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Commentaires liturgiques de la Fête de l’Assomption

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Sommaire

  Historique  
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique  
  Constitution apostolique Munificentissimus Deus, 1950  

On trouvera les textes de la messe et de l’Office ici

La Fête est attestée à Jérusalem au début du Ve siècle. Au VIe siècle, l’empereur Maurice impose sa célébration à tout l’Empire. Elle est attestée à Rome au VIIe siècle comme l’une des quatre grandes Fêtes mariales, sous le titre de ‘dormition’.

Au VIIIe siècle elle prend le titre d’Assumptio B.M.V., et est dotée d’une vigile et d’une octave par Léon IV (847-855).

La Messe de la Vigile s’est maintenue telle quelle, celle du jour de la Fête fut remplacée en 1950 par un formulaire plus explicite.

Martimort, dans l’historique plus bas, et Dom Pius Parsch donnent quelques commentaires de la Messe de 1950. L’Année Liturgique de Dom Guéranger et le Bhx Schuster ne peuvent que commenter l’ancien formulaire.

L’Octave était, dans le calendrier de St Pie V, presque complet : seul le jour octave de St Laurent (17 août) et la fête de St Bernard (20 août) venaient le rompre. L’ajout progressifs des fêtes de St Hyacinthe (1625, d’abord le 16 août puis le 17), de St Joachim (1738, d’abord le dimanche dans l’Octave puis le 16 août), de Ste Jeanne de Chantal (1769, le 21 août), de St Jean Eudes (1928, le 19 août), puis la transformation du jour Octave du 22 août en 1944 comme Fête du Cœur Immaculé de Marie, firent qu’au moment de sa suppression en 1955, seul le 18 août restait consacré à l’Assomption.

Pour un commentaire complet (notamment celui de l’Année Liturgique de Dom Guéranger), on se reportera aux articles sur la vigile, le 4ème jour dans l’Octave, le 5ème jour, et le jour Octave.

Historique

Pierre Jounel [1]

La fête mariale du 15 août a pris naissance à Jérusalem, où le lectionnaire de 415-417 déclare : « Le 15 août, de Marie, la Théotokos, au deuxième mille de Bethléem ». On y lit la prophétie de l’Emmanuel (Is. 7,10-16d), le texte de saint Paul sur le Christ « né de la femme » (Gal. 3,29 - 4,7) et le récit de la naissance de Jésus à Bethléem (Luc 2,1-7). Il ne s’agit donc pas encore de célébrer la Dormition de Marie, mais sa maternité divine. De Jérusalem la fête devait se répandre à travers l’Orient, puis atteindre la Gaule et Rome. L’évangéliaire romain de 645 ne connaît pas encore la fête du 15 août, mais celui de 740 annonce Sollemnia de pausatione sanctae Mariae et celui du 9e siècle fera de même. C’est sous ce titre, reçu de l’Orient, que la fête avait pénétré à Rome et qu’elle est mentionnée dans le Liber Pontificalis, qui énumère les quatre processions décrétée par le pape Sergius Ier diebus Adnuntiationis Domini, Dormitionis et Nativitatis sanctae Dei genetricis semperque virginis Mariae ac sancti Symeonis, quod Ypappanti Graeci appellant [2]. Cependant, dans les mêmes années, si l’on s’en rapporte à l’analyse d’A. Chavasse [3], le sacramentaire grégorien intitulait la fête du 15 août Adsumptio sanctae Mariae, comme on le faisait en Gaule, où l’Assomption était célébrée le 18 janvier. Le vocabulaire des martyrologes devait rester plus longtemps fidèle au modèle oriental. Mais la déclaration d’Usuard contre les apocryphes du type Transitus Mariae, le 15 août, ne l’empêche pas de noter, au 14, la vigilia Assumptionis. Au XIe siècle, le martyrologe de Saint-Pierre continue à tenir le langage de ses congénères, quand il annonce Sanctae Mariae dormitio.

Dans la seconde moitié du XIIe siècle, l’Assomption était célébrée au Latran avec la même solennité que Noël, au dire de l’Ordo, qui lui consacre une ample description. Il évoque, en particulier, la procession nocturne. Mais, bien qu’on célèbre l’Assomption avec ferveur au Latran, on y lit durant les vigiles et pendant toute l’octave l’opuscule pseudo-hiéronymien Cogitis me, o Paula dans lequel Paschase Radbert, sans nier explicitement l’assomption de Marie, met en doute sa résurrection corporelle et veut qu’on ne présente le fait que sous la forme d’une simple opinion [4]. Quant au missel du Latran, il reproduit les oraisons de l’Hadrianum, indiquant pour la station ad sanctum Adrianum l’oraison Veneranda, qui affirme explicitement la résurrection de la sainte Mère de Dieu : « Veneranda nobis domine huius est diei festivitas in qua sancta Dei genetrix mor-tem subiit temporalem, née tamen mortis nexibus deprimi potuit, qui Filium tuum dominum nostrum de se genuit incarnatum ».

En décrivant les manuscrits du passionnaire du Latran et de l’antiphonaire Vat. lat. 5379, on a relevé une anomalie : le premier ne contient aucune lecture pour le 15 août ; le second a une messe, le 14, in vigilia S. Marie, mais non le lendemain pour la fête. Sans doute faut-il expliquer cette absence par le fait qu’au début du 12e siècle le clergé du Latran participait à la procession, qui comportait la célébration de l’office nocturne à Sainte-Marie-la-Neuve et s’achevait par la messe à Sainte-Marie-Majeure.

D’après L’Église en Prières, Martimort et alii.

La récente définition dogmatique de l’Assomption de la Vierge a eu pour conséquence une assez massive révision du formulaire antérieur de la fête, tant pour les hymnes et leçons du bréviaire que pour le missel, où les oraisons, les chants de l’introït, du graduel, de l’offertoire et de la communion, les textes de l’épître et de l’évangile sont nouveaux. Seul, le verset de l’Alléluia : « Assumpta est Maria in cælum, gaudet exercitus angelorum » a pu être maintenu, malgré son imprécision.

Ce fait massif ne mériterait pas d’être souligné s’il ne révélait, par contraste, combien discret et anormalement neutre fut jugé — et est en effet pour ce qui regarde l’assomption corporelle, — le formulaire romain antérieur, resté presqu’inchangé depuis les débuts, soit depuis le VIIe siècle [5].

Cette obstinée réserve, évidemment voulue à l’origine, perpétuait les scrupules des théologiens anciens — les Carolingiens surtout — inquiets du revêtement légendaire de la croyance. Déjà depuis Grégoire de Tours [6] (573-593), sa ferveur s’appuyait sur d’anciens récits apocryphes orientaux. La défiance datait de longtemps : les premiers sacramentaires en témoignent déjà, par une sorte de significative imprécision neutraliste des formules. En effet, lorsque, vers la fin du VIe siècle, un net décret de l’empereur Maurice (582-602) avait déjà rendu la fête obligatoire partout, le formulaire gélasien, composé de pièces empruntées à des sources romaines antérieures, n’accusait sa destination nouvelle que dans la secrète, par l’addition imprécise : « vel talis assumpta est ». Quant à l’Hadrianum, de ses trois oraisons [7] — celles-là même que reprendra et gardera le missel romain — seule la secrète évoque la fête par un « pro condicionis carnis migrasse cognoscimus » volontairement incolore.

Un siècle environ après saint Grégoire, soit vers l’an 700, le pape Serge Ier, syrien d’origine, voulant instituer à Rome trois processions stationnales pour l’Annonciation, la Dormition et la Nativité, faisait composer pour celle du 15 août une admirable oraison de départ du cortège, ainsi conçue [8] :

Veneranda nobis, Domine, huius est diei festivitas, in qua sancta Dei Genetrix mortem subiit temporalem, nec tamen mortis nexibus deprimi potuit, quæ Filium tuum, Dominum nostrum, de se genuit incarnatum. Per eumdem.Vénérable est pour nous, Seigneur, la fête qui commémore ce jour en lequel la sainte Mère de Dieu subit la mort temporelle, mais néanmoins ne put être retenue par les liens de la mort, elle qui avait engendré de sa substance votre Fils, notre Seigneur incarné.
La netteté doctrinale de cette ardente prière fait contraste avec l’insignifiance calculée du formulaire romain antérieur. Au reste, une de ses sources d’inspiration semble bien avoir été le « kontakion » byzantin de la fête de l’Assomption, de doctrine si réfléchie :

La Theotokos, infatigable en ses intercessions, espoir inébranlable grâce à ses plaidoyers, ni le tombeau ni la mort ne l’ont retenue. Étant mère de la Vie, c’est à la Vie qu’elle fut transférée par Celui qu’avait renfermé son sein virginal.

Autant que le « kontakion » grec, l’oraison latine Veneranda est plus que simple louange : elle professe le privilège marial et en fournit soigneusement la justification théologique. Sans doute voulait-on, en imposant son texte si ferme, mettre fin à certaines hésitations doctrinales.

N’appartenant pas à la messe, mais créée en vue de la procession stationnale romaine, Veneranda devenait sans objet hors de la Ville éternelle. Elle finit par disparaître du formulaire, lorsque le Missale secundum consuetudinem Romanæ curiæ se fut répandu partout. Témoin insigne de la doctrine, on l’a maintenue, moyennant de légères retouches, à Lyon et à Milan, et elle est restée en usage dans plusieurs ordres religieux.

Aux autres incolores et trop prudentes formules romaines ont aujourd’hui succédé de lumineuses visions de gloire : la Mulier amicta sole et couronnée d’étoiles (introït), revêtue texturæ aureæ, intégralement ressuscitée comme son Fils, tota decora ingreditur (graduel).

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

« Aujourd’hui la vierge Marie est montée aux cieux ; réjouissez-vous, car elle règne avec le Christ à jamais » [9].

Ainsi l’Église conclura les chants de cette journée glorieuse ; suave antienne, où se résument l’objet de la fête et l’esprit dans lequel elle doit être célébrée.

Il n’est point de solennité qui respire à la fois comme celle-ci le triomphe et la paix, qui réponde mieux à l’enthousiasme des peuples et à la sérénité des âmes consommées dans l’amour. Certes le triomphe ne fut pas moindre au jour où le Seigneur, sortant du tombeau par sa propre vertu, terrassait l’enfer ; mais dans nos âmes, si subitement tirées de l’abîme des douleurs au surlendemain du Golgotha, la soudaineté de la victoire mêlait comme une sorte de stupeur [10] à l’allégresse de ce plus grand des jours. En présence des Anges prosternés, des disciples hésitants, des saintes femmes saisies de tremblement et de crainte [11], on eût dit que l’isolement divin du vainqueur de la mort s’imposait à ses plus intimes et les tenait comme Madeleine à distance [12].

Dans la mort de Marie, nulle impression qui ne soit toute de paix ; nulle cause de cette mort que l’amour. Simple créature, elle ne s’arrache point par elle-même aux liens de l’antique ennemie ; mais, de cette tombe où il ne reste que des fleurs, voyons-la s’élever inondée de délices, appuyée sur son bien-aimé [13]. Aux acclamations des filles de Sion qui ne cesseront plus de la dire bienheureuse [14], elle monte entourée des esprits célestes formant des chœurs, louant à l’envi le Fils de Dieu [15]. Plus rien qui, comme au pays des ombres, vienne tempérer l’ineffable éclat de la plus belle des filles d’Ève ; et c’est sans conteste que par delà les inflexibles Trônes, les Chérubins éblouissants, les Séraphins tout de flammes, elle passe enivrant de parfums la cité bienheureuse. Elle ne s’arrête qu’aux contins même de la Divinité, près du siège d’honneur où le Roi des siècles, son Fils, règne dans la justice et la toute-puissance : c’est là qu’elle aussi est proclamée Reine ; c’est de là qu’elle exercera jusqu’aux siècles sans fin l’universel empire de la clémence et de la bonté.

Cependant, ici-bas, le Liban, Amana, Sanir et Hermon, toutes les montagnes du Cantique sacré [16], semblent se disputer l’honneur de l’avoir vue s’élever de leurs sommets vers les cieux ; et véritablement la terre entière n’est plus que le piédestal de sa gloire, comme la lune est son marchepied, le soleil son vêtement, comme les astres des cieux forment sa couronne brillante [17]. « Fille de Sion, vous êtes toute belle et suave » [18], s’écrie l’Église, et son ravissement mêle aux chants du triomphe des accents d’une exquise fraîcheur : « Je l’ai vue belle comme la colombe qui s’élève au-dessus des ruisseaux ; ses vêtements exhalaient d’inestimables senteurs, et comme le printemps l’entouraient les roses en fleurs et les lis des vallées » [19].

Même douce limpidité dans les faits de l’histoire biblique où les interprètes des saints Livres ont vu la figure du triomphe de Marie. Tant que dure ce monde, une loi imposante garde l’entrée du palais éternel : nul n’est admis à contempler, sans déposer son manteau de chair, le Roi des cieux [20]. Il est pourtant quelqu’un de notre race humiliée, que n’atteint pas le décret terrible [21] : la vraie Esther s’avance par delà toutes barrières [22] en sa beauté dépassant toute croyance [23]. Pleine de grâces, elle justifie l’amour dont l’a aimée le véritable Assuérus [24] ; mais dans le trajet qui la conduit au redoutable trône du Roi des rois, elle n’entend point rester solitaire : soutenant ses pas, soulevant les plis de son royal vêtement, deux suivantes l’accompagnent [25], qui sont l’angélique et l’humaine natures, également fières de la saluer pour maîtresse et pour dame, toutes deux aussi participantes de sa gloire.

Si de l’époque de la captivité, où Esther sauva son peuple, nous remontons au temps des grandeurs d’Israël, l’entrée de Notre-Dame en la cité de la paix sans fin nous est représentée par celle de la reine de Saba dans la terrestre Jérusalem. Tandis qu’elle contemple ravie la magnificence du très haut prince qui gouverne en Sion : la pompe de son propre cortège, les incalculables richesses du trésor qui la suit, ses pierres précieuses, ses aromates, plongent dans l’admiration la Ville sainte. Jamais, dit l’Écriture, on ne vit tant et de si excellents, parfums que ceux que la reine de Saba offrit au roi Salomon [26].

La réception faite par le fils de David à Bethsabée sa mère, au troisième livre des Rois, vient achever non moins heureusement d’exprimer le mystère où la piété filiale du vrai Salomon a si grande part en ce jour. Bethsabée venant vers le roi, celui-ci se leva pour aller à sa rencontre, et il lui rendit honneur, et il s’assit sur son trône ; et un trône fut disposé pour la mère du roi, laquelle s’assit à sa droite [27]. O Notre-Dame, combien en effet vous dépassez tous les serviteurs, ministres ou amis de Dieu ! « Le jour où Gabriel vint à ma bassesse, vous fait dire saint Éphrem, de servante je fus reine ; et moi, l’esclave de ta divinité, soudain je devins mère de ton humanité, mon Seigneur et mon fils ! O fils du Roi, qui m’as faite moi aussi sa fille, ô tout céleste qui introduis aux cieux cette fille de la terre, de quel nom te nommer [28] ? »

Lui-même le Seigneur Christ a répondu ; le Dieu fait homme nous révèle le seul nom qui, en effet, l’exprime pleinement dans sa double nature : il s’appelle le Fils. Fils de l’homme comme il est Fils de Dieu, il n’a qu’une mère ici-bas, comme il n’a qu’un Père au ciel. Dans l’auguste Trinité il procède du Père en lui restant consubstantiel, ne se distinguant de lui que parce qu’il est Fils, produisant avec lui l’Esprit-Saint comme un seul principe ; dans la mission extérieure qu’il remplit à la gloire de la Trinité sainte, communiquant pour ainsi dire à son humanité les mœurs de sa divinité autant que le comporte la diversité des natures, il ne se sépare en rien de sa mère, et veut l’avoir participante jusque dans l’effusion de l’Esprit-Saint sur toute âme. Ineffable union, fondement des grandeurs dont le triomphe de ce jour est le couronnement pour Marie. Les jours de l’Octave nous permettront de revenir sur quelques-unes des conséquences d’un tel principe ; qu’il nous suffise aujourd’hui de l’avoir posé.

