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Jeudi de la Passion

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1960.


Sommaire

  Textes de la Messe  
  Office  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

La Station est dans l’église construite vers 780 par le Pape Adrien I, en l’honneur du saint martyr Apollinaire, disciple de Pierre et archevêque de Ravenne. Ce saint Martyr nous dit, en ce saint Temps de la Passion, que nous devons souffrir courageusement comme lui pour Jésus-Christ. C’est la raison pour laquelle l’Église choisit pendant toute cette semaine le tombeau d’un martyr comme lieu de réunion des fidèles.

Textes de la Messe

Feria Quinta
Jeudi de la 1ère semaine de la Passion
III Classis
3 ème Classe
Statio ad S. Apollinarem
Station à St Apollinaire
Ant. ad Introitum. Dan. 3, 31.Introït
Omnia, quæ fecísti nobis, Dómine, in vero iudício fecísti : quia peccávimus tibi, et mandátis tuis non obœdívimus : sed da glóriam nómini tuo, et fac nobíscum secúndum multitúdinem misericórdiæ tuæ.Tout ce que vous nous avez fait, Seigneur, c’est par une justice véritable que vous l’avez fait ; car nous avons péché contre vous et nous n’avons point obéi à vos commandements : mais donnez gloire à votre nom et agissez à notre égard selon la multitude de vos miséricordes.
Ps. 118, 1.
Beáti immaculáti in via : qui ámbulant in lege Dómini.Heureux ceux qui sont immaculés dans la voie, qui marchent dans la loi du Seigneur.
Oratio.Collecte
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut dígnitas condiciónis humánæ, per immoderántiam sauciáta, medicinális parsimóniæ stúdio reformétur. Per Dóminum.Faites, nous vous en supplions, ô Dieu tout-puissant, que la dignité de la nature humaine, qui a été blessée par l’intempérance, soit rétablie au moyen de cette abstinence salutaire. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Léctio Daniélis Prophétæ.Lecture du Prophète Daniel.
Dan. 3, 25 et 34-45.
In diébus illis : Orávit Azarías Dóminum, dicens : Dómine, Deus noster : ne, quǽsumus, tradas nos in perpétuum propter nomen tuum, et ne díssipes testaméntum tuum : neque áuferas misericórdiam tuam a nobis propter Abraham diléctum tuum, et Isaac servum tuum, et Israël sanctum tuum : quibus locútus es, póllicens, quod multiplicáres semen eórum sicut stellas cæli et sicut arénam, quæ est in lítore maris : quia, Dómine, imminúti sumus plus quam omnes gentes, sumúsque húmiles in univérsa terra hódie propter peccáta nostra. Et non est in témpore hoc princeps, et dux, et prophéta, neque holocáustum, neque sacrifícium, neque oblátio, neque incénsum, neque locus primitiárum coram te, ut póssimus inveníre misericórdiam tuam : sed in ánimo contríto et spíritu humilitátis suscipiámur. Sicut in holocáusto aríetum et taurórum, et sicut in mílibus agnórum pínguium : sic fiat sacrifícium nostrum in conspéctu tuo hódie, ut pláceat tibi : quóniam non est confúsio confidéntibus in te. Et nunc séquimur te in toto corde, et timémus te, et qu.rimus fáciem tuam. Ne confúndas nos : sed fac nobíscum iuxta mansuetúdinem tuam et secúndum multitúdinem misericórdiæ tuæ. Et érue nos in mirabílibus tuis, et da glóriam nómini tuo, Dómine : et confundántur omnes, qui osténdunt servis tuis mala, confundántur in omni poténtia tua : et robur eórum conterátur : et sciant, quia tu es Dóminus, Deus solus, et gloriósus super orbem terrárum, Dómine, Deus noster.En ces jours-là, Azarias pria le Seigneur et dit : Seigneur notre Dieu, ne nous abandonnez pas à jamais, nous vous en supplions, à cause de votre nom, et ne détruisez pas votre alliance. Et ne retirez pas de nous votre miséricorde, à cause d’Abraham votre bien-aimé, et d’Isaac votre serviteur, et d’Israël votre saint, auxquels vous avez parlé, promettant de multiplier leur race comme les étoiles du ciel, et comme le sable qui est sur le rivage de la mer, car, Seigneur, nous sommes réduits à un plus petit nombre que toutes les nations, et nous sommes aujourd’hui humiliés sur toute la terre à cause de nos péchés. Et il n’y a plus actuellement ni prince, ni chef, ni prophète, ni holocauste, ni sacrifice, ni oblation, ni encens, ni endroit pour vous offrir les prémices, afin que nous puissions trouver votre miséricorde. Mais recevez-nous dans un cœur contrit et dans un esprit humilié, comme un holocauste de béliers et de taureaux, comme des milliers d’agneaux gras, qu’ainsi notre sacrifice paraisse aujourd’hui devant vous et qu’il vous soit agréable, car ceux qui ont confiance en vous ne sont pas confondus. Et maintenant nous vous suivons de tout notre cœur ; nous vous craignons, et nous recherchons votre face. Ne nous confondez pas, mais agissez envers nous selon votre douceur et selon la multitude de vos miséricordes. Délivrez-nous par vos merveilles, et donnez gloire à votre nom. Seigneur. Que tous ceux qui font souffrir vos serviteurs soient confondus ; qu’ils soient confondus par votre toute-puissance, et que leur force soit brisée ; et qu’ils sachent que vous, Seigneur, êtes le Dieu unique et glorieux sur toute la terre, ô Seigneur notre Dieu.
Graduale. Ps. 95, 8-9.Graduel
Tóllite hóstias, et introíte in átria eius : adoráte Dóminum in aula sancta eius.Prenez des victimes et entrez dans ses parvis : adorez le Seigneur dans son saint tabernacle.
V/. Ps. 28, 9.Revelávit Dóminus condénsa : et in templo eius omnes dicent glóriam.Le Seigneur découvrira les lieux sombres : et dans son temple, tous publieront sa gloire.
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam.Lecture du Saint Evangile selon saint Luc.
