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Dimanche de la Passion

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1960.


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

« Nous n’ignorons pas, dit S. Léon, que le mystère pascal occupe le premier rang parmi toutes les solennités religieuses. Notre manière de vivre durant l’année tout entière doit, il est vrai, par la réforme de nos moeurs, nous disposer à le célébrer d’une manière digne et convenable ; mais les jours présents exigent en plus haut degré notre dévotion, car nous savons qu’ilss sont proches de celui où nous célébrons le mystère très sublime de la divine miséricorde » (2e Nocturne des Matines avant 1960).

Textes de la Messe

Dominica 1a Passionis
1er Dimanche de la Passion
I Classis
1ère Classe
Statio ad S. Petrum
Station à St-Pierre
Ab hac Dominica usque ad Feriam V in Cena Domini inclusive, in Missis de Tempore non dicitur Psalmus Iúdica ante Confessionem, neque Glória Patri ad Introitum et post Psalmum LaváboDe ce dimanche au Jeudi de la Cène du Seigneur inlus, aux messes du temps, on ne dit pas le Psaume Iúdica avant la Confession, ni le Glória Patri à l’introït et après le Psuame Lavábo
Ant. ad Introitum. Introitus. Ps. 42, 1-2.Introït
Iúdica me, Deus, et discérne causam meam de gente non sancta : ab homine iníquo et dolóso éripe me : quia tu es Deus meus et fortitúdo mea.Ô Jugez-moi, ô Dieu, et séparez ma cause de celle d’une nation qui n’est pas sainte : délivrez-moi de l’homme méchant et trompeur. Car vous êtes ma force, ô Dieu.
Ps. ibid., 3.
Emítte lucem tuam et veritátem tuam : ipsa me de duxérunt et adduxérunt in montem sanctum tuum et in tabernácula tua.Envoyez votre lumière et votre vérité ; elles me conduiront et m’amèneront à votre montagne sainte et à vos tabernacles.
Oratio.Collecte
Quǽsumus, omnípotens Deus, familiam tuam propítius réspice : ut, te largiénte, regátur in córpore ; et, te servánte, custodiátur in mente. Per Dóminum.Nous vous en prions, Dieu tout-puissant, regardez vos enfants dans votre miséricorde ; accordez-leur votre grâce pour qu’ils soient gouvernés en leur corps, et veillez sur eux pour qu’ils soient gardés en leur âme. Par N.-S.
Léctio Epístolæ beáti Páuli Apóstoli ad Hebrǽos.Lecture de l’Epître de Saint Paul Apôtre aux Hébreux.
Hebr. 9, 11-15.
Fratres : Christus assístens Pontifex futurórum bonórum, per ámplius et perféctius tabernáculum non manufáctum, id est, non huius creatiónis : neque per sánguinem hircórum aut vitulórum, sed per próprium sánguinem introívit semel in Sancta, ætérna redemptióne invénta. Si enim sanguis hircórum et taurórum, et cinis vítulæ aspérsus, inquinátos sanctíficat ad emundatiónem carnis : quanto magis sanguis Christi, qui per Spíritum Sanctum semetípsum óbtulit immaculátum Deo, emundábit consciéntiam nostram ab opéribus mórtuis, ad serviéndum Deo vivénti ? Et ideo novi Testaménti mediátor est : ut, morte intercedénte, in redemptiónem eárum prævaricatiónum, quæ erant sub prióri Testaménto, repromissiónem accípiant, qui vocáti sunt ætérnæ hereditátis, in Christo Iesu, Dómino nostro.Mes frères : Le Christ ayant paru comme grand prêtre des biens à venir, c’est en passant par un tabernacle plus excellent et plus parfait, qui n’est pas construit de main d’homme, c’est-à-dire, qui n’appartient pas à cette création-ci et ce n’est pas avec le sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang, qu’il est entré une fois pour toutes dans le saint des Saints, après avoir acquis une rédemption éternelle. Car si le sang des boucs et des taureaux, si la cendre d’une vache, dont on asperge ceux qui sont souillés, sanctifient de manière à procurer la pureté de la chair, combien plus le sang du Christ qui, par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera-t-il notre conscience des oeuvres mortes, pour servir le Dieu vivant ? Et c’est pour cela qu’il est médiateur d’une nouvelle alliance, afin que, sa mort ayant eu lieu pour le pardon des transgressions commises sous la premiers alliance, ceux qui ont été appelés reçoivent l’héritage éternel qui leur a été promis en Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Graduale. Ps. 142, 9 et 10.Graduel
Eripe me, Dómine, de inimícis meis : doce me fácere voluntátem tuam.Délivrez-moi de mes Ennemis, Seigneur ; enseignez-moi à faire votre volonté.
V/. Ps. 17, 48-49.Liberátor meus, Dómine, de géntibus iracúndis : ab insurgéntibus in me exaltábis me : a viro iníquo erípies me.Vous me délivrez de mes ennemis furieux, Seigneur ; et mous m’élèverez au-dessus de ceux qui se dresse contre moi ; vous m’arracherez des mains de l’homme inique.
Tractus. Ps. 128, 1-4.Trait.
Sæpe expugnavérunt me a iuventúte mea.Ils m’ont souvent attaqué depuis ma jeunesse.
V/. Dicat nunc Israël : sæpe expugnavérunt me a iuventúte mea.Qu’Israël le dise maintenant, ils m’ont souvent attaqué depuis ma jeunesse.
V/. Etenim non potuérunt mihi : supra dorsum meum fabricavérunt peccatóres.Mais ils n’ont pas prévalu contre moi ; les pécheurs ont travaillé sur mon dos.
V/. Prolongavérunt iniquitátes suas : Dóminus iustus cóncidit cervíces peccatórum.Ils m’ont fait sentir longtemps leur injustice : le Seigneur est juste, il tranchera la tête des pécheurs.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Ioánnem.Lecture du Saint Evangile selon saint Jean.
Ioann. 8, 46-59.
In illo témpore : Dicébat Iesus turbis Iudæórum : Quis ex vobis árguet me de peccáto ? Si veritátem dico vobis, quare non créditis mihi ? Qui ex Deo est, verba Dei audit. Proptérea vos non audítis, quia ex Deo non estis. Respondérunt ergo Iudǽi et dixérunt ei : Nonne bene dícimus nos, quia Samaritánus es tu, et dæmónium habes ? Respóndit Iesus : Ego dæmónium non hábeo, sed honorífico Patrem meum, et vos inhonorástis me. Ego autem non quæro glóriam meam : est, qui quærat et iúdicet. Amen, amen, dico vobis : si quis sermónem meum serváverit, mortem non vidébit in ætérnum. Dixérunt ergo Iudǽi : Nunc cognóvimus, quia dæmónium habes. Abraham mórtuus est et Prophétæ ; et tu dicis : Si quis sermónem meum serváverit, non gustábit mortem in ætérnum. Numquid tu maior es patre nostro Abraham, qui mórtuus est ? et Prophétæ mórtui sunt. Quem teípsum facis ? Respóndit Iesus : Si ego glorífico meípsum, glória mea nihil est : est Pater meus, qui gloríficat me, quem vos dícitis, quia Deus vester est, et non cognovístis eum : ego autem novi eum : et si díxero, quia non scio eum, ero símilis vobis, mendax. Sed scio eum et sermónem eius servo. Abraham pater vester exsultávit, ut vidéret diem meum : vidit, et gavísus est. Dixérunt ergo Iudǽi ad eum : Quinquagínta annos nondum habes, et Abraham vidísti ? Dixit eis Iesus : Amen, amen, dico vobis, antequam Abraham fíeret, ego sum. Tulérunt ergo lápides, ut iácerent in eum : Iesus autem abscóndit se, et exívit de templo.En ce temps-là, Jésus disait à la foule des Juifs : Qui de vous me convaincra de péché ? Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas ? Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu. C’est pour cela que vous n’écoutez point, parce que vous n’êtes pas de Dieu. Les Juifs lui répondirent donc, et lui dirent : N’avons-nous pas raison de dire que vous êtes un Samaritain et un possédé du démon ? Jésus répondit : Je ne suis pas possédé du démon, mais j’honore mon Père ; et vous, vous me déshonorez. Pour moi, je ne cherche pas ma propre gloire ; il est quelqu’un qui la cherche, et qui juge. En vérité, en vérité, je vous le dis, si quelqu’un garde ma parole, il ne verra jamais la mort. Les Juifs lui dirent : Maintenant nous connaissons que vous êtes possédé du démon. Abraham est mort, et les prophètes aussi ; et vous dites : Si quelqu’un garde ma parole, il ne goûtera jamais la mort. Êtes-vous plus grand que notre père Abraham, qui est mort, et que les prophètes, qui sont morts aussi ? Qui prétendez-vous être ? Jésus répondit : Si je me glorifie moi-même, ma gloire n’est rien ; c’est mon Père qui me glorifie, lui dont vous dites qu’il est votre Dieu. Et vous ne le connaissez pas ; mais mol, je le connais ; et si je disais que je ne le connais pas, je serais semblable à vous, un menteur. Mais je le connais et je garde sa parole. Abraham, votre père, a tressailli de joie, désirant voir mon jour ; il l’a vu, et il s’est réjoui. Les Juifs lui dirent : Vous n’avez pas encore cinquante ans, et vous avez vu Abraham ? Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, je suis. Ils prirent donc des pierres, pour les jeter sur lui ; mais Jésus se cacha, et sortit du temple.
Credo
Ant. ad Offertorium. Ps.118, 17 et 107.Offertoire
Confitébor tibi, Dómine, in toto corde meo : retríbue servo tuo : vivam, et custódiam sermónes tuos : vivífica me secúndum verbum tuum, Dómine.Seigneur, je vous célébrerai de tout mon cœur. Bénissez votre serviteur, je vivrai ; et je garderai vos paroles. Faites-moi vivre selon votre parole, Seigneur.
Secreta.Secrète
Hæc múnera, quǽsumus Dómine, ei víncula nostræ pravitátis absólvant, et tuæ nobis misericórdiæ dona concílient. Per Dóminum.Nous vous en supplions, Seigneur, que ces dons nous arrachent aux liens de notre perversité et nous obtiennent les effets de votre miséricorde. Par Notre-Seigneur.
Præfatio de Cruce ; quæ dicitur usque ad Feriam V in Cena Domini inclusive, iuxta Rubricas. Préface de la sainte Croix .
Ant. ad Communionem. 1 Cor. 11, 24 et 25.Communion
Hoc corpus, quod pro vobis tradétur : hic calix novi Testaménti est in meo sánguine, dicit Dóminus : hoc fácite, quotiescúmque súmitis, in meam commemoratiónem.Ceci est mon corps qui sera livré pour vous : le calice est la nouvelle alliance en mon sang, dit le Seigneur ; faites ceci en mémoire de moi, toutes les fois que vous en prendrez.
Postcommunio.Postcommunion
Adésto nobis, Dómine, Deus noster : et, quos tuis mystériis recreásti, perpétuis defénde subsidiis. Per Dóminum nostrum.Assistez-nous, Seigneur, notre Dieu, et défendez par d’incessants secours ceux dont vous avez relevé les forces au moyen de vos mystères. Par Notre-Seigneur.

Office

AUX PREMIÈRES VÊPRES.

Capitulum Hebr. 9. 11. Capitule
Fratres : Christus assístens Póntifex futurórum bonórum, per ámplius et perféctius tabernáculum non manu factum, id est, non huius creatiónis : neque per sánguinem hircórum aut vitulórum, sed per próprium sánguinem introívit semel in Sancta, ætérna redemptióne invénta.Mes frères : Le Christ ayant paru comme grand prêtre des biens à venir, c’est en passant par un tabernacle plus excellent et plus parfait, qui n’est pas construit de main d’homme, c’est-à-dire, qui n’appartient pas à cette création-ci et ce n’est pas avec le sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang, qu’il est entré une fois pour toutes dans le saint des Saints, après avoir acquis une rédemption éternelle.
Hymnus Hymne
Vexílla Regis pródeunt :
Fulget Crucis mystérium,
Qua vita mortem pértulit,
Et morte vitam prótulit.
Les étendards du Roi s’avancent :
il resplendit le mystère de la Croix,
sur laquelle la Vie a souffert la mort,
et par la mort a produit la vie.
Quæ, vulneráta lánceæ
Mucróne diro, críminum
Ut nos laváret sórdibus,
Manávit unda et sánguine.
C’est là que, transpercé du fer
cruel d’une lance,
son côté épancha l’eau et le sang,
pour laver la souillure de nos crimes.
Impléta sunt quæ cóncinit
David fidéli cármine,
Dicéndo natiónibus :
Regnávit a ligno Deus.
Il s’est accompli, l’oracle de David
qui, dans un chant inspiré,
avait dit aux nations :
« Dieu régnera par le bois. »
Arbor decóra et fúlgida,
Ornáta Regis púrpura,
Elécta digno stípite
Tam sancta membra tángere.
Tu es beau, tu es éclatant,
arbre paré de la pourpre du Roi ;
noble tronc appelé à l’honneur
de toucher des membres si sacrés.
Beáta, cuius bráchiis
Prétium pepéndit sǽculi,
Statéra facta córporis,
Tulítque prædam tártari.
Arbre bienheureux, dont les bras
ont porté la rançon du monde !
Tu es la balance où fut pesé ce corps,
et tu as enlevé à l’enfer sa proie.
Sequens stropha dicitur flexis genibus. La strophe suivante se dit à genoux.
O Crux, ave, spes única,
Hoc Passiónis témpore
Piis adáuge grátiam,
Reísque dele crímina.
Salut, ô Croix, unique espérance !
En ces jours de la Passion,
accrois la grâce chez les justes,
efface le crime des coupables.
Te, fons salútis, Trínitas,
Colláudet omnis spíritus :
Quibus Crucis victóriam
Largíris, adde prǽmium.
Amen.
O Trinité, source de notre salut,
que tous les esprits vous louent ensemble :
vous nous donnez la victoire par la Croix :
daignez y ajouter la récompense.
Amen.
V/. Eripe me, Dómine, ab hómine malo. V/. Arrachez-moi, Seigneur, à l’homme mauvais.
R/. A viro iníquo éripe me. R/. A l’homme d’iniquité, arrachez-moi.
Ad Magnificat Ant. Ego sum * qui testimónium perhíbeo de meípso : et testimónium pérhibet de me, qui misit me, Pater. Ant. au Magnificat C’est moi * qui rends témoignage de moi-même : mais il rend aussi témoignage de moi, mon Père qui m’a envoyé.
Magnificat

