui se retirent de vous seront écrits sur la terre [1], parce qu’ils ont abandonné la source des eaux vives, le Seigneur. Guérissez-moi, Seigneur, et je serai guéri ; sauvez-moi, et je serai sauvé ; parce que ma louange, c’est vous. Voilà qu’eux-mêmes me disent : Où est la parole du Seigneur ? qu’elle vienne. Et moi je n’ai pas été troublé, en vous suivant comme pasteur ; et le jour d’un homme, je ne l’ai pas désiré, vous le savez [2]. Ce qui est sorti de mes lèvres a été juste en votre présence. Ne me soyez pas à effroi ; mon espoir, c’est vous, au jour de l’affliction. Qu’ils soient confondus, ceux qui me persécutent, et que je ne sois pas confondu moi-même ; qu’ils tremblent de peur, eux, et que je n’en tremble pas moi même ; amenez sur eux un jour d’affliction, et d’un double brisement, brisez-les. |
R/. Locúti sunt advérsum me lingua dolósa, et sermónibus ódii circumdedérunt me : pro eo ut me dilígerent, detrahébant mihi : * Ego autem orábam, et exaudísti me, Dómine, Deus meus. | R/. Ils ont parlé contre moi [3] avec une langue trompeuse, et ils m’ont environné de discours de haine : au lieu de m’aimer, ils disaient du mal de moi : * Mais moi, je priais, et vous m’avez exaucé, Seigneur mon Dieu. |
V/. Et posuérunt advérsum me mala pro bonis, et ódium pro dilectióne mea. | V/. Ils m’ont rendu des maux pour des biens et de la haine pour mon amour. |
R/. Ego autem orábam, et exaudísti me, Dómine, Deus meus. | R/. Mais moi, je priais, et vous m’avez exaucé, Seigneur mon Dieu. |
Lectio ii | 2e leçon |
Cap. 18, 13-18 | |
Quis audívit tália horribília, quæ fecit nimis virgo Israël ? Numquid defíciet de petra agri nix Líbani ? aut evelli possunt aquæ erumpéntes frígidæ, et defluéntes ? Quia oblítus est mei pópulus meus, frustra libántes, et impingéntes in viis suis, in sémitis sæculi, ut ambulárent per eas in itinere non trito : ut fieret terra eórum in desolatiónem, et in síbilum sempitérnum : omnis qui præteríerit per eam obstupescet, et movébit caput suum. Sicut ventus urens dispérgam eos coram inimico : dorsum, et non fáciem osténdam eis in die perditiónis eórum. Et dixérunt : Veníte et cogitémus contra Ieremíam cogitatiónes : non enim períbit lex a sacerdote, neque consílium a sapiénte, nec sermo a prophéta : veníte, et percutiámus eum lingua, et non attendámus ad univérsos sermónes eius. | Qui a jamais ouï des choses horribles, telles que celles qu’a commises à l’excès la vierge d’Israël [4] ? Est-ce que la neige du Liban abandonnera le rocher de la campagne ? Ou peuvent-elles être détruites, des eaux jaillissantes, fraîches et coulantes [5] ? Parce que mon peuple m’a oublié, sans en retirer aucun fruit, faisant des libations et se heurtant dans leurs voies, dans les sentiers du siècle, afin d’y marcher dans un chemin non frayé ; afin que leur terre fût livrée à la désolation et à un sifflement [6] éternel ; quiconque passera à travers cette terre, sera dans la stupeur, et secouera sa tête. Comme un vent brûlant, je les dissiperai devant l’ennemi ; je leur tournerai le dos et non la face, au jour de leur perte [7]. Et ils ont dit : Venez, et formons contre Jérémie des desseins ; car la loi ne manquera pas au prêtre, ni le conseil au sage, ni la parole au prophète [8] ; venez, blessons-le de notre langue, et n’ayons égard à aucun de ses discours. |
R/. Dixérunt ímpii apud se, non recte cogitántes : Circumveniámus iustum, quóniam contrarius est opéribus nostris : promittit se sciéntiam Dei habere, Fílium Dei se nóminat, et gloriátur patrem se habére Deum : * Videámus si sermónes illíus veri sunt : et si est vere Fílius Dei, líberet eum de mánibus nostris : morte turpíssima condemnémus eum. | R/. Les impies ont dit [9], pensant faussement en eux-mêmes : Circonvenons le juste, parce qu’il est contraire à nos œuvres : il se vante d’avoir la science de Dieu, il se nomme le Fils de Dieu, et il se glorifie d’avoir pour père, Dieu : * Voyons si ses paroles sont véritables : et s’il est le vrai Fils de Dieu, il le délivrera de nos mains : condamnons-le à la mort la plus honteuse. |
V/. Tamquam nugaces æstimáti sumus ab illo, et ábstinet se a viis nostris tamquam ab immunditiis : et præfert novíssima iustórum. | V/. Nous sommes estimés par lui frivoles, il s’abstient de nos voies comme de souillures : il préfère les derniers moments des justes. |
R/. Videámus si sermónes illíus veri sunt : et si est vere Fílius Dei, líberet eum de mánibus nostris : morte turpíssima condemnémus eum. | R/. Voyons si ses paroles sont véritables : et s’il est le vrai Fils de Dieu, il le délivrera de nos mains : condamnons-le à la mort la plus honteuse. |
Lectio iii | 3e leçon |
Cap. 18, 19-23 | |
Atténde, Dómine, ad me, et audi vocem adversariórum meórum. Numquid redditur pro bono malum, quia fodérunt fóveam ánimæ meæ ? Recordare quod stéterim in conspéctu tuo, ut loquerer pro eis bonum, et avérterem indignatiónem tuam ab eis. Proptérea da fílios eórum in famem, et deduc eos in manus gládii : fiant uxores eórum absque líberis, et víduæ : et viri eárum interficiántur morte : iúvenes eórum confodiántur gládio in prælio. Audiátur clamor de dómibus eórum : adduces enim super eos latrónem repénte : quia fodérunt fóveam ut cáperent me, et láqueos abscondérunt pédibus meis. Tu autem, Dómine, scis omne consílium eórum advérsum me in mortem : ne propitiéris iniquitáti eórum, et peccátum eórum a fácie tua non deleátur : fiant corruéntes in conspéctu tuo, in témpore furoris tui abútere eis. | Seigneur, portez votre attention sur moi, et entendez la voix de mes adversaires. Est-ce que pour le bien est rendu le mal, puisqu’ils ont creusé une fosse à mon âme [10] ? Souvenez-vous que je me suis tenu en votre présence, afin de parler en leur faveur, et afin de détourner votre indignation d’eux. A cause de cela, livrez leurs fils à la faim, et conduisez-les aux mains du glaive ; que leurs femmes deviennent sans enfants et veuves ; que leurs maris soient mis à la mort ; que les jeunes hommes soient percés par le glaive dans le combat. Qu’un cri soit entendu de leurs maisons ; car vous amènerez soudain sur eux un voleur [11], parce qu’ils ont creusé une fosse afin de me prendre, et qu’ils ont caché des lacs sous mes pieds. Mais vous, Seigneur, vous connaissez tout leur dessein de mort contre moi ; ne soyez pas propice à leur iniquité, et que leur péché ne s’efface pas de votre face ; qu’ils soient renversés en votre présence : au temps de votre fureur, consumez-les. |
