Textes de la Messe |
In Vigilia Epiphaniæ |
Vigile de l’Épiphanie |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
La Vigile de l’Épiphanie fut supprimée en 1955 (Décret de simplification des rubriques (1955))
La messe était la messe Dum medium silentium du dimanche dans l’octave de Noël, avec un évangile propre.
In Vigilia Epiphaniæ |
Vigile de l’Épiphanie |
Ant. ad Introitum. Sap. 18, 14-15. | Introït |
Dum médium siléntium tenérent ómnia, et nox in suo cursu médium iter háberet, omnípotens Sermo tuus, Dómine, de cælis a regálibus sédibus venit. | Tandis que tout reposait dans le silence, et que la nuit, dans sa course, était au milieu de son chemin, votre parole toute-puissante, Seigneur, vint des cieux du trône royal. |
Ps. 92, 1. | |
Dóminus regnávit, decórem indútus est : indútus est Dóminus fortitúdinem, et præcínxit se. | Le Seigneur a régné et a été revêtu de gloire ; le Seigneur a été revêtu et s’est ceint de force. |
V/.Glória Patri. | |
Et dicitur Glória in excelsis. | Et on dit le Glória in excelsis. |
Oratio. | Collecte |
Omnípotens sempitérne Deus, dírige actus nostros in beneplácito tuo : ut in nómine dilécti Fílii tui mereámur bonis opéribus abundáre : Qui tecum. | Dieu tout-puissant et éternel, imprimez à nos actes une direction conforme à votre bon plaisir, afin qu’au nom de votre Fils bien-aimé, nous méritions de produire en abondance les fruits des bonnes œuvres. |
Et fit commemoratio S. Telesphori Papæ et Mart. | Et on fait mémoire de St Telesphore, Pape et Martyr. |
Lectio Epístolæ beati Pauli Apostoli ad Gálatas. | Lecture de l’Epître de Saint Paul Apôtre aux Galates. |
Gal. 4, 1-7. | |
Fratres : Quanto témpore heres párvulus est, nihil differt a servo, cum sit dóminus ómnium : sed sub tutóribus et actóribus est usque ad præfinítum tempus a patre : ita et nos, cum essémus párvuli, sub eleméntis mundi erámus serviéntes. At ubi venit plenitúdo témporis, misit Deus Fílium suum, factum ex mulíere, factum sub lege, ut eos, qui sub lege erant, redímeret, ut adoptiónem filiórum reciperémus. Quóniam autem estis fílii, misit Deus Spíritum Fílii sui in corda vestra, clamántem : Abba, Pater. Itaque iam non est servus, sed fílius : quod si fílius, et heres per Deum. | Mes frères : Aussi longtemps que l’héritier est enfant, il ne diffère en rien d’un esclave, quoiqu’il soit le maître de tout ; mais il est soumis à des tuteurs et à des curateurs jusqu’au temps marqué par le père. De même, nous aussi, quand nous étions enfants, nous étions sous l’esclavage des rudiments du monde. Mais lorsque est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme, né sous la Loi, pour affranchir ceux qui sont sous la Loi, afin de nous conférer l’adoption. Et parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils, lequel crie : Abba ! Père ! Ainsi tu n’es plus esclave, tu es fils ; et si tu es fils, tu es aussi héritier grâce à Dieu. |
Graduale. Ps. 44, 3 et 2. | Graduel |
Speciósus forma præ filiis hóminum : diffúsa est gratia in lábiis tuis. | Vous surpassez en beauté les enfants des hommes ; la grâce est répandue sur vos lèvres. |
V/. Eructávit cor meum verbum bonum, dico ego ópera mea Regi : lingua mea cálamus scribæ, velóciter scribéntis. | V/. De mon cœur a jailli une excellente parole ; c’est que j’adresse mes œuvres à un roi. Ma langue est comme le roseau du scribe qui écrit rapidement. |
Allelúia, allelúia. V/.Ps. 92, 1. Dóminus regnávit, decórem índuit : índuit Dóminus fortitúdinem, et præcínxit se virtúte. Allelúia. | Allelúia, allelúia. V/. Le Seigneur a régné et a été revêtu de gloire ; le Seigneur a été revêtu et s’est ceint de force. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Matthǽum. | Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu. |
Matth. 2, 19-23. | |
In illo témpore : Defúncto Heróde, ecce, Angelus Dómini appáruit in somnis Joseph in Ægýpto, dicens : Surge, et áccipe Púerum et Matrem eius, et vade in terram Israël : defúncti sunt enim, qui quærébant ánimam Pueri. Qui consúrgens, accépit Púerum et Matrem eius, et venit in terram Israël. Audiens autem, quod Archeláus regnáret in Judǽa pro Heróde patre suo, tímuit illo ire : et, admonítus in somnis, secéssit in partes Galilǽæ. Et véniens habitávit in civitáte, quæ vocátur Názareth : ut adimpléretur quod dictum est per Prophétas : Quóniam Nazarǽus vocábitur. | En ce temps-là : Hérode étant mort, voici qu’un Ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, en Egypte, et dit : Lève-toi, prends l’Enfant et sa Mère, et va dans le pays d’Israël ; car ceux qui en voulait à la vie de l’Enfant sont morts. Joseph, s’étant levé, prit l’Enfant et sa Mère, et vint dans le pays d’Israël. Mais ayant appris qu’Archélaüs régnait en Judée, à la place d’Hérode son père, il craignit d’y aller ; et, averti en songe, il se retira dans la province de Galilée. Et il vint habiter dans une ville appelée Nazareth, afin que s’accomplît ce qui avait été dit par les prophètes : Il sera appelé Nazaréen. |
