Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Ant. ad Introitum. Ps. 34, 1-2. | Introït |
Iúdica, Dómine, nocéntes me, expúgna impugnántes me : apprehénde arma et scutum, et exsúrge in adiutórium meum, Dómine, virtus salútis meæ. | Seigneur, jugez ceux qui me font du mal, humiliez ceux qui me combattent. Prenez vos armes et votre bouclier et levez-vous pour me secourir, ô Seigneur, ma force et mon salut. |
Ps. ibid., 3. | |
Effúnde frámeam, et conclúde advérsus eos, qui persequúntur me : dic ánimæ meæ : Salus tua ego sum. | Tirez votre glaive et arrêtez ceux qui me poursuivent ; donnez-moi l’assurance que vous me sauverez. |
Oratio. | Collecte |
Da, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, qui in tot advérsis ex nostra infirmitáte defícimus ; intercedénte unigéniti Fílii tui passióne respirémus : Qui tecum vivit. | Dieu tout-puissant qui voyez que notre faiblesse succombe au milieu de tant d’épreuves, accordez-nous quelque soulagement par les mérites de la passion de votre Fils unique. |
Léctio Isaíæ Prophétæ. | Lecture du Prophète Isaïe. |
Is. 50, 5-10. | |
In diébus illis : Dixit Isaías : Dóminus Deus apéruit mihi aurem, ego autem non contradíco : retrórsum non ábii. Corpus meum dedi percutiéntibus et genas meas velléntibus : fáciem meam non avérti ab increpántibus et conspuéntibus in me. Dóminus Deus auxiliátor meus, ideo non sum confúsus : ídeo posui fáciem meam ut petram duríssimam, et scio, quóniam non confúndar. Iuxta est, qui iustíficat me, quis contradícet mihi ? Stemus simul, quis est adversárius meus ? Accédat ad me. Ecce, Dóminus Deus auxiliátor meus : quis est, qui condémnet me ? Ecce, omnes quasi vestiméntum conteréntur, tinea cómedet eos. Quis ex vobis timens Dóminum, áudiens vocem servi sui ? Qui ambulávit in ténebris, et non est lumen ei, speret in nómine Dómini, et innitátur super Deum suum. | En ces jours-là, Isaïe dit : Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille ! et moi, je n’ai pas résisté, je ne me suis pas retiré en arrière. J’ai livré mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe ; je n’ai pas dérobé mon visage aux outrages et aux crachats. Le Seigneur Dieu m’est venu en aide ; c’est pourquoi l’outrage ne m’a point abattu ; c’est pourquoi j’ai rendu ma face semblable à un caillou ; et je savais que je ne serais pas confondu. Il est proche, celui qui me justifie : qui plaidera contre moi ? Comparaissons ensemble ! Qui est mon adversaire : qu’il s’approche de moi ! Le Seigneur Dieu m’est venu en aide : qui est-ce qui me condamnerait ? Ah ! ils tomberont tous en lambeaux comme un vêtement ; la teigne les dévorera. Qui d’entre vous craint le Seigneur, et écoute la voix de son Serviteur ? Quiconque marche dans les ténèbres, privé de lumière, qu’il se confie dans le nom du Seigneur, et qu’il s’appuie sur son Dieu ! |
Graduale. Ps. 34, 23 et 3. | Graduel |
Exsúrge, Dómine, et inténde iudício meo, Deus meus et Dóminus meus, in causam meam. | Levez-vous, Seigneur, et faites triompher mon droit. Mon Seigneur et mon Dieu, prenez en main ma cause. |
V/. Effúnde frámeam, et conclúde advérsus eos, qui me persequúntur. | Tirez votre glaive et barrez le passage à ceux qui me poursuivent. |
Tractus. Ps. 102, 10. | Trait. |
Dómine, non secúndum peccáta nostra, quæ fécimus nos : neque secúndum iniquitátes nostras retríbuas nobis. | Seigneur, ne nous traitez pas selon nos péchés, et ne nous punissez pas selon nos iniquités. |
V/.Ps. 78, 8-9. Dómine, ne memíneris iniquitátum nostrarum antiquarum : cito antícipent nos misericórdiæ tuæ, quia páuperes facti sumus nimis. | Seigneur, ne vous souvenez plus de nos anciennes iniquités ; que vos miséricordes viennent en hâte au-devant de nous, car nous sommes réduits à la dernière misère. |
(Hic genuflectitur) V/. Adiuva nos, Deus, salutáris noster : et propter glóriam nóminis tui, Dómine, libera nos : et propítius esto peccátis nostris, propter nomen tuum. | On se met à genoux V/. Aidez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et pour la gloire de votre nom, Seigneur, délivrez-nous et pardonnez-nous nos péchés, à cause de votre nom. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Ioánnem. | Lecture du Saint Evangile selon saint Jean. |
Ioann. 12, 1-9. | |
Ante sex dies Paschæ venit Iesus Bethániam, ubi Lázarus fúerat mórtuus, quem suscitávit Iesus. Fecérunt autem ei cenam ibi : et Martha ministrábat, Lázarus vero unus erat ex discumbéntibus cum eo. María ergo accépit libram unguénti nardi pístici pretiósi, et unxit pedes Iesu, et extérsit pedes eius capíllis suis : et domus impléta est ex odóre unguénti. Dixit ergo unus ex discípulis eius, Iudas Iscariótes, qui erat eum traditúrus : Quare hoc unguéntum non véniit trecéntis denáriis, et datum est egénis ? Dixit autem hoc, non quia de egénis pertinébat ad eum, sed quia fur erat, et lóculos habens, ea, quæ mittebántur, portábat. Dixit ergo Iesus : Sínite illam, ut in diem sepultúræ meæ servet illudǽ Páuperes enim semper habétis vobíscum : me autem non semper habétis. Cognóvit ergo turba multa ex Iudǽis, quia illic est : et venérunt, non propter Iesum tantum, sed ut Lázarum vidérent, quem suscitávit a mórtuis. | Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie, où était Lazare, le mort qu’il avait ressuscité. Là, on lui fit un souper, et Marthe servait. Or, Lazare était de ceux qui se trouvaient à table avec lui. Marie, ayant pris une livre d’un parfum de nard très pur, très précieux, en oignit les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux. Et la maison fut remplie de l’odeur du parfum. Alors, un de ses disciples, Judas Iscariote, celui qui devait le trahir, dit : "Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, pour les donner aux pauvres ?" Il dit cela, non qu’il se souciât des pauvres, mais parce qu’il était voleur, et qu’ayant la bourse, il dérobait ce qu’on y mettait. Jésus lui dit donc : "Laisse-la ; elle a gardé ce parfum pour le jour de ma sépulture. Car vous aurez toujours des pauvres avec vous ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours !" Un grand nombre de Juifs surent que Jésus était à Béthanie, et ils vinrent, non seulement à cause de Jésus, mais aussi pour voir Lazare qu’il avait ressuscité des morts. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 142, 9-10. | Offertoire |
Eripe me de inimícis meis, Dómine : ad te confúgi, doce me fácere voluntátem tuam : quia Deus meus es tu. | Arrachez-moi à mes ennemis, Seigneur ; je me réfugie auprès de vous ; apprenez-moi à faire votre volonté, car vous êtes mon Dieu. |
Secreta. | Secrète |
Hæc sacrifícia nos, omnípotens Deus, poténti virtúte mundátos, ad suum fáciant purióres veníre princípium. Per Dóminum. | Que ces sacrifices, ô Dieu tout-puissant, par leur vertu infime, nous fassent approcher, entièrement purs, de celui qui en est le principe. |
Præfatio de sancta Cruce. | Préface de la sainte Croix . |
Ant. ad Communionem. Ps. 34, 26. | Communion |
Erubéscant et revereántur simul, qui gratulántur malis meis : induántur pudóre et reveréntia, qui malígna loquúntur advérsus me. | Qu’ils rougissent et soient confondus ceux qui se réjouissent de mes maux ; qu’ils soient couverts de honte et de confusion ceux qui m’accablent d’injures. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Prǽbeant nobis, Dómine, divínum tua sancta fervórem : quo eórum páriter et actu delectémur et fructu. Per Dóminum. | Que vos saints sacrements, Seigneur, nous inspirent une ferveur divine, afin que leur réception et leurs effets fassent toutes nos délices. Par Jésus-Christ Notre Seigneur. |