« Comme donc le Christ est Seigneur, dit l’ami de saint Bernard, Arnauld de Bonneval, Marie aussi est Dame et souveraine. Quiconque fléchit le genou devant le fils, se prosterne devant la mère. A son seul nom les démons tremblent, les hommes tressaillent, les anges glorifient Dieu. Une est la chair de Marie et du Christ, un leur esprit, un leur amour. Du jour où il lui fut dit, Le Seigneur est avec vous, irrévocable en fut la grâce, inséparable l’unité ; et pour parler de la gloire du fils et de la mère, ce n’est pas tant une gloire commune que la même gloire qu’il faut dire » [29]. — « O toi la beauté et l’honneur de ta mère, reprend le grand diacre d’Édesse, ainsi l’as-tu parée en toutes manières, celle qui avec d’autres est ta sœur et ton épouse, mais qui seule t’a conçu » [30].

« Venez donc, ô toute belle, dit Rupert à son tour, vous serez couronnée [31], au ciel reine des Saints, ici-bas reine de tout royaume. Partout où l’on dira du bien-aimé qu’il a été couronné de gloire et d’honneur, établi prince sur toutes les œuvres du Père [32], partout aussi on publiera de vous, ô bien-aimée, que vous êtes sa mère, et partant reine de tout domaine où s’étend sa puissance ; et, à cause de cela, les empereurs et les rois vous couronneront de leurs couronnes et vous consacreront leurs palais » [33].

LES PREMIÈRES VÊPRES.

Entre les fêtes des Saints, c’est ici la solennité des solennités. « Que le génie de l’homme s’emploie à relever sa magnificence ; que le discours reflète sa majesté. Daigne la souveraine du monde agréer le bon vouloir de nos lèvres [34], aider notre insuffisance, illuminer de ses propres feux la sublimité de ce jour » [35].

Ce n’est point d’aujourd’hui seulement que le triomphe de Marie ramène l’enthousiasme au cœur du chrétien. Aux temps qui précédèrent le nôtre, l’Église montrait, par des prescriptions conservées au Corps du Droit, la prééminence qu’occupait dans sa pensée le glorieux anniversaire. C’est ainsi que, sous Boniface VIII, elle lui réservait, comme aux seules fêtes de Noël, de Pâques et de Pentecôte, le privilège d’être célébré, dans les pays mêmes soumis à l’interdit, au son des cloches et avec la splendeur accoutumée [36].

Dans ses instructions aux Bulgares nouvellement convertis, saint Nicolas Ier, qui occupa le Siège apostolique de 858 à 867, rapprochait de même déjà les quatre solennités sous une seule recommandation, quant aux jeûnes de Carême, de Quatre-Temps ou de Vigiles qui s’y rattachent : jeûnes, disait-il, que dès longtemps la sainte Église Romaine a reçus et observe [37].

Il convient de rapporter au siècle précédent la composition du célèbre discours qui fournit jusqu’à saint Pie V les Leçons des Matines de la fête, et dont l’inspiration, le texte lui-même, se retrouve encore en plus d’un endroit de l’Office actuel [38]. L’auteur, digne des grands âges par le style et la science, mais se couvrant d’un faux personnage, débutait ainsi : « Vous voulez, ô Paula et Eustochium, que laissant de côté la forme de traités qui m’est habituelle, je m’essaie, genre nouveau pour moi, à célébrer selon le mode oratoire l’Assomption de la bienheureuse Marie toujours vierge » [39]. Et le saint Jérôme supposé disait éloquemment la grandeur de cette fête « incomparable comme celle qui s’y éleva glorieuse et fortunée au sanctuaire du ciel : solennité, admiration des armées angéliques [40] bonheur des citoyens de la vraie patrie, qui ne se contentent pas de lui donner comme nous un jour, mais la célèbrent sans fin dans l’éternelle continuité de leur vénération, de leur amour et de leur triomphante allégresse » [41]. Pourquoi faut-il qu’une répulsion légitime pour les excès de quelques apocryphes ait amené l’auteur de ce bel exposé des grandeurs de Marie à hésiter sur la croyance au privilège glorieux de son Assomption corporelle [42] ? Prudence trop discrète, qu’allaient exagérer bientôt les martyrologes d’Usuard et d’Adon de Vienne.

Ce n’était pas pourtant sur les rives de la Seine ou celles du Rhône qu’il eût convenu de méconnaître une tradition s’affirmant toujours plus chaque jour, et dont, avant toutes autres, nos Églises des Gaules avaient eu la gloire dé consacrer en Occident la formule explicite. Qui, mieux que ne le faisait l’antique Liturgie gallicane, a su depuis chanter cette Assomption plénière, conséquence de la divine et virginale maternité, et comme elle apportant joie au monde [43] ? « Ni douleur dans l’enfantement, ni labeur en la mort, ni dissolution au tombeau, nulle tombe ne pouvant retenir celle que la terre n’a point souillée » [44] : ainsi nos pères exprimaient le mystère, et ils s’excitaient à gagner la patrie où nous précède corporellement la Vierge bienheureuse [45].

Au grand chagrin de plus d’une âme sainte [46], l’autorité du faux saint Jérôme, survenant à l’heure où se consommait l’abandon de la Liturgie gallicane par les premiers Carlovingiens [47], déconcerta quelque peu la piété de nos contrées. Mais on n’arrête pas le mouvement qu’il plaît au Saint- Esprit d’imprimer à la foi des peuples. Au XIIIe siècle, les deux princes de la théologie, saint Thomas et saint Bonaventure, s’accordaient pour souscrire au sentiment redevenu général de leur temps, touchant la croyance à la résurrection anticipée de Notre-Dame. Bientôt cette croyance s’imposait, par le fait de son universalité, comme la doctrine même de l’Église ; dès l’année 1497, la Sorbonne déniait la liberté de se produire aux propositions qui s’élevaient à l’encontre, et les frappait de ses plus dures censures [48]. En 1870, le concile du Vatican, trop tôt suspendu, ne put donner suite au vœu instamment exprimé alors d’une définition qui eût achevé la glorieuse couronne de lumière, œuvre des siècles, hommage de l’Église militante à la Reine des cieux. Mais la proclamation de la Conception immaculée, qui reste acquise à notre temps, encourage nos espérances pour l’avenir. L’Assomption corporelle de la divine Mère se présente désormais comme le corollaire dogmatique, immédiat, d’un dogme révélé : Marie, n’ayant rien connu du péché d’origine, n’a contracté nulle dette avec la mort son châtiment ; c’est librement que, pour se conformer à son Fils, elle a voulu mourir ; et, de même que le saint de Dieu, la sainte de son Christ n’a pu connaître la corruption du tombeau [49].

Si d’anciens calendriers donnent à la fête de ce jour le titre de Sommeil ou Repos, dormitio, pausatio, de la Bienheureuse Vierge, on ne saurait en conclure qu’au temps où ils furent rédigés, cette fête n’avait pas d’autre objet que la très sainte mort de Marie ; les Grecs, de qui cette expression nous est parvenue, ont toujours compris dans la solennité le glorieux triomphe qui suivit cette mort. Il en est de même des Syriens, des Chaldéens, des Coptes, des Arméniens.

Chez ces derniers, conformément à l’usage qu’ils ont de rattacher leurs fêtes à un jour précis de la semaine, et non au quantième du mois, l’Assomption est fixée au Dimanche qui se rencontre entre le 12 et le 18 août. Précédée d’une semaine de jeûnes, elle donne son nom à la série des autres Dimanches qui la suivent, jusqu’à l’Exaltation de la sainte Croix en septembre.

A Rome, l’Assomption ou Dormitio de la sainte Mère de Dieu apparaît au VIIe siècle, comme célébrée depuis un temps qu’on ne saurait définir [50] ; on ne voit pas qu’elle y ait eu jamais d’autre jour propre que le quinzième du mois d’août. Au rapport de Nicéphore Calliste [51], c’est la même date que lui assignait pour Constantinople, à la fin du VIe siècle, l’empereur Maurice ; or, comme entre plusieurs autres solennités dont l’historien rappelle au même lieu l’origine, celle de la Dormitio est la seule dont il dise qu’elle ait été, non pas établie, mais fixée par Maurice à tel jour, de savants auteurs en ont tiré la conclusion de la préexistence de la fête elle-même à l’édit impérial : celui-ci n’aurait eu pour but que de mettre un terme à certaine diversité d’usage quant au jour où elle était célébrée [52].

C’était le temps où, bien loin de Byzance, nos pères, les Francs Mérovingiens, célébraient au 18 janvier la glorification de Notre-Dame avec cette plénitude de doctrine que nous avons rapportée. Quelle que puisse être l’explication du choix de ce jour, il est à noter qu’aujourd’hui encore les Coptes des bords du Nil annoncent dans leur synaxaire, au 21 du mois de Tobi, qui répond à notre 28 janvier, le Repos de la Vierge Marie, Mère de Dieu, et l’Assomption de son corps au ciel ; ils reprennent du reste cette annonce au 16 de Mesori, 21 août, et c’est également au premier de ce mois de Mesori qu’ils commencent leur carême de la Mère de Dieu, comprenant quinze jours comme celui des Grecs [53].

Il est des auteurs qui ont fait remonter la fête de l’Assomption de Notre-Dame aux Apôtres eux-mêmes. Le silence des monuments primitifs de la Liturgie favorise peu leur sentiment. L’hésitation sur la date qu’il convenait d’attribuer à cette fête, la liberté laissée longtemps à son sujet, paraissent manifester plutôt dans sa première institution l’initiative spontanée des Églises diverses, à l’occasion de quelque fait attirant l’attention sur le mystère ou l’ayant mis en plus grand jour. De cette sorte a pu être, vers l’an 451, la relation partout répandue dans laquelle Juvénal de Jérusalem exposait à l’impératrice sainte Pulchérie et à son époux Marcien l’histoire du tombeau, vide de son précieux dépôt, que les Apôtres préparèrent pour Notre-Dame au pied du mont des Oliviers. Les paroles suivantes de saint André de Crète, au VIIe siècle, font bien voir la marche un peu indécise à l’origine qui résulta de telles circonstances pour la nouvelle solennité ; né à Damas, moine à Jérusalem, puis diacre de Constantinople, avant de ceindre enfin la couronne des pontifes dans l’île célèbre d’où lui resta son nom, il n’est personne qui soit mieux en mesure que notre Saint de parler en connaissance de cause pour l’Orient : « La solennité présente, dit-il, est pleine de mystère, ayant pour objet de célébrer le jour où s’endormit la Mère de Dieu ; elle s’élève plus haut, cette solennité, que le discours ne peut atteindre ; il n’a pas été tout d’abord, ce mystère, célébré par plusieurs, mais tous maintenant l’aiment et l’honorent. A son sujet, le silence précéda longtemps le discours, l’amour maintenant divulgue l’arcane. On doit manifester le don de Dieu, non l’enfouir ; on doit le présenter, non comme récemment découvert, mais comme ayant recouvré sa splendeur. Quelques-uns de ceux qui furent avant nous ne le connurent qu’imparfaitement : ce n’est pas une raison de se taire toujours ; il ne s’est pas totalement obscurci : proclamons-le, et faisons fête. Qu’aujourd’hui s’unissent les habitants des cieux et ceux de la terre, qu’une soit la joie de l’ange et de l’homme, que toute langue tressaille et chante Je vous salue à la Mère de Dieu » [54]. Nous aussi, faisons honneur au don de Dieu ; soyons reconnaissants à l’Église de ce que la glorieuse Assomption n’a pas subi chez nous le sort de tant d’autres fêtes, au commencement de ce siècle [55], et nous trouve toujours unis à nos frères de la terre comme à ceux du ciel pour chanter Marie.

Les Psaumes et l’Hymne des Vêpres sont les mêmes que ceux des autres fêtes de Notre-Dame. Les Antiennes, le Capitule et le Verset rendent avec une grâce infinie le mystère du jour.

Lorsque le temps vint pour la Bienheureuse Marie de quitter la terre, les Apôtres furent rassemblés de tous les pays ; et ayant connu que l’heure était proche, ils veillaient avec elle. Or le Seigneur Jésus arriva avec ses Anges, et il reçut son âme. Au matin, les Apôtres levèrent son corps et le placèrent dans le tombeau. Et de nouveau vint le Seigneur, et le saint corps fut élevé dans une nuée » [56].

A ce témoignage de notre Grégoire de Tours répondent l’Occident et l’Orient, exaltant « la solennité de la nuit bienheureuse qui vit la Vierge vénérée faire au ciel son entrée triomphante » [57]. — « Quelle lumière éclatante perce ses ombres ! » dit saint Jean Damascène [58] ; et il nous montre l’assemblée fidèle se pressant avide, durant la nuit sacrée, pour entendre les louanges de la Mère de Dieu [59].

Comment Rome, si dévote à Marie, se fût-elle ici laissée vaincre ? Au témoignage de saint Pierre Damien, son peuple entier passait la nuit glorieuse dans la prière, les chants, les visites aux diverses églises ; au dire des privilégiés qu’éclairait la lumière céleste, plus grande encore était, à cette heure bénie, la multitude des âmes délivrées du lieu des tourments par la Reine du monde et visitant elles aussi les sanctuaires consacrés à son nom [60]. Mais la plus imposante des démonstrations de la Ville et du monde était la litanie ou procession mémorable dont l’origine première remonte au pontificat de saint Sergius (687-701) [61] ; jusque dans la seconde moitié du XVIe siècle, elle ne cessa point d’exprimer, comme Rome seule sait faire, l’auguste visite que reçut de son Fils Notre-Dame au solennel instant de son départ de ce monde.

On sait que deux sanctuaires majeurs représentent dans la Ville éternelle la résidence et comme les palais de la Mère et du Fils : la basilique du Sauveur au Latran, celle de Marie sur l’Esquilin ; comme cette dernière s’honore de posséder le portrait de la Vierge bénie peint par saint Luc, le Latran garde dans un oratoire spécial, saint entre tous, l’image non faite de main d’homme où sont tracés sur bois de cèdre les traits du Sauveur [62]. Or, au matin de la Vigile de sainte Marie [63], le Pontife suprême accompagné des cardinaux venait nu-pieds découvrir, après sept génuflexions, l’image du Fils de la Vierge. Dans la soirée, tandis que la cloche de l’Ara cœli donnait du Capitole le signal des préparatifs prescrits par les magistrats de la cité, le Seigneur Pape se rendait à Sainte-Marie-Majeure, où il célébrait les premières Vêpres entouré de sa cour. Aux premières heures de nuit, étaient de même chantées au même lieu les Matines à neuf Leçons.

Cependant, une foule plus nombreuse d’instant en instant se presse sur la place du Latran, attendant le retour du Pontife. De toutes parts débouchent les divers corps des arts et métiers, venant sous la conduite de leurs chefs occuper le poste assigné pour chacun. Autour de l’image du Sauveur, en son sanctuaire, se tiennent les douze portiers chargés de sa garde perpétuelle, et tous membres des plus illustres familles ; près d’eux prennent place les représentants du sénat et du peuple romain.

Mais le cortège papal est signalé redescendant l’Esquilin. Partout, quand il paraît, brillent les torches tenues à la main ou portées sur les brancards des corporations. Aidés des diacres, les cardinaux soulèvent sur leurs épaules l’image sainte qui s’avance sous le dais, escortée dans un ordre parfait par l’immense multitude. A travers les rues illuminées et décorées [64], elle gagne, au chant des psaumes, au son des instruments, l’ancienne voie Triomphale, contourne le Colisée, et, passant sous les arcs de Constantin et de Titus, s’arrête pour une première station sur la voie Sacrée , devant l’église appelée Sainte-Marie Mineure ou la Neuve [65]. Pendant qu’on chante dans cette église, en l’honneur de la Mère, de nouvelles Matines à trois Leçons, des prêtres lavent avec de l’eau parfumée dans un bassin d’argent les pieds du Seigneur son Fils, et répandent sur le peuple cette eau devenue sainte. Puis l’image vénérée se remet en marche et parcourt le Forum au milieu des acclamations, jusqu’à l’église de Saint-Adrien ; d’où revenant gravir les rampes de l’Esquilin par les rues des églises de cette région, Saint-Pierre-aux-Liens, Sainte-Lucie, Saint-Martin-aux-Monts, Sainte-Praxède, elle fait enfin son entrée sur la place de Sainte-Marie-Majeure. Alors redoublent les applaudissements, l’allégresse de cette foule, où tous, hommes, femmes, grands et petits, lisons-nous dans un document de 1462 [66], oubliant la fatigue d’une nuit entière passée sans sommeil, ne se lassent pas jusqu’au matin de visiter, de vénérer le Seigneur et Marie. Dans la glorieuse basilique parée comme une fiancée, le solennel Office des Laudes célèbre la rencontre du Fils et de la Mère, et leur union pour l’éternité.