R/. Circumdedérunt me viri mendáces : sine causa flagellis cecidérunt me : * Sed tu, Dómine defensor, víndica me. | R/. Des hommes menteurs m’ont environné : sans motif, ils m’ont frappé de fouets : * Mais vous, Seigneur, qui êtes mon défenseur, vengez-moi. |
V/. Quóniam tribulátio próxima est, et non est qui ádiuvet. | V/. Parce que la tribulation [12] est proche, et il n’y a personne qui porte secours. |
R/. Sed tu, Dómine defensor, víndica me.R/. Circumdedérunt me viri mendáces : sine causa flagellis cecidérunt me : Sed tu, Dómine defensor, víndica me. | R/. Mais vous, Seigneur, qui êtes mon défenseur, vengez-moi.R/. Des hommes menteurs m’ont environné : sans motif, ils m’ont frappé de fouets : Mais vous, Seigneur, qui êtes mon défenseur, vengez-moi. |
A LAUDES
Ant. 1 Líbera me * de sanguínibus, Deus, Deus meus : et exsultábit lingua mea iustítiam tuam. | Ant. 1 Délivrez-moi * d’un sang versé, ô Dieu, mon Dieu : et ma langue publiera avec joie votre justice [13]. |
Ant. 2 Contumélias * et terróres passum sum ab eis : et Dóminus mecum est tamquam bellátor fortis. | Ant. 2 Des outrages * et des frayeurs, j’ai souffert de leur part : mais le Seigneur est avec moi comme un guerrier vaillant [14]. |
Ant. 3 Tu autem, Dómine, * scis omne consílium eórum advérsum me in mortem. | Ant. 3 Quant à vous, Seigneur, * vous connaissez entièrement le dessein qu’ils ont formé contre moi en vue de ma mort [15]. |
Ant. 4 Omnes inimíci mei * audiérunt malum meum : Dómine, lætáti sunt, quóniam tu fecísti. | Ant. 4 Tous mes ennemis * ont appris mon malheur : Seigneur ils se sont réjouis, parce que c’est vous qui l’avez fait [16]. |
Ant. 5 Fac, Dómine, * iudícium iniúriam patiéntibus : et vias peccatórum dispérde. | Ant. 5 Faites, Seigneur, * justice à ceux qui souffrent l’injure : et ruinez entièrement les machinations des pécheurs [17]. |
Lustra sex (laudes de la Passion)
Ad Bened. Ant. Simon, dormis ? * non potuísti una hora vigiláre mecum ? | Ant. au Bénédictus Simon, tu dors ? * tu n’as pu veiller une heure avec moi [18] ? |
AUX VÊPRES
Vexílla Regis (vêpres de la Passion)
Ad Magnificat Ant. Ancílla dixit * Petro : Vere tu ex illis es : nam et loquéla tua maniféstum te facit. | Ant. au Magnificat Une servante dit * à Pierre : Certainement, toi aussi, tu es de ces gens-là : car ton langage le révèle [19]. |
Aujourd’hui les princes des prêtres et les anciens du peuple se sont réunis dans une des salles du Temple, pour délibérer une dernière fois sur les moyens de se défaire de Jésus On a discuté divers projets. Est-il prudent de mettre la main sur lui, en ce moment où la fête de Pâques retient dans la ville tant d’étrangers qui ne connaissent le Nazaréen que par l’ovation solennelle dont il a été l’objet il y a seulement trois jours ? Parmi les habitants de Jérusalem, n’en est-il pas aussi un grand nombre qui ont applaudi à ce triomphe, et dont l’enthousiasme pour Jésus serait à redouter ? Non : il ne faut pas songer, pour le moment, aux mesures violentes : une sédition pourrait éclater au milieu même des solennités de la Pâque. Ceux qui en auraient été les moteurs seraient aisément compromis vis-à-vis de Ponce-Pilate, et ils auraient à craindre peut-être la vengeance du peuple. Il vaut donc mieux laisser passer la fête, et chercher quelque moyen de se saisir sans bruit de la personne de Jésus.
Mais ces hommes de sang se faisaient illusion en croyant retarder au gré de leur politique la mort du juste. Ils ajournaient un meurtre ; mais les décrets divins qui, de toute éternité, ont préparé un sacrifice pour le salut du genre humain, ont fixé précisément ce sacrifice à cette même fête de Pâques que la trompette sacrée doit annoncer dès demain dans la ville sainte. Assez longtemps l’agneau mystérieux a été offert en figure de l’Agneau véritable ; elle va s’ouvrir, cette Pâque qui doit voir les ombres s’évanouir devant la réalité ; et le sang rédempteur versé par la main des pontifes aveuglés va se mêler à celui de ces victimes grossières que Dieu n’agréera plus désormais. Le sacerdoce judaïque se portera tout à l’heure à lui-même le coup de la mort, en immolant celui dont le sang doit abroger l’ancienne alliance et sceller pour jamais la nouvelle.
Mais comment les ennemis du Sauveur se mettront-ils en possession de l’auguste victime que convoitent leurs désirs sanguinaires, eux qui veulent éviter l’éclat et le bruit ? Ils ont compté sans la trahison ; mais voici que la trahison vient à leur secours. Un disciple du Sauveur demande à être introduit près d’eux ; il a une proposition a leur l’aire : « Que me donnerez-vous, leur dit-il, et je vous le livrerai ? » Quelle joie pour ces misérables ! Ils sont docteurs de la loi, et ils ne se souviennent pas du Psaume CVIIIe, dans lequel David a prédit toutes les circonstances de cet infâme marché ; ni de l’oracle de Jérémie, qui va jusqu’à exprimer le prix de trente pièces d’argent comme la rançon du Juste. Cette même somme, Judas vient la leur demander ; ils la lui comptent sur l’heure. Tout est convenu. Demain Jésus sera dans Jérusalem ; il fera la Pâque. Sur le soir, il se rendra, selon son habitude, dans un jardin situé sur le penchant de la montagne des Oliviers. Mais, au milieu des ténèbres de la nuit, comment les gens chargés de l’arrêter le distingueront-ils de ses disciples ? Judas a tout prévu. Les soldats pourront en toute sûreté mettre la main sur celui auquel il aura donné un baiser.
Tel est l’horrible forfait qui s’accomplit aujourd’hui à l’ombre du Temple de Jérusalem. Pour en témoigner son exécration, et pour faire amende honorable au Fils de Dieu si indignement outragé par ce pacte monstrueux, la sainte Église, dès les premiers siècles, a consacré le jour du Mercredi à la pénitence. En nos temps encore, la sainte Quarantaine s’ouvre par un Mercredi ; et lorsque l’Église, quatre fois dans l’année, nous impose les jeûnes qui marquent chaque saison, le Mercredi est l’un des trois jours que nous devons consacrer à la mortification de notre corps.