Luc. 7, 36-50.
In illo témpore : Rogábat Iesum quidam de pharisǽis, ut manducáret cum illo. Et ingréssus domum pharisǽi, discúbuit. Et ecce múlier, quæ erat in civitáte peccátrix, ut cognóvit, quod accubuísset in domo pharisǽi, áttulit alabástrum unguénti : et stans retro secus pedes eius, lácrimis cœpit rigáre pedes eius, et capíllis cápitis sui tergébat, et osculabátur pedes eius, et unguénto ungébat. Videns autem pharisǽus, qui vocáverat eum, ait intra se, dicens : Hic si esset Prophéta, sciret útique, quæ et qualis est múlier, quæ tangit eum : quia peccátrix est. Et respóndens Iesus, dixit ad illum : Simon, hábeo tibi áliquid dícere. At ille ait : Magíster, dic. Duo debitóres erant cuidam fæneratóri : unus debébat denários quingéntos, et álius quinquagínta. Non habéntibus illis, unde rédderent, donávit utrísque. Quis ergo eum plus díligit ? Respóndens Simon, dixit : Æstimo, quia is, cui plus donávit. At ille dixit ei : Recte iudicásti. Et convérsus ad mulíerem, dixit Simóni : Vides hanc mulíerem ? Intrávi in domum tuam, aquam pédibus meis non dedísti : hæc autem lácrimis rigávit pedes meos et capíllis suis tersit. Osculum mihi non dedísti : hæc autem, ex quo intrávit, non cessávit osculári pedes meos. Oleo caput meum non unxísti : hæc autem unguénto unxit pedes meos. Propter quod dico tibi : Remittúntur ei peccáta multa, quóniam diléxit multum. Cui autem minus dimíttitur, minus díligit. Dixit autem ad illam : Remittúntur tibi peccáta. Et cœpérunt, qui simul accumbébant, dícere intra se : Quis est hic, qui étiam peccáta dimíttit ? Dixit autem ad mulíerem : Fides tua te salvam fecit : vade in pace.En ce temps-là, un pharisien pria Jésus de manger avec lui. Et étant entré dans la maison du pharisien, il se mit à table. Et voici qu’une femme, qui était une pécheresse dans la ville, ayant su qu’il était à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d’albâtre, rempli de parfum ; et se tenant derrière lui, à ses pieds, elle se mit à arroser ses pieds de ses larmes, et elle les essuyait avec les cheveux de sa tête, et elle baisait ses pieds et les oignait de parfum. Voyant cela, le pharisien qui l’avait invité dit en lui-même : Si cet homme était prophète, il saurait certainement qui et de quelle espèce est la femme qui le touche ; car c’est une pécheresse. Et Jésus, prenant la parole, lui dit : Simon, j’ai quelque chose à te dire. Il répondit : Maître, dites. Un créancier avait deux débiteurs, l’un devait cinq cents deniers, et l’autre cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi les rendre, il leur remit à tous deux leur dette. Lequel donc l’aimera davantage ? Simon répondit : Je pense que c’est celui auquel il a remis davantage. Jésus lui dit : Tu as bien jugé. Et se tournant vers la femme, il dit à Simon : Tu vois là cette femme ? Je suis entré dans ta maison : tu ne m’as pas donné d’eau pour mes pieds ; mais elle a arrosé mes pieds de ses larmes, et elle les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as pas donné de baiser ; mais elle, depuis qu’elle est entrée, n’a pas cessé de baiser mes pieds. Tu n’as pas oint ma tête d’huile ; mais elle, elle a oint mes pieds de parfum. C’est pourquoi, je te le dis, beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on remet moins, aime moins. Alors il dit à cette femme : Tes péchés te sont remis. Et ceux qui étaient à table avec lui commencèrent à dire en eux-mêmes : Quel est celui-ci, qui remet les péchés ? Et il dit à la femme : Ta foi t’a sauvée ; va en paix.
Ant. ad Offertorium. Ps. 136, 1.Offertoire
Super flúmina Babylónis illic sédimus et flévimus : dum recordarémur tui, Sion.Au bord des fleuves de Babylone nous nous sommes assis et nous avons pleuré en nous souvenant de Sion.
Secreta.Secrète
Dómine, Deus noster, qui in his pótius creatúris, quas ad fragilitátis nostræ subsídium condidísti, tuo quoque nómini múnera iussísti dicánda constítui : tríbue, quǽsumus ; ut et vitæ nobis præséntis auxílium et æternitátis effíciant sacraméntum. Per Dóminum.Seigneur notre Dieu, qui ayez ordonné que ce serait de préférence parmi les choses créées par vous pour la subsistance de notre nature fragile, que les dons à dédier à votre saint nom fussent aussi choisis, faites, nous vous en supplions, que ces dons nous valent du secours dans la vie présente et nous deviennent un gage de l’éternité. Par Notre-Seigneur.
Præfatio de sancta Cruce. Préface de la sainte Croix .
Ant. ad Communionem. Ps. 118, 49-50.Communion
Meménto verbi tui servo tuo, Dómine, in quo mihi spem dedísti : hæc me consoláta est in humilitáte mea.Souvenez-vous de la parole que vous avez dite à votre serviteur ; par elle vous m’avez donné l’espérance, c’est ce qui m’a consolé dans mon humiliation.
Postcommunio.Postcommunion
Quod ore súmpsimus, Dómine, pura mente capiámus : et de munere temporáli, fiat nobis remédium sempitérnum. Per Dóminum.Faites, ô Seigneur, que ce que nous avons pris de nos lèvres, nous le gardions dans une âme pure et que le bienfait reçu dans le temps devienne pour nous un remède en vue de l’éternité. Par N.-S.
Super populum : Orémus. Humiliáte cápita vestra Deo.Sur le peuple : Prions. Humiliez vos têtes devant Dieu.
Oratio.Prière
Esto, quǽsumus, Dómine, propítius plebi tuæ : ut, quæ tibi non placent, respuéntes ; tuórum pótius repleántur delectatiónibus mandatórum. Per Dóminum.Nous vous en supplions, Seigneur, soyez .propice à votre peuple afin que repoussant ce qui vous déplaît, il ressente toujours davantage les délices que vous réservez à ceux qui observent vos commandements. Par N.-S.