Le ciel montra souvent par d’insignes miracles la complaisance qu’il prenait à cette manifestation de la foi et de l’amour du peuple romain. Pierre le Vénérable [67] et d’autres irrécusables témoins [68] mentionnent le prodige renouvelé chaque année des torches qui, brûlant toute la nuit, se retrouvaient au lendemain du même poids que la veille. L’an 847, au moment où, présidée par saint Léon IV, la procession passait près de l’église de Sainte-Lucie, un serpent monstrueux, qui d’une caverne voisine terrorisait les habitants, fut mis en fuite sans que depuis lors on le revît jamais ; c’est en souvenir de cette délivrance, que la fête reçut le complément de l’Octave dont jusque-là elle était dépourvue [69]. Quatre siècles plus tard, sous l’héroïque pontificat de Grégoire IXe du nom, le cortège sacré venait de s’arrêter selon l’usage au vestibule de Sainte-Marie-la-Neuve, lorsque des partisans de l’excommunié Frédéric II, occupant non loin la tour des Frangipani, se mirent à crier : « Voici le Sauveur, vienne l’empereur ! » mais soudain la tour s’écroula, les broyant sous ses ruines [70].

Revenons à l’auguste basilique, où nous rappellent d’autres souvenirs. Une autre nuit nous vit dans son enceinte célébrer joyeux l’enfantement divin. Ineffables harmonies ! C’est donc à l’heure où pour la première fois Marie pressa sur son sein l’Enfant-Dieu dans l’étable, qu’elle s’éveille elle-même dans les bras du Bien-Aimé au plus haut des deux. L’Église, qui lit en ce mois les Livres de la Sagesse éternelle, est bien inspirée de réserver à cette nuit le Cantique sacré.

L’évêque de Meaux décrit ainsi cette mort : « La divine Vierge rendit son âme sans peine et sans violence entre les mains de son Fils. Il ne fut pas nécessaire que son amour s’efforçât par des mouvements extraordinaires. Comme la plus légère secousse détache de l’arbre un fruit déjà mûr, ainsi fut cueillie celte âme bénie, pour être tout d’un coup transportée au ciel ; ainsi mourut la divine Vierge par un élan de l’amour divin : son âme fut portée au ciel sur une nuée de désirs sacrés. Et c’est ce qui fait dire aux saints Anges : Qui est celle-ci, qui s’élève comme la fumée odoriférante d’une composition de myrrhe et d’encens [71] ? Belle et excellente comparaison, qui nous explique admirablement la manière de cette mort heureuse et tranquille. Cette fumée odoriférante que nous voyons s’élever d’une composition de parfums, n’en est pas arrachée par force, ni poussée dehors avec violence : une chaleur douce et tempérée la détache délicatement, et la tourne en une vapeur subtile qui s’élève comme d’elle-même. C’est ainsi que l’âme de la sainte Vierge a été séparée du corps : on n’en a pas ébranlé tous les fondements par une secousse violente ; une divine chaleur l’a détachée doucement du corps, et l’a élevée à son bien-aimé » [72].

Il restait pour quelques heures à notre monde, ce corps sacré « trésor de la terre, en attendant qu’il devînt la merveille des cieux » [73]. Qui nous dira les sentiments des augustes personnages réunis par le Fils de Marie pour rendre à sa Mère en son nom les devoirs suprêmes ? Un illustre témoin, Denys d’Athènes, rappelait à Timothée, présent comme lui alors, les discours qui, de ces cœurs remplis de l’Esprit-Saint, montèrent comme autant d’hymnes à la bonté toute-puissante par laquelle notre faiblesse fut divinisée. Là étaient Jacques, frère du Seigneur, et Pierre le coryphée, et les pontifes du collège sacré, et tous les frères venus pour contempler le corps qui avait donné la Vie et porté Dieu ; entre tous, après les Apôtres, se distinguait le bienheureux Hiérothée, ravi loin de la terre et de lui-même, en sublime communion avec l’objet de sa louange, semblant à tous un chantre divin [74].

Mais l’assemblée de ces hommes en qui régnait la divine lumière, avait compris qu’elle devait suivre jusqu’au bout les intentions de celle qui dans la mort était restée la plus humble des créatures. Porté par les Apôtres, escorté par les Anges du ciel et les saints de la terre, le corps virginal fut conduit de Sion vers la vallée de Gethsémani, où si souvent, depuis l’agonie sanglante, Notre-Dame avait ramené ses pas et son cœur. Une dernière fois, « Pierre, joignant ses mains vénérables, étudie les traits divins de la Mère du Sauveur ; son regard, plein de foi, cherche à découvrir, à travers les ombres de la mort, quelques rayons de la gloire dont resplendit déjà la reine des cieux » [75]. Jean, le fils adoptif, jette un long, un dernier et douloureux regard sur le visage si calme et si doux de la Vierge. La tombe se referme ; c’en est fait pour la terre de ce spectacle dont elle n’était plus digne.

Plus heureux, les Anges, dont le marbre du monument ne saurait arrêter le regard, veillent près de cette tombe. Ils continuent leurs chants jusqu’à l’heure où, après trois jours, la très sainte âme de la divine Mère étant descendue pour reprendre son corps sacré, ils s’éloignent eux-mêmes en l’accompagnant vers les cieux. Nous aussi donc, en haut les cœurs ! Oublions aujourd’hui notre exil, pour applaudir au triomphe de Marie ; et sachons la rejoindre un jour à l’odeur de ses parfums.

Faisons nôtre cette antique formule qui se disait à Rome sur le peuple assemblé, au moment du départ de la litanie solennelle que nous avons rappelée.

COLLECTE.
Veneranda nobis, Domine, huius est diei festivitas, in qua sancta Dei Genetrix mortem subiit temporalem, nec tamen mortis nexibus deprimi potuit, quæ Filium tuum, Dominum nostrum, de se genuit incarnatum. Qui tecum.Nous devons honorer la solennité de ce jour, ô Seigneur ; la sainte Mère de Dieu, en effet, y subit la mort du temps, sans que les liens de cette mort aient pu retenir celle qui de sa chair avait fourni un corps à votre Fils, notre Seigneur. Qui vit et règne.

A LA MESSE.

Quel est ce Roi de gloire ? demandaient, au jour de la triomphante Ascension, les gardiens des portes éternelles ; et leur question, répétée dans le Psaume par deux fois [76], l’était une troisième en Isaïe s’écriant au nom des habitants des cieux : Quel est celui qui vient d’Édom dans la beauté de sa robe empourprée, dans l’élan de sa force victorieuse [77] ? Or, au Cantique sacré, trois fois comme pour le Fils se manifeste au sujet de la Mère le ravissement des célestes Principautés.

Quelle est celle-ci, qui s’avance comme l’aurore à son lever [78] ? Et cette première demande admirative est suscitée par la naissance de Marie en laquelle prend fin la nuit du péché.

Quelle est celle-ci, qui monte par le désert comme une vapeur embaumée de toutes sortes de parfums [79] ? Et cette deuxième expression de l’étonnement angélique a pour objet l’incomparable vie de la Vierge, où se rencontrent tous les progrès, d’où se dégagent tous les arômes des vertus.

Quelle est celle-ci, qui s’élève du désert inondée de délices, appuyée sur son bien-aimé [80] ? Et c’est là, vue des cieux, la sortie du tombeau de la Vierge bienheureuse.

Elle a rempli sa mission, accompli l’oracle, brisé la tête du serpent maudit [81]. De son cortège montent à nouveau vers les gardiens des remparts du ciel les paroles du psaume de triomphe : Ouvrez vos portes [82]. Ainsi disait prophétiquement, en figure d’elle, Judith victorieuse : Ouvrez vos portes, car Dieu est avec nous, car il a signalé sa puissance [83].

Et voici que se lèvent derechef, en effet, les portes éternelles. Du moindre au plus grand, tous les bienheureux habitants des hauteurs s’avancent à la rencontre de celle qui monte de notre humble vallée [84]. Plus démonstrative est la joie parmi les neuf chœurs, qu’elle ne le fut en Israël au jour où David introduisit l’arche figurative dans la cité sainte [85].

Faisons écho à l’allégresse des cieux. Que le solennel Introït de la fête soit pour nous la marche triomphale accompagnant l’entrée de Marie dans la vraie Sion. Le psaume d’épithalame, qui joint ses Versets à l’Antienne mélodieuse, est le trait d’union des chants du Sacrifice avec la lecture faite cette nuit du Cantique sacré.

L’Oraison demande le pardon et le salut par l’intercession de la Mère de Dieu. Son peu de rapport apparent au mystère de la solennité pourrait surprendre, si l’on oubliait qu’elle n’est que la deuxième Collecte de ce jour au Sacramentaire ; la première, que nous avons donnée plus haut, se disait au moment de la première réunion des fidèles, et elle proclame expressément l’impuissance de la mort à retenir Marie dans ses liens.

ÉPÎTRE.

Lecture du livre de la Sagesse. Eccli. XXIV.

J’ai cherché partout le repos, et j’ai voulu demeurer dans l’héritage du Seigneur. Alors le Créateur de toutes choses m’a parlé et fait connaître sa volonté ; et lui, qui m’a créée, s’est reposé dans mon tabernacle. Et il m’a dit : « Habitez en Jacob, et qu’Israël soit votre héritage, et prenez racine dans mes élus ». Et c’est ainsi que je me suis affermie dans Sion. J’ai donc trouvé mon repos dans la cité sainte, et ma puissance est établie dans Jérusalem. J’ai pris racine dans le peuple honoré du Seigneur, dans le peuple héritage de mon Dieu, et ma demeure est dans la plénitude des Saints. Je me suis élevée comme le cèdre au Liban, comme le cyprès de la montagne de Sion. Je me suis élevée comme le palmier en Cadès, et comme en Jéricho les plants des rosiers. Je me suis élevée comme un bel olivier dans la plaine, comme le platane sur les places au bord des eaux. J’ai donné mon parfum comme le cinnamome et le baume odorant ; comme une myrrhe de choix j’ai donné ma senteur.

L’Épître qu’on vient de lire est en relation étroite avec l’Évangile qui va suivre. Le repos recherché de Marie est celui de la meilleure part, le repos de l’âme en la présence du Pacifique, qui trouve lui-même dans cette âme pacifiée la part préférée de son héritage [86]. Nulle créature ne s’est approchée au point où l’a fait Notre-Dame de la paix où vit dans son éternité immuable la tranquille Trinité ; aussi nulle autre n’a mérité de devenir autant qu’elle le lieu du repos divin. Or, nulle activité ne saurait atteindre à l’excellence, à l’abondance des fruits d’une âme en laquelle le Seigneur se repose, parce qu’elle-même se repose en lui ; car ce repos est celui de l’Époux. Lorsque le Seigneur aura donné le sommeil à ses bien-aimés, alors apparaîtra leur fécondité, dit le Psaume [87].

Nous tous, devenus les fils de Marie au jour où le Seigneur se reposa dans son tabernacle, comprenons ce que la magnificence des expressions de l’éternelle Sagesse nous révèle de sa gloire en ce jour de triomphe. La branche sortie de la tige de Jessé ne porte point seulement la fleur divine sur laquelle s’est reposée la plénitude de l’Esprit-Saint [88] ; elle a racine dans les élus, appelant du ciel en leurs rameaux la sève qui transforme leur nature et divinise leurs fruits. Ces fruits de Jacob et d’Israël, ces œuvres delà vie chrétienne ordinaire ou de la vie des parfaits, sont donc aussi le bien et la richesse de la divine Mère. Aujourd’hui l’éternelle Sion, la cité sanctifiée, le peuple glorifié, héritage du Seigneur, la voient entrer à juste droit dans le repos sans fin où sa puissance s’affirmera d’autant plus en Jérusalem, que les Saints lui feront à jamais hommage de leur plénitude.

Mais combien cette plénitude des Saints rassemblés est elle-même dépassée par la plénitude des mérites personnels de Marie ! Autant le cèdre du Liban domine les fleurs de la plaine, autant et plus, après son Fils divin, Notre-Dame s’élève par delà toute sainteté créée. « Les arbres auxquels est comparée dans cette Épître la Bienheureuse Vierge en son exaltation, dit le Docteur angélique, peuvent être considérés comme représentant les divers ordres des bienheureux. Le sens de ce passage est donc que Marie, ayant eu les mérites de tous, a été exaltée par delà les Anges, les Patriarches et les Prophètes, les Apôtres, les Martyrs, les Confesseurs, les Vierges, par delà tous les Saints » [89].

Le Psaume XLIVe, dont les accents d’épithalame ont retenti déjà au Verset d’Introït, se poursuit au Graduel. La terre y chante les perfections qui ont mérité à l’Épouse l’appel du Roi des cieux. Dans le Verset, l’armée des Anges nous est montrée saluant l’entrée de sa Reine.

ÉVANGILE.

La suite du saint Évangile selon saint Luc. Chap. X.

En ce temps-là, Jésus entra dans un certain village, et une femme nommée Marthe le reçut dans sa maison. Or, elle avait une sœur nommée Marie ; et celle-ci, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Mais Marthe se dépensait pour le détail du service, et, s’arrêtant, elle dit : Seigneur, n’avez-vous pas souci de ce que ma sœur me laisse servir seule ? Dites-lui donc qu’elle m’aide. Et répondant, le Seigneur lui dit : Marthe, Marthe, vous vous inquiétez et embarrassez de beaucoup de choses. Pourtant une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera point enlevée.

Autrefois dans la Liturgie romaine [90] comme aujourd’hui encore chez les Grecs et les Mozarabes, l’Évangile du jour se continuait sans transition par ces versets d’un autre chapitre de saint Luc : Comme il disait ces choses, une femme élevant la voix du milieu de la foule, lui dit : Heureux le sein qui vous a porté, et les mamelles qui vous ont nourri ! Et Jésus dit : Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la pratiquent [91] !

Cette addition ramenait la pensée vers Notre-Dame ; mais l’épisode de Marthe et de sa sœur dans l’Évangile du jour n’en restait pas moins mystérieux. Écoutons saint Bruno d’Asti résumer l’explication instructive qui nous est donnée de ce choix par la tradition. « Ces deux femmes sont, dit-il, les chefs de l’armée sainte ; c’est elles que suit le peuple entier des élus. Les uns vont après Marthe, les autres après Marie ; mais nul n’arrive à la patrie, qu’il ne suive ou celle-ci ou celle-là. Aussi les saints Pères ont-ils à bon droit statué que cet Évangile serait lu dans la fête principale de la Bienheureuse Vierge, parce que c’est elle que signifient les deux sœurs ; elle s’élève entre toutes les créatures, comme ayant plus qu’aucune réuni les privilèges des deux vies, à savoir l’active et la contemplative. Comme Marthe, et bien mieux, elle a reçu le Christ : elle l’a reçu, non pas dans sa maison seulement, mais dans son sein ; elle l’a servi davantage, l’ayant conçu, mis au monde, porté dans ses bras. Comme Marie, d’autre part, elle écoutait sa parole, et de plus la conservait pour nous tous en son cœur [92] ; elle contemplait son humanité, elle pénétrait aussi et plus que personne sa divinité. Elle a donc bien choisi la meilleure part, qui ne lui sera point enlevée » [93].

Or donc, poursuit saint Bernard, « Celui qu’elle reçut à son entrée dans cet humble monde, la reçoit en ce jour au seuil de la cité sainte. Point de lieu ne se trouva sur terre plus digne du Fils de Dieu que le sein de la Vierge ; point de trône plus sublime au ciel que celui où le Fils de Marie la fait asseoir à son tour. De part et d’autre bienheureuses réceptions, ineffables toutes deux, parce que toutes deux elles dépassent la pensée ! Qui racontera la génération du Fils [94]), l’assomption de la Mère [95] ? »

A l’honneur de la Mère et du Fils, conformons nos mœurs aux enseignements évangéliques. Lorsqu’en nous Marthe se trouble, quand elle s’égare dans ses multiples sollicitudes, sachons la rappeler à l’unité de Marie. Soit en lui-même, soit dans ses membres, le Seigneur mérite seul d’arrêter notre pensée ; la valeur de toute chose, l’importance que nous devons dès lors lui attribuer dans notre conduite, se mesure à son rapport plus ou moins immédiat avec Dieu ou sa gloire. Que telle soit en tout la règle de nos appréciations : et la paix qui surpasse tout sentiment gardera nos intelligences et nos cœurs [96].