Aujourd’hui avait lieu, dans l’Église Romaine, le sixième Scrutin pour l’admission des catéchumènes au baptême. On recevait, s’ils en étaient dignes, ceux sur lesquels on n’avait pas encore prononcé définitivement. A la Messe, il y avait deux lectures tirées des Prophètes, comme au jour du grand Scrutin, le Mercredi de la quatrième Semaine de Carême. Les catéchumènes sortaient de l’église comme à l’ordinaire, après l’Évangile ; mais lorsque le Sacrifice était terminé, ils étaient introduits de nouveau par le Portier, et l’un des Prêtres leur disait ces paroles : « Samedi prochain, veille de la Pâque, à telle heure, vous vous réunirez dans la Basilique de Latran, pour le septième Scrutin ; ensuite pour rendre le Symbole que vous devez avoir appris ; enfin pour recevoir, par le secours de Dieu, le bain sacré de la régénération. Préparez-vous-y avec zèle et humilité dans les jeûnes et les prières continuelles, afin que, ayant été ensevelis, par ce saint baptême, avec Jésus-Christ, vous ressuscitiez avec lui pour la vie éternelle. Amen. »
A Rome, la Station a lieu aujourd’hui dans la Basilique de Sainte-Marie-Majeure. Compatissons aux douleurs de notre Mère, dont le cœur éprouve de si cruelles angoisses dans l’attente du sacrifice qui se prépare.
A LA MESSE.
La sainte Église débute dans l’Introït par la glorification du saint Nom de Jésus, si outragé aujourd’hui par les hommes infâmes qui le prononcent avec tant de haine, dans l’odieux complot qu’ils ourdissent contre celui auquel il fut imposé, par ordre du ciel, pour annoncer notre salut. Ce Nom béni signifie Sauveur ; nous voici dans les jours où il doit recevoir toute sa signification.
Dans la première Collecte, l’Église confesse que ses enfants ont péché ; mais elle représente au Seigneur la Passion qu’a soufferte pour eux son Fils unique, et elle se laisse aller à l’espérance.
Lecture.
Qu’il est terrible ce libérateur qui foule ses ennemis sous ses pieds, comme les grappes du pressoir, au point que ses vêtements sont teints de leur sang ! Mais n’est-ce pas aujourd’hui qu’il importe de relever et d’exalter la vigueur de son bras, aujourd’hui qu’il est abreuvé d’humiliations, que ses ennemis, par le plus ignoble de tous les marchés, l’ont acheté d’un de ses disciples ? Il ne sera pas toujours dans l’abaissement ; il se relèvera bientôt, et la terre apprendra quelle est sa puissance, à la vue des châtiments dont il accablera ceux qui ont osé le fouler aux pieds. Jérusalem s’apprête à lapider ceux qui prêcheront en son nom ; elle sera la plus cruelle des marâtres pour ces vrais Israélites qui, dociles aux enseignements des Prophètes, ont reconnu dans Jésus tous les caractères du Messie. La Synagogue tentera d’étouffer l’Église dans son berceau ; mais à peine l’Église, secouant la poussière de ses pieds contre Jérusalem, se sera tournée vers les nations, que, semblable à une tempête, la vengeance du Christ viendra fondre sur la ville qui l’a acheté, qui l’a trahi, qui l’a crucifié. C’est alors que le sang du Juif coulera par torrents, à ce point que, dans une des rues de Jérusalem que dévorait l’incendie, il lutta avec la flamme et l’arrêta. Nous savons cet affreux détail par l’historien juif Josèphe, témoin oculaire du désastre de sa patrie. C’est ainsi que le Seigneur se vengera d’un peuple parricide, au jour où s’accompliront les menaces qu’il proférait avant-hier sur la montagne des Oliviers, en vue de la cité ingrate et perfide.
Et cependant la ruine de Jérusalem n’a été que la figure de cette autre ruine à laquelle le monde coupable est destiné, lorsque le divin vengeur que nous entendons contredire et bafouer tous les jours, reparaîtra sur les nuées du ciel pour rétablir son honneur outragé. Présentement il se laisse livrer, conspuer et méconnaître ; mais lorsque « le temps de racheter les siens sera venu, le jour de vengeance qu’appellent les désirs du juste », heureux ceux qui l’auront connu, qui auront compati à ses abaissements et à ses douleurs ! Malheur à ceux qui n’auront vu en lui qu’un homme ! Malheur à ceux qui, non contents de secouer son joug pour eux-mêmes, lui auront enlevé l’empire sur les autres ! Car il est Roi ; et il est venu en ce monde pour régner, et ceux qui auront repoussé sa clémence ne pourront fuir sa justice.
Le Graduel qui suit cette sublime lecture d’Isaïe est un cri de détresse que le Messie fait entendre par la bouche de David.
Dans la seconde Collecte, la sainte Église rappelle encore au Père céleste le supplice que son Fils a daigné endurer pour nous affranchir du joug de notre ennemi infernal, et demande que nous ayons part à la résurrection glorieuse de ce divin Médiateur.
ÉPÎTRE.
C’est encore Isaïe que nous entendons dans cette prophétie ; mais ce n’est plus le poète sublime qui chantait tout à l’heure les vengeances de l’Emmanuel. Le fils d’Amos soupire sur le ton de l’élégie les angoisses de l’Homme-Dieu, « du dernier des hommes, de l’homme de douleurs et voué à la souffrance ». C’est bien ici que le plus éloquent des Prophètes mérite d’être appelé le cinquième Évangéliste, comme parlent les Pères. Ne résume-t-il pas par avance le récit de la Passion, en nous montrant le Fils de Dieu « semblable à un lépreux, à un homme frappé de Dieu et humilié sous ses coups » ? Mais nous, à qui la sainte Église lit ces pages inspirées, et qui voyons se réunir l’Ancien et le Nouveau Testament pour nous donner tous les traits de la Victime universelle, comment reconnaîtrons-nous l’amour que Jésus nous témoigne en assumant sur lui seul toutes les vengeances que nous avions méritées ?
« Nous avons été guéris par ses meurtrissures. » O médecin céleste, qui prend sur lui les maladies de ceux qu’il veut guérir ! Mais il n’a pas seulement été « meurtri » pour nous ; il a encore été égorgé comme l’agneau à la boucherie. Mais peut-être n’a-t-il fait que se soumettre à l’inflexible justice du Père, a qui a mis sur lui l’iniquité de nous tous » ? Écoutez le Prophète : « S’il a été sacrifié, c’est parce que lui-même l’a voulu. » Son amour pour nous est égal à sa soumission envers son Père. Voyez comme il se garde de parler devant Pilate, qui pourrait d’un seul mot l’arracher à ses ennemis. « Il demeure dans le silence, sans ouvrir la bouche, semblable à l’agneau devant celui qui le tond. » Adorons ce divin silence qui nous sauve ; recueillons tous ces détails d’un dévouement que l’homme n’eut jamais pour l’homme, et qui ne pouvait se rencontrer que dans le cœur d’un Dieu. Comme il nous aime, nous « sa race », les fils de son sang, le salaire de son sacrifice ! Église sainte, postérité de Jésus mourant, tu lui es chère ; il t’a achetée d’un grand prix, et il se complaît en toi. Ames fidèles, rendez-lui amour pour amour ; âmes pécheresses, redevenez fidèles, puisez la vie dans son sang, et souvenez-vous que si « nous nous étions tous égarés comme des brebis errantes », le Seigneur « a mis sur lui l’iniquité de nous tous ». Il n’est pas de pécheur si coupable, pas de païen, pas d’infidèle, qui n’ait sa part dans ce sang précieux, dont la vertu infinie est telle qu’elle pourrait racheter des millions de mondes plus criminels encore que le nôtre.