Credo, quod dicitur etiam, si de Vigilia fiat tantum Commemoratio. | Credo, que l’on dit aussi même si on ne fait que mémoire de la Vigile. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 92, 1-2. | Offertoire |
Deus firmávit orbem terræ, qui non commovébitur : paráta sedes tua, Deus, ex tunc, a sǽculo tu es. | Dieu a affermi le globe de la terre qui ne sera point ébranlé : votre trône, ô Dieu, est établi depuis longtemps ; vous êtes de tote éternité. |
Secreta. | Secrète |
Concéde, quǽsumus, omnípotens Deus : ut óculis tuæ maiestátis munus oblátum, et grátiam nobis piæ devotiónis obtineat, et efféctum beátæ perennitátis acquírat. Per Dóminum. | Accordez-nous, Dieu tout-puissant, que ce don mis sous les yeux de votre majesté, nous obtienne la grâce d’une fervente piété et nous acuqière la possession de la béatitude éternelle. |
Præfatio de Nativitate Domini. | Préface de la Nativité . |
Ant. ad Communionem. Matth. 2, 20. | Communion |
Tolle Púerum et Matrem eius, et vade in terram Israël : defúncti sunt enim, qui quærébant ánimam Púeri. | Prends l’enfant et sa mère, et va dans le pays d’Israël, car ceux qui en voulaient à la vie d elenfant sont morts. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Per huius, Dómine, operatiónem mystérii, et vitia nostra purgéntur, et iusta desidéria compleántur. Per Dóminum. | Faites, ô Seigneur, que par la vertu de ce mystère sacré, nos fautes soient éffacées et nos justes désirs accomplis. |
AUX PREMIÈRES VÊPRES. avant 1955
Les antiennes comme au 1er janvier, le reste comme au dimanche dans l’Ocatve de Noël, excepté :
V/. Le Seigneur a fait connaître, alléluia.
R/. Son salut, alléluia.
Ant.au Magnificat L’enfant Jésus * croissait, avançait en âge et en sagesse devant Dieu et devant les hommes.
A MATINES. avant 1955
Au premier nocturne.
De l’Epître aux Romains. Cap. 8, 1-11
Première leçon. Il n’y a donc pas maintenant de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui ne marchent pas selon la chair. Parce que la loi de l’esprit de vie, qui est dans le Christ Jésus, m’a affranchi de la loi du péché et de la mort. Car ce qui était impossible à la loi, parce qu’elle était affaiblie par ta chair, Dieu, envoyant son Fils., dans une chair semblable à celle du péché, a condamné le péché dans la chair, à cause du péché même, afin que la justification de la loi s’accomplît en nous qui ne marchons point selon la chair, mais selon l’esprit.
R/. Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés du monde, voici celui de qui je disais : Celui qui vient après moi, a été fait avant moi : * Je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure. V/. Celui qui est de la terre, parle de la terre ; celui qui vient du Ciel, est au-dessus de tous. * Je.
Deuxième leçon. En effet, ceux qui sont selon la chair goûtent les choses dela chair ; mais ceux qui sont selon l’esprit ont le sentiment des choses de l’esprit. Or la prudence de la chair est mort ; mais la prudence de l’esprit est vie et paix ; parce que la sagesse de la chair est ennemie de Dieu ; car elle n’est point soumise à la loi de Dieu, et elle ne le peut. Ceux donc qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu. Pour vous, vous n’êtes point dans la chair, mais dans l’esprit, si toutefois l’esprit de Dieu habite en vous.
R/. Un jour sanctifié luit pour nous : venez, Nations, et adorez le Seigneur. * Parce qu’une grande lumière est descendue aujourd’hui sur la terre. V/. oici le jour qu’a fait le Seigneur ; réjouissons-nous et tressaillons d’allégresse en ce jour. * Parce que.
Troisième leçon. Or, si quelqu’un n’a point l’esprit du Christ, celui-là n’est point à lui. Mais si le Christ est en vous, quoique le corps soit mort à cause du péché, l’esprit vit par l’effet de la justification. Que si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts vivifiera aussi vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.
R/. Béni celui qui vient au nom du Seigneur ! Le Seigneur est Dieu et il a fait luire sa lumière sur nous : * Alléluia. Alléluia. V/. Voici le jour qu’a fait le Seigneur ; réjouissons-nous et tressaillons d’allégresse en ce jour. * Alléluia, alléluia. Gloire au Père. * Alléluia, alléluia.
Au deuxième nocturne.
Sermon de saint Augustin, Évêque.
Quatrième leçon. Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est éternellement, mes très chers frères, le Créateur de tous les hommes, est devenu aujourd’hui notre Sauveur, en naissant d’une mère. Il est né pour nous aujourd’hui dans le temps, par amour, afin de nous conduire à l’éternité du Père. Dieu s’est fait homme, afin de faire l’homme Dieu ; le Seigneur des Anges s’est fait homme aujourd’hui, afin que l’homme puisse manger le pain des Anges.