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo. | Sur le peuple : Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu. |
Oratio. | Prière |
Adiuva nos, Deus, salutáris noster : et ad benefícia recolénda, quibus nos instauráre dignátus es, tríbue veníre gaudéntes. Per Dóminum nostrum. | Aidez-nous, ô Dieu notre Sauveur, et donnez-nous de célébrer avec joie le souvenir des bienfaits par lesquels vous avez daigné nous régénérer. |
A MATINES
Invitatorium | Invitatoire |
Hódie, si vocem Dómini audiéritis, * Nolíte obduráre corda vestra. | Aujourd’hui si vous entendez la voix du Seigneur, * N’endurcissez pas vos cœurs. |
Pange, Lingua, gloriósi (matines de la Passion)
Lectio i | 1ère leçon |
Léctio sancti Evangélii secúndum Ioánnem. | Lecture du saint Évangile selon saint Jean. |
Cap. 12, 1-9 | |
Ante sex dies Paschæ venit Iesus Bethániam, ubi Lázarus fuerat mórtuus, quem suscitávit Iesus. Et réliqua. | Six jours avant la Pâque, Jésus vînt à Béthanie, où était mort Lazare, qu’avait ressuscité Jésus. Et le reste. |
Homilía sancti Augustíni Episcopi. | Homélie de saint Augustin, Évêque. |
Tract. 50 in Ioánnem, post initium. | |
Ne putarent hómines phantasma esse factum, quia mórtuus resurréxit, Lázarus unus erat ex recumbéntibus : vivebat, loquebátur, epulabátur, véritas ostendebátur, infidelitas Iudæórum confundebátur. Discumbébat ergo Iesus cum Lázaro, et céteris : ministrábat Martha, una ex soróribus Lázari. María vero, áltera soror Lázari, accépit libram unguénti nardi pístici pretiósi, et unxit pedes Iesu, et extersit capíllis suis pedes eius, et domus impléta est ex odore unguenti. Factum audívimus : mystérium requirámus. | Afin que les hommes ne s’imaginassent point que Lazare était un fantôme et n’avait pas été vraiment ressuscité, il était du nombre de ceux qui se trouvaient à table ; il était vivant, il parlait, il prenait part au festin : la vérité se manifestait ainsi au grand jour, et l’incrédulité des Juifs se trouvait confondue. Jésus était donc à table avec Lazare et les autres, et Marthe, une des sœurs de Lazare, les servait. « Or Marie », l’autre sœur de Lazare, « prit une livre d’un nard pur de grand prix, elle en oignit les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux, et la maison fut remplie de l’odeur du parfum. » Vous avez entendu le récit du fait, cherchons le mystère qu’il renferme. |
R/. Viri ímpii dixérunt : Opprimámus virum iustum iniúste, et deglutiámus eum tamquam infernus vivum : auferámus memóriam illíus de terra : et de spoliis eius sortem mittámus inter nos : ipsi enim homicidæ thesaurizavérunt sibi mala. * Insipiéntes et malígni odérunt sapiéntiam : et rei facti sunt in cogitatiónibus suis. | R/. Des hommes impies ont dit [1] : Opprimons injustement l’homme juste, comme l’enfer, engloutissons-le vivant : enlevons sa mémoire de dessus la terre [2] : et nous tirerons au sort entre nous ses dépouilles : C’est ainsi que ces homicides ont thésaurisé pour eux-mêmes des maux. * Ces hommes insensés et méchants ont haï la sagesse : et ils sont devenus coupables dans leurs pensées. |
V/. Hæc cogitavérunt, et erravérunt : et excæcávit illos malítia eórum. | V/. Voici [3] ce qu’ils ont pensé, et ils ont erré : car leur malice les a aveuglés. |
R/. Insipiéntes et malígni odérunt sapiéntiam : et rei facti sunt in cogitatiónibus suis. | R/. Ces hommes insensés et méchants ont haï la sagesse : et ils sont devenus coupables dans leurs pensées. |
Lectio ii | 2e leçon |
Quæcúmque ánima fidélis vis esse, cum María unge pedes Dómini pretióso unguento. Unguéntum illud iustítia fuit, ídeo libra fuit : erat autem unguéntum nardi pístici pretiósi. Quod ait, pístici, locum aliquem credere debemus, unde hoc erat unguéntum pretiósum : nec tamen hoc vacat, et sacraménto optime cónsonat. Pístis Græce, fides Latine dícitur. Quærébas operári iustítiam. Iustus ex fide vivit. Unge pedes Iesu bene vivéndo : Dominica sectáre vestígia. Capillis terge : si habes superflua, da paupéribus, et Dómini pedes tersísti : capílli enim superflua córporis vidéntur. Habes quod agas de superfluis tuis : tibi superflua sunt, sed Dómini pédibus necessaria sunt. Forte in terra Dómini pedes índigent. | Qui que tu sois, veux-tu être une âme fidèle, répands avec Marie sur les pieds du Seigneur un parfum précieux. Ce parfum, c’était la justice ; voilà pourquoi il pesait une livre ; c’était aussi un parfum « de nard » pur et précieux. Le nom de pisticus donné à ce parfum indique vraisemblablement la contrée d’où il venait, mais ce mot n’est pas mis sans dessein, et il est en parfait rapport avec le mystère dont il s’agit. Le mot grec pistis se rend en latin par fides, c’est-à-dire foi. Tu cherches à opérer la justice : « Le juste vit de la foi. [4] » Oins les pieds de Jésus par une vie sainte, suis les traces du Seigneur. Essuie ses pieds avec tes cheveux ; si tu as du superflu, donne-le aux pauvres, et tu auras essuyé les pieds du Seigneur, car les cheveux semblent pour le corps quelque chose de superflu. Tu vois ce qu’il faut faire de ton superflu ; superflu pour toi, il est nécessaire aux pieds du Seigneur. Peut-être que, sur la terre, les pieds du Seigneur se trouvent dans le besoin. |
R/. Oppróbrium factus sum nimis inimícis meis : vidérunt me, et movérunt cápita sua : * Adiuva me, Dómine, Deus meus. | R/. Je suis devenu un grand opprobre pour mes ennemis : ils m’ont vu et ils ont secoué la tête : * Aidez-moi, Seigneur mon Dieu. |
V/. Locúti sunt advérsum me lingua dolósa, et sermónibus ódii circumdedérunt me. | V/. Ils ont parlé contre moi avec une langue trompeuse, et de discours de haine, ils m’ont environné. |
R/. Adiuva me, Dómine, Deus meus. | R/. Aidez-moi, Seigneur mon Dieu. |
Lectio iii | 3e leçon |
De quibus enim, nisi de membris suis in fine dicturus est : Cum uni ex minimis meis fecistis, mihi fecistis ? Superflua vestra impendístis : sed pédibus meis obsecúti estis. Domus autem impléta est odore : mundus impletus est fama bona : nam odor bonus, fama bona est. Qui male vivunt, et Christiáni vocántur, iniúriam Christo fáciunt : de quálibus dictum est, quod per eos nomen Dómini blasphemátur. Si per tales nomen Dei blasphemátur, per bonos nomen Dómini laudátur. Audi Apóstolum : Christi bonus odor sumus, inquit, in omni loco. | N’est-ce pas de ses membres, en effet, que le Sauveur doit dire à la fin des temps : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ? [5] » Vous avez distribué votre superflu, mais vous avez soulagé mes pieds. « La maison fut remplie de l’odeur du parfum » ; le monde s’est rempli de la bonne renommée ; car la bonne odeur, c’est la bonne renommée. Ceux qui vivent mal et qui portent le nom de chrétiens font injure à Jésus-Christ ; c’est de ceux-là qu’il est dit : « A cause de vous, le nom de Dieu est blasphémé. [6] » Mais, si à cause d’eux le nom de Dieu est blasphémé, à cause des bons, le nom du Seigneur est comblé de louanges. Écoutez l’Apôtre : « Nous sommes, dit-il, une bonne odeur du Christ en tous lieux. [7] » |