Le Trait qui fait suite à cette Lecture est formé de quelques versets du Psaume CIe, dans lequel David exprime les souffrances de la nature humaine dans le Christ, au milieu des délaissements qu’il éprouve.
PASSION.
La sainte Église commence ensuite le récit de la Passion selon saint Luc. Cet Évangéliste donne un grand nombre de détails que les deux premiers avaient omis de rapporter ; avec son aide, nous pénétrons toujours plus avant dans le divin mystère des douleurs et du sacrifice de l’Homme-Dieu.
C’est encore la voix suppliante du Christ que l’on entend, à l’Offertoire, implorer le secours divin, et demander au Père céleste qu’il daigne ne pas détourner son visage de son propre Fils, qui est en proie à toutes les douleurs du corps et de l’âme.
Dans la Secrète, l’Église demande que nous ayons un sincère amour pour le divin Mystère dans lequel la Passion du Sauveur est retracée chaque jour.
Pour Antienne de la Communion, l’Église prend encore quelques versets de ce même Psaume CIe, qu’elle a employé au Trait et à l’Offertoire.
La mort du Fils de Dieu pour nous doit nous être sans cesse un motif de confiance en la divine miséricorde. Cette confiance est un des premiers éléments de notre salut. La sainte Église la demande pour nous dans la Postcommunion.
L’OFFICE DES TÉNÈBRES.
Aujourd’hui et les deux jours suivants, l’Église anticipe à la veille l’Office de nuit du lendemain, afin de donner au peuple chrétien une plus grande facilité d’y prendre part. Les Matines et Laudes du Jeudi saint seront donc célébrées aujourd’hui dans les heures de l’après-midi. Les fidèles doivent s’empresser d’assister à ce solennel office, autant que leurs occupations le leur permettent, puisque c’est pour eux-mêmes que l’Église en intervertit les heures. Quant au mérite de cette pieuse assistance, on ne saurait douter qu’il ne surpasse celui de toute pratique de dévotion privée. Le plus sûr moyen d’arriver au cœur de Dieu sera toujours d’employer l’intermédiaire de son Église ; et quant aux saintes impressions qui peuvent nous aider à pénétrer dans les mystères de ces trois grandes journées, celles que l’on puise dans les divins Offices sont, pour l’ordinaire, plus fortes et plus sûres que celles que l’on chercherait dans les livres humains. Nourrie de la méditation des paroles et des rites de la sainte Liturgie, l’âme chrétienne profitera doublement des exercices et des lectures auxquels elle ne manquera pas de se livrer en son particulier. La prière de l’Église sera donc la base sur laquelle s’élèvera tout l’édifice de la piété chrétienne, en ces sublimes anniversaires : par là nous imiterons nos pères qui, dans les siècles de foi, furent si profondément chrétiens, parce qu’ils vivaient de la vie de l’Église par la sainte Liturgie.
Pour terminer cette journée, nous empruntons à l’Église Grecque les strophes suivantes, qui se rapportent aux mystères du Mercredi saint.
In Parasceve.
Aujourd’hui Judas a quitté son Maître pour se faire le disciple du diable ; la passion de l’argent l’a aveuglé ; ébloui par la lumière, il est tombé. Peut-on dire qu’il avait encore l’usage de la vue, celui qui a vendu pour trente pièces d’argent la Lumière du monde ? Mais celui qui a souffert pour le monde s’est levé sur nous comme un soleil. Crions vers lui et disons : Vous qui avez eu compassion des hommes, et avez souffert pour eux, gloire à vous !
Qui t’a porté, Judas, à trahir le Sauveur ? T’a-t-il retranché du collège des Apôtres ? T’a-t-il privé du don de guérir les maladies. Dans la cène qu’il faisait avec les autres, t’a-t-il chassé de la table ? Quand il a lavé les pieds des autres, a-t-il négligé les tiens ? Que de bienfaits envers toi ! Et tu les as tous oubliés. Ton ingrat complot t’a rendu infâme. Son incomparable patience, son immense miséricorde sont connues de tous.
Hommes injustes, dites, qu’avez-vous entendu de la bouche de notre Sauveur ? N’a-t-il pas exposé la Loi et les enseignements des Prophètes ? Pourquoi donc ce Verbe, qui est de Dieu et qui vient racheter nos âmes, voulez-vous le livrer à Pilate ?
Ceux-là mêmes, ô Christ, qui avaient été comblés de vos continuelles faveurs, criaient : Qu’il soit crucifié ! Ces meurtriers des justes demandaient que celui qui avait fait le bien fût traité comme un malfaiteur : mais vous gardiez le silence, et vous supportiez leur méchanceté ; vous vouliez souffrir et nous sauver, ô ami des hommes.
Nos péchés nombreux nous enlèvent la hardiesse de parler ; mais vous, Vierge Mère de Dieu, suppliez pour nous celui qui est né de vous. La prière d’une mère a un grand pouvoir sur la clémence du Seigneur. Ne méprisez pas l’humble demande des pécheurs, ô très chaste ! Car il est miséricordieux et puissant pour sauver, celui qui est allé jusqu’à souffrir pour nous.
Nous ajouterons cette belle Préface du Missel Ambrosien, qui exprime d’une manière si touchante les sentiments que doit éprouver le chrétien en cette veille de la Cène du Seigneur.
PRÉFACE. | |
Dignum et justum est, æquum et salutare, nos tibi semper hic et ubique gratias agere, Domine sancte, Pater omnipotens, æterne Deus, per Christum Dominum nostrum, qui innocens pro impiis voluit pati, et pro sceleratis indebite condemnari. Cujus mors delicta nostra detersit, et resurrectio Paradisi fores nobis reseravit. Per quem tuam pietatem suppliciter exoramus : ut nos hodie a peccatis emacules ; cras vero venerabilis Cœnæ dapibus saties ; hodie acceptes nostrorum confessionem delictorum : cras vero tribuas spiritualium incrementa donorum ; hodie jejuniorum nostrorum vota suscipias : cras vero nos ad sanctissimæ Cœnæ convivium introducas. Per eumdem Christum Dominum nostrum. Amen. | Il est digne et juste, équitable et salutaire, que nous vous rendions grâces, sans cesse, ici et en tout lieu, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, par Jésus-Christ notre Seigneur qui a daigné souffrir, quoique innocent, pour les impies, et être injustement condamné pour les coupables. C’est sa mort qui a effacé nos péchés, et sa résurrection qui nous a ouvert les portes du Paradis. C’est en son nom que nous supplions votre miséricorde de nous purifier aujourd’hui de la tache de nos péchés, et demain de nous rassasier du mets sacré de l’auguste Cène. Acceptez aujourd’hui la confession de nos fautes : demain accordez-nous l’accroissement des dons spirituels. Aujourd’hui vous recevez le sacrifice de nos jeûnes : demain introduisez-nous dans la salle du divin festin. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. |
Quand, à l’époque de saint Léon le Grand, chaque férie quadragésimale n’avait pas encore sa liturgie eucharistique, ce mercredi de la Semaine sainte était pourtant sûrement sanctifié par la messe stationnale, puisque nous avons toute une série d’homélies du grand pontife prononcées in feria IV hebdomadæ maioris où, en présence du peuple romain, il revient au développement de l’ample thème de la passion du Seigneur, demeuré interrompu le dimanche précédent. C’est donc la preuve que, du dimanche à la IVe férie, il n’y avait aucune autre synaxe intermédiaire ; bien plus, à l’origine, la station du mercredi saint elle-même devait probablement être aliturgique, c’est-à-dire sans consécration, comme le vendredi saint, puisque, de longs siècles durant, les Ordines Romani ont gardé la trace de cette discipline primitive. Ils prescrivent en effet que la IVe férie de la grande semaine, lors de l’assemblée générale du clergé de la Ville et des environs au Latran le matin, et donc avant la synaxe sur l’Esquilin, l’on ne récite rien d’autre que la solennelle prière litanique, maintenant en usage le vendredi saint exclusivement. La consécration eucharistique était réservée à la station du soir dans la basilique Libérienne.
