Le Décret de simplification des rubriques (1955) repris par les Variationes : Changement dans le Bréviaire et le Missel Romain (1960) ont modifié l’intitulé de la célébration du 13 janvier : l’octave de l’Épiphanie ayant été supprimé, le jour octave prend l’appellation de Commémoraison du Baptême de N.S. Jésus-Christ.
Décret (1955) :
Variationes (1960) :
IN COMMEMORATIONE BAPTISMATIS D. N. I. C. |
BAPTÊME DE N.S. JÉSUS-CHRIST |
Si Commemoratio Baptismatis Domini in dominica occurrit, fit de festo S. Familiæ sine ulla commemoratione. | Si cette fête tombe le dimanche, on célèbre la fête de la Sainte Famille sans aucune commémoraison |
Ant. ad Introitum. Malach. 3, 1 ; 1 Par. 29, 12. | Introït |
Ecce, advénit dominátor Dóminus : et regnum in manu eius et potéstas et impérium. | Voilà que vient le Seigneur Maître ; le pouvoir est dans sa main, la puissance et l’empire. |
Ps. 71, 1. | |
Deus, iudícium tuum Regi da : et iustítiam tuam Fílio Regis. | O Dieu, donnez au roi votre jugement et au fils du roi votre justice. |
V/.Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Deus, cuius Unigénitus in substántia nostræ carnis appáruit : præsta, quǽsumus ; ut per eum, quem símilem nobis foris agnóvimus, intus reformári mereámur : Qui tecum. | O Dieu, dont le Fils Unique a paru dans la substance de notre chair ; faites qs’il vous plaît, que nous méritions d’être réformés intérieurement par celui que nous avons reconnu semblable à nous extérieurement. |
Léctio Isaíæ Prophétæ. | Lecture du Prophète Isaïe. |
Is. 60, 1-6. | |
Surge, illumináre, Ierúsalem : quia venit lumen tuum, et glória Dómini super te orta est. Quia ecce, ténebræ opérient terram et caligo pópulos : super te autem oriétur Dóminus, et glória eius in te vidébitur. Et ambulábunt gentes in lúmine tuo, et reges in splendóre ortus tui. Leva in circúitu óculos tuos, et vide : omnes isti congregáti sunt, venérunt tibi : fílii tui de longe vénient, et fíliæ tuæ de látere surgent. Tunc vidébis et áfflues, mirábitur et dilatábitur cor tuum, quando convérsa fúerit ad te multitúdo maris, fortitúdo géntium vénerit tibi. Inundátio camelórum opériet te, dromedárii Mádian et Epha : omnes de Saba vénient, aurum et thus deferéntes, et laudem Dómino annuntiántes. | Lève-toi, et resplendis, Jérusalem ! Car ta lumière paraît, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Voici que les ténèbres couvrent la terre, et une sombre obscurité les peuples ; mais sur toi le Seigneur se lève, et sa gloire se manifeste sur toi. Les nations marchent vers ta lumière, et les rois vers la clarté de ton lever. Lève tes regards autour de toi, et vois : Tous se rassemblent, ils viennent à toi ; tes fils viennent de loin, et tes filles sont portées sur les bras. Tu le verras alors, et tu seras radieuse ; ton coeur tressaillira et se dilatera ; car les richesses de la mer se dirigeront vers toi, les trésors des nations viendront à toi. Des multitudes de chameaux te couvriront, les dromadaires de Madian et d’Epha ; tous ceux de Saba viendront, ils apporteront de l’or et de l’encens, et publieront les louanges du Seigneur. |
Graduale. Ibid., 6 et 1. | Graduel |
Omnes de Saba vénient, aurum et thus deferéntes, et laudem Dómino annuntiántes. | Tous ceux de Saba viendront, ils apporteront de l’or et de l’encens, et publieront les louanges du Seigneur. |
V/. Surge et illumináre, Ierúsalem : quia glória Dómini super te orta est. | V/. Lève-toi, et resplendis, Jérusalem ! Car la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. |
Allelúia, allelúia. V/.Matth. 2, 2. Vídimus stellam eius in Oriénte, et vénimus cum munéribus adoráre Dóminum. Allelúia. | Allelúia, allelúia. V/. Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus avec des présents adorer le Seigneur. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Joánnem . | Lecture du Saint Evangile selon saint Jean. |
Ioann. 1, 29-34. | |
