Textes de la Messe |
Ss. Innocentíum Martyrum |
Les Saints Innocents |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Les plus anciens témoins de la fête des saints Innocents en Occident sont les sermons de St Pierre Chrysologue (+ avant 451) et St Césaire d’Arles (+ 543). Le calendrier de Carthage annonce la fête au 28 décembre. A Rome, vers 560-570, le sacramentaire de Vérone fournit deux formulaires de messe du natale Innocentium. Les Byzantins et les Coptes ont la fête le même jour. L’Espagne fêtait l’allisio Infantum le 8 janvier, après l’Épiphanie.
Soit la fête fut reçue d’Orient, à moins qu’elle ne remonte à une période antérieure à l’adoption de l’Épiphanie, où l’on aurait commémoré dans la suite du 25 décembre tous les évènements qui entourent la Nativité.
A noter : avant 1960, la fête des saints Innocents est célébrée en violet, sans Gloria, ni Alléluia. Son octave est célébrée en rouge. La réforme de Jean XXIII supprimera cette particularité.
Ss. Innocentíum Martyrum |
Les Saints Innocents |
Ant. ad Introitum. Ps. 8, 3. | Introït |
Ex ore infántium, Deus, et lacténtium perfecísti laudem propter inimicos tuos. | De la bouche des enfants et de ceux qui sont encore allaités, vous avez tiré une louange parfaite contre vos adversaires. |
Ps. ib., 2. | |
Dómine, Dóminus noster : quam admirábile est nomen tuum in univérsa terra ! | Seigneur, notre Maître, que votre nom est admirable dans toute la terre. |
V/.Glória Patri. | |
Ante 1960 | Rubrique avant 1960 |
¶ Non dicitur Glória in excélsis, neque Allelúia, neque Ite, Missa est, nisi hoc Festum incidat in Dominicam, aut ritu gaudeat duplici I classis ; sed in Octava semper dicuntur. | ¶ On ne dit pas le Glória in excélsis, ni l’Allelúia, ni l’Ite, Missa est, sauf si la fête tombe le Dimanche ou est célébrée comme double de Iere classe, mais on les dit toujours à l’Octave. |
Oratio. | Collecte |
Deus, cuius hodierna die præcónium Innocéntes Mártyres non loquéndo, sed moriéndo conféssi sunt : ómnia in nobis vitiórum mala mortífica ; ut fidem tuam, quam lingua nostra lóquitur, étiam móribus vita fateátur. Per Dóminum. | Dieu, dont en ce jour les Innocents Martyrs ont confessé la gloire, non en parlant mais en mourant, faites mourir en nous tous les penchants au vice, afin que votre foi, que notre langue proclame, notre vie en témoigne aussi dans notre conduite. |
Et fit commemoratio Octavæ Nativitatis | Commémoraison de l’Octave de la Nativité |
Oratio. | Commémoraison. |
Concéde, quǽsumus, omnípotens Deus : ut nos Unigénititui nova per carnem Natívitas líberet ; quos sub peccáti iugo vetústa sérvitus tenet. Per eúndem Dóminum. | Nous vous en prions, Dieu tout puissant, que votre Fils éternel, par sa nouvelle naissance en notre chair, vienne nous délivrer de l’ancien esclavage qui nous maintient sous le joug du péché. |
Léctio libri Apocalýpsis beáti Ioánnis Apóstoli. | Lecture du Livre de l’Apocalypse selon Saint Jean. |
Apoc. 14, 1-5. | |
In diébus illis : Vidi supra montem Sion Agnum stantem, et cum eo centum quadragínta quatuor mília, habéntes nomen eius, et nomen Patris eius scriptum in fróntibus suis. Et audívi vocem de cœlo, tamquam vocem aquárum multárum, et tamquam vocem tonítrui magni : et vocem, quam audívi, sicut citharœrórum citharizántium in cítharis suis. Et cantábant quasi cánticum novum ante sedem, et ante quátuor animália, et senióres : et nemo póterat dícere cánticum, nisi illa centum quadragínta quátuor mília, qui empti sunt de terra. Hi sunt, qui cum muliéribus non sunt coinquináti : vírgines enim sunt. Hi sequúntur Agnum, quocúmque íerit. Hi empti sunt ex homínibus primítiæ Deo, et Agno : et in ore eórum non est invéntum mendácium : sine mácula enim sunt ante thronum Dei. | En ces jours là : Je vis l’Agneau qui se tenait sur la montagne de Sion, et avec lui cent quarante-quatre mille personnes, qui avaient son nom et le nom de son Pére écrits sur le front. Et j’entendis un son qui venait du ciel, pareil au bruit de grandes eaux et à la vois d’un puissant tonnerre ; et le son que j’entendis ressemblait à un concert de harpistes jouant de leurs instruments. Et ils chantaient comme un cantique nouveau devant le trône, et devant les quatre animaux et les vieillards ; et nul ne pouvait apprendre ce cantique, si ce n’est les cent quarante-quatre mille qui ont été rachetés de la terre. Ce sont ceux qui ne se sont pas souillés avec des femmes, car ils sont vierges. Ce sont eux qui accompagnent l’Agneau partout où il va. Ils ont été rachetés d’entre les hommes, comme des prémices pour Dieu et pour l’Agneau ; et il ne s’est point trouvé de mensonge dans leur bouche, car ils sont irréprochables. |
Graduale. Ps. 123, 7-8. | Graduel |
Anima nostra, sicut passer, erépta est de láqueo venántium. | Notre âme s’est échappée comme un passereau du filet des chasseurs. |
V/.Láqueus contrítus est, et nos liberáti sumus : adiutórium nostrum in nómine Dómini, qui fecit cœlum et terram. | Le filet a été brisé et nous avons été délivrés ; notre secours est dans le nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. |
Ante 1960 | Rubrique avant 1960 |
¶ Sequens Allelúia cum suo Versu dicitur, quando hoc Festum incidat in Dominicam, aut ritu gaudeat duplici I classis : in die autem Octava semper dicitur, sicut et in Missis votivis ante Septuagesimam vel post Pentecosten. | ¶ L’Alléluia suivant avec son verste est dit quand la fête tombe le Dimanche, ou est célébrée comme comme double de Iere classe, mais on les dit toujours à l’Octave, comme aux Messes votives avant la Septuagésime ou après la Pentecôte. |
Allelúia, allelúia. V/.Ps. 112, 1. | |
Laudáte, púeri, Dóminum, laudáte nomen Dómini. Allelúia. | Louez le Seigneur, vous ses serviteurs, louez le nom du Seigneur. Alléluia. |
¶ Tractus non dicitur quando recitato fuerit Allelúia, ut supra. | ¶ Le Trait n’est pas dit quand on a dit l’Alléluia comme expliqué plus haut. |
Tractus. 78, 3 et 10 | Trait |
Effudérunt sánguinem Sanctórum, velut aquam, in circuitu Ierúsalem. | Ils répandront le sang des Saints, comme de l’eau, autour de Jérusalem. |
V/. Et non erat, qui sepelíret. | V/. Et il n’y aura personne pour les ensevelir. |
V/. Víndica, Dómine, sánguinem Sanctórum tuórum, qui effúsus est super terram. | V/. Vengez, Seigneur, le sang de vos Saints qui a été répandu sur la terre. |
In Missis votivis Tempore paschali omittitur graduale, et eius loco dicitur : | Aux Messes votive pendant le temps pascal, on omet le graduel et à sa place on dit : |
Allelúia, allelúia. V/. 112, 1 Laudáte, púeri, Dóminum, laudáte nomen Dómini. | Allelúia, allelúia. V/. Louez le Seigneur, vous ses serviteurs, louez le nom du Seigneur. |
Allelúia. V/. Eccli. 39, 19. Sancti tui, Dómine, florébunt sicut lílium, et sicut odor bálsami erunt ante te. Allelúia. | Allelúia. V/. Vos Saints, Seigneur, fleuriront comme le lys, et ils seront devant vous comme l’odeur du parfum. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secundum Matthǽum. | Lecture du Saint Evangile selon saint Mathieu. |
Matth. 2, 13-18. | |