Durant les plus insignes semaines du cycle liturgique à Rome, il était de règle que l’assemblée du mercredi se tînt à Sainte-Marie-Majeure, comme pour s’assurer la protection de la Vierge avant d’entreprendre une chose de particulière importance. Dans le cas qui nous occupe en ce moment, il s’agit de mettre sous le patronage de Marie les nouveaux aspirants au baptême pascal ; qui donc mieux qu’elle, la bonne Mère, pourrait les protéger, elle qui, au jour de la parascève, sera constituée mère des miséricordes et avocate du genre humain ?
L’antienne d’introït est empruntée à saint Paul : « Dans le ciel comme sur la terre et dans l’enfer même, qu’au nom de Jésus ploie tout genou, car le Seigneur, s’étant rendu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix, fut élevé à la gloire du Père. »
A la veille de la Passion, l’Église veut nous confirmer dans la foi par ce splendide cantique triomphal, afin que demain, voyant Jésus crucifié entre deux voleurs, nous nous souvenions que c’est précisément par son obéissance et son humiliation qu’il a mérité le triomphe de la résurrection et la destruction du règne de Satan.
On supplie le Seigneur, dans la collecte, que, par les mérites de la passion de son Fils béni, il nous fasse échapper aux châtiments que nous n’avons que trop mérités par nos péchés.
On ne peut rien faire de plus agréable à Dieu que de lui présenter les mérites de la passion de Jésus, puisque c’est justement dans son Fils unique qu’il prend toutes ses complaisances ; et, par égard pour lui, il ne sait rien refuser.
Aujourd’hui, comme autrefois, aux jours les plus solennels qui, de préférence aux autres, ont conservé des traces de la discipline liturgique primitive, nous avons une double lecture prophétique. Dans le passage qui suit la collecte (Is. LXII, 11, LXIII, 1-7) le fils d’Amos décrit Jésus qui, avec ses vêtements teints de sang, prend une terrible revanche sur les ennemis de notre âme. Sa passion cache en effet un mystère d’humilité ineffable et de terrible puissance, et les humiliations et les tourments qu’il accepta pour notre amour sont précisément les armes avec lesquelles Il écrasa l’orgueil humain, la sensualité, et réduisit à rien la puissance de Satan.
Après la lecture vient le répons, tiré du psaume 68, où sont décrites les angoisses du Cœur de Jésus durant sa passion : « Ne détourne pas ton visage de ton serviteur. » Le Sauveur s’était chargé du péché des hommes, et s’était, par suite, assujetti à la peine de l’abandon de la part de Dieu qui détourne avec justice son visage du pécheur coupable. C’est ce dur martyre qui correspond en quelque sorte à la peine du dam qui tourmente les damnés dans l’enfer. — « Écoute-moi vite, parce que je suis affligé. Sauve-moi, ô Seigneur, parce que les flots sont montés jusqu’à mon âme », — c’est-à-dire le péché qui a rempli d’amertume l’intime de mon âme, en sorte que je suis en proie à la plus terrible désolation, sans que son union hypostatique avec la personne du Verbe procure le moindre soulagement à la partie inférieure de mon âme. « Je tombai dans un gouffre fangeux — l’iniquité du monde entier — et je ne trouvai aucun soutien. » Cet abandon dont Jésus se plaignit sur la croix ne doit pas être entendu dans un sens absolu, puisque, même durant sa déchirante agonie sur le gibet d’infamie, l’âme bénie du Rédempteur était bienheureuse dans la claire vision de Dieu ; mais il doit être pris dans un sens relatif, en tant que Dieu, pour abandonner son Fils unique en proie aux souffrances, décida que cette béatitude de l’âme ne rejaillirait pas sur le corps.
La collecte suit, et, au souvenir de la passion du Seigneur, associe non sans beauté celui de la résurrection. Nous devons croire en effet que Jésus-Christ unit, en une seule personne, la nature divine et la nature humaine, sans aucune confusion, mais au contraire avec une parfaite distinction des propriétés. C’est donc comme homme qu’il pâtit et qu’il meurt ; pourtant son humanité, étant unie hypostatiquement à la Divinité, ne peut se corrompre dans le tombeau, mais elle doit recevoir la plus splendide glorification en ressuscitant, premier-né entre tous les morts, bien plus, cause et prototype de notre universelle résurrection : « O Dieu qui, pour nous soustraire au pouvoir de l’ennemi, avez voulu que votre Fils montât sur le gibet de la croix, accordez à vos serviteurs de pouvoir obtenir les fruits de sa résurrection. »
Ces fruits de résurrection sont la résurrection spirituelle des âmes au moyen de la grâce, et ensuite leur définitif salut dans la gloire. Sans ces fruits, la passion de Jésus-Christ demeurerait stérile, comme le dit l’Apôtre : Ergo gratis Christus mortuus est ? L’on comprend donc bien comment la résurrection fait partie intégrante du concept de la passion, et c’est pourquoi la liturgie ne sépare jamais ces deux souvenirs sacrés, qui s’éclairent et se complètent réciproquement.
La lecture suivante (Is., LIII, 1-12) est appelée avec raison le Protévangile, parce que le Voyant de Juda y contemple, plusieurs siècles avant leur réalisation, les humiliations et les douleurs subies par Jésus durant sa passion, et il en décrit les moindres détails. Le titre caractéristique qui est ici attribué au Messie est celui de serviteur de Dieu ; en effet, de même que, par le péché, l’homme avait tenté de se soustraire à l’empire de Dieu, ainsi le Rédempteur, pour expier cette rébellion, dut se consacrer entièrement à accomplir la volonté du Père. Jésus est de Dieu, écrit saint Paul : Christus autem Dei. Il est de Dieu, et comme Fils, et comme serviteur ; bien plus, comme victime. Les droits divins sur Jésus s’affirment donc d’une manière absolue et parfaite, surtout au moyen de l’union hypostatique du Verbe avec la nature humaine du Sauveur ; en vertu de cette union, l’humanité de Jésus est parfaitement de Dieu.