A MATINES avant 1960

Invitatorium Invitatoire
Hódie, si vocem Dómini audiéritis, * Nolíte obduráre corda vestra.Aujourd’hui si vous entendez la voix du Seigneur, * N’endurcissez pas vos cœurs.
Hymnus Hymne
Pange, lingua, gloriósi
Láuream certáminis,
Et super Crucis trophǽo
Dic triúmphum nóbilem :
Quáliter Redémptor orbis
Immolátus vícerit.
Chante, ô ma langue,
les lauriers d’un glorieux combat,
célèbre le noble triomphe
dont la Croix est le trophée :
dis comment le Rédempteur du monde a,
par son immolation, remporté la victoire.
De paréntis protoplásti
Fraude Factor cóndolens,
Quando pomi noxiális
In necem morsu ruit :
Ipse lignum tunc notávit,
Damna ligni ut sólveret.
Celui qui forma Adam de ses mains,
compatit à son malheur,
quand, il mangea d’un fruit funeste
et se précipita ainsi dans la mort :
Pour ôter les méfaits d’un arbre,
Dieu choisit alors un arbre.
Hoc opus nostræ salútis
Ordo depopóscerat ;
Multifórmis proditóris
Ars ut artem fálleret,
Et medélam ferret inde,
Hostis unde lǽserat.
Le dessein divin [1] réclamait
cette œuvre de notre salut ;
déjouer l’artifice d’un traître
habile à prendre toutes les formes,
et procurer le remède de l’arme même
dont l’ennemi s’était servi pour nous blesser.
Quando venit ergo sacri
Plenitúdo témporis,
Missus est ab arce Patris
Natus, orbis Cónditor ;
Atque ventre virgináli
Carne amíctus pródiit.
Lors donc que le temps marqué
par le décret divin fut accompli,
celui par qui le monde a été créé,
fut envoyé du haut du trône de son Père ;
et naquit d’un sein virginal,
revêtu de notre chair mortelle.
Vagit infans inter arcta
Cónditus præsépia :
Membra pannis involúta
Virgo Mater álligat :
Et Dei manus pedésque
Stricta cingit fáscia.
Il vagit, l’enfant caché
Dans l’étroite crèche :
la Vierge-Mère enveloppe ses membres
de langes qui les captivent :
elle entoure d’étroites bandelettes
les mains et les pieds d’un Dieu.
Sempitérna sit beátæ
Trinitáti glória,
Æqua Patri, Filióque ;
Par decus Paráclito :
Uníus Triníque nomen
Laudet univérsitas.
Amen.
Gloire soit éternellement
à la bienheureuse Trinité,
honneur égal au Père et au Fils,
comme aussi au Paraclet :
Que le nom du Dieu un et trois
soit loué dans tout l’univers.
Amen.
In I Nocturno
1er Nocturne
Lectio i1ère leçon
Incipit liber Ieremíæ ProphétæCommencement du livre du Prophète Jérémie
Cap. 1, 1-6
Verba Ieremíæ fílii Helcíæ, de sacerdótibus, qui fuérunt in Anathoth, in terra Béniamin. Quod factum est verbum Dómini ad eum in diébus Iosíæ fílii Amon regis Iuda, in tertiodécimo anno regni eius. Et factum est in diébus Ióakim fílii Iosíæ regis Iuda, usque ad consummatiónem undécimi anni Sedecíæ fílii Iosíæ regis Iuda, usque ad transmigratiónem Ierúsalem, in mense quinto. Et factum est verbum Dómini ad me, dicens : Priúsquam te formárem in útero, novi te : et ántequam exíres de vulva, sanctificávi te, et prophétam in Géntibus dedi te. Et dixi : A a a, Dómine Deus : ecce néscio loqui, quia puer ego sum.Paroles de Jérémie, fils d’Helcias, un des prêtres qui demeuraient à Anathoth, dans la terre de Benjamin. Parole du Seigneur qui lui fut adressée dans les jours de Josias, fils d’Amon, roi de Juda, en la treizième année de son règne. Elle lui fut aussi adressée dans les jours de Joakim. fils de Josias, roi de Juda, jusqu’à là fin de la onzième année de Sédécias, fils de Josias, roi de Juda, jusqu’à la transmigration de Jérusalem, au cinquième mois. Elle me fut donc adressée, la parole du Seigneur, disant : Avant que je t’eusse formé dans le sein de (ta mère) je t’ai connu, et avant que tu fusses sorti de ses entrailles, je t’ai sanctifié, et je t’ai établi prophète parmi les nations. Et je dis : A, a, a, Seigneur Dieu ; voyez, je ne sais point parler, parce que moi, je suis un enfant. [2]
R/. Isti sunt dies, quos observáre debétis tempóribus suis : * Quartadécima die ad vésperum Pascha Dómini est : et in quintadécima solemnitátem celebrábitis altíssimo Dómino.R/. Voici [3] les jours de fête que vous observerez en leurs temps : * Au quatorzième jour du premier mois, vers le soir, est la Pâque du Seigneur, et au quinzième jour vous célébrerez une solennité en l’honneur du Dieu très-haut.
V/. Locútus est Dóminus ad Móyses, dicens : Lóquere fíliis Israël, et dices ad eos.V/. Le Seigneur parla à Moïse, disant : Parle aux enfants d’Israël, et tu leur diras.
R/. Quartadécima die ad vésperum Pascha Dómini est : et in quintadécima solemnitátem celebrábitis altíssimo Dómino.R/. Au quatorzième jour du premier mois, vers le soir, est la Pâque du Seigneur, et au quinzième jour vous célébrerez une solennité en l’honneur du Dieu très-haut.
Lectio ii Cap. 1, 7-132e leçon
Et dixit Dóminus ad me : Noli dícere : Puer sum : quóniam ad ómnia, quæ mittam te, ibis : et univérsa, quæcúmque mandávero tibi, loquéris. Ne tímeas a fácie eórum : quia tecum ego sum, ut éruam te, dicit Dóminus. Et misit Dóminus manum suam, et tétigit os meum : et dixit Dóminus ad me : Ecce dedi verba mea in ore tuo : ecce constítui te hódie super Gentes, et super regna, ut evéllas, et déstruas, et dispérdas, et díssipes, et ædífices, et plantes. Et factum est verbum Dómini ad me, dicens : Quid tu vides, Ieremía ? Et dixi : Virgam vigilántem ego vídeo. Et dixit Dóminus ad me : Bene vidísti, quia vigilábo ego super verbo meo, ut fáciam illud. Et factum est verbum Dómini secúndo ad me, dicens : Quid tu vides ? Et dixi : Ollam succénsam ego vídeo, et fáciem eius a fácie Aquilónis.Et le Seigneur me dit : Ne dis pas : Je suis un enfant, puisque partout où je t’enverrai, tu iras ; et que tout ce que je te commanderai, tu le diras. Ne crains pas à cause d’eux, parce que moi, je suis avec toi, afin que je te délivre, dit le Seigneur. Et le Seigneur étendit sa main, et toucha ma bouche ; et le Seigneur me dit : Voilà que j’ai mis ma parole en ta bouche. Voilà qu’aujourd’hui je t’ai établi sur les nations et sur les royaumes, afin que tu arraches et que tu détruises, et que tu perdes et que tu dissipes, et que tu édifies et que tu plantes. Et la parole du Seigneur me fut encore adressée, disant : Que vois-tu, toi, Jérémie ? Et je dis : Je vois une verge qui veille. Et le Seigneur me dit : Tu as bien vu, parce que je veillerai sur ma parole, afin que je l’accomplisse. Et la parole du Seigneur me fut adressée une seconde fois, disant : Que vois-tu, toi ? Et je dis : Je vois une marmite bouillante [4], et sa face (venant) de la face de l’aquilon.
R/. Multiplicáti sunt qui tríbulant me, et dicunt : Non est salus illi in Deo eius : * Exsúrge, Dómine, salvum me fac, Deus meus.R/. Ils se sont multipliés [5] ceux qui me persécutent, et ils disent : II n’y a point de salut pour lui en son Dieu. * Levez-vous, Seigneur ; sauvez-moi, mon Dieu.
V/. Nequándo dicat inimícus meus, Præválui advérsus eum.V/. De peur [6] qu’un jour mon ennemi ne dise : J’ai prévalu contre lui.
R/. Exsúrge, Dómine, salvum me fac, Deus meus.R/. Levez-vous, Seigneur ; sauvez-moi, mon Dieu.
Lectio iii Cap. 1, 14-193e leçon
Et dixit Dóminus ad me : Ab Aquilóne pandétur malum super omnes habitatóres terræ. Quia ecce ego convocábo omnes cognatiónes regnórum Aquilónis, ait Dóminus : et vénient et ponent unusquísque sólium suum in intróitu portárum Ierúsalem, et super omnes muros eius in circúitu, et super univérsas urbes Iuda. Et loquar iudícia mea cum eis super omnem malítiam eórum, qui dereliquérunt me, et libavérunt diis aliénis, et adoravérunt opus mánuum suárum. Tu ergo accínge lumbos tuos, et surge, et lóquere ad eos ómnia quæ ego præcípio tibi. Ne formídes a fácie eórum : nec enim timére te fáciam vultum eórum. Ego quippe dedi te hódie in civitátem munítam, et in colúmnam férream, et in murum ǽreum, super omnem terram, régibus Iuda, princípibus eius, et sacerdótibus et pópulo terræ. Et bellábunt advérsum te, et non prævalébunt : quia ego tecum sum, ait Dóminus, ut líberem te.Et le Seigneur me dit : C’est de l’aquilon que se déploiera le mal sur tous les habitants de la terre ; parce que moi, je convoquerai toutes les familles des royaumes de l’aquilon, dit le Seigneur ; et elles viendront, et elles établiront chacune son trône à l’entrée des portes de Jérusalem, et sur tous ses murs à l’entour, et dans toutes les villes de Juda. Et je leur dirai mes jugements sur toute la malice de ceux qui m’ont délaissé, qui ont fait des libations à des dieux étrangers et ont adoré l’ouvrage de leurs mains. Toi donc, ceins tes reins, et lève-toi, et dis-leur tout ce que moi, je te commande. Ne crains pas devant leur face ; car je ferai que tu ne craignes pas leur visage. Car c’est moi qui t’ai établi aujourd’hui comme une ville fortifiée, et une colonne de fer, et un mur d’airain sur toute la terre, contre les rois de Juda, ses princes, et ses prêtres et son peuple. Et ils combattront contre toi, et ne prévaudront point, parce que moi je suis avec toi, dit le Seigneur, afin que je te délivre.
R/. Usquequo exaltábitur inimícus meus super me ? * Réspice, et exáudi me, Dómine, Deus meus.R/. Jusques [7] à quand mon ennemi s’élèvera-t-il au-dessus de moi ? * Regardez et exaucez-moi, Seigneur mon Dieu.
V/. Qui tríbulant me, exsultábunt si motus fúero : ego autem in misericórdia tua sperábo.V/. Ceux [8] qui me tourmentent tressailliront de joie, si je suis ébranlé ; mais moi, j’ai espéré dans votre miséricorde.
R/. Réspice, et exáudi me, Dómine, Deus meus. R/. Usquequo exaltábitur inimícus meus super me ? Réspice, et exáudi me, Dómine, Deus meus.R/. Regardez et exaucez-moi, Seigneur mon Dieu. R/. Jusques à quand mon ennemi s’élèvera-t-il au-dessus de moi ? Regardez et exaucez-moi, Seigneur mon Dieu.
In II Nocturno
2e Nocturne
Lectio iv4e leçon
Sermo sancti Leónis PapæSermon de saint Léon, Pape
Sermo 9 de Quadragesima
In ómnibus, dilectíssimi, solemnitátibus christiánis non ignorámus paschale sacraméntum esse præcípuum : cui condígne et cóngrue suscipiéndo, totius quidem nos témporis institúta refórmant : sed devotiónem nostram præséntes vel máxime dies éxigunt, quos illi sublimíssimo divínæ misericórdiæ sacraménto scimus esse contíguos. In quibus mérito a sanctis Apóstolis per doctrínam Spíritus Sancti maióra sunt ordináta ieiúnia : ut per commúne consórtium crucis Christi, étiam nos áliquid in eo quod propter nos gessit, agerémus, sicut Apóstolus ait : Si compátimur, et conglorificábimur. Certa atque secúra est exspectátio promíssæ beatitúdinis, ubi est participátio Domínicæ passiónis.Nous n’ignorons pas, mes bien-aimés, que le mystère pascal occupe le premier rang parmi toutes les solennités chrétiennes. Notre manière de vivre durant l’année tout entière doit, il est vrai, par la réforme de nos mœurs, nous disposer à le célébrer d’une manière digne et convenable ; mais les jours présents exigent au plus haut degré notre dévotion, car nous savons qu’ils sont proches de celui où nous célébrons le mystère très sublime de la divine miséricorde. C’est avec raison et par l’inspiration de l’Esprit-Saint, que les saints Apôtres ont ordonné pour ces jours des jeûnes plus austères, afin que par une participation commune à la croix du Christ, nous fassions, nous aussi, quelque chose qui nous unisse à ce qu’il a fait pour nous. Comme le dit l’Apôtre : « Si nous souffrons avec lui, nous serons glorifiés avec lui. » [9] Là où il y a participation à la passion du Seigneur, on peut regarder comme certaine et assurée l’attente du bonheur qu’il a promis.
R/. Deus meus es tu, ne discédas a me : * Quóniam tribulátio próxima est, et non est qui ádiuvet.R/. Vous êtes mon Dieu [10], ne vous éloignez pas de moi : * Parce que la tribulation est proche, et il n’y a personne qui me porte secours.
V/. Tu autem, Dómine, ne elongáveris auxílium tuum a me : ad defensiónem meam áspice.V/. Mais vous [11], Seigneur, n’éloignez pas votre secours de moi, voyez à ma défense.
R/. Quóniam tribulátio próxima est, et non est qui ádiuvet.R/. Parce que la tribulation est proche, et il n’y a personne qui me porte secours.
Lectio v5e leçon