In illo témpore : Vidit Ioánnes Iesum veniéntem ad se, et ait : Ecce Agnus Dei, ecce, qui tollit peccátum mundi. Hic est, de quo dixi : Post me venit vir, qui ante me factus est : quia prior me erat. Et ego nesciébam eum, sed ut manifestétur in Israël, proptérea veni ego in aqua baptízans. Et testimónium perhíbuit Ioánnes, dicens : Quia vidi Spíritum descendéntem quasi colúmbam de cælo, et mansit super eum. Et ego nesciébam eum : sed qui misit me baptizáre in aqua, ille mihi dixit : Super quem víderis Spíritum descendéntem, et manéntem super eum, hic est, qui baptízat in Spíritu Sancto. Et ego vidi : et testimónium perhíbui, quia hic est Fílius Dei. | En ce temps là : Jean vit Jésus qui venait à lui, et il dit : voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève le péché du monde. C’est celui dont j’ai dit : Après moi vient un homme qui a été placé au dessus de moi, parce qu’il était avant moi. Et moi, je ne le connaissais pas ; mais c’est pour qu’il soit manifesté en Israël que je suis venu baptiser dans l’eau. Et Jean rendit témoignage en disant : J’ai vu l’esprit descendre du ciel comme une colombe, et se reposer sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas ; mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui tu verras l’esprit descendre et se reposer, c’est celui qui baptise dans l’Esprit-Saint. Et j’ai vu, et j’ai rendu témoignage qu’il est le fils de Dieu. |
Credo | |
Ant. ad Offertorium. Ps. 71, 10-11. | Offertoire |
Reges Tharsis, et ínsulæ múnera ófferent : reges Arabum et Saba dona addúcent : et adorábunt eum omnes reges terræ, omnes gentes sérvient ei. | Les rois de Tharsis et les îles lui offriront des présents, les rois d’Arabie et de Saba apporteront des dons et tous les rois de la terre l’adoreront, toutes les nations le serviront. |
Secreta. | Secrète |
Hóstias tibi, Dómine, pro nati Fílii tui apparitióne deférimus, supplíciter exorántes : ut, sicut ipse nostrórum auctor est múnerum, ita sit ipse miséricors et suscéptor, Iesus Christus, Dóminus noster : Qui tecum. | Nous vous offrons, Seigneur, des hosties en mémoire de la manifestation de votre fils qui est né sur la terre et nous vous adressons d’ardentes supplications, afin que comme Jésus-Christ, Notre-Seigneur, est lui même l’auteur de nos dons, ainsi encore il les reçoivent miséricordieusement. |
Præfatio de Epiphania Domini. | Préface de l’Épiphanie . |
¶ Ante 1955 : Dicitur Communicántes de eadem Epiphania. | ¶ Avant 1955 : On dit le Communicántes de l’Épiphanie [*]. |
Ant. ad Communionem. Matth. 2, 2. | Communion |
Vídimus stellam eius in Oriénte, et vénimus cum munéribus adoráre Dóminum. | Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus avec des présents adorer le Seigneur. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Cælésti lúmine, quǽsumus, Dómine, semper et ubíque nos prǽveni : ut mystérium, cuius nos partícipes esse voluísti, et puro cernámus intúitu, et digno percipiámus affectu. Per Dóminum nostrum. | Nous vous en supplions, Seigneur, prévenez-nous toujours et partout de votre céleste lumière ; afin que nous considérions avec une pure intention ce mystère dont vous avez voulu nous rendre participants et que nous le recevions avec une digne affection. |
A MATINES.
Invitatoire. Le Christ nous est apparu, * Venez, adorons-le.
Au premier nocturne.
On lit les leçons de la première Épître aux Corinthiens occurentes.
1er répons comme au 7 janvier, les autres répons comme à la fête de l’Epiphanie
Au deuxième nocturne.
Sermon de saint Grégoire de Nazianze..
Quatrième leçon. Je ne puis contenir les élans de ma joie, mais j’ai le cœur ému et transporté : oublieux de ma propre faiblesse, je brûle d’envie de m’acquitter de la charge du grand Jean-Baptiste ; et quoique je ne sois pas le précurseur, je viens cependant du désert. Le Christ reçoit donc le sacrement de l’illumination ; ou plutôt c’est lui qui nous illumine de son éclat. Le Christ est baptisé ; descendons, nous aussi, avec lui, pour monter également avec lui.
Cinquième leçon. Jean baptise, et Jésus vient à lui. Le Christ sanctifie assurément celui qui le baptise ; mais son but est plutôt d’ensevelir le vieil Adam dans les eaux, et, avant tout, de sanctifier par son baptême les eaux du Jourdain, afin que, comme il était esprit et chair, de même ceux qui seraient baptisés dans la suite, fussent sanctifiés par la vertu de l’Esprit et par l’élément de l’eau. Jean refuse, Jésus insiste. « C’est moi qui dois être baptisé par vous, dit Jean ». Le flambeau parle au Soleil, la voix au Verbe.