Ce titre de Serviteur de Dieu est mieux expliqué par le Prophète dans tout le passage qu’on lit aujourd’hui à la messe. Il s’agit d’un aspect nouveau et spécial sous lequel le Messie se présente à nous. Son règne devra être assurément glorieux et triomphant, mais les commencements seront humbles ; et, avant que Jésus n’entre dans sa propre gloire, il sera nécessaire qu’il souffre beaucoup et soit cloué à la croix.
Mais pourquoi le Serviteur de Dieu doit-il souffrir ? Le Prophète répond : « Il a pris sur lui nos maux et nos péchés ; le Seigneur l’a chargé de nos fautes et nous sommes guéris grâce à ses plaies. Il meurt sans se plaindre, il sera enseveli parmi les impies et son tombeau s’élèvera entre ceux des puissants. Mais grâce à son sacrifice spontané, le Seigneur lui accordera une postérité innombrable, et lui, par sa parole, il conduira un grand nombre à la justice. »
Le répons suivant a été détaché du psaume 101, et il décrit les sentiments de Jésus dans sa suprême agonie, sentiments de douleur et d’humiliation, mais de parfaite confiance en Dieu qui, au moment voulu, se lèvera à son aide et le ressuscitera : « Seigneur, écoutez ma prière, que mon cri arrive jusqu’à vous. Ne détournez pas de moi votre face ; écoutez-moi chaque fois que je suis dans la tribulation. Au jour où je nous invoque, hâtez-vous de m’exaucer, car mes jours s’évanouissent comme la fumée, et mes os sont brûlés comme par une grande flamme. J’ai été abattu comme l’herbe, mon cœur s’est desséché, en sorte que j’ai oublié de manger mon pain. Vous vous lèverez bien pourtant pour compatir à Sion, car il est temps d’en avoir pitié, le moment en est venu. » Avec quel tremblement et quel respect ne devons-nous pas méditer dans le Psautier ces sentiments de Jésus crucifié ! Ce livre sacré de la prière est le meilleur commentaire du saint Évangile, puisque alors que les évangélistes s’occupent de préférence à décrire la vie extérieure et l’enseignement du Sauveur, le psalmiste nous dépeint les sentiments intimes de son cœur.
Aujourd’hui on lit la Passion du Seigneur selon saint Luc (XXII, 1-71 et XXIII, 1-53) qui reflète mieux que tout autre la prédication évangélique de saint Paul, avec lequel il s’accorde même dans les termes de la formule de l’institution eucharistique.
La citation d’Isaïe faite par Jésus lors de la dernière Cène : Et cum iniquis deputatus est, se rapporte au passage lu précédemment, qui reçoit de la sorte une signification authentiquement messianique. On s’explique que les apôtres aient apporté des épées en montant au Cénacle, si l’on tient compte de la coutume des Galiléens, qui avaient en horreur les habitants de la Judée, à ce point qu’ils montaient armés à Jérusalem, pour y célébrer la solennité pascale. Et que les apôtres eux-mêmes ne portassent pas l’épée en vertu d’une simple formalité, on le vit par la suite dans le jardin de Gethsémani, où un ordre de Jésus dût intervenir pour faire remettre l’arme au fourreau. L’Église n’entend pas vaincre en tuant, mais en se laissant tuer.
Sur la route du Golgotha, Jésus réconforte les pieuses femmes qui pleurent sur son supplice, et il les avertit que leur dévotion à sa passion ne doit pas s’arrêter à une sentimentalité stérile, mais servir à corriger leur vie. Celui qui s’afflige, en effet, de la mort du Seigneur, doit arracher et déraciner le péché de son propre cœur, car c’est le péché qui a été le bourreau de Jésus. Si in viridi ligna haec faciunt, in arido quid fiet ? C’est-à-dire, si la divine justice est si rigoureuse pour punir le péché sur son propre Fils innocent, que ne fera-t-elle pas sur le pécheur obstiné, quand, au moment du dernier jugement, le temps sera passé de la miséricorde, et commencera celui de la sainte et terrible justice ?
Après la mort de Jésus, Joseph d’Arimathie et Nicodème paraissent, et, en un moment, quand les apôtres eux-mêmes se cachent, ces deux hommes qui jusqu’alors avaient été timides et n’avaient pas osé trop se compromettre dans la cause de Jésus, sortent à l’improviste de leur réserve, affrontent sans crainte l’opinion publique et sont les premiers à rendre au Crucifié l’hommage de leur dévouement.
Il ne faut jamais juger trop défavorablement notre prochain. La grâce gouverne les cœurs, et, en un instant, peut les transformer conformément à ses desseins.
L’antienne pour l’offertoire vient du psaume 101 : « Seigneur, — quoique la multitude des fautes du genre humain, dont je me suis généreusement chargé, me rende indigne de ton regard. — accueille ma prière, et que mon cri arrive jusqu’à toi, enfonçant, pour ainsi dire, la muraille de bronze que le péché a dressée entre toi et l’humanité prévaricatrice. »
Dans la prière d’introduction à l’anaphore eucharistique, nous demandons à Dieu d’agréer nos dons, et de faire que, grâce à l’amour de notre cœur, nous puissions obtenir les effets de la passion de son divin Fils, que nous célébrons dans le mystère eucharistique.
L’antienne pour la communion est prise elle aussi du psaume 101 : « Je mêlai mes larmes avec mon breuvage, puisque tu ne m’as pas soulevé pour me broyer. » — Dans la passion, la divinité soutenait la sainte humanité de Jésus pour la rendre plus capable de souffrir. — « J’ai séché comme l’herbe, alors que toi tu es éternel. Mais toi, Seigneur, tu te lèveras un jour, certainement, et tu auras pitié de Sion, parce que le temps est venu d’avoir pitié d’elle. » — Oui, le Seigneur se lèvera pour défendre Jésus, et ce sera à l’aurore de la solennité pascale. Alors il guérira toutes les plaies de son Christ, il l’enivrera de joie dans les splendeurs d’une vie nouvelle. Sion participera à un si grand bien, parce que la résurrection ne concerne pas exclusivement le Christ, mais s’étend à tout son corps mystique.
Dans la collecte d’action de grâces, nous prions le Seigneur afin que la passion et la mort de Jésus, que nous commémorons par le mystère de l’autel, répande dans notre âme la ferme espérance que Lui, un jour, nous donnera dans le ciel la vie éternelle. — La mort de Jésus est une source de vie. Voilà la plus splendide réalisation de cette prophétie d’Osée : O mors, ero mors tua ! morsus tuus ero, inferne. C’eût été trop peu que de se montrer supérieur à la mort en n’y succombant pas. Jésus a voulu en triompher plus complètement et, pour cela, en mourant Il enchaîne la mort et Satan au pied de la croix, afin que sa mort soit pour l’humanité le principe et la source d’une vie indéfectible.
La bénédiction de congé au peuple est si belle, que l’Église se sert de cette collecte pour terminer, durant les trois jours suivants, toutes les Heures de l’Office divin : « Regardez, Seigneur, votre famille, pour laquelle notre Seigneur Jésus-Christ n’a pas hésité à se livrer aux mains des bourreaux et à subir le tourment du crucifiement. » Il n’y a rien qui attendrisse davantage le Père et l’émeuve de miséricorde envers nous, que le souvenir de la passion de son Fils unique, et par-dessus tout l’immense charité avec laquelle Il nous a aimés.
