Textes de la Messe avant 1955 |
Office avant 1955 |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Troisième jour dans l’Octave de l’Épiphanie, supprimée en 1955 ; lectures patristiques de St Augustin et de St Grégoire le Grand.
Missa dicitur ut in Festo, præfatione et Communicántes de Epiphania et dicitur Credo. | Messe comme le jour de la Fête avec préface et Communicántes de l’Épiphanie. On dit le Credo. |
A MATINES.
Invitatoire. Le Christ nous est apparu, * Venez, adorons-le.
Au premier nocturne.
De l’Épître aux Romains. Cap. 12, 1-16.
Première leçon. Je vous conjure donc, mes frères, par la miséricorde de Dieu, d’offrir vos corps en hostie vivante, sainte et agréable à Dieu, pour que votre culte soit raisonnable [1]. .Et ne vous conformez point à ce siècle, mais réformez-vous par le renouvellement de votre esprit, afin que vous connaissiez combien la volonté de Dieu est bonne, agréable et parfaite [2]. Car je dis en vertu de la grâce qui m’a été donnée, à tous ceux qui sont parmi vous, de ne pas être sages plus qu’il ne faut, mais de l’être avec modération [3], et selon la mesure de la foi que Dieu a départie à chacun.
1er répons comme au 7 janvier, les autres répons comme à la fête de l’Epiphanie
Deuxième leçon. Car, comme dans un seul corps nous avons beaucoup de membres, et que tous les membres n’ont point la même fonction, ainsi, quoique beaucoup, nous sommes un seul corps en Jésus-Christ, étant tous en particulier tes membres les uns des autres. C’est pourquoi, comme nous avons des dons différents, selon la grâce qui nous a été donnée, que celui qui a reçu le don de prophétie (en use) selon l’analogie de la foi ; que celui qui est appelé au ministère, s’y applique ; que celui qui a reçu le don d’enseigner, enseigne ; que celui qui a te don d’exhorter, exhorte ; que celui qui fait l’aumône, (la fasse) avec simplicité ; que celui qui préside soit attentif ; que celui qui exerce les œuvres de miséricorde fies exerce) avec joie.
Troisième leçon. Charité sans déguisement, ayant le mal en horreur, vous attachant au bien ; vous aimant mutuellement d’un amour fraternel ; vous honorant les uns les autres avec prévenance ; empressés au devoir, fervents d’esprit ; servant le Seigneur ; vous réjouissant par l’espérance ; patients dans la tribulation ; persévérants dans la prière ; dans les besoins des saints, partageant avec eux ; aimant donner l’hospitalité. Bénissez ceux qui vous persécutent ; bénissez, et ne maudissez point ; réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent, pleurez avec ceux qui pleurent ; vous unissant tous dans les mêmes sentiments ; n’aspirant point à ce qui est élevé, mais vous inclinant vers ce qu’il y a de plus humble.
Au deuxième nocturne.
Du sermon de saint Augustin, évêque.
Quatrième leçon. De tant de rois qui sont nés et qui sont morts parmi les Juifs, en est-il aucun autre que des Mages aient cherché pour l’adorer ? Non, et c’est qu’il n’en est aucun autre que leur ait fait connaître le langage des cieux. N’oublions pas toutefois combien ce rayonnement de la vérité dans l’esprit des Mages atteste et fait ressortir l’aveuglement des Juifs. Les premiers venaient voir le Messie dans le pays de ceux-ci, et ceux-ci ne l’y reconnaissaient point.
Cinquième leçon. Les Mages le trouvèrent parmi les Juifs sous la forme d’un enfant, et les Juifs refusèrent de croire en lui quand ils le virent parmi eux. Accourus de loin, des étrangers adorèrent, dans la Judée, le Christ entant qui ne prononçait encore aucune parole ; et eux, ses concitoyens, le crucifièrent dans la vigueur de l’âge et lorsqu’il faisait des miracles. Les uns l’adorèrent comme leur Dieu, malgré la faiblesse de ses petits membres, et les autres n’épargnèrent pas même son humanité, malgré la grandeur de ses œuvres : ils restèrent incrédules, comme si c’eût été un moindre prodige de voir le soleil s’obscurcir au moment de sa mort, que de voir une nouvelle étoile briller à sa nativité.