R/. Insurrexérunt in me viri iníqui absque misericórdia, quæsiérunt me interfícere : et non pepercérunt in fáciem meam spúere, et lanceis suis vulneravérunt me : et concussa sunt ómnia ossa mea : * Ego autem existimábam me tamquam mortuum super terram. | R/. Des hommes injustes et sans pitié [8] se sont élevés contre moi, ils ont cherché à me faire mourir : et ils n’ont pas eu honte de cracher sur ma face, ils m’ont blessé de leurs lances : et tous mes os sont brisés : * Pour moi, je me regardais comme mort sur la terre. |
V/. Effudérunt furórem suum in me : fremuérunt contra me déntibus suis. | V/. Ils ont répandu sur moi leur fureur [9] : ils ont grincé des dents contre moi. |
R/. Ego autem existimábam me tamquam mortuum super terram.R/. Insurrexérunt in me viri iníqui absque misericórdia, quæsiérunt me interfícere : et non pepercérunt in fáciem meam spúere, et lanceis suis vulneravérunt me : et concussa sunt ómnia ossa mea : Ego autem existimábam me tamquam mortuum super terram. | R/. Pour moi, je me regardais comme mort sur la terre.R/. Des hommes injustes et sans pitié se sont élevés contre moi, ils ont cherché à me faire mourir : et ils n’ont pas eu honte de cracher sur ma face, ils m’ont blessé de leurs lances : et tous mes os sont brisés : Pour moi, je me regardais comme mort sur la terre. |
A LAUDES
Ant. 1 Fáciem meam * non avérti ab increpántibus et conspuéntibus in me. | Ant. 1 Ma face, * je ne l’ai pas détournée de ceux qui me réprimandaient et qui crachaient sur moi [10]. |
Ant. 2 Frámea, suscitáre * advérsus eos, qui dispérgunt gregem meum. | Ant. 2 O épée à deux tranchants, réveille-toi * contre ceux qui dispersent mon troupeau [11]. |
Ant. 3 Appendérunt * mercédem meam trigínta argénteis : quibus appretiátus sum ab eis. | Ant. 3 Ils ont pesé * ma récompense, trente pièces d’argent : c’est le prix que j’ai été évalué par eux [12]. |
Ant. 4 Inundavérunt aquæ * super caput meum : dixi, Périi : invocábo nomen tuum, Dómine Deus. | Ant. 4 Des eaux ont débordées * sur ma tête : j’ai dit, Je suis perdu : j’invoquerai votre nom, ô Seigneur Dieu [13]. |
Ant. 5 Lábia insurgéntium, * et cogitatiónes eórum vide, Dómine. | Ant. 5 Les lèvres de ceux qui s’élèvent contre moi, * et leurs projets, voyez-les, Seigneur [14]. |
Lustra sex (laudes de la Passion)
Ad Bened. Ant. Clarífica me, Pater, * apud temetípsum claritáte, quam hábui priúsquam mundus fíeret. | Ant. au Bénédictus Glorifiez-moi, mon Père, * en vous-même de la gloire que j’ai eue en vous avant que le monde fût [15]. |
AUX VÊPRES
Vexílla Regis (vêpres de la Passion)
Ad Magnificat Ant. Non habéres * in me potestátem, nisi désuper tibi datum fuísset. | Ant. au Magnificat Tu n’aurais * pas de pouvoir sur moi, s’il ne t’avait été donné d’en haut [16]. |
Jésus se rend encore aujourd’hui à Jérusalem, dès le matin, avec ses disciples. Il était parti à jeun, et le récit sacré nous dit qu’il eut faim sur la route [17]. Il s’approcha d’un figuier ; mais cet arbre n’avait encore que des feuilles. Jésus, voulant nous donner un enseignement, maudit le figuier, qui sécha tout à coup. Il exprimait par ce châtiment le sort de ceux qui n’ont que de bons désirs, et sur lesquels le fruit de la conversion ne se cueille jamais. L’allusion à Jérusalem n’était pas moins frappante. Cette ville était zélée pour l’extérieur du culte divin ; mais son cœur était aveugle et endurci ; bientôt elle allait rejeter et crucifier le Fils du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.
La journée se passa en grande partie dans le Temple, où Jésus eut de longs entretiens avec les princes des prêtres et les anciens du peuple. Il parla avec plus de force que jamais, et déjoua leurs questions insidieuses. On peut voir, principalement en saint Matthieu, Chapitres XXI, XXII et XXIII, le détail des discours du Sauveur, qui deviennent de plus en plus véhéments, et dénoncent aux Juifs avec une énergie toujours croissante le crime de leur infidélité et la terrible vengeance qu’elle doit amener.
Enfin Jésus sortit du Temple, et se dirigea vers Béthanie. Arrivé sur la montagne des Oliviers, d’où l’on dominait la ville, il s’assit un moment. Ses disciples profitèrent de cet instant de repos pour lui demander à quelle époque auraient lieu les châtiments qu’il venait de prédire contre le Temple. Alors Jésus, réunissant dans un même tableau prophétique le désastre de Jérusalem et la destruction violente de ce monde à la fin des temps, parce que la première de ces deux calamités est la figure de la seconde, annonça ce qui doit arriver quand la mesure du péché sera comblée. Quant à ce qui est de la ruine de Jérusalem en particulier, il en fixa la date par ces paroles : « En vérité, je vous le dis : Cette génération d’hommes ne passera pas que toutes ces choses ne soient accomplies [18]. » En effet, quarante ans étaient à peine écoulés que l’armée romaine, accourue pour exterminer le peuple déicide, menaçait du haut de la montagne des Oliviers, de cette place même où le Sauveur est assis aujourd’hui, l’ingrate et dédaigneuse Jérusalem. Jésus, après avoir parlé longuement encore sur le jugement divin qui doit réviser un jour tous les jugements des hommes, rentre dans Béthanie, et vient rassurer par sa présence le cœur affligé de sa très sainte mère.
En ce jour, la Station, à Rome, est dans l’Église de Sainte-Praxède. Cette église dans laquelle, au IXe siècle, le pape saint Paschal déposa deux mille trois cents corps de Martyrs qu’il avait extraits des Catacombes, possède la colonne à laquelle notre Seigneur tut attaché pendant le supplice de la flagellation.
A LA MESSE.
Les paroles de l’Introït sont extraites du Psaume XXXIV. Le Christ, par la bouche de David, implore le secours de son Père contre les ennemis qui l’environnent de toutes parts.
Dans la Collecte, l’Église nous apprend à recourir aux mérites de la Passion du Sauveur, quand nous voulons obtenir de Dieu le secours dont nous avons besoin dans nos nécessités.
ÉPITRE.
Aujourd’hui, c’est Isaïe, ce Prophète si précis et si éloquent sur les épreuves du Messie, qui vient nous révéler les souffrances de notre Rédempteur, et la patience qu’il opposera aux mauvais traitements de ses ennemis. Jésus a accepté sa mission de Victime universelle, et il ne recule devant aucune douleur, devant aucune humiliation. « Il ne détourne point son visage de ceux qui le frappent et le couvrent de crachats. » Quelles réparations ne devons-nous pas à cette souveraine majesté qui, pour nous sauver, s’est livrée à de tels outrages ? Voyez ces Juifs lâches et cruels : ils ne tremblent plus devant leur victime. Auparavant, dans le jardin des Oliviers, un seul mot de sa bouche les a jetés par terre ; mais, depuis, il s’est laissé lier et traîner chez le grand-prêtre. On l’accuse ; des clameurs s’élèvent contre lui ; il répond à peine quelques mots. Jésus de Nazareth, ce docteur, ce thaumaturge, a perdu son prestige ; on peut tout oser contre lui. C’est ainsi que le pécheur se rassure, quand il a entendu gronder la foudre et qu’elle ne l’a pas écrasé. Cependant les saints Anges s’anéantissent devant cette face auguste que ces misérables ont meurtrie et souillée ; prosternons-nous avec eux, et demandons grâce : car nos péchés aussi ont maltraité cet auguste visage.