Aujourd’hui Marthe, l’Église de la terre, laissée seule aux combats, aux labeurs, se plaint de son abandon. Mais le Seigneur prend parti pour Marie, et lui confirme la meilleure part. Il est, à n’en pas douter, grande fête au ciel parmi les esprits angéliques : l’Offertoire revient à nouveau sur les démonstrations de leur allégresse auprès du Seigneur.

Ne laissons pas pourtant un sentiment de regret jaloux assombrir notre âme. Marie, comme tout passager de ce monde, a dû quitter la terre ; mais, dans la gloire, elle prie pour nous. C’est ce qu’exprime la Secrète.

Si vous m’aimiez, disait le Seigneur à ses disciples au moment de les quitter, vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon Père [97]. Nous qui aimons Notre-Dame, réjouissons-nous de ce qu’elle va vers son Fils. Comme le chante l’Antienne de Communion, la meilleure part, qu’elle a choisie, lui est assurée pour jamais.

Le pain sacré, que nous devons à Marie, nous reste toujours. Puisse-t-il, avec son intercession, nous garantir contre tous maux !

AUX SECONDES VÊPRES.

Les Antiennes, les Psaumes, le Capitule, l’Hymne et le Verset, sont les mêmes qu’aux premières Vêpres, à l’exception de l’Antienne de Magnificat.

Après l’Oraison de la fête, on fait mémoire [98] d’un saint Confesseur, St Hyacinthe, qui fut assez heureux que d’être appelé au ciel au jour même du triomphe de Notre-Dame. L’Église, pour le mieux célébrer, a remis sa propre fête au lendemain de celle de Marie.

Aujourd’hui, dans toutes les églises de France, a lieu la procession solennelle instituée en souvenir et confirmation du vœu par lequel Louis XIII dédia le royaume très chrétien à la Bienheureuse Vierge.

Par lettres données à Saint-Germain-en-Laye, le 10 février 1638, le pieux roi déclarait consacrer à Marie sa personne, son état, sa couronne, ses sujets. « Nous enjoignons à l’archevêque de Paris, disait-il ensuite, que tous les ans, le jour et fête de l’Assomption, il fasse faire commémoration de notre présente déclaration à la grande Messe qui se dira en son église cathédrale, et qu’après les Vêpres dudit jour il soit fait une procession en ladite église, à laquelle assisteront toutes les compagnies souveraines et le corps de ville avec pareille cérémonie que celle qui s’observe aux processions plus solennelles. Ce que nous voulons aussi être fait en toutes les églises tant paroissiales que celles des monastères de ladite ville et faubourgs, et en toutes les villes, bourgs et villages dudit diocèse de Paris. Exhortons pareillement tous les archevêques et évêques de notre royaume, et néanmoins leur enjoignons de faire célébrer la Messe solennelle en leurs églises épiscopales, et autres églises de leurs diocèses ; entendant qu’à ladite cérémonie les cours de parlement et autres compagnies souveraines, les principaux officiers des villes y soient présents. Nous exhortons lesdits archevêques et évêques... d’admonester tous nos peuples d’avoir une dévotion particulière à la Vierge, d’implorer en ce jour sa protection, afin que sous une si puissante patronne notre royaume soit à couvert de toutes les entreprises de ses ennemis ; qu’il jouisse longuement d’une bonne paix ; que Dieu y soit servi et révéré si saintement, que nous et nos sujets puissions arriver heureusement à la dernière fin pour laquelle nous avons tous été créés ; car tel est notre plaisir ».

A nouveau donc, le royaume de France s’affirmait le royaume de Marie. Moins d’un mois après la première fête célébrée conformément aux royales prescriptions, le 5 septembre 1638, naissait d’une union stérile vingt ans celui qui fut Louis XIV. Lui-même devait renouveler la consécration à Marie de la couronne et du sceptre de France [99]. L’Assomption demeura, elle est toujours, pour ceux que ne séduisent pas des dates de révolte et d’assassinat, la fête nationale du pays.

Voici les prières spéciales qui se dirent tous les ans jusqu’à la chute de la monarchie, en exécution du vœu de Louis XIII. Nous donnons l’Oraison dans son texte primitif.

ANTIENNE.
Sub tuum præsidium confugimus, sancta Dei Gemtrix : nostras deprecationes ne despicias in necessitatibus ; sed a periculis cunctis libera nos semper, Virgo gloriosa et benedicta.Nous avons recours à votre protection sainte Mère de Dieu : dans nos besoins ne méprisez pas nos prières ; mais délivrez-nous toujours de tous maux, Vierge glorieuse et bénie.
V/. Deus judicium tuum regi da et justitiam tuam filio regis.V/. O Dieu, donnez au roi votre science du jugement et au fils du roi celle de votre justice.
R/. Judicare populum tuum in justitia et pauperes tuos in judicio.R/. Pour juger votre peuple dans l’équité et vos pauvres dans la droiture.
ORAISON.
Deus, regum et regnorum rex, moderator et custos, qui Unigenitum Filium tuum, Beatissimæ Virginis Mariæ filium, et ei subjectum esse voluisti, famuli tui christianissimi Francorum regis, fidelis populi et totius regni sui vota, secundo favore prosequere, ut qui ejusdem se Virginis imperio manciparit, et ipsius servituti devota sponsione consecrant, perennis in vita tranquillitatis ac pacis et æternæ libertatis in cælo præmia consequantur. Per eumdem.Dieu, roi des rois et des royaumes, leur guide et leur gardien, vous qui avez donné comme fils à la bienheureuse Vierge Marie votre propre Fils unique et le lui avez soumis : accueillez favorablement les vœux de votre serviteur le très chrétien roi des Francs, de son peuple fidèle et de tout le royaume ; ils se soumettent eux-mêmes à l’empire de cette bienheureuse Vierge, ils se dévouent, s’engagent et se consacrent à son service : puissent-ils en retour obtenir, durant cette vie la tranquillité et la paix, au ciel l’éternelle liberté. Par le même Jésus-Christ, notre Seigneur.

Nous ne devons pas omettre de rappeler que la Hongrie fut de même consacrée à la Mère de Dieu par son premier roi, saint Étienne. Le présent jour y prit dès lors l’appellation du jour de la grande souveraine, dies Magnœ Dominae. Marie reconnut la piété de l’apostolique prince : ce fut le 15 août 1038, qu’il échangea pour la couronne des cieux son trône de la terre : nous le retrouverons sur le Cycle au deuxième jour de septembre. Au XVIe siècle, on vit en plusieurs lieux les Luthériens continuer après leur apostasie d’observer l’Assomption de la bienheureuse Vierge, que les populations n’eussent pas laissé supprimer. La coutume d’un grand nombre d’églises d’Allemagne était, comme en font foi leurs Bréviaires et Missels, de célébrer durant trente jours consécutifs par des réunions et des chants le triomphe de Marie.

Tressons notre couronne liturgique à Marie glorifiée. Par où mieux commencer que par ces fleurs de si parfait, de si plein arôme, que le sol gaulois fit surgir aux premiers jours ? On verra que dans la Messe du 18 janvier, d’où elles sont prises, nos pères célébraient à la fois la maternité de Notre-Dame et son triomphe.

MISSA IN ADSUMPTIONE S. M. M. D. N.
Generosæ diei Dominicæ Genitricis inexplicabile Sacramentum, tanto magis præconabile, quantum est inter homines Assumptione Virginis singulare. Apud quem vitæ integritas obtinuit Filium ; et mors non invenit par exemplum. Nec minus ingerens stuporem de transitu, quam exultatione ferens unico beata de partu. Nonsolum mirabilis pignore, quod fide concepit ; sed translatione prædicabilis, qua migravit. Speciali tripudio, affectu multimodo, fideli voto, Fratres dilectissimi, corde deprecemur attento : ut ejus adjuti muniamur suffragio ; quæ fœcunda Virgo, beata de partu, clara de merito, felix prædicatur abscessu : obsecrantes misericordiam Redemptoris nostri : ut circumstantem plebem illuc dignetur introducere ; quo Beatam Matrem Mariam, famulantibus Apostolis, transtulit ad honorem. Quod ipse præstare dignetur : qui cum Patre et Spiritu Sancto vivit, et regnat Deus in sæcula.Célébrons l’ineffable mystère du jour glorieux consacré à la Mère du Seigneur ; il mérite d’autant plus la louange, ce mystère, que l’Assomption de la Vierge le rend unique parmi les hommes. Il nous montre une vie où la virginité met au monde un fils, une mort qui n’a pas sa semblable. L’étonnement que suscite une telle mort, n’est pas moindre que l’allégresse causée par ce bienheureux enfantement. Admirons cette conception par la foi ; exaltons le passage dans lequel consiste cette mort. Que spéciales soient les manifestations de la joie, que se multiplient les effusions de l’amour, que la dévotion réponde à l’objet de la fête. Frères bien-aimés, que notre cœur soit tout entier à la prière : obtenons l’aide et le suffrage de la Vierge féconde, de l’heureuse mère, au mérite éclatant, au départ fortuné ; supplions notre miséricordieux Rédempteur, qu’il daigne conduire le peuple ici présent où il a glorieusement élevé la Bienheureuse Marie, sa Mère, à laquelle ses Apôtres ont rendu les devoirs suprêmes. Qu’il daigne nous accorder cette grâce, celui qui avec le Père et le Saint-Esprit vit et règne, étant Dieu, dans les siècles.
COLLECTIO POST NOMINA .
Habitatorem Virginalis hospitii, Sponsum beati thalami, Dominum tabernaculi, Regem Templi, qui eam innocentiam contulit Genitrici, qua dignaretur incarnata Deitas generari : quas nihil sæculi conscia, tantum precibus mens attenta, tenuit puritatem in moribus, quam perceperat Angeli benedictione, visceribus : nec per Assumptionem de morte sensit inluviem ; quæ vitæ portavit Auctorem : Fratres Carissimi, fusis precibus Dominum imploremus : ut ejus indulgentia illuc defuncti liberentur a tartaro ; quo Beatæ Virginis translatum corpus est de sepulchro. Quod ipse præstare dignetur ; qui in Trinitate perfecta vivit.Nos vœux s’adressent à l’hôte du sein virginal, à l’Époux du sanctuaire bienheureux, au Seigneur du tabernacle, au Roi du temple ; l’innocence conférée par lui à sa Mère fut telle, que sa divine personne daignât y prendre chair et en être engendrée. N’ayant rien de commun avec le siècle, l’âme uniquement tournée vers la prière, cette mère observa dans ses mœurs la pureté qu’au salut de l’Ange elle avait reçue dans ses entrailles ; aussi, par son Assomption, ne connut-elle point la mort pour en être souillée, celle qui porta l’Auteur de la vie. Frères très chers, implorons par des prières ferventes le Seigneur : que sa miséricorde délivre les défunts de l’abîme, et les admette là où le corps de la Bienheureuse Vierge a été transféré du sépulcre. Qu’il daigne faire ainsi, Celui qui vit dans une Trinité parfaite.
CONTESTATIO.
Dignum et justum est, omnipotens Deus , nos tibi magnas merito gratias agere, tempore celeberrimo, die præ cæteris honorando. Quo fidelis Israhel egressus est de Ægypto. Quo Virgo Dei Genitrix de mundo migravit ad Christum. Quæ nec de corruptione suscepit contagium ; nec resolutionem pertulit in sepulchro, pollutione libera, germine gloriosa, assumptione secura, Paradiso dote prælata, nesciens damna de coitu, sumens vota de fructu, non subdita dolori per partum, non labori per transitum, nec vita voluntate, nec funus solvitur vi naturæ. Speciosus thalamus, de quo dignus prodit Sponsus, lux gentium, spes fidelium, prædo dæmonum, confusio Judæorum : vasculum vitæ ; tabernaculum gloriæ, templum cœleste : cujus juvenculæ melius prædicantur merita ; cum veteris Evæ conferuntur exempla.Il est digne et juste, Dieu tout-puissant, il est équitable que nous vous rendions de grandes actions de grâces en ce temps consacré, en ce jour vénérable entre tous. Comme le fidèle Israël sortit de l’Égypte, ainsi la Vierge Mère de Dieu passa du monde au Christ. Pas plus que la corruption de la vie, elle ne connut la dissolution du tombeau. Exempte de souillure, glorieuse en sa fécondité, délivrée par son assomption, elle règne au Paradis comme Épouse. Vierge toujours pure, elle porte un fruit d’allégresse ; la douleur est absente de son enfantement, la peine de sa mort ; sa vie fut au-dessus de la nature, son trépas ne fut pas une dette exigée par celle-ci. Chambre nuptiale brillante, d’où sort l’incomparable Époux, la lumière des nations, l’espérance des fidèles, le spoliateur des démons, la confusion des Juifs ! Vase de vie, tabernacle de gloire, temple céleste ! Mais de cette vierge nouvelle les mérites éclatent mieux, si les gestes de l’ancienne Ève en sont rapprochés.
Siquidem ista mundo vitam protulit ; illa legem mortis invexit. Illa prævaricando, nos perdidit ; ista generando, salvavit. Illa nos pomo arboris in ipsa radice percussit ; ex hujus virga flos exiit, qui nos odore reficeret, fruge curaret. Illa maledictione in dolore generat ; ista benedictionem in salute confirmat. Illius perfidia serpenti consensit, conjugem decepit, prolem damnavit ; hujus obedientia Patrem conciliavit, Filium meruit, posteritatem absolvit. Illa amaritudinem pomi suco propinat ; ista perennem dulcedinem Nati fonte desudat. Illa acerbo gustu natorum dentes deterruit ; hæc suavissimi panis blandimenti cibo formavit : cui nullus deperit, nisi qui de hoc pane saturare fauce fastidit. Sed jam veteres gemitus in gaudia nova vertamus.Celle-là produit la vie pour le monde ; celle-ci donne naissance à l’empire de la mort. Celle-ci prévarique et nous perd ; celle-là engendre et nous sauve. Celle-ci par le fruit de l’arbre nous frappe à la racine ; de cette branche sort la fleur dont le parfum nous réconforte, dont le fruit nous guérit. L’une sous la malédiction engendre dans la douleur ; l’autre retrouve la bénédiction, assure le salut. La perfidie de l’une conspire avec le serpent, trompe son époux, perd sa race ; l’obéissance de l’autre apaise le Père, mérite le Fils, délivre sa descendance. L’une nous présente dans le suc d’un fruit l’amertume ; l’autre fait couler de la source de son Fils la douceur sans fin. Telle est l’aigreur de la pomme d’Ève, que les dents des enfants en demeurent agacées ; la suavité du pain de la Vierge les raffermit et les nourrit : nul avec elle ne meurt, que celui qui en présence de ce pain rassasiant reste dégoûté. Mais il est temps de laisser les vieux gémissements pour les nouvelles joies.
Ad te ergo revertimur Virgo fœta, Mater intacta , nesciens virum, puerpera, honorata per Filium non polluta. Felix, per quam nobis inspirata gaudia successerunt. Cujus sicut gratulati sumus ortu, tripudiavimus partu ; ita glorificamur in transitum. Parum fortasse fuerat si te Christus solo sanctificasset introitu ; nisi etiam talem Matrem adornasset egressu. Recte ab ipso suscepta es in Assumptione feliciter ; quem pie suscepisti conceptura per fidem : ut quæ terræ non eras conscia, non teneret rupes inclusa.Nous revenons donc à vous, Vierge féconde, Mère toujours pure qui ne connûtes point d’homme, qui enfantez, mais dont le Fils vous apporte l’honneur et non la souillure. Heureuse, vous par qui sont arrivées jusqu’à nous les joies que vous avez conçues ! Nous nous sommes félicités de votre naissance, nous avons tressailli à votre enfantement, nous nous glorifions de votre passage au ciel. Il n’eût pas suffi sans doute que le Christ sanctifiât votre entrée ; d’une telle Mère, il devait illustrer aussi la sortie. Il était juste que, l’ayant reçu dans votre amour quand vous le conçûtes par la seule foi, lui-même à son tour vous reçût dans sa félicité par cette Assomption ; celle en qui la terre n’avait point eu de prise ne pouvait être retenue sous la roche du tombeau.
Vere diversis insolis anima redempta : cui Apostoli sacrum reddunt obsequium, Angeli cantum, Christus amplexum, nubis vehiculum, Assumptio Paradisum, inter choros Virginum gloria principatum. Per Christum Dominum nostrum. Cui Angeli atque Archangeli.Véritablement donc, que de merveilles inaccoutumées ! Les Apôtres lui rendent le devoir suprême ; les Anges la célèbrent en leurs chants ; le Christ la reçoit dans ses bras ; une nuée est son char ; son Assomption l’élève au Paradis ; parmi les chœurs des Vierges elle exerce une principauté glorieuse. Par le Christ notre Seigneur, à qui les Anges et les Archanges.