Nemo est, dilectíssimi, cui per conditiónem témporis socíetas huius glóriæ denegétur, tamquam tranquíllitas pacis vácua sit occasióne virtútis. Apóstolus enim prǽdicat, dicens : Omnes qui pie volunt vívere in Christo, persecutiónem patiéntur : et ídeo numquam deest tribulátio persecutiónis, si numquam desit observántia pietátis. Dóminus enim in exhortatiónibus suis dicit : Qui non áccipit crucem suam, et séquitur me, non est me dignus. Nec dubitáre debémus, hanc vocem non solum ad discípulos Christi, sed ad cunctos fidéles, totámque Ecclésiam pertinére, quæ salutáre suum in his qui áderant, universáliter audiébat.II n’est personne, mes bien-aimés à qui Dieu refuse de l’associer à cette gloire et la condition du temps n’y met pas obstacle, comme si dans la tranquillité et la paix il n’y avait point d’occasion de montrer du courage et de pratiquer la vertu. L’Apôtre l’a prédit en disant : « Tous ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ, souffriront persécution » [12]]] ; et c’est pourquoi l’épreuve et la persécution ne manquent jamais, si la pratique de la piété ne fait jamais défaut. Le Seigneur en exhortant ses Apôtres, leur dit : « Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n’est pas digne de moi. » [13]. Cette parole, nous n’en pouvons douter, s’applique non seulement aux disciples du Christ, mais à tous les fidèles, à l’Église entière, qui, dans son universalité, écoutait les conditions du salut en la personne de ceux qui étaient alors présents.
R/. In te iactátus sum ex útero, de ventre matris meæ Deus meus es tu, ne discédas a me : * Quóniam tribulátio próxima est, et non est qui ádiuvet.R/. C’est sur vous [14] que j’ai été jeté en sortant du sein maternel ; depuis que j’étais dans les entrailles de ma mère, vous êtes mon Dieu ; ne vous éloignez pas de moi : * Parce que la tribulation est proche, et il n’y a personne qui me porte secours.
V/. Salva me ex ore leónis, et a córnibus unicórnium humilitátem meam.V/. Sauvez-moi [15] de la gueule du lion, et ma faiblesse des cornes des licornes [16].
R/. Quóniam tribulátio próxima est, et non est qui ádiuvet.R/. Parce que la tribulation est proche, et il n’y a personne qui me porte secours.
Lectio vi6e leçon
Sicut ergo totíus est córporis pie vívere, ita totíus est témporis crucem ferre : quæ mérito ferri unicuíque suadétur, quia própriis modis atque mensúris ab unoquóque tolerátur. Unum nomen est persecutiónis, sed non una est causa certáminis : et plus plerúmque perículi est in insidiatóre occúlto, quam in hoste manifésto. Beátus Iob alternántibus bonis ac malis mundi huius erudítus, pie veracitérque dicébat : Nonne tentátio est vita hóminis super terram ? Quóniam non solis dolóribus córporis atque supplíciis ánima fidélis impétitur, verum étiam, salva incolumitáte membrórum, gravi morbo urgétur, si carnis voluptáte mollítur. Sed cum caro concupíscit advérsus spíritum, spíritus autem advérsus carnem ; præsídio crucis Christi mens rationális instrúitur, nec cupiditátibus nóxiis illécta conséntit, quóniam continéntiæ clavis et Dei timóre transfígitur.Comme il convient à tout ce corps de vivre pieusement, ainsi l’obligation de porter la croix est-elle de tous les temps ; ce n’est pas sans raison qu’il est conseillé à chacun de porter sa croix, car chacun s’en voit chargé d’une manière et dans une mesure qui lui sont propres. La persécution n’est désignée que par un seul mot, mais il existe plus d’une cause de combat, et il y a ordinairement plus à craindre d’un ennemi qui tend des pièges en secret que d’un adversaire déclaré. Le bienheureux Job, qui avait appris que les biens et les maux se succèdent en ce monde, disait avec piété et vérité : « N’est-ce pas une tentation que la vie de l’homme sur la terre ? » [17]. Ce ne sont pas seulement les douleurs et les supplices du corps qui assaillent l’âme fidèle, car elle est menacée d’une grave maladie, encore que tous les membres demeurent parfaitement sains, si elle se laisse amollir par les plaisirs des sens. Mais comme « la chair convoite contre l’esprit, et l’esprit contre la chair » [18], l’âme raisonnable est munie du secours de la croix du Christ, et moyennant ce secours, elle ne consent pas aux désirs coupables lorsqu’elle est tentée, parce qu’elle est transpercée et attachée par les clous de la continence et par la crainte de Dieu.
R/. In próximo est tribulátio mea, Dómine, et non est qui ádiuvet ; ut fódiant manus meas et pedes meos : líbera me de ore leónis, * Ut enárrem nomen tuum frátribus meis.R/. Ma tribulation [19] est proche, Seigneur, et il n’est personne qui me porte secours ; ils m’assiègent [20] pour percer mes mains et mes pieds : sauvez-moi [21] de la gueule du lion, * Afin que je raconte votre nom à mes frères [22].
V/. Erue a frámea, Deus, ánimam meam, et de manu canis únicam meam.V/. Arrachez [23] mon âme à l’épée à double tranchant ; et mon unique de la main du chien.
R/. Ut enárrem nomen tuum frátribus meis. R/. In próximo est tribulátio mea, Dómine, et non est qui ádiuvet ; ut fódiant manus meas et pedes meos : líbera me de ore leónis, Ut enárrem nomen tuum frátribus meis.R/. Afin que je raconte votre nom à mes frères. R/. Ma tribulation est proche, Seigneur, et il n’est personne qui me porte secours ; ils m’assiègent pour percer mes mains et mes pieds : sauvez-moi de la gueule du lion, Afin que je raconte votre nom à mes frères.
In III Nocturno
3e Nocturne
Lectio vii7e leçon
Léctio sancti Evangélii secúndum IoánnemLecture du saint Évangile selon saint Jean
Cap. 8, 46-59
In illo témpore : Dicébat Iesus turbis Iudæórum : Quis ex vobis árguet me de peccáto ? Si veritátem dico vobis, quare non créditis mihi ? Et réliqua.En ce temps-là : Jésus disait à la foule des Juifs : Qui de vous me convaincra de péché ? Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous point ? Et le reste. [24]
Homilía sancti Gregórii PapæHomélie de saint Grégoire, Pape
Homilía 18 in Evangelia
Pensáte, fratres caríssimi, mansuetúdinem Dei. Relaxáre peccáta vénerat, et dicébat : Quis ex vobis árguet me de peccáto ? Non dedignátur ex ratióne osténdere se peccatórem non esse, qui ex virtúte divinitátis póterat peccatóres iustificáre. Sed terríbile est valde, quod súbditur : Qui ex Deo est, verba Dei audit : proptérea vos non audítis, quia ex Deo non estis. Si enim ipse verba Dei audit qui ex Deo est, et audíre verba eius non potest quisquis ex illo non est : intérroget se unusquísque, si verba Dei in aure cordis pércipit ; et intélliget unde sit. Cæléstem pátriam desideráre Véritas iubet, carnis desidéria cónteri, mundi glóriam declináre, aliéna non appétere, propria largiri.Considérez, mes très chers frères, la mansuétude de Dieu. Le Sauveur était venu effacer les péchés du monde, et il disait : « Qui de vous me convaincra de péché ? » Il ne dédaigne pas de montrer par le raisonnement qu’il n’est pas un pécheur, lui qui, par la vertu de sa divinité, avait le pouvoir de justifier les pécheurs. Les paroles qui suivent sont vraiment terribles : « Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu. Et si vous ne les écoutez peint c’est que vous n’êtes point de Dieu. » Si donc celui qui est de Dieu entend les paroles de Dieu, et si au contraire celui qui n’est pas de Dieu ne peut les entendre, que chacun se demande si l’oreille de son cœur perçoit les paroles de Dieu, et il connaîtra à qui il appartient. La Vérité ordonne de désirer la patrie céleste, de fouler aux pieds les désirs de la chair, de fuir la gloire du monde, de ne point convoiter le bien d’autrui, et de donner généreusement ce que l’on possède.
R/. Tota die contristátus ingrediébar, Dómine : quóniam ánima mea compléta est illusiónibus : * Et vim faciébant, qui quærébant ánimam meam.R/. Tout le jour [25] je marchais contristé, Seigneur, parce que mon âme est remplie d’illusions, *
V/. Amíci mei et próximi mei advérsum me appropinquavérunt et stetérunt : et qui iuxta me erant, de longe stetérunt.V/. Mes amis et mes proches se sont approchés vis-à-vis de moi, et ils se sont arrêtés ; et ceux qui étaient près de moi, s’en sont tenus éloignés [26]
R/. Et vim faciébant, qui quærébant ánimam meam.R/. Et ceux qui cherchaient mon âme usaient de violence.
Lectio viii8e leçon
Penset ergo apud se unusquísque vestrum, si hæc vox Dei in cordis eius aure conváluit, et quia iam ex Deo sit, agnóscit. Nam sunt nonnúlli, qui præcépta Dei nec aure córporis percípere dignántur. Et sunt nonnúlli, qui hæc quidem córporis aure percípiunt, sed nullo ea mentis desidério complectúntur. Et sunt nonnúlli, qui libenter verba Dei suscipiunt, ita ut étiam in flétibus compungántur, sed post lacrimárum tempus ad iniquitátem rédeunt. Hi profécto verba Dei non audiunt, qui hæc exercére in ópere contémnunt. Vitam ergo vestram, fratres caríssimi, ante mentis óculos revocáte, et alta consideratióne pertiméscite hoc quod ex ore Veritátis sonat : Proptérea vos non audítis, quia ex Deo non estis.Que chacun de vous examine donc en lui-même si cette voix de Dieu frappe fortement l’oreille de son cœur, et il connaîtra s’il est déjà de Dieu. Il y en a quelques-uns qui ne daignent pas même écouter des oreilles du corps, les préceptes divins. Il en est d’autres qui les entendent, il est vrai, de l’oreille du corps, mais sans avoir dans l’âme aucun désir de les pratiquer. Il y en a d’autres encore, qui reçoivent volontiers les paroles de Dieu, au point même d’en être touchés jusqu’aux larmes, mais, aussitôt que ce moment d’émotion est passé, ils retournent au péché. Tous ceux-là n’écoutent assurément point les paroles de Dieu, puisqu’ils négligent de les mettre en pratique par leurs œuvres. Remettez donc votre vie passée devant les yeux de votre âme, mes très chers frères, et imprimez profondément dans vos cœurs, le sentiment de crainte que doivent inspirer ces paroles qui ont été prononcées par la Vérité même : « Si vous ne les écoutez point, c’est que vous n’êtes point de Dieu. »
R/. Ne avértas fáciem tuam a púero tuo, Dómine : * Quóniam tríbulor, velóciter exáudi me.R/. Seigneur [27], ne détournez pas votre face de votre serviteur : * Parce que je suis tourmenté, exaucez-moi promptement.
V/. Inténde ánimæ meæ, et líbera eam : propter inimícos meos éripe me.V/. Soyez [28] attentif à mon âme et délivrez-la à cause de mes ennemis [29] ; sauvez-moi.
R/. Quóniam tríbulor, velóciter exáudi me.R/. Parce que je suis tourmenté, exaucez-moi promptement.
Lectio ix9e leçon
Sed hoc quod de réprobis Véritas lóquitur, ipsi hoc de semetípsis réprobi iníquis suis opéribus osténdunt : nam séquitur : Respondérunt ígitur Iudǽi et dixérunt ei : Nonne bene dícimus nos, quia Samaritánus es tu, et dæmónium habes ? Accepta autem tanta contumélia, quid Dóminus respóndeat, audiámus : Ego dæmónium non hábeo, sed honorífico Patrem meum, et vos inhonorástis me. Quia enim Samaritánus interpretátur custos : et ipse veráciter custos est, de quo Psalmísta ait : Nisi Dóminus custodíerit civitátem, in vanum vígilant qui custódiunt eam : et cui per Isaíam dícitur : Custos quid de nocte ? custos quid de nocte ? respondére nóluit Dóminus, Samaritánus non sum ; sed, Ego dæmónium non hábeo. Duo quippe ei illáta fuérunt : unum negávit, áliud tacéndo consensit.Mais ce que la Vérité dit des Juifs dignes d’être réprouvés, ces hommes condamnables le montrent eux-mêmes par leurs œuvres d’iniquité ; voici en effet ce qu’on lit après : « Les Juifs lui répondirent, et lui dirent : Ne disons-nous pas avec raison que tu es un Samaritain [30], et qu’un démon est en toi ? » Écoutez ce que repartit le Seigneur, après avoir reçu un tel outrage : « II n’y a pas de démon en moi ; mais j’honore mon Père, et vous, vous me déshonorez. » Le mot Samaritain signifie gardien, et le Sauveur est véritablement lui-même ce gardien dont le Psalmiste a dit : « Si le Seigneur ne garde une cité, inutilement veille celui qui la garde » [31] ; et ce gardien auquel il est dit dans Isaïe : « Garde [32], où en est la nuit ? garde, où en est la nuit [33] ? » Voilà pourquoi le Seigneur ne voulut pas répondre : Je ne suis pas un Samaritain, et dit seulement : « II n’y a pas de démon en moi. » Deux choses lui avaient été reprochées : il nia l’une, et convint de l’autre par son silence.
R/. Quis dabit cápiti meo aquam, et óculis meis fontem lacrimárum, et plorábo die ac nocte ? quia frater propínquus supplantávit me, * Et omnis amícus fraudulénter incessit in me.R/. Qui donnera [34] à ma tête de l’eau, et à mes yeux une fontaine de larmes, et je pleurerai jour et nuit ? parce que [35] mon frère, mon proche parent m’a supplanté, * Et tous mes amis ont usé de fraude envers moi.
V/. Fiant viæ eórum ténebræ et lúbricum : et Angelus Dómini pérsequens eos.V/. Que leurs voies [36] deviennent ténébreuses et glissantes, et qu’un Ange du Seigneur les poursuive.
R/. Et omnis amícus fraudulénter incessit in me. R/. Quis dabit cápiti meo aquam, et óculis meis fontem lacrimárum, et plorábo die ac nocte ? quia frater propínquus supplantávit me, Et omnis amícus fraudulénter incessit in me.R/. Et tous mes amis ont usé de fraude envers moi. R/. Qui donnera à ma tête de l’eau, et à mes yeux une fontaine de larmes, et je pleurerai jour et nuit ? parce que mon frère, mon proche parent m’a supplanté, Et tous mes amis ont usé de fraude envers moi.