Mais écoutons les dernières paroles de notre Sauveur, et rendons grâces. Il dit : « Celui qui marchait dans les ténèbres et qui n’avait pas la lumière, qu’il espère maintenant. » C’est le Gentil plongé dans le vice et dans l’idolâtrie. Il ignore ce qui se passe en ce moment à Jérusalem ; il ne sait pas que la terre possède un Homme-Dieu, et que cet Homme-Dieu est, à cette heure même, foulé sous les pieds d’un peuple qu’il avait choisi et comblé de faveurs ; mais bientôt la lumière de L’Évangile viendra poursuivre de ses rayons cet infidèle. Il croira, il se soumettra ; il aimera son libérateur jusqu’à lui rendre vie pour vie et sang pour sang. Alors s’accomplira l’oracle de l’indigne pontife qui, prophétisant malgré lui le salut des Gentils par la mort de Jésus, annonçait en ces derniers jours que cette mort allait réunir dans une seule famille les enfants de Dieu qui étaient dispersés sur la surface de la terre.
Dans le Graduel, David continue d’appeler contre les bourreaux du Messie les vengeances qu’ont méritées leur ingratitude et leur endurcissement.
Le Trait est celui que, depuis le Mercredi des Cendres, l’Église chante à la Messe chaque semaine, les lundi, mercredi et vendredi, pour implorer la miséricorde divine sur les œuvres de la pénitence quadragésimale.
ÉVANGILE.
Nous avons remarqué plus haut que le récit évangélique qui vient d’être lu se rapporte au Samedi, veille du Dimanche des Rameaux, et qu’il a été inséré dans la Messe d’aujourd’hui parce que, dans l’antiquité, ce Samedi n’avait pas de Station. La sainte Église a voulu porter notre attention sur cet intéressant épisode des derniers jours de notre Rédempteur, parce qu’il nous aide à saisir l’ensemble des circonstances qui se produisaient à ce moment autour de lui.
Marie-Madeleine, dont la conversion était, il y a quelques jours, l’objet de notre admiration, est appelée à figurer dans les scènes de la Passion et de la Résurrection de son maître. Type de l’âme purifiée et admise ensuite aux faveurs célestes, il nous importe de la suivre dans les diverses phases que la grâce divine lui fait parcourir. Nous l’avons montrée s’attachant aux pas de son Sauveur et subvenant à ses besoins ; ailleurs le saint Évangile nous la fait voir préférée à Marthe sa sœur, parce qu’elle a choisi la meilleure part ; dans les jours où nous sommes, elle nous intéresse surtout par son tendre attachement à Jésus. Elle sait qu’on le cherche pour le faire mourir ; et l’Esprit Saint, qui la conduit intérieurement à travers les états toujours plus parfaits qui se succèdent en elle, veut qu’aujourd’hui elle accomplisse une action prophétique à l’égard de ce qu’elle redoute le plus.
Entre les trois présents des Mages, l’un d’eux était un signe de mort pour le divin Roi que ces hommes fidèles étaient venus saluer du fond de l’Orient : c’était la myrrhe, parfum funéraire qui fut employé si abondamment dans la sépulture du Sauveur. Nous avons vu que Madeleine, au jour de sa pénitence, témoigna de son changement de vie par l’effusion du plus précieux de ses parfums sur les pieds de Jésus. Aujourd’hui, elle a recours encore à cette touchante manifestation de son amour. Son maître divin est à table chez Simon le Lépreux ; Marie, la Mère de douleurs, est avec lui, ainsi que les disciples ; Marthe veille au service ; tout est calme dans cette maison ; mais de tristes pressentiments sont au fond des cœurs. Tout à coup Madeleine paraît, portant dans ses mains un vase rempli d’une huile de nard du plus grand prix. Elle se dirige vers Jésus, et s’attachant à ses pieds, elle les inonde de ce parfum ; et cette fois encore elle les essuie avec ses cheveux.
Jésus était étendu sur un de ces lits dont les Orientaux se servaient, lorsqu’ils prenaient leur repas dans les festins ; il était donc facile à Madeleine d’arriver aux pieds de son maître, et de renouveler cette démonstration de respect et de tendresse à laquelle elle s’était livrée autrefois chez le pharisien ; mais en ce jour le récit sacré ne nous dit pas qu’elle ait mêlé ses larmes à son parfum. Deux des Évangélistes, dont saint Jean a voulu compléter la narration trop succincte, nous apprennent qu’elle répandit aussi cette huile de senteur sur la tête du Sauveur. Madeleine sentait-elle en ce moment toute la portée de l’action que l’Esprit divin lui inspirait ? L’Évangile ne le dit pas ; mais Jésus révéla le mystère à ses disciples ; et nous qui recueillons ses paroles, nous apprenons par ce fait que la Passion de notre Rédempteur est, pour ainsi dire, commencée, puisque déjà la main de Madeleine L’embaume pour le tombeau.
La suave et pénétrante odeur du parfum avait rempli toute la salle. L’un des disciples, Judas Iscariote, ose protester contre ce qu’il appelle une profusion. La bassesse de cet homme et son avarice l’ont rendu insensible et sans pudeur. La voix de plusieurs des disciples s’unit à la sienne : tant leurs pensées étaient vulgaires encore ! Jésus permit cette indigne réclamation pour plusieurs motifs. Il voulait d’abord annoncer sa mort prochaine à ceux qui l’entouraient, en leur dévoilant le secret exprime par cette effusion d’un parfum sur son corps. Son but ensuite était de glorifier Madeleine, dont l’amour était à la fois si tendre et si ardent ; et c’est alors qu’il annonça que la renommée de cette illustre pénitente s’étendrait par toute la terre, aussi loin que l’Évangile lui-même pénétrerait. Enfin il voulait par avance consoler les âmes pieuses auxquelles son amour inspirerait de faire des largesses à ses autels, et les venger des critiques mesquines dont elles devaient souvent être l’objet.
Recueillons ces enseignements divins. Aimons à honorer Jésus dans sa personne comme dans ses pauvres. Honorons Madeleine et mettons-nous à sa suite, lorsque bientôt nous la verrons si assidue au Calvaire et au sépulcre. Enfin préparons-nous à embaumer notre Sauveur, en réunissant pour sa sépulture la myrrhe des Mages, qui figure la pénitence, et le précieux nard de Madeleine, qui représente l’amour généreux et compatissant.
Dans l’Offertoire, le Psalmiste, au nom du Rédempteur, après avoir imploré le secours, demande à Dieu qu’il daigne être fidèle dans l’accomplissement de ses divins décrets pour le salut de l’homme.
La Secrète exprime toute la force divine de nos augustes Mystères. Non seulement ce Sacrifice purifie les âmes, mais il les élève jusqu’à l’union parfaite avec celui qui est leur principe et leur auteur.
Après la participation des fidèles au Mystère divin, on entend retentir, dans l’Antienne de la Communion, une malédiction contre les ennemis du Sauveur. C’est ainsi que, dans le gouvernement du monde, Dieu opère au même moment selon la miséricorde et selon la justice.
La sainte Église conclut les prières de ce Sacrifice en demandant pour ses enfants la conservation de l’esprit de ferveur qu’ils viennent de puiser à sa source.
Nous terminerons la journée par cette belle prière empruntée à l’antique Liturgie Gallicane.
