Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
La Station est à Saint Chrysogone au Transtevere. Sous le maître-autel de cette église, l’une des 25 paroisses de Rome au Ve siècle, repose le corps du saint martyr, victime de la persécution de Dioclétien. Son nom est cité au Canon de la messe. L’Église unit de la sorte le souvenir de ce Martyr à celui de la Passion de Jésus. L’Épitre et l’Évangile, dont le choix été déterminé par le fait que la Station se tenait pour la 3e fois dans le quartier des Juifs au delà du Tibre, opposent la soumission des païens à la grâce de Dieu à l’insoumission des Juifs.
Ant. ad Introitum. Ps. 55, 2. | Introït |
Miserére mihi, Dómine, quóniam conculcávit me homo : tota die bellans tribulávit me. | Ayez pitié de moi, Seigneur, car l’homme m’a foulé aux pieds ; m’attaquant tout le jour, il m’a tourmenté. |
Ps. ibid., 3. | |
Conculcavérunt me inimíci mei tota die : quóniam multi bellántes advérsum me. | Mes ennemis m’ont foulé aux pieds tout le jour ; car il y en a beaucoup qui me font la guerre. |
Oratio. | Collecte |
Sanctífica, quǽsumus, Dómine, nostra ieiúnia : et cunctárum nobis indulgéntiam propítius largíre culpárum. Per Dóminum. | Nous vous en prions, Seigneur, sanctifiez nos jeûnes, et accordez-nous, dans votre bonté, le pardon de toutes nos fautes. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ. |
Léctio Ionæ Prophétæ. | Lecture du Prophète Jonas. |
Ionæ 3, 1-10. | |
In diébus illis : Factum est verbum Dómini ad Ionam Prophétam secúndo, dicens : Surge, et vade in Níniven civitátem magnam : et prǽdica in ea prædicatiónem, quam ego loquor ad te. Et surréxit Ionas, et ábiit in Níniven iuxta verbum Dómini. Et Nínive erat civitas magna itínere trium diérum. Et cœpit Ionas introíre in civitátem itínere diéi uníus : et clamávit et dixit : Adhuc quadragínta dies, et Nínive subvertétur. Et credidérunt viri Ninivítæ in Deum : et prædicavérunt ieiúnium, et vestíti sunt saccis a maiore usque ad minórem. Et pervénit verbum ad regem Nínive : et surréxit de sólio suo, et abiécit vestiméntum suum a se, et indútus est sacco, et sedit in cínere. Et clamávit et dixit in Nínive ex ore regis et príncipum eius, dicens : Hómines et iuménta et boves et pécora non gustent quidquam : nec pascántur, et aquam non bibant. Et operiántur saccis hómines et iuménta, et clament ad Dóminum in fortitúdine, et convertátur vir a via sua mala, et ab iniquitáte, quæ est in mánibus eórum. Quis scit, si convertátur et ignóscat Deus : et revertátur a furóre iræ suæ, et non períbimus ? Et vidit Deus ópera eórum, quia convérsi sunt de via sua mala : et misértus est pópulo suo Dóminus, Deus noster. | En ces Jours-là, la parole du Seigneur fut adressée une seconde fois à Jonas, en ces termes : Lève-toi, et va à Ninive, la grande ville, et prêches-y la prédication que je t’ordonne. Jonas se leva et alla à Ninive, selon la parole du Seigneur ; or Ninive était une grande ville, de trois jours de marche. Et Jonas commença à entrer dans la ville pendant un jour de marche ; et il cria, en disant : Encore quarante jours, et Ninive sera détruite. Les Ninivites crurent à Dieu ; ils publièrent un jeûne et se couvrirent de sacs, depuis le plus grand jusqu’au plus petit. La chose parvint au roi de Ninive ; et il se leva de son trône, ôta son vêtement, se couvrit d’un sac, et s’assit sur la cendre. Il fit crier et publier dans Ninive cet ordre, comme venant de la bouche du roi et de ses princes : Que les hommes et les bêtes, les bœufs et les brebis ne goûtent rien ; qu’ils ne paissent point, et ne boivent pas d’eau. Que les hommes et les bêtes soient couverts de sacs, et qu’ils crient au Seigneur avec force ; et que chacun revienne de sa voie mauvaise, et de l’iniquité qui est dans ses mains. Qui sait si Dieu ne se retournera pas pour pardonner, s’il n’apaisera pas la fureur de sa colère, de sorte que nous ne périssions pas ? Dieu vit leurs œuvres, II vit qu’ils étalent revenus de leur voie mauvaise ; et le Seigneur Dieu eut pitié de son peuple. |
Graduale. Ps. 53,4 et 3. | Graduel |
Deus, exáudi oratiónem meam : áuribus pércipe verba oris mei. | Ô Dieu, exaucez ma prière ; prêtez l’oreille aux paroles de ma bouche. |
V/. Deus, in nómine tuo salvum me fac, et in virtúte tua líbera me. | Ô Dieu, sauvez-moi par votre nom, et par votre puissance, délivrez-moi. |
Tractus. Ps. 102, 10. | Trait. |
Dómine, non secúndum peccáta nostra, quæ fécimus nos : neque secúndum iniquitátes nostras retríbuas nobis. | Seigneur, ne nous traitez pas selon nos péchés, et ne nous punissez pas selon nos iniquités. |
V/.Ps. 78, 8-9. Dómine, ne memíneris iniquitátum nostrarum antiquarum : cito antícipent nos misericórdiæ tuæ, quia páuperes facti sumus nimis. | Seigneur, ne vous souvenez plus de nos anciennes iniquités ; que vos miséricordes viennent en hâte au-devant de nous, car nous sommes réduits à la dernière misère. |
(Hic genuflectitur) V/. Adiuva nos, Deus, salutáris noster : et propter glóriam nóminis tui, Dómine, libera nos : et propítius esto peccátis nostris, propter nomen tuum. | On se met à genoux V/. Aidez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et pour la gloire de votre nom, Seigneur, délivrez-nous et pardonnez-nous nos péchés, à cause de votre nom. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Ioánnem. | Lecture du Saint Evangile selon saint Jean. |
Ioann. 7, 32-39. | |