La Liturgie ambrosienne compose sa Préface de la Messe de Vigile avec les termes mêmes de la Collecte romaine qui se disait au moment de la solennelle Litanie précédemment décrite. Nous lui emprunterons les deux Antiennes suivantes de la Messe du jour.

CONFRACTORIUM.
Lætare Virgo , Mater Christi, stans a dextris ejus in vestitu deaurato, circumamicta jucunditate.Soyez dans la joie, Vierge, Mère du Christ, vous tenant à sa droite en votre vêtement d’or, environnée de charmes.
TRANSITORIUM.
Magnificamus te, Dei Genitrix ; quia ex te natus est Christus, salvans omnes, qui te glorificant. Sancta Domina, Dei Genitrix, sanctificationes tuas transmitte nobis.Nous vous exaltons, Mère de Dieu, parce que de vous est né le Christ, sauvant tous ceux qui vous glorifient. Sainte souveraine, Mère de Dieu, faites-nous part des grâces qui vous ont sanctifiée.

Les Mozarabes seront représentés par ces pièces de leurs Vêpres de la fête.

LAUDA.
Virgo Isræl, ornare tympanis tuis.Vierge d’Israël, prenez le tympanon,
R/. Et egredere in choro psallentium.R/. Et sortez au milieu des chœurs.
V/. Beata es Regina, quæ prospicis, quasi lumen.V/. Vous êtes bienheureuse, Reine qui vous élevez comme la lumière.
R/. Et egredere.R/. Et sortez.
V/. Dominus sit semper vobiscum.V/. Que le Seigneur soit toujours avec vous.
R/. Et cum spiritu tuo.R/. Et avec votre esprit.
SONO.
Dominus Deus cœli benedicat tibi : honor regni David in manu tua.Que le Seigneur Dieu du ciel vous bénisse : l’honneur du royaume de David est en vous.
R/. Et adorabunt coram te filii multarum gentium. Alleluia.R/. Et l’on verra se prosterner devant vous les fils de nations nombreuses. Alléluia.
V/. Audi, filia Sion, quia exaltata es, et facies tua fulget in templo Dei : Sol justitiæ ingressu tuo orietur.V/. Écoutez, fille de Sion, en ce jour de votre gloire où votre visage resplendit dans le temple de Dieu ; le Soleil de justice se lève à votre entrée.
R/. Et adorabunt.R/. Et l’on verra.
V/. Dominus sit.V/. Que le Seigneur.
R/. Et cum.R/. Et avec.
ANTIPHONA.
Benedicta tu Deo altissimo, præ omnibus mulieribus.Vous êtes bénie par le Dieu très haut plus que toutes les femmes.
R/. Propter hoc non discedet laus tua ab ore hominum usque in sæculum.R/. C’est pourquoi la bouche des hommes ne cessera point jusqu’à l’éternité de proclamer vos louanges.
V/. Non det in commotionem pedem tuum : neque dormiet qui custodit te.V/. Votre pied ne sera jamais ébranlé ; il ne s’endormira pas celui qui vous garde.
R/. Propter.R/. C’est pourquoi.
V/. Gloria et honor Patri, et Filio, et Spiritui Sancto in sæcula sæculorum. Amen.V/. Gloire et honneur au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Amen.
R/. Propter.R/. C’est pourquoi.
V/. Dominus sit.V/. Que le Seigneur.
R/. Et cum.R/. Et avec.
LAUDA.
Rami mei rami honoris et gratiæ. Alleluia.Mes rameaux sont des rameaux d’honneur et de grâce. Alléluia.
R/. Ego quasi vitis fructificavi suavitatem odoris. Alleluia, alleluia, alleluia, alleluia.R/. J’ai comme la vigne fructifié dans une suavité parfumée. Alléluia, alléluia, alléluia, alléluia.
V/. Ego autem, sicut oliva fructifera in domo Domini, sperabo in misericordia Dei mei in æternum, et in sæculum sæculi.V/. Je suis comme un olivier chargé de fruits dans la maison du Seigneur ; j’espérerai dans la miséricorde de mon Dieu pour l’éternité, pour les siècles des siècles.
R/. Ego quasi.R/. J’ai comme.
V/. Gloria et honor Patri.V/. Gloire et honneur au Père,
R/. Ego quasi.R/. J’ai comme.
ORATIO.
Hæc est, Domine Deus, gloriosa illa virgo Maria, quæ hodie a convalle lachrymarum et mundi deserto cognoscitur superassumi incumbens super dilectum Unigenitum tuum, Filiumque suum loco videlicet inenarrabili : cujus vero quasi signaculum et monile detegitur pretiosum, dum unius naturæ illud corpus confitemur Dominicum istius inlibatæ genitricis a Divinitate assumptum. Proinde quæsumus, ineffabilis summe Deus, ut illic extendatur nostra intentio, quo per fortem dilectionem hodie præcessit digna suffragatrix pro nobis ac beatissima Virgo.Nous contemplons, Seigneur Dieu, la glorieuse Vierge Marie, qui s’élève aujourd’hui de la vallée des larmes et du désert du monde à d’inénarrables hauteurs, appuyée sur son bien-aimé, votre Fils unique et son Fils. Quelle gloire spéciale, quel joyau précieux est cette unité de nature entre l’immaculée Mère et le corps pris d’elle par la personne divine du Seigneur ! C’est pourquoi, nous vous en supplions, Dieu souverain, ineffable : puissent nos énergies se diriger au but ou nous précède aujourd’hui dans son fort amour, et comme notre digne avocate, cette bienheureuse Vierge !
R/. Amen.R/. Amen.
V/. Per misericordiam tuam, Deus noster, qui es benedictus, et vivis, et omnia regis in sæcula sæculorum.V/. Par votre miséricorde, ô notre Dieu, qui êtes béni, et vivez, et gouvernez tout dans les siècles des siècles.
R/. Amen.R/. Amen.

Les Grecs nous donnent cette gracieuse composition, dont les huit premières strophes s’adaptent aux huit tons musicaux, pour revenir dans la neuvième au premier, ayant ainsi chanté sur tous les modes le triomphe de Marie [100].

IN OFFICIO VESPERTINO.

A un signal de la toute-puissance, les Apôtres qui portent Dieu furent enlevés sur les nuées par les airs.

A leur arrivée, ils saluèrent dans un langage sublime votre corps très pur, principe de la vie.

Cependant les plus élevées des puissances des cieux, venant avec leur Seigneur, forment cortège au corps sans tache qui a renfermé Dieu ; saisies de crainte, elles remontent vers les célestes demeures,

Et elles crient comme font les esprits aux chefs des angéliques phalanges : « Voici qu’arrive la reine de tous, la Mère de Dieu !

« Ouvrez les portes, et recevez dans les hauteurs la mère de la lumière éternelle.

« Par elle s’est accompli l’universel salut des mortels. Nos yeux sont impuissants à fixer sa beauté.

« Elle ne saurait être assez honorée ; car son mérite surpasse toute pensée ».

C’est pourquoi, immaculée, ô Mère de Dieu, vivant à jamais dans la société du prince de la vie né de vous, intercédez pour nous sans cesse ; soyez notre garde ; sauvez de tout choc de l’ennemi cette jeunesse qui est vôtre Car nous avons droit à votre secours « A vous, dans les splendeurs de l’éternité, nos acclamations !

Cueillions de même quelques traits dans les chants Chaldéens.

IN ASSUMPTIONE V. MARIAE.

L’homme ne saurait louer comme il faut la Mère du Seigneur des anges et des hommes ; ni les hommes ne peuvent la comprendre, ni les anges la pénétrer pleinement : Objet qu’elle est d’admiration dans sa vie mortelle, de stupeur dans sa mort vivifiante.

Durant sa vie, elle était morte au monde ; à sa mort, elle ressuscite les morts.

Vers elle les Apôtres s’empressent des régions lointaines, les anges descendent des hauteurs du ciel pour l’honorer comme il convient.

Les Vertus s’animent mutuellement, les Principautés se répandent comme des nuages enflammés, les Dominations sont dans la joie, les Puissances tressaillent.

Les Trônes multiplient la louange, tandis que les Séraphins exaltent la gloire de son bienheureux corps, et que les Chérubins célèbrent dans leurs chants celle qui s’avance au milieu d’eux.

L’air et les nuées s’inclinent à son passage ; les tonnerres applaudissent en louant son Fils dans leur concert ; la pluie et la rosée portent envie à son sein virginal : Car elles nourrissent les plantes, mais lui a nourri le Seigneur des plantes.

Raoul de Tongres, qui écrivit au XIVe siècle son livre De l’observance des canons dans les Offices de L’Église, signale l’Hymne suivante comme usitée de son temps pour la fête de ce jour [101].

HYMNE.
O quam glorifica luce coruscas,
Stirpis Davidicæ regia proles :
Sublimis residens Virgo Maria,
Supra cœligenas ætheris omnes.
O que glorieuse est la lumière dont vous brillez,
royale fille de la race de David !
Du trône où vous êtes élevée, Vierge Marie,
vous dominez tous les habitants des cieux.
Tu cum virgineo mater honore,
Angelorum Domino pectoris aulam,
Sacris visceribus casta parasti ;
Natus hinc Deus est corpore Christus.
Mère en gardant l’honneur de la virginité,
vous offrîtes comme palais votre cœur au Seigneur des Anges ; l
a pureté prépara votre sein sacré :
Dieu fut chair, et le Christ naquit.
Quem cunctus venerans orbis adorat,
Cui nunc rite genu flectitur omne :
A quo te, petimus, subveniente,
Abjectis tenebris, gaudia lucis.
C’est lui qu’adore en tremblant l’univers,
lui devant qui tout genou à cette heure fléchit dévotement,
lui de qui nous implorons, par votre secours,
la fin de nos ténèbres et les joies de la lumière.
Hoc largire, Pater luminis omnis,
Natum per proprium, Flamme sacro :
Qui tecum nitida vivit in æthra
Regnans, ac moderans sæcula cuncta.
Amen.
Accordez-nous cette grâce, Père de toute lumière,
par votre Fils, dans l’Esprit-Saint :
avec vous il vit et règne ce Fils, dans les cieux resplendissants,
gouvernant tous les siècles.
Amen.

Terminons par cette suave Séquence.

SÉQUENCE.
Affluens deliciis,
David regis filia,
Sponsi fertur brachiis
Ad cœli sedilia :
Et amica properat
Sponsum, quo abierat,
Quærens inter lilia.
Inondée de délices,
la fille du roi David
est portée dans les bras
de l’Époux aux célestes trônes ;
la bien-aimée, cherchant
l’Époux parmi les lis,
s’empresse de le rejoindre où il était allé.
Hodie cubiculum
Regis Hester suscipit,
Sedare periculum,
Quod hostilis efficit
Aman instans fraudibus,
Peccati rudentibus
Mundo mortem conficit.
Aujourd’hui s’ouvre
pour Esther la chambre du Roi :
elle y vient conjurer le danger
provenu des perfidies d’Aman notre ennemi,
qui enserre le monde
dans les liens du péché
pour lui donner la mort.
Per cœli palatia
Cuncta transit ostia
Intra regis atria,
Ubi sceptrum aureum,
Christum, os virgineum
Osculatur hodie,
Ut sit pax Ecclesiæ.
Traversant les palais des cieux,
elle franchit les diverses barrières,
pour pénétrer jusqu’aux appartements royaux ;
là, aujourd’hui, sa bouche virginale
baise le sceptre d’or,
qui est le Christ :
ainsi est accordée paix à l’Église.
Vox Rachelis in Rama
Hic auditur : sed drama
Tibi dulce canitur,
Ubi te amplectitur
Sponsus, et allpquitur,
Quo beata frueris
Plusquam cunctis superis.
En Rama, ici-bas,
la voix de Rachel se fait entendre ;
mais un chant suave
à votre honneur remplit le lieu des embrassements,
des douces paroles de l’Époux,
dont vous jouissez, ô fortunée,
plus qu’aucun habitant des cieux.
Te transmittit hodie
Tellus cœli curiæ,
David regis Thecuitem,
Helisæi Sunamitem,
Ut fugati revocemur,
Et prostrati suscitemur
Ad æterna gaudia,
Ubi es in gloria.
Amen.
La terre vous envoie
aujourd’hui à la céleste cour,
comme la femme prudente de Thécua au roi David,
comme la Sunamite au véritable Élisée :
faites-nous rappeler de notre exil,
faites-nous ressusciter de la mort,
pour goûter les joies éternelles
où vous êtes dans la gloire.
Amen.

Vous avez goûté la mort, ô Marie ! Mais son sommeil, comme le sommeil d’Adam aux premières heures du monde, n’a été qu’une extase mettant en présence l’Époux et l’Épouse. Comme le sommeil de l’Adam nouveau au grand jour du salut, il appelait aussi le réveil de la résurrection. Déjà, par le Christ Jésus, notre nature, dans la totalité de son être, âme et corps, régnait aux cieux [102] ; mais, comme au paradis du premier jour, il n’était point bon que l’homme fût seul sous le regard de la Trinité sainte [103]. A la droite de Jésus paraît aujourd’hui la nouvelle Ève [104], en tout semblable au chef divin dans le vêtement de sa chair glorifiée ; rien ne manque plus au paradis de l’éternité.

O Marie, qui, selon l’expression de votre dévot serviteur, Jean Damascène, avez rendu la mort bienheureuse et joyeuse [105], détachez-nous de cette terre où rien ne saurait plus nous retenir. Nous vous avons accompagnée de nos vœux [106] ; nous vous avons suivie, du regard de l’âme, aussi loin que l’ont permis les bornes de notre mortalité : et maintenant, nos yeux pourront-ils jamais se reporter sur ce monde de ténèbres ? Vierge bénie, pour sanctifier l’exil, pour nous aider à vous rejoindre, assurez-nous le secours des vertus dont le vol sublime vous a portée à ces hauteurs. En nous aussi, il faut qu’elles règnent ; en nous aussi, il faut qu’elles brisent la tête du serpent maudit : pour qu’un jour, en nous aussi, elles triomphent. O jour des jours, où l’espérance de Job sera pour nous dépassée [107], où nous verrons non point seulement le Rédempteur, mais la Reine qui se tient si près du Soleil de justice qu’elle en est revêtue [108], éclipsant de son éclat les splendeurs des Saints !

L’Église, il est vrai, nous reste, ô Marie, l’Église elle aussi notre Mère, et qui poursuit votre lutte contre le dragon aux sept têtes odieuses. Mais elle aussi soupire après l’heure où lui seront données les ailes d’aigle [109] qui lui permettront de s’élever comme vous par le désert, et d’atteindre l’Époux. Voyez-la parcourant comme la lune à vos pieds ses phases laborieuses ; entendez les supplications qu’elle vous adresse comme à sa médiatrice auprès du Soleil divin : que par vous elle reçoive la lumière ; que par vous elle mérite faveur auprès de Celui qui vous a aimée, revêtue de gloire, couronnée de beauté [110].

Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

La fête.

La fête de la Dormition ou de l’Assomption de la Mère de Dieu au ciel est probablement la plus ancienne des fêtes mariales, car, très longtemps avant les conciles de Chalcédoine et d’Éphèse, elle apparaît comme d’usage universel et commun, non seulement chez les catholiques, mais aussi parmi les sectes dissidentes ou dans de très anciennes églises nationales comme celle des Arméniens et des Éthiopiens. Il est probable que la dédicace, à Rome, de la basilique major de Sainte-Marie sur l’Esquilin le 5 août au temps du pape Libère (352-366), ou de Sixte III, a elle-même quelque relation avec la fête de l’Assomption qui, bien que célébrée le 18 janvier dans le rit gallican, le 16 dans le rit copte, était fixée selon l’usage byzantin à la mi-août, date qui fut retenue définitivement ensuite par l’empereur Maurice au temps de saint Grégoire le Grand.