Sixième leçon. Remarquons aussi que l’étoile qui conduisit les Mages au lieu où était le Dieu-enfant avec la Vierge sa mère, et qui pouvait assurément les conduire jusqu’à la ville où il était né, disparut néanmoins et ne se montra plus à eux, jusqu’à ce qu’ils eussent interrogé les Juifs au sujet de la cité où devait naître le Christ. Or ceux-ci la nommèrent d’après le témoignage des divines Écritures, et dirent eux-mêmes : A Bethléem de Juda, car voici ce qui est écrit : « Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es pas la moindre des principales villes de Juda, puisque de toi sortira le Chef qui conduira mon peuple d’Israël ». La divine Providence ne voulait-elle pas nous montrer par là que les Juifs ne conserveraient plus que les saints livres, et qu’ils s’en serviraient pour éclairer les Gentils, et s’aveugler eux-mêmes ?
Au troisième nocturne.
Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu. Cap. 2, 1-12.
En ce temps-là : Jésus étant né à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, voici que des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem, disant : "Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?". Et le reste.
De l’Homélie de S.Grégoire, Pape.
Septième leçon. Les Mages offrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. L’or convient à un roi ; l’encens est offert à Dieu dans les sacrifices ; avec la myrrhe, on ensevelit les corps des défunts. Par ces présents mystiques, les Mages font connaître quel est celui qu’ils adorent : par l’or, ils déclarent qu’il est Roi ; par l’encens, qu’il est Dieu ; par la myrrhe, qu’il est mortel. Il y a des hérétiques qui croient à sa divinité, mais qui n’admettent point qu’il règne en tous lieux. Ceux-là, sans doute, lui offrent l’encens, mais ils ne veulent pas lui offrir aussi l’or. D’autres reconnaissent qu’il est Roi, mais nient qu’il soit Dieu. Ceux-ci, sans doute, lui offrent l’or, mais ils refusent d’offrir l’encens.
Huitième leçon. D’autres hérétiques encore confessent qu’il est Dieu et Roi, mais nient qu’il ait pris une chair mortelle. Ceux-là lui offrent, à la vérité, et de l’or et de l’encens, mais ils ne veulent pas offrir la myrrhe, emblème de l’humanité dont il s’est revêtu. Pour nous, offrons donc au Seigneur nouveau-né de l’or, en reconnaissant que c’est lui qui règne en tous lieux ; offrons-lui de l’encens, en tenant pour certain que celui qui a apparu dans le temps était Dieu dès avant tous les temps ; offrons-lui de la myrrhe, en croyant qu’impassible dans sa divinité, il a été mortel dans notre chair.
Neuvième leçon. On peut attribuer à l’or, l’encens et la myrrhe encore d’autres significations. Car l’or désigne aussi la sagesse ; Salomon l’atteste, lui qui dit : « Un trésor désirable repose dans la bouche du sage. » Par l’encens que l’on consume devant Dieu est exprimée la vertu de la prière, selon ces paroles du Psalmiste : « Que ma prière soit dirigée comme un encens en votre présence. » La myrrhe figure la mortification de notre chair ; d’où vient que la sainte Église dit au sujet de ses travailleurs qui ont combattu pour Dieu jusqu’à la mort : « Mes mains ont distillé la myrrhe. »
A LAUDES
Ant. au Bénédictus Trois sortes de présents * furent offerts par les Mages au Seigneur, au Fils de Dieu, au grand Roi ; à savoir l’or, l’encens et la myrrhe, alléluia.
AUX DEUXIÈMES VÊPRES.