Office

A MATINES

Invitatorium Invitatoire
Hódie, si vocem Dómini audiéritis, * Nolíte obduráre corda vestra.Aujourd’hui si vous entendez la voix du Seigneur, * N’endurcissez pas vos cœurs.

Pange, Lingua, gloriósi (matines de la Passion)

Lectio i1ère leçon
Léctio sancti Evangélii secúndum LucamLecture du saint Évangile selon saint Luc
Cap. 7, 36-50
In illo témpore : Rogábat Iesum quidam de pharisǽis, ut manducáret cum illo. Et ingréssus domum pharisǽi discubuit. Et réliqua.En ce temps-là, un pharisien pria Jésus de manger avec lui. Et étant entré dans la maison du pharisien, il se mit à table. Et le reste. [1]
Homilía sancti Gregórii PapæHomélie de saint Grégoire, Pape
Homilía 33 in Evang.
Cogitánti mihi de Maríæ Magdalénæ pœniténtia, flere magis libet, quam áliquid dícere. Cuius enim vel sáxeum pectus illæ huius peccatrícis lácrimæ ad exémplum pœniténdi non emólliant ? Considerávit namque quid fecit, et nóluit moderári quid fáceret. Super convivántes ingréssa est, non iussa venit, inter épulas lácrimas óbtulit. Díscite, quo dolóre ardet, quæ flere et inter épulas non erubéscit.Quand je réfléchis à la pénitence de Marie-Madeleine, j’ai plus envie de pleurer que de parler. Est-il quelqu’un dont le cœur, fût-il de pierre, ne sera pas attendri par les larmes de cette pécheresse et porté ainsi à imiter son repentir ? Elle considéra ce qu’elle avait fait par le passé et ne voulut point mettre de retard à ce qu’elle ferait pour le réparer. Elle entra dans la salle où les conviés étaient à table, elle vint sans être invitée, et pendant le repas elle offrit aux regards le spectacle de ses larmes. Voyez quelle douleur la consume, elle ne rougit point de pleurer, et cela au milieu d’un festin.
R/. Deus meus, éripe me de manu peccatóris : et de manu contra legem agéntis, et iníqui : * Quóniam tu es patiéntia mea.R/. Mon Dieu [2], arrachez-moi de la main d’un pécheur, d’un homme agissant contre la loi et inique, *
V/. Deus meus, ne elongéris a me : Deus meus, in auxílium meum réspice.V/. Mon Dieu [3], ne vous éloignez pas de moi ; mon Dieu, voyez à me secourir.
R/. Quóniam tu es patiéntia mea.R/. Parce que c’est vous qui êtes ma patience.
Lectio ii2e leçon
Hanc vero, quam Lucas peccatrícem mulíerem, Ioánnes Maríam nóminat, illam esse Maríam crédimus, de qua Marcus septem dæmónia eiécta fuísse testátur. Et quid per septem dæmónia, nisi univérsa vítia designántur ? Quia enim septem diébus omne tempus comprehénditur, recte septenário número univérsitas figurátur. Septem ergo dæmónia María hábuit, quæ univérsis vítiis plena fuit.Cette femme que saint Luc appelle pécheresse, et que saint Jean nomme Marie, nous croyons qu’elle est cette même Marie dont, au témoignage de saint Marc, sept démons furent chassés. Tous les vices ne sont-ils pas désignés par ces sept démons ? Comme les sept jours de la semaine marquent tout le cours du temps, le nombre sept figure fort bien l’universalité. Marie avait donc en elle sept démons : elle était pleine de toutes sortes de vices.
R/. Multiplicáti sunt qui tríbulant me, et dicunt : Non est salus illi in Deo eius : * Exsúrge, Dómine, salvum me fac, Deus meus.R/. Ils se sont multipliés [4] ceux qui me persécutent, et ils disent : II n’y a point de salut pour lui en son Dieu. * Levez-vous, Seigneur ; sauvez-moi, mon Dieu.
V/. Nequándo dicat inimícus meus, Præválui advérsus eum.V/. De peur [5] qu’un jour mon ennemi ne dise : J’ai prévalu contre lui.
R/. Exsúrge, Dómine, salvum me fac, Deus meus.R/. Levez-vous, Seigneur ; sauvez-moi, mon Dieu.
Lectio iii3e leçon
Sed ecce quia turpitúdinis suæ máculas aspéxit, lavánda ad fontem misericórdiæ cucúrrit, convivántes non erúbuit. Nam quia semetípsam gráviter erubescébat intus, nihil esse crédidit, quod verecundarétur foris. Quid ergo mirámur, fratres ? Maríam veniéntem, an Dóminum suscipiéntem ? Suscipiéntem dicam, an trahéntem ? Sed mélius trahéntem dicam, et suscipiéntem : quia nimírum ipse eam per misericórdiam traxit intus, qui per mansuetúdinem suscépit foris.Mais parce qu’elle vit tout à coup les taches et la laideur de son âme, elle courut pour être purifiée à la source de la miséricorde, sans rougir de paraître devant les convives. Comme elle avait une très grande honte d’elle-même au fond de son cœur, elle comptait pour rien la confusion extérieure. Qu’admirerons-nous donc, mes frères ? Marie qui vient, ou le Seigneur qui la reçoit ? Dirai-je que le Seigneur la reçoit ou qu’il l’attire ? Mais il vaut mieux dire qu’il l’attire et qu’il la reçoit tout ensemble, car c’est lui assurément qui l’attire intérieurement par sa miséricorde et qui l’accueille extérieurement par sa mansuétude.
R/. Usquequo exaltábitur inimícus meus super me ? * Réspice, et exáudi me, Dómine, Deus meus.R/. Jusques [6] à quand mon ennemi s’élèvera-t-il au-dessus de moi ? * Regardez et exaucez-moi, Seigneur mon Dieu.
V/. Qui tríbulant me, exsultábunt si motus fúero : ego autem in misericórdia tua sperábo.V/. Ceux [7] qui me tourmentent tressailliront de joie, si je suis ébranlé ; mais moi, j’ai espéré dans votre miséricorde.
R/. Réspice, et exáudi me, Dómine, Deus meus. R/. Usquequo exaltábitur inimícus meus super me ? Réspice, et exáudi me, Dómine, Deus meus.R/. Regardez et exaucez-moi, Seigneur mon Dieu. R/. Jusques à quand mon ennemi s’élèvera-t-il au-dessus de moi ? Regardez et exaucez-moi, Seigneur mon Dieu.

A LAUDES

Lustra sex (laudes de la Passion)

Ad Bened. Ant. Magíster dicit : * Tempus meum prope est, apud te fácio Pascha cum discípulis meis. Ant. au Bénédictus Le Maître dit : * Mon temps est proche, je veux faire chez toi la Pâque avec mes disciples.

Benedictus

AUX VÊPRES

Vexílla Regis (vêpres de la Passion)

Ad Magnificat Ant. Desidério desiderávi * hoc Pascha manducáre vobíscum, ántequam pátiar. Ant. au Magnificat J’ai désiré d’un grand désir * de manger cette Pâque avec vous, avant de souffrir.

Magnificat

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

A Rome, la Station est dans l’Église de saint Apollinaire, qui fut disciple de saint Pierre et ensuite premier Évêque de Ravenne et Martyr.

ÉPÎTRE.