In illo témpore : Misérunt príncipes et pharisǽi minístros, ut apprehénderent Iesum. Dixit ergo eis Iesus : Adhuc módicum tempus vobíscum sum : et vado ad eum, qui me misit. Quærétis me, et non inveniétis : et ubi ego sum, vos non potéstis veníre. Dixérunt ergo Iudǽi ad semetípsos : Quo hic itúrus est, quia non inveniémus eum ? numquid in dispersiónem géntium itúrus est, et doctúrus gentes ? Quis est hic sermo, quem dixit : Quærétis me, et non inveniétis : et ubi sum ego, vos non potéstis veníre In novíssimo autem die magno festivitátis stabat Iesus, et clamábat, dicens : Siquis sitit, véniat ad me et bibat. Qui credit in me, sicut dicit Scriptúra, flúmina de ventre eius fluent aquæ vivæ. Hoc autem dixit de Spíritu, quem acceptúri erant credéntes in eum. | En ce temps-là les Princes et les Pharisiens envoyèrent des agents pour arrêter Jésus. Jésus leur dit donc : Je suis encore avec vous pour un peu de temps, puis je m’en vais à celui qui m’a envoyé. Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas ; et là où je serai, vous ne pouvez venir. Les Juifs dirent donc entre eux : Où ira-t-il, que nous ne le trouverons pas ? Ira-t-il vers ceux qui sont dispersés parmi les Gentils, et instruira-t-il les Gentils ? Que signifie cette parole qu’il a dite : Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas, et là où je serai, vous ne pouvez venir ? Le dernier Jour, qui est le plus grand de la fête, Jésus se tenait debout, et criait, en disant : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croît en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture. Il dit cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croyaient en lui. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 6, 5. | Offertoire |
Dómine, convértere, et éripe ánimam meam : salvum me fac propter misericórdiam tuam. | Revenez, Seigneur, et délivrez mon âme : sauvez-moi à cause de votre miséricorde. |
Secreta. | Secrète |
Concéde nobis, Dómine, Deus noster : ut hæc hóstia salutáris et nostrórum fiat purgátio delictórum, et tuæ propitiátio maiestátis. Per Dóminum. | Accordez-nous, Seigneur notre Dieu, que cette hostie salutaire nous purifie de nos fautes et nous rende propice votre majesté. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ. |
Præfatio de sancta Cruce. | Préface de la sainte Croix . |
Ant. ad Communionem. Ps. 23, 10. | Communion |
Dóminus virtútum ipse est Rex glóriæ. | Le Seigneur des armées est lui-même le roi de gloire. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Sacraménti tui, quǽsumus, Dómine, participátio salutáris, et purificatiónem nobis tríbuat, et medélam. Per Dóminum. | Nous vous en supplions, Seigneur, que la participation salutaire à votre sacrement opère notre purification et nous soit un remède. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ. |
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo. | Sur le peuple : Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu. |
Oratio. | Prière |
Da, quǽsumus, Dómine, pópulo tuo salútem mentis et córporis : ut, bonis opéribus inhæréndo, tua semper mereátur protectióne deféndi. Per Dóminum. | Donnez, s’il vous plaît, à votre peuple, ô Seigneur, le salut de l’âme et du corps, afin qu’en s’attachant à la pratique des bonnes œuvres, il mérite d’être toujours défendu par votre protection. Par Notre-Seigneur. |
A MATINES
Invitatorium | Invitatoire |
Hódie, si vocem Dómini audiéritis, * Nolíte obduráre corda vestra. | Aujourd’hui si vous entendez la voix du Seigneur, * N’endurcissez pas vos cœurs. |
Pange, Lingua, gloriósi (matines de la Passion)
Lectio i | 1ère leçon |
Léctio sancti Evangélii secúndum Ioánnem | Lecture du saint Évangile selon saint Jean |
Cap. 7, 32-39 | |
In illo témpore : Misérunt príncipes et pharisǽi minístros, ut apprehendérunt Iesum. Et réliqua. | En ce temps-là les Princes et les Pharisiens envoyèrent des agents pour arrêter Jésus. Et le reste. [1] |
Homilía sancti Augustíni Epíscopi | Homélie de S. Augustin, Évêque |
Tract. 31 in Ioannem, circa medium | |
Quómodo apprehénderent adhuc noléntem ? Quia ergo non póterant apprehéndere noléntem, missi sunt, ut audírent docéntem. Quid docéntem ? Dicit ergo Iesus : Adhuc módicum tempus vobíscum sum. Quod modo vultis fácere, factúri estis ; sed non modo, quia modo nolo. Quare adhuc modo nolo ? Quia adhuc módicum tempus vobíscum sum, et tunc vado ad eum qui me misit. Implére debeo dispensatiónem meam, et sic perveníre ad passiónem meam. | Comment auraient-ils pu l’arrêter puisque Jésus ne voulait pas encore être pris ? Aussi comme ils ne pouvaient se saisir de lui contre son gré, leur mission n’eut d’autre effet que de les rendre témoins de ses enseignements. Or qu’enseignait-il ? « Jésus leur dit : Je suis encore pour un peu de temps avec vous. » Ce que vous voulez faire maintenant, vous le ferez, mais plus tard, car maintenant je ne le veux pas. Pourquoi est-ce que je n’y consens pas encore pour le moment ? « Parce que je suis encore avec vous pour un peu de temps, et que je vais vers Celui qui m’a envoyé. Je dois accomplir la mission qui m’est confiée, et parvenir ainsi à ma passion. |
R/. Deus meus, éripe me de manu peccatóris : et de manu contra legem agéntis, et iníqui : * Quóniam tu es patiéntia mea. | R/. Mon Dieu [2], arrachez-moi de la main d’un pécheur, d’un homme agissant contre la loi et inique, * |
V/. Deus meus, ne elongéris a me : Deus meus, in auxílium meum réspice. | V/. Mon Dieu [3], ne vous éloignez pas de moi ; mon Dieu, voyez à me secourir. |
R/. Quóniam tu es patiéntia mea. | R/. Parce que c’est vous qui êtes ma patience. |
Lectio ii | 2e leçon |
Quærétis me, et non inveniétis, et ubi sum ego, vos non potéstis veníre. Hic iam resurrectiónem suam prædíxit : noluérunt enim agnóscere præséntem, et póstea quæsiérunt, cum vidérent in eum multitúdinem iam credéntem. Magna enim signa facta sunt étiam, cum Dóminus resurréxit, et ascéndit in cælum. Tunc per discípulos facta sunt magna : sed ille per illos, qui et per seípsum : ipse quippe illis díxerat : Sine me nihil potéstis fácere. Quando claudus ille, qui sedébat ad portam, ad vocem Petri surréxit, et suis pédibus ambulávit, ita ut hómines miraréntur, sic eos allocútus est Petrus, quia non in sua potestáte ista fecit, sed in virtúte illíus, quem ipsi occidérunt. Multi compúncti dixérunt : Quid faciémus ? | « Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas, et là où je suis vous ne pouvez venir. » Ces paroles sont déjà une prédiction de sa résurrection ; les Juifs, en effet, n’ont pas voulu le reconnaître lorsqu’il était présent au milieu d’eux,et ils le cherchèrent ensuite lorsqu’ils virent la multitude qui croyait en lui. En effet, il s’opéra de grands prodiges au temps de la résurrection et de l’ascension du Seigneur. Les disciples firent alors des miracles éclatants, mais ce fut lui qui les accomplit par eux comme il en avait opéré par lui-même, car il leur avait dit : « Vous ne pouvez rien faire sans moi. » [4] Lorsque le boiteux qui était assis à la porte du temple se leva à la voix de Pierre, se tint sur ses pieds et marcha, tous furent dans l’admiration : alors le Prince des Apôtres leur adressa la parole, et leur déclara que s’il avait guéri cet homme ce n’était point en vertu de son propre pouvoir, mais que c’était par la puissance de celui qu’ils avaient mis à mort. Beaucoup, touchés de componction, lui dirent : « Que ferons-nous ? » [5] |