A LAUDES.

Ant. 1 Vide, Dómine, * afflictiónem meam, quóniam erectus est inimícus meus.Ant. 1 Voyez, Seigneur, * mon affliction, parce que mon ennemi s’est élevé. [37]
Ant. 2 In tribulatióne * invocávi Dóminum, et exaudívit me in latitúdine.Ant. 2 Du milieu de la tribulation, * j’ai invoqué le Seigneur ; et le Seigneur m’a exaucé, en me mettant au large. [38]
Ant. 3 Iudicásti, Dómine, * causam ánimæ meæ, defensor vitæ meæ, Dómine Deus meus.Ant. 3 Vous avez jugé, Seigneur, * la cause de mon âme, défenseur de ma vie, ô Seigneur mon Dieu. [39]
Ant. 4 Popule meus, * quid feci tibi, aut quid molestus fui ? Responde mihi.Ant. 4 Mon peuple, * que t’ai-je fait, ou en quoi ai-je été fâcheux pour toi ? réponds-moi. [40]
Ant. 5 Numquid redditur * pro bono malum, quia fodérunt fóveam ánimæ meæ.Ant. 5 Est-ce qu’est rendu * le mal pour le bien, puisqu’ils ont creusé une fosse à mon âme ? [41]
Capitulum Hebr. 9. 11. Capitule
Fratres : Christus assístens Póntifex futurórum bonórum, per ámplius et perféctius tabernáculum non manu factum, id est, non huius creatiónis : neque per sánguinem hircórum aut vitulórum, sed per próprium sánguinem introívit semel in Sancta, ætérna redemptióne invénta.Mes frères : Le Christ ayant paru comme grand prêtre des biens à venir, c’est en passant par un tabernacle plus excellent et plus parfait, qui n’est pas construit de main d’homme, c’est-à-dire, qui n’appartient pas à cette création-ci et ce n’est pas avec le sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang, qu’il est entré une fois pour toutes dans le saint des Saints, après avoir acquis une rédemption éternelle.
Hymnus Hymne
Lustra sex qui iam peregit,
Tempus implens córporis,
Sponte líbera Redémptor
Passióni deditus,
Agnus in Crucis levátur
Immolándus stipite.
Le temps de six lustres [42] est écoulé,
la durée de sa vie mortelle est accomplie,
le Rédempteur, de lui-même,
se livre aux tourments de sa Passion,
Agneau, il est cloué à la croix,
s’immolant sur le bois.
Felle potus ecce languet :
Spina, clavi, láncea
Mite corpus perforárunt :
Unda manat, et cruor :
Terra, pontus, astra, mundus,
Quo lavántur flúmine !
On l’abreuve de fiel, il languit :
les épines, les clous et la lance
transpercent le doux corps :
De l’eau jaillit, avec elle, du sang :
Terre, océan, astres, monde,
que le fleuve vous purifie !
Crux fidélis, inter omnes
Arbor una nóbilis :
Silva talem nulla profert
Fronde, flore, gérmine :
Dulce ferrum, dulce lignum,
Dulce pondus sústinent.
O Croix, objet de notre confiance,
arbre illustre entre tous :
nulle forêt n’en produit de semblable
par le feuillage, les fleurs et les fruits [43] :
O doux bois aimable, ô doux clous,
quel doux fardeau vous supportez !
Flecte ramos, arbor alta,
Tensa laxa víscera,
Et rigor lentéscat ille,
Quem dedit natívitas ;
Et supérni membra Regis
Tende miti stípite.
Ploie tes rameaux, arbre altier,
relâche tes fibres tendues,
que s’adoucisse cette rigidité
que t’a donnée la nature ;
Offre un soutien plus doux
aux membres sacrés du Roi du ciel.
Sola digna tu fuísti
Ferre mundi víctimam ;
Atque portum præparáre
Arca mundo naufrago,
Quam sacer cruor perúnxit,
Fusus Agni córpore.
Seul tu fus digne
de porter la victime du monde ;
Et de préparer un port
à l’arche du monde naufragé,
car tu fus empourpré du sang divin
qui s’échappe du corps de l’Agneau.
Sempitérna sit beátæ
Trinitáti glória,
Æqua Patri, Filióque ;
Par decus Paráclito :
Unius Triníque nomen
Laudet univérsitas.
Amen.
Gloire soit éternellement
à la bienheureuse Trinité,
honneur égal au Père et au Fils,
comme aussi au Paraclet :
Que le nom du Dieu un et trois
soit loué dans tout l’univers.
Amen.
V/. Eripe me de inimícis meis, Deus meus. V/. Arrachez-moi à mes ennemis, ô mon Dieu.
R/. Et ab insurgéntibus in me líbera me. R/. Et délivrez-moi de ceux qui se dressent contre moi.
Ad Bened. Ant. Dicébat Iesus * turbis Iudæórum, et princípibus sacerdotum : Qui ex Deo est, verba Dei audit : proptérea vos non auditis, quia ex Deo non estis. Ant. au Bénédictus Jésus disait * à la foule des Juifs, aux princes des prêtres : Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu ; et si vous ne les écoutez point, c’est parce que vous n’êtes point de Dieu.
Benedictus

AUX DEUXIÈMES VÊPRES.

Capitulum Hebr. 9. 11. Capitule
Fratres : Christus assístens Póntifex futurórum bonórum, per ámplius et perféctius tabernáculum non manu factum, id est, non huius creatiónis : neque per sánguinem hircórum aut vitulórum, sed per próprium sánguinem introívit semel in Sancta, ætérna redemptióne invénta.Mes frères : Le Christ ayant paru comme grand prêtre des biens à venir, c’est en passant par un tabernacle plus excellent et plus parfait, qui n’est pas construit de main d’homme, c’est-à-dire, qui n’appartient pas à cette création-ci et ce n’est pas avec le sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang, qu’il est entré une fois pour toutes dans le saint des Saints, après avoir acquis une rédemption éternelle.
Hymnus Hymne
Vexílla Regis pródeunt :
Fulget Crucis mystérium,
Qua vita mortem pértulit,
Et morte vitam prótulit.
Les étendards du Roi s’avancent :
il resplendit le mystère de la Croix,
sur laquelle la Vie a souffert la mort,
et par la mort a produit la vie.
Quæ, vulneráta lánceæ
Mucróne diro, críminum
Ut nos laváret sórdibus,
Manávit unda et sánguine.
C’est là que, transpercé du fer
cruel d’une lance,
son côté épancha l’eau et le sang,
pour laver la souillure de nos crimes.
Impléta sunt quæ cóncinit
David fidéli cármine,
Dicéndo natiónibus :
Regnávit a ligno Deus.
Il s’est accompli, l’oracle de David
qui, dans un chant inspiré,
avait dit aux nations :
« Dieu régnera par le bois. »
Arbor decóra et fúlgida,
Ornáta Regis púrpura,
Elécta digno stípite
Tam sancta membra tángere.
Tu es beau, tu es éclatant,
arbre paré de la pourpre du Roi ;
noble tronc appelé à l’honneur
de toucher des membres si sacrés.
Beáta, cuius bráchiis
Prétium pepéndit sǽculi,
Statéra facta córporis,
Tulítque prædam tártari.
Arbre bienheureux, dont les bras
ont porté la rançon du monde !
Tu es la balance où fut pesé ce corps,
et tu as enlevé à l’enfer sa proie.
Sequens stropha dicitur flexis genibus. La strophe suivante se dit à genoux.
O Crux, ave, spes única,
Hoc Passiónis témpore
Piis adáuge grátiam,
Reísque dele crímina.
Salut, ô Croix, unique espérance !
En ces jours de la Passion,
accrois la grâce chez les justes,
efface le crime des coupables.
Te, fons salútis, Trínitas,
Colláudet omnis spíritus :
Quibus Crucis victóriam
Largíris, adde prǽmium.
Amen.
O Trinité, source de notre salut,
que tous les esprits vous louent ensemble :
vous nous donnez la victoire par la Croix :
daignez y ajouter la récompense.
Amen.
V/. Eripe me, Dómine, ab hómine malo. V/. Arrachez-moi, Seigneur, à l’homme mauvais.
R/. A viro iníquo éripe me. R/. A l’homme d’iniquité, arrachez-moi.
Ad Magnificat Ant. Abraham pater vester * exsultávit ut vidéret diem meum : vidit, et gavisus est. Ant. au Magnificat Abraham, votre père, * a tressailli pour voir mon jour ; il l’a vu, et il s’est réjoui.
Magnificat

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Invitatorium Invitatoire
Hódie, si vocem Dómini audiéritis, * Nolíte obduráre corda vestra.Aujourd’hui si vous entendez la voix du Seigneur, * N’endurcissez pas vos cœurs.

La sainte Église débute aujourd’hui, à l’Office de la nuit, par ces graves paroles du Roi-Prophète. Autrefois les fidèles se faisaient un devoir d’assister au service nocturne, au moins les jours de Dimanches et de Fêtes ; ils tenaient à ne rien perdre des profonds enseignements que donne la sainte Liturgie. Mais, depuis bien des siècles, la maison de Dieu n’a plus été fréquentée avec cette assiduité qui faisait la joie de nos pères ; et peu à peu le clergé a cessé de célébrer publiquement des offices qui n’étaient plus suivis. Hors des Chapitres et des Monastères, on n’entend plus retentir l’ensemble si harmonieux de la louange divine ; et les merveilles de la Liturgie ne sont plus connues du peuple chrétien que d’une manière incomplète. C’est pour nous une raison de présenter à l’attention de nos lecteurs certains traits des divins Offices, qui autrement seraient pour eux comme s’ils n’existaient pas. Aujourd’hui, quoi de plus propre à les émouvoir que ce solennel avertissement que l’Église emprunte à David pour nous l’adresser, et qu’elle répétera chaque matin, jusqu’au jour de la Cène du Seigneur ? Pécheurs, nous dit-elle, en ce jour où commence à se faire entendre la voix plaintive du Rédempteur, ne soyez pas assez ennemis de vous-mêmes pour laisser vos cœurs dans l’endurcissement. Le Fils de Dieu s’apprête à vous donner la dernière et la plus vive marque de cet amour qui l’a porté à descendre du ciel ; sa mort est proche : on prépare le bois pour l’immolation du nouvel Isaac ; rentrez donc en vous-mêmes, et ne permettez pas que votre cœur, ému peut-être un instant, retourne à sa dureté ordinaire. Il y aurait à cela le plus grand des périls. Ces touchants anniversaires ont la vertu de renouveler les âmes dont la fidélité coopère à la grâce qui leur est offerte ; mais ils accroissent l’insensibilité chez ceux qui les voient passer, sans convertir leurs âmes. « Si donc aujourd’hui vous entendez la voix du Seigneur, n’endurcissez pas vos cœurs. »

Durant les semaines qui ont précédé, nous avons vu monter chaque jour la malice des ennemis du Sauveur. Sa présence, sa vue même les irrite, et l’on sent que cette haine concentrée n’attend que le moment d’éclater. La bonté, la douceur de Jésus continuent d’attirer à lui les âmes simples et droites ; en même temps que l’humilité de sa vie et l’inflexible pureté de sa doctrine repoussent de plus en plus le Juif superbe qui rêve un Messie conquérant, et le pharisien qui ne craint pas d’altérer la loi de Dieu, pour en faire l’instrument de ses passions. Cependant Jésus continue le cours de ses miracles ; ses discours sont empreints d’une énergie nouvelle ; ses prophéties menacent la ville et ce temple fameux dont il ne doit pas rester pierre sur pierre. Les docteurs de la loi devraient du moins réfléchir, examiner ces œuvres merveilleuses qui rendent un si éclatant témoignage au fils de David, et relire tant d’oracles divins accomplis en lui jusqu’à cette heure avec la plus complète fidélité. Hélas ! Ces prophétiques oracles, ils s’apprêtent à les accomplir eux-mêmes jusqu’au dernier iota. David et Isaïe n’ont pas prédit un trait des humiliations et des douleurs du Messie que ces hommes aveugles ne s’empresseront de réaliser.