C’est ainsi que Juda, captif en Babylone, épanchait ses vaux au Seigneur par la bouche d’Azarias. La désolation était au comble dans Sion, veuve de son peuple et de ses solennités ; ses fils, transplantés sur une rive étrangère, devaient successivement y mourir jusqu’à la soixante-dixième année de l’exil ; après quoi Dieu se souviendrait de ses exilés, et les ramènerait en Jérusalem par la main de Cyrus. Alors aurait lieu la construction du second temple qui devait voir le Messie. Quel crime avait donc commis Juda pour se voir soumis à une telle expiation ? La fille de Sion s’était prostituée à l’idolâtrie ; elle avait rompu le pacte sacré qui l’unissait au Seigneur comme à son époux. Toutefois son crime fut effacé par cette captivité d’un nombre limité d’années ; et Juda, rétabli dans la terre de ses pères, ne retourna plus au culte des faux dieux. Il était pur d’idolâtrie lorsque le Fils de Dieu vint habiter au milieu de lui. Mais quarante ans ne s’étaient pas écoulés depuis l’ascension glorieuse de ce divin Rédempteur, que Juda reprenait de nouveau le chemin de l’exil ; qu’il était, non plus emmené captif à Babylone, mais dispersé, après d’affreux massacres, dans toutes les nations qui sont sous le ciel. Voilà, non plus soixante-dix ans, mais dix-huit siècles qu’il est « sans prince, sans chef, sans prophète, sans holocauste, sans sacrifice et sans temple ». Le crime commis par Juda est donc plus grand encore que l’idolâtrie, puisque, après une si longue suite de malheurs et d’humiliations, la justice du Père n’est pas apaisée ! C’est que le sang qui fut versé par le peuple juif sur le Calvaire en ces jours n’est pas seulement le sang d’un homme ; c’est le sang d’un Dieu. Il faut que toute la terre le sache et le comprenne, à la seule vue du châtiment des meurtriers. Cette immense expiation d’un crime infini doit se continuer jusqu’aux derniers jours du monde ; alors seulement le Seigneur se souviendra d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; une grâce extraordinaire descendra sur Juda, et son retour consolera l’Église affligée de la défection d’un grand nombre de ses fils. Le spectacle d’un peuple entier imprégné de la malédiction dans toutes ses générations, pour avoir crucifié le Fils de Dieu, donne à réfléchir au chrétien. Il y apprend que la justice divine est terrible, et que le Père demande compte du sang de son Fils, jusqu’à la dernière goutte, à ceux qui l’ont versé. Hâtons-nous de laver dans ce sang précieux la tache de complicité que nous avons avec les Juifs ; et, rompant les liens de l’iniquité, imitons, par une entière conversion, ceux d’entre eux que nous voyons de temps en temps se détacher de leur peuple et se rendre au divin Messie, dont les bras sont étendus sur la Croix pour recevoir tous ceux qui veulent revenir à lui.

ÉVANGILE.

Aux idées sombres que suggère le spectacle de la réprobation du peuple déicide, l’Église se hâte de faire succéder les pensées consolantes que doit produire dans nos âmes l’histoire de la pécheresse de l’Évangile. Ce trait de la vie du Sauveur ne se rapporte pas au temps de la Passion ; mais les jours où nous sommes ne sont-ils pas les jours de la miséricorde ; et ne convient-il pas d’y glorifier la mansuétude et la tendresse du cœur de notre Rédempteur qui s’apprête, en ces jours mêmes, à faire descendre le pardon sur un si grand nombre de pécheurs par toute la terre ? D’ailleurs Madeleine n’est-elle pas la compagne inséparable de son cher Maître crucifié ? Bientôt nous la verrons au pied de la Croix ; étudions ce type d’amour, fidèle jusqu’à la mort ; et pour cela considérons son point de départ.

Madeleine avait mené une vie coupable ; sept démons, nous dit ailleurs le saint Évangile, avaient fixé en elle leur demeure. Il a suffi à cette femme de voir et d’entendre le Sauveur ; tout aussitôt la haine du péché la saisit, le saint amour se révèle à son cœur ; elle n’a plus qu’un désir, celui de réparer sa vie passée. Elle a péché avec éclat : il lui faut une rétractation éclatante de ses égarements ; elle a vécu dans le luxe : désormais ses parfums sont tous pour son libérateur ; de sa chevelure, dont elle était si fière, elle lui essuiera les pieds ; son visage ne connaîtra plus les ris immodestes ; ses yeux, qui séduisaient les âmes, sont noyés dans les larmes. Parle mouvement de l’Esprit divin qui la possède, elle part pour revoir Jésus. Il est chez le Pharisien, il est assis à un festin, elle va donc se donner en spectacle ; que lui importe ? Elle s’élance avec son vase précieux, et dans un instant la voilà aux pieds du Sauveur. C’est là qu’elle s’établit, là qu’elle épanche son cœur et ses larmes. Qui pourrait décrire les sentiments qui se pressent dans son âme ? Jésus lui-même nous les fera connaître tout à l’heure d’un seul mot. Mais il est aisé de voir à ses pleurs combien elle est touchée, à l’emploi de ses parfums et de ses cheveux combien elle est reconnaissante, à sa prédilection pour les pieds de son Sauveur combien elle est humble.

Le Pharisien se scandalise. Par un mouvement de cet orgueil judaïque qui bientôt crucifiera le Messie, il prend de là occasion de douter de la mission de Jésus. « S’il était prophète, pense-t-il, il saurait quelle est cette femme. » Lui, s’il avait l’esprit de Dieu, il reconnaîtrait le Sauveur promis à cette condescendance envers la créature repentante. Avec sa réputation de vertu, qu’il est au-dessous de cette pauvre femme pécheresse ! Jésus prend la peine de le lui donner à comprendre, en faisant de sa bouche divine le parallèle de Madeleine et de Simon le Pharisien, et dans ce parallèle l’avantage reste à Madeleine. Quelle cause a donc ainsi transformé la pécheresse de manière à lui mériter non seulement le pardon, mais les éloges publics de Jésus ? Son amour : « elle a aimé son Rédempteur, elle l’a aimé beaucoup », et le pardon qu’elle a reçu est selon la mesure de cet amour. Il y a peu d’heures, elle n’aimait que le monde et la vie sensuelle ; le repentir a créé en elle un être nouveau ; elle ne cherche plus, elle ne voit plus, elle n’aime plus que Jésus. Désormais elle s’attache à ses pas, elle veut subvenir à ses besoins, elle veut surtout le voir et l’entendre ; et, au moment de l’épreuve, quand les Apôtres auront fui, elle sera là au pied de la Croix, pour recevoir le dernier soupir de celui à qui son âme doit la vie. Quel sujet d’espérance pour le pécheur ! Jésus vient de le dire : « Celui à qui l’on remet plus, est celui-là même qui aime plus. » Pécheurs, songez à vos péchés ; mais songez surtout à accroître votre amour. Qu’il soit en proportion de la grâce du pardon que vous allez recevoir, et « vos péchés vous seront remis ».

Nous terminerons cette journée par cette Hymne touchante du Bréviaire Mozarabe.