R/. Qui custodiébant ánimam meam, consílium fecérunt in unum, dicéntes : Deus derelíquit eum, * Persequímini et comprehéndite eum : quia non est qui líberet eum : Deus meus, ne elongéris a me : Deus meus, in adiutórium meum inténde. | R/. Ceux qui observaient [6] mon âme ont tenu conseil ensemble, disant : Dieu l’a délaissé, * Poursuivez-le, saisissez-le : parce qu’il n’est personne qui le délivre. Mon Dieu, ne vous éloignez pas ; de moi ; mon Dieu, voyez à me secourir. |
V/. Omnes inimíci advérsum me cogitábant mala mihi : verbum iníquum mandavérunt advérsum me, dicéntes. | V/. Tous mes ennemis formaient contre moi de mauvais desseins : ils ont élevé une parole inique contre moi, disant. |
R/. Persequímini et comprehéndite eum : quia non est qui líberet eum : Deus meus, ne elongéris a me : Deus meus, in adiutórium meum inténde. | R/. Poursuivez-le, saisissez-le : parce qu’il n’est personne qui le délivre. Mon Dieu, ne vous éloignez pas ; de moi ; mon Dieu, voyez à me secourir. |
Lectio iii | 3e leçon |
Vidérunt enim se ingénti crímine impietátis adstríctos, quando illum occidérunt, quem venerári et adoráre debuérunt : et hoc putábant esse inexpiábile. Magnum enim fácinus erat, cuius considerátio illos fáceret desperáre : sed non debébant desperáre, pro quibus in cruce péndens Dóminus est dignátus orare. Díxerat enim : Pater, ignósce illis, quia nésciunt quid fáciunt. Vidébat quosdam suos inter multos aliénos : illis iam petébat véniam, a quibus adhuc accipiébat iniúriam. Non enim attendébat quod ab ipsis moriebátur, sed quia pro ipsis moriebátur. | Ils se voyaient sous le poids d’un crime énorme d’impiété, ayant mis à mort celui qu’ils auraient dû respecter et adorer ; et il leur semblait impossible d’expier leur crime : crime énorme, en effet, dont la vue les jetait dans le désespoir ; mais ils ne devaient pas désespérer, puisque le Seigneur suspendu à la croix avait daigné prier pour eux, en disant : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. » [7] Parmi un grand nombre d’hommes qui lui étaient étrangers, Jésus mourant distinguait ceux qui lui appartenaient, et il demandait le pardon de ceux qui l’insultaient encore ; car il ne considérait pas que les hommes le faisaient mourir, mais bien qu’il mourait pour eux. |
R/. Pacífice loquebántur mihi inimíci mei, et in ira molésti erant mihi : * Vidísti, Dómine, ne síleas, ne discédas a me. | R/. Mes ennemis [8] me parlaient pacifiquement ; mais par colère ils me tourmentaient ; * Vous [9] l’avez vu, Seigneur, ne gardez pas le silence, ne vous éloignez pas de moi. |
V/. Ego autem cum mihi molésti essent, induébam me cilício, et humiliábam in ieiúnio ánimam meam. | V/. Et moi [10], pendant qu’ils me tourmentaient, j’étais revêtu d’un cilice, et j’humiliais mon âme par le jeûne. |
R/. Vidísti, Dómine, ne síleas, ne discédas a me. R/. Pacífice loquebántur mihi inimíci mei, et in ira molésti erant mihi : Vidísti, Dómine, ne síleas, ne discédas a me. | R/. Vous l’avez vu, Seigneur, ne gardez pas le silence, ne vous éloignez pas de moi. R/. Mes ennemis me parlaient pacifiquement ; mais par colère ils me tourmentaient ; Vous l’avez vu, Seigneur, ne gardez pas le silence, ne vous éloignez pas de moi. |
A LAUDES
Lustra sex (laudes de la Passion)
Ad Bened. Ant. In die magno * festivitátis stabat Iesus, et clamábat dicens : Si quis sitit, véniat ad me, et bibat. | Ant. au Bénédictus Le jour le plus solennel * de la fête, Jésus se tenait debout et s’écriait : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. |
AUX VÊPRES
Vexílla Regis (vêpres de la Passion)
Ad Magnificat Ant. Si quis sitit, * véniat ad me, et bibat : et de ventre eius fluent aquæ vivæ, dicit Dóminus. | Ant. au Magnificat Si quelqu’un a soif, * qu’il vienne à moi et qu’il boive : et des fleuves d’eau vive couleront de son sein, dit le Seigneur. |
La Station, à Rome, est dans l’Église de Saint-Chrysogone, l’un des plus célèbres Martyrs de l’Église Romaine, qui a inséré son nom dans le Canon de la Messe.
ÉPÎTRE.
La sainte Église nous offre aujourd’hui ce récit, afin de ranimer notre zèle dans la voie de la pénitence.
Une ville livrée à l’idolâtrie, une capitale superbe et voluptueuse, a mérité la colère du ciel. Dieu s’apprête à la renverser sous les coups de sa vengeance ; encore quarante jours, et Ninive s’écroulera sur ses habitants. Cependant qu’est-il arrivé ? La menace du Seigneur ne s’est pas accomplie, et Ninive a été épargnée. Ce peuple infidèle s’est souvenu du Dieu qu’il avait oublié ; il a crié vers le Seigneur ; il s’est humilié, il a jeûné ; et l’Église conclut le récit du Prophète par ces touchantes paroles : « Et le Seigneur notre Dieu eut pitié de son peuple. » Ce peuple gentil était devenu le peuple du Seigneur, parce qu’il avait fait pénitence à la voix du Prophète. Le Seigneur n’avait fait alliance qu’avec une seule nation ; mais il ne repoussait pas les hommages des Gentils, qui, renonçant à leurs idoles, confessaient son saint Nom et voulaient aussi le servir. Nous voyons ici l’efficacité de la pénitence du corps unie à celle du cœur pour fléchir le courroux céleste : combien devons-nous donc estimer les saintes pratiques que l’Église nous impose en ces jours, et réformer les fausses idées qu’une spiritualité rationaliste et lâche pourrait nous avoir inspirées !