Quelle que soit d’ailleurs l’origine de cette solennité, il est certain qu’à Rome la fête existait bien longtemps avant le pape Serge, car, nous l’avons déjà dit, ce pontife, pour l’entourer d’une plus grande splendeur, décida qu’à cette occasion on ferait chaque année une procession solennelle, de la basilique de Saint-Adrien sur le Forum à Sainte-Marie-Majeure où le Pape célébrait la messe stationnale. Il prescrivit une cérémonie semblable pour la Purification, la Nativité et l’Annonciation de la Mère de Dieu, s’inspirant probablement de l’usage des Byzantins qui, depuis quelques siècles déjà, célébraient ces solennités. Léon IV établit, vers 847, que la fête de l’Assomption serait précédée à Rome de la veillée solennelle (vigile) du clergé et du peuple dans la basilique de Sainte-Marie-Majeure ; et pour le jour de l’octave il prescrivit que la station serait célébrée hors la porte Tiburtine dans la basilique maior en l’honneur de la Vierge, érigée par le pape Sixte III devant l’abside de l’église constantinienne de Saint-Laurent.

Nous connaissons encore l’ordre de la solennelle procession stationnale établie du temps de Serge Ier. De bon matin le peuple, portant des cierges allumés et chantant des antiennes et de pieuses litanies, se rendait à l’église de Saint-Adrien, où on attendait l’entrée du Pontife. A peine celui-ci arrivait-il à cheval du Latran, lui et ses sept diacres laissaient leurs vêtements habituels et prenaient les lugubres pænulæ de pénitence, puis la procession commençait. Devant, marchaient sept porte-croix, puis venait le peuple priant, et enfin le clergé palatin et le Pontife escorté de deux acolytes soutenant des flambeaux avec les torches allumées selon l’usage impérial romain. Suivaient un sous-diacre, balançant l’encensoir des parfums, puis deux autres porte-croix chargés chacun d’une précieuse croix stationnale ; enfin le cortège se terminait par la Schola des chantres, composée des enfants de 1’’orphanotrophium, qui alternaient avec le clergé le chant des antiennes et des litanies appropriées à la circonstance. Quand cet interminable défilé arrivait enfin vers l’aurore à Sainte-Marie-Majeure, le Pape et ses diacres se retiraient d’abord dans le secretarium pour changer de vêtements et se préparer à la célébration de la messe, tandis que le reste du clergé et le peuple, humblement prosternés devant l’autel, comme cela se fait aujourd’hui encore le Samedi saint, chantaient pour la troisième fois la litanie ternaire des saints, c’est-à-dire en répétant trois fois chaque invocation.

Par la suite, ce rite vigilial, composé de processions nocturnes, d’antiennes, de croix et de cierges, rite si différent de l’habituelle pannuchis romaine, et qui accuse pour cette raison une origine orientale, eut un immense développement et devint l’une des solennités les plus caractéristiques de la Rome médiévale. Au Xe siècle, le Pape et le Collège des cardinaux, le matin de la vigile de l’Assomption, se rendaient pieds nus dans l’oratoire de Saint-Laurent, appelé aujourd’hui Sancta Sanctorum au Latran, où l’on conservait, entre autres reliques, l’antique image du Sauveur qu’on disait avoir été soustraite jadis à la destruction des Iconoclastes à Constantinople. Ce tableau était, à Rome, en grande vénération ; aussi le Pontife, avant d’ouvrir les portes du tabernacle qui le gardait, faisait, avec ceux qui étaient présents, sept génuflexions. A l’apparition de la sainte image, selon une ordonnance de saint Léon IV, on entonnait l’hymne Te Deum ; le Pape montait alors sur l’estrade préparée dans ce but, et baisait d’abord les pieds du Sauveur, puis déposait le tableau sur la table du saint autel.

Dans l’après-midi, tout le haut clergé du patriarchium du Latran se rendait, en compagnie du Pontife, à Sainte-Marie-Majeure pour y célébrer les vêpres. Puis on prenait un sobre repas qui était d’ailleurs l’unique réfection permise en ce jour de jeûne rigoureux. Au coucher du soleil se terminait ce repas frugal, et le clergé papal se retirait pour prendre un peu de repos dans les salles du palais voisin.

Au chant du coq, le Pape était debout de nouveau avec son clergé et tous retournaient dans la basilique luxueusement illuminée et toute ornée de tentures, pour y célébrer en présence du peuple innombrable l’office vigilial. Celui-ci, selon l’usage romain des plus grandes solennités, se composait de deux offices de matines, suivies des psaumes habituels des laudes qui devaient être chantés à l’apparition de la lumière. L’offrande du divin sacrifice mettait fin à cette longue cérémonie.

Au XIe siècle, ce rite avait subi quelques modifications. Ce n’était plus le Pape mais les cardinaux qui, au soir du 14 août, allaient retirer de la chapelle de Saint-Laurent au Sancta Sanctorum l’image du Sauveur, et la conduisaient en triomphe sur la vaste place qui s’ouvrait alors devant le Patriarchium du Latran.

La vénérable image était escortée par douze portiers tenant des cierges allumés ; suivait, le sous-diacre régionnaire avec la croix stationnale ; puis venaient le clergé palatin, le primicier avec la Schola des chantres, le préfet de la Ville avec une délégation de douze autres membres de la commune, et enfin une foule immense de peuple qui, cette nuit, avait abandonné les quartiers de la Cité pour se porter au Latran. Du Patriarchium, la procession se dirigeait vers la basilique de Sainte-Marie-la-Neuve, près de la Voie sacrée sur le Forum, dont l’on célébrait la solennité titulaire, et en cette splendide matinée d’août, tandis que le soleil levant dorait les monts Albains, ce devait être assurément un spectacle digne de la Ville éternelle qu’offrait la procession triomphale du Rédempteur et de son Église, en ces lieux, sous ces mêmes arcs de victoire, le long de ces portiques et de ces antiques amphithéâtres dédiés à Titus, à Domitien et à Vespasien, et qui rappelaient trois siècles de persécution et de sang généreusement répandu pour la confession du Christ.

La vénérable image du divin Rédempteur était momentanément déposée sous le portique de Sainte-Marie-la-Neuve, où le clergé, en signe d’adoration, répandait sur les pieds du Sauveur des essences parfumées extraites de la plante appelée vulgairement basilic. Puis la Schola des chantres entrait dans la basilique et commençait l’office du matin, tandis que les fidèles, pour ne pas attendre paresseusement la fin de cette psalmodie, s’emparaient pour un moment de la sainte image, et, à bras d’hommes, au chant de psaumes et d’hymnes d’action de grâces, la transportaient dans la basilique voisine de Saint-Adrien. Là se répétait la cérémonie du lavement des pieds du Sauveur, avec de nouveaux parfums, jusqu’à ce que, à la fin de l’office du matin, le cortège se reformât, pour se diriger cette fois vers Sainte-Marie-Majeure, où se célébrait la messe stationnale de l’Assomption de la sainte Vierge.

Au Xe siècle, l’imagination populaire avait étrangement transformé l’histoire de Rome impériale, et dans tous ces majestueux vestiges d’antiques monuments qui encombraient alors le Capitole et le voisinage des forums impériaux, la légende ne voyait que d’horribles cavernes de basilics et de reptiles qui avaient jadis empoisonné de leur seul souffle pestiféré les étourdis qui étaient passés par là. La foi énergique du moyen âge sentait donc le besoin de s’affirmer avec force devant ces trophées qui rappelaient le règne diabolique de l’idolâtrie de Rome impériale ; c’est pourquoi les rituels romains des XIe et XIIe siècles prescrivaient à la procession de passer près de l’arc dit de Latone, et devant la domus Orphei, l’antique fontaine ornée de la statue du poète thrace, afin que le peuple romain fût délivré des influences diaboliques par les supplications de si nombreux fidèles et grâce à l’intercession de la puissante Mère de Dieu.

Le cortège étant enfin arrivé à Sainte-Marie-Majeure, après une nuit si féconde en grandes émotions, le Pape célébrait la messe stationnale et donnait la bénédiction au peuple fatigué par le jeûne et par la veillée. C’est la raison pour laquelle, selon l’ancien rit romain, dans l’après-midi des fêtes solennelles, à l’exception de Pâques, on ne célébrait pas les secondes Vêpres, laissées exclusivement à la dévotion des moines. Plus tard seulement, c’est-à-dire quand les vigiles nocturnes tombèrent en désuétude, le rit romain finit par admettre la célébration des secondes vêpres, mais généralement le Pape n’y prenait aucune part.

Pour compléter ce tableau de la fête de l’Assomption au moyen âge à Rome, voici un poème du début du XIe siècle, où est décrite la solennelle veillée des Romains en l’honneur de l’Assomption de la sainte Vierge. Il est important, parce qu’il supplée à quelques lacunes des Ordines Romani eux-mêmes. Nous en empruntons le texte à des mélanges cassiniens [111] du même siècle.

Incipit Carmen in Assumptione Sanctæ Mariæ.
Chant pour l’Assomption de Notre-Dame.
IN NOCTE, QUANDO TABULA PORTATUR.LA NUIT, QUAND ON TRANSPORTE L’IMAGE.
Sancta Maria, quid est ? Si cæli climata scandis ?
Esto benigna tuis. Sancta Maria, quid est ?
Sainte Marie, qu’arrive-t-il ?
Montez-vous au sommet des cieux ?
Soyez propice à vos enfants.
Sainte Marie, qu’arrive-t-il ?
Unde fremit populus ? Vel cur vexilla coruscant ?
Quid sibi vult strepitus ? Unde fremit populus ?
Pourquoi ces rumeurs de la foule ?
Pourquoi ces étendards déployés ?
Que veut dire ce tumulte ?
Pourquoi ces rumeurs de la foule ?
Quare volant faculæ ? Lucent per strata coronæ
Lumine columnæ ? Quare volant faculæ ?
Pourquoi ces torches promenées ?
Pourquoi dans les rues ces couronnes de lumière ?
Et ces colonnes de feu ?
Pourquoi ces torches promenées ?
Astra nitent radiis. Rutilant et tecta lanternis ;
Cuncta rubent flammis. Astra nitent radiis.
Les astres brillent radieux ;
Les toits même sont embrasés,
Tout rougeoie et s’enflamme.
Les astres brillent radieux.
Edita consulibus, numerasti, Roma, triumphos ;
Signa moves planctus, edita consulibus.
Fille des consuls,
Tu as compté, Rome, bien des triomphes ;
Maintenant tu te montres en deuil,
Fille des consuls.
Quæ tibi causa mali ? felix, o gloria mundi.
Cur manant oculis ? Quæ tibi causa mali ?
Qui a causé ton malheur
O bienheureuse, orgueil du monde ?
Pourquoi ces larmes en tes yeux ?
Qui a causé ton malheur ?
Plaude, parens patria, rorantia lumina terge,
Spem retinens veniæ. Plaude, parens patria.
Applaudis, mère patrie,
Essuie tes yeux en pleurs,
Ne perds pas l’espoir du pardon.
Applaudis, mère patrie.
Martyrii prætio, cecidit si prima propago,
Stas renovata modo Martyrii prætio.
Grâce au martyre,
Si tes premiers rejetons sont tombés,
Te voici debout, renouvelée,
Grâce au martyre.
Limina primus adit, silvis digressus arator,
Nunc tua Piscator limina primus adit.
Ton sol fut d’abord foulé
Par le laboureur sorti des forêts,
Maintenant par le Pêcheur
Ton sol est foulé.
Pulvere multiplici crines foedaverat ille,
Hic te mundat aquis pulvere multiplici.
D’une épaisse poussière
Le premier a souillé ta chevelure ;
Le second te lave dans les eaux,
D’une épaisse poussière.
Paulus ovile tuum pascens, educit aquatum
Atque refert stabulis Paulus ovile tuum.
Paul fait paître ton troupeau,
Il le conduit à la fontaine
Et le mène au bercail,
Paul fait paître ton troupeau.
RESPONDET ROMA.RÉPONSE DE ROME.
Quid memoras titulos ? aut cur insignia prisca
Obicis in vultum ? Quid memoras titulos ?
Pourquoi rappeler mes gloires ?
Pourquoi me jeter à la face
Mes antiques trophées ?
Pourquoi me rappeler mes gloires ?
Enitui facie. Toto memorabilis orbe
Callida, sed vulpes. Enitui facie.
Mon visage resplendissait,
J’étais connue dans l’univers,
Mais comme un renard rusé,
Mon visage resplendissait.
In mediis opibus, meretrix nocturna cucullos
Indui prostituens, in mediis opibus.
Au sein de mes richesses,
Comme la nuit fait la courtisane,
Je me suis masquée [112] pour le vice
Au sein de mes richesses.
Nec metuens Dominum, proieci carmine vultum
Offendens nimium. Nec metuens Dominum.
Sans crainte du Seigneur
J’ai, dans mes chants, bravé toute pudeur,
J’ai commis mille excès
Sans crainte du Seigneur.
Semino nunc lacrimas ut seram gaudia messis,
Et post delicias, semino nunc lacrimas.
Maintenant je sème les larmes
Pour récolter la joyeuse moisson ;
Après une vie de plaisir,
Maintenant je sème les larmes.
Gaudia sustinui. Lucrum si prima recepi,
Lucrificante Deo. Gaudia sustinui.
J’espère la joie,
Il m’est bon de souffrir d’abord ;
Dieu en tirera mon profit,
J’espère la joie.
Nec procul est Opifex, gemmam carbone refingens
Et gremium pandens. Nec procul est opifex.
L’Ouvrier n’est pas loin
Qui sait du charbon tirer le diamant,
Qui ouvre son sein,
L’Ouvrier n’est pas loin.
En ubi Vultus adest. Quærens oracula Matris
Præ natis hominum, en ubi Vultus adest.
Voici son image [113] :
Il va rencontrer sa Mère,
Plus beau que tous les fils des hommes,
Voici son image.
Vultus adest Domini, cui totus sternitur orbis
Signo iudicii : Vultus adest Doinini.
Voici l’image du Seigneur,
Devant qui l’univers se prosterne,
Présage du jugement ;
Voici l’image du Seigneur.
Ergo fremit populus, nec cessant tundere pectus
Matres cum senibus. Ergo fremit populus.
Aussi le peuple frémit,
Sans cesse frappant leur poitrine
Matrones et vieillards :
Aussi le peuple frémit.
Sistitur in solio Domini spectabile signum,
Theotocosque suo sistitur in solio.
Sur son trône est placée
L’effigie vénérable du Seigneur,
Et la Mère de Dieu
Sur son trône est placée [114].
Hinc thimiama dabunt, hinc balsama prima reponunt
Thus mirraque ferunt. Hinc thimiama dabunt.
Alors on répand l’encens,
On offre le baume précieux [115],
On apporte l’encens, la myrrhe,
Alors on répand l’encens.
Dat schola græca melos, et plebs romana susurros,
Et variis modulis dat schola græca melos.
Le chœur des Grecs [116] chante ses mélodies,
Le peuple romain fait écho,
Et sur des modes variés
Le chœur des Grecs chante ses mélodies.
Kyrie centum plicant, et pugnis pectora pulsant,
Christe, faveto, tonant, Kyrie centuplicant.
Cent Kyrie [117] se font entendre,
Les mains frappent les poitrines.
Christ, ayez pitié, s’écrient-ils ;
Cent Kyrie se font entendre.
INVITATIO AD ORATIONEM.INVITATION A LA PRIÈRE.
Sollicitemus ob hoc prece, carmine, lingua,
Et Matrem Domini sollicitemus ob hoc prece.
Offrons nos prières suppliantes,
Nos chants et nos voix ;
A la Mère du Seigneur,
Offrons nos prières suppliantes.
Virgo Maria, tuos clementius aspice natos,
Exaudi famulos, Virgo Maria, tuos.
Vierge Marie,
Regardez vos fils avec clémence,
Exaucez vos serviteurs,
Vierge Marie.
Supplicibus lacrimis Tibi grex conspargitur
Urbis, Alma Maria, fave supplicibus lacrimis.
En larmes qui vous implorent
Se répand le peuple de Rome :
Mère puissante, ayez pitié
Des larmes qui vous implorent.
Turba gemit populi modico discrimine læti,
Sancta Maria Tibi turba gemit populi.
La foule du peuple gémit,
Heureuse pourtant d’échapper au péril,
Sainte Marie, à vos pieds
La foule du peuple gémit.
Sancta Dei Genetrix, romanam respice plebem,
Ottonemque fove, Sancta Dei Genetrix.
Sainte Mère de Dieu,
Jetez les yeux sur le peuple romain,
Protégez l’empereur Othon,
Sainte Mère de Dieu
Tertius Otto tuæ nixus solamine palmæ
Præsto sit veniæ, tertius Otto tuæ.
Au troisième Othon,
Appuyé, soutenu par votre bras,
Accordez votre faveur
Au troisième Othon.
Hic Tibi, si quid habet devoto pectore præstat
Spargere non dubitat hic Tibi, si quid habet.
Tout ce qu’il possède,
D’un cœur dévoué il vous l’offre,
Sans regret il vous sacrifie
Tout ce qu’il possède [118].
Gaudeat omnis homo quia regnat tertius Otto,
Illius imperio gaudeat omnis homo.
Que chacun se réjouisse
De voir régner Othon III,
Sous son empire
Que chacun se réjouisse [119].