HYMNE.
Verbum Patris quod prodiit factum caro ;
Agnus Dei peccata mundi auferens :
Ad te venimus cernui, ut inclytum
Bibamus almas Passionis sanguinem.
Verbe du Père, qui avez daigne paraître dans la chair,
Agneau de Dieu, oui ôtez les pèches du monde,
nous venons vers vous humblement, pour nous désaltérer
dans le sang de votre auguste Passion.
Ostende vulnerum sacrorum stigmata :
Exsurgat insignis Crucis fortissimum
Signum, quod in vigore perpetim
Manens, credentibus salvationem conferat.
Montrez-nous les stigmates de vos blessures sacrées ;
faites briller le signe glorieux de votre Croix ;
que par la force inépuisable qui réside en lui,
le salut soit accordé aux croyants.
Arundo, clavi, sputa, potus myrrheus,
Corona spinarum, flagella, lancea,
Impressa sunt damnationis verbera :
Jam nostra pro his cuncta dele crimina.
Le roseau, les clous, les crachats, le breuvage de myrrhe,
la couronne d’épine, les fouets, la lance, sont,
ô Christ, les instruments de votre supplice ;
à cause d’eux, daignez aujourd’hui pardonner nos crimes.
Fons vulneris sacri riget præcordia,
Lavet cruor, malitiæque contagia :
Sit vita præsens absque omni crimine ;
Futura detur in beato munere.
Que le sang de vos blessures sacrées arrose et lave nos cœurs,
qu’il enlevé le poison de notre malice ;
que notre vie présente soit exempte de pèche :
que la vie future nous soit une bienheureuse récompense.
Ut cum resurgendi dies effulserit,
Orbique regni claritas illuxerit,
Sequamur ætheris viam quæ nos trahat
In se receptos jam perennes incolas.
Quand le jour de la résurrection se lèvera,
quand les splendeurs de l’éternel royaume viendront illuminer ce monde,
faites-nous suivre, à travers les airs, cette route
qui nous conduira vers les heureux habitants du céleste séjour.
Honor sit æterno Deo, sit gloria
Uni Patri, eiusque soli Filio
Cum Spiritu : quæ Trinitas perenniter
Vivit potens in sæculorum sæculis.
Amen.
Honneur soit au Dieu éternel !
Gloire au seul Père, au Fils unique
et à l’Esprit-Saint ! Trinité qui vit
et règne dans les siècles des siècles.
Amen.

Rendons notre hommage à la sainte Croix, en lui offrant ces strophes ces strophes que lui consacre l’Église Grecque.

Feria IV. Mediæ Septimanæ.

Le bois avec lequel Élisée retira du Jourdain le fer de la hache fut la figure de la Croix, par laquelle, ô Christ, vous avez retiré de l’abîme de leurs vanités les nations qui, aujourd’hui, chantent avec transport : « Vous êtes béni, Dieu de nos pères ! »

Les cieux s’unissent à la terre dans une commune allégresse, pour adorer votre Croix ; car c’est vous-même qui avez réuni les Anges et les hommes qui chantent ensemble : « Seigneur notre Dieu, soyez béni ! »

Adorant la Croix du Seigneur, et glorifiant notre libérateur qui y fut attaché, présentons notre hommage selon les trois bois dont elle fut formée : une tendre compassion pour le cyprès odorant, la foi pour le cèdre, et pour le pin une charité sincère.

Vous avez étendu, ô Christ, vos mains sur le bois ; là vous avez détruit le péché de l’homme, qui n’avait pas su retenir sa convoitise. La lance vous a blessé ; mais vous l’avez retournée contre l’ennemi. En goûtant le fiel, vous avez anéanti le mal dont la douceur est trompeuse ; vous avez été abreuvé de vinaigre, vous qui êtes les délices de tous.

J’étais mort par l’arbre du péché, j’étais livré au trépas par une nourriture qui m’avait flatté ; rendez-moi la vie, Seigneur ; relevez-moi, faites-moi adorer vos souffrances et participer à votre divine résurrection ; rendez-moi le cohéritier de ceux qui vous aiment.

O Croix, signe d’allégresse, armure invincible, honneur des Apôtres, force des Pontifes, rends la vigueur à mon âme languissante ; fais que je t’adore, que je célèbre tes louanges, que je m’écrie : « Créatures du Seigneur, louez le Seigneur, et exaltez-le dans les siècles. »

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Collecte à Sainte-Marie « in via Lata ».
Station à Saint-Apollinaire « in Archipresbyteratu ».

La diaconie de Sainte-Marie sur la via Lata fut érigée vers le temps de Serge Ier, et une tradition médiévale, confondant peut-être le pape Paul Ier qui dut y ordonner des décorations, avec l’apôtre saint Paul, voulut reconnaître en ce lieu la maison louée par ce dernier quand, à l’époque de sa première captivité, il passa deux ans à Rome avec saint Luc. L’histoire ne peut rien dire d’ailleurs sur l’emplacement de ce domicile apostolique.

Sous l’autel principal on vénère le corps du célèbre martyr de Préneste, Agapit, avec quelques reliques de saint Cyriaque, le martyr de la voie d’Ostie.

La basilique in archipresbyteratu est dédiée en l’honneur de saint Apollinaire, le céleste patron des habitants de Ravenne, très puissants dans le haut moyen âge, quand, grâce au séjour des exarques byzantins dans cette ville, ses archevêques, à l’imitation des patriarches œcuméniques de Constantinople, commencèrent à se faire les égaux des Papes. Il fallait donc user de grands égards vis-à-vis de ces prélats, et ce fut justement durant la période de leur puissance — quand Grégoire le Grand lui-même attribua dans les fonctions papales une place d’honneur à l’apocrisiaire des métropolitains de Ravenne à Rome — que s’élevèrent diverses églises et chapelles dédiées à saint Apollinaire. Il y en avait une au Vatican, une autre au Latran, une troisième, celle de la station de ce jour, près des thermes de Sévère, une autre enfin sur la voie Appia.

Rome, et elle avait bien sujet d’agir ainsi, en professant ce culte particulier envers saint Apollinaire, mettait en relief le fait qu’il avait été disciple de Pierre, de qui il avait reçu la mission d évangéliser les Romagnes. Mais il ne manqua pas d’archevêques de Ravenne pour tenter de se soustraire entièrement à la juridiction pontificale, et c’est ainsi que dans le missel romain, au jour de la fête de saint Apollinaire, les lectures ne cessent d’inculquer l’humilité et le mépris de cet esprit de domination orgueilleuse qui caractérise les autorités séculières.

Sous l’autel principal de notre basilique in archipresbyteratu, on garde des reliques des martyrs arméniens Eustase, Mardarius, Eugène, Oreste et Eusence très célèbres chez les Orientaux.

L’introït est emprunté à Daniel (III, 31). Azarias, jeté dans la fournaise de Babylone, proclame que les maux qui oppriment le peuple sont la juste rétribution de ses péchés, puisqu’il refusa d’obéir à Dieu et mérita ainsi d’être abandonné par Lui. Toutefois, parce que la miséricorde divine ne s’éloigne jamais de sa justice, le martyr supplie Dieu de regarder, non les œuvres d’Israël, mais Lui-même, et de vouloir rendre ainsi gloire à son Nom en pardonnant et en accordant ses bienfaits à ceux qui, en toute justice, ne mériteraient rien autre que ses châtiments. Le choix que fit Grégoire II de cet introït dépeint au vif les conditions très tristes de Rome durant la première moitié du VIIIe siècle.