Sixième leçon. Jésus sort de l’eau, tirant en quelque sorte à sa suite et élevant avec lui le monde, (jusqu’alors) plongé dans l’abîme. Il voit le ciel, non se déchirer, mais s’ouvrir. Le premier Adam l’avait autrefois fermé pour lui-même et pour nous, comme il s’était vu fermer aussi le Paradis terrestre, dont un glaive de feu défendit l’entrée. L’Esprit-Saint rend témoignage : les similitudes et les rapprochements se trouvent en parfaite harmonie : le témoignage vient du Ciel, car il est descendu du Ciel, celui auquel l’Esprit rend témoignage.
Au troisième nocturne.
Lecture du saint Évangile selon saint Jean. Cap. 1, 29-34.
En ce temps-là : Jean vit Jésus qui venait à lui, et il dit : voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève le péché du monde. Et le reste.
Homélie de saint Augustin, Évêque.
Septième leçon. Avant que le Sauveur vînt pour recevoir le baptême de Jean dans te Jourdain, le Précurseur le connaissait, comme il le marque par ces paroles : « Vous venez à moi pour être baptisé ; c’est moi qui dois être baptisé par vous. » Vous voyez qu’il connaissait le Seigneur, qu’il connaissait le Fils de Dieu. Comment prouvons-nous qu’il savait déjà que Jésus baptiserait dans le Saint-Esprit ? Avant que le Christ vînt au fleuve, plusieurs accouraient auprès de Jean pour être baptisés, et il leur dit : « Pour moi, je vous baptise dans l’eau ; mais celui qui vient après moi est plus grand que moi, je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure ; c’est lui qui vous baptisera dans le Saint-Esprit et le feu. » Il savait déjà cela aussi.
Huitième leçon. Qu’est-ce que le précurseur a appris au moyen de la colombe ? Examinons-le, afin que, plus tard, il ne nous semble pas avoir été menteur [1], (ce que Dieu nous garde de penser). N’est-ce pas une certaine propriété devant exister dans le Christ, propriété en vertu de laquelle la sainteté du baptême, quoique beaucoup de ministres justes ou injustes dussent le conférer, serait attribuée à Jésus-Christ seul, sur qui est descendue la colombe et dont il a été dit à Jean : « C’est celui-là qui baptise dans l’Esprit-Saint » ? Que Pierre baptise, « c’est celui-là » qui baptise ; que Paul baptise, « c’est celui-là » qui baptise ; que Paul baptise, « c’est celui-là » qui baptise. Car si la sainteté du baptême est en proportion des mérites de ceux qui le confèrent, il y aura diversité de baptêmes comme il y a diversité de mérites, et chacun croira avoir reçu un sacrement d’autant meilleur, que le ministre en semblera plus méritant.
Neuvième leçon. Les saints eux-mêmes, (comprenez bien ceci, mes frères,) les bons appartenant à la colombe, à cette cité qui est la vraie Jérusalem, ces bons qui font partie de l’Église, et dont l’Apôtre a dit : « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui », ont reçu des grâces différentes : tous n’ont pas les même mérites. Les uns sont plus saints que les autres, les uns meilleurs que les autres. Comment donc, par exemple, si l’un est baptisé par un ministre juste et saint, l’autre par un ministre inférieur en mérite devant Dieu, inférieur en élévation, en sainteté de vie, comment tous deux cependant reçoivent-ils une même et pareille grâce, une grâce égale, sinon parce que c’est « Celui-là qui baptise » ?
Le second Mystère de l’Épiphanie, le Mystère du Baptême du Christ dans le Jourdain, occupe aujourd’hui tout spécialement l’attention de l’Église. L’Emmanuel s’est manifesté aux Mages après s’être montré aux bergers ; mais cette manifestation s’est passée dans l’enceinte étroite d’une étable à Bethléhem, et les hommes de ce monde ne l’ont point connue. Dans le mystère du Jourdain, le Christ se manifeste avec plus d’éclat. Sa venue est annoncée par le Précurseur ; la foule qui s’empresse vers le Baptême du fleuve en est témoin ; Jésus prélude à sa vie publique. Mais qui pourrait raconter la grandeur des traits qui accompagnent cette seconde Épiphanie ?
Elle a pour objet, comme la première, l’avantage et le salut du genre humain ; mais suivons la marche des Mystères. L’étoile a conduit les Mages vers le Christ ; ils attendaient, ils espéraient ; maintenant, ils croient. La foi dans le Messie venu commence au sein de la Gentilité. Mais il ne suffit pas de croire pour être sauvé ; il faut que la tache du péché soit lavée dans l’eau. « Celui qui a croira et qui sera baptisé sera sauvé [2] » : il est donc temps qu’une nouvelle manifestation du Fils de Dieu se fasse, pour inaugurer le grand remède qui doit donner à la Foi la vertu de produire la vie éternelle.