Ant. au Magnificat Lumière de lumière * vous avez apparu, ô Christ, et les Mages vous ont offert des présents, alléluia, alléluia, alléluia.
Le grand Mystère de l’Alliance du Fils de Dieu avec son Église universelle, représentée dans l’Épiphanie par les trois Mages, fut pressenti dans tous les siècles qui précédèrent la venue de l’Emmanuel. La voix des Patriarches et des Prophètes le fit retentir par avance ; et la Gentilité elle-même y répondit souvent par un écho fidèle.
Dès le jardin des délices, Adam innocent s’écriait, à l’aspect de la Mère des vivants sortie de son côté : « C’est ici l’os de mes os, la chair de ma chair ; l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à son épouse ; et ils seront deux dans une même chair. » La lumière de l’Esprit-Saint pénétrait alors l’âme de notre premier père ; et, selon les plus profonds interprètes des mystères de l’Écriture, Tertullien, saint Augustin, saint Jérôme, il célébrait l’Alliance du Fils de Dieu avec l’Église, sortie par l’eau et le sang de son côté ouvert sur la croix ; avec l’Église, pour l’amour de laquelle il descendit de la droite de son Père, et s’anéantissant jusqu’à la forme de serviteur, semblait avoir quitté la Jérusalem céleste, pour habiter parmi nous dans ce séjour terrestre.
Le second père dû genre humain, Noé, après avoir vu l’arc de la miséricorde annonçant au ciel le retour des faveurs de Jéhovah, prophétisa sur ses trois fils l’avenir du monde. Cham avait mérité la disgrâce de son père ; Sem parut un moment le préféré : il était destiné à l’honneur de voir sortir de sa race le Sauveur de la terre ; cependant, le Patriarche, lisant dans l’avenir, s’écria : « Dieu dilatera l’héritage de Japhet ; et il habitera sous les tentes de Sem. » Et nous voyons peu à peu dans le cours des siècles l’ancienne alliance avec le peuple d’Israël s’affaiblir, puis se rompre ; les races sémitiques chanceler, et bientôt tomber dans l’infidélité ; enfin le Seigneur embrasser toujours plus étroitement la famille de Japhet, la gentilité occidentale, si longtemps délaissée, placer à jamais dans son sein le Siège de la religion, l’établir à la tête de l’espèce humaine tout entière.
Plus tard, c’est Jéhovah lui-même qui s’adresse à Abraham, et lui prédit l’innombrable génération qui doit sortir de lui. « Regarde le ciel, lui dit-il ; compte les étoiles, si tu peux : tel sera le nombre de tes enfants. » En effet, comme nous l’enseigne l’Apôtre, plus nombreuse devait être la famille issue de la foi du Père des croyants, que celle dont il était la source par Sara ; et tous ceux qui ont reçu la foi du Médiateur, tous ceux qui, avertis par l’Etoile, sont venus à lui comme à leur Seigneur, tous ceux-là sont les enfants d’Abraham.
Le Mystère reparaît de nouveau dans le sein même de l’épouse d’Isaac. Elle sent avec effroi deux fils se combattre dans ses entrailles. Rébecca s’adresse au Seigneur, et il lui est répondu : « Deux peuples sont dans ton sein ; ils s’attaqueront l’un l’autre ; le second surmontera le premier, et l’aîné servira le plus jeune. » Or, ce plus jeune, cet enfant indompté, quel est-il, selon l’enseignement de saint Léon et de l’Évêque d’Hippone, sinon ce peuple gentil qui lutte avec Juda pour avoir la lumière, et qui, simple fils de la promesse, finit par l’emporter sur le fils selon la chair ?