Cette lecture était, en même temps, un motif d’espoir et de confiance pour les catéchumènes dont l’initiation était proche, ils y apprenaient à connaître la miséricorde du Dieu des chrétiens, dont les menaces sont si terribles, et qui cependant ne sait pas résister au repentir d’un cœur qui renonce au péché. Sortis du sein de la gentilité, de cette Ninive profane, ils apprenaient par ce récit que le Seigneur, avant même d’avoir envoyé son Fils au monde, invitait tous les hommes à devenir son peuple ; et songeant aux obstacles que leurs pères avaient eus à vaincre pour saisir la grâce qui leur était offerte et pour y persévérer, ils bénissaient le Dieu Sauveur qui, par son incarnation, son sacrifice, ses divins sacrements et son Église, a daigné mettre si près de nous ce salut dont il est la source unique pour l’ancien monde comme pour le nouveau. Les pénitents publics puisaient aussi dans cette lecture un nouvel encouragement à espérer le pardon. Dieu avait fait miséricorde à Ninive, la cité pécheresse et condamnée ; il daignerait donc agréer aussi leur pénitence, et révoquer en leur faveur l’arrêt de sa justice.
ÉVANGILE.
Les ennemis du Sauveur n’ont pas seulement songé à lancer des pierres contre lui ; aujourd’hui ils veulent lui ravir la liberté, et ils envoient des soldats pour se saisir de lui. En cette rencontre, Jésus ne juge pas à propos de fuir ; mais quelle terrible parole il leur dit ! « Je m’en vais à celui qui m’a envoyé ; vous me chercherez, et vous ne me trouverez plus. » Le pécheur qui a longtemps abusé de la grâce peut donc, en punition de son ingratitude et de ses mépris, ne plus retrouver ce Sauveur avec lequel il a voulu rompre ; ses efforts à le chercher sont donc quelquefois vains et stériles. Antiochus, humilié sous la main de Dieu, pria et n’obtint pas son pardon. Après la mort et la résurrection de Jésus, tandis que l’Église jetait ses racines dans le monde, les Juifs, qui avaient crucifié le Juste, cherchaient le Messie dans chacun des imposteurs qui s’élevèrent alors en Judée, et causèrent des soulèvements qui amenèrent la ruine de Jérusalem. Cernés de tous côtés par le glaive des Romains et par les flammes de l’incendie qui dévorait le temple et les palais, ils criaient vers le ciel, et suppliaient le Dieu de leurs pères d’envoyer, selon sa promesse, le libérateur attendu ; et il ne leur venait pas en pensée que ce libérateur s’était montré à leurs pères, même à plusieurs d’entre eux, qu’ils l’avaient mis à mort, et que les Apôtres avaient déjà porte son nom aux extrémités de la terre. Ils attendirent encore, jusqu’au moment où la cité déicide s’écroula sur ceux que n’avait pas immolés l’épée du vainqueur ; ceux qui survécurent furent traînes à Rome, pour orner le triomphe de Titus. Si on leur eût demandé ce qu’ils attendaient, ils auraient répondu qu’ils attendaient le Messie. Vaine attente : le moment était passé. Tremblons que la menace du Sauveur ne s’accomplisse en plusieurs de ceux qui laisseront encore passer cette Pâque, sans faire leur retour au Dieu de miséricorde ; prions, intercédons, afin qu’ils ne tombent pas entre les mains d’une justice que leur repentir trop tardif et trop imparfait ne fléchirait pas.
Des pensées plus consolantes nous sont suggérées par la suite du récit de notre Évangile. Âmes fidèles, âmes pénitentes, écoutez ; c’est pour vous que parle Jésus : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. » Rappelez-vous la prière de la pauvre Samaritaine : « Seigneur, donnez-moi toujours de cette eau. » Cette eau est la grâce divine ; puisez à longs traits dans ces fontaines du Sauveur qu’avait annoncées le Prophète [11]. Cette eau donne la pureté à l’âme souillée, la force à l’âme languissante, l’amour à celle qui se sentait tiède. Bien plus, le Sauveur ajoute : « Celui qui croit en moi deviendra, lui aussi, une source vive » ; car l’Esprit-Saint viendra en lui, et alors le fidèle épanchera sur les autres cette grâce qu’il a reçue dans sa plénitude. Avec quelle sainte joie le catéchumène entendait lire ces paroles qui lui promettaient que sa soif serait enfin étanchée à la divine fontaine ! Le Sauveur a voulu être toutes choses pour l’homme régénéré : la Lumière qui éclaire ses ténèbres, le Pain qui le nourrit, la Vigne qui lui prête son cep, enfin l’Eau jaillissante qui rafraîchit ses ardeurs.
En ce jour où la sainte Église nous donne à lire et à méditer un trait de l’histoire de Jonas, nous placerons ici un nouveau fragment de l’Hymne de Prudence sur le jeûne. C’est le passage où il raconte la vie de ce Prophète, et spécialement la pénitence de Ninive.