R/. Félicitez-moi, vous tous qui aimez le Seigneur : * Parce que, tandis que j’étais petite, j’ai plu au Très-Haut, et de mon sein j’ai engendré un Homme-Dieu. V/. Toutes les nations m’appelleront bienheureuse, parce que Dieu a regardé son humble servante. * Parce que.
Cinquième leçon. Aujourd’hui a été accomplie cette prophétie, qui dit : « Cieux, versez d’en haut votre rosée, et que les nuées pleuvent un juste ; que la terre s’ouvre et qu’elle germe un Sauveur. » Le Créateur est donc devenu créature, afin de retrouver ce qui était perdu. Car l’homme le reconnaît ainsi dans les Psaumes : « Avant que je fusse humilié, j’ai péché. » L’homme a péché, et est devenu coupable ; Dieu est né homme, afin de délivrer le coupable. L’homme donc est tombé ; mais Dieu est descendu. L’homme est tombé misérablement, Dieu est descendu miséricordieusement. L’homme est tombé par son orgueil, Dieu est descendu avec sa grâce.
R/. Le cœur de la Vierge a été fortifié ; à la parole de l’Ange elle a conçu les mystères divins ; alors, dans ses chastes entrailles, elle a reçu le plus beau des enfants des hommes * Et, bénie à jamais, elle nous a donné celui qui est Dieu et homme. V/. La demeure d’un sein pudique devient soudain le temple de Dieu ; la Vierge, intacte et pure, conçoit un Fils à la parole de l’Ange. * Et.
Sixième leçon. O miracle, ô prodige, mes frères ! Les lois de la nature sont changées pour l’homme ! Un Dieu naît, une vierge devient mère, la parole de Dieu la rend féconde ; elle est mère et vierge tout ensemble ; mère, elle conserve sa virginité ; vierge, elle enfante un fils ; elle reste pure, mais elle n est pas stérile. Elle met au monde celui qui seul est né sans péché, et qu’elle a conçu, non par la concupiscence de la chair, mais par l’obéissance de l’esprit.
R/. Vous êtes bénie et digne de tout respect, Vierge Marie, qui, sans rien perdre de votre pureté, vous êtes trouvée ta Mère du Sauveur : * Il était couché dans la crèche, et il brillait dans le Ciel. V/. Seigneur, j’ai entendu votre parole et j’ai craint ; j’ai considéré vos œuvres et j’ai été saisi de frayeur : entre deux animaux. * Il était couché. Gloire au Père. * Il était couché.
Au troisième nocturne.
Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu. Cap. 2, 19-23.
En ce temps-là : Hérode étant mort, voici qu’un Ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, en Egypte, et dit : Lève-toi, prends l’Enfant et sa Mère, et va dans le pays d’Israël. Et le reste.
Homélie de saint Jérôme, Prêtre.
Septième leçon. Ce passage nous fait entendre que non seulement Hérode, mais aussi les prêtres et les Scribes méditaient en ce même temps la perte du Seigneur. « Joseph se levant, prit l’enfant et sa mère. » L’Évangéliste ne dit point : Il prit son fils et son épouse, mais « l’enfant et sa mère », parce qu’il est le nourricier et non le mari.
R/. Sainte et immaculée Virginité, je ne sais par quelles louanges vous exalter : * Car vous avez renfermé dans votre sein celui que les cieux ne peuvent contenir. V/. Bénie êtes-vous entre les femmes, et béni est le fruit de votre sein. * Car.
Huitième leçon. « Mais ayant appris qu’Archélaüs régnait en Judée à la place d’Hérode, son père, il appréhenda d’y aller. » Beaucoup tombent ici dans l’erreur, par ignorance de l’histoire. ils croient qu’Hérode dont on annonce la mort, est celui par qui fut raillé le Sauveur, au temps de sa passion. Or, cet Hérode qui, dans la suite, se lia d’amitié avec Pilate, est le fils de celui-ci, et le frère d’Archélaüs.
R/. Une vierge-mère a enfanté sans douleur. * Le Sauveur des siècles, le Roi des Anges ; et seule la Vierge l’allaitait de sa mamelle que le ciel remplissait. V/. La demeure d’un sein pudique devient soudain le temple de Dieu ; la Vierge, toujours intacte et pure, conçoit un Fils à la parole de l’Ange. * Le. Gloire au Père. * Le.
Neuvième leçon. « Il sera appelé Nazaréen. » Si l’Évangéliste avait en vue un passage précis des Écritures, il n’eût point dit : « selon qu’il a été dit par les Prophètes », mais, par le Prophète. En parlant ainsi au pluriel, il indique qu’il prend non les paroles, mais le sens des Écritures. Nazaréen signifie saint : que le Seigneur doive être saint, c’est ce que rappelle toute l’Écriture.
La fête de Noël est terminée ; les quatre Octaves ont achevé leur cours ; et nous voici en présence de la solennité de l’Épiphanie du Seigneur. Une seule journée nous reste pour nous préparer à la Manifestation pleine de mystère que nous doit faire de sa gloire celui qui est l’Ange du grand Conseil. Encore quelques heures, et l’étoile se sera arrêtée, et les Mages frapperont à la porte de la maison de Bethlehem.