C’est maintenant Jacob, sur sa couche funèbre, ayant autour de lui ses douze fils, pères des douze tribus d’Israël, assignant d’une manière prophétique le rôle à chacun dans l’avenir. Le préféré est Juda ; car il sera le roi de ses frères, et de son sang glorieux sortira le Messie. Mais l’oracle finit par être aussi effrayant pour Israël, qu’il est consolant pour le genre humain tout entier. « Juda, tu garderas le sceptre ; ta race sera une race de rois, mais seulement jusqu’au jour où viendra Celui qui doit être envoyé, Celui qui sera l’attente des Nations. »
Après la sortie d’Égypte, quand le peuple d’Israël entra en possession de la terre promise, Balaam s’écriait, la face tournée vers le désert tout couvert des tentes et des pavillons de Jacob : « Je le verrai, mais non encore ; je le contemplerai, mais plus tard. Une Étoile sortira de Jacob ; une royauté s’élèvera au milieu d’Israël. » Interrogé encore par le roi infidèle, Balaam ajouta : « Oh ! Qui vivra encore quand Dieu fera ces choses ? Ils viendront d’Italie sur des galères ; ils soumettront les Assyriens ; ils dévasteront les Hébreux, et enfin ils périront eux-mêmes. » Mais quel empire remplacera cet empire de fer et de carnage ? Celui du Christ qui est l’Etoile, et qui seul est Roi à jamais.
David est inondé des pressentiments de ce grand jour. A chaque page, il célèbre la royauté de son fils selon la chair ; il nous le montre armé du sceptre, ceint de l’épée, sacré par le Père des siècles, étendant sa domination d’une mer à l’autre ; puis il amène à ses pieds les Rois de Tharsis et des îles lointaines, les Rois d’Arabie et de Saba, les Princes d’Éthiopie. Il célèbre leurs offrandes d’or et leurs adorations.
Dans son merveilleux épithalame, Salomon vient ensuite décrire les délices de l’union céleste de l’Époux divin avec l’Église ; et cette Épouse fortunée n’est point la Synagogue. Le Christ l’appelle avec tendresse pour la couronner ; mais sa voix s’adresse à celle qui habitait au delà des confins delà terre du peuple de Dieu. « Viens, dit-il, ma fiancée, viens du Liban ; descends des sommets d’Amana, des hauteurs de Sanir et d’Hermon ; sors des retraites impures des dragons, quitte les montagnes qu’habitent les léopards. » Et cette fille de Pharaon ne se trouble pas de dire : Je suis noire » ; car elle peut ajouter qu’elle a été rendue belle par la grâce de son Époux.
Le Prophète Osée se lève ensuite, et il dit au nom du Seigneur : « J’ai choisi un homme, et il ne m’appellera plus Baal désormais. J’ôterai de sa bouche ce nom de Baal, et il ne s’en souviendra plus. Je m’unirai à toi pour jamais, homme nouveau ! Je sèmerai ta race par toute la terre ; j’aurai pitié de celui qui n’avait point connu la miséricorde ; à celui qui n’était pas mon peuple, je dirai : mon peuple ! Et il me répondra : mon Dieu ! »
A son tour, le vieux Tobie, du sein de la captivité, prophétisa avec magnificence ; mais la Jérusalem qui doit recevoir les Juifs délivrés par Cyrus, disparaît à ses yeux, à l’aspect d’une autre Jérusalem plus brillante et plus belle. « Nos frères qui sont dispersés, dit-il, reviendront dans la terre d’Israël ; la maison de Dieu se rebâtira. Tous ceux qui craignent Dieu viendront s’y retirer ; les Gentils même laisseront leurs idoles, et viendront en Jérusalem, et ils y habiteront, et tous les rois de la terre y fixeront leur séjour avec joie, accourus pour adorer le Roi d’Israël. »