In illo témpore : Angelus Dómini appáruit in somnis Ioseph, dicens : Surge, et áccipe Púerum et Matrem eius, et fuge in Ægýptum, et esto ibi, usque dum dicam tibi. Futúrum est enim, ut Heródes quærat Púerum ad perdéndum eum. Qui consúrgens accépit Púerum et Matrem eius nocte, et secéssit in Ægýptum : et erat ibi usque ad óbitum Heródis : ut adimplerétur quod dictum est a Dómino per Prophétam dicéntem : Ex Ægýpto vocávi Fílium meum. Tunc Heródes videns, quóniam illúsus esset a Magis, irátus est valde, et mittens occídit omnes púeros, qui erant in Béthlehem et in ómnibus fínibus eius, a bimátu et infra, secúndum tempus, quod exquisíerat a Magis. Tunc adimplétum est, quod dictum est per Ieremíam Prophetam dicéntem : Vox in Rama audíta est, plorátus et ululátus multus : Rachel plorans fílios suos, et nóluit consolári, quia non sunt. | En ce temps là : voici qu’un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph et lui dit : "Lève toi, prends l’enfant et sa mère, fuis en Egypte et restes-y jusqu’à ce que je t’avertisse ; car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr." Et lui se leva, prit l’enfant et sa mère de nuit et se retira en Egypte. Et il y resta jusqu’à la mort d’Hérode, afin que s’accomplît ce qu’avait dit le Seigneur par le prophète : J’ai rappelé mon fils d’Egypte. Alors Hérode, voyant que les mages s’étaient joués de lui, entra dans une grande colère, et il envoya tuer tous les enfants qui étaient à Bethléem et dans tout son territoire, depuis l’âge de deux ans et au-dessous, d’après le temps qu’il connaissait exactement par les mages. Alors fut accompli l’oracle du prophète Jérémie disant : Une voix a été entendue en Rama, des plaintes et des cris lamentables : Rachel pleure ses enfants ; et elle n’a pas voulu être consolée, parce qu’ils ne sont plus. |
Credo, ratione Octavæ Nativitatis. | Credo, à cause de l’Octave de la Nativité. |
Ant. ad Offertorium. Ps. 123, 7. | Offertoire |
Anima nostra, sicut passer, erépta est de láqueo venántium : láqueus contrítus est, et nos liberáti sumus. | Notre âme s’est échappée comme un passereau du filet des chasseurs. Le filet a été brisé et nous avons été délivrés. |
Secreta. | Secrète |
Sanctórum tuórum, Dómine, nobis pia non desit orátio : quæ et múnera nostra concíliet, et tuam nobis indulgéntiam semper obtíneat. Per Dóminum. | Seigneur, que la pieuse intercession de vos Saints ne nous fasse point défaut, qu’elle vous rende nos dons agréables et qu’elle nous obtienne sans cesse votre miséricorde. |
Pro Octava Nativitatis. Secreta. | Commémoraison de l’Octave de la Nativité. Secrète. |
Oblata, Dómine, múnera, nova Unigéniti tui Nativitáte sanctífica : nosque a peccatórum nostrorum máculis emúnda. Per eúndem Dóminum nostrum. | Sanctifiez ces offrandes, Seigneur, par la nouvelle naissance de votre Fils unique, et purifiez-nous des souillures de nos péchés. |
Præfatio de Nativitate Domini. | Préface de la Nativité . |
¶ Infra actionem : Communicántes et diem sacratíssimum celebrántes. | ¶ Pendant le canon : Unis dans une même communion et célébrant le jour très saint [**]. |
Ant. ad Communionem. Matth. 2, 18. | Communion |
Vox in Rama audíta est, plorátus, et ululátus : Rachel plorans fílios suos, et nóluit consolári, quia non sunt. | Une voix a été entendue en Rama, des plaintes et des cris lamentables : Rachel pleure ses enfants ; et elle n’a pas voulu être consolée, parce qu’ils ne sont plus. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Votíva, Dómine, dona percépimus : quæ Sanctórum nobis précibus, et præséntis, quǽsumus, vitæ páriter et ætérnæ tríbue conférre subsídium. Per Dóminum. | Nous avons reçu, Seigneur, les dons que vous nous avions présentés ; nous vous en supplions, daignez nous accorder, grâce aux prières de vos saints, votre assistance pour la vie présente ainsi que pour la vie éternelle. |
Pro Octava Nativitatis. Postcommunio. | Commémoraison de l’Octave de la Nativité. Postcommunion. |
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut natus hódie Salvátor mundi, sicut divínæ nobis generatiónis est auctor ; ita et immortalitátis sit ipse largítor : Qui tecum vivit et regnat. | Dieu tout puissant, le Sauveur du monde, qui est né aujourd’hui, nous a fait naître à la vie divine. Faites, nous vous en prions, qu’il nous accorde aussi le don de l’immortalité. |
Ante 1955 | Rubrique avant 1955 |
¶ Infra Octavam Ss. Innocentium nihil fit de ea ; sed si die 2 vel 3 ianuarii celebretur Missa votiva de iisdem Ss. Innocentibus, in ea dicitur Glória in excélsis. | ¶ Pendant l’Octave des Sts Innocents, on ne fait rien de lui ; mais si le 2 ou le 3 janvier, on célèbre une Messe votive des mêmes Sts Innocents, on y dit le Glória in excélsis. |
AUX PREMIÈRES VÊPRES. avant 1960
Ant.au Magnificat Ce sont ceux qui ne se sont pas souillés avec les femmes, car ils sont vierges, et ils suivent l’Agneau partout où il va.
V/. Hérode irrité fit tuer beaucoup d’enfants.
R/. En Bethléem de Juda, cité de David.
A MATINES. avant 1960
Hymnus | Hymne |
Audit tyránnus ánxius
Adésse regum Príncipem, Qui nomen Israël regat, Teneátque David régiam. | L’inquiet tyran vient d’apprendre
la naissance du Roi des rois, de celui qui doit régir Israël, et occuper le trône de David. |
Exclámat amens núntio :
Succéssor instat, péllimur : Satélles, i, ferrum rape, Perfúnde cunas sánguine. | A cette nouvelle, il s’écrie tout éperdu :
« Un compétiteur s’approche et va vous détrôner ; allez, satellites, prenez le fer, inondez de sang les berceaux. » |
Quid próficit tantum nefas ?
Quid crimen Heródem juvat ? Unus tot inter fúnera Impúne Christus tóllitur. | A quoi sert un tel forfait ?
Quelle est pour Hérode l’utilité de ce crime ? Seul, le Christ échappe à ce grand carnage et il se trouve en sûreté. |
Iesu, tibi sit glória,
Qui natus es de Vírgine, Cum Patre et almo Spíritu, In sempitérna sæcula. Amen. | Gloire à vous, ô Jésus,
qui êtes né de la Vierge ; gloire au Père, et à l’Esprit divin, dans les siècles éternels. Ainsi soit-il. |
Au premier nocturne.
Du prophète Jérémie. Cap. 31, 15-23.
Première leçon. Voici ce que dit le Seigneur : Une voix a été entendue sur une hauteur, (voix) de lamentation, de deuil et de pleur, la voix de Rachel déplorant (la perte de) ses enfants, et ne voulant pas en être consolée, parce qu’ils ne sont plus. Voici ce que dit le Seigneur : Que ta voix cesse ses gémissements, et tes yeux leurs larmes ; parce qu’il est une récompense à tes œuvres, dit le Seigneur, et ils reviendront de la terre de l’ennemi [1]. Et il est un espoir pour tes derniers moments, dit le Seigneur, et tes fils reviendront dans tes confins.
R/. Les cent quarante-quatre mille qui ont été achetés de la terre : ce sont ceux qui ne se sont pas souillés avec les femmes : * ls sont demeurés vierges, c’est pourquoi ils règnent avec Dieu, et l’Agneau de Dieu avec eux. V/. Ce sont ceux qui sont venus de la grande tribulation, et qui ont lavé leurs robes dans le sang de l’Agneau. * Ils.
Deuxième leçon. Entendant, j’ai entendu Éphraïm dans sa transmigration : Vous m’avez châtié et j’ai été instruit, comme un jeune taureau indompté ; convertissez-moi et je serai converti, parce que vous êtes le Seigneur mon Dieu. Car, après que vous m’avez converti, j’ai fait pénitence, et après que vous m’avez montré (mon état), j’ai frappé ma cuisse. J’ai été confondu, et j’ai rougi, parce que j’ai supporté l’opprobre de ma jeunesse. Est-ce qu’il n’est pas un fils honorable pour moi, Éphraïm, n’est-il pas un enfant de délices ? parce que, depuis que j’ai parlé de lui, je me souviendrai encore de lui [2]. 1. _ R/. Sous l’autel de Dieu [3], j’entendis la voix de ceux qui avaient été tués, disant : * Seigneur, pourquoi ne défendez-vous pas notre sang ? Et ils reçurent une divine réponse : Attendez encore un peu de temps, jusqu’à ce que soit accompli le nombre de vos frères. V/. Je vis sous l’autel de Dieu les âmes de ceux qui avaient été tués pour le Verbe de Dieu, et pour le témoignage qu’ils avaient (à rendre) ; et ils criaient d’une voix forte, disant. * Seigneur.