En eux s’accomplit donc cette terrible parole : « Celui qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle, ni dans le siècle futur [44]. » La synagogue court à la malédiction. Obstinée dans son erreur, elle ne veut rien écouter, rien voir ; elle a faussé à plaisir son jugement : elle a éteint en elle la lumière de l’Esprit-Saint ; et on la verra descendre tous les degrés de l’aberration jusqu’à l’abîme. Lamentable spectacle que l’on retrouve encore trop souvent de nos jours, chez ces pécheurs qui, à force de résister à la lumière de Dieu, finissent par trouver un affreux repos dans les ténèbres ! Et ne soyons pas étonnés de rencontrer en d’autres hommes les traits que nous observons dans les coupables auteurs de l’effroyable drame qui va s’accomplir à Jérusalem. L’histoire de la Passion du Fils de Dieu nous fournira plus d’une leçon sur les tristes secrets du cœur humain et de ses passions. Il n’en saurait être autrement : car ce qui se passe à Jérusalem se renouvelle dans le cœur de l’homme pécheur. Ce cœur est un Calvaire sur lequel, selon l’expression de l’Apôtre, Jésus-Christ est trop souvent crucifié. Même ingratitude, même aveuglement, même fureur ; avec cette différence que le pécheur, quand il est éclairé des lumières de la foi, connaît celui qu’il crucifie, tandis que les Juifs, comme le dit encore saint Paul, ne connaissaient pas comme nous ce Roi de gloire [45] que nous attachons à la croix. En suivant les récits évangéliques qui vont, jour par jour, être mis sous nos yeux, que notre indignation contre les Juifs se tourne donc aussi contre nous-mêmes et contre nos péchés. Pleurons sur les douleurs de notre victime, nous dont les fautes ont rendu nécessaire un tel sacrifice.

En ce moment, tout nous convie au deuil. Sur l’autel, la croix elle-même a disparu sous un voile sombre ; les images des Saints sont couvertes de linceuls ; l’Église est dans l’attente du plus grand des malheurs. Ce n’est plus de la pénitence de l’Homme-Dieu qu’elle nous entretient ; elle tremble à la pensée des périls dont il est environné. Nous allons lire tout à l’heure dans l’Évangile que le Fils de Dieu a été sur le point d’être lapidé comme un blasphémateur ; mais son heure n’était pas venue encore. Il a dû fuir et se cacher. C’est pour exprimer à nos yeux cette humiliation inouïe du Fils de Dieu que l’Église a voilé la croix. Un Dieu qui se cache pour éviter la colère des hommes ! Quel affreux renversement ! Est-ce faiblesse, ou crainte de la mort ? La pensée en serait un blasphème ; bientôt nous le verrons aller au-devant de ses ennemis. En ce moment, il se soustrait à la rage des Juifs, parce que tout ce qui a été prédit de lui ne s’est pas encore accompli. D’ailleurs ce n’est pas sous les coups de pierres qu’il doit expirer ; c’est sur l’arbre de malédiction, qui deviendra dès lors l’arbre de vie. Humilions-nous, en voyant le Créateur du ciel et de la terre réduit à se dérober aux regards des hommes, pour échapper à leur fureur. Pensons à cette lamentable journée du premier crime, où Adam et Ève, coupables, se cachaient aussi, parce qu’ils se sentaient nus. Jésus est venu pour leur rendre l’assurance par le pardon : et voici qu’il se cache lui-même ; non parce qu’il est nu, lui qui est pour ses saints le vêtement de sainteté et d’immortalité ; mais parce qu’il s’est rendu faible, afin de nous rendre notre force. Nos premiers parents cherchaient à se soustraire aux regards de Dieu ; Jésus se cache aux yeux des hommes ; mais il n’en sera pas toujours ainsi. Le jour viendra où les pécheurs, devant qui il semble fuir aujourd’hui, imploreront les rochers et les montagnes, les suppliant de tomber sur eux et de les dérober à sa vue ; mais leur vœu sera stérile, et « ils verront le Fils de l’homme assis sur les nuées du ciel, dans une puissante et souveraine majesté [46] »

Ce dimanche est appelé Dimanche de la Passion, parce que l’Église commence aujourd’hui à s’occuper spécialement des souffrances du Rédempteur. On le nomme aussi Dimanche Judica, du premier mot de l’Introït de la messe ; enfin Dimanche de la Néoménie, c’est-à-dire de la nouvelle lune pascale, parce qu’il tombe toujours après la nouvelle lune qui sert à fixer la fête de Pâques.

Dans l’Église grecque, ce Dimanche n’a pas d’autre nom que celui de cinquième Dimanche des saints jeûnes.

A LA MESSE.

A Rome, la Station est dans la Basilique de Saint-Pierre. L’importance de ce Dimanche, qui ne cède la place à aucune fête, quelque solennelle qu’elle soit, demandait que la réunion des fidèles eût lieu dans l’un des plus augustes sanctuaires de la ville sainte.

L’Introït est le début du Psaume XLII. Le Messie implore le jugement de Dieu, et proteste contre la sentence que les hommes vont porter contre lui. Il témoigne en même temps son espoir dans le secours de son Père, qui, après l’épreuve, l’admettra triomphant dans sa gloire.

On ne dit plus Gloria Patri, si ce n’est aux messes des Fêtes ; mais on répète l’Introït.

Dans la Collecte, l’Église demande pour ses enfants cette complète réforme que le saint temps du Carême est appelé à produire, et qui doit tout à la fois soumettre les sens à l’esprit, et préserver l’esprit des illusions et des entraînements auxquels il n’a été que trop sujet jusqu’à présent.

ÉPÎTRE.

C’est seulement par le sang que l’homme peut être racheté. La majesté divine offensée ne s’apaisera que par l’extermination de la créature rebelle qui, par son sang épanché à terre avec sa vie, rendra témoignage de son repentir et de son abaissement extrême devant celui contre lequel elle s’est révoltée. Autrement la justice de Dieu se compensera par le supplice éternel du pécheur. Tous les peuples l’ont compris, depuis le sang des agneaux d’Abel jusqu’à celui qui coulait à flots dans les hécatombes de la Grèce, et dans les innombrables immolations par lesquelles Salomon inaugura la dédicace de son temple. Cependant Dieu dit : « Écoute, Israël, je suis ton Dieu. Je ne te ferai pas de reproches sur tes sacrifices : tes holocaustes s’accomplissent fidèlement devant moi ; mais je n’ai pas besoin de tes boucs ni de tes génisses. Toutes ces bêtes ne sont-elles pas à moi ? Si j’avais faim, je n’aurais pas besoin de te le dire : l’univers est à moi, et tout ce qu’il renferme. Est-ce que la chair des taureaux est ma nourriture ? est-ce que le sang des boucs est un breuvage pour moi [47] ? » Ainsi Dieu commande les sacrifices sanglants, et il déclare qu’ils ne sont rien à ses yeux. Y a-t-il contradiction ? Non : Dieu veut à la fois que l’homme comprenne qu’il ne peut être racheté que par le sang, et que le sang des animaux est trop grossier pour opérer ce rachat. Sera-ce le sang de l’homme qui apaisera la divine justice ? Non encore : le sang de l’homme est impur et souillé ; d’ailleurs, fût-il pur, il est impuissant à compenser l’outrage fait à un Dieu. Il faut le sang d’un Dieu ; et Jésus s’apprête à répandre tout le sien.

En lui va s’accomplir la plus grande figure de l’ancienne loi. Une fois l’année, le grand-prêtre entrait dans le Saint des Saints, afin d’intercéder pour le peuple. Il pénétrait derrière le voile, en face de l’Arche sainte ; mais cette redoutable faveur ne lui était accordée qu’à la condition qu’il n’entrerait dans cet asile sacré qu’en portant dans ses mains le sang de la victime qu’il venait d’immoler. En ces jours, le Fils de Dieu, Grand-Prêtre par excellence, va faire son entrée dans le ciel, et nous y pénétrerons après lui ; mais il faut pour cela qu’il se présente avec du sang, et ce sang ne peut être autre que le sien. Nous allons le voir accomplir cette prescription divine. Ouvrons donc nos âmes, afin que ce sang « les purifie des œuvres mortes, comme vient de nous dire l’Apôtre, et que nous servions désormais le Dieu vivant. »

Le Graduel est emprunté au Psautier ; le Sauveur y demande d’être délivré de ses ennemis, et d’être soustrait à la rage d’un peuple ameuté contre lui ; mais en même temps il accepte de faire la volonté de son Père, par qui il sera vengé.

Dans le Trait, qui est puisé à la même source, le Messie, sous le nom d’Israël, se plaint de la fureur des Juifs qui l’ont persécuté dès sa jeunesse, et qui s’apprêtent à lui faire subir une cruelle flagellation. Il annonce en même temps les châtiments que le déicide attirera sur eux.

ÉVANGILE.

On le voit, la fureur des Juifs est au comble, et Jésus est réduit à fuir devant eux. Bientôt ils le feront mourir ; mais que leur sort est différent du sien ! Par obéissance aux décrets de son Père céleste, par amour pour les hommes, il se livrera entre leurs mains, et ils le mettront à mort ; mais il sortira victorieux du tombeau, il montera aux cieux, et il ira s’asseoir à la droite de son Père. Eux, au contraire, après avoir assouvi leur rage, ils s’endormiront sans remords jusqu’au terrible réveil qui leur est préparé. On sent que la réprobation de ces hommes est sans retour. Voyez avec quelle sévérité le Sauveur leur parle : « Vous n’écoutez pas la parole de Dieu, parce que vous n’êtes pas de Dieu. » Cependant il fut un temps où ils étaient de Dieu : car le Seigneur donne sa grâce à tous ; mais ils ont rendu inutile cette grâce ; ils s’agitent dans les ténèbres, et ils ne verront plus la lumière qu’ils ont refusée.

« Vous dites que le Père est votre Dieu ; mais vous ne le connaissez même pas. » A force de méconnaître le Messie, la synagogue en est venue à ne plus connaître même le Dieu unique et souverain dont le culte la rend si chère ; en effet, si elle connaissait le Père, elle ne repousserait pas le Fils. Moïse, les Psaumes, les Prophètes sont pour elle lettre close, et ces livres divins vont bientôt passer entre les mains des gentils, qui sauront les lire et les comprendre. « Si je disais que je ne connais pas le Père, je serais comme vous un menteur. » A la dureté du langage de Jésus, on sent déjà la colère du juge qui descendra au dernier jour pour briser contre terre la tête des pécheurs. Jérusalem n’a pas connu le temps de sa visite ; le Fils de Dieu est venu à elle, et elle ose dire qu’il est « possédé du démon ». Elle dit en face au Fils de Dieu, au Verbe éternel qui prouve sa divine origine par les plus éclatants prodiges, qu’Abraham et les Prophètes sont plus que lui. Étrange aveuglement qui procède de l’orgueil et de la dureté du cœur ! La Pâque est proche ; ces hommes mangeront religieusement l’agneau figuratif ; ils savent que cet agneau est un symbole qui doit se réaliser. L’Agneau véritable sera immolé par leurs mains sacrilèges, et ils ne le reconnaîtront pas. Son sang répandu pour eux ne les sauvera pas. Leur malheur nous fait penser à tant de pécheurs endurcis pour lesquels la Pâque de cette année sera aussi stérile de conversion que celle des années précédentes ; redoublons nos prières pour eux, et demandons que le sang divin qu’ils foulent aux pieds ne crie pas contre eux devant le trône du Père céleste.

A l’Offertoire, le chrétien, plein de confiance dans les mérites du sang qui l’a racheté, emprunte les paroles de David pour louer Dieu, et pour le reconnaître auteur de cette vie nouvelle dont le sacrifice de Jésus-Christ est la source intarissable.

Le sacrifice de l’Agneau sans tache a produit deux effets sur l’homme pécheur : il a brisé ses chaînes, et il l’a rendu l’objet des complaisances du Père céleste. L’Église demande, dans la Secrète, que le Sacrifice qu’elle va offrir, et qui est le même que celui de la Croix, produise en nous ces mêmes résultats.

L’Antienne de la Communion est formée des paroles mêmes de Jésus-Christ instituant l’auguste Sacrifice qui vient d’être célébré, et auquel le Prêtre et les fidèles viennent de participer, en mémoire de la divine Passion, dont il a renouvelé le souvenir et le mérite infini.

Dans la Postcommunion, l’Église demandé à Dieu de conserver dans les fidèles les fruits de la visite qu’il a daigné leur faire, en entrant en eux parla participation aux Mystères sacrés.

Nous placerons ici cette solennelle Oraison de l’Église gothique d’Espagne que nous empruntons au Bréviaire Mozarabe.

CAPITULE.
Passionis tuæ festum, Christe Dei Filius, devotis cordium officiis, recursu temporis inchoantes, quo pro nobis et linguas fuisti persequentium passus, et tradentium te vulneribus crucifixus ; rogamus atque exposcimus ne te elonges a nobis ; ut, quia proximante tribulatione, non est qui adjuvet ; tu solus Passionis tuæ nos subleves ope : ne tradas ergo nos inimicis nostris in malum, sed excipe servos tuos in bonum : ut nos calumniantes superbi, inimici scilicet animarum nostrarum, virtutis tuæ potentia propellantur ; tu es enim divina lucerna per humanitatem super candelabrum crucis imposita : ideo te rogamus, ut nos accendas, ne veniamus in pœnam. Quos ergo perspicis initiatum Passionis tuæ festum devotis cordibus excepisse, facito eos Passioni tuæ communicare : ut tenebrarum nos irarum errore discusso, lucis tuæ muniamur præsidio.Le cours du temps, ô Christ Fils de Dieu, nous a ramené les fêtes commémoratives de votre Passion. Nous commençons d’un cœur pieux à vous rendre les devoirs qui vous appartiennent, en ce temps où vous avez souffert pour nous les insultes de vos persécuteurs et enduré sur la croix les coups de vos ennemis ; nous vous en supplions, ne vous éloignez pas de nous. Aux approches de votre tribulation, personne n’était là pour vous secourir ; soyez, au contraire, notre seul soutien par le mérite de votre Passion. Ne nous livrez pas à nos ennemis pour nous perdre ; mais recevez vos serviteurs pour les sauver. Par votre puissante vertu, repoussez ces superbes qui nous calomnient, c’est-à-dire les ennemis de nos âmes ; car vous êtes, dans votre humanité, le divin flambeau placé sur le chandelier de la croix. Enflammez-nous des feux qui sont les vôtres, afin que nous ignorions ceux du châtiment. Faites part des mérites de votre Passion à ceux que vous voyez en célébrer les prémices d’un cœur pieux ; par le bienfait de votre lumière, daignez dissiper les ténèbres de nos erreurs.