Oratio ad Sextam | |
Christe, Deus , Adonæ magne, nos tecum quasi huic mundo crucifige ; ut vita tua in nobis sit : nostraque peccata super te pone, ut ea crucifigas : nos quoque ad teipsum trahe, cum pro nobis exaltatus es a terra, ut nos eripias ab adultero tyranno : quia licet carne et vitiis diabolo noxii sumus ; tibi tamen, non illi optamus servire : et sub tuo jure vivere desideramus, et a te gubernari rogamus ; qui nos mortales et a morte invasos, per mortem Crucis liberare voluisti. Pro quo singulari beneficio hodierna tibi nostra famulatur devotio : teque nunc hodie supplices adoramus, imploramus, invocamus ; ut ad nos properes, virtus æterna Deus : quod nobis proficiat tua Crux, triumphans scilicet de mundo m nobis per Crucis virtutem : atque tua pietas nobis illud antiquum restituat beneficium, virtute scilicet et gratia : qui per potentiam futura, præterita ; per præsentiam facis similiter præterita præsentia ; redde, ut nobis tua Passio salutaris sit, quasi præsens et hodierna ; et sic nobis hodie, illa gutta sancti sanguinis tui super terram olim de Cruce stillantis, sit salus : ut omnia terræ nostræ delicta lavans, et corporis nostri humo quodam modo immixta, nos de terra tuos efficiat ; nos quoque tibi quasi corpus idem reconciliati capitis. Qui regnas cum Patre semper et Spiritu Sancto ; nunc nobis regnare incipe, Homo Deus, Christe Jesu, Rex in sæcula sæculorum. | O Christ ! Ô Dieu, souverain Seigneur, crucifiez-nous comme vous même à ce monde ; que votre vie soit en nous. Mettez sur vous nos péchés, afin qu’ils soient, eux aussi, par vous attachés à la Croix. Vous qui avez été élevé de terre, afin de nous soustraire au joug de l’impur tyran, attirez-nous à vous. Nous sommes, il est vrai, exposés aux insultes du diable ; à cause de notre chair et de ses convoitises ; mais ce n’est pas lui, c’est vous que nous voulons servir. Nous voulons vivre sous vos lois ; nous vous prions de nous gouverner, vous qui, par la mort de la Croix, avez daigné nous délivrer, nous mortels et envahis par la mort. Aujourd’hui donc, pour cet immense bienfait, nous vous présentons notre très humble service ; nous vous adorons, nous vous implorons, nous vous supplions de venir promptement vers nous, ô Dieu éternellement puissant ! Que votre Croix, par sa vertu souveraine, triomphe en nous des attraits du monde ; que votre bonté rétablisse nos âmes dans leur état primitif de vertu et de grâce. Vous dont la puissance accomplit ce qui jusqu’alors n’était que possible ; vous devant qui le passé et le présent sont unis, faites que votre Passion nous soit salutaire en ce moment, comme si elle avait lieu aujourd’hui ; qu’une goutte de votre sang divin épanché un jour sur la terre soit aujourd’hui notre salut ; qu’elle lave tous les péchés de notre nature terrestre ; qu’elle se mêle à la terre de notre corps ; et qu’elle nous rende tout vôtres, étant redevenus votre corps par notre réconciliation avec vous, notre Chef, qui vivez et régnez avec le Père et le Saint-Esprit. Maintenant donc commencez à régner sur nous, Homme-Dieu, Christ Jésus, Roi dans les siècles des siècles ! |
Le titre de Balbine, sur cette partie du petit Aventin qui domine les vastes ruines des thermes de Caracalla, est déjà connu des lecteurs. A peu de distance s’élève la basilique « de fasciola » qu’une très ancienne tradition met en relation avec saint Pierre, alors que, pour éviter la persécution, il se serait éloigné de Rome. A un mille environ de la voie Appienne, la bande entourant la jambe de l’apôtre, toute blessée par les chaînes qui l’enserraient dans sa prison, se serait dénouée, et le Christ en personne aurait apparu à saint Pierre, comme s’il allait entrer à Rome. Domine, quo vadis ? — dit alors l’apôtre au divin Maître. — Eo Romam iterum crucifigi, répond Jésus, et il disparaît. A ces paroles, Pierre comprend que le Seigneur devait être mis à mort à Rome dans la personne du premier de ses vicaires et, obéissant au commandement, il retourne aussitôt dans la Ville.
Dans l’état actuel des documents, nous ignorons quel a pu être le fondement de cette gracieuse légende ; il est certain qu’elle est très ancienne, et sa valeur trouve un appui dans le nom même « de fasciola » attribué au titre dès le début du IVe siècle.
Sous l’autel de cette basilique sont conservés les corps des martyrs Nérée, Achillée et Domitille, transportés là une première fois du cimetière de Domitille, peu éloigné, sur la voie Ardéatine, quand celui-ci, après l’époque de Paul Ier, tomba dans l’abandon et dans l’oubli. Plus tard, toute la région de la voie Appienne étant désolée par la malaria, le titre de fasciola lui-même tomba en ruines, en sorte que les corps de ses martyrs furent transportés dans l’intérieur de la Ville, dans la diaconie de Saint-Adrien au Forum.
Quand, sur la fin du XVIe siècle, le cardinal Baronius devint titulaire de la basilique de fasciola, il fit restaurer les mosaïques de l’arc triomphal contemporain de Léon III, transféra à nouveau de Saint-Adrien à son propre titre les corps des saints Nérée, Achillée et Domitille, et, sur leur sépulcre, érigea un autel en mosaïque des Cosmas qui se trouvait auparavant dans la basilique de Saint-Paul sur la voie d’Ostie.
Notre missel assigne la station de ce jour à l’église de Sainte-Praxède, ce qui provient de la coutume du bas moyen âge, époque où le titre « de fasciola » était abandonné.
Le « titulus Praxedis » sur l’Esquilin, apparaît pour la première fois dans une épigraphe de 491, trouvée dans le cimetière d’Hippolyte sur la voie Tiburtine, et qui mentionne un de ses prêtres. Paschal Ier qui en fut titulaire, le reconstruisit depuis les fondations, le déplaçant toutefois quelque peu ; mais, pour rendre plus vénérable le nouvel édifice, il y déposa un grand nombre de corps de martyrs, transportés là des cimetières suburbains désormais tombés en abandon.
De même que les mosaïques de l’abside, celles de l’oratoire de Saint-Zenon sont aussi très importantes. Jusqu’en 1699, ce prêtre martyr reposa là, à côté de son frère Valentin. On y vénère aussi une image antique de la sainte Vierge, et une colonne de jaspe sanguin apportée de Jérusalem à Rome en 1223, parce qu’une tradition affirmait que le divin Sauveur, durant sa flagellation, y fut lié.
Sous l’autel majeur repose le corps de la sainte titulaire de la basilique, et dans une crypte au-dessous du presbyterium se trouvent ces nombreux corps de martyrs enlevés par Paschal Ier aux cimetières situés hors de Rome. De la sorte, cette basilique, en raison de son antiquité, de ses monuments artistiques et des saintes reliques qu’elle conserve, peut être considérée comme l’un des plus insignes sanctuaires de Rome chrétienne.
L’antienne d’introït est tirée du psaume 34, qui, dans la liturgie grecque également, est mis en relation avec la passion du Christ : « Jugez, ô Seigneur, mes adversaires ; attaquez mes agresseurs ; prenez le bouclier et l’égide et venez à mon aide. Tirez dehors votre épée et empêchez la fuite de mes persécuteurs ; dites à mon âme : « Ton secours, c’est moi. »
Le Christ, opprimé par la multitude et par la violence de ses adversaires, — tous les pécheurs, de la culpabilité desquels il s’était charitablement chargé, lui, l’Agneau immaculé, — le Christ, non seulement en appelle au Père, et proteste de son innocence, mais il le supplie en outre de mettre un terme à la hardiesse de Satan contre l’humanité et spécialement contre son corps mystique qui est l’Église, en abaissant sa puissance. Le Père a exaucé le cri de son Fils, il a écrasé la tête du dragon infernal sous le poids de la Croix, et il est venu au secours de son Fils unique en le ressuscitant à une vie nouvelle, impassible et glorieuse.