2. Troisième leçon. Établis-toi un lieu d’observation, abandonne-toi à l’amertume [4], dirige ton cœur vers la voie droite, dans laquelle tu as marché : retourne, vierge d’Israël, retourne vers ces cités tiennes. Jusques à quand seras-tu énervée par les délices, fille vagabonde ? parce que le Seigneur a créé un nouveau prodige sur la terre : Une femme environnera un homme [5]. Voici ce que dit le Seigneur, Dieu d’Israël : Ils diront encore cette parole dans la terre de Juda et dans ses villes, lorsque j’aurai ramené leurs captifs : Que le Seigneur te bénisse, beauté de justice, montagne sainte.
R/. Ils adorèrent celui qui vit dans les siècles des siècles. * Jetant leurs couronnes devant le trôné du Seigneur leur Dieu. V/. Et en présence du trône, ils tombèrent sur leurs faces, et ils bénirent celui qui vit dans les siècles des siècles. * Jetant. Gloire au Père. * Jetant.
Au deuxième nocturne.
Sermon de saint Augustin, Évêque.
Quatrième leçon. Nous célébrons aujourd’hui, mes très chers frères, la fête de ces enfants que l’Évangile nous dit avoir été tués par l’ordre du cruel roi Hérode. Que la terre se livre donc aux transports de la joie, elle qui est la mère féconde de ces célestes soldats et qui enfante de tels prodiges. Certes, ce tyran impie n’aurait jamais pu être aussi utile à ces bienheureux enfants par son affection, qu’il leur a été utile par sa haine. Car, comme le manifeste la sainte solennité de ce jour, autant l’iniquité a abondé contre ces bienheureux enfants, autant se sont répandues sur eux les grâces et les bénédictions célestes.
R/. Ils ont répandu autour de Jérusalem le sang des Saints, comme de l’eau. * Et il n’y avait personne qui les ensevelît. V/. Ils ont donné les restes mortels de vos serviteurs en nourriture aux oiseaux du ciel, et la chair de vos Saints aux bêtes de la terre. * Et.
Cinquième leçon. Tu es heureuse, ô Bethléem, terre de Juda, toi qui as subi la cruauté du roi Hérode dans le meurtre de tes fils, car tu as en même temps mérité d’offrir à Dieu une blanche multitude de paisibles enfants. C’est avec raison que nous célébrons la fête de ces Martyrs. Le monde, en les faisant naître à la vie éternelle, les a rendus plus heureux que n’avaient fait leurs mères en les enfantant pour la terre ; puisqu’ils ont été trouvés dignes d’une vie sans fin, presque avant d’avoir pu faire usage de la vie présente.
R/. Seigneur, ceux-ci sont des Saints qui ont souffert pour vous : vengez-les. * Car ils crient vers vous tous les jours. V/. Vengez, Seigneur, le sang de vos Saints, qui a été répandu. * Car.
Sixième leçon. Les autres Martyrs ont eu une mort précieuse : leur gloire est dans la confession du nom de Jésus-Christ ; mais la gloire de ceux-ci est dans la consommation même de leur vie. Car, dès les prémices de leur jeune existence, la mort qui a mis fin à leur vie présente, leur a valu d’entrer aussitôt en possession de la gloire. Ceux que l’impiété d’Hérode a arrachés du sein de leurs mères les allaitant encore, sont appelés à juste titre les fleurs des Martyrs : fleurs écloses au milieu du froid de l’infidélité, premiers tendres bourgeons de l’Église, que le frimas de la persécution est venu dessécher.
R/. Ce sont ceux qui n’ont pas souillé leurs vêtements : * Ils marcheront avec moi, vêtus de blanc, parce qu’ils en sont dignes V/. Ce sont ceux qui ne se sont point souillés avec les femmes : car ils sont vierges. * Ils. Gloire au Père. * Ils.
Au troisième nocturne.
A la place de l’antienne du Commun des Martyrs, on dit : _Ant. 8 Ce sont ceux-ci qui sont venus * de la grande tribulation, et ont lavé leurs robes dans le sang de l’Agneau.
Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu.
En ce temps-là : Voici qu’un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph et lui dit : "Lève toi, prends l’enfant et sa mère, fuis en Égypte et restes-y jusqu’à ce que je t’avertisse. Et le reste.
Homélie de saint Jérôme, Prêtre.
Septième leçon. Quand il prit l’enfant et sa mère pour passer en Égypte, c’était pendant la nuit et dans les ténèbres, car il laissa dans la nuit de l’ignorance les incrédules dont il s’éloigna ; mais quand il revient dans la Judée, il n’est question dans l’Évangile ni de nuit, ni de ténèbres : parce qu’à la fin du monde, les Juifs, recevant la foi figurée par le Christ revenant d’Égypte, seront dans la lumière.
R/. Ces Saints chantaient un cantique nouveau devant le trône de Dieu et de l’Agneau : * Et la terre retentissait de leurs voix. V/. Ceux ci ont été achetés d’entre les hommes pour être les prémices offertes à Dieu et à l’Agneau ; et le mensonge ne s’est point trouvé dans leur bouche. * Et.
Huitième leçon. Afin que fût accomplie cette parole, que le Seigneur a dite par un Prophète : « J’ai rappelé mon Fils de l’Égypte. » Que ceux qui nient la vérité des livres hébreux, disent en quel endroit de la version des Septante, on lit cela ; mais comme ils ne l’y trouveront pas, nous leur dirons que cela est écrit dans le Prophète Osée, comme nous l’attestent les exemplaires que nous avons tout récemment publiés.
Répons avant 1960 R/. Je vis, sous l’autel de Dieu, les âmes de ceux qui ont été tués à cause de la parole de Dieu qu’ils avaient ; et ils disaient à haute voix : * Vengez, Seigneur, le sang de vos Saints qui a été répandu. V/. Sous le trône de Dieu tous les Saints s’écriaient. * Vengez, Seigneur.
Répons après 1960 R/. Je vis, sous l’autel de Dieu, les âmes de ceux qui ont été tués à cause de la parole de Dieu qu’ils avaient ; et ils disaient à haute voix : * Vengez, Seigneur, le sang de vos Saints qui a été répandu. V/. Sous le trône de Dieu tous les Saints s’écriaient. * Vengez, Seigneur. Gloire au Père. * Vengez, Seigneur.
Neuvième leçon. Ce.fut alors que s’accomplit la parole du Prophète Jérémie, disant : « Une voix a été entendue dans Rama, des pleurs et des cris déchirants répétés, c’était Rachel, pleurant ses fils. » De Rachel est né Benjamin, dans la tribu duquel ne se trouve pas Bethléem. On demande donc pourquoi Rachel pleure les enfants de Juda c’est à dire de Bethléem, comme si c’étaient ses propres enfants ? Nous répondrons brièvement que Rachel fut ensevelie près de Bethléem, en Ephrata ; et que sa sépulture en cet endroit lui a fait donner le nom de mère de Bethléem et de ses habitants. Ou bien encore, c’est parce que Juda et Benjamin étaient deux tribus limitrophes ; et qu’Hérode avait ordonné de tuer les enfants, non seulement dans Bethléem, mais encore dans tous les environsl.
Répons avant 1960 R/. Ceux-ci, qui sont revêtus de robes blanches, qui sont-ils. Et d’où sont-ils venus ? Et l’on me dit : * Ce sont ceux qui sont venus ici à travers la grande tribulation ; ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau. V/. Je vis, sous l’autel de Dieu, les âmes de ceux qui avaient été tués pour le Verbe de Dieu et pour le témoignage qu’ils avaient à rendre. * Ce. Gloire au Père. * Ce.
Après 1960, on dit le Te Deum, sans le répons
A LAUDES
Ant. 1 Hérode, irrité, * fit tuer beaucoup d’enfants dans Bethléem de Juda, cité de David.
Ant. 2 Hérode * fit tuer beaucoup d’enfants, de deux ans et au-dessous, à cause du Seigneur.
Ant. 3 Leurs Anges * voient sans cesse la face du Père.
Ant. 4 Dans Rama, une voix * a été entendue, des pleurs et des gémissements : c’était Rachel, pleurant ses fils.
Ant. 5 Sous le trône de Dieu *, tous ces Saints s’écrient : Vengez notre sang, ô notre Dieu.