Pour honorer la sainte Croix, nous insérons chaque jour de cette semaine une pièce liturgique où elle est célébrée. Nous commencerons aujourd’hui par cette belle Hymne de saint Venance Fortunat, évêque de Poitiers

HYMNE.
Crux benedicta nitet,
Dominus qua carne pependit,
Atque cruore suo vulnera nostra lavat.
Elle attire nos regards, la Croix bénie,
sur laquelle le Sauveur fut suspendu par sa chair ;
sur laquelle il lava nos blessures dans son sang.
Mitis amore pio pro nobis victima factus,
Traxit ab ore lupi qua sacer Agnus oves.
C’est par elle que l’Agneau sacré, douce victime,
dans son amour pour nous, a arraché les brebis de la gueule du loup.
Transfixis palmis ubi mundum a clade redemit,
Atque suo clausit funere mortis iter.
C’est sur elle que, ayant les mains clouées, il a racheté le monde de sa perte,
et, en mourant, fermé ses voies à la mort.
Hic manus illa fuit clavis confixa cruentis,
Quæ eripuit Paulum crimine, morte Petrum.
Sur elle fut traversée d’un clou sanglant cette main
qui arracha Paul à ses crimes, et sauva Pierre du trépas.
Fertilitate potens, o dulce et nobile lignum,
Quando tuis ramis tam nova poma geris.
Doux et noble bois, qu’elle est riche, ta fécondité,
quand tu portes sur tes rameaux un fruit si nouveau !
Cujus odore novo defuncta cadavera surgunt,
Et redeunt vitæ qui caruere die.
A l’odeur merveilleuse que tu répands, les corps morts se lèvent de leurs tombeaux,
et ceux qui ne voyaient plus la lumière reviennent à la vie.
Nullum uret æstus sub frondibus arboris hujus :
Luna nec in noctem, sol neque meridie.
Sous le feuillage de cet arbre, on ne sent plus les ardeurs dévorantes,
ni la lune pendant la nuit, ni le soleil dans son midi brûlant.
Tu plantata micas secus est ubi cursus aquarum :
Spargis et ornatas flore recente comas.
Dans ton éclat tu t’élèves au bord des eaux ;
c’est là que tu étales ta verdure embellie de fleurs nouvelles.
Appensa est vitis inter tua brachia, de qua
Dulcia sanguineo vina rubore fluunt.
A tes branches est suspendue la vigne qui
donne un vin si doux, dans le sang vermeil du Christ.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Station à Saint-Pierre.

La station fixée en ce jour au Vatican est comme le dernier souvenir de la Pannuchis qui, du temps du pape Gélase, se célébrait cette nuit près de la tombe du prince des Apôtres, avant qu’on procédât aux ordinations des prêtres et des diacres romains.

Aujourd’hui en outre commence la quinzaine d’immédiate préparation à la solennité pascale, qui, au IIIe siècle, comportait aussi le jeûne d’une douzaine de jours avant l’aurore de Pâques. Dans la sainte liturgie, et spécialement dans le bréviaire, il nous est donné de distinguer encore le cycle spécial qui forme ce temps sacré de la Passion. Tandis que durant le Carême — d’origine, comme nous l’avons dit, quelque peu postérieure —l’Église est préoccupée de l’instruction des catéchumènes et de la préparation des pénitents à la réconciliation solennelle qui se faisait le jeudi saint, pendant la quinzaine de la Passion tout cela passe comme en seconde ligne. Une seule idée prime et domine durant ces deux semaines, dans le missel comme dans le bréviaire : celle du Juste qui sait que l’on trame contre lui la persécution la plus impie ; Il est innocent, mais la haine de ses adversaires l’a isolé de tout défenseur, il s’adresse donc sans cesse au Père céleste, le prend à témoin de son innocence et le conjure de ne pas l’abandonner au jour de l’épreuve.

Le cycle liturgique de la Passion commence par la messe au Vatican, sur cette colline où Néron avait jadis élevé la croix du premier Vicaire du Christ, et où Symmaque construisit en l’honneur de l’étendard triomphal de la Rédemption un oratoire appelé Sancta Hierusalem, comme l’oratoire de Sessorius. C’est de cet oratoire près de Saint-Pierre, qu’ont pénétré dans la liturgie les vers suivants :

Salva nos, Christe Salvator, per virtutem Crucis,
Qui salvasti Petrum in mari, miserere nobis. [48]

La messe de ce dimanche est toute dominée par le souvenir du sacrifice du Golgotha, et elle est parmi les plus riches de sentiment et les plus belles de l’antiphonaire romain. Durant cette quinzaine où la liturgie évoque d’une façon si dramatique la haine du Sanhédrin, qui croît sans cesse contre le Christ, les anciens Ordines Romani prescrivent de supprimer, après la psalmodie, tant antiphonée que responsoriale, la doxologie finale. On omet au commencement de la messe le psaume Iudica, mais cet usage n’est pas très ancien, et n’a pas de signification spéciale, puisque les prières que le prêtre récite maintenant au pied de l’autel avant de commencer l’introït s’introduisirent pour la première fois dans les pays francs vers le VIIIe siècle. Comme aujourd’hui le psaume 42 est chanté à l’introït, on l’omettait, pour cette raison, avant de faire la confession et de monter à l’autel du sacrifice.

Dans l’introït, tiré du psaume 42, le Christ, contre la sentence de mort que trament contre lui ses ennemis, race prévaricatrice et pleine de fraude, le Christ en appelle au jugement du Père, afin qu’il leur en fasse rendre compte au jour de sa résurrection. C’est précisément le jour où se révèlent cette lumière et cette vérité dont parle ici le psalmiste.

Nous prions Dieu dans la collecte de tourner son regard vers l’Église, qui est sa famille, afin que la Providence maintienne les corps dans la force tandis que la grâce gardera les cœurs.

Quelle splendide synthèse, qui tient un compte exact tant de l’élément animal que de l’élément spirituel dont l’homme se compose ! La sainteté réside dans l’âme ; mais, pour que celle-ci puisse s’orner de ce vêtement précieux, il est nécessaire que le corps et les sens agissent courageusement selon les enseignements du saint Évangile.

Dans la lecture de la lettre aux Hébreux (IX, 11-15), l’Apôtre met en relief l’excellence du Nouveau Testament en comparaison de l’Ancien, et il en tire la preuve du caractère définitif et parfait du Sacrifice du Calvaire. En effet, tandis que dans l’ancienne Loi il fallait répéter incessamment les mêmes offrandes pour les transgressions du peuple, et que le grand prêtre lui-même avait coutume de pénétrer chaque année dans le Saint des Saints afin d’y offrir le sang de victimes sans raison, Jésus-Christ couvert de son propre sang, et à la tête de l’interminable cortège de l’humanité rachetée, expie une fois pour toutes le péché de la race entière d’Adam, et pénètre définitivement dans le sanctuaire céleste.

Le répons est tiré des psaumes 142 et 17. C’est le Seigneur qui, à l’approche du jour de l’épreuve, a peur et supplie le Père de le soustraire au triomphe de l’impie. Il ne se décourage pas, il est même assuré déjà qu’au jour de Pâques Dieu le soustraira aux mains de ces hommes cruels et de leur alliée, la mort, pour l’exalter et lui soumettre ses meurtriers eux-mêmes.

Le psaume in directum ou trait (Ps. 128) s’inspire du même ordre d’idées, mais il décrit avec une plus grande précision de détails la passion du Sauveur : « Combien de fois, depuis ma première jeunesse, Hérode et la Synagogue m’ont-ils combattu, mais ils n’ont pas réussi à me vaincre. Des laboureurs ont tracé leurs sillons sur mon dos, spécialement durant ma terrible flagellation à la colonne dressée dans l’atrium du prétoire de Pilate. Ils ont creusé profondément leurs sillons sur mon dos, mais le Seigneur est juste ; pour ses fins impénétrables, mais toujours magnifiques, Il permet que l’inique opprime l’innocent pour un temps ; mais au jour de son triomphe, à l’aurore pascale, il écrasera la tête des pécheurs. »

Désormais la rupture entre le sanhédrin et Jésus est inévitable ; bien plus, elle a été officiellement décidée et proclamée dans toutes les synagogues — trois cents et plus — de la cité sainte. Jésus est banni de l’héritage d’Israël, et quiconque communique avec lui encourt pareillement la peine d’excommunication. Les Juifs le tiennent pour un possédé de Satan, tandis que le Sauveur les défie de le convaincre d’un seul péché. De la défense passant à l’offensive, il démontre que ses adversaires ne sont pas de Dieu, car autrement ils auraient foi en ses paroles.

Terrible sentence, qui fournit aussi aux chrétiens un facile critérium pour juger s’ils ont, ou non, l’esprit du Seigneur ! La langue et la pensée reflètent la surabondance du cœur. Si celui-ci est rempli de l’esprit et de l’amour de Dieu, on se délecte à penser à Lui et à parler de Lui : autrement, non.

Le verset de l’offertoire est tiré du psaume 118, qui exprime le désir et la complaisance du juste en suivant la voie des commandements de Dieu, même en face des menaces de ses adversaires. En outre, Jésus, qui est par excellence le Juste chanté par le psalmiste, insiste pour demander au Père, ut vivam [49], maintenant surtout que les Juifs sont décidés à le faire mourir. Toutefois l’objet de la prière du Sauveur n’est pas d’échapper à la mort temporelle, Lui qui, au contraire, est venu mourir pour nous ; mais il veut la vie de la résurrection, celle qu’au moyen de la grâce, et ensuite, de la gloire, Il devait précisément communiquer à son corps mystique.

Dans la prière d’introduction à l’anaphore eucharistique, nous supplions le Seigneur afin que les mérites du saint Sacrifice brisent les liens de notre malice et nous obtiennent les trésors de la divine miséricorde. Il s’agit en effet de vrais liens, selon la parole du Sauveur : Omnis qui facit peccatum, servus est peccati [50]. Tandis que le pécheur, violant la loi, se croit rendu à la liberté, il s’enchaîne dans les liens les plus honteux qu’on puisse jamais imaginer, se constituant l’esclave des passions et, par suite, de Satan même.

Le verset pour la communion, contrairement à la règle, n’est tiré ni d’un psaume ni de la lecture évangélique de ce jour. Il est au contraire emprunté, avec quelques retouches, à saint Paul (I Cor., 11, 24-26), et il exprime fort bien comment le sacrifice eucharistique commémore la passion du Seigneur, dont le souvenir liturgique s’inaugure précisément aujourd’hui. C’est pour le même motif que saint Ambroise put dire que l’Église célèbre chaque jour les funérailles de Jésus, en tant que la vie chrétienne tout entière avec ses peines, ses austérités, ses sacrifices, ne fait que compléter et développer le drame unique du salut, inauguré jadis sur le Golgotha, accomplissant un seul sacrifice, celui de Jésus-Christ, qui centralise, sanctifie et consacre tous nos sacrifices. Una enim oblatione consummavit in sempiternum sanctificatos [51].

Dans la collecte d’action de grâces ou Eucharistie, — qu’il faut distinguer de l’antique et primitive Eucharistie ou action de grâces, qu’était l’anaphore consécratoire elle-même, — nous prions Dieu de continuer à protéger par sa grâce tous ceux qu’il a fortifiés avec le remède du Sacrement. Il ne suffit pas, en effet, de s’approcher de la sainte Communion, mais il faut développer ensuite, par une correspondance docile, ces germes de vie divine, que Jésus-Christ dans son sacrement vient déposer dans notre âme.

Une des plaies les plus nuisibles de notre temps est l’absence de force surnaturelle, qui fait que les prédicateurs évangéliques eux-mêmes hésitent quelquefois à dénoncer à la frivole génération contemporaine ce qui, dans la doctrine chrétienne, est en opposition avec les aspirations des mondains. Les fidèles, en outre, cherchent des adoucissements, des compromis, qui finissent souvent par faire une absurde mystification de l’Évangile du Christ. On ne veut pas penser aux fins dernières, on doit taire les droits imprescriptibles de Dieu et de l’Église, pour ne pas heurter les susceptibilités des hommes. De la sorte, ce ne serait plus le christianisme qui convertit le monde, mais c’est le monde qui se pare d’un christianisme à sa manière. Et pourtant, Jésus et les martyrs, pour notre instruction, n’hésitèrent pas à annoncer l’évangile dans son intégrité, sachant bien cependant que cela leur coûterait la vie.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Le Temps de la Passion Nous entrons dans les jours de deuil où nous pleurons l’Époux divin. L’Église prend ses voiles de veuve. Le temps de la Passion est la troisième étape de la préparation pascale.

L’avant-Carême nous faisait entrer dans les dispositions du Carême, le Carême a été le temps de la conversion et du renouvellement de la vie spirituelle, le temps de la Passion est spécialement consacré au souvenir des souffrances du Christ.

Ce souvenir est exprimé de manières différentes dans la liturgie. Dans l’église, les croix et les statues sont voilées. Par cet usage, l’Église veut manifester son deuil. Les croix ornées de pierres précieuses et de métal précieux doivent voiler leur éclat (autrefois les croix ne portaient pas l’image du crucifié) ; les images et les statues doivent disparaître pour ne pas nous distraire de la pensée de la Passion du Christ. Les derniers chants joyeux de la messe cessent de se faire entendre : le Gloria Patri disparaît à l’Introït, au Lavabo et dans les répons de l’Office. De même, le psaume 42 de la prière graduelle n’est plus récité jusqu’à Pâques. On voit dans cette omission une expression de deuil, comme pour la messe des morts (le véritable motif, c’est que ce psaume est chanté à l’Introït et que la liturgie évite ces répétitions).