HYMNE. | Aurelius Prudentius Clemens, Cathermerinon, VII. HYMNUS JEJUNANTIUM, 81-175. |
Referre prisci stemma nunc jejunii
Libet, fideli proditum volumine, Ut diruendæ civitatis incolis Fulmen benigni mansuefactum Patris, Pie repressis ignibus, pepercerit. | Je raconterai, à la gloire du jeûne, un fait antique rapporte dans le livre sacré ; je dirai comment la foudre du Père des hommes retint ses feux, et pardonna aux habitants d’une cité qu’elle devait dévaster. |
Gens insolenti præpotens jactantia
Pollebat olim : quam fluentem nequiter Corrupta vulgo solverat lascivia ; Et inde bruto contumax fastidio Cultum superni negligebat Numinis. | Un peuple jadis avait mis le comble à son orgueil et à son insolence ; la licence des mœurs l’avait fait descendre tout entier à une indigne corruption ; et, plonge dans une stupide insouciance, il avait mis en oubli le culte du grand Dieu. |
Offensa tandem jugis indulgentiæ
Censura, justis excitatur motibus, Dextram perarmat rhomphæali incendio, Nimbos crepantes, et fragosos turbines Vibrans tonantum nube flammarum quatit. | Après une longue indulgence, la justice divine offensée s’indigne et arme sa main d’un glaive de feu. De sombres nuages éclatent avec fracas ; des feux livides et tonnants ébranlent la voûte du ciel sur la tète des coupables. |
Sed pœnitendi dum datur diecula,
Si forte vellent improbam libidinem Veteresque nugas condomare, ac frangere, Suspendit ictum terror exorabilis, Paulumque dicta substitit sententia. | Toutefois un délai leur est accordé pour se repentir ; il leur est libre encore d’interrompre le cours de leurs infâmes débauches ; ils peuvent, s’ils le veulent, arrêter les désordres dans lesquels ils ont vieilli ; la vengeance miséricordieuse daigne suspendre ses coups ; et la sentence prononcée retarde son exécution. |
Jonam prophetam mitis ultor excitat,
Pœna ; imminentis iret ut prænuncius ; Sed nosset ille quum minacem judicem Servare malle, quam ferire ac plectere, Tectam latenter vertit in Tharsos fugam. | Le juge plein de douceur donne mission au prophète Jonas ; il le charge d’annoncer à ce peuple le châtiment qui le menace. Il savait, le prophète, que ce juge redoutable aime à pardonner plutôt qu’à frapper et à punir. Il ose donc se dérober à ses ordres, et s’enfuit secrètement vers Tharsis. |
Celsam paratis pontibus scandit ratem ;
Udo revincta fune puppis solvitur. Itur per altum : fit procellosum mare : Tum causa tanti quæritur periculi : Sors in fugacem missa vatem decidit. | Il prend place sur un navire des plus imposants ; bientôt on lâche le câble, et l’on s’avance dans la haute mer ; mais tout à coup s’élève une furieuse tempête. L’équipage alarmé cherche quel peut être l’auteur d’un si grand péril ; et le sort tombe sur le prophète fugitif. |
Jussus perire solus e cunctis reus,
Cujus voluta crimen urna expresserat, Præceps rotatur, et profundo immergitur ; Exceptus inde belluinis faucibus, Alvi capacis vivus hauritur specu. | Il est le seul coupable : seul il doit périr, lui dont le nom est sorti de l’urne avec son crime. On le précipite dans les flots, et l’abîme l’engloutit. Un monstre marin le reçoit, et le prophète descend tout vivant dans les vastes flancs de l’animal. |
Intactus exin tertiæ noctis vice
Monstri vomentis pellitur singultibus, Qua murmuranti fine fluctus frangitur, Salsosque candens spuma tundit pumices, Ructatus exit, seque servatum stupet. | Enfin, après trois nuits, le monstre le vomit sur un rivage, à l’endroit où le flot expire avec un léger bruit, et où l’écume vient blanchir le rocher. Délivré par l’effort de la bête, le prophète s’étonne de se sentir encore vivant. |
In Ninivitas se coactus percito
Gressu reflectit ; quos ut increpaverat, Pudenda censor imputans opprobria : Impendet, inquit, ira summi vindicis, Urbemque flamma mox cremabit : credite. | Contraint par la volonté divine, il se dirige sans délai vers Ninive. Censeur austère, il reprend les habitants ; il dénonce leurs crimes honteux. « La colère du vengeur suprême, dit-il, est sur vos têtes ; sous peu de jours la flamme dévorera votre cité : croyez à ma parole. » |
Apicem deinceps ardui montis petit,
Visurus inde conglobatum turbidæ Fumum ruinæ, cladis et diræ struem, Tectus flagellis multinodi germinis, Nato et repente perfruens umbraculo. | Il monte ensuite sur la cime d’une haute montagne, afin de voir de là les épais tourbillons de fumée qui s’élèveront de l’incendie, les ruines et les désastres qui vont s’accumuler. Il se tient sous le feuillage d’une plante aux nœuds abondants, qui, tout à coup, est sortie de terre pour lui prêter son ombrage. |
Sed mœsta postquam civitas vulnus novi
Hausit doloris, heu ! supremum palpitat. Cursant per ampla congregatim moenia Plebs, et senatus, omnis ætas civium, Pallens juventus , ejulantes feminæ. | Mais à peine la cité a reçu la lugubre nouvelle du fléau qui la menace, qu’une dernière émotion la saisit ; dans la vaste enceinte de ses murs on voit s’agiter le peuple, le sénat, les citoyens de tous les âges, la jeunesse pâle d’effroi, les femmes poussant des lamentations. |
Placet frementem publicis jejuniis
Placare Christum : mos edendi spernitur. Glaucos amictus induit monilibus Matrona demptis, proque gemma et serico Crinem fluentem sordidus spargit cinis. | On décrète un jeûne public, pour tâcher d’apaiser la colère divine ; il n’est plus question de repas dans la ville. La matrone jette loin d’elle ses brillantes parures, et se revêt d’habits sombres ; la cendre répandue sur sa chevelure y a remplacé les réseaux de soie et les pierreries. |
Squalent recincta veste pullati patres,
Setasque plangens turba sumit textiles, Impexa villis virgo bestialibus, Nigrante vultum contegit velamine, Jacens arenis et puer provolvitur. | Les patriciens paraissent en habits vulgaires et négligés ; dans sa douleur, chacun porte sur son corps de rudes tissus de crin ; la jeune fille fait subir à ses membres le contact de ces soies cruelles, et couvre d’un voile noir son visage ; l’enfant lui-même languit étendu sur le sable. |
Rex ipse Coos æstuantem murices
Lænam revulsa dissipabat fibula, Gemmas virentes, et lapillos sutiles, Insigne frontis exuebat vinculum Turpi capillos impeditus pulvere. | Le roi détache l’agrafe qui retenait sur ses épaules le manteau teint de la pourpre de Cos. Il dépouille son front du bandeau sur lequel éclataient l’émeraude et le diamant ; et ses cheveux ne connaissent plus que la poussière qui les souille. |
Nullus bibendi, nemo vescendi memor :
Jejuna mensas pubes omnis liquerat : Quin et negato lacte vagientium Fletu madescunt parvulorum cunulæ : Succum papillæ parca nutrix derogat. | Le manger et le boire sont oubliés ; la tendre jeunesse livrée au jeûne ne se souvient plus des festins ; l’enfant à la mamelle réclame en vain le lait par ses vagissements ; ses larmes arrosent son berceau ; la nourrice sévère lui refuse l’aliment qui le soutenait. |
Greges et ipsos claudit armentalium
Solers virorum cura, ne vagum pecus Contingat ore rorulenta gramina, Potum strepentis neve fontis hauriat ; Vacuis querelæ personant præsepibus. | Les troupeaux eux-mêmes ont leur part à cette abstinence ; on retient avec soin leurs pas dans la prairie. On les empêche de toucher le gazon numide de rosée, de se désaltérer aux eaux murmurantes des fontaines ; en face de sa crèche vide, le taureau fait entendre ses mugissements. |
Mollitus his, et talibus, brevem Deus
Iram refrænat, temperans oraculum Prosper sinistrum : prona nam clementia Haud difficulter supplicum mortalium Solvit reatum fitque fautrix flentium. | Bientôt, apaisé par ces expiations, Dieu retient sa colère. Il révoque son arrêt ; de terrible qu’elle était, sa sentence est devenue favorable. C’est ainsi que la clémence divine se montre facile à pardonner les crimes des mortels, lorsqu’ils l’implorent, et qu’elle prend bientôt le parti de ceux qui répandent les larmes du repentir à ses pieds. |
Terminons la journée par ces strophes en l’honneur de la sainte Croix, que nous empruntons au Triodion de l’Église grecque.