Cette Vigile n’est pas, comme celle de Noël, un jour de pénitence. L’Enfant que nous attendions alors, dans la componction et dans l’ardeur de nos désirs, est venu ; il reste avec nous et nous prépare de nouvelles faveurs. Ce jour d’attente d’une nouvelle solennité est un jour de joie comme ceux qui l’ont précédé. Cette Vigile ne sera donc point marquée par le jeûne ; et la sainte Église n’y revêtira point ses habits de deuil. Aujourd’hui, elle se pare de la couleur blanche, comme elle le fera demain. Ce jour est le douzième de la Naissance de l’Emmanuel.
Si la Vigile de l’Épiphanie tombe le Dimanche, elle partage avec celle de Noël l’honneur de n’être pas anticipée comme les autres Vigiles. Elle jouit de tous les privilèges des Dimanches ; et la Messe est celle du Dimanche dans l’Octave de Noël. Célébrons donc cette Vigile dans l’allégresse de nos cœurs, et préparons nos âmes aux nouvelles faveurs qui leur sont réservées.
L’Église Grecque observe le jeûne aujourd’hui, en mémoire de la préparation au Baptême qui s’administrait autrefois, principalement en Orient, dans la nuit qui précédait le saint jour de l’Épiphanie. Elle bénit encore les eaux avec une grande solennité en cette fête ; nous parlerons avec détail de cette cérémonie dont les vestiges ne sont pas encore entièrement effacés dans l’Occident.
Pour couronnement des pièces liturgiques qui nous ont aidé si suavement à pénétrer le mystère de Noël, nous avons réservé les strophes suivantes. Nulles autres ne pouvaient mieux convenir à ce jour qui prépare l’introduction des Mages près de la Crèche. Elles sont tirées du poème que le prince des mélodes de l’Église Grecque, saint Romanus, consacra, comme prémices de son génie, à la Vierge Mère. Nous regrettons de ne pouvoir donner ici le texte même, remis dans nos temps en honneur par un illustre prince de l’Église [1], et dont aucune traduction ne saurait rendre l’incomparable harmonie.
IN CHRISTI NATIVITATE. La Vierge aujourd’hui met au monde Celui qui dépasse la nature ; la terre donne une grotte pour gîte à l’inaccessible. Les Anges avec les bergers font assaut de louanges ; les Mages sont en route à la suite de l’étoile. Car pour nous voici qu’est né, enfant d’un jour, le Dieu d’avant tous les siècles.
Voici qu’en Bethléhem Éden est ouvert ; venez donc, et voyons : quel mets suave est là caché pour nous ! Venez : dans cette grotte, abreuvons-nous des délices du paradis. Là fleurit, sans être arrosée, la tige qui produit la grâce. Là est le puits qu’aucune main n’a creusé, et dont David un jour eût voulu boire. Ici tout d’un coup, grâce à la Vierge qui enfante, d’Adam et de David la soif est apaisée. Donc hâtons-nous d’aller où vient de naître, enfant d’un jour, le Dieu d’avant tous les siècles.
Le père de la mère a voulu être son fils ; le sauveur des enfants gît enfant dans une crèche. Fixant ses yeux sur lui, celle qui l’enfante a dit : « Qu’est-ce cela, ô mon fils ! En quelle manière as-tu pris germe en moi ? en quelle manière as-tu trouvé en moi vie et croissance ? Je te vois, ô fruit de mes entrailles, et suis dans la stupeur ; mon sein s’emplit de lait, et je n’ai point connu d’homme. Et tante dis que je t’admire en ces langes, je contemple la fleur de ma virginité toujours sauve, ô toi qui l’as gardée, en daignant naître, enfant d’un jour, Dieu avant tous les siècles.
« Roi très-haut, qui t’attire au milieu des mendiants ? Créateur des cieux, pourquoi viens-tu chez les habitants de la terre ? Une grotte fait tes délices, une crèche est ton amour ! Voici bien que pour ta servante il n’y a point de place dans l’hôtellerie ; et non seulement pas de place : pas de grotte même, car celle-ci est à d’autres. Pourtant à Sara, quand elle eut un fils, beaucoup de terre fut donnée : à moi, pas une tanière ; pour tout j’ai cet antre où tu as voulu habiter, enfant d’un jour, Dieu avant tous les siècles. »
Tandis qu’elle formule ces pensées dans son cœur et s’adresse suppliante à Celui qui connaît les mystères, elle apprend que les Mages sont là, cherchant le nouveau-né. Venant à eux : « Qui êtes-vous ? » dit la Vierge. Ceux-ci lui répondent : « Bien plutôt, quelle est ta naissance, ô toi qui as mis au monde un tel enfant ? De quel père, de quelle mère es-tu descendue, toi qui nourris un fils dont tu es la mère sans qu’il ait eu de père ? A la vue de son étoile, nous avons prononcé de concert qu’elle annonçait, enfant d’un jour, le Dieu d’avant tous les siècles.