Et si les nations doivent être broyées, dans la justice de Dieu, pour leurs crimes, c’est pour arriver ensuite au bonheur d’une alliance éternelle avec Jéhovah. Car voici ce qu’il dit lui-même, par son Prophète Sophonie : « Ma justice est de rassembler les nations, de réunir en faisceau les royaumes, et je répandrai sur elles mon indignation, et tout le feu de ma colère ; la terre entière en sera dévorée. Mais ensuite je donnerai aux peuples une langue choisie, afin qu’ils invoquent tous le Nom du Seigneur, et qu’ils portent tous ensemble mon joug. Jusqu’au delà des fleuves de l’Éthiopie, ils m’invoqueront ; les fils de mes races dispersées viendront m’apporter des présents. »
Le Seigneur avait déjà dénoncé ses oracles de miséricorde par la bouche d’Ezéchiel : « Un seul Roi commandera à tous, dit Jéhovah ; il n’y aura plus deux nations, ni deux royaumes. Ils ne se souilleront plus avec leurs idoles ; dans les lieux mêmes où ils ont péché, je les sauverai ; ils seront mon peuple, et je serai leur Dieu. Il n’y aura qu’un Pasteur pour eux tous. Je ferai avec eux une alliance de paix, un pacte éternel ; je les multiplierai, et mon sanctuaire sera au milieu d’eux à jamais. »
C’est pourquoi Daniel, après avoir prédit les Empires que devait remplacer l’Empire Romain, ajoute : « Mais le Dieu du ciel suscitera à son tour un Empire qui jamais ne sera détruit, et dont le sceptre ne passera point à un autre peuple. Cet Empire envahira tous ceux qui l’ont précédé ; et lui, il durera éternellement. »
Quant aux ébranlements qui doivent précéder rétablissement du Pasteur unique, et de ce sanctuaire éternel qui doit s’élever au centre de la Gentilité, Aggée les prédit en ces termes : « Encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel, la terre et la mer ; je mêlerai toutes les nations ; et alors viendra le Désiré de toutes les nations. »
Il faudrait citer tous les Prophètes pour donner tous les traits du grand spectacle promis au monde par le Seigneur au jour où, se ressouvenant des peuples, il devait les appeler aux pieds de son Emmanuel. L’Église nous a fait entendre Isaïe dans l’Épître de la Fête, et le fils d’Amos a surpassé ses frères.
Si maintenant nous prêtons l’oreille aux voix qui montent vers nous du sein de la Gentilité, nous entendons ce cri d’attente, l’expression de ce désir universel qu’avaient annoncé les Prophètes hébreux. La voix des Sibylles réveilla l’espérance au cœur des peuples ; jusqu’au sein de Rome même, le Cygne de Mantoue consacre ses plus beaux vers à reproduire leurs consolants oracles : « Le dernier âge, dit-il, l’âge prédit par la Vierge de Cumes est arrivé ; une nouvelle série des temps va s’ouvrir ; une race nouvelle descend a du ciel. A la naissance de cet Enfant, l’âge de fer suspend son cours ; un peuple d’or s’apprête à couvrir la terre. Les traces de nos crimes seront effacées ; et les terreurs qui assiégeaient le monde se dissiperont. »
Et comme pour répondre aux vains scrupules de ceux qui craignent de reconnaître, avec saint Augustin et tant d’autres saints Docteurs, la voix des traditions antiques s’énonçant par la bouche des Sibylles : Cicéron, Tacite, Suétone, philosophes et historiens gentils, viennent nous attester que le genre humain, dans leurs temps, attendait un Libérateur ; que ce Libérateur devait sortir, non seulement de l’Orient, mais de la Judée ; que les destinées d’un Empire qui devait renfermer le monde entier étaient sur le point de se déclarer.