Feria IV mediæ Septimanæ.
Purifiés et embellis par le jeûne, adorons, pour la gloire du Tout-Puissant, le bois sacré sur lequel le Christ, ayant les bras étendus, a vaincu les puissances ennemies.
La Croix salutaire qui donna la sanctification est exposée à nos yeux. Approchons d’elle avec un cœur et un corps sans souillures.
Purifiez-moi, vous qui des bon, par le feu de vos commandements : donnez-moi de contempler votre Passion qui donne le salut, d’être protégé par la Croix, et de vous adorer avec un ardent désir.
Ayant nos cœurs lavés dans les eaux du jeûne, embrassons avec foi le bois de la Croix, du haut duquel le Christ crucifié a épanché sur nous l’eau d’immortalité.
Jésus Sauveur ! Notre navire, dont votre Croix est la voile, a déjà traversé la plus grande partie de la carrière des jeûnes ; par elle, conduisez-nous au port de votre Passion.
Moïse te figurait sur la montagne, ô Croix, pour la perte d’Amalec. Nous te formons sur nous ; nous te contemplons et t’adorons de cœur ; par ta vertu, nous triomphons des ennemis invisibles.
L’église de Saint-Georges de Belabru est déjà connue du lecteur. Elle s’élève au pied du Palatin, là où se dresse l’arc de Janus quadrifrons et où, depuis l’antiquité la plus reculée, le vulgaire païen allait consulter les devins, et où, presque jusqu’à nos temps, la superstitieuse plèbe romaine venait demander aux âmes des condamnés à mort les numéros devant sortir au prochain tirage du loto.
La basilique de Saint-Chrysogone au Transtévère, tout près du classique excubitorium des Vigiles, conserve, sous son presbyterium, le souvenir de l’habitation du martyr homonyme, et remonte à l’époque constantinienne. La période byzantine contribua sans doute à développer et à rendre populaire le culte de ce martyr d’Aquilée, dont le nom, en vertu d’un privilège tout spécial, trouva place dans les diptyques pontificaux de la messe romaine.
Vers l’an 731, Grégoire III restaura cette église et érigea à côté un monastère qu’il dédia aussi aux martyrs Étienne et Laurent. Plus tard, vers 1123, le cardinal titulaire Jean de Crema suréleva le temple, l’édifiant à nouveau avec des proportions moindres, en sorte que les restes de la basilique primitive demeurent maintenant à quelque profondeur sous le niveau actuel du pavement.
L’introït est tiré du psaume 55 ; c’est un cri du Juste opprimé par le pécheur, ou plutôt par de nombreux pécheurs, puisque tous les péchés de l’humanité entière retombèrent sur Lui et attirèrent sur Lui la peine suprême.
Nous supplions Dieu, dans la collecte, de nous accorder deux grâces : la première, c’est qu’il sanctifie notre jeûne quadragésimal, c’est-à-dire qu’il fasse que les dispositions intérieures de l’âme qui déteste le vice concordent avec l’abstinence corporelle d’aliments ; la seconde, que les mérites de la pénitence et de la contrition du cœur nous vaillent le pardon de nos fautes passées.
La lecture est prise de Jonas (III, 1-10) dont l’histoire était si familière à l’antiquité chrétienne que nous en retrouvons le cycle exprimé bien des fois sur les sarcophages de marbre et sur les parois des cimetières. Les Ninivites qui, au moyen de la pénitence et du jeûne, éloignent de leur cité l’extermination dont elle était menacée, invitent le peuple chrétien à imiter leur exemple. On sait qu’avant le Carême quelques peuples orientaux, Arméniens, Abyssins, etc., pratiquent un jeûne spécial, dit jeûne de Ninive, Les Grecs l’ont âprement combattu, mais quoi qu’il en soit, les différentes liturgies, la liturgie latine comprise, se sont plu à reconnaître dans le jeûne des Ninivites une des anticipations typiques de l’abstinence pénitentielle chrétienne.
Il faut remarquer le caractère social que prend la pénitence à Ninive, où Jonas l’ordonne par l’autorité du roi et des notables. En effet, il ne suffit pas que la religion et les pratiques du culte soient le tribut privé et personnel de l’individu, mais il faut qu’elles soient en outre collectives et sociales, puisque la société, la famille, la cité, la nation, etc. sont des entités réelles, et pour cela ont, comme telles, à rendre à Dieu le culte dû.
En outre, Dieu n’a pas créé l’homme en l’isolant en lui-même, mais il l’a constitué membre d’une société, tant dans l’ordre naturel que dans l’ordre surnaturel, et c’est seulement au moyen de cette double société que l’homme peut arriver au perfectionnement qu’il doit atteindre. Il s’ensuit que, surtout quand il s’agit de l’âme, il convient d’adhérer intimement et de donner la plus grande importance à tous les actes qui expriment le culte surnaturel et parfait rendu à Dieu par l’Église. Il faut se sanctifier, se mortifier, prier, méditer, jeûner, penser avec l’Église toujours, puisque c’est du Chef que se répandent dans les membres la vie, la santé, et la joie qui en découle.
Le graduel est pris au psaume 53, où le Juste invoque le salut et en appelle au jugement de Dieu contre les calomnies de ses oppresseurs.
Dans la lecture de l’évangile de saint Jean (VII, 32-39), prenant occasion de la cérémonie de l’eau qui était puisée par les prêtres pour être ensuite portée au temple, Jésus annonce la mission de l’Esprit Saint et la prédication de l’évangile aux Gentils. La grâce est ici comparée à l’eau, parce qu’elle apaise les ardeurs de la concupiscence, rafraîchit l’esprit, éteint la soif des appétits désordonnés, donne vie et accroissement aux plus belles fleurs de vertu.
Le verset ad offerendum provient du psaume 6 : « Seigneur, tournez-vous vers moi et délivrez-moi par votre miséricorde. » Cela veut dire : après que votre justice aura été satisfaite, regardez-moi de nouveau avec bienveillance, vous qui, à cause des péchés sous le poids desquels je plie, avez détourné de moi votre visage. Délivrez-moi et accordez-moi cette vie surabondante à laquelle j’aspire, vie qui me soustraira pour toujours à la cruauté de mes ennemis.