La collecte exprime toute la solennelle tristesse de ces saints jours : « Faites, Seigneur, que, tandis qu’à cause de notre faiblesse nous sommes près de défaillir sous le poids de tant de châtiments, trop mérités par nos péchés, l’efficacité des souffrances de votre Fils unique relève notre âme. » De même que Jésus-Christ s’offrit spontanément pour nous au Père sur l’autel de la Croix, ainsi, dans le Ciel, renouvelle-t-il en notre faveur cette offrande salutaire, chaque fois que nous le désirons, et que, dans ce but, nous invoquons les mérites de sa passion.
La lecture est tirée d’Isaïe (L, 5-10) et nous montre le Christ, qui, devant son Père, entre en discussion avec ses adversaires. Il a exposé son corps aux fouets, ses joues à ceux qui le déchiraient, sa face à ceux qui le couvraient de crachats — Isaïe décrit tout cela plusieurs siècles à l’avance, avec une telle exactitude de détails que son livre a mérité le titre de Protévangile. Toutefois, la conscience du Juste opprimé sous les calomnies des adversaires ne lui reproche rien, et Lui, privé de tout autre refuge, en appelle à Celui qui est la force de tous les faibles et de tous les abandonnés, et qui, invoqué par eux au moment de l’épreuve, fait trembler tous les tyrans : Dieu. Si, dans un livre ayant pour thème un sujet sacré, comme celui-ci, il est permis de citer une autorité profane, que les lecteurs qui connaissent le roman classique de Manzoni évoquent l’impression que produisit sur l’esprit de l’Innommé le saint nom de Dieu invoqué par sa victime au soir de sa capture.
Isaïe termine par cette phrase si solennelle : « Que celui qui va à tâtons dans les ténèbres sans voir un filet de lumière espère dans le Seigneur et s’appuie sur son Dieu. » S’appuyer sur Dieu et croire à son amour : c’est toute la vie spirituelle, et bienheureux celui qui le comprend, se confiant entièrement au Seigneur, sans aucune réserve.
Le répons est tiré du même psaume que l’introït, et invoque le Seigneur pour qu’il vienne au secours de son Christ. Il ne faut pas croire que tant de prières de Jésus soient demeurées sans être entendues parce que Dieu ne l’a pas soustrait à la mort de la Croix. Non ; elles expriment avant tout, comme celle du jardin des Oliviers, la naturelle répugnance à souffrir qui démontre la vérité de la nature humaine de notre Seigneur Jésus-Christ. En outre, ces vœux étaient expressément subordonnés à la volonté du Père qui exigeait la rédemption du genre humain au moyen du sacrifice de son Fils unique. De plus, ces prières regardaient aussi la condition du corps mystique du Sauveur, les fidèles, que Jésus voulait à tout prix arracher à la gueule du dragon infernal.
La prière du Rédempteur fut acceptée et agréée par le Père en raison de la dignité de Celui qui priait, comme l’explique fort bien l’Apôtre. Ses vœux furent complètement exaucés, parce que la Sagesse de Dieu fit tourner les tourments et les calomnies de la Synagogue à une plus grande gloire du Christ au jour de sa victoire et de son triomphe définitif.
Il manque six jours avant le sabbat pascal. C’est pourquoi on lit aujourd’hui le récit fait par saint Jean (XII, 1-9) du repas célébré par Jésus dans la maison de Lazare, six jours précisément avant la Pâque. Il faut remarquer que les Juifs de Jérusalem célébrèrent cette solennité le 15 Nisan, c’est-à-dire le jour qui suivit la mort du Seigneur ; celui-ci avait dû anticiper de vingt-quatre heures la cène légale de l’agneau, et la faire le soir du jeudi 23 Nisan. Il est probable que cette anticipation, justifiée d’ailleurs par l’imminence de sa mort, était en usage parmi les Galiléens, afin d’éviter dans le temple, pour l’immolation de l’agneau pascal, une affluence trop périlleuse de peuple. — On sait que les Galiléens avaient coutume de se rendre en armes à la fête pascale de Jérusalem, en sorte que les autorités faisaient le possible pour éviter les occasions de conflit entre les Juifs de Judée et ceux de Galilée.
Durant le repas, Marie répéta le geste du jour de sa première conversion et oignit de parfums les pieds de Jésus. Toutefois le Rédempteur, qui était tout occupé de la pensée de sa mort imminente, donna à cet acte une signification funéraire et voulut le considérer comme une anticipation aimante de l’embaumement de son cadavre. Plus, en effet, le Cœur de Jésus est attristé par la perfidie de ses ennemis, plus il semble sensible aux moindres signes d’affection de la part de ses amis. Il se complaît dans un amour désintéressé, qui ne compte pas même avec le prétexte de la bienfaisance pour les pauvres. « Vous avez toujours les pauvres avec vous ; au contraire, moi vous ne m’aurez plus longtemps. » Il voulait dire qu’il faut profiter des occasions favorables de la grâce divine ; le temps ne nous manquera pas pour cela d’accorder à la nature ce qu’elle réclame à bon droit. Quand Jésus veut rester quelques instants avec nous, oublions la sollicitude des affaires extérieures ; oublions-nous et pensons à Jésus.
« Vous avez toujours les pauvres avec vous. » C’est là une des promesses les plus réconfortantes et l’un des plus précieux trésors que le Seigneur laisse à l’Église. De même que partant de ce monde pour aller au Père, Jésus se laisse lui-même dans le saint Sacrement, afin de demeurer avec ses fidèles, ainsi veut-il rester avec nous dans la personne des pauvres.
L’antienne pour l’offertoire est empruntée au psaume 142 ; le Juste y invoque un refuge contre les embûches des ennemis. Ce refuge il ne le cherche pas toutefois dans les consolations de la nature, comme font souvent tant d’âmes affligées qui ôtent à la douleur chrétienne tout son parfum surnaturel, en cherchant de la compassion et du soulagement auprès des créatures ou dans les compensations de la nature. Dans la lutte, dans la tentation, le juste ne veut rien que Dieu, et c’est pourquoi il le prie, afin que, moyennant la lumière intérieure, il le guide dans l’accomplissement de sa sainte volonté.
La collecte d’introduction à l’anaphore consécratoire est identique à celle du Ier dimanche de l’Avent. Nous y demandons que la vertu du Sacrement nous purifie, afin que nous puissions arriver plus dignement à célébrer suum principium, c’est-à-dire la fête pascale, où l’Eucharistie fut précisément instituée.
L’antienne pour la communion est prise du psaume 34. C’est toujours le même concept qui domine la liturgie de toute cette quinzaine pascale. Le Christ se trouve oppressé par le jugement de ses ennemis ; il se sent écrasé par les calomnies ; il en appelle au Père et le prend à témoin de son innocence outragée : « Qu’ils soient déshonorés et couverts de honte, ceux qui se réjouissent de mes malheurs — c’est-à-dire le démon qui ricanait au pied de la Croix, et les amis du démon qui passaient et repassaient devant celle-ci, se moquant de Jésus ; qu’ils rougissent et tremblent, ceux qui médisent de moi. »
Dans la collecte eucharistique, nous demandons au Seigneur cette ferveur, c’est-à-dire cette faim spirituelle, qui nous fasse goûter toutes les douceurs intimes de la Communion et nous en fasse expérimenter les fruits. De même, en effet, que les aliments matériels réjouissent et augmentent d’autant plus la vigueur du corps que la santé de celui qui s’en nourrit est meilleure, de même l’Eucharistie produit dans l’âme un fruit plus abondant en proportion de la charité et de la ferveur de celui qui communie. Tant il importe, par conséquent, de se préparer convenablement à la réception des Sacrements.