Dans la collecte, nous confessons humblement au Seigneur que ce qui nous fit tomber de l’honneur de la grâce originelle fut un péché d’intempérance et de gourmandise. Le seul remède qui puisse guérir la maladie doit donc être un remède contraire. C’est pourquoi le jeûne est requis, et il aura un caractère aussi expiatoire que médicinal.

Dans la lecture de Daniel (III, 25 et 34-35), Azarias continue sa plainte sur le triste sort de son peuple, qui est sans chef, sans temple et sans sacerdoce. Pourtant le martyr ne perd pas sa confiance en Dieu : la contrition et l’humilité valent plus que la graisse des taureaux égorgés en sacrifice devant Yahweh, puisque Dieu ne regarde pas tant les conditions rituelles extérieures que la pureté du cœur élevant vers Lui ses gémissements et l’appelant au secours.

Ces paroles de la sainte Écriture doivent être bien considérées et bien approfondies, spécialement par les âmes religieuses. Ce n’est pas une paire de sandales ni une corde serrée autour des reins qui plaisent au Seigneur et nous font saints ; ce qui est requis, ce sont les vertus intimes correspondant à ces pratiques si souvent absolument cérémonielles et extérieures. C’est pourquoi saint Bernard, blâmant la suffisance de quelques-uns de ses moines de Clairvaux qui s’estimaient supérieurs à ceux de Cluny, leur disait : « Moines vêtus de coules et orgueilleux, nous avons de l’horreur pour une fourrure, comme si l’humilité cachée sous une fourrure ne valait pas mieux que l’orgueil revêtu d’une coule ! »

Le graduel est pris aux psaumes 95 et 28, et décrit les dispositions d’âme aves lesquelles il convient que nous entrions aujourd’hui dans l’église du grand martyr de Ravenne. Il ne faut jamais se présenter à Dieu les mains vides, mais il est nécessaire de lui apporter des dons, des sacrifices, non pas d’animaux sans raison, mais de notre volonté. La puissance de Dieu est universelle ; Il déboisera les forêts, et, dans son saint temple, tous l’acclameront en lui chantant : Gloria !

Cette acclamation commence maintenant dans la liturgie de l’Église militante, mais elle continuera durant toute l’éternité dans la liturgie du Ciel, où Jean, en son Apocalypse, n’entendit répéter qu’Amen, Alléluia.

La lecture évangélique rapporte la conversion de la pécheresse de Magdala (Luc., VII, 36-50). Une tradition assez répandue, et remontant à Tertullien, identifie celle-ci avec la sœur de Marthe et de Lazare. Dieu ne regarde pas aux démérites précédents ; dans la personne de Madeleine il veut donner au monde une preuve de la manière dont Il accueillera le pécheur repentant qui revient à Lui. Le feu de l’Esprit Saint, comme dit saint Jean Chrysostome, envahit la pauvre courtisane, la sanctifie et l’élève encore plus haut que les vierges. Vides hanc mulierem ? Jésus veut que toute l’humanité regarde maintenant cette femme et imite son exemple. A Marie de Magdala on pardonne beaucoup parce qu’elle aime beaucoup. Or, tous ne peuvent pas jeûner, tous ne peuvent pas supporter les lourdes fatigues de l’apostolat ; mais tous ont un cœur et peuvent le consacrer à aimer Dieu.

L’offertoire est tiré du psaume 136. C’est l’âme toute envahie par la tristesse de cet exil, qui ne veut pas, pour cette raison, participer à la joie mondaine des fils de Babylone.

La prière d’introduction à l’anaphore a une saveur très antique : « O Dieu qui, pour la matière du sacrifice eucharistique, avez choisi ces éléments qui sont le plus nécessaires pour soutenir notre vie ; faites qu’ils deviennent pour nous le remède de la vie présente et les arrhes de la gloire future. » Le Seigneur voulut instituer précisément le divin Sacrement sous les espèces du pain et du vin, pour que nous comprenions que, de même que ces éléments fournissent la nourriture quotidienne de l’homme et celle qui lui convient le mieux, ainsi l’Eucharistie est le divin aliment dont l’âme se nourrit habituellement pour soutenir sa vie surnaturelle. C’est pourquoi saint Ambroise chantait :

Christusque nobis sit cibus,
Potusque noster sit fides ;
Laeti bibamus sobriam
Ebrietatem spiritus. [8]

Le verset pour la communion est tiré du psaume 118 : « Seigneur, souvenez-vous de la parole avec laquelle vous m’avez consolé et avez soutenu ma faiblesse. » Quel est cette parole de consolation et de réconfort ? C’est Jésus, dont le nom exprime tout un magnifique programme de grâce, d’espérance et d’amour.

La collecte après la communion est antique, et, au moyen âge, elle fut choisie comme prière de dévotion privée que les prêtres avaient l’habitude de réciter tout de suite après avoir participé aux saints Mystères. Ainsi entra-t-elle dans l’Ordinarium Missae du Missel romain actuel [9] : « Ce dont nous nous sommes matériellement nourris, Seigneur, faites que nous l’accueillions aussi dans un cœur et une âme purifiés de toute souillure terrestre, afin que la grâce que nous recevons dans le temps devienne en nous le principe de l’éternelle béatitude. » Il ne faut pas se faire d’illusions : autre chose est recevoir le Sacrement, et autre chose recevoir, comme le note le docteur angélique, rem et virtutem Sacramenti. Le premier peut être reçu par des pécheurs et même par des êtres sans raison, comme cela est arrivé trop souvent ; tandis que pour expérimenter l’efficacité divine du Corps et du Sang du Christ, il faut une préparation convenable, un fervent amour et un vif désir de participer à la vie et à la mort du Christ.

Dans la bénédiction sur le peuple avant de le congédier, nous supplions le Seigneur de nous accorder la grâce de mépriser les vains attraits des passions — mépris dont parlait sainte Agathe avant de mourir : Gratias tibi ago, Domine, quia extinxisti a me amorem sæculi [10] — et de nous remplir de la joie de l’Esprit Saint, c’est-à-dire de cette onction intérieure qui accompagne l’observance des divins commandements, et qui rendait douces à Étienne les pierres du torrent, et suaves les tourments aux anciens martyrs de la foi.