Ils partageaient cette universelle attente de votre arrivée, ô Emmanuel, ces Mages aux yeux desquels vous fîtes apparaître l’Etoile ; et c’est pour cela qu’ils ne perdirent pas un instant, et se mirent tout aussitôt en route vers le Roi des Juifs dont la naissance leur était annoncée. Tant d’oracles s’accomplissaient en eux ; mais s’ils en recevaient les prémices, nous en possédons le plein effet. L’alliance est conclue, et nos âmes, pour l’amour desquelles vous êtes descendu du ciel, sont à vous ; l’Église est sortie de votre flanc divin, avec le sang et l’eau ; et tout ce que vous faites pour cette Épouse prédestinée, vous l’accomplissez en chacun de ses enfants fidèles. Fils de Japhet, nous avons dépossédé la race de Sem qui nous fermait ses tentes ; le droit d’aînesse dont jouissait Juda nous a été déféré. Notre nombre, de siècle en siècle, tend à égaler le nombre des étoiles. Nous ne sommes plus dans les anxiétés de l’attente ; l’astre s’est levé, et la Royauté qu’il annonçait ne cessera jamais de répandre sur nous ses bienfaits. Les Rois de Tharsis et des îles, les Rois d’Arabie et de Saba, les Princes de l’Éthiopie sont venus, portant des présents ; mais toutes les générations les ont suivis. L’Épouse, établie dans tous ses honneurs, ne se souvient plus des sommets d’Amana, ni des hauteurs de Sanir et d’Hermon, où elle gémissait dans la compagnie des léopards ; elle n’est plus noire , mais elle est belle , sans taches, ni rides, et digne de l’Époux divin. Elle a oublié Baal pour jamais ; elle parle avec amour la langue que Jéhovah lui a donnée. L’unique Pasteur paît l’unique troupeau ; le dernier Empire poursuit ses destinées jusqu’à l’éternité.
C’est vous, ô divin Enfant, qui venez nous apporter tous ces biens et recevoir tous ces hommages. Croissez, Roi des rois, sortez bientôt de votre silence. Quand nous aurons goûté les leçons de votre humilité, parlez en maître ; César-Auguste règne depuis assez longtemps ; assez longtemps Rome païenne s’est crue éternelle. Il est temps que le trône de la force cède la place au trône de la charité, que la Rome nouvelle s’élève sur l’ancienne. Les nations frappent à la porte et demandent leur Roi ; hâtez le jour où elles n’auront plus à venir vers vous, mais où votre miséricorde doit les aller chercher par la prédication apostolique. Montrez-leur Celui à qui toute puissance a été donnée au ciel et sur la terre ; montrez-leur la Reine que vous leur avez choisie. De l’humble demeure de Nazareth, du pauvre réduit de Bethléhem, que l’auguste Marie s’élève bientôt, sur les ailes des Anges, jusqu’au trône de miséricorde, du haut duquel elle protégera tous les peuples et toutes les générations.
Nous emprunterons maintenant aux diverses Églises quelques-uns des Cantiques dans les quels elles célèbrent l’Épiphanie du Seigneur. Le Prince des poètes de la Liturgie latine, Prudence, va chanter le voyage des Mages à Bethléhem.
L’ancienne Église Gallicane nous fournit cette belle prière que nous empruntons à son antique Sacramentaire :
ORATIO.
O Dieu, qui êtes riche en miséricorde dans toutes vos œuvres ; Père de gloire, qui avez donné votre Fils pour être la lumière des nations, pour annoncer la Rédemption aux captifs, la vue aux aveugles : vous qui répandez les bienfaits avec tant de largesse, daignez nous accorder, parla foi, la rémission des péchés et une part entre les saints. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.
Célébrons le mystère de la Naissance de notre Roi et de son alliance avec l’humanité, par cette Séquence de nos vieux Missels Romains-Français.
L’Hymnographe sublime de l’Église de Syrie, saint Éphrem, continue de chanter les doux mystères de la Naissance du Sauveur.
A la gloire de Marie, nous chanterons cette gracieuse Séquence de nos antiques Églises du moyen âge :
Lumière de lumière, ô Christ, tu es apparu.