Toute la théologie catholique se résume dans le Crucifix. Il est la raison intime de tous les autres mystères de la foi, puisque c’est en Jésus que Dieu nous a aimés et prédestinés à la gloire. Le Crucifix est l’abrégé des œuvres de Dieu et le chef-d’œuvre de son amour. Il s’y complaît tant — et vidit cuncta quae fecerat et erant valde bona — qu’il ne peut se l’entendre rappeler, qu’il ne peut même en contempler l’image, sans être tout ému de pitié envers nous. Avec quelle dévotion par conséquent, ne devons-nous pas contempler nous aussi Jésus crucifié, et présenter au Père ses douleurs et ses mérites pour voiler nos propres péchés !
Judas, le misérable.
L’Église nous fait lire aujourd’hui, comme déjà au temps du pape saint Léon 1er (+461), la Passion selon saint Luc. Les antiennes, au lever et au coucher du soleil, nous parlent de saint Pierre. L’Église rappelle, en ce jour, comme d’ailleurs chaque mercredi, la trahison de Judas.
Le matin, nous chantons : « Simon, tu dors ? Ne peux-tu pas veiller une heure avec moi ? » (Laudes — ces paroles conviennent bien à cette heure matinale). Le soir, nous chantons : « La servante dit à Pierre : Assurément tu es l’un d’entre eux, car ton langage même te fait reconnaître ».
1. La Messe (In nomine). — L’église de station est aujourd’hui Sainte-Marie Majeure, une des plus grandes églises de Rome. — Cette circonstance et le fait que la messe a trois leçons nous prouvent que c’est une messe très ancienne. L’église de station a-t-elle exercé une influence sur le choix des leçons ? Saint Luc, l’évangéliste de la Passion d’aujourd’hui, aurait été un peintre qui fit le portrait de la Mère de Dieu. Ce qui est certain, c’est qu’aucun évangéliste ne nous a laissé une aussi belle image de la Sainte Vierge. Rappelons-nous l’histoire de l’enfance du Seigneur. De même, le Prophète de la naissance virginale du Christ, Isaïe, prend deux fois la parole. Nous avons donc un triptyque : au milieu, la Mère de Dieu et, de chaque côté, Isaïe et saint Luc. Ce triptyque résume la messe.
Cette fois encore, la messe commence solennellement : le royaume de Dieu, dans ses trois états, est en adoration devant le Seigneur obéissant jusqu’à la mort de la Croix. Devant lui, se prosternent l’Église triomphante, l’Église militante et l’Église souffrante. Mais l’Église le voit déjà dans sa gloire à la droite de son Père. Aujourd’hui encore, un chant directeur se fait entendre à travers toute la messe. On retrouve, dans quatre chants, le psaume 101. C’est un nouveau signe de l’antiquité de cette messe. Nous connaissons déjà ce psaume, qui est un des psaumes de pénitence. Récitons-le en entier. Dans notre messe, le psaume est mis dans la bouche du Christ, auquel s’unit la communauté. Remarquons, dans l’Introït, le contraste entre l’antienne et le psaume. Dans l’antienne, nous voyons le Seigneur dans la gloire du Père ; le psaume nous montre le Christ obéissant jusqu’à la mort de la Croix, le Christ humilié. A la Communion, nous établissons une relation entre le psaume et le breuvage eucharistique : « Je mêle les larmes à mon breuvage, parce que tu m’as soulevé et jeté au loin... » Les deux leçons nous donnent les plus belles prophéties d’Isaïe sur la Passion. La première nous parle du divin vendangeur. « Quel est celui-là qui vient d’Édom, de Bosra, en habits écarlates ? Il est magnifique dans son vêtement, brillant de force. C’est moi (Le Messie), qui promets la justice, qui ne punis que pour sauver. Mais pourquoi ton vêtement est-il rouge, et pourquoi tes habits sont-ils comme les vêtements de ceux qui pressent la vendange dans le pressoir ? Au pressoir, j’ai foulé seul et, parmi les peuples, personne n’a été avec moi. J’ai pressé les peuples dans ma colère et je les ai piétinés dans ma fureur. Mais leur sang a jailli sur mes habits et j’ai souillé tout mon vêtement ». Le Christ, dans sa Passion, a pressé pour nous le vin eucharistique.
La seconde leçon est particulièrement saisissante. Elle nous décrit l’« homme des douleurs » que Dieu a chargé de tous nos péchés. « Il était méprisé, le dernier des hommes, un homme de douleurs et familier de la souffrance ; son visage était comme voilé et méprisé, aussi nous ne l’avons pas considéré. Il a véritablement porté nos maladies et il s’est chargé de nos douleurs. Nous le regardions comme un lépreux, comme un homme frappé par Dieu et humilié. Mais lui a été blessé à cause de nos iniquités, il a été broyé à cause de nos péchés. Le châtiment qui donne la paix a été sur lui et c’est par ses meurtrissures que nous avons été guéris. Nous étions tous errants comme des brebis ; chacun de nous suivait sa propre voie. Le Seigneur a fait retomber sur lui toutes nos iniquités. Il a été sacrifié parce qu’il l’a voulu ; il n’a pas ouvert la bouche : comme une brebis, il sera mené à la tuerie et, comme un agneau devant celui qui le tond, il restera silencieux et n’ouvrira pas la bouche ».
La Passion est extraite de l’Évangile de l’amour miséricordieux. Nous y rencontrons des scènes particulièrement touchantes, par exemple : la promesse du Christ au bon larron. A la Postcommunion, nous entendons, pour la première fois, la vénérable oraison qui nous accompagnera pendant tout le saint triduum : « Jette un regard, nous t’en prions, Seigneur, sur ta famille pour laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ n’a pas hésité à se livrer aux mains des pécheurs et à souffrir le tourment de la Croix ».
2. L’Office des Heures est tout rempli, lui aussi, des plaintes du Christ. Remarquons que les psaumes du mercredi, surtout aux petites Heures, sont très tristes. Ils s’adaptent parfaitement aux sentiments du jour. Par exemple, le psaume 54 (à tierce) est une plainte du Christ sur la trahison de Judas.
Si c’était un ennemi qui m’eût outragé,
Je l’aurais supporté facilement,
Si c’était un adversaire qui se fût élevé contre moi,
Je me serais caché devant lui.
Mais toi, un autre moi-même,
Mon ami et mon confident,
Toi, qui t’asseyais à ma table
Et mangeais de doux aliments,
Nous allions d’un commun accord à la maison… »
Dans les leçons, le Prophète Jérémie prend de nouveau la parole :
« Tous ceux qui t’abandonnent périssent ; ceux qui se séparent de toi seront écrits sur le sable, car ils ont abandonné la source d’eau vive, le Seigneur. Guéris-moi, Seigneur, et je serai guéri... car tu es ma louange... Que mes persécuteurs soient confondus et que je ne le sois pas moi-même ! Qu’ils tremblent et que je ne tremble pas ! Amène sur eux le jour du malheur, et abats-les d’un double châtiment. »
« Prête-moi l’oreille, Seigneur, et entends ta voix de mes adversaires. Rend-on le mal pour le bien, puisqu’ils creusent une fosse pour mon âme ? Souviens-toi que je me suis tenu devant toi pour te parler en leur faveur et pour détourner d’eux ta colère ».