Cependant, plus encore que par ces signes extérieurs, la liturgie exprime son deuil par son contenu même, en parlant de la Passion du Seigneur. Dans les leçons nocturnes, nous prenons congé des livres de « Moïse » pour entendre la voix du Prophète Jérémie, la plus importante figure du Messie souffrant. Le thème de la Passion, qui déjà, dans les dernières semaines, était de plus en plus accentué, domine désormais seul. Cette transformation se remarque surtout dans les chants psalmodiques de la messe et les répons du bréviaire. On n’entend plus parler autant la communauté des pénitents et des catéchumènes ; le Christ souffrant prend lui-même la parole. Ce qui mérite une attention particulière, c’est l’ordinaire du temps de la Passion, c’est-à-dire les prières communes des Heures, comme les hymnes, les capitules, les répons, les antiennes ; c’est dans ces morceaux que l’Église exprime de la manière la plus précise ses pensées sur le temps de la Passion. Elle y a rassemblé les plus beaux textes scripturaires sur la Passion du Seigneur.

Pensées principales de la semaine qui va commencer. — La liturgie s’entend magistralement à mêler le thème de la Passion avec celui du Baptême. On le voit surtout dans les trois messes anciennes : Lundi : C’est encore le contraste, si goûté, entre les Ninivites (les catéchumènes) qui font pénitence et les Juifs qui veulent tuer le Christ. « Que celui qui a soif vienne à moi et boive ! » — Mercredi : C’est le jour d’examen, pour les catéchumènes, sur les commandements qu’ils ont reçus quinze jours auparavant. Les loups entourent l’Agneau de Dieu, qui, par sa mort, va donner « la vie éternelle » aux brebis. — Vendredi : Jérémie, la figure du Christ, se lamente sur les Juifs qui ont « perfidement abandonné le Seigneur, la source d’eau vive. » « Jésus meurt pour le peuple et les enfants de Dieu dispersés, qu’il rassemble et réunit. » Mardi : C’est encore le thème des mardis précédents : la leçon nous donne une image de l’activité de la charité. Le thème de la Passion parcourt toute la messe. — Jeudi : C’est la dernière messe de pénitence, avec les images de la captivité de Babylone et de la Pécheresse. — Le Samedi : est une vigile du dimanche des Rameaux.

La Croix voilée. — Aujourd’hui, l’Église commence à rappeler, d’une manière plus accentuée, à ses enfants, la mort rédemptrice du Christ.

D’une manière plus accentuée. En effet, à proprement parler, le souvenir de la mort du Christ est l’objet principal du culte chrétien. Saint Paul ne dit-il pas : « Toutes les fois que vous mangerez de ce pain et boirez de ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. » Le saint sacrifice de la messe est donc l’annonce de la mort du Christ. Toutes les fois que nous venons à la messe, nous annonçons notre foi : Le Christ est mort pour nous et le sang de son sacrifice coule encore aujourd’hui pour nos âmes, et la chair de son sacrifice est notre nourriture pour notre vie éternelle.

D’une manière plus accentuée. En effet, pendant le Carême, le thème de la Passion s’est maintes fois fait entendre. Sans doute la liturgie diffère ici entièrement de notre piété courante. Il s’agit du combat du Christ contre l’enfer. Il lutte contre le diable pour conquérir les âmes que son Père lui a données. C’est là une des pensées principales que nous rencontrons à travers toute la sainte quarantaine. Examinons les trois dimanches principaux qui sont comme les piliers du Carême :
- 1er Dimanche : Le Christ et le diable ; le Christ est sur la défensive ;
- 3e Dimanche : le fort et le plus fort ; le Christ passe à l’offensive ;
- Dimanche des Rameaux : Le Christ vainqueur et Roi dans sa Passion.

Songeons aussi qu’il ne s’agit pas seulement d’une bataille livrée il y a 1900 ans, cette bataille se continue dans tous les temps. Le Christ qui lutte, combat et triomphe est le Christ mystique dans son corps, l’Église, et dans ses membres, les chrétiens. Le temps de Carême est donc un « noble tournoi » dans lequel nous ne sommes pas de pieux spectateurs, mais des chevaliers qui entrent dans la lice. Dans ce sens, le Carême est donc aussi le temps où nous nous souvenons de la mort du Christ.

Aujourd’hui, nous entrons dans le temps de la Passion, nous penserons davantage aux souffrances du Christ. C’est le temps dont Jésus a dit : « Quand l’Époux leur sera enlevé, alors ils jeûneront » [52]. Que doit donc être ce souvenir de la Passion ?

Il importe de nous rappeler la profonde différence entre les sentiments des anciens chrétiens et ceux des chrétiens d’aujourd’hui. Comment la piété populaire pense-t-elle à la Passion du Christ ? Elle s’en tient aux souffrances historiques du Seigneur, elle essaie de se représenter d’une manière imagée les scènes particulières des « amères souffrances », elle analyse les sentiments et les pensées du Sauveur souffrant, elle a compassion et elle pleure. Elle se demande quelles vertus le Seigneur a exercées à chaque phase de sa Passion. Comment l’imiter ? Que devons-nous apprendre de lui ? C’est pour elle la question la plus importante. Elle fait enfin de la Passion le principal motif du changement de vie : « Il est mort pour moi sur la Croix et moi, je l’ai si gravement offensé ! »

Telles sont les pensées de la piété populaire au sujet du Seigneur souffrant. Quelles étaient les pensées de l’antique piété chrétienne que la liturgie nous a conservée ? Elle prenait de tout autres chemins. Sans doute, elle place, au centre, la Passion historique du Christ, mais elle ne s’y arrête pas ; elle s’attache davantage à l’idée et au but de la Passion et ne place le revêtement historique qu’au second plan. Le Christ nous a rachetés par ses souffrances, il a fait de nous des enfants de Dieu. C’est là le fait le plus heureux du christianisme. C’est pourquoi la piété liturgique verse moins de larmes amères ; elle peut même se réjouir. Au moment qui est apparemment le plus triste de l’année, le Vendredi-Saint, quand on adore la Croix, elle va jusqu’à chanter une hymne de jubilation : « Voici que par le bois est venue la joie dans le monde entier. » C’est pourquoi la liturgie ne parle pas volontiers des souffrances amères, mais de la beata Passio, de la Passion heureuse ou qui rend heureux... Elle voit moins le côté humain que le but de la Passion, notre salut. C’est pourquoi l’art chrétien antique ne s’est guère occupé de l’aspect douloureux, mais a exprimé surtout les pensées de la Rédemption. Depuis le Moyen-Âge, on représente de préférence Jésus attaché à la colonne de la flagellation ou bien cloué sur la Croix, le corps tordu par les angoisses de la mort. Il n’en était pas de même dans l’Église ancienne : on élevait la Croix comme un signe de victoire et de Rédemption. C’était la crux gemmata, la croix de métal précieux, ornée de pierreries. Cette Croix ne portait pas de crucifix. Ces deux croix sont justement devenues les symboles des deux conceptions de la Passion et des deux types de piété.

Quand nous entrons aujourd’hui dans l’Église, nous voyons la Croix voilée. Nous cherchons en vain quel peut être le motif de cette manière de faire. Pourquoi, au moment même où l’on pense davantage à la mort du Christ, doit-on voiler l’image de la Croix ? On comprendrait mieux le procédé contraire : la Croix voilée pendant le reste de l’année et découverte au temps de la Passion. Or ce que nous faisons maintenant sans le comprendre est un écho de l’antique piété. Quand la Croix était encore sans crucifix et brillait d’or et de pierres précieuses, il convenait d’en voiler l’éclair à l’époque où l’Époux est enlevé : l’Église revêt ses voiles de veuve. Et c’est là un souvenir plus délicat de la Passion que l’image d’un corps torturé et suspendu à la Croix. En tout cas, la première conception correspond mieux à la noble attitude des anciens.

On le voit donc, la piété objective porte, elle aussi, le deuil de la Passion, mais d’une autre manière. Creusons encore la différence entre la piété populaire et la piété liturgique. La première est doctrinale et sentimentale ; la seconde vise à l’action. Elle se demande moins quelles vertus et quelles doctrines doit nous enseigner la méditation de la flagellation, mais elle nous fait sentir que nous sommes les membres du corps du Christ et, dans nos épreuves terrestres, nous fait voir une participation à sa Passion. Que dit saint Paul, le docteur de la piété objective ? « De même que les souffrances du Christ abondent en nous, de même aussi, par le Christ, abonde notre consolation » [53]. Il va même jusqu’à voir dans ses propres souffrances un complément de la Passion du Christ [54]. C’est là une magnifique conception de la Passion. Toute la vie des chrétiens est unie au Christ ; nos souffrances et nos joies sont les souffrances et les joies du Christ. Aujourd’hui, au moment où j’écris ces lignes, nous célébrons la fête des saintes Perpétue et Félicité et je lis dans leurs Actes : Dans la prison, Félicité était sur le point de mettre au monde un enfant. Comme elle souffrait les douleurs de l’enfantement, un soldat lui dit en raillant : « Si tu souffres tant maintenant, que feras-tu donc quand tu seras jetée devant les bêtes sauvages ? » — « Maintenant », répondit-elle, « c’est moi qui souffre, mais alors un autre sera en moi qui souffrira pour moi, parce que, moi aussi, je dois, souffrir pour lui. »

Saint Paul pousse ce cri de joie : « Avec le Christ je suis attaché à la Croix : aussi ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi. Tant que je vis encore dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi. » La piété objective n’est donc pas dépourvue de sentiments, elle connaît même une puissante mystique de la Passion, parce qu’elle se sait en union avec le Christ.

Et maintenant que devons-nous faire ? Faut-il abandonner nos méditations sur la Passion auxquelles nous sommes habitués depuis notre jeunesse, pour nous tourner vers la piété objective ? Cela n’est pas nécessaire. Approfondissons plutôt nos exercices précédents, en nous inspirant des conceptions de la Passion qu’avait la primitive Église. « Éprouvez tout et gardez ce qui est bon », dit l’Apôtre [55]. Dans l’Église, les deux conceptions sont en usage et, par conséquent, recommandables. Mon intention était de marquer les différences, non pas pour critiquer une conception, mais pour mieux faire comprendre le point de vue liturgique.

Lorsque, vendredi prochain, nous célébrerons la fête des Sept Douleurs de la Sainte Vierge et chanterons le beau Stabat Mater, nous nous rendrons compte immédiatement que nous sommes en face de pensées de la piété subjective. Mais quand, aujourd’hui, à la messe, nous voyons, à l’Épître, le divin grand-prêtre, revêtu de ses ornements, entrer dans le Saint des saints du ciel avec son propre sang et accomplir la Rédemption éternelle, nous savons que la liturgie nous présente une méditation objective de la Passion. L’Église est semblable au père de famille de l’Évangile qui tire de son trésor « de l’ancien et du nouveau ». Encore une fois, « examinez tout et gardez le bon. »

Le Dimanche de la Passion

STATION A SAINT PIERRE

Le Grand Prêtre entre dans son sanctuaire.

L’Église déroule devant nos yeux trois images, trois images de la Passion du Seigneur : une image figurative, une image historique et une image dominant les temps.

a) L’Église nous ramène en arrière, au temps de l’histoire juive, environ 600 ans avant Jésus-Christ. Il y avait, sur le trône de David, des rois indignes : dans la terre promise, on adorait les idoles ; l’injustice et l’immoralité régnaient dans le pays où Dieu était Roi. Dieu suscita des prophètes qui devaient avertir le peuple et les chefs. L’un des plus grands parmi eux fut Jérémie, un homme d’une grande pureté d’intention, rempli d’amour pour Dieu, pour son peuple et sa patrie. Il voit venir le malheur prochain, l’exil ; il prêche la pénitence, mais les Juifs ne veulent pas l’écouter, ils veulent se débarrasser de l’homme importun, ils le persécutent et le tourmentent. Les avertissements étant restés sans succès, le malheur éclate : la ville et le temple sont en ruines, le roi et le peuple sont conduits en exil. Jérémie s’assied sur les ruines de Sion et chante ses lamentations. Jérémie est la figure du Messie souffrant, mais moins dans ses paroles que dans sa personne. Aujourd’hui, l’Église lit le commencement du livre (le commencement vaut pour le tout). Le Prophète Jérémie nous accompagnera pendant tout le temps de la Passion.

b) L’image historique nous apparaît dans l’Évangile. Le Christ est entouré des Juifs hostiles. Déjà, ils prennent des pierres pour le lapider. La mort du Christ était déjà résolue, elle est déjà accomplie dans la volonté de ses ennemis, mais son heure n’est pas encore arrivée. Le Christ se tient au milieu d’eux, plein de majesté. Qui d’entre vous peut me convaincre de péché ? « Avant qu’Abraham fût, je suis. »

c) L’image dominant les temps nous apparaît dans l’Épître ; c’est une grande action liturgique. Le divin grand-prêtre, revêtu de ses ornements, pénètre dans le Saint des saints du ciel avec son propre sang et opère la Rédemption éternelle. Dans ces trois images se trouve contenue et expliquée toute la liturgie de ce dimanche.

1. Entrée dans le temps de la Passion : « Aujourd’hui, si vous entendez la voix du Seigneur, ne fermez pas vos cœurs. » C’est par ces paroles de l’invitatoire que l’Église nous invite à commencer dignement le temps sacré du souvenir de la Passion de Notre-Seigneur. C’est aussi une invitation à nous unir aux souffrances et au sacrifice du Christ dans son corps mystique. — Le premier répons de Matines nous introduit solennellement dans le temps de la Passion et, en même temps, nous fait entrevoir Pâques : encore quinze jours avant la grande fête.