1. Prière des Heures. Au second Nocturne, Saint Augustin parle de l’aveuglement des Juifs. « L’illumination des Mages nous montre l’aveuglement des Juifs. Les Mages cherchèrent en Judée Celui que les Juifs ne connaissaient pas dans leur propre pays. Les Mages trouvèrent l’Enfant chez les Juifs, mais ceux-ci ne voulurent pas admettre qu’il fût parmi eux. Les Mages, ces étrangers venus de loin, adorèrent l’Enfant Jésus alors qu’il ne pouvait encore parler et ses concitoyens le crucifièrent quand il fut devenu Homme et qu’il fit des miracles. Les Mages adorèrent leur Dieu dans l’Enfant muet, les Juifs ne traitèrent même pas Jésus comme un homme, malgré toutes les merveilles qu’il avait accomplies ; comme si c’était un plus grand miracle de voir briller une nouvelle étoile à sa naissance que de voir le soleil se voiler à sa mort. »
Au lever du soleil, l’Église chante : « Ce sont trois présents que les Mages offrirent au Seigneur, de l’or, de l’encens et de la myrrhe, au Fils de Dieu et au grand Roi, Alléluia. » Au coucher du soleil, nous chantons : « Lumière de lumière tu es apparu, les Mages t’apportent des présents, Alléluia, Alléluia, Alléluia. »
2. La messe. L’oraison transporte le drame sacré des Rois Mages dans notre vie. Les Mages virent l’étoile, se mirent en route sous sa conduite et arrivèrent au but de leur voyage auprès du divin Enfant. Ces trois actes se rencontrent aussi dans notre vie : l’étoile, le chemin, le but.
Pour nous aussi s’est levée une étoile, c’est la grâce de la part de Dieu et la foi de notre part. Sans cette étoile, il n’y a pas pour nous de christianisme. Combien nous devons remercier Dieu qui nous a choisis entre mille, comme les Mages, pour nous appeler à la foi. La foi est une grâce de Dieu, nous ne pouvons pas nous la donner, mais nous pouvons la cultiver en nous et l’accroître, nous ne devons pas nous exposer à la perdre. Cette étoile brille devant nos yeux. Qu’elle nous oriente et nous guide !
Le second acte est le chemin. C’est notre vie. Les Mages suivirent l’étoile, ils quittèrent leur pays peut-être sous les moqueries de leurs compatriotes, ils voyagèrent à travers les déserts et les solitudes par monts et par vaux. Ils se heurtèrent à des obstacles, particulièrement à Hérode. Le voyage des Mages est un modèle de notre vie chrétienne. Nous devons sortir du pays de notre chair, nous devons être des pèlerins et des étrangers. Le chemin de notre vie est solitaire, le monde prend d’autres voies. Ce n’est pas un chemin de roses c’est un chemin à travers le désert. Et un ennemi nous guette, un Hérode qui veut éteindre l’étoile et nous barrer la route : le démon.
Où nous mène ce chemin ? Le but est le Christ, non le Christ enfant, mais le Christ glorieux dont la vision nous rendra éternellement heureux, le Christ qui reviendra au moment de la mort. Nous ne devons jamais perdre de vue ce but. La vie chrétienne n’en a pas d’autre que la parousie ; tous les autres buts, si saints soient-ils, nous égarent. L’apostolat même et le soin des âmes ne doivent pas être notre but. Apprenons de la liturgie le désir de ce but de notre vie. Toute l’année est une marche des Mages sous la conduite de l’étoile vers le but suprême, le Christ.
3. Notre or. Mettons-nous aujourd’hui dans le rôle du premier Roi Mage et réfléchissons à la manière dont nous pourrons présenter au divin Roi nouveau-né notre or. Qu’est-ce qui constitue notre or ? Notre or est tout d’abord notre amour, rouge comme l’or, pur et de bon aloi comme l’or, le grand, le fort amour de Dieu dont le Christ lui-même a dit : tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces et de tout ton esprit ; dont saint Paul dit : qui pourrait nous séparer de la charité du Christ ? Sera-ce la tribulation, l’angoisse, la persécution, la faim, la nudité, le danger ou l’épée ?. Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus Notre Seigneur.
Notre or est ensuite notre fidélité, cette fermeté, cette persévérance qui ne se laisse ébranler ni par les coups ni par les souffrances ni par les persécutions, la fidélité jusqu’à la mort.