« Balaam en effet nous avait avec soin préparés à comprendre les oracles dont il fut le prophète, lorsqu’il prédit le lever d’une étoile : étoile éteignant toutes divinations et présages ; étoile résolvant les paraboles des sages, leurs énigmes et sentences ; étoile dont la lumière l’emporte d’autant mieux sur le soleil qui nous éclaire, qu’elle-même a créé tous les astres ; par elle il était annonce que de Jacob sortirait comme la lumière, l’enfant d’un jour, le Dieu d’avant tous les siècles. »
Ayant entendu si merveilleux discours, Marie prosternée adora l’enfant né de ses entrailles, et dit en pleurs : « Grandes pour moi, ô mon fils, grandes sont toutes les choses que vous avez faites avec mon indigence. Car voici que dehors se tiennent les Mages, et ils vous cherchent ; les rois des nations de l’Orient désirent votre visage ; le contempler est la prière des riches de votre peuple. Ce peuple n’est-il pas vôtre, en effet, pour qui vous êtes né, enfant d’un jour, Dieu avant tous les siècles ?
« Puis donc qu’ils sont vôtres, ô mon fils, ordonnez qu’ils entrent sous votre toit, pour voir cette opulente pauvreté, cette noble indigence ; car je vous ai pour richesses et pour gloire, aussi n’ai-je point à rougir, en vous sont la grâce et la vérité ; et maintenant permettez qu’ils viennent en cet abri : comment m’inquiéterais-je de ma misère, vous possédant, vous le trésor que viennent contempler les princes, l’objet de l’étude des rois et des Mages cherchant où est né, enfant d’un jour, le Dieu d’avant tous les siècles ? »
Jésus le Christ et notre vrai Dieu se fit entendre intérieurement au cœur de sa mère, et lui dit : « Introduis ceux qu’amène ma parole ; car cette parole est la lumière de ceux qui me cherchent, étoile aux yeux, force pour l’âme intelligente. C’est elle qui, comme mon serviteur, a conduit les Mages, et maintenant elle s’est arrêtée pour remplir son office et désigner par ses rayons l’endroit où est né, enfant d’un jour, le Dieu d’avant tous les siècles.
« Maintenant donc reçois-les, ô toute belle, reçois ceux qui m’ont reçu ; car je suis en eux, comme je suis dans tes bras, et, en les accompagnant, je ne t’ai point quittée. » Elle donc ouvre la porte et reçoit l’assemblée des Mages ; elle ouvre, celle qui est la porte fermée à tous, que seul le Christ a traversée ; elle ouvre, celle qui fut toujours close, celle qui jamais rien ne perdit des trésors de la virginité ; elle ouvre, celle par qui fut donnée au monde, porte des cieux, l’enfant d’un jour, Dieu avant tous les siècles.
Les dernières paroles de notre Avent étaient celles de l’Épouse, dans la prophétie du Disciple bien-aimé : Venez, Seigneur Jésus ! venez ! Nous terminerons cette première partie du Temps de Noël par ces paroles d’Isaïe que la sainte Église a répétées avec triomphe : Un petit Enfant nous est né ! Les cieux ont envoyé leur rosée, le juste est descendu du ciel, la terre a enfanté son Sauveur, LE VERBE S’EST FAIT CHAIR, la Vierge a produit son doux fruit, Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous. Le Soleil de justice brille maintenant sur nous, les ténèbres sont passées ; au ciel, Gloire à Dieu ! sur la terre, Paix aux hommes ! Tous ces biens nous sont venus par l’humble et glorieuse Naissance de cet Enfant. Adorons-le dans son berceau, aimons-le pour tant d’amour ; et préparons les présents que nous irons demain lui offrir avec les Mages. L’allégresse de la sainte Église continue, la nature angélique est dans l’étonnement, toute la création tressaille de bonheur : Un petit Enfant nous est né !
Le caractère de fête qu’avait, à l’origine, toute la quinzaine de Noël, devait exclure cette vigile qui, quelque solennelle qu’elle soit, révèle pourtant un caractère pénitentiel. Quand fut introduite, vers le VIIIe siècle, la messe stationnale de l’après-midi, — à Milan également, au moyen âge, les grandes fêtes commençaient par la messe vespérale, — elle fut établie dans la basilique vaticane, là précisément où, en cet après-midi, avait coutume de se rendre le pape avec sa cour du Latran, pour la célébration des vêpres et de l’office nocturne. Ainsi s’explique que, dans le missel, la Statio soit marquée deux jours de suite dans le temple de Saint-Pierre.
La messe est celle du dimanche dans l’octave de Noël, parce que, la station n’étant pas primitive, les anciens avaient un si grand respect pour l’Antiphonaire et le Sacramentaire grégorien, qu’ils n’osaient pas l’altérer par de nouvelles additions. La péricope évangélique elle-même, avec le récit du retour de Jésus de l’Égypte, n’est pas primitive, car elle faisait autrefois partie de la lecture pour la messe des Innocents. Le caractère adventice de cette vigile se révèle aussi par le fait que la messe et l’office sont en relation avec la fête de l’Épiphanie. Au XIIe siècle, le chanoine Benoît prescrit, dans son Ordo, de réciter aujourd’hui à Rome l’office de la Nativité.
Dans l’Évangile de ce jour, il est parlé de Joseph (Matth., n, 19-23) qui, averti en songe par l’ange, retourne avec l’Enfant Jésus et sa très sainte Mère en Palestine, où, par crainte d’Archélaüs qui avait succédé à Hérode son père, il se retire à Nazareth en Galilée.