Capitule. Je vis l’Agneau, debout sur la montagne de Sion et avec lui cent quarante-quatre mille, qui avaient son nom et le nom de son Père écrits sur leurs fronts.
Hymnus | Hymne |
Salvéte, flores Mártyrum,
Quos lucis ipso in límine Christi insecútor sústulit, Ceu turbo nascéntes rosas. | Salut, ô fleurs des Martyrs !
vous que, sur le seuil même de la vie, le persécuteur du Christ a moissonnées, comme un tourbillon enlève des rosés naissantes |
Vos prima Christi víctima,
Grex immolatórum tener, Aram sub ipsam símplices Palma et corónis lúditis. | Vous êtes les premières victimes du Christ,
tendre troupeau d’enfants immolés ; vous jouez innocemment sous l’autel même, avec vos palmes et vos couronnes. |
Iesu, tibi sit glória,
Qui natus es de Vírgine, Cum Patre et almo Spíritu, In sempitérna sæcula. Amen. | A vous soit la gloire, ô Jésus,
qui êtes né de la Vierge ; ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, dans les siècles éternels ! Ainsi soit-il. |
V/. Hérode, irrité, fit tuer beaucoup d’enfants.
R/. En Bethléem de Juda, cité de David.
Ant. au Bénédictus Ce sont ceux-ci *qui ne se sont pas souillés avec les femmes ; car ils sont vierges, et ils suivent l’Agneau partout où il va [6].
AUX DEUXIÈMES VÊPRES.
V/. Sous le trône de Dieu, tous ces Saints s’écrient.
R/. Vengez, notre sang, ô notre Dieu.
Ant. au Magnificat Pour le Christ, ces innocents * enfants ont été mis à mort ; encore à la mamelle, ils ont été tués par un roi injuste ; ils suivent l’Agneau sans tache lui-même, et disent sans cesse : Gloire à vous, Seigneur.
La fête du Disciple bien-aimé succède la solennité des saints Innocents ; et le berceau de l’Emmanuel, auprès duquel nous avons vénéré le Prince des Martyrs et l’Aigle de Pathmos, nous apparaît aujourd’hui environné d’une troupe gracieuse de petits enfants, vêtus de robes blanches comme la neige, et tenant en main des palmes verdoyantes. Le divin Enfant leur sourit ; il est leur Roi, et toute cette petite cour sourit aussi à l’Église de Dieu. La force et la fidélité nous ont introduits auprès du Rédempteur ; l’innocence aujourd’hui nous convie à rester près de la crèche.
Hérode a voulu envelopper le Fils de Dieu même dans un immense massacre d’enfants ; Bethléhem a entendu les lamentations des mères ; le sang des nouveau-nés a inondé toute la contrée ; mais tous ces efforts de la tyrannie n’ont pu atteindre l’Emmanuel ; ils n’ont fait que préparer pour l’armée du ciel une nombreuse recrue de Martyrs. Ces enfants ont eu l’insigne honneur d’être immolés pour le Sauveur du monde ; mais le moment qui a suivi leur immolation leur a révélé tout à coup des joies futures et prochaines, bien au-dessus de celles d’un monde qu’ils ont traversé sans le connaître. Le Dieu riche en miséricordes n’a pas demandé d’eux autre chose qu’une souffrance de quelques instants ; et ils se sont réveillés au sein d’Abraham, francs et libres de toute autre épreuve, purs de toute souillure mondaine, appelés au triomphe comme le guerrier qui a donné sa vie pour sauver celle de son chef.
Leur mort est donc un Martyre, et c’est pourquoi l’Église les honore du beau nom de Fleurs des Martyrs, à cause de leur âge tendre et de leur innocence. Ils ont donc droit de figurer aujourd’hui sur le Cycle, à la suite des deux vaillants champions du Christ que nous avons célébrés. Saint Bernard, dans son Sermon sur cette fête, explique admirablement l’enchaînement de ces trois solennités : « Nous avons, dit-il, dans le bienheureux Étienne, l’œuvre et la volonté du Martyre ; dans le bienheureux Jean, nous remarquons seulement la volonté du Martyre ; et dans les bienheureux Innocents, l’œuvre seule du Martyre. Mais qui doutera, néanmoins, de la couronne obtenue par ces enfants ? Demanderez-vous où sont leurs mérites pour cette couronne ? Demandez plutôt à Hérode le crime qu’ils ont commis pour être ainsi moissonnés ? La bonté du Christ sera-t-elle vaincue par la cruauté d’Hérode ? Ce roi impie a pu mettre à mort des enfants innocents ; et le Christ ne pourrait couronner ceux qui ne sont morts qu’à cause de lui ?
« Étienne aura donc été Martyr aux yeux des hommes qui ont été témoins de sa Passion subie volontairement, jusque-là qu’il priait pour ses persécuteurs, se montrant plus sensible à leur crime qu’à ses propres blessures. Jean aura donc été Martyr aux yeux des Anges qui, étant créatures spirituelles, ont vu les dispositions de son âme. Certes, ceux-là aussi auront été vos Martyrs, ô Dieu ! dans lesquels ni l’homme, ni l’Ange n’ont pu, il est vrai, découvrir de mérite, mais que la faveur singulière de votre grâce s’est chargée d’enrichir. C’est de la bouche des nouveau-nés et des enfants à la mamelle que vous vous êtes plu à faire sortir votre louange. Quelle est cette louange ? Les Anges ont chanté : Gloire à Dieu, au plus haut des deux ; et, sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté ! C’est là, sans doute, une louange sublime ; mais elle ne sera complète que lorsque Celui qui doit venir aura dit : Laissez venir à moi les petits enfants ; car le Royaume des deux est à ceux qui leur ressemblent ; paix aux hommes, même à ceux qui n’ont pas l’usage de leur volonté : tel est le mystère de ma miséricorde. »
Dieu a daigné faire pour les Innocents immolés à cause de son Fils ce qu’il fait tous les jours par le sacrement de la régénération, si souvent appliqué à des enfants que la mort enlève dès les premières heures de la vie ; et nous, baptisés dans l’eau, nous devons rendre gloire à ces nouveau-nés, baptisés dans leur sang, et associés à tous les mystères de l’enfance de Jésus-Christ. Nous devons aussi les féliciter, avec l’Église, de l’innocence que cette mort glorieuse et prématurée leur a conservée. Purifiés d’abord parie rite sacré qui, avant l’institution du Baptême, enlevait la tache originelle, visités antérieurement par une grâce spéciale qui les prépara à l’immolation glorieuse pour laquelle ils étaient destinés, ils ont habité cette terre, et ils ne s’y sont point souillés. Que la société de ces tendres agneaux soit donc à jamais avec l’Agneau sans tache ! et que ce monde, vieilli dans le péché, mérite miséricorde en s’associant, par ses acclamations, au triomphe de ces élus de la terre qui, semblables à la colombe de l’arche, n’y ont pas trouvé où poser leurs pieds !
Néanmoins, dans cette allégresse du ciel et de la ferre, la sainte Église Romaine ne perd pas de vue la désolation des mères qui virent ainsi arracher de leur sein, et immoler par le glaive des soldats ces gages chéris de leur tendresse. Elle a recueilli le cri de Rachel, et ne cherche point à la consoler, si c n’est en compatissant à son affliction. Pour honorer cette maternelle douleur, elle consent à suspendre aujourd’hui une partie des manifestations de la joie qui inonde son cœur durant cette Octave du Christ naissant. Elle n’ose revêtir dans ses vêtements sacrés la couleur de pourpre des Martyrs, pour ne pas rappeler trop vivement ce sang qui jaillit jusque sur le sein des mères ; elle s’interdit même la couleur blanche, qui marque l’allégresse et va mal à de si poignantes douleurs. Elle revêt la couleur violette, qui est celle du deuil et des regrets. Aujourd’hui même, si la fête ne tombe pas le Dimanche, elle va jusqu’à suspendre le chant du Gloria in excelsis, qui pourtant lui est si cher en ces jours où les Anges l’ont entonné sur la terre ; elle renonce au joyeux Alleluia, dans la célébration du Sacrifice ; enfin elle se montre, comme toujours, inspirée par cette délicatesse sublime et chrétienne dont la sainte Liturgie est une si merveilleuse école.