Dans la collecte de bénédiction sur le peuple, nous supplions Dieu de nous aider, afin qu’avec un élan de foi ardente et de généreux amour, nous puissions arriver ces jours-ci à célébrer le plus grand de ses bienfaits, celui par lequel il a daigné nous restaurer, c’est-à-dire nous refaire à nouveau, moyennant la rédemption dans son sang.
Jésus continue sa passion dans toute l’histoire de l’Église, et c’est pourquoi, en tout temps, sont nécessaires des âmes aimantes qui, avec leurs parfums, c’est-à-dire avec leur tendresse, dédommagent le doux Maître des injures dont le comblent les méchants. Heureuses ces âmes réparatrices, d’autant plus opportunes aujourd’hui, que l’impiété engloutit le monde ! L’onguent précieux et embaumé qu’elles versent sur les pieds de Jésus, ce sont leurs larmes et leur sainte vie qui, en raison de l’exemple édifiant, répand la bonne odeur du Christ sur toute l’Église. Le monde trouve inutiles et superflues ces âmes contemplatives, et, à l’égal de Judas, il voudrait spéculer sur leur vocation : Jésus toutefois prend leur défense, et assure que, sans qu’il en résulte aucun préjudice pour la bienfaisance publique, ces âmes réparatrices, vouées à la pénitence et à la prière, lui sont nécessaires dans l’Église.
Madeleine et Judas.
C’est une particularité de la liturgie romaine d’aimer à compter les jours qui nous séparent d’une grande fête. Dès le quatrième dimanche de Carême, nous l’entendons nous dire : Pâques est proche. Le dimanche de la Passion, elle disait : dans quatorze jours. Elle dit, aujourd’hui : « Six jours avant Pâques ». Les antiennes directrices de ces trois jours ne sont pas tirées de l’Évangile du jour, mais nous représentent quelque scène de la Passion. L’intention de l’Église est de nous faire vivre toute la journée dans la pensée de la Passion du Seigneur.
« Père, glorifie-moi près de toi de cette gloire que j’avais avant que le monde fût créé » (Ant. Bened.). « Je ne détourne pas mon visage de ceux qui m’insultent et me couvrent de crachats » (Ant. Prime). « Ils ont payé comme prix, pour moi, trente pièces d’argent et c’est à cette mince somme que j’ai été estimé » (Ant. Sexte). « Tu n’aurais pas de pouvoir sur moi s’il ne t’avait pas été donné d’en-haut » (Ant. Magn.).
Mais le mystère principal du jour, c’est l’onction de Madeleine.
1. La messe (Judica). — L’église de station était jadis l’église « de fasciola ». D’après une antique légende, cette église rappelait la fuite de saint Pierre au moment de la persécution romaine. D’après la légende, au premier mille sur la voie Appienne, la bande (fascia), qui enveloppait les pieds de l’Apôtre blessés par les chaînes, se détacha. A ce moment, apparut le Seigneur et Pierre lui demanda : Domine, quo vadis : Seigneur, où vas-tu ? Jésus répondit : Je vais à Rome me faire crucifier de nouveau. A ces mots, Pierre retourna sur ses pas et rentra dans la ville. Sous l’autel, reposent les corps des saints martyrs, Nérée, Achillée et Domitille. Plus tard, on transporta la station à l’église de Sainte-Praxède. Sainte Praxède était une vierge qui se consacra tout entière aux œuvres de charité et à l’assistance des martyrs : « Elle cachait les uns dans sa maison, elle exhortait les autres à confesser courageusement leur foi, elle ensevelissait les morts ; à ceux qui languissaient dans les prisons, elle apportait le nécessaire. Ne pouvant plus supporter de voir l’oppression des chrétiens, elle pria le Seigneur de l’enlever de cette vallée de larmes. Elle fut exaucée. Le Seigneur l’appela à lui pour lui donner la couronne céleste en récompense de sa charité et de sa piété ».
La messe est entièrement dominée par le thème de la Passion. Les chants, les oraisons, les lectures parlent tous de la Passion et de la mort du Seigneur. Dès l’Introït qui, comme presque tous les chants (Grad., Comm.), est emprunté au psaume 34, nous implorons, avec le Christ, le secours de Dieu contre les oppresseurs impies. Le Christ lui-même s’est appliqué ce psaume (Jean, XV, 25). Ce psaume est aussi une malédiction contre Judas, le traître. Au reste, la liturgie nous présente aujourd’hui deux figures qui sont en relation étroite avec la Passion. L’une doit servir à nous consoler ; l’autre est pour nous un sérieux avertissement. Ces figures forment un saisissant contraste, c’est Madeleine et Judas. Jésus est dans la maison de Lazare. Marie-Madeleine oint ses pieds pour sa « sépulture » et les essuie avec ses longs cheveux. Judas se montre mécontent et Jésus le réprimande. Ce blâme acheva de déterminer Judas à la trahison. Ce repas fut donc important. Ce fut un repas mortuaire qui amena la mort (Judas) et prépara la sépulture (Madeleine). Jésus donne son corps à tous les deux. A Madeleine pour l’onction et à Judas pour le baiser perfide ; il le donne aux bons qui l’entourent d’affection et de respect ; il le donne aux méchants qui le crucifient. C’est ce qu’il exprime lui-même, d’une manière saisissante, dans la Leçon : « Je donne mon corps à ceux me frappent et mes joues à ceux qui me déchirent, je ne détourne pas mon visage de ceux qui m’insultent, et me couvrent de crachats ».
Cela s’applique aussi à son corps mystique. Le Christ parcourt de nouveau la voie douloureuse à travers les temps et il abandonne encore son corps aux onctions des Madeleines comme aux baisers perfides des Judas ; il laisse frapper et déchirer son visage, saint Augustin nous explique comment nous devons oindre son corps : « Oins les pieds de Jésus par une vie agréable à Dieu. Suis la trace de ses pas ; si tu as du superflu, donne-le aux pauvres, et tu auras essuyé les pieds du Seigneur ». Nous pouvons ainsi consoler le Christ dans sa vie mystique. Il reçoit tant de baisers de Judas par les péchés des chrétiens ! Sainte Praxède, qui consacra tout son bien à secourir les pauvres, oignit, elle aussi, les pieds du Seigneur. Ainsi l’Évangile rend hommage à la vierge romaine. Au Saint-Sacrifice, nous prenons part au banquet mortuaire du Seigneur, et, à l’Offrande, nous voulons « essuyer les pieds du Seigneur ».
Madeleine et Judas accompagnent le Sauveur souffrant pendant toute la Semaine-Sainte. Le mercredi, Judas va trouver les princes des prêtres pour négocier sa trahison, pendant que Madeleine sert le Seigneur dans sa maison ; le jeudi, Judas demande avec insolence : Est-ce moi ? Et, le soir, au jardin des Oliviers, donne à Jésus un baiser de traître. Madeleine, de son côté, a pris congé de Jésus en pleurant. Le vendredi, Judas jette dans le temple ses trente pièces d’argent, puis va se pendre dans la gorge d’Hinnon. Madeleine est du petit nombre de fidèles qui restent auprès de la Croix dont elle embrasse le pied. Le dimanche, Madeleine est la première messagère de Pâques ; elle est la première à voir le Sauveur et à entendre sa voix qui lui dit doucement : Marie ! Où est l’âme du malheureux Judas ?
Le Seigneur suit aussi sa voie douloureuse à travers notre vie pécheresse. Il y a deux âmes en nous, une âme de Judas et une âme de Madeleine. La première est la cause de sa Passion, c’est une âme traîtresse, toujours prête à l’apostasie, au baiser de Judas... Qui peut dire qu’il n’a pas en lui cette âme de Judas ? L’âme de Madeleine console le Seigneur sur sa voie douloureuse. Puisse le temps de Carême, que nous achevons heureusement, grâce à Dieu, nous permettre d’étouffer en nous l’âme de Judas et de fortifier l’âme de Madeleine !