Nous considérerons, dans le temps qui commence, le Christ, dans ses souffrances amères, comme l’Homme des douleurs ; nous pleurerons avec lui et nous compatirons à ses souffrances. Mais, en même temps, nous verrons en lui le vainqueur qui a triomphé sur le champ de bataille du Golgotha et nous serons vainqueurs avec lui ; nous verrons le Roi qui, sur le trône de la Croix, règne par ses souffrances, et nous règnerons avec lui en triomphant des souffrances de la vie ; nous considérerons le Grand-Prêtre qui entre dans le Saint des saints pour se sacrifier pour nous et nous invite à être prêtres avec lui dans l’abandon de notre vie.

2. La messe (Judica me). — Nous nous rendons aujourd’hui dans l’Église de Saint-Pierre, au tombeau du prince des Apôtres. Autrefois, dans la nuit du samedi au dimanche, il y avait vigile à Saint-Pierre et l’on procédait à l’ordination ; c’est ce qu’indiquent la station et le contenu de la messe. Saint Pierre est le premier vicaire du divin Grand-Prêtre.

A l’Introït, nous voyons le Seigneur lutter comme au jardin des Oliviers. Il demande une décision judiciaire entre lui, d’une part, et le peuple profane des Juifs et l’homme mauvais et perfide (Judas), d’autre part.

A l’Épître, nous voyons le divin Grand-Prêtre s’avancer vers l’autel de la Croix ; en versant son propre sang, il expie pour l’humanité, alors qu’il est lui-même sans péché.

Le Graduel et le Trait sont les plaintes du Christ souffrant ; ces chants nous conduisent à la colonne de la flagellation (« Ils ont labouré sur mon dos, ils ont creusé de longs sillons ») ; ils nous conduisent à la Croix (« Tu m’élèveras au-dessus de ceux qui se sont levés contre moi ; sauve-moi de l’homme méchant (Judas) »).

L’Évangile nous montre, de nouveau, notre Grand-Prêtre, le Christ, qui est innocent et éternel. Nous jetons encore un regard sur l’abîme de méchanceté de ses ennemis ; cependant, on voit briller la lumière de Pâques à travers la sombre scène : « Abraham s’est réjoui de voir mon jour (Pâques). » Les Juifs voulaient le lapider, mais il se cache (thème de la Passion et de Pâques).

L’Offertoire est un chant de route avec la promesse de devenir sans tache, comme le divin Grand-Prêtre lui-même est innocent.

L’antienne de Communion nous rappelle que l’Eucharistie est le mémorial de la mort du Christ : « C’est le corps qui sera livré pour vous, c’est le calice du Nouveau Testament dans mon sang, dit le Seigneur. Faites ceci, toutes les fois que vous prendrez (ce sacrement), en mémoire de moi.)

3. La prière des Heures. — Dans la lecture de l’Écriture, se dresse devant nous le Prophète Jérémie qui est la figure du Christ souffrant. Dans le premier chapitre, nous entendons parler de sa vocation de prophète. Ce chapitre n’a pas de rapport immédiat avec le Christ, mais le commencement vaut pour l’ensemble. Cependant on peut voir, dans le passage suivant, l’introduction de l’histoire de la Passion : « Et toi, ceins tes reins, lève-toi et dis-leur ce que je t’ordonnerai ; car je te donnerai la force, afin que tu n’aies pas à craindre devant eux. Je t’établis aujourd’hui comme une ville forte, comme une colonne de fer et une muraille d’airain devant tout le pays, devant les rois de Juda, devant ses princes, devant les prêtres et le peuple du pays. Ils te feront la guerre, mais ils ne pourront pas t’abattre, car je suis avec toi, dit le Seigneur, pour te délivrer. »

Nous entendons, en outre, deux sermons des deux grands papes et docteurs de l’Église, saint Léon 1er et saint Grégoire 1er. Ces deux discours sont d’autant plus importants qu’ils furent prononcés, tous les deux, à Saint-Pierre de Rome, pendant l’office liturgique de ce jour, l’un vers 450, l’autre vers 600. Nous ne donnerons qu’un extrait de chacun d’eux. « Parmi toutes les solennités chrétiennes, nous savons que le mystère pascal est la principale. Pour nous préparer à recevoir dignement et convenablement ce mystère, les institutions de tout le temps (liturgique) travaillent à notre réforme. Mais les jours présents réclament particulièrement notre dévotion, car, nous le savons, ils sont en relation immédiate avec le plus sublime mystère de la divine miséricorde. Dans ces jours, les Apôtres, inspirés par le Saint-Esprit, ont, à juste titre, ordonné un jeûne plus sévère, afin que, par notre participation commune à la Croix du Christ, nous fassions un peu de ce qu’il a fait pour nous, comme le dit l’Apôtre : Si nous souffrons avec lui, nous serons glorifiés avec lui » (Saint Léon).

« Examinez, très chers frères, la mansuétude de Dieu. Il était venu pour enlever les péchés et il disait : Qui de vous me convaincra de péché ? Il ne dédaigne pas de montrer, par la raison, qu’il n’est pas pécheur, lui qui, par la force de la divinité, pouvait justifier les pécheurs. Mais ce qu’il ajoute est terrible : Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu ; aussi vous ne l’entendez pas, parce que vous n’êtes pas de Dieu... Que chacun se demande s’il entend les paroles de Dieu avec l’oreille du cœur et il saura s’il est de Dieu... » (Saint Grégoire).

Pendant le jour, nous devons porter constamment, dans notre cœur, l’image et les paroles de l’Évangile. Dès le lever du soleil, nous chantons les paroles du Seigneur : « Celui qui est de Dieu entend la parole de Dieu, vous ne l’entendez pas parce que vous n’êtes pas de Dieu. » C’est une parole effrayante au début de la journée. Nous entrons immédiatement dans le combat du Seigneur contre les ténèbres. A chaque Heure du jour, nous chantons une autre parole du Seigneur : « Je n’ai pas de démon, mais j’honore mon Père. » (Prime). « Je ne cherche pas ma gloire, il y a quelqu’un qui la cherche et qui est juge » (Tierce). « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui garde ma parole ne goûtera jamais la mort » (Sexte). Vers la fin du jour, nous chantons le tragique dénouement de la journée : « Les Juifs ramassèrent des pierres pour les lui jeter ; mais Jésus se cacha et sortit du temple » (None). A Vêpres, s’ouvre une joyeuse perspective sur Pâques : « Abraham, votre père, a tressailli de joie de ce qu’il devait voir mon jour ; il l’a vu et il s’est réjoui. »

[1] « Le Sauveur revêtit véritablement notre chair mortelle ; mais il n’eut du péché que la ressemblance, et c’est ce voile qui déroba au démon le piège dans lequel il devait tomber. » (Saint Bernard). « Car si Lucifer avait, par son exécrable malice, et aussi par une juste punition de Dieu, acquis sur Adam coupable et sur toute sa race pécheresse le droit de mort, ce droit, il devait le perdre à jamais le jour où il serait assez téméraire pour oser l’exercer contre le Juste. » (Saint Augustin).

[2] « Jérémie n’était encore qu’un enfant quand il commença à prophétiser. Il récuse la charge qu’il ne peut souffrir à cause de son âge : et Dieu est plein d’indulgence pour la jeunesse de Jérémie, à qui la crainte et la timidité siéent bien. » (Saint Jérôme).

[3] Lev 23, 4

[4] Littéralement, allumée par-dessous. Par cette marmite, beaucoup d’interprètes entendent la Judée et Jérusalem.

[5] Ps 3, 2

[6] Ps 12, 5

[7] Ps 12, 3

[8] Ps 12, 5

[9] Rom 8, 17

[10] Ps 21, 11

[11] Ps 21, 20

[12] 2 Tim 3, 12

[13] Matt 10, 38

[14] Ps 21, 11

[15] Ps 21, 22

[16] « Les licornes sont des bêtes sauvages et féroces, et c’est pourquoi on leur compare les ennemis du Sauveur, dont la malice et la cruauté, loin d’être apaisées par ses souffrances, en furent plutôt augmentées. » (Bellarmin).

[17] Job 7, 1

[18] Gal 5, 17

[19] Ps 21, 11

[20] Ps 21, 17

[21] Ps 21, 22

[22] « Par ces paroles, le Sauveur ne demande point la conservation de sa vie temporelle, mais sa résurrection. » (Bellarmin). « J.-C. n’a appelé les Apôtres ses frères qu’après sa résurrection, mais le Prophète le représente sur la croix s’occupant de la pensée et du désir de les appeler ses frères : pensée, désir, qui le consolent dans ses souffrances. Ce verset du Psaume nous fait donc connaître, et la tendre charité de J.-C., et la dignité de l’âme réconciliée. » (P. Berthier).

[23] Ps 21, 21

[24] Celui qui est de Dieu entend la parole de Dieu ; c’est parce que vous n’êtes pas de Dieu que vous ne l’entendez pas. » Les Juifs lui répondirent : « N’avons-nous pas raison de dire que vous êtes un Samaritain et que vous êtes possédé du démon ? » Jésus répondit : « Il n’y a point en moi de démon ; mais j’honore mon Père, et vous, vous m’outragez. Pour moi, je n’ai point souci de ma gloire : il est quelqu’un qui en prend soin et qui fera justice. En vérité, en vérité, je vous le dis, si quelqu’un garde ma parole, il ne verra jamais la mort. » Les juifs lui dirent : « Nous voyons maintenant qu’un démon est en vous. Abraham est mort, les prophètes aussi, et vous, vous dites : “Si quelqu’un garde ma parole, il ne verra jamais la mort.” Etes-vous plus grand que notre père Abraham, qui est mort ? Les Prophètes aussi sont morts ; qui prétendez-vous être ? » Jésus répondit : « Si je me glorifie moi-même, ma gloire n’est rien ; c’est mon Père qui me glorifie, lui dont vous dites qu’il est votre Dieu ; Et pourtant vous ne le connaissez pas ; mais moi, je le connais ; et si je disais que je ne le connais pas, je serais menteur comme vous. Mais je le connais et je garde sa parole. Abraham votre père, a tressailli de joie de ce qu’il devait voir mon jour ; il l’a vu, et il s’est réjoui. » Les Juifs lui dirent : « Vous n’avez pas encore cinquante ans, et vous avez vu Abraham ? » Jésus leur répondit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham fût, je suis. » Alors ils prirent des pierres pour les lui jeter ; mais Jésus se cacha, et sortit du temple.

[25] Ps 37, 7

[26] « Le Seigneur appelle les Juifs ses amis, à cause d’Abraham ; ses proches, parce qu’il a pris de leur race la chair dont il s’est revêtu. Ils se sont tenus arrêtés pour l’accuser : ils se sont approchés pour se saisir de lui. Et ceux qui étaient près de moi s’en sont tenus éloignés ; les Apôtres et les autres disciples dont l’Evangéliste saint Luc dit : Lorsqu’ils se furent saisis de lui, tous ceux qui étaient de la connaissance de Jésus se tenaient à l’écart. »(SaintJérôme).

[27] Ps 68, 17

[28] Ps 68, 18

[29] Afin que ma résurrection les confonde ou les convertisse.

[30] « Un Samaritain, terme injurieux, puisque les Samaritains étaient schismatiques et ennemis des Juifs. » (L’abbé Vigouroux)

[31] Ps 126, 1

[32] Is 21, 11

[33] Voici la suite de ce texte d’Isaïe : « Le garde dit : Le matin est venu, et la nuit ; si vous cherchez, cherchez ; convertissez-vous, venez. »

[34] Jér 9, 1

[35] Jér 9, 4

[36] Ps 34, 6

[37] Lament. 1, 9.

[38] Ps. 117, 5.

[39] Lament. 3, 58.

[40] Mich. 6, 3.

[41] Jér. 18, 20.

[42] On désignait sous le nom de lustre, un espace de 5 ans.

[43] Fronde : ce feuillage mystérieux n’est-il pas l’humble semence de Bethléem, aussi petite dans la crèche que le grain de sénevé, et qui est devenu le grand arbre sur les rameaux duquel viennent se reposer maintenant les oiseaux du ciel, c’est-à-dire les âmes prédestinées ? Flore : cette fleur incomparable n’est-elle pas celle-là même qui est née sur le rejeton de la racine de Jessé, c’est-à-dire le Sauveur fils de la Vierge, qui, selon l’heureuse expression de saint Ambroise, a purifié le monde des fétides émanations du péché, pour y répandre la suave odeur de la terre des vivants ? Germine : Jésus est aussi le fruit béni dont la vivifiante saveur doit neutraliser à jamais le venin mortel de cet autre fruit qui, dès l’origine, avait empoisonné les entrailles de tous les enfants d’Adam. Celui-là fut un fruit de mort, celui-ci est le fruit de vie, formé par l’Esprit-Saint dans les chastes flancs de la Vierge, mûri au Calvaire sous le feu de la souffrance, et jusqu’à la consommation des siècles offert chaque jour à nos âmes sur la table eucharistique pour devenir leur céleste aliment. (L’Abbé Pimont).

[44] Matth. XII, 32.

[45] I Cor II, 8.

[46] Matth. XXIV, 30.

[47] Psalm. XLIX.

[48] Sauvez-nous, Christ Sauveur, par la puissance de la Croix,
Vous qui avez sauvé Pierre de la mer, ayez pitié de nous.

[49] Que je vive.

[50] Celui qui comment le péché est esclave du péché : Ioan. 8, 34.

[51] Par une seule oblation, Il a amené à la perfection pour toujours ceux qui sont sanctifiés : I Hebr. X, 14.

[52] Math. IX, 15

[53] II Cor. I, 5.

[54] Col. I, 24.

[55] I Thess. V, 27.