Dans la collecte qui nous prépare à l’anaphore, nous prions pour que l’Hostie de salut, que nous allons offrir, nous purifiant de nos fautes, nous rende propice et généreuse la divine clémence. Tel est l’ordre des choses : d’abord la propitiation, puis la distribution des grâces.
L’antienne pour la communion est tirée du psaume 23. Le Seigneur des armées est le roi de la gloire. Il convient de bien le répéter à notre foi, car dans quelques jours nous verrons ce même roi voiler sa gloire sous les ignominies de la passion, et, bien loin de faire preuve de force, succomber de faiblesse. C’est justement là le mysterium Fidei. Celui qui, suspendu au gibet, est la dérision des impies, est en même temps acclamé par des myriades d’anges, qui, durant le sacrifice du Golgotha, chantent en tremblant le Trisagion. Celui qui expire, l’âme en proie à la plus déchirante agonie et aux humiliations, c’est le très fort Lion de Juda et le véritable Samson qui, par sa mort, broie les phalanges des Philistins. Aux yeux de la foi, le Christ n’apparaît jamais plus glorieux et plus terrible que sur la croix, quand il emprunte les paroles d’Osée pour dire à la mort : O mors, ero mors tua, morsus tuus ero, inferne [12].
Voici l’oraison après la sainte Communion : « Que la salutaire participation à votre Sacrement, Seigneur, nous purifie et nous rende la santé. » En effet, la sainte Messe et la communion possèdent l’efficacité propitiatoire, et l’Eucharistie est en outre un antidote contre le venin du péché. Fils d’une nature corrompue avec un sang gâté qui circule dans nos veines, nous avons besoin d’un remède reconstituant, d’un sang virginal et sain qui nous rende la santé. Ce sang est celui du Christ, lui qui a dit : « Qui me mange, vit de moi. »
Dans la prière avant de congédier le peuple, nous supplions Dieu de répandre la vigueur non seulement dans notre esprit mais même dans notre corps, qui ne peut pas toujours ce que veut l’esprit — Spiritus quidem promptus est, caro autem infirma [13] ; — afin que la pratique constante des bonnes œuvres — ni la foi, ni les belles paroles ne constituent le royaume intérieur de Dieu, mais il faut y unir les bonnes œuvres — nous mérite la grâce d’être défendus, sous sa protection, des assauts de notre terrible adversaire.
Combien délicate a été la pieuse sollicitude de l’Église romaine pour garder les souvenirs de ceux qui en cimentèrent par leur sang l’édifice spirituel. Quand on n’avait pas le bonheur de posséder leur tombeau, comme c’était le cas pour saint Chrysogone, on vénérait du moins leur habitation, c’est-à-dire le lieu où le futur athlète s’était exercé au combat pour la foi. Rome a consacré en églises un nombre considérable d’anciennes maisons de ses martyrs ; et que ne dit pas au cœur d’un croyant la maison d’un martyr ! Ces salles, jadis ornées de peintures et de mosaïques dont subsistent encore des vestiges, sont silencieuses et vides, précisément parce que les martyrs ont volontairement tout abandonné pour suivre le Christ sur le chemin du Calvaire.
Croix et baptême.
Le Christ va à la mort, victime de la haine des Juifs, pour obtenir la pénitence aux Ninivites — les catéchumènes sortis du paganisme — et pour leur apporter l’« eau vive » du baptême et de l’Eucharistie. Voici les antiennes directrices du jour : « Au grand jour de la fête, Jésus se tenait debout et criait : Que celui qui a soif vienne à moi et boive » (Ant. Bened.). N’oublions jamais que les paroles du Christ, dans la liturgie, sont non pas du passé, mais du présent : elles s’adressent à nous. « Que celui qui a soif vienne à moi et boive ; de ses entrailles jailliront des sources d’eau vive, dit le Seigneur » (Ant. Magn.).
Avec l’ardent désir des catéchumènes, implorons la venue de la fête de Pâques.
1. La station. — C’est l’église titulaire de Saint-Chrysogone. Le martyrologe raconte de ce saint, le 24 novembre : « La mort du saint martyr Chrysogone. Après avoir souffert longtemps, à cause de la confession constante de sa foi, les chaînes et les tourments de la prison, il fut, sur l’ordre de Dioclétien, traîné à Aquilée. Il y fut décapité et jeté dans la mer. C’est ainsi qu’il obtint la couronne du martyre. » Il mourut vers 304. La maison de ce saint devint propriété de l’Église romaine et, au Ve siècle, on édifia une église sur son emplacement. Depuis, la basilique a été souvent restaurée.
2. La messe (Miserere mihi). — Dès l’Introït, nous nous unissons au Sauveur souffrant. Lui et nous, nous ne faisons qu’un, le Christ mystique. Les trois premiers chants sont des lamentations du Christ souffrant. Ceci est important pour nous faire comprendre comment nous devons vivre la Passion. Laissons le Christ souffrir, se plaindre, mourir, mais aussi ressusciter en nous. Telle est la fête pascale liturgique. « Par lui et avec lui et en lui », nous célébrons la Passion et la Résurrection. « L’homme m’a foulé aux pieds » (Int. ). C’est une expression forte et imagée. Le Christ, la divine grappe de raisin, est foulée aux pieds dans le pressoir de la Passion et, de cette grappe, sort la boisson salutaire. Laissons-nous presser avec lui. Comparons le chant initial avec le chant final. Quel contraste ! « Le Seigneur des armées est le Roi plein de majesté » (Comm.). C’est la grande loi du christianisme : Par la souffrance à la gloire !
Dans la leçon, Jonas est la figure du Christ. Il se voue à la mort pour sauver ses compagnons ; il est le type du repos de trois jours dans le tombeau, et de la Résurrection. Les deux lectures se correspondent : Les Ninivites païens firent pénitence à la parole de Jonas ; les Juifs restent endurcis et veulent faire mourir le Christ. Les Juifs se demandaient si Jésus ne se rendrait pas chez les païens ; il s’y rend, en effet ; il appelle les païens. Les catéchumènes, qui se tiennent là, sortent du paganisme, ils ressemblent aux Ninivites : le Christ « s’est rendu chez eux et les a instruits. » Ils ont soif et répondent à l’invitation ; ils « boivent de l’eau vive » (Baptême) et « reçoivent le Saint-Esprit » (les catéchumènes, dans la Confirmation ; les fidèles, dans l’Eucharistie). Les Ninivites, par leur conversion, méritent le nom de « peuple de Dieu » ; mais Israël, par son endurcissement, perd ses privilèges et cesse d’être le « peuple de Dieu ». L’image de Jonas et celle des Ninivites pénitents se trouvent fréquemment dans les catacombes et sur les sarcophages de l’ancienne Église. Le jeûne des Ninivites est la figure du Carême chrétien. — Nous allons au Saint-Sacrifice comme des Ninivites pénitents et, à l’Offrande, nous portons ces sentiments de pénitence à l’autel (d’où le psaume 6, qui est un psaume de pénitence). La Communion nous conduit au but : nous voyons le « Roi plein de majesté » dans sa Résurrection et son retour.