L’humilité est mère de l’ordre et de la justice et reflète toute la beauté de la perfection divine. Dans la sainte Famille de Nazareth, l’autorité et la dignité personnelle procèdent en ordre inverse. Jésus est le dernier de la maison, et il obéit à tous ; Marie commande bien à son divin Fils, mais elle obéit à Joseph ; celui-ci enfin, pour obéir au Père éternel qui le veut ainsi, sert Jésus et Marie en leur commandant, donnant ainsi l’exemple de ce que doivent faire dans l’Église les prélats et les supérieurs. La vertu de saint Joseph, quoique proportionnée à son très haut office de père putatif de Jésus et d’époux de la Vierge immaculée, est bien moindre que celle de ses sujets ; et pourtant, Dieu observe l’ordre hiérarchique et communique ses volontés non à Jésus ou à Marie, mais au chef de la famille, à Joseph.
Après la messe de l’après-midi, au moyen âge, le Pape commençait dans la basilique vaticane la véritable solennité de la vigile, selon le rite déjà décrit au troisième dimanche de l’Avent.
Prends l’Enfant et sa Mère et retire-toi dans la terre d’Israël ; ceux qui en voulaient à la vie de l’Enfant sont morts » (Comm.).
« L’Enfant Jésus croissait en âge et en sagesse devant Dieu et devant les hommes » (Ant. Magn. 1 Vêp.).
La journée d’aujourd’hui a une double importance. D’un côté elle est la préparation de la seconde grande fête du cycle festival et de l’autre elle représente l’Office du dimanche après l’Octave de Noël. Par suite de cette union, la vigile perd son caractère de pénitence (ornements blancs, pas de jeûne). Le jour a même une certaine solennité (Credo).
1. La messe (Dum medium). — Nous connaissons déjà cette messe depuis le dimanche dans l’Octave de Noël. Cependant elle est ici à sa place primitive (ce qui ressort de l’accord de l’Évangile et de la Communion). On continue par delà la fête des Saints Innocents l’histoire de l’Enfance de Notre Seigneur : c’est le retour de l’exil d’Égypte.
Quand nous méditons cette belle messe nous en arrivons à la réflexion suivante. Les deux parties du monde chrétien ont travaillé à la construction de notre liturgie, cela apparaît clairement dans le cycle de Noël.
L’Orient nous a donné la fête de l’Épiphanie qui est au-dessus des temps, l’Occident nous a donné la fête historique de Noël. La messe d’aujourd’hui précisément porte toutes les marques distinctives de l’esprit occidental et spécialement de l’esprit romain.
a) L’Occident célèbre les fêtes historiquement : la messe d’aujourd’hui est la conclusion de l’histoire de la petite Enfance : Naissance de Notre Seigneur, le 25 décembre ; Circoncision, le 1er janvier ; fuite en Égypte, le 28 décembre ; retour à Nazareth, le 5 janvier (l’Occident a même donné à la fête de l’Épiphanie un caractère qui rappelle l’histoire de l’Enfance, au moyen de l’adoration des Mages.)
b) Les messes de Noël se distinguent par l’antithèse si caractéristique de l’Occident : Homme (Enfant) — Dieu (Roi). Nous trouvons ces antithèses dans la messe d’aujourd’hui (Intr. Grad. Ép.) avec une beauté particulière dans le Graduel : « Tu es le plus beau des enfants des hommes — le Seigneur est Roi. »
c) L’Occident se distingue par la profondeur des sentiments, l’enseignement pratique et la concision des formules. C’est ce que nous trouvons aussi dans notre messe. Quel beau lyrisme dans l’Introït ! Nous ne saurions trop redire cet Introït. Notre âme y trouve tout l’enchantement de la poésie de Noël. Mais nous voulons aussi tirer une leçon pratique pour notre vie chrétienne de la fête de Noël. Voici cette leçon : nous devons être de vrais enfants de Dieu. Nous avons déjà, la semaine dernière, entendu dans mainte lecture ces paroles : Dieu est devenu Enfant des hommes pour que nous devenions enfants de Dieu ; pendant toute l’Octave de Noël, nous avons, à la Postcommunion, fait cette prière d’un sens profond : que le Sauveur du monde qui vient de naître nous accorde la qualité d’enfants de Dieu et l’immortalité. Cette pensée, dans la messe d’aujourd’hui, est formulée d’une manière encore plus pratique et plus brève. L’Épître nous dit, en paroles significatives, que nous sommes les enfants adoptifs de Dieu et que nous avons tous les privilèges de la filiation divine : « Parce que vous êtes des enfants, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père. Ainsi il n’est plus esclave mais fils, s’il est fils il est aussi héritier par Dieu. » Ces paroles expriment les fruits du mystère de Noël. Par le Dieu fait Homme, nous sommes devenus enfants de Dieu, avec tous les droits et les biens que ce titre comporte.