Or, les décrets de la divine Sagesse avaient choisi l’eau pour l’instrument de cette sublime régénération de la race humaine. C’est pourquoi, à l’origine des choses, l’Esprit de Dieu nous est montré planant sur les eaux, afin que, comme le chante l’Église au Samedi saint, leur nature conçût déjà un principe de sanctification. Mais les eaux devaient servir à la justice envers le monde coupable, avant d’être appelées à remplir les desseins de la miséricorde. A l’exception d’une famille, le genre humain, par un décret terrible, disparut sous les flots du déluge.
Toutefois, un nouvel indice de la fécondité future de cet élément prédestiné apparut à la fin de cette terrible scène. La colombe, sortie un moment de l’arche du salut, y rentra, ponant un rameau d’olivier, symbole de la paix rendue à la terre après l’effusion de l’eau. Mais l’accomplissement du mystère annoncé était loin encore.
En attendant le jour où ce mystère serait manifesté, Dieu multiplia les figures destinées à soutenir l’attente de son peuple. Ainsi, ce fut en traversant les flots de la Mer Rouge, que ce peuple arriva à la Terre promise ; et durant ce trajet mystérieux, une colonne de nuée couvrait à la fois la marche d’Israël, et ces flots bénis auxquels il devait son salut.
Mais le contact des membres humains d’un Dieu incarné pouvait seul donner aux eaux cette vertu purifiante après laquelle soupirait l’homme coupable. Dieu avait donné son Fils au monde, non seulement comme le Législateur, le Rédempteur, la Victime de salut, mais pour être aussi le Sanctificateur des eaux ; et c’était au sein de cet élément sacré qu’il devait lui rendre un témoignage divin, et le manifester une seconde fois.
Jésus donc, âgé de trente ans, s’avance vers le Jourdain, fleuve déjà fameux par les merveilles prophétiques opérées dans ses eaux. Le peuple juif, réveillé par la prédication de Jean-Baptiste, accourait en foule pour recevoir un Baptême, qui pouvait exciter le regret du péché, mais qui ne l’enlevait pas. Notre divin Roi s’avance aussi vers le fleuve, non pour y chercher la sanctification, car il est le principe de toute justice, mais pour donner enfin aux eaux la vertu d’enfanter, comme chante l’Église, une race nouvelle et sainte. Il descend dans le lit du Jourdain, non plus comme Josué pour le traverser à pied sec, mais afin que le Jourdain l’environne de ses flots, et reçoive de lui, pour la communiquera l’élément tout entier, cette vertu sanctifiante que celui-ci ne perdra jamais. Échauffées par les divines ardeurs du Soleil de justice, les eaux deviennent fécondes, au moment où la tête sacrée du Rédempteur est plongée dans leur sein parla main tremblante du Précurseur.
Mais, dans ce prélude d’une création nouvelle, il est nécessaire que la Trinité tout entière intervienne. Les cieux s’ouvrent ; la Colombe en descend, non plus symbolique et figurative, mais annonçant la présence de l’Esprit d’amour qui donne la paix et transforme les cœurs. Elle s’arrête et se repose sur la tête de l’Emmanuel, planant à la fois sur l’humanité du Verbe et sur les eaux qui baignent ses membres augustes.
Cependant le Dieu-Homme n’était pas manifesté encore avec assez d’éclat ; il fallait que la parole du Père tonnât sur les eaux, et les remuât jusque dans la profondeur de leurs abîmes. Alors se fit entendre cette Voix qu’avait chantée David : Voix du Seigneur qui retentit sur les eaux, tonnerre du Dieu de majesté qui brise les cèdres du Liban, l’orgueil des démons, qui éteint le feu de la colère céleste, qui ébranle le désert, qui annonce un nouveau déluge [3], un déluge de miséricorde ; et cette voix disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui f ai mis toutes mes complaisances.
Ainsi fut manifestée la Sainteté de l’Emmanuel par la présence de la divine Colombe et par la voix du Père, comme sa Royauté avait été manifestée par le muet témoignage de l’Etoile. Le mystère accompli, l’élément des eaux investi de la vertu qui purifie, Jésus sort du Jourdain et remonte sur la rive, enlevant avec lui, selon la pensée des Pères, régénéré et sanctifié, le monde dont il laissait sous les flots les crimes et les souillures.