3. Ordinaire du temps de la Passion. — Parcourons aujourd’hui les textes communs de ce temps. A Laudes, nous entendons : « Venez, mettons du bois dans son pain et supprimons-le de la terre des vivants et qu’on ne cite plus jamais son nom » (Jér. XI, 19). La mention du bois dans son pain fait allusion à la Croix et, en même temps, à l’Eucharistie. L’hymne (Lustra sex) chante, d’une manière saisissante, l’arbre de la Croix :
O Croix fidèle et vénérable,
Arbre très noble et très sacré,
Nul arbre à toi n’est comparable
Ni d’un si beau fruit n’est paré :
Doux sont tes clous, doux est ton bois,
Doux ton fardeau, très Sainte Croix.
Les versets communs qui, pendant le Carême, sont des paroles extraites du psaume 90, sont désormais des lamentations du Christ : « Délivre-moi, Seigneur, de l’homme mauvais, et de l’homme inique délivre-moi. »
Et maintenant, les antiennes des Heures du jour :
A Prime : « Délivre-moi, Seigneur, et place-moi auprès de toi ; alors n’importe qui pourra lever la main pour me combattre. » Comme c’est beau ! Nous passerons notre journée avec le Seigneur souffrant.
A Tierce : « Tu as jugé, Seigneur, la cause de mon âme, toi, le défenseur de ma vie, Seigneur, mon Dieu. » Telles sont les paroles du Christ souffrant, elles doivent être aussi les nôtres.
A Sexte : « Mon peuple, que t’ai-je fait et en quoi t’ai-je constristé ? Réponds-moi. » Quelle question impressionnante ! Nous voyons le Seigneur sur la Croix et c’est à nous qu’il adresse cette question.
A None : « Rend-on le mal pour le bien, car ils ont creusé une fosse pour mon âme ? » Le Seigneur se plaint de l’ingratitude des Juifs ; ne se plaint-il pas aussi de notre ingratitude ?
A Vêpres, nous chantons l’hymne : « Les bannières du Roi s’avancent » et nous disons au verset : « Délivre-moi, Seigneur, de l’homme méchant et de l’homme inique délivre-moi. » L’homme méchant, c’est Judas, et les hommes impies sont les grands-prêtres ; au sens large, ce mot désigne le diable et ses instruments.
Telle est la voie à suivre pour donner, pendant la journée, une forme liturgique à nos méditations sur la Passion.
4. Psaume 23 — Le Roi de gloire. — C’est le psaume de la Communion. Il est d’une grande beauté et la liturgie l’utilise souvent.
Au Seigneur appartient la terre
et tout ce qui la remplit,
le monde et tous ceux qui l’habitent.
C’est lui qui l’a fondée sur l’eau,
qui l’a affermie sur les fleuves.Qui gravira la montagne du Seigneur,
qui se tiendra dans son lieu saint ?
Celui qui a les mains innocentes et le cœur pur,
qui ne livre pas son âme au mensonge,
qui ne jure pas pour tromper son prochain.
Celui-là sera béni par le Seigneur,
son salut est le Seigneur, il se tient auprès de lui dans la grâce.
Telle est la race de ceux qui cherchent le Seigneur,
qui cherchent la face du Dieu de Jacob.Portes, élevez vos linteaux,
portes éternelles, élevez-vous
et le Roi de gloire fera son entrée.
Qui est ce Roi de gloire ?
C’est le Seigneur fort et puissant,
c’est le Seigneur puissant dans les combats.
Portes, élevez vos linteaux,
portes éternelles élevez-vous
et le Roi de gloire fera son entrée.Quel est donc ce Roi de gloire ?
Le Seigneur des armées,
Voilà le Roi de gloire.
Ce psaume est un chant dramatique que David composa pour le transfert de l’arche d’alliance sur le mont Sion. L’entrée du Dieu d’alliance dans son sanctuaire fut un événement d’une grande importance, la matière d’une sublime poésie. Le chant nous transporte sur deux théâtres. Le premier est la procession solennelle. Le psalmiste se pose deux questions : a) Quel est celui qui s’avance ? Dieu, le Tout-Puissant. b) Que me faut-il pour assister à cette procession ? Des mains innocentes et un cœur pur.
Le chant est très dramatique. Il s’engage un dialogue entre les gardiens des portes et ceux qui accompagnent l’arche d’alliance. C’est ce dialogue qui nous manifeste la grandeur de Dieu. On ouvre les portes de la forteresse en les remontant ; il faut que ces portes s’élèvent, elles sont trop petites pour l’hôte divin. — Faisons-en maintenant l’application à nous-mêmes. Ce qu’était l’arche d’alliance dans l’Ancien Testament, le Christ l’est pour nous. C’est lui qui entre dans la forteresse de l’Église, dans la forteresse du cœur, dans la forteresse du ciel. Tant que nous sommes sur la terre, nous suivons la procession divine et nous pouvons nous poser les deux mêmes questions que David.
[1] Jésus leur dit donc : Je suis encore avec vous pour un peu de temps, puis je m’en vais à celui qui m’a envoyé. Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas ; et là où je serai, vous ne pouvez venir. Les Juifs dirent donc entre eux : Où ira-t-il, que nous ne le trouverons pas ? Ira-t-il vers ceux qui sont dispersés parmi les Gentils, et instruira-t-il les Gentils ? Que signifie cette parole qu’il a dite : Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas, et là où je serai, vous ne pouvez venir ? Le dernier Jour, qui est le plus grand de la fête, Jésus se tenait debout, et criait, en disant : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croît en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture. Il dit cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croyaient en lui.
[2] Ps 70, 14.
[3] Ps 70, 12.
[4] Jn 15, 5.
[5] Ac 2, 37.
[6] Ps 70, 10.
[7] Lc 33, 34.
[8] Ps 34, 20.
[9] Ps 54, 3.
[10] Ps 34, 13.
[11] Isai. XII, 3.
[12] O mort, je serai ta mort, je serais ta morsure, Enfer : Os. 13, 14.
[13] L’esprit est prompt, mais la chair est faible : Matth. 26, 41.