Aux usurpations des métropolitains de Ravenne au moyen âge, l’Église romaine répondait par des leçons d’humilité évangélique. Elle multipliait temples et autels en l’honneur de saint Apollinaire, pour que les dissidents de la métropole de l’Émilie apprissent que le motif de la grandeur de leur chaire épiscopale est précisément d’avoir été érigée et sanctifiée par un disciple de Pierre, par un envoyé de Rome. Telle est la loi établie par Dieu : la bénédiction pontificale consolide les demeures de ses fils et leur donne l’accroissement, tandis que celui qui s’élève contre le siège de Pierre sera broyé par sa majesté.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

STATION A SAINT-APOLLINAIRE

Notre âme, la pénitente, lave les pieds du Seigneur.

C’est aujourd’hui le dernier jeudi avant le Jeudi-Saint, avant le jour du lavement des pieds, de l’institution de la Sainte Eucharistie, de l’agonie du Seigneur. Dans huit jours aujourd’hui, les pénitents, fondant en larmes, s’agenouilleront à la porte de l’église ; ils laveront en quelque sorte les pieds du Christ avec leurs larmes. Alors, leur « captivité de Babylone » sera terminée. La messe d’aujourd’hui est une anticipation de la réconciliation des pénitents : c’est nettement une messe de pénitents.

C’est pourquoi les antiennes directrices du jour ne sont pas tirées de l’Évangile du jour, mais empruntées au Jeudi-Saint : « Le Maître dit : mon temps est proche, je fais la Pâque chez toi avec mes disciples » (Ant. Bened.). « J’ai désiré, d’un ardent désir, de manger cet agneau pascal avec vous avant que de souffrir » (Ant. Magn.). Le matin, comme le soir, la pensée directrice est celle de la Cène.

1. La messe (Omnia quae). — Nous nous rendons dans l’église de station de saint Apollinaire. Le célèbre évêque de Ravenne, le disciple de saint Pierre, que l’Église fête le 23 juillet, était aussi très honoré à Rome. On lui dédia une basilique qui devint église de station.

La messe présente une unité parfaite d’impression et de contenu. Les sentiments de pénitence de Madeleine et de Daniel en exil sont les mêmes ; c’est le même abandon à Dieu, le même désir d’expier. Ce sont ces sentiments que nous devons nous approprier en tant que pénitents. La leçon et trois chants psalmodiques nous conduisent en exil. L’Église aime, en effet, comparer le Carême avec la captivité des Juifs à Babylone.

La leçon est une émouvante prière de Daniel, pour demander le pardon de son peuple : « Ne détruis pas, ô Dieu, l’alliance que nous avons brisée par nos péchés, nous sommes abattus par le péché, mais, dans notre esprit d’humilité et avec notre cœur contrit, reçois-nous. Que notre sacrifice d’expiation te plaise ! Maintenant nous voulons te servir ». Puissent ces paroles être pour nous la vérité ! Nous trouvons dans l’Introït des pensées de pénitence semblables : « Ton jugement sur nous est juste, nous avons péché — mais maintenant agis selon ta miséricorde ». Il y a, dans le psaume 118, une ardente aspiration vers l’innocence : « Bienheureux ceux qui marchent dans l’innocence... » Dans leur patrie, les Juifs avaient foulé la Loi aux pieds ; maintenant, dans l’exil, ils ont appris à l’aimer. C’est désormais le seul lien qui les rattache à Dieu, car « il n’y a plus de temple, de sacrifices... » (les pénitents, eux non plus, n’ont pas le droit de participer au Saint-Sacrifice, eux non plus ne peuvent plus honorer Dieu que par la pénitence et l’obéissance).

A l’Offertoire, la communauté pénitente chante la touchante élégie de l’exil et de la nostalgie : « Sur les fleuves de Babylone, nous nous sommes assis et nous avons pleuré en nous rappelant Sion... » Les fidèles chantent ce cantique nostalgique au nom des pénitents qui viennent justement de quitter l’église. Nous soupirons, nous aussi, vers la grâce du pardon, vers Pâques.

Tout ce que pouvait produire l’Ancien Testament était ceci : la reconnaissance des péchés, l’acceptation de la peine, le repentir profond. Le Nouveau Testament est bien plus consolant : il nous donne la grâce du pardon. L’Évangile nous raconte la conversion de la Madeleine (Saint Grégoire le Grand et les textes liturgiques identifient Marie-Madeleine et la pécheresse). « Quand je pense à Marie-Madeleine, j’aimerais mieux pleurer que de parler. Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas se sentir poussé à la pénitence par les larmes de la pécheresse » (Saint Grégoire). Le Sauveur se montre l’ami des pécheurs. Il accepte l’invitation du Pharisien, tolère son manque d’égard afin de pouvoir verser sur un cœur malade le baume du pardon, bien plus, pour dire au monde entier qu’il est prêt à pardonner à tous les pécheurs. Quelle parole consolante pour tous les pécheurs : « Beaucoup de péchés lui ont été remis parce qu’elle a beaucoup aimé ! » Madeleine sera admise, plus tard, la première, à saluer le Ressuscité. Elle symbolisera, dans tous les temps, l’amour de Jésus pour les pécheurs. Cette péricope n’est-elle pas une douce consolation pour les pénitents ? Elle leur dit que le péché n’empêchera pas l’ascension de leur âme ; ils pourront même, par un grand amour du Christ, dépasser les fidèles.

2. Le psaume 136. — Il y a peu de psaumes, dans le psautier, qui, dès la première lecture, fassent une aussi profonde impression que celui-là C’est une élégie émouvante.

Sur les fleuves de Babylone,
nous étions assis
et nous pleurions en nous souvenant de Sion.
Aux saules de ses vallées,
nous avons suspendu nos harpes.
Ceux qui nous avaient emmenés nous ordonnaient
de chanter des chants joyeux.
Nos oppresseurs nous demandaient :
« Chantez-nous un cantique de Sion »
Comment pourrions-nous chanter un cantique du Seigneur
sur la terre étrangère ?

Si jamais je t’oublie, Jérusalem,
que ma main se dessèche.
Que ma langue se colle à mon palais,
si je cesse de penser à toi,
si je ne place pas Jérusalem
au premier rang de mes joies.

Souviens-toi, Seigneur, comment les enfants d’Édom,
Au jour de malheur de Jérusalem, criaient :
« Détruisez-la, détruisez-la
Jusque dans ses fondements »
Et toi, fille de Babylone, malheureuse,
Heureux celui qui te rendra le mal que tu nous as fait !
Béni celui qui saisira tes petits enfants
et les brisera contre la pierre !

Ce psaume nous transporte aux pénibles jours de la captivité de Babylone. Loin de Jérusalem, du temple, des lieux de bénédiction et de joie, le peuple juif est assis, inconsolable, parmi les saules, près du grand fleuve de Babylone. On n’entend plus de chant ; les harpes se sont tues et les captifs ne peuvent plus que verser des larmes de regret et de deuil (1 a).