L’importance dogmatique des rites que nous avons sommairement décrits ne peut échapper à personne. A une époque où un auteur ecclésiastique comme le célèbre Ambroise Autpert, abbé de Saint-Vincent à Volturno (VIIIe siècle) confessait encore que, relativement à la doctrine de l’assomption corporelle de la bienheureuse Vierge au ciel, les églises particulières n’étaient point arrivées à un accord unanime, le Siège apostolique au contraire mettait la fête du 15 août au nombre des plus insignes de l’année liturgique.

L’objet de cette fête est bien exprimé dans les diverses collectes des Sacramentaires Gélasien et Grégorien ; il s’agit toujours de l’assomption corporelle de Marie au ciel, quoique parfois la liturgie considère deux moments distincts, à savoir celui de sa mort temporelle, et celui de son exaltation corporelle au ciel. Ainsi, par exemple, le Sacramentaire Gélasien nous offre la magnifique secrète suivante :

Accipe munera, Domine, quæ in beatæ Mariæ iterata solemnitate deferimus, quia ad tua præconia recurrit ad laudem, quod vel talis assumpta est. Per Dominum, etc.Accueillez, Seigneur, les offrandes que nous vous présentons en cette nouvelle fête de la bienheureuse Marie, car c’est votre honneur et votre louange qu’elle du moins ait été enlevée (au ciel).
A quoi fait allusion cette « seconde solennité » ? Peut-être à la fête vigiliale de la nuit précédente, ou bien, ce qui semble plus probable, à une fête, antérieure de quelques jours, celle par exemple du 5 août, dont l’objet aurait été la Dormitio Sanctæ Mariæ ? Les éléments nécessaires pour le déterminer nous manquent, mais en tout cas, il est déjà important pour nous de remarquer que dans le Sacramentaire Gélasien l’Assumptio de la Mère de Dieu est ainsi célébrée par une solennité distincte d’une autre, antérieure, peut-être, de quelques jours.

Le Sacramentaire Grégorien est beaucoup plus explicite. Comme chez les Grecs, l’objet de la fête y est la « dormition », repos, tranquillité, translation ou assomption de cette vie, de la bienheureuse Vierge Marie ; mais la foi de l’Église romaine relativement à sa résurrection et à son élévation corporelle au ciel est tellement ferme, indiscutée et hors de toute controverse, que le prodige, plutôt qu’affirmé directement, est généralement plutôt supposé ; il est objet de foi catholique, sur lequel ne s’élève aucun doute. Voici par exemple, ce qu’on lit dans la première collecte du Sacramentaire Grégorien :

Veneranda nobis, Domine, huius est diei festivitas, in qua Sancta, Dei Genetrix mortem subiit temporalem, nec tamen mortis nexibus deprimi potuit, quæ Filium tuum Dominum nostrum de se genuit incarnatum. Qui tecum, etc.Vénérable est pour nous, Seigneur, la fête de ce jour où la sainte Mère de Dieu a subi un moment la mort, et cependant n’a pu être retenue par les liens de la mort, elle qui a engendré de sa chair votre Fils notre Seigneur.

Dans cette collecte, la foi au triomphe de la bienheureuse Vierge sur la mort et, par conséquent, à sa résurrection corporelle, est clairement affirmée ; bien plus, ce qu’il faut remarquer surtout, c’est la raison qui en est donnée, et qui est identique à celle qu’adopta saint Jean Damascène, à savoir la maternité divine de Marie : Quonam modo mors devoraret ? quomodo inferi susciperent ? quomodo corruptio invaderet corpus illud in quo vita suscepta est [120] ?

Il faut toujours remarquer que, si la maternité divine de la Vierge très sainte peut être considérée comme la raison prochaine de son assomption au ciel, cependant la raison première et formelle de ce privilège doit être recherchée plutôt dans son immaculée conception. Il est très vrai que la dignité de Mère du Verbe incarné fut le motif primordial pour lequel Dieu, par sa grâce, a soustrait l’immaculée conception de Marie à toute tache du péché originel ; — et c’est en ce sens que le Sacramentaire Grégorien voit justement la raison de la résurrection corporelle de la sainte Vierge dans sa qualité de Mère du Verbe incarné ; — cependant, pour nous exprimer avec une entière exactitude, nous devons dire que la raison formelle pour laquelle son corps échappa à la corruption fut précisément son immunité de toute tache de faute originelle.

Les formules sacrées de la liturgie romaine ne manifestent aucun embarras à expliquer, et même à mettre d’accord, le fait de la mort de la sainte Vierge, et celui de sa résurrection corporelle, due à son immense dignité.

On appelle mort — sans que ce concept, quand il s’agit de l’Immaculée Mère de Dieu, renferme nécessairement aucune idée de honte ni de douleur — le terme de l’état de voie où se trouve l’âme en pèlerinage ici-bas. Ce terme, ou la mort, est une conséquence du composé humain ; aussi, comme nous l’enseigne une Secrète du Sacramentaire Grégorien, passée dans notre Missel romain actuel, la sainte Vierge a quitté cette vie parce que telle est la condition de la chair : pro conditione carnis migrasse cognoscimus [121], sans toutefois que les liens de la mort, c’est-à-dire l’état de cette séparation de l’âme et du corps avec toutes ses conséquences, la corruption corporelle, la longue et violente séparation de la forme d’avec la matière, etc., puissent revendiquer aucun droit sur Marie. Le Sacramentaire Grégorien s’exprime en ces termes : mortem subiit temporalem, nec tamen mortis nexibus deprimi potuit [122].

L’autorité de la liturgie romaine relativement à la proclamation dogmatique de l’assomption corporelle de la bienheureuse Vierge est souveraine, car elle reflète l’enseignement et le magistère ordinaire du Pape ; et maintenant surtout que la piété catholique soupire après le jour où le Maître infaillible de Vérité posera sur le diadème qui orne la bienheureuse Vierge au Ciel la dernière pierre précieuse en proclamant le dogme de son Assomption corporelle, les théologiens, dans leurs études, pourront largement puiser à cette source de la tradition catholique qu’est la sainte liturgie, spécialement la liturgie romaine, justifiant une fois de plus l’axiome du pape Célestin qui écrivait aux évêques des Gaules : Legem credendi lex statuat supplicandi.

La Messe.

Station à Sainte-Marie-Majeure.

L’Ordo Romanus XI du chanoine Benoît fixe ainsi la procession de ce matin : ascendentes ad sanctam Mariam, dominus Pontifex praeparatus cantat Missam, benedicit populum fatigatum ; omnes recedunt [123]. C’était donc une sorte de dominica vacat : la messe matinale au terme de la longue procession nocturne, puis la bénédiction du Pape, et enfin tout le monde chez soi pour rompre le jeûne et prendre le repos nécessaire.

Il est bien possible qu’au VIIIe siècle il y ait eu une seconde messe pour ceux qui n’étaient pas intervenus à la cérémonie de la nuit — une missa maior — comme le 10 août, après la vigile de saint Laurent. Et c’est peut-être pourquoi la liste de Würzbourg assigne aujourd’hui deux lectures évangéliques différentes : celle déjà rapportée pour la messe de cette nuit, et l’autre avec la scène caractéristique de Marthe et de Marie.

L’introït est de facture grecque, et il fut composé primitivement pour sainte Agathe. Nous l’avons déjà vu le 16 juillet. Les Anges exultent pour l’Assomption de Marie au ciel, parce que leurs chœurs ont enfin leur Reine au milieu d’eux.

Prière. — « Pardonnez, Seigneur, les fautes de vos serviteurs, et puisque ce serait une vaine présomption de penser que notre vie puisse vous être agréable, que du moins l’intercession de celle qui fut Mère de votre Fils nous sauve ». Mère de votre Fils, mais aussi notre Mère, précisément parce que Mère de Celui qui, pour nous, se fit son Fils, pour nous s’humilia Lui-même et l’exalta, pour nous mourut sur la Croix et nous la laissa.

La première lecture est tirée de l’Ecclésiastique (XXIV, 11-13, 15-20). Ce qui, dans l’Écriture, est dit à la louange de Jérusalem, où le culte du vrai Dieu et l’Éternelle Sagesse avaient établi leur siège, l’Église l’applique aujourd’hui à la bienheureuse Vierge, en qui s’incarna le Verbe divin lui-même. Grâce à la maternité divine, la dignité de la Vierge est si grande qu’elle dépasse toutes les gloires et las dignités que l’esprit humain peut concevoir.

Répons (Ps. 44). — « Chevauchez pour la vérité et la justice, et votre bras droit vous portera à d’admirables entreprises.. Écoutez, ô ma fille, regardez et tendez l’oreille, car le Roi s’est épris de votre beauté ». Comme un artiste de génie qui se reproduit tout entier dans son chef-d’œuvre et l’admire, ainsi l’Éternel contempla Marie avec complaisance : Termine fisso d’eterno consiglio.

« Alléluia. Marie a été ravie au ciel, et les troupes angéliques s’en réjouissent ». Les anges ne sont pas seuls aujourd’hui à se réjouir de l’Assomption de Marie ; nous prenons aussi part à la fête, nous, pauvres pécheurs, parce que, aujourd’hui, Notre-Dame monte au ciel pour plaider de plus près et avec une plus grande efficacité la cause de notre salut, devant le tribunal de Dieu.

La lecture évangélique (Luc., X, 38-42) évoque l’hospitalité reçue par Jésus à Béthanie dans la maison de Lazare. La liturgie applique aujourd’hui à la bienheureuse Vierge Marie ce que dit, jadis, le Sauveur à la louange de la sœur de Marthe, assise à ses pieds et attentive à écouter la divine parole. Marie a choisi, non pas simplement une part meilleure, mais la meilleure, parce que, comme sa pureté et sa sainteté l’emportent immensément sur celle de toute autre créature, ainsi sa gloire au ciel est surpassée seulement par celle de Dieu. Dante ajoute même pieusement que la vision du rayonnant visage de Marie dispose les bienheureux à la vision du Christ :

Riguarda ornai nella faccia, che a Cristo
Più si somiglia, chè la sua chiarezza
Sola ti pua disporre a veder Cristo. [124]

L’antienne pour l’offrande des oblations est la suivante : « Marie a été ravie au ciel ; les anges s’en réjouissent ensemble et ils en bénissent le Seigneur. Alléluia ». La sainte liturgie, sobrement, dignement, mais aussi sans ambages, professe la croyance catholique de l’Assomption corporelle de Marie au Ciel. Elle intitule, en effet, la fête de ce jour : Assomption ; elle nous parle maintes fois d’Assomption et par ce mot on ne peut certes pas entendre l’assomption de l’âme, commune à tous les élus. Il s’agit donc d’un privilège spécial de Marie, et celui-ci ne peut regarder que son corps virginal.

Sur les oblations. — « Que l’intercession de la Mère de Dieu vienne, Seigneur, à notre secours ; et bien qu’elle ait laissé ce monde selon les lois de la nature humaine, qu’elle nous fasse pourtant sentir les effets de sa prière dans la gloire céleste ». Si grande est la dignité de la Mère de Dieu, et si enracinée dans le cœur des fidèles la croyance à son assomption corporelle au ciel, que le rédacteur de la messe de ce jour ne peut cacher son embarras pour expliquer la cause de la mort de Marie. Comment pouvait être soumise à la mort Celle qui avait été conçue immaculée, et avait donné le jour à l’Auteur même de la vie ? Voilà la difficulté théologique. Pour la résoudre, le rédacteur de la collecte sur les offrandes semble vouloir distinguer entre la mort, peine du péché, et la mort status termini à laquelle, pro condicione carnis, tout homme est sujet sur la terre. Marie fut bien exempte des douleurs et de l’humiliation de la mort, en tant que celles-ci sont la conséquence du péché originel, Elle qui, dans la joie, avait enfanté le Rédempteur. Cependant, en tant que créature, — pro condicione carnis, — Marie fut sujette à la loi universelle qui met un terme au pèlerinage de toute créature humaine.

Le Sacramentaire Grégorien ne s’exprime pas autrement dans une autre collecte destinée, peut-être, à l’office vigilial de la nuit précédente : Sancta Dei Genitrix mortem subiit temporalem, nec tamen mortis nexibus deprimi potuit [125]. La mort de Marie est donc certaine, malgré le doute attribué à saint Épiphane : Je ne dis pas qu’elle ait été immortelle, cependant je ne suis par sûr non plus qu’elle soit morte [126] ; mais son triomphe sur la mort est double : Elle rendit l’âme dans la sainteté et la bénédiction originelle, entre les mains de son Fils ; de plus : nec mortis nexibus deprimi potuit, et c’est pourquoi elle fut corporellement élevée au ciel.

La collecte du Gélasien, pour ce jour, est intéressante : Accipe munera, Domine, quae in beatae Mariae iterata solemnitate deferimus ; — iterata, se rapporte peut-être à la précédente synaxe vigiliale, — quia adtu a praeconia recurrit, ad laudem, quod vel talis assumpta est.

La préface que les Sacramentaires assignent communément pour la solennité de ce jour est, à peu de chose près, la même que dans notre Missel pour toutes les fêtes de Notre-Dame.

Nous rapportons de préférence, à la louange de Marie, une des magnifiques préfaces du Sacramentaire Léonien pour le jour de Noël : Vere dignum, etc. In die solemnitatis hodiernae, quo licet ineffabile, tamen utrumque conveniens editur sacramentum. Quia et Mater Virgo non posset nisi sobolem proferre divinam, et Deus homo nasci dignatus, congruentius non deberet nisi Virgine Matre generari. Propterea etc.

L’antienne pour la Communion des fidèles répète aujourd’hui la parole de Jésus (Luc., X, 42) : « Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera jamais enlevée ». Cette meilleure part, c’est le Verbe de Dieu, à qui non seulement la bienheureuse Vierge Mère donna le jour, mais dont Elle-même se nourrit spirituellement, toute appliquée, comme nous la montre l’Évangile, à méditer dans l’intime de son cœur la parole de Jésus.

Après la Communion. — « Après avoir participé, Seigneur, à la table céleste en la solennité de l’Assomption au ciel de la Mère de Dieu, nous vous demandons, par son intercession, d’être délivrés de tous les maux qui nous menacent ». Le moment le plus favorable pour obtenir des grâces de Marie est celui de la Communion, alors qu’Elle nous voit si étroitement unis au Corps et au Sang de son Fils, qu’elle s’estime plus que jamais Mère de Jésus et notre Mère.

Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique

Marie a choisi la meilleure part.

Vers la fin de l’été, à l’époque où dans les jardins et les prés mûrissent les fruits, l’Église célèbre la plus grande fête de la moisson, qui annonce le retour de l’automne liturgique. Le fruit le plus précieux qui se soit épanoui sur la terre du royaume de Dieu est aujourd’hui déposé dans les granges célestes : Marie, la Très Sainte Vierge.