Elle est grande, cette fête de l’Épiphanie, dont l’objet est d’honorer de si hauts mystères ; et nous n’avons pas lieu de nous étonner que l’Église orientale ait fait de ce jour une des époques de l’administration solennelle du Baptême. Les anciens monuments de l’Église des Gaules nous apprennent que cet usage s’observa aussi chez nos aïeux ; et plus d’une fois dans l’Orient, au rapport de Jean Mosch, on vit le sacré baptistère se remplir d’une eau miraculeuse au jour de cette grande fête, et se tarir de lui-même après l’administration du Baptême. L’Église Romaine, dès le temps de saint Léon, insista pour faire réserver aux fêtes de Pâques et de Pentecôte l’honneur d’être les seuls jours consacrés à la célébration solennelle du premier des Sacrements ; mais l’usage se conserva et dure encore, en plusieurs lieux de l’Occident, de bénir l’eau avec une solennité toute particulière, au jour de l’Épiphanie.
L’Église d’Orient a gardé inviolablement cette coutume. La fonction a lieu, pour l’ordinaire, dans l’Église ; mais quelquefois, au milieu de la pompe la plus imposante, le Pontife se rend sur les bords d’un fleuve, accompagné des prêtres et des ministres revêtus des plus riches ornements, et suivi du peuple tout entier. Après des prières d’une grande magnificence, que nous regrettons de ne pouvoir insérer ici, le Pontife plonge dans les eaux une croix enrichie de pierreries qui signifie le Christ, imitant ainsi l’action du Précurseur. A Saint-Pétersbourg, la cérémonie a lieu sur la Neva ; et c’est à travers une ouverture pratiquée dans la glace que le Métropolite fait descendre la croix dans les eaux. Ce rite s’observe pareillement dans les Églises de l’Occident qui ont retenu l’usage de bénir l’eau à la Fête de l’Épiphanie.
Les fidèles se hâtent de puiser, dans le courant du fleuve, cette eau sanctifiée ; et saint Jean Chrysostome, dans son Homélie vingt-quatrième, sur le Baptême du Christ, atteste, en prenant à témoin son auditoire, que cette eau ne se corrompait pas. Le même prodige a été reconnu plusieurs fois en Occident.
Glorifions donc le Christ, pour cette seconde manifestation de son divin caractère, et rendons-lui grâces, avec la sainte Église, de nous avoir donné, après l’Etoile de la foi qui nous illumine, l’Eau puissante qui emporte nos souillures. Dans notre reconnaissance, admirons l’humilité du Sauveur qui se courbe sous la main d’un homme mortel, afin d’accomplir toute justice, comme il le dit lui-même ; car, ayant pris la forme du péché, il était nécessaire qu’il en portât l’humiliation pour nous relever de notre abaissement. Remercions-le pour cette grâce du Baptême qui nous a ouvert les portes de l’Église de la terre et de l’Église du ciel. Enfin, renouvelons les engagements que nous avons contractés sur la fontaine sacrée, et qui ont été la condition de cette nouvelle naissance.
LA MESSE DE L’OCTAVE.
L’Introït, l’Épître, le Graduel, le Verset alléluiatique, l’Offertoire, la Communion, sont les mêmes qu’au jour de la Fête de l’Épiphanie.
Dans la Collecte, l’Église demande pour ses enfants la grâce d’être rendus semblables à Jésus-Christ qui a apparu dans le Jourdain, rempli de l’Esprit-Saint, l’objet des complaisances du Père céleste, mais revêtu de notre nature, et fidèle dans l’accomplissement de toute justice.
ÉVANGILE.
Céleste Agneau ! Vous êtes descendu dans le fleuve pour le purifier ; la divine Colombe est venue des hauteurs du ciel unir sa douceur à la vôtre, et vous êtes remonté sur la rive. Mais, ô prodige de votre miséricorde ! Les loups sont descendus après vous dans les eaux sanctifiées ; et voilà qu’ils reviennent vers vous transformés en agneaux. Nous tous, immondes par le péché, nous devenons, au sortir de la fontaine sacrée, ces blanches brebis de votre divin Cantique, qui remontent du lavoir, toutes fécondes, pas une stérile ; ces pures colombes qui semblent s’être baignées dans le lait, et qui ont fixé leurs demeures auprès des claires fontaines : tant est puissante la vertu de purification que votre divin contact a donnée à ces eaux ! Conservez en nous cette blancheur qui vient de vous, ô Jésus ! et si nous l’avons perdue, rendez-nous-la par le baptême de la Pénitence, qui seul peut nous restituer la candeur de notre premier vêtement. Épanchez plus encore ce fleuve d’amour, ô Emmanuel ! Que ses flots aillent chercher jusqu’au fond de leurs déserts sauvages ceux qu’ils n’ont pas touchés jusqu’ici ; inondez la terre, ainsi que vous l’avez promis. Souvenez-vous de la gloire dans laquelle vous fûtes manifesté au milieu du Jourdain ; oubliez les crimes qui depuis trop longtemps retardent la prédication de votre Évangile sur ces plages désolées ; le Père céleste ordonne à toute créature de vous écouter : parlez à toute créature, ô Emmanuel !