Mais, après cet hommage rendu à la tendresse maternelle de Rachel, et qui répand sur tout l’Office des saints Innocents une touchante mélancolie, elle ne perd pas de vue la gloire dont jouissent ces bienheureux enfants ; et elle consacre à leur solennelle mémoire une Octave entière, comme elle l’a fait pour saint Étienne et pour saint Jean. Dans ses Cathédrales et ses Collégiales, elle honore aussi, en ce jour, les enfants qu’elle appelle à joindre leurs voix innocentes à celles des prêtres et des autres ministres sacrés. Elle leur accorde de gracieuses distinctions, jusque dans le chœur même ; elle jouit de l’allégresse naïve de ces jeunes coopérateurs qu’elle emploie à rehausser ses pompes mystérieuses ; en eux, elle rend gloire au Christ Enfant, et à l’innocente cohorte des tendres rejetons de Rachel. A Rome, la Station qui, le jour de saint Étienne, s’est tenue dans l’Église de ce premier des Martyrs, sur le Mont Cœlius, et le jour de saint Jean, dans la Basilique de Saint-Jean-de-Latran, où le Disciple bien-aimé partage les honneurs de Jean le Précurseur, a lieu aujourd’hui dans la Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs, dont le trésor se glorifie de posséder plusieurs des corps des saints Innocents. Au XVIe siècle ; Sixte-Quint en enleva une partie, pour les placer dans la Basilique de Sainte-Marie-Majeure, près de la Crèche du Sauveur.
A LA MESSE.
La sainte Église exalte la sagesse de Dieu, qui a su déjouer les calculs de la politique d’Hérode, et tirer sa gloire de la cruelle immolation des enfants de Bethléhem, en les élevant à la dignité de Martyrs du Christ, dont ils célèbrent les grandeurs dans une reconnaissance éternelle.
Dans la Collecte, l’Église demande que ses fidèles confessent à leur tour la foi de Jésus-Christ par leurs œuvres. Autre est le témoignage des enfants qui ne parlent qu’en souffrant ; autre est le témoignage du chrétien parvenu à l’âge de raison, et auquel la foi a été donnée pour qu’il la confesse, devant les tyrans s’il s’en élève, mais toujours devant le monde et les passions. Nul n’a été appelé au divin caractère du chrétien pour en garderie secret.
ÉPÎTRE.
Par le choix de ce passage mystérieux de l’Apocalypse, l’Église nous montre l’estime qu’elle fait de l’innocence, et l’idée que nous en devons avoir. Les Innocents suivent l’Agneau , parce qu’ils sont purs. Leurs œuvres personnelles sur la terre n’ont pas frappé les regards, mais ils ont traversé rapidement la voie de ce monde, sans avoir été atteints de ses souillures. Moins éprouvée que celle de Jean, leur pureté, empourprée de leur sang, n’en a pas moins attiré les regards de l’Agneau ; et ils lui sont donnés pour compagnie. Que le chrétien donc soupire après cette innocence qui mérite de si hautes distinctions. S’il l’a conservée, qu’il la garde et la défende avec la jalousie qu’on met à veiller sur un trésor ; s’il l’a perdue, qu’il la répare par les labeurs de la pénitence ; et quand il l’aura recouvrée, qu’il réalise la parole du Maître qui a dit : « Celui qui a été lavé est pur désormais. » [7].
Dans le Graduel, les Innocents bénissent le Seigneur qui a brisé pour eux le filet dans lequel le monde les voulait tenir captifs. Comme le passereau ils se sont envolés ; et leur vol rapide, que rien n’appesantissait, les a portés jusqu’au ciel.
Le Trait exhale l’indignation de Rachel sur la cruauté d’Hérode et de ses soldats. Il appelle la vengeance céleste qui ne manqua pas d’éclater contre cette ignoble famille de tyrans.
Si la fête des saints Innocents tombe le Dimanche, pour adoucir un peu la tristesse de ses chants, l’Église reprend l’Alleluia.
ÉVANGILE.
Le saint Évangile raconte avec sa sublime simplicité le Martyre des Innocents. Hérode envoya tuer tous les enfants. Cette riche moisson pour le ciel fut coupée, et la terre ne s’en émut pas. Les lamentations de Rachel montèrent seules jusqu’au ciel, et bientôt le silence se fit dans Bethléhem. Mais les heureuses victimes n’en étaient pas moins enlevées par le Seigneur, pour former la cour de son Fils. Jésus, du fond de son berceau, les contemplait et les bénissait ; Marie compatissait à leurs courtes souffrances, et à la douleur des mères ; l’Église qui allait bientôt naître devait glorifier, dans tous les siècles, cette immolation de tendres agneaux, et fonder les plus grandes espérances sur le patronage de ces enfants devenus tout d’un coup si puissants sur le cœur de son céleste Époux.
Pendant l’Offrande, la voix des Innocents se fait encore entendre ; ils répètent leur touchant Cantique ; simples passereaux, rendus à la liberté, ils remercient la main qui a brisé le lacs où ils pouvaient périr.
Dans l’Antienne de la Communion, on entend retentir encore la voix de Rachel. L’Église, nourrie du divin mystère de charité, n’a garde d’oublier la désolation des mères. Elle y compatit jusqu’à la fin ; mais, au fond de son cœur, elle s’élève jusqu’à celui qui peut seul consoler de telles douleurs.
A VÊPRES.
On chante d’abord, comme aux Fêtes de saint Étienne et de saint Jean, les Antiennes et les Psaumes de Noël ; après quoi l’Office des saints Innocents reprend son cours.
Nous écouterons maintenant les diverses Églises célébrant le triomphe des saints Innocents, dans des chants pleins de mélodie et de mystères. L’Église de Milan, dans son Missel Ambrosien, nous fournira d’abord cette belle Préface qui se trouve aussi au Sacramentaire Léonien.
PRÉFACE.
C’est une chose digne et juste, équitable et salutaire, de vous rendre gloire, Père tout-puissant, dans la mort précieuse des enfants que la barbarie farouche du cruel Hérode a massacrés, à l’occasion de l’enfance de notre Seigneur et Sauveur votre Fils ; car vous nous y avez manifesté l’immensité des dons de votre clémence. En effet, votre grâce brille en eux plus que leur volonté ; et leur confession éclate déjà quand leur bouche n’a pas parlé encore ; leur Passion précède le développement des membres dans lesquels ils l’ont soufferte ; ils rendent témoignage au Christ, avant même de l’avoir reconnu. O bénignité infinie, qui ne veut pas frustrer du mérite de la gloire ceux qui, pour son Nom, furent immolés, et qui ne le surent pas : en sorte que, par l’effusion de leur sang, le salut de la régénération leur est octroyé, et en même temps, leur est imputée la couronne du martyre !
Le Missel Mozarabe nous donnera la pièce suivante, pleine d’onction et d’éloquence :
IMMOLATIO MISSAE.
C’est une chose digne et juste, oui vraiment digne et juste, que nous vous rendions grâces toujours et en tous lieux, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, principalement pour ceux dont nous célébrons aujourd’hui la Passion dans une solennité annuelle. Ce sont ceux que le satellite d’Hérode a arrachés des mamelles des mères qui les allaitaient. Ils sont appelés à bon droit fleurs des Martyrs, ceux qui, au milieu du froid de l’infidélité, ont éclaté comme les premières perles de l’Église, et sont tombés sous le vent glacé de la persécution ; dont le sang a coulé comme une source, dans la cité de Bethléhem. Ils sont enfants, car l’âge leur refusait la parole ; cependant ils firent entendre avec joie la louange du Seigneur. Ils prêchent, immolés, Celui que vivants ils ne pouvaient annoncer. Ils parlent par leur sang, quand leur langue se tait encore ; et le martyre initie à la louange ceux dont la bouche ne pouvait encore parler. Le Christ enfant envoie au ciel, avant lui, des enfants ; il transmet à son Père des gages nouveaux ; il lui consacre, pour prémices, un premier martyre d’enfants, accompli par le forfait d’Hérode. L’ennemi rend service à leurs corps, au moment même où il les immole : il les égorge, et la vie sort de cette mort ; en tombant, ils ressuscitent ; leur victoire se prouve par leur trépas.
Nous devons au Vénérable Bède la touchante et mélodieuse Hymne qui suit :
L’Église Grecque est abondante, comme toujours, sur la louange des saints Innocents. Nous allons extraire quelques strophes de ses Ménées.
Dans cet accord sublime de toutes les Liturgies, nous admettrons celles du moyen âge des Églises Latines, en insérant cette Séquence, composition du XI° siècle, qui se trouve dans la plupart de nos anciens Missels Romains-Français.