Pourtant, le tableau devient encore plus émouvant. Soit par une dérision méchante, soit par sympathie réelle, leurs vainqueurs leur demandent de chanter leurs saints cantiques qui sont universellement célèbres (1 b). Mais les Juifs repoussent une telle prétention : « Comment pourrions-nous chanter les chants du Seigneur sur la terre étrangère ? » Ce serait les profaner, ce serait « oublier Jérusalem ». Ce serait une ingratitude envers notre chère Sion, nous ne pouvons pas.

Alors le psalmiste lève sa main droite et jure solennellement de ne jamais prêter sa main à, un tel jeu, sa langue à un tel chant. Il va même jusqu’à prononcer contre lui-même une imprécation : il demande que sa main se dessèche et que sa langue se colle à son palais s’il vient à manquer à, son vœu (2). Chez l’homme naturel, non racheté, l’amour ardent s’unit à, la haine contre ceux qui s’opposent à cet amour. Aussi l’amour de Sion, à qui il jure un serment de fidélité, porte le psalmiste à prononcer de terribles malédictions contre les auteurs de son malheur et ceux qui se sont réjouis de ce malheur. Rien n’avait tant indigné les Juifs que l’attitude hostile de leurs antiques rivaux, les Édomites, au moment de la ruine de Jérusalem. Ils les entendent encore exciter les destructeurs en leur criant, pleins de joie maligne : « Détruisez-la, détruisez-la jusque dans ses fondements. » La dernière malédiction du psalmiste est adressée à l’impitoyable Babylone qui a accablé le peuple juif de malheurs indicibles. Cette effroyable malédiction termine d’une manière énergique ce psaume d’une grande beauté psychologique.

Nous mettons aujourd’hui ce psaume dans la bouche des pénitents. Eux aussi, dans un deuil semblable, sont éloignés de la patrie et « assis sur les fleuves de Babylone » ; avec la même ardeur, ils implorent la réconciliation avec l’Église. Nous aussi, nous pouvons partager ce deuil et cette ardente imploration.

3. Les oraisons. — Assurément l’Évangile, d’une si fine psychologie, les passages qui traitent de la captivité de Babylone, les deux antiennes qui nous parlent de la Cène, fournissent une riche matière pour nourrir notre vie intérieure. Cependant, comme nous sommes trop enclins à négliger les courtes oraisons, faisons-en l’objet d’une méditation particulière. Quel aliment fournissent-elles à notre vie intérieure ?

La collecte. La dignité de la nature humaine a été blessée par l’intempérance ; c’est pourquoi nous demandons que cette dignité soit réparée par la tempérance (le jeûne). Quelle profonde pensée ! Comme le jeûne nous apparaît sous un nouveau jour ! L’intempérance d’Adam a introduit le péché ; il nous faut donc vivre avec tempérance pour surmonter le péché. La gourmandise d’Adam et d’Ève a profané la noblesse de la nature humaine, notre jeûne doit la rétablir. Le jeûne est donc un remède contre la blessure que le premier homme a faite à notre nature. Il s’agit du jeûne au sens large ; l’oraison emploie le mot parsimonia-modération, abstinence. Ce mot rappelle l’hymne : « Utamur ergo parcius verbis cibis et potibus, jocis... » (Soyons plus modérés, dans les paroles, la nourriture et la boisson, le sommeil et les plaisanteries). Ainsi donc, le Carême nous apparaît sous un nouvel aspect, comme un temps de cure et de réforme de la nature humaine blessée par le péché originel.

La secrète considère les oblats, le pain et le vin ; ce sont des productions naturelles destinées par Dieu à nous nourrir et à soutenir notre faiblesse corporelle — ce sont ces offrandes que Dieu réclame de préférence pour son Saint-Sacrifice ; elles doivent être, aussi, un secours pour la vie spirituelle sur la terre et un mystère pour l’éternité.

La postcommunion nous est connue ; le prêtre la récite chaque jour à l’ablution du calice ; elle est ici à sa place primitive. L’oraison distingue entre la communion de la bouche et la communion de l’âme. On peut recevoir la Sainte-Eucharistie seulement par la bouche, sans la prendre d’un cœur pur et la conserver de même. Les saintes espèces sont un don temporel, elles disparaissent vite, mais l’effet spirituel peut et doit être éternel.

L’oraison sur le peuple présente, elle aussi, de belles pensées. Nous devons être remplis d’horreur pour le péché, car Dieu, lui aussi, l’a en horreur. Ce qui déplaît au Père, le fils doit le rejeter. Bien plus, un bon enfant doit observer avec une véritable joie les ordres et les commandements de son père. Telle est la prière que l’Église fait pour nous.

[1] Et voici qu’une femme, qui était une pécheresse dans la ville, ayant su qu’il était à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d’albâtre, rempli de parfum ; et se tenant derrière lui, à ses pieds, elle se mit à arroser ses pieds de ses larmes, et elle les essuyait avec les cheveux de sa tête, et elle baisait ses pieds et les oignait de parfum. Voyant cela, le pharisien qui l’avait invité dit en lui-même : Si cet homme était prophète, il saurait certainement qui et de quelle espèce est la femme qui le touche ; car c’est une pécheresse. Et Jésus, prenant la parole, lui dit : Simon, j’ai quelque chose à te dire. Il répondit : Maître, dites. Un créancier avait deux débiteurs, l’un devait cinq cents deniers, et l’autre cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi les rendre, il leur remit à tous deux leur dette. Lequel donc l’aimera davantage ? Simon répondit : Je pense que c’est celui auquel il a remis davantage. Jésus lui dit : Tu as bien jugé. Et se tournant vers la femme, il dit à Simon : Tu vois là cette femme ? Je suis entré dans ta maison : tu ne m’as pas donné d’eau pour mes pieds ; mais elle a arrosé mes pieds de ses larmes, et elle les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as pas donné de baiser ; mais elle, depuis qu’elle est entrée, n’a pas cessé de baiser mes pieds. Tu n’as pas oint ma tête d’huile ; mais elle, elle a oint mes pieds de parfum. C’est pourquoi, je te le dis, beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on remet moins, aime moins. Alors il dit à cette femme : Tes péchés te sont remis. Et ceux qui étaient à table avec lui commencèrent à dire en eux-mêmes : Quel est celui-ci, qui remet les péchés ? Et il dit à la femme : Ta foi t’a sauvée ; va en paix.

[2] Ps 70, 14.

[3] Ps 70, 12.

[4] Ps 3, 2.

[5] Ps 12, 5.

[6] Ps 12, 3.

[7] Ps 12, 5.

[8] Que le Christ nous soit nourriture, et la foi soit notre boisson ; Joyeux, buvons la sobre ébriété de l’Esprit.

[9] 1ère Prière pour les ablustions.

[10] Je vous rends grâce, Seigneur, car vous avez éteint en moi l’amour du siècle.