Dans la Secrète, l’Église proclame encore la divine Apparition, et supplie l’Agneau qui, par son Sacrifice, nous a procuré de pouvoir offrir à Dieu une hostie pure, de vouloir bien agréer cette hostie dans sa miséricordieuse clémence.
En rendant grâces pour la nourriture céleste qu’elle vient de recevoir, la sainte Église implore le secours continuel de cette Lumière divine qui a apparu sur elle, et qui la rendra capable de contempler la pureté de l’Agneau, et de l’aimer comme sa tendresse le mérite.
Chantons encore la divine Théophanie, en réunissant dans un seul concert la voix de toutes les Églises. Saint Hilaire de Poitiers ouvrira nos cantiques par l’Hymne où il célèbre à la fois les trois Mystères de cette grande Octave.
L’Église Ambrosienne nous prête ses mélodieux accents pour honorer le Baptême du Christ, dans cette belle Préface de son Missel.
PRÉFACE.
Il est véritablement digne, juste, équitable et salutaire, que nous vous rendions grâces partout et toujours, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, qui vous êtes manifesté à nous du haut du ciel, dans une voix tonnante, sur les eaux du Jourdain ; pour nous montrer le Sauveur céleste, et vous manifester à nous comme le Père de la lumière éternelle, vous avez ouvert les cieux, sanctifié les airs, purifié la fontaine, et désigné votre Fils unique par l’Esprit-Saint apparaissant sous la forme d’une colombe. Aujourd’hui les eaux ont reçu votre bénédiction et ont enlevé notre malédiction ; elles ont reçu la vertu de produire dans les croyants la purification de tous les péchés, et d’opérer l’adoption des enfants de Dieu pour la vie éternelle. Ceux que la naissance charnelle avait produits pour la vie du temps, ceux que, par suite de leur prévarication, la mort tenait en sa puissance, la vie éternelle les a reçus et les a rappelés à la gloire du céleste royaume.
Les vénérables Antiennes que nous donnons ci-après, restes précieux de l’antique Liturgie Gallicane, ont une origine orientale, et sont encore conservées au Bréviaire de Cîteaux.
ANTIENNES Le Sauveur, voulant renouveler l’homme ancien, vient au Baptême, afin de régénérer par l’eau la nature corrompue ; il nous revêt d’un vêtement incorruptible.
Vous qui, dans l’Esprit et dans le feu, purifiez l’humaine contagion, nous vous glorifions, notre Dieu et Rédempteur !
Jean-Baptiste tremble et n’ose toucher la tête sacrée de son Dieu. Dans sa frayeur, il s’écrie : Sanctifiez-moi vous-même, ô Sauveur !
Le Sauveur a brisé, dans le fleuve du Jourdain, la tête du dragon ; il nous a arrachés tous à sa puissance.
Un grand Mystère est déclaré aujourd’hui : le créateur de toutes choses lave nos crimes dans le Jourdain.
Le soldat baptise son Roi, l’esclave son maître, Jean son Sauveur ; l’eau du Jourdain s’est émue, la Colombe a rendu témoignage, la voix du Père s’est fait entendre : Celui-ci est mon Fils.
Les sources des eaux furent sanctifiées au moment où le Christ apparaissait dans sa gloire. Toute la terre, venez puiser les eaux dans la source du Sauveur ; car le Christ notre Dieu sanctifie aujourd’hui toute créature.
Le moyen âge des Églises d’Occident a produit cette Séquence, que nous empruntons aux anciens Missels de Paris. Elle chante les trois Mystères de l’Épiphanie.
L’Église Grecque nous fournit, dans ses Menées, ce magnifique ensemble de poésie, de doctrine et de piété, en l’honneur du Baptême de l’Agneau dans le Jourdain :
A la gloire de l’auguste Mère de l’Agneau, consacrons cette ancienne Séquence de nos vieux Missels. C’est l’imitation d’une des Proses de Notker pour la Pentecôte, longtemps attribuée au pieux roi Robert, et que nous donnerons en son lieu :
Les Sacramentaires romains ignorent complètement cette messe, qui fut rédigée plus tard, en utilisant les collectes de rechange notées dans le gélasien, et la lecture évangélique attribuée originairement à la synaxe eucharistique de la IVe férie après la Théophanie, depuis longtemps déjà tombée en désuétude. Tout le reste est comme le jour de l’Épiphanie.