Notre or c’est aussi la sincérité et la loyauté de nos sentiments qui seront tels qu’ils se manifesteront. On peut tromper les hommes, on ne trompe pas Dieu. Le monde aime prendre des masques de toutes sortes, mais le chrétien doit se montrer à visage ouvert, être vrai et loyal, il ne doit pas être du clinquant, mais de l’or vrai.
Il est encore un or que nous pouvons déposer sur l’autel, le plus précieux présent de la terre. La secrète nous l’indique, c’est Jésus-Christ lui-même que nous offrons au Saint-Sacrifice à son Père céleste et qui “par ces dons (symboliques) est offert, sacrifié et mangé ». Oui, l’Eucharistie est l’or véritable qui ne perd jamais ni son éclat, ni sa valeur. Sommes-nous bien persuadés de la grandeur de la messe ? C’est le grand don royal et c’est par elle que nous sommes « une race élue, un sacerdoce royal, une tribu sainte » (1. Pier. II, 9).
4. Lecture de l’Écriture (Rom. XII, 1-6). — Nous sommes arrivés à la partie morale qui est plus facile à comprendre et plus édifiante pour nous. Le Chapitre XII que nous lisons aujourd’hui est si beau que l’Église y a pris les Épîtres des deux premiers dimanches après l’Épiphanie. « Je vous en conjure, mes frères, par la miséricorde de Dieu : offrez votre corps comme un sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu. Que ce soit votre culte raisonnable... » C’est notre or que nous devons justement offrir aujourd’hui. Ensuite saint Paul parle en termes magnifiques de la vie commune des chrétiens. « Nous sommes tous un corps dans le Christ et nous sommes mutuellement les membres, munis de dons différents... » Sur ce fondement du corps mystique il établit cette construction : « Que l’amour soit sans hypocrisie. Soyez des hommes qui haïssent le mal, qui s’attachent au bien, mutuellement adonnés à la charité fraternelle, rivalisant de respect réciproque... soyez joyeux dans l’espérance, patients dans les tribulations, persévérants dans la prière. Prenez part aux besoins des saints (des chrétiens), exercez avec zèle l’hospitalité. Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas. Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent, pleurez avec ceux qui pleurent... S’il est possible et autant qu’il dépend de vous, gardez la paix avec tous les hommes... ne vous laissez pas vaincre par le mal, mais par votre bonté soyez vainqueurs du mal. »
5. Les saints du jour. — Le livre d’or de l’Église nous raconte : En Norique (aujourd’hui la Haute et Basse Autriche, la Styrie), saint Séverin. Il a propagé le christianisme parmi ce peuple et mérité le nom d’Apôtre de la Norique. Par la permission divine ses restes arrivèrent à Lucullano, près de Naples, et furent plus tard transférés dans le monastère de Saint-Séverin.
[1] « On offre son corps à Dieu en le faisant servir à son culte et à son honneur ; la mortification le rend une hostie qui est vivante, parce qu’elle manifeste la vie de Jésus ». (Corn. a Lap.) « Rendre un culte raisonnable, c’est mener une vie selon le Christ. » (Saint Chrysostome).
[2] « Faites sur vous-mêmes ce que nous faisons continuellement pour nos maisons, eu réparant les ravages faits par le temps. » (Saint Chrysostome). « Afin de connaître ce que Dieu demande de vous, ce qui est bon, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait : or ce qu’il demande de vous, c’est le vrai sacrifice de tout votre être. » (Saint Augustin).
[3] « Nous avons reçu.la prudence pour en user sobrement et non pour la mettre au service de l’orgueil. L’Apôtre ne dit pas : d’être humbles avec modération, mais : sages ; or ici, la sagesse signifie la vigilance et la bonne santé de l’âme, laquelle s’appelle sagesse parce qu’elle maintient l’esprit sain. Pour montrer donc que sans la modération on ne peut être sage, c’est- à-dire, ferme et sain, il donne à l’humilité le nom de sagesse. » (S. Chrysost.).