2. La prière des Heures. Les leçons du deuxième Nocturne contiennent un sermon de Noël avec des antithèses bien augustiniennes. « Notre Seigneur Jésus, Créateur éternel de toutes choses, est aujourd’hui né de sa Mère et est devenu notre Rédempteur. Il est né aujourd’hui pour nous dans le temps, de sa propre volonté, afin de nous conduire à l’éternité de son Père. Dieu est devenu homme afin que l’homme devienne Dieu ; afin que l’homme mange le pain des anges, le Seigneur des anges est devenu Homme aujourd’hui. Aujourd’hui s’est réalisée la prophétie : « Cieux, répandez votre rosée, nuées laissez pleuvoir le Juste, que la terre s’ouvre et fasse germer le Sauveur. » Le Créateur des hommes est devenu Homme, pour chercher celui qui était perdu... L’homme a péché et est devenu redevable, l’Homme-Dieu s’est fait Homme pour délivrer ceux qui étaient redevables. L’homme est tombé, Dieu est descendu. L’homme tomba d’une manière pitoyable, Dieu est descendu avec pitié. L’homme tomba par orgueil, Dieu est descendu par sa grâce » — Comme en ce jour on récite tout l’Office de la Circoncision, on peut dire que nous entendons aujourd’hui les derniers accents de Noël.
3. Lecture d’Écriture (Rom. VIII, 1-39). — Ce que ne pouvait la loi, Dieu l’a accompli par son Fils, Il a pris notre chair pécheresse et, dans cette chair, il a souffert la mort sur la Croix. La justice, d’après laquelle la chair pécheresse méritait la mort, est satisfaite. C’est pourquoi Dieu a donné au chrétien le Saint-Esprit. C’est le nouveau principe de vie divine qui est infusé aux chrétiens par le Baptême. Ce même Esprit, à la résurrection, éveillera le corps à la vie éternelle (1-1 1). La possession du Saint-Esprit ne nous oblige pas seulement à mener une vie divine, elle nous en rend capables. Elle est le gage de la gloire future (12-30). Maintenant, le chrétien peut être sûr de son salut. Dieu est son Père, le Christ son Rédempteur, et, dans son âme, il porte un amour pour son Seigneur qui est plus fort que toutes les puissances de l’au-delà et de la terre. Le chapitre VIII est le point culminant de toute l’Épître : « Tous ceux qui sont poussés par l’Esprit de : Dieu sont les enfants de Dieu. Vous avez reçu l’Esprit d’adoption dans lequel nous crions Abba, Père. L’Esprit lui-même témoigne à notre esprit que nous sommes des enfants de Dieu. Mais si nous sommes des enfants, nous sommes aussi des héritiers, les héritiers de Dieu, les cohéritiers du Christ, si nous souffrons avec lui pour être glorifiés avec lui. Car c’est ma conviction que les souffrances du présent n’ont aucune importance en comparaison de la gloire future qui nous sera manifestée. » « Si Dieu est pour nous qui sera contre nous ? Est-ce que Celui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous, ne nous donnera pas tout le reste avec lui ? Qui pourrait être accusateur contre les élus de Dieu ? C’est Dieu qui les justifie. Qui est-ce qui les condamnera ? Le Christ Jésus qui est mort, bien plus, qui est ressuscité, qui est à la droite de Dieu et qui de plus intercède pour nous. Qui pourrait nous séparer de l’amour du Christ ? La tribulation, l’angoisse, la persécution, la faim, la nudité, le danger ou le glaive ?... Je suis persuadé que ni la mort ni la vie, ni les anges, ni les puissances, ni le présent, ni l’avenir, ni les violences, ni les hauteurs, ni les profondeurs, ni aucune créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu dans le Christ Jésus Notre Seigneur. »
4. Entrée dans les sentiments de la fête. — Le sens d’une vigile est la préparation de notre esprit et de notre âme à prendre les sentiments de la fête. Ce sera le rôle des considérations suivantes.
Épiphanie, Manifestation du Seigneur. Le nom lui-même est déjà étranger pour nos esprits d’Occidentaux, nous avons de la peine à nous y adapter. Notre fête à nous c’est Noël. Le monde incroyant lui-même ne peut pas se soustraire au charme de Noël. Cette fête est devenue la chair de notre chair. Mais l’Épiphanie ? Pour le peuple, c’est la fête des trois Rois mages, la fête des Rois. Mais la notion et le contenu de l’Épiphanie sont restés, pour lui, choses étrangères. Quelle différence y a-t-il donc entre Noël et l’Épiphanie ?
Le pape saint Léon nous le dit aux Matines d’aujourd’hui avec une concision toute classique : « Celui qui, à Noël, est né de la Vierge, le monde l’a reconnu aujourd’hui. » A Noël nous fêtions un événement historique, la naissance du Christ. Sans doute, derrière ce fait, il y avait une idée, la Rédemption ; mais cette idée n’apparaissait qu’à ceux qui méditaient profondément le mystère. Le peuple se réjouissait à la pensée que le Christ est né et entourait avec bonheur la Crèche. Aujourd’hui nous ne célébrons directement aucun événement, mais une idée qui n’a pris une forme concrète que dans les actions du Christ, nous célébrons cette pensée : le monde a reconnu Jésus-Christ comme Dieu. Nous pouvons donc résumer les deux fêtes dans cette brève formule : A Noël Dieu est apparu comme Homme, à l’Épiphanie cet Homme est apparu au monde comme Dieu. Noël est la fête de l’Incarnation, de la manifestation humaine du Christ, l’Épiphanie est la fête de sa manifestation divine. Que le Christ soit Homme, il n’est pas besoin de le prouver, il suffit qu’il naisse et qu’il vive comme Homme parmi nous. C’est pourquoi à Noël nous ne fêtons que le fait historique de sa naissance. Mais que cet Homme, ce faible Enfant, soit Dieu, il est nécessaire de le prouver. Et sa naissance nous servirait de rien si nous n’étions persuadés que cet Homme est Dieu. Ainsi à la fête de la manifestation humaine devait s’ajouter la fête de la manifestation divine.