La collecte est splendide et a toute la saveur de l’âge léonien. « Seigneur dont le Fils unique apparut parmi nous revêtu de notre nature corporelle elle-même, faites que, au moyen de Celui que nous reconnaissons semblable à nous extérieurement, nous soyons renouvelés intérieurement. »
La lecture de saint Jean, avec le récit de la théophanie au bord du Jourdain (I, 29-34), se relie à la très ancienne et primitive signification de la fête opposée par les catholiques aux gnostiques, qui vénéraient dans le baptême reçu au Jourdain la naissance de Jésus moyennant l’infusion de la divinité. L’Église considère néanmoins le baptême du Rédempteur dans les eaux de la pénitence comme l’une des plus importantes théophanies. Jésus y prend la place de l’homme pécheur et s’humilie sous le rite mystérieux du Baptiste ; en même temps cependant, le Père et le Paraclet proclament sa Divinité, et toute l’auguste Trinité sanctifie le baptême de la Nouvelle Alliance, lui donnant la vraie vertu pour régénérer ex aqua et Spiritu sancto les fils adoptifs de Dieu. Ce n’est donc pas tant la naissance de Jésus, que notre renaissance à la vie surnaturelle que nous fêtons en ce jour, où nous nous écrions avec raison dans l’office nocturne : Christus apparuit nobis, venite adoremus.
La collecte sur l’oblation a une saveur antique et classique : « Nous vous présentons, Seigneur, nos offrandes, en la fête de l’apparition de votre Fils incarné, vous suppliant que, de même qu’il est l’instituteur de cette oblation, de même aussi il l’accueille avec miséricorde. »
L’ « Eucharistie », ou action de grâces après la réception des saints dons, s’inspire de l’ancien titre que les Byzantins donnaient à la solennité de ce jour, la fête des saintes Lumières : « Que nous prévienne, Seigneur, et nous accompagne partout votre splendeur, afin que nous contemplions d’un regard limpide le mystère auquel vous nous avez fait prendre part, et que nous le recevions avec la dévotion convenable. »
Le chrétien est enfant de lumière, aussi convient-il que dans ses actes il n’y ait jamais rien de ténébreux, rien qui ne soit droit, rien qui ne soit vrai. Marcher en avant avec vérité, au dire de saint Jean, signifie vivre selon la plénitude de l’idéal chrétien, réalisant son contenu divin, et vivant de la vie de Jésus-Christ.
Le Roi purifie son Épouse dans le Baptême.
1. Premières impressions. — Aujourd’hui, l’Église célèbre le second mystère de la fête de l’Épiphanie, le Baptême de Notre-Seigneur, un événement d’une importance capitale dans la vie du Sauveur. Le Baptême du Christ est avant tout une phase marquante de son activité rédemptrice. Nous avons déjà célébré toute une série de ces événements rédempteurs : l’Incarnation (missa aurea), la Nativité, la Circoncision, la majorité. Par le Baptême, Notre-Seigneur reçoit, au début de sa vie publique, la consécration de sa mission et il annonce en même temps, dans l’action symbolique du Baptême, la Rédemption de l’humanité par sa satisfaction offerte à notre place. Lui qui est sans péché, se couvre des péchés du monde, descend dans les flots purificateurs et conduit les hommes à la filiation divine. N’oublions pas que le Baptême du Christ est un acte par lequel le Christ se substitue à nous. Il vient au Jourdain pour nous. Il faut donc aussi que, dans notre Rédemption subjective, cet événement se réalise en nous. Il se réalise trois fois.
Il s’est réalisé dans notre baptême : alors nous avons été plongés dans l’eau avec Notre-Seigneur, nous sommes morts et nous avons été ensevelis avec lui ; puis nous nous sommes relevés et pour la première fois le ciel s’est ouvert au-dessus de nous, le Saint-Esprit est descendu dans notre âme et, pour la première fois, le Père céleste nous a nommés enfants de Dieu.
Le Baptême de Notre-Seigneur se réalise une seconde fois à la messe : la mort du Christ est l’eau sacrée où je me plonge ; alors le ciel s’ouvre, l’Esprit du Christ descend sur moi à la Communion et le Père céleste m’assure, par le gage de l’Eucharistie, de ma filiation divine renouvelée et accrue.
Le Baptême du Christ se réalisera en nous une dernière fois à notre mort : la mort aussi est un baptême qui nous fait plonger dans les flots sombres. Quand nous nous relèverons, les cieux s’ouvriront vraiment, nous verrons la Sainte Trinité non seulement par la foi mais dans la vision claire.