Et nous aussi, bienheureux Enfants, nous rendons hommage à votre triomphe, et nous vous félicitons d’avoir été choisis pour les compagnons du Christ au berceau. Quel glorieux réveil a été le vôtre, lorsqu’après avoir passé par le glaive, vous avez connu que bientôt la lumière éblouissante de la vie éternelle allait être votre partage ! Quelle reconnaissance vous avez témoignée au Seigneur qui vous choisissait ainsi, entre tant de milliers d’autres enfants, pour honorer par votre immolation le berceau de son Fils ! La couronne a ceint votre front avant le combat ; la palme est venue d’elle-même se poser dans vos faibles mains, avant que vous eussiez pu faire un effort pour la cueillir : c’est ainsi que le Seigneur s’est montré plein de munificence, et nous a fait voir qu’il est maître de ses dons. N’était-il pas juste que la Naissance du Fils de ce souverain Roi fût marquée par quelque magnifique largesse ? Nous n’en sommes point jaloux, ô Martyrs innocents ! Nous glorifions le Seigneur qui vous a choisis, et nous applaudissons avec toute l’Église à votre inénarrable félicité.
O fleurs des Martyrs ! Permettez que nous mettions en vous notre confiance, et que nous osions vous supplier, par la récompense gratuite qui vous a été octroyée, de n’oublier pas vos frères qui combattent au milieu des hasards de ce monde de péché. Ces palmes et ces couronnes, dans lesquelles se joue votre innocence, nous les désirons aussi. Nous travaillons rudement à nous les assurer, et souvent nous nous sentons au moment de les perdre pour jamais. Le Dieu qui vous a glorifiés est aussi notre fin ; en lui seul aussi nous trouverons le repos ; priez, afin que nous arrivions jusqu’à lui.
Demandez pour nous la simplicité, l’enfance du cœur, cette naïve confiance en Dieu qui va jusqu’au bout dans l’accomplissement de ses volontés. Obtenez que nous supportions avec calme sa croix, quand il nous l’envoie ; que nous ne désirions que son bon plaisir. Au milieu du sanglant tumulte qui vint rompre votre sommeil, votre bouche enfantine souriait aux bourreaux ; vos mains semblaient se jouer avec ce glaive qui devait percer votre cœur ; vous étiez gracieux en face de la mort. Obtenez que nous aussi, nous soyons doux envers la tribulation, quand le Seigneur nous l’envoie. Qu’elle soit pour nous un martyre par la tranquillité de notre courage, par l’union de notre volonté avec celle du Maître souverain, qui n’éprouve que pour récompenser. Que les instruments dont il se sert ne nous soient point odieux ; que la charité ne s’éteigne point dans notre cœur ; et que rien n’altère cette paix sans laquelle l’âme du chrétien ne saurait plaire à Dieu.
Enfin, ô tendres agneaux immolés pour Jésus, vous qui le suivez partout où il va, parce que vous êtes purs, donnez-nous d’approcher de l’Agneau céleste qui vous conduit. Etablissez-nous en Bethléhem avec vous ; que nous ne sortions plus de ce séjour d’amour et d’innocence. Présentez-nous à Marie, votre Mère, plus tendre encore que Rachel ; dites-lui que nous sommes ses enfants, que nous sommes vos frères ; et comme elle a compati à vos douleurs d’un instant, qu’elle daigne avoir pitié de nos longues misères.
En cette quatrième journée de la Naissance du Rédempteur, visitons l’Étable, et adorons notre Emmanuel. Considérons cette miséricorde qui Fa porté à se faire enfant pour se rapprocher de nous, et soyons dans l’étonnement de voir un Dieu si près de sa créature. « Celui, dit le pieux Abbé Guerric dans son cinquième Sermon sur la Nativité du Christ, Celui qui est insaisissable même pour la subtile intelligence des Anges, a daigné se rendre palpable aux sens1 grossiers de l’homme. Dieu ne pouvait nous parler comme à des êtres spirituels, charnels que nous sommes ; son Verbe s’est fait chair, afin que toute chair pût non seulement l’entendre, mais même le voir ; le monde n’ayant pu connaître la Sagesse de Dieu, cette Sagesse a daigné se faire a folie. Seigneur du ciel et de la terre, vous avez donc caché votre sagesse aux sages et aux prudents du monde, pour la révéler aux petits. Les hauteurs de l’orgueil ont horreur de l’humilité de cet Enfant ; mais ce qui est haut aux yeux des hommes, est abominable devant Dieu. Cet Enfant ne se plaît qu’avec les enfants ; il ne se repose qu’avec les humbles et les cœurs paisibles. Que les petits se glorifient donc en lui, et qu’ils chantent : Un petit Enfant nous est né ; comme lui, de son côté, se félicite, disant par Isaie : Me voici, moi et mes enfants que le Seigneur m’a donnés. En effet, pour lui fournir une compagnie en rapport avec son âge, le Père a voulu que la gloire des Martyrs commençât par l’innocence des enfants : l’Esprit-Saint voulant montrer par là que le royaume des cieux n’est que pour ceux qui leur ressemblent. »
Honorons cette enfance de notre grand Roi, en lui consacrant aujourd’hui l’Hymne gracieuse et touchante qu’un des plus hauts génies de l’Église primitive, Clément d’Alexandrie, a offerte au Christ, Roi des enfants.
HYMNE. Frein des jeunes coursiers indomptés, aile des oiseaux qui point ne s’égarent, gouvernail assuré de l’enfance, pasteur des agneaux du Roi, tes simples enfants, rassemble-les, pour louer saintement, chanter avec candeur, d’une bouche innocente, le chef des enfants, le Christ. O Roi des Saints ! Verbe, triomphateur suprême, dispensateur de la sapience du Père, du Très-Haut ; toi, l’appui dans les peines, heureux de toute éternité, Sauveur de la race mortelle, Jésus ! Pasteur, agriculteur, frein, gouvernail, aile céleste du très saint troupeau ; pêcheur des hommes rachetés, amorçant à l’éternelle vie l’innocent poisson, arraché à l’onde ennemie de la mer du vice. Sois leur guide, ô pasteur des brebis spirituelles ! ô Saint, sois leur guide, Roi des enfants sans tache ! les vestiges du Christ sont la voie du ciel. Parole incessante, éternité sans bornes, lumière sans fin, source de miséricorde, auteur de toute vertu, vie irréprochable de ceux qui louent Dieu. O Christ ! ô Jésus ! nous qui, de nos tendres bouches, suçons le lait céleste exprimé des douces mamelles de ta sagesse, la grâce des grâces ; petits enfants abreuvés de la rosée de l’esprit qui découle de ta parole nourrissante, chantons ensemble des louanges ingénues, des hymnes sincères à Jésus-Christ Roi. Chantons les saintes récompenses de la doctrine de vie. Chantons avec simplesse l’Enfant tout-puissant. Choeur pacifique, enfants du Christ, troupe innocente, chantons ensemble le Dieu de la paix.
Saluons aussi Marie, la Mère de cet Enfant divin, avec cette belle Séquence empruntée aux anciens Missels de l’Allemagne.
SÉQUENCE. Glorieuse impératrice, puissante souveraine, de Jésus-Christ noble Mère et fille ; tige de Jessé, pleine de beauté, verge fleurie au vert feuillage, qu’arrose la grâce abondante de la divinité. Un léger souffle du midi t’a réchauffée, et de sa chaleur t’a fécondée ; loin de toi, il a chassé l’Aquilon et sa puissance. Par lui tu as produit la fleur de laquelle est sorti ton fruit, toi qui crus à la parole de Gabriel ton paranymphe. Joseph, le juste, s’étonna en considérant ce mystère, songeant qu’il avait respecté la branche fleurie confiée à sa garde ; néanmoins il garda le secret divin ; sa bouche ne s’ouvrit pas pour le divulguer ; mais il glorifia son épouse, et l’honora comme sa Dame. Les cieux avaient répandu leur rosée ; les nuées, enflées d’une pluie féconde, la versèrent au sein de la Vierge. Chose admirable ! prodige inouï ! Le soleil sortit de l’étoile au jour où la jeune fille, ignorant le lit nuptial, enfanta le grand Roi. Donc, ô Vierge clémente et bénie ! digne de la louange de tous les êtres, recommande-nous à ton Fils. Fais, par tes pieux suffrages, que, délivrés des mortelles entraves qui nous accablent, nous soyons affranchis, et qu’un jour nous soyons transportés dans les célestes palais. Amen.