L’Épiphanie nous donne donc la preuve que Jésus, Fils de Marie, est le Fils de Dieu. Nous nous demandons : comment le Sauveur pouvait-il prouver sa divinité ? Il ne le pouvait que par des signes et des miracles. A proprement parler, tous les miracles du Christ avaient pour but, en dernière analyse, de prouver aux hommes qu’il était le Fils de Dieu. Mais il y a des miracles particuliers qu’il a faits expressément pour donner cette preuve (par exemple : au moment de la guérison du paralytique : « afin que vous reconnaissiez que le Fils de l’Homme a, sur la terre, le pouvoir de remettre les péchés... ») Ainsi toute la vie de Notre Seigneur est une Épiphanie, une manifestation de sa divinité. Et nous pourrions, à notre gré, rappeler demain plusieurs miracles, comme preuves de sa divinité. Mais l’Église a choisi trois de ces actes merveilleux dont elle se sert pour montrer que Dieu est apparu parmi les hommes. Dans une belle formule concise, la liturgie explique ainsi la fête :
« Aujourd’hui, l’étoile conduisit les Mages à la Crèche ;
Aujourd’hui, l’eau fut changée en vin, aux noces ;
Aujourd’hui, le Christ voulut être baptisé par Jean dans le Jourdain afin de nous racheter, Alleluia » (II Ant. Magn.).
Assurément ces preuves ne forcent pas l’adhésion de l’homme, il faut que s’y ajoutent la grâce du côté de Dieu et la foi du côté de l’homme. L’étoile se leva pour les Mages, mais la grâce agit dans leur cœur et les conduisit à la foi et à la reconnaissance de la divinité. L’Épiphanie est donc tout ensemble une fête de la foi et une fête de la grâce.
Nous comprenons maintenant pourquoi le mystère des Mages a été choisi de préférence par l’Occident. Les Mages sont les premiers païens qui aient été appelés à la foi au Fils de Dieu. Ils nous représentent, nous qui sommes venus du paganisme. L’Épiphanie est la fête de la foi du monde païen. Nous célébrons notre vocation à la foi.
Encore une considération pratique pour nous. Depuis la mort du Christ, la preuve de sa manifestation divine nous est apportée par l’Église. Mais cependant moins par des miracles que par la parole de Dieu dans la Sainte Écriture et la prédication. Cette preuve non plus ne force pas notre adhésion, il faut que s’y ajoutent la grâce de Dieu et la foi. Cependant, au milieu d’un monde incroyant, l’Église présente à ceux qui ont B la grâce et la foi ces deux faits : Dieu s’est fait Homme (Noël) et il s’est manifesté comme Dieu aux hommes (Épiphanie).
5. Ières Vêpres de la fête. — Aux heures du soir, nous célébrons déjà les premières Vêpres de la fête de demain, nous en entendons les premiers accents. Les antiennes, comme autant de motifs musicaux, nous indiquent les pensées principales de la fête. « Celui qui était engendré avant l’étoile du matin et avant tous les siècles, le Seigneur notre Sauveur, s’est aujourd’hui manifesté au monde. » (C’est, dans une formule concise, tout le sens de la fête). Puis la liturgie se tourne vers Jérusalem : « Jérusalem, ta lumière est venue et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi et les peuples marcheront dans ta lumière, Alléluia. » De cette image qui domine les temps nous passons à une image historique : « Les Mages ouvrirent leurs trésors et offrirent au Seigneur de l’or, de l’encens et de la myrrhe, Alléluia. » Puis, d’un bond, nous passons à la seconde image de la fête, le baptême de Jésus dans le Jourdain et nous lançons un appel à toutes les eaux : « Mers et fleuves, glorifiez le Seigneur, sources, chantez un chant de louanges au Seigneur, Alléluia »... Telle est la manière de la liturgie, les images se fondent les unes dans les autres. Dans l’hymne, les trois images se suivent en ordre. Nous voyons les Mages se mettre en route pour se rendre auprès de l’Enfant divin, pendant qu’Hérode tremble pour son trône. « Celui qui donne des royaumes au ciel ne vole pas les trônes terrestres. » Nous voyons l’Agneau divin descendre dans les eaux du Jourdain pour laver nos péchés. Nous voyons, à Cana, l’eau rougir et devenir du vin. A Magnificat, nous disons avec les Mages : « Voici le signe du grand Roi. Mettons-nous en route pour aller le trouver et offrons-lui des présents, de l’or, de l’encens et de la myrrhe, Alléluia. » Cette antienne est choisie avec une opportunité remarquable. C’est la dernière préparation à la grande fête. Levons-nous, nous aussi. Avec les Mages, allons vers le Christ.
[1] Analecta sacra spicilegio solesmensi parata, I.