Nous pouvons aujourd’hui voir se dessiner les grandes lignes de l’édifice spirituel de la vie chrétienne : la mort du Christ est le fondement sur lequel bâtissent le Baptême et l’Eucharistie, le sommet est le retour du Christ dans la mort.
2. La messe (Ecce advenit). — Dans sa disposition actuelle, elle manque d’unité, car la plupart des textes, notamment les chants et la leçon, ont rapport au mystère des Mages, alors que l’Évangile traite du Baptême de Notre Seigneur. Il est à remarquer que l’Évangile ne renferme pas le récit détaillé du Baptême du Christ, d’après les Synoptiques, mais est un extrait de saint Jean, qui fut disciple du Précurseur. Saint Jean ne parle qu’incidemment de cette sublime manifestation. Par contre, c’est précisément dans ce passage qu’est mise en lumière l’importance du Précurseur. Saint Jean-Baptiste est en effet le paranymphe de l’Église. Il a, pendant l’Avent, préparé l’Épouse à recevoir le divin Époux ; aujourd’hui « il se tient là et se réjouit de tout cœur d’entendre la voix de l’Époux » ; il dit : « cette joie m’a été accordée largement. Il faut qu’il grandisse et que je diminue. » Le Christ en effet va maintenant grandir, comme le soleil qui monte au zénith, jusqu’à la Pentecôte, mais nous n’entendrons plus parler du Précurseur avant que le soleil ne s’incline à l’horizon. Le Christ est l’Époux, l’Église est l’Épouse et Jean-Baptiste est l’humble et chaste ami de l’Époux vers qui il conduit l’Épouse et tous les trois forment un seul groupe. Les Oraisons propres sont très belles et riches de pensées. Elles traitent toutes les trois de l’« apparition » de la divine « lumière » (elles sont vraisemblablement les plus anciennes oraisons de la fête principale). La Collecte demande que nous soyons transformés dans le Christ qui a pris notre nature. La Secrète est une véritable oraison d’Offrande : le Christ, le Fils unique de Dieu, est l’auteur de notre Offrande et c’est lui aussi dont la miséricorde la reçoit. La Postcommunion présente elle aussi une grande richesse de pensées : que Dieu nous prévienne avec la lumière céleste (de la grâce) afin que par le mystère de l’Épiphanie, que nous avons célébré, nous puissions le contempler avec des regards purs et le recevoir avec des dispositions dignes.
3. La prière des Heures. — Saint Grégoire de Nazianze, en des termes d’une grande beauté et d’une grande profondeur, nous parle du Baptême du Christ : « Le Christ est illuminé ou plutôt il nous illumine de sa lumière. Le Christ est baptisé ; descendons dans l’eau avec lui, afin que nous puissions remonter avec lui. Jean baptise ; Jésus vient pour être baptisé, peut-être veut-il que le Baptiste lui-même soit enseveli avec lui dans les flots, en tout cas, il veut y ensevelir toute la postérité d’Adam. Mais avant tout, il veut par : son Baptême sanctifier les eaux du Jourdain. Lui-même était chair et Esprit. Dans l’Esprit et dans l’eau, -doivent désormais être sanctifiés ceux qui seront baptisés. Le Baptiste se refuse à baptiser, mais Jésus insiste : « Il est nécessaire que je sois baptisé par toi. » Ainsi la lueur parle au soleil, la voix (de celui qui crie dans le désert) parle à la « Parole » de Dieu. Jésus sort de l’eau entraînant avec lui le monde tombé et le relevant. »
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Communicántes, et diem sacratíssimum celebrántes, quo Unigénitus tuus, in tua tecum glória coætérnus, in veritáte carnis nostræ visibíliter corporális appáruit : sed et memóriam venerántes, in primis eiúsdem gloriósæ semper Vírginis Maríæ, Genitrícis Dei et Dómini nostri Iesu Christi... | Unis dans une même communion et célébrant le jour très saint où votre Fils Unique coéternel avec vous dans votre gloire, s’est montré visiblement, vraiment revêtu de notre chair mortelle, et honorant la mémoire tout d’abord de la glorieuse Marie toujours Vierge, Mère du même Jésus-Christ notre Dieu et Seigneur... |
[1] La contradiction apparente renfermée dans les paroles de saint Jean-Baptiste est celle-ci : après avoir répondu aux Juifs : « Il a été fait avant moi », après s’être écrié : « Voici l’Agneau de Dieu », il ajoute le jour suivant : « Et moi je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et se reposer, c’est celui-là qui baptisera dans l’Esprit-Saint. » (Saint Jean, 1, 31).
[2] Marc, XVI, 16.
[3] Psalm. XXVIII.