La station de ce jour, à la basilique de l’Apôtre, s’inspire plutôt du concept très délicat de l’antique liturgie qui célèbre toujours les grandes solennités de ses cycles par quelque station près des tombeaux de saint Pierre et de saint Paul, que de la tradition qui voulait que des reliques des saints Innocents se conservassent en ce magnifique temple. Ainsi en est-il, par exemple, dans les trois semaines précédant le Carême ; ainsi lors des scrutins baptismaux ; ainsi à Pâques, à la Pentecôte. Il devait en être de même pour Noël. Il faut aussi tenir compte du fait que cette station à Saint-Paul en ce jour, après celle du 25 décembre à Saint-Pierre, conserve le dernier souvenir d’une fête très ancienne en l’honneur des deux princes des apôtres, fête que nous attestent plusieurs calendriers et fériaux orientaux du IVe siècle.
Nous ne savons pas à quelle époque Rome accueillit les Innocents dans ses fastes liturgiques. Ils apparaissent déjà en ce jour au calendrier de Carthage (Ve-VIe siècle), et dans les Sacramentaires léonien et gélasien, alors que dans le calendrier syriaque ils sont commémorés le 23 septembre. Il est certain que la fête de Noël a appelé et attiré de bonne heure à elle celle des Innocents massacrés par Hérode, aussi à Rome cette journée était-elle marquée par le deuil et la pénitence. Les Ordines Romani prescrivent que le Pape et ses assistants revêtent les ornements violets, que les diacres et les sous-diacres prennent la paenula processionnelle, et que le Pontife couvre sa tête de la simple mitre de toile blanche. A l’office nocturne on suspendait le chant du Te Deum, à la messe celui du Gloria et de l’Alléluia, sauf le dimanche, et les fidèles s’abstenaient d’aliments gras ou assaisonnés de graisse. Au XVe siècle, la cour pontificale célébrait toutefois la fête de ce jour dans la chapelle papale, où on avait aussi l’habitude de faire un discours de circonstance ; mais, comme le déplorent les Ordines Romani XIV et XV, peu à peu la tradition disparut. De même qu’hier on voulait célébrer l’Évangéliste d’Éphèse dans la basilique de Sicininus, parmi les souvenirs du concile d’Éphèse, de même aujourd’hui, peut-être, a-t-on choisi pour commémorer les pleurs de Rachel sur ses fils, cette basilique dédiée au plus illustre rejeton de la tribu de Benjamin, afin de se retrouver, pour ainsi dire, comme dans la maison des innocentes victimes.
L’antienne de l’introït provient du psaume 8, invoqué précisément par Jésus, lorsque les princes des prêtres lui faisaient reproche d’avoir laissé les petits enfants l’acclamer dans le Temple comme le Messie ; « N’avez-vous pas lu : Des lèvres des enfants et de ceux qui sont à la mamelle vous avez tiré un hymne parfait de louange contre vos ennemis ? » On ajoute à l’antienne le même psaume 8, dont elle est tirée.
Dans la collecte, nous rappelons au Seigneur que les Innocents martyrs proclamèrent aujourd’hui sa gloire plutôt par leur mort que par leurs paroles ; c’est pourquoi nous le prions de déraciner en nous toute passion mauvaise, afin que cette foi, que notre langue confesse, soit aussi manifestée par les œuvres de notre vie. La lecture de l’Apocalypse (XVI, 1-5), où il est parlé de cent quarante-quatre mille vierges, qui chantent dans le ciel l’épithalame de l’Époux-Vierge, a donné lieu, au moyen âge, à une étrange équivoque, comme si ce nombre symbolique, qui désigne en général les douze tribus d’Israël, parmi lesquelles l’Agneau divin cueille ses lis, avait été celui des innocentes victimes de Bethlehem. Quoique le massacre ait été accompli dans toute sa rigueur dans la cité de David et tout son territoire, il est difficile d’admettre qu’il ait pu comprendre un si grand nombre d’enfants. La liturgie n’entre pour rien dans cette équivoque, produite par une interprétation trop matérielle du Texte sacré.
Ensuite vient le magnifique graduel des martyrs, tiré du psaume 123, bien digne vraiment d’appartenir au recueil des cantiques des Degrés. « Notre âme, comme un petit oiseau échappé du piège, s’est sauvée. Le lacet s’est brisé et nous avons été délivrés. Notre secours est dans le nom de Yahweh, qui fit le ciel et la terre. »
Au lieu du verset alléluiatique (« Enfants, louez le Seigneur, louez le nom de Yahweh », psaume 112) qu’on chante seulement quand la fête tombe le dimanche, on récite le psaume (Trait) 78, qui se rapporte aux massacres accomplis en Palestine avant l’époque des Macchabées. « Comme l’eau tout autour de Jérusalem, ils ont répandu le sang de vos saints, et il n’y avait personne qui les ensevelît. Vengez, Seigneur, le sang de vos serviteurs qui a été versé. » La lecture de l’Évangile de saint Matthieu (II, 13-18) décrit la fuite de la sainte Famille en Égypte et le massacre des Innocents. Combien courte est la prudence humaine ! Alors qu’elle tente d’aller au travers des voies de Dieu, c’est le moment où elle sert davantage aux desseins de la divine Providence. Hérode veut tuer le Messie nouveau-né : il n’y réussit pas et au contraire il envoie aux Limbes, pour y annoncer sa venue, un essaim d’innocents petits enfants, tandis que le Sauveur va illuminer et bénir l’Égypte.
L’antienne de l’offertoire est identique au graduel. Les victimes de la persécution d’Hérode se sont envolées, libres, au ciel, sans même en comprendre alors la manière prodigieuse. A la parole de Dieu le filet s’est ouvert, et eux, pareils à de petits oiseaux pris au lacs, se sont envolés.
Dans la secrète nous supplions le Seigneur de ne pas nous priver de l’intercession de ses saints, qui le rendra plus propice à nos offrandes et nous attirera sa miséricorde.
Dans l’antienne de la communion (Matth., n, 18) on rappelle les pleurs de Rachel en Rama, inconsolable parce que ses fils sont emmenés en esclavage. L’Évangéliste applique en un sens typique ce verset de Jérémie au meurtre des Innocents, enlevés violemment de ce monde par un acte de cruauté bien pire que celui des destructeurs de Jérusalem.
Dans la collecte après la Communion, nous demandons au Seigneur que, ayant participé au sacrifice votif pour la fête des Innocents, leurs prières nous obtiennent le réconfort dans la vie présente et la bienheureuse éternité dans la vie future.
Nous devons regarder à la lumière de la foi ceux qui nous font du mal, leur témoignant la plus sincère gratitude. Ils sont comme des instruments entre les mains de Dieu, qui s’en sert pour accomplir directement dans notre âme ces amputations que nous n’aurions pas le courage de faire nous-mêmes.
Dans leur robe d’innocence et avec la palme du martyre à la main, ils vont au-devant du Roi.
Après la fête du martyr et celle de l’Apôtre virginal, vient celle des Martyrs innocents. Dans la semaine, nous célébrons cette fête avec la couleur violette, sans Gloria et sans Alléluia. L’Église porte le deuil avec les mères qui ont perdu leurs enfants. Mais si la fête tombe un dimanche, l’Église prend la couleur rouge du Martyre, chante le Gloria, le Te Deum, l’Alléluia, car le deuil ne se concilie pas avec le dimanche.
La fête d’aujourd’hui a un double aspect. D’un côté elle représente le point culminant des trois fêtes adjointes. Le premier jour, nous allions au-devant du Roi dans la personne d’un martyr, le second jour, en la personne de l’Apôtre vierge :, le troisième jour, en la personne de ces enfants qui sont à la fois vierges et martyrs. D’un autre côté, la pensée de Noël et de la Rédemption se continue. Originairement, ce jour n’était pas une fête de saints, mais on commémorait la fuite en Égypte.
1. Ils suivent l’Agneau. — Si nous considérons les textes liturgiques et particulièrement les répons où se manifeste le plus clairement l’esprit de la fête, nous constaterons une idéalisation des Saints-Innocents. L’Église ne s’arrête pas à la figure historique des Saints-Innocents, mais elle voit en eux des images de ces figures sublimes des élus qui ont complètement réalisé son idéal, qui sont restés vierges et ont versé leur sang pour le Christ. C’est ce qui nous fait comprendre les nombreux passages tirés de l’Apocalypse (Leçon de la messe et chants). Dans ces enfants, il faut donc voir l’idéal de la chrétienté primitive : parés de la pourpre des martyrs avec le lis blanc de la virginité, ils ouvrent la marche des privilégiés qui formeront l’escorte d’honneur de l’Agneau. Ainsi cette fête nous donne des leçons pratiques, elle contribue à nous faire appliquer, dans notre vie, les pensées de Noël.