2. L’office des Ténèbres. — L’ami de la liturgie consacrera tous ses moments libres à se préparer à la célébration de la Semaine Sainte. Dans les communautés, la préparation est certainement depuis longtemps en train. Les pasteurs des âmes ont dû, au cours du Carême, expliquer à leurs paroissiens le contenu spirituel de la Semaine Sainte. Il est absolument nécessaire, pendant ces deux jours, de prendre les dernières dispositions. Examinons aujourd’hui les matines des trois derniers jours, l’office des « Ténèbres ».
Que sont les matines ? C’est une partie de la prière ecclésiastique, du bréviaire. C’est la prière de nuit de l’Église ; elle est consacrée à la méditation du mystère du jour suivant. Les sentiments et les pensées de l’Église, dans un jour liturgique, sont exprimés par elle aux matines. Or, les trois derniers jours de la Semaine Sainte étant pour les chrétiens les plus riches en événements de l’année, nous comprendrons que les matines de ces trois derniers jours doivent avoir un riche contenu. De fait, elles comptent parmi ce qu’il y a de plus beau et de plus touchant dans le trésor des prières de l’Église. Les matines de ces trois jours forment trois parties du drame de la Passion.
La première partie est constituée par les matines du Jeudi Saint. C’est l’entrée dans le grand drame. La pensée principale de ces matines, c’est la Passion intérieure du Christ, la Passion dans ses causes... Les scènes dominantes sont : la scène du jardin des Oliviers, la trahison de Judas et l’institution de la sainte Eucharistie.
La seconde partie est constituée par les matines du Vendredi Saint. C’est le paroxysme du drame, le drame même de la Croix. L’action se passe sur le Golgotha. Ces matines sont aussi les plus saisissantes et les plus tristes de toutes.
La troisième partie amène déjà une détente. Les matines du Samedi Saint respirent le calme après la tempête et s’élèvent peu à peu à l’espoir de la Résurrection, mais reviennent aux lamentations de deuil à la vue des plaies saignantes du grand mort.
L’espace nous fait défaut pour approfondir les beautés de ces matines. Signalons seulement les Lamentations et les Répons. Les Lamentations sont des chants douloureux, dans lesquels le Prophète Jérémie déplore la destruction de Jérusalem et la déportation du peuple. Dans les Matines, ces Lamentations expriment la douleur contrite de l’humanité repentante, de l’épouse infidèle pour laquelle l’Époux souffre et meurt. Dans les Lamentations, l’Église veut nous montrer, à tous, l’image de notre âme, afin que nous puissions reconnaître l’horreur et le malheur du péché. C’est pourquoi chaque chant se termine par cet appel saisissant : « Jérusalem, Jérusalem, convertis-toi au Seigneur, ton Dieu ». Les Lamentations sont chantées sur une mélodie mélancolique. L’origine de cette mélodie se perd dans la nuit des temps ; peut-être faut-il la chercher dans l’antiquité judaïque. Cette mélodie grave, traînante, dont les phrases se répètent sans jamais lasser, a touché et ébranlé des milliers de cœurs, et les artistes ne cessent d’en être frappés d’admiration.
« Comment donc est-elle assise, solitaire, cette cité autrefois si peuplée ?
Elle est maintenant comme une veuve la maîtresse des nations.
La princesse des provinces est devenue tributaire...
O vous tous qui passez par le chemin, faites attention et voyez
S’il est une douleur semblable à ma douleur...
A qui te comparerai-je, à qui t’assimilerai-je, fille de Jérusalem ?
Qui placerai-je à côté de toi pour te consoler, vierge de Jérusalem ?
Qui placerai-je à côté de toi pour te consoler, vierge fille de Sion ?
Car grande comme la mer est ton affliction ».
Après les Lamentations, on aime aussi à chanter solennellement les Répons. Qu’est-ce que les Répons ? Après une leçon, l’Église ne passe pas d’ordinaire immédiatement à la suivante, mais elle aime intercaler un chant qui est comme l’écho de la leçon précédente. Nous trouvons quelque chose d’analogue à la messe. Après l’Épître, on chante un chant intermédiaire, le Graduel. Les répons des matines des trois derniers jours de la Semaine Sainte sont parmi les plus belles pièces de ces matines. Nous entendons tantôt les plaintes du Sauveur souffrant, tantôt celles de l’Église. Ces chants sont d’un ton très varié, tantôt simple, tantôt lyrique, tantôt dramatique. Quelques exemples nous donneront une idée de ces chants. Le Jeudi Saint, l’Église chante au sujet de Judas :
« Judas, misérable et vénal,
Approcha du Seigneur pour lui donner un baiser.
Le Seigneur, comme un agneau innocent,
Ne refusera pas le baiser de Judas.
Pour quelques deniers
Il livra le Christ aux Juifs.
Il eût mieux valu pour lui ne jamais naître. »
Le Vendredi Saint, l’Église chante la mort du Christ.
« Il y eut des ténèbres
Quand les Juifs eurent crucifié Jésus,
Et, vers la neuvième heure, Jésus cria d’une voix fort :
« Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Et, inclinant la tête, il rendit l’esprit.
Jésus cria d’une voix forte :
« Père, en tes mains, je remets mon esprit ».
Le Samedi Saint, l’Église pleure près du tombeau de son Époux.
« Jérusalem, lève-toi et quitte tes habits de fête,
Prends le cilice et couvre-toi de cendre
Parce que, chez toi, le Sauveur d’Israël a été mis à mort.
Que tes yeux versent nuit et jour des torrents de larmes
Et que la prunelle de ton œil n’ait pas de repos ».
Au début des matines, on place devant l’autel un candélabre portant quinze cierges, quatorze jaunes et un blanc. On éteint un de ces cierges après chaque psaume (neuf à matines et cinq à laudes) ; le cierge blanc reste allumé. A la fin, on le porte derrière l’autel ; le chœur fait alors du bruit et on le rapporte sur le candélabre. Cette cérémonie n’avait, au début, qu’un intérêt pratique. Au Moyen Age, on récitait les matines pendant la nuit (c’est pourquoi on les appelait aussi ténèbres). L’extinction d’un cierge indiquait aux fidèles qu’un psaume était fini. Plus tard, on attribua à cet usage une signification symbolique. Les cierges jaunes représentent les disciples qui s’enfuirent les uns après les autres. Le cierge blanc représente Jésus dont la lumière s’éteignit, pendant peu de temps, à sa mort, mais brilla de nouveau à sa Résurrection. Le bruit indique le tremblement de terre au moment de la Résurrection.
La conclusion de l’office des Ténèbres est particulièrement saisissante. Quand tous les cierges, même ceux de l’autel, sont éteints et que, par conséquent, l’Église est dans une obscurité complète, tout le monde s’agenouille. On chante alors ce court verset : « Le Christ s’est fait pour nous obéissant jusqu’à la mort » ; (le Vendredi Saint, on ajoute au verset : « jusqu’à la mort de la Croix », et, le Samedi Saint, on fait une addition nouvelle : « c’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom »). On récite ensuite ou on chante le psaume de pénitence, le miserere. Ainsi, devant l’image du Crucifié, nous excitons en nous des sentiments de contrition. Puis, tous se lèvent et s’en vont en silence.
Si l’on veut célébrer la Semaine Sainte dans toute sa beauté, il faut connaître l’office des Ténèbres.
[1] Sap. 2, 10.
[2] Prov. 1, 12.
[3] Sap. 2, 21.
[4] Rom. 1, 17.
[5] Matth. 25, 40.
[6] Rom. 2, 24.
[7] 2 Cor. 2, 15.
[8] Job. 30, 10.
[9] Job. 16, 10.
[10] Is. 50, 6.
[11] Zach. 13, 7.
[12] Zach. 11, 12.
[13] Lam. 3, 54.
[14] Lam. 3, 62.
[15] Jn. 17, 5.
[16] Jn. 19, 11.
[17] Matth. XXI, 18.
[18] Matth. XXIV, 34.