L’Église aime placer ces paroles dans la bouche du Seigneur. Les Répons sont aussi des plaintes du Christ souffrant.
« Les hommes trompeurs m’ont environné et ils me flagellent sans motif ;
Mais toi, Seigneur, tu es mon avocat, protège-moi.
Grande est ma détresse et il n’y a personne pour m’aider. »
3. Les matines du Jeudi Saint. — Ce soir, nous célébrons le premier office de Ténèbres. Les matines du Jeudi Saint sont la première partie de la trilogie, le prologue du grand drame. La pensée dominante est : la Passion du Christ dans l’âme du Sauveur, dans ses causes et dans ses conséquences : a) Chez les Juifs, la mort de Jésus est désormais résolue ; b) Judas trahit son Maître ; on parle justement beaucoup de Judas, aujourd’hui ; c) L’agonie du jardin des Oliviers est la Passion complète de Jésus dans son âme et dans sa volonté ; d) L’institution de l’Eucharistie rend présente la Passion du Christ.
L’action se passe au soir du premier Jeudi-Saint. Cependant, il ne faut pas considérer cette action comme celle d’un drame ordinaire où l’on suit l’ordre du temps. Ici, les pensées jaillissent avec une liberté spontanée pour revenir toujours au même point. Les images de la Passion du Seigneur, même celles des jours suivants, apparaissent sans se préoccuper de l’ordre chronologique. C’est comme une mosaïque de prières dont l’unité est constituée par la Passion du Christ en général et les événements du soir du Jeudi Saint en particulier.
Les psaumes. — D’ordinaire, pour les matines festivales, comme d’ailleurs pour les matines des deux jours suivants, on choisit les psaumes, c’est-à-dire que, dans le trésor des 150 psaumes, on prend ceux qui sont le plus adaptés aux pensées et aux sentiments de la fête. Ce n’est pas le cas dans les matines d’aujourd’hui ; mais on récite, à la suite, les psaumes 68 à 76 (les anciennes matines fériales allaient jusqu’au psaume 67 ; c’est pourquoi on commençait celles du jeudi par le psaume 68). Tous ces psaumes ne se rapportent pas aux pensées de la Passion. Cela donne à ces matines une faiblesse qui est peut-être voulue, car ces matines sont l’introduction de la trilogie. Mais cela fait qu’elles sont un peu moins intéressantes et, quand on n’est pas très habitué à la liturgie, on a de la peine à ramener les psaumes aux pensées du jour.
Les Lamentations ont déjà été examinées. Nous y entendons, sous la figure de Jérusalem, l’épouse infidèle, les plaintes de l’humanité coupable qui déplore la souillure du péché et le châtiment mérité. C’est ainsi que nous comprenons aujourd’hui le premier nocturne de ces trois jours. Dans l’office de prière, nous entendons les plaintes du Seigneur souffrant ; dans l’office de lecture, l’humanité se frappe la poitrine et dit : Voilà ce qu’il souffre pour moi !
Les Répons de l’Office de Ténèbres sont, dans leur simplicité, d’une beauté et d’une poésie incomparables. Ce sont eux qui donnent aux matines leur caractère dramatique et assurent l’unité de l’action. Aux matines du Jeudi Saint, ils présentent même un certain ordre et une certaine gradation. Au premier nocturne, il s’agit de l’agonie du Christ au jardin des Oliviers ; au second nocturne, il est question de Judas ; au troisième nocturne, on parle du sommeil des Apôtres et des plans meurtriers des Juifs. Le dernier répons, aux matines des trois jours, donne la situation au moment où l’action atteint son paroxysme.
Pendant les trois jours, Jérémie prend la parole au premier nocturne, saint Augustin au second, saint Paul au troisième. Y a-t-il là une intention ? Jérémie est la figure du Messie souffrant et personne n’a éprouvé aussi fortement que saint Paul et saint Augustin l’effet de la Passion du Christ dans la grâce de la conversion.
Quand nous considérons tout l’ensemble des matines, nous découvrons une assez grande unité.
La veille du Jeudi Saint.
I. Le plus grand espace est occupé par l’agonie au jardin des Oliviers. La plupart des psaumes : 63, 69, 70, 76 peuvent s’y rapporter.
2. La dernière Cène est représentée dans la Neuvième leçon ; de même, dans le psaume 71.
3. Quelques scènes du soir :
— a) Judas : les répons 4, 5, 6, 8.
— b) Le sommeil des Apôtres : rép. 8.
— c) Les ennemis : rép. 9.
4. Enfin, la Passion de Jésus en général : Psaumes 72,73, 74, 75. Sixième leçon.
Passages classiques : avant tout, les répons. Le psaume 68 et la huitième leçon sont d’une grande beauté. Les lamentations sont sublimes.
[1] « Les saints seront inscrits dans les Cieux, mais les impies sur la terre, c’est-à dire que leur nom périra, car ce qui est écrit sur la poussière est bientôt effacé par le vent ou foulé aux pieds. » (Corn. a Lap.).
[2] « Je n’ai pas désiré une plus longue vie, ni aucune prospérité de ce monde. »(Saint Jérôme).
[3] Ps. 108, 2.
[4] « L’épithète de vierge est donnée à Israël parce qu’il servait un seul Dieu, selon le mot du Prophète : Dieu s’est fait connaître dans la Judée, son nom est grand dans Israël. » (Ps. 75, 2). (Saint Jérôme).
[5] « Le sens de ce verset est : Tandis que le reste des créatures conserve l’ordre de la nature, mon peuple m’a oublié : et cependant la neige devrait plutôt manquer sur le Liban, et les rivières se dessécher, que mon peuple m’oublier, à cause des bienfaits incessants que je répands sur lui. » (Corn. a Lap.).
[6] Sifflement, c’est-à-dire mépris.
[7] François Lucas et d’autres auteurs donnent à ce texte un sens symbolique et le rapportent au Christ en croix que les Juifs crucifièrent la face regardant l’Occident, en sorte qu’il tournait le dos à Jérusalem et à la Judée.
[8] D’après Théodoret, c’est comme s’ils disaient : Tuons-le, sans quoi il ne cessera de nous enseigner la loi, nous reprochant de ne pas l’observer, parce qu’il est Prêtre ; de nous donner des conseils, parce qu’il est sage ; de nous prédire des maux, parce qu’il est Prophète.
[9] Sap. 2, 1.
[10] Ils ont creusé une fosse, comme on fait pour prendre les bêtes sauvages en les y faisant tomber.
[11] « Ce voleur qui vient soudain peut s’entendre de la mort, pour les impies. » (Corn. a Lap.).
[12] Ps. 21, 12.
[13] Ps. 50, 16.
[14] Jer. 20, 10.
[15] Jer. 18, 23.
[16] Lam. 1, 21.
[17] Ps. 145, 7 & 9.
[18] Marc. 14, 37.
[19] Matth. 26, 73.