2. Pensées de Rédemption. — La piété nouvelle ne voit dans la fête de Noël que le petit Jésus dans sa Crèche et se préoccupe peu des pensées de Rédemption. Pourtant la Crèche et la Croix vont de pair. C’est pourquoi la liturgie, même dans la joyeuse fête de Noël, laisse entendre des accents de tristesse. Ce ne sont encore que de légers accents, le jour même, à Matines : « Pourquoi les nations font-elles rage ? » (Psaume 2) et à l’Évangile de la messe « les ténèbres ne l’ont pas acceptée ». Mais cet accent s’élargit les jours suivants, dans la fête de Saint-Étienne, dans celle des Saints-Innocents et le dimanche dans l’Octave. Considérons combien de fois, pendant ces trois jours, il est question de souffrance et de persécution. A la fête des Saints-Innocents, on complote déjà la mort du “Roi des Juifs qui vient de naître », les coups n’atteignent cependant que les Saints-Innocents. Dimanche, le vieillard Siméon prophétise au sujet de l’Enfant : « Celui-ci a été établi... comme un signe de contradiction. » la fête de la Circoncision, coule, pour la première fois, le sang rédempteur. Désormais le thème de la douleur apparaîtra toujours jusqu’à ce que toute cette douleur aboutisse à la mer de souffrance du Vendredi Saint. Ceci crée la transition avec le prochain cycle festival : le prince de la lumière entre en conflit de plus en plus irréductible avec le monde, il se prépare au combat. Sur la fête de Noël, la Croix projette déjà son ombre. L’Enfant de Bethléem vient pour monter sur la Croix, et pour nous faire prendre notre croix.
3. La messe (Ex ore infantium). — L’église de Station est Saint-Paul. Dans cette église, depuis les temps reculés, on honore les corps de cinq des Saints-Innocents. Ils reposent en un endroit honorable de l’église, sous l’abside, dans un sarcophage. A l’Introït, nous entendons le chant de louange des petits martyrs, auquel nous prenons pat nous aussi (Psaume 8). Pendant que Dieu ne recevait ni du monde ni même d’Israël l’honneur qui lui est dû, les petits martyrs lui offrirent, dans leurs berceaux, le plus bel hommage L’Oraison contient une pensée liturgique profonde : « Non par des paroles mais par leur mort ». La liturgie consiste moins en paroles qu’en actes ou plutôt ce sont des paroles qui deviennent des actes. De même nous devons être chrétiens non en paroles mais en actes. Le principal c’est l’acte du sacrifice, les sentiments et les pensées ne suffisent pas.
La leçon nous met devant les yeux l’image du mystère, une représentation de l’Office divin du ciel : l’Agneau de Dieu comme tué repose sur l’autel et, autour de Lui, se tiennent les 144.000 âmes pures, les premiers-nés de Dieu. C’est la véritable image de la messe. En union avec cette troupe choisie, nous recevons aujourd’hui la Sainte Eucharistie. L’Évangile nous fait entendre un accent amer au milieu de la paix de Noël. C’est la réalisation de ce que nous avons entendu à la troisième messe : « Il est venu dans sa propriété et les siens ne l’ont pas reçu. » Le Rédempteur doit s’enfuir en Égypte d’où il a jadis tiré son peuple. Tout le caractère tragique de la Rédemption, par rapport au peuple juif apparaît dans cet épisode. Dans les autres chants, on nous montre les Saints-Innocents parlant du haut du ciel. Ils se réjouissent d’avoir, comme des petits oiseaux, échappé aux filets de l’oiseleur Hérode et de jouir de l’éternelle félicité. Il est plus difficile de comprendre tes sentiments de la Communion qui chante les « pleurs et les gémissements » de Rachel. Mais justement il faut voir là la vie dramatique de la liturgie qui, même dans le moment le plus solennel, continue son action.
4. Les Heures de la fête. — Nous avons une belle homélie de saint Augustin aux Matines d’aujourd’hui : « Mes très chers frères, nous célébrons le jour natal de ces petits enfants dont l’Évangile nous raconte qu’ils furent assassinés, victimes de la cruauté inouïe du roi Hérode. Que la terre se réjouisse donc et que l’Église tressaille, elle la Mère féconde de tant de soldats célestes et de si magnifiques vertus. Voyez, cet ennemi impie aurait été moins utile à ces petits enfants par les voluptés les plus raffinées qu’il ne l’a été par sa haine... Mais à bon droit nous célébrons la naissance de ces enfants que le monde a enfantés pour une vie éternellement heureuse plutôt que le sein de leur mère ne les a fait naître pour la terre ; car ils ont reçu la grâce de la vie éternelle avant d’avoir reçu l’usage de la vie présente. La mort précieuse des autres martyrs mérite une haute louange, à cause de la confession publique ; la mort de ces petits est précieuse aux yeux de Dieu à cause de l’accomplissement sitôt atteint. Car dès le premier commencement de leur vie ils sont moissonnés. La fin de la vie présente signifie pour eux le commencement de la gloire. Ainsi donc ces enfants que l’impiété d’Hérode arracha du sein de leur mère sont appelés avec raison les fleurs des martyrs, car ces premiers boutons que l’Église effeuillât, « ont été, en plein hiver, cueillis prématurément par le vent glacé de la persécution. »
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Communicántes, et diem sacratíssimum celebrántes, quo beátæ Maríæ intemeráta Virgínitas huic mundo édidit Salvatórem, sed et memóriam venerántes, in primis eiúsdem gloriósæ semper Vírginis Maríæ, Genitrícis Dei et Dómini nostri Iesu Christi : | Unis dans une même communion et célébrant le jour très saint où la bienheureuse Marie gardant sa virginité sans tâche mit au monde le Sauveur, et honorant la mémoire tout d’abord de la glorieuse Marie toujours Vierge, Mère du même Jésus-Christ notre Dieu et Seigneur... |
[1] « En effet, les Saints Innocents ont reçu la récompense de leur sang, versé pour Jésus-Christ. Ils ont échangé la terre d’Hérode, leur ennemi, contre la possession du royaume des cieux ; ils doivent retourner dans leur pays primitif, quand, au lieu de ce corps vil, ils recevront un corps glorieux et ressusciteront hommes parfaits. » (Saint Jérôme).
[2] « Dieu nous apprend qu’il a entendu les paroles d’Éphraïm, et il désigne ainsi les dix tribus dont le premier roi Jéroboam dressa des veaux d’or, afin que ce peuple cessât d’adorer le Dieu d’Israël. Rachel était l’aïeule d’Éphraïm. Ce passage nous montre que toute correction est profitable au salut, et que nous ne pouvons mener à bonne fin l’œuvre de notre pénitence sans le secours de Dieu. Le Seigneur encourage la conversion d’Éphraïm en lui parlant de son amour paternel et lui promettant sa miséricorde. » (Saint Jérôme).
[3] « L’autel représente Jésus-Christ, en qui notre vie est cachée jusqu’à ce qu’il apparaisse (Coloss., 3, 3). — Les Saints désirent la manifestation de la justice de Dieu, afin qu’on le craigne et qu’on se convertisse. C’est là, dit saint Augustin, la juste et miséricordieuse vengeance des Martyrs, que le règne du péché, qui leur a été si rigoureux, soit détruit. Les peuples persécuteurs étaient nécessaires pour accomplir le nombre prédestiné des Martyrs, c’est pourquoi Dieu les épargne en attendant que ce nombre soit parlait. » (Bossuet).
[4] « Ce mot amertume indique qu’Éphraïm doit pleurer ses anciens péchés, placer ou diriger son cœur dans la voie par où il était parti, car il doit revenir de l’exil du péché, et cesser d’être vagabond dans les sentiers les plus ténébreux de l’erreur. » (S. Jérôme).
[5] C’est-à-dire, une femme portera dans son sein, non un enfant ordinaire privé de l’usage de sa raison, mais un homme parfait, ce qui doit s’entendre du Messie.
[6] « Et où donc va l’Agneau ? Là sans doute où la joie surabonde ; et une joie différente de toutes les autres joies est réservée aux Vierges. Leur bonheur ne soulèvera, toutefois aucune amertume dans l’âme de ceux qui en seront privés, car l’Agneau précédera les Vierges sans se séparer des autres, et Dieu sera tout en tous, (I Cor., 15, 28). Les Vierges chanteront le cantique qui leur est propre ; mais tous se réjouiront de l’entendre. » (Saint Augustin),
[7] Johan. XIII, 10.