1. La Fête de l’Assomption. — Que célébrons-nous en ce jour ?
- a) Avant tout la mort de Marie, la fête de la « Dormitio », comme on disait autrefois. Pour l’Église, l’anniversaire de la mort des saints est plus encore celui de leur naissance au ciel (natale).
- b) C’est ensuite la réception de Marie au Paradis. La liturgie dépeint l’arrivée de la Mère de Dieu comme un cortège nuptial, comme une marche triomphale.
- c) Poursuivons encore. Nous célébrons le couronnement de Marie comme Reine des Saints. Toutefois, c’est une pensée particulièrement chère à la piété populaire et au mysticisme du moyen âge dont la liturgie fait moins de cas.
- d) Enfin, l’Église songe à l’Assomption corporelle de Marie dans le ciel, quoique la liturgie n’insiste guère non plus sur ce fait. Sur la mort de la sainte Vierge nous ne possédons aucun document historique certain ; nous en ignorons même le lieu (d’après la tradition : Éphèse ou Jérusalem).

L’Assomption est une des fêtes les plus anciennes de la Sainte Vierge. On la célébrait primitivement le 18 janvier ; l’empereur Maurice (582-602) en fixa la date actuelle. — La « bénédiction des plantes » qui a lieu également aujourd’hui dans certaines régions est une antique coutume sans rapport bien net avec la fête liturgique. L’office, il est vrai, compare Marie aux plantes et aux fleurs odoriférantes ; d’après la légende, au lieu d’un linceul ce sont des fleurs que l’on trouva dans son tombeau. Vraisemblablement pourtant, la bénédiction des plantes n’est que la survivance d’un vieil usage païen qu’on a voulu christianiser.

2. L’Office. — Efforçons-nous encore une fois de bien comprendre et de bien suivre toutes les phases de l’office liturgique. Les premières et les secondes vêpres annoncent déjà dans leurs antiennes quel est le mystère de la fête, et proclament la sainteté de la Mère de Dieu. Les matines, prière nocturne de l’Église, font l’exposé poétique et dramatique de tout ce que rappelle la solennité de l’Assomption : les versets et, mieux encore, les répons acclament en Marie la Reine et l’Épouse : « Assumpta est » — « Marie a été élevée au Ciel », y répète-t-on sans cesse.

Les leçons sont également très belles. Au troisième nocturne, nous entendons une homélie de saint Augustin sur l’évangile de la fête [127]. Les anciens insistent surtout sur le sens allégorique de cet évangile : les deux femmes symbolisent la vie active et la vie contemplative, mais elles représentent aussi la paix céleste de l’Église. Et c’est ce dernier motif qui explique le choix de cette péricope aujourd’hui : dans son Assomption « Marie a pris la meilleure part ». — A l’heure où l’aurore glisse ses premières clartés sur le sommet des montagnes, à l’heure où le soleil visible commence majestueusement sa carrière, l’Église entonne le Benedictus et salue le vrai « Soleil levant » (Oriens ex alto) ; mais aujourd’hui, c’est surtout la pensée de Marie entrant au ciel qui lui suggère cette image : « Quelle est celle qui s’élève comme l’aurore, belle comme la lune, radieuse comme le soleil, terrible comme une armée rangée en bataille ? »

3. La Messe. — Depuis la promulgation comme dogme du mystère de la fête de l’Assomption, un nouveau formulaire de messe a été prescrit conformément au décret de la Congrégation des Rites, en date du 31 octobre 1950. Ce formulaire souligne davantage encore que l’ancien la souveraine dignité de Marie.

La messe commence immédiatement par cette image de l’Apocalypse : « La femme revêtue du soleil, la lune à ses pieds et sur sa tête une couronne de douze étoiles ». Peut-il y avoir plus sublime image de la Reine du ciel qui brille de l’éclat des astres ? Marie est la première créature entrée, corporellement aussi, dans la glorification du Christ ; nous pouvons donc entonner un « cantique nouveau ». Le mot « nouveau » a dans la liturgie un sens tout à fait éminent et veut indiquer le monde surnaturel ; sur la terre la vie nouvelle de la grâce, dans l’autre monde, « un ciel nouveau et une nouvelle terre ». Le « cantique nouveau chante le corps humain glorifié de la Mère de Dieu, les « choses admirables accomplies en elle par Dieu.

Si nous considérons le psaume 97 dans son entier, nous pensons alors que la Mère de Dieu est entrée dans les parvis célestes en tant que première créature humaine glorifiée ; Ainsi, « le Seigneur a révélé son salut et dévoilé sa justice sous les yeux du monde ». Par la foi, « toutes les contrées de la terre voient le salut de notre Dieu ». A présent toute la création rend hommage au premier être humain glorifié, Marie. Car la création voit en elle les prémices de sa propre glorification : « Jouez en l’honneur du Seigneur sur la harpe... Que la mer se soulève avec ce qu’elle contient, la terre avec tous ses habitants. Que les fleuves applaudissent et qu’en même temps les montagnes tressaillent ». L’Introït est donc une magnifique ouverture pour cette messe.

La nouvelle Collecte est ainsi rédigée : « Dieu tout-puissant et éternel qui avez élevé en corps et en âme dans la gloire céleste l’immaculée Vierge Marie, Mère de votre Fils ; faites, nous vous en supplions, que, attentifs toujours aux choses d’en-haut, nous méritions de participer à sa gloire ». Cette Oraison constate donc que « la Vierge Immaculée » et « Mère du Fils de Dieu a été élevée « en corps et en âme dans les splendeurs du ciel » : elle en tire une double application : qu’ici-bas nous soyons « sans cesse occupés des choses du ciel » et « que nous participions un jour à sa gloire ». La Collecte indique donc la valeur vitale du mystère de la fête. C’est ce que nous demandons aussi en la fête de l’Ascension : « habiter de cœur dans le ciel ».

L’Épître est tirée du Livre de Judith (nous avons déjà le même texte dans le missel à la fête de Notre-Dame des Sept-Douleurs). L’éloge de cette femme héroïque est appliqué à Marie qui a foulé aux pieds le serpent : « Le Seigneur vous a bénie dans sa force ; car, par vous, il a anéanti nos ennemis (par la naissance de Jésus-Christ, le Vainqueur de la mort et de l’enfer). Ainsi, Marie « est bénie plus que toutes les femmes sur la terre... parce que le Seigneur a guidé sa main pour trancher la tête à notre plus grand ennemi ». Nous avons là un écho du texte de la Vulgate dans la Genèse : « elle t’écrasera la tête ». L’Épître parle donc de la tâche de Marie dans l’histoire du salut qui, en tant que Mère immaculée du Sauveur, a pris une part active à la défaite du démon. L’Épître ajoute encore cette phrase empruntée à un autre chapitre du même Livre : « Vous êtes la gloire de Jérusalem, la joie d’Israël, la couronne de notre peuple ». (Jérusalem, c’est l’Église, Israël la chrétienté). Nous voyons que l’Épître a été bien choisie.

Au Graduel, l’image de l’héroïne guerrière fait place à l’image pacifique de la fiancée ; nous voyons la Mère de Dieu sous les traits d’une fille de roi et d’une épouse royale, entrer dans le palais céleste. Nous entendons l’invitation : « Écoute, ma fille, vois et prête l’oreille ; le roi sera épris de ta beauté » ; puis nous voyons « la fille du roi richement parée, en vêtements aux franges dorées, entrer dans le ciel ».

Nous rencontrons dans l’Alléluia le point culminant de la fête, nous chantons au milieu des Alléluias célestes : « Marie a été transportée au ciel, l’armée des anges s’en réjouit. »

L’Évangile aussi est entièrement nouveau. L’ancien évangile qui rapportait la discussion entre les deux sœurs avait le défaut de ne pas parler de la Mère de Dieu ; mais pour l’ami de la liturgie il avait l’avantage de fournir le verset de la Communion « Marie a choisi la meilleure part qui ne lui sera pas ôtée ». La péricope nouvelle nous transporte dans la maison de Sainte Élisabeth qui continue la salutation de l’ange : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de vos entrailles est béni ». Nous avons donc ici une phrase répondant à celle de l’Épître. Ensuite nous entendons sur les lèvres de Marie une partie du Magnificat. Nous pouvons nous représenter la Sainte Vierge chantant, à son arrivée au ciel, son premier solennel Magnificat.

L’antienne de l’Offertoire n’est pas tirée d’un psaume, c’est la parole de Dieu au paradis terrestre : « Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta descendance et son Fils ». Nous pouvons là aussi constater une correspondance avec l’Épître. Judith « a coupé la tête du chef des ennemis d’Israël » devant les portes du paradis perdu Dieu a peint l’image de Marie qui écraserait le serpent.

La Secrète est très solennelle ; elle commence par le mot « ascendat » ; instinctivement, on pense tout d’abord à l’Assomption de Marie mais, les mots suivants nous montrent qu’il s’agit des oblats que nous souhaitons voir monter vers Dieu ; dans la phrase qui suit nous demandons que l’Assomption de la Sainte Vierge enflamme nos cœurs du feu de l’amour divin. Les charbons allumés, l’encens fumant pendant l’offertoire sont les symboles de cette oraison.

A la Communion, nous voyons le ciel ouvert et la Mère de Dieu glorifiée chanter le Magnificat : « toutes les générations me proclameront bienheureuse, parce que le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses ». Nous pouvons chanter le Magnificat en entier, le cantique d’action de grâces pour notre salut.

La Postcommunion demande à Dieu que « nous soyons conduits à la gloire de la résurrection ». La liturgie aime beaucoup à diriger nos pensées vers la fin de la messe, sur la gloire céleste (cf. la Postcommunion de la Fête-Dieu « la jouissance éternelle de la divinité »). Cette nouvelle messe fait donc passer devant nous diverses scènes et images : d’abord la grandiose image de la Femme vêtue du soleil, l’héroïque Judith, l’entrée de la royale épouse, la Sainte Vierge frappant à la porte de Sainte Élisabeth, la femme qui écrase le serpent et enfin, la Reine du ciel chantant le Magnificat.

Constitution apostolique Munificentissimus Deus, 1950

Pie XII proclamant le dogme de l’Assomption en 1950

Constitution de Pie XII du 1er novembre 1950 définissant le dogme de l’Assomption.

1. Dans sa munificence, Dieu, qui peut tout, et dont le plan providentiel est fait de sagesse et d’amour, adoucit par un mystérieux dessein de sa pensée, les souffrances des peuples et des individus en y entremêlant des joies, afin que par des procédés divers et de diverses façons, toutes choses concourent au bien de ceux qui l’aiment [128].

2. Notre pontificat, tout comme l’époque actuelle, est accablé de multiples soucis, préoccupations et angoisses causés par les très graves calamités et les déviations de beaucoup d’hommes qui s’écartent de la vérité et de la vertu. Cependant, c’est pour Nous une grande consolation de voir des manifestations publiques et vivantes de la foi catholique, de voir la piété envers la Vierge Marie, Mère de Dieu, en plein essor, et croître chaque jour davantage, et offrir presque partout des présages d’une vie meilleure et plus sainte. Il arrive de la sorte que tandis que la Très Sainte Vierge remplit amoureusement ses fonctions de mère en faveur des âmes rachetées par le sang du Christ, les esprits et les cœurs des fils sont incités à contempler avec plus de soin ses privilèges.

3. Dieu, en effet, qui, de toute éternité, regarde la Vierge Marie avec une toute particulière complaisance « dès que vint la plénitude des temps [129] », réalisa le dessein de sa Providence de façon que les privilèges et les prérogatives dont il l’avait comblée avec une suprême libéralité, resplendissent dans une parfaite harmonie. Que si l’Église a toujours reconnu cette très grande libéralité et cette parfaite harmonie des grâces, et si, au cours des siècles, elle les a chaque jour explorées plus intimement, il était cependant réservé à notre temps de mettre en plus grande lumière le privilège de l’Assomption corporelle au ciel de la Vierge Marie, Mère de Dieu.

4. Ce privilège resplendit jadis d’un nouvel éclat lorsque Notre Prédécesseur d’immortelle mémoire, Pie IX, définit solennellement le Dogme de l’Immaculée Conception de la Mère de Dieu. Ces deux privilèges sont en effet très étroitement liés. Par sa propre mort, le Christ a vaincu le péché et la mort, et celui qui est surnaturellement régénéré par le baptême triomphe par le même Christ du péché et de la mort. Toutefois, en vertu d’une loi générale, Dieu ne veut pas accorder aux justes le plein effet de la victoire sur la mort, sinon quand viendra la fin des temps. C’est pourquoi, les corps même des justes sont dissous après la mort, et ne seront réunis, chacun à sa propre âme glorieuse qu’à la fin des temps.

5. Cependant, Dieu a voulu exempter de cette loi universelle la Bienheureuse Vierge Marie. Grâce à un privilège spécial, la Vierge Marie a vaincu le péché par son Immaculée Conception, et de ce fait, elle n’a pas été sujette à la loi de demeurer dans la corruption du tombeau, et elle ne dut pas non plus attendre jusqu’à la fin du monde la rédemption de son corps.

6. C’est pourquoi, lorsqu’il fut solennellement défini que la Vierge Marie, Mère de Dieu, a été préservée dès sa conception de la tache originelle, les fidèles furent remplis d’un plus grand espoir de voir définir le plus tôt possible, par le suprême magistère de l’Église, le Dogme de l’Assomption corporelle au ciel de la Vierge Marie.

7. En fait, on vit alors, non seulement les simples fidèles, mais encore les représentants des nations et des provinces ecclésiastiques, ainsi que de nombreux Pères du Concile du Vatican, postuler instamment cette définition auprès du Siège apostolique.

8. Au cours des siècles, ces pétitions et ces vœux, loin de diminuer, ne firent que croître en nombre et en instance. En effet, de pieuses croisades de prières furent organisées à cette fin ; de nombreux et éminents théologiens en firent l’objet de leurs études empressées et attentives, soit en particulier, soit dans des Athénées ou Facultés ecclésiastiques, soit d’autres Instituts destinés à l’enseignement des sciences sacrées ; des Congrès mariaux nationaux ou internationaux eurent lieu, en de nombreuses parties du monde. Ces études et ces recherches mirent en meilleure lumière le fait que, dans le dépôt de la foi chrétienne confié à l’Église, était également contenu le Dogme de l’Assomption au ciel de la Vierge Marie ; et généralement, il en résulta des pétitions dans lesquelles on priait instamment le Saint-Siège de définir solennellement cette vérité.

9. Dans cette pieuse campagne, les fidèles se montrèrent admirablement unis à leurs évêques, lesquels adressèrent en nombre vraiment imposant des pétitions de ce genre à cette Chaire de Saint-Pierre. Aussi, au moment de Notre élévation au trône du Souverain Pontife, plusieurs milliers de ces suppliques avaient été présentées au Siège apostolique de toutes les régions de la terre et par des personnes de toutes les classes sociales : par Nos chers Fils les cardinaux du Sacré-Collège, par Nos vénérables Frères les archevêques et évêques, par les diocèses et les paroisses.

10. En conséquence, tandis que Nous adressions à Dieu de ferventes prières afin d’obtenir pour Notre âme la lumière du Saint-Esprit en vue de la décision à prendre en une si grave affaire, Nous édictâmes des règles spéciales, pour que fussent entreprises dans un effort commun, des études plus rigoureuses sur cette question et pour que, pendant ce temps, fussent rassemblées et examinées avec soin toutes les pétitions concernant l’Assomption au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie [130].

11. Mais comme il s’agissait d’une chose particulièrement grave et importante, Nous jugeâmes opportun de demander directement et officiellement à tous les vénérables Frères dans l’épiscopat de bien vouloir Nous exprimer ouvertement chacun son sentiment à ce sujet. C’est pourquoi, le 1er mai de l’année 1946, Nous leur adressâmes la lettre Deiparae Virginis Mariae, dans laquelle se trouvait ce qui suit : « Est-ce que vous, vénérable Frère, dans votre grande sagesse et prudence, vous pensez que l’Assomption corporelle de la Bienheureuse Vierge puisse être proposée et définie comme Dogme de foi et est-ce que vous, votre clergé et vos fidèles, vous désirez cela ? »

12. Et ceux que « l’Esprit-Saint a établis évêques pour gouverner l’Église de Dieu » [131] donnèrent à l’une et à l’autre question une réponse presque unanimement affirmative. Ce « singulier accord des évêques et des fidèles catholiques » [132], qui estiment que l’Assomption corporelle au ciel de la Mère de Dieu peut être définie comme un Dogme de foi, comme il nous offre l’accord de l’enseignement du magistère ordinaire de l’Église et de la foi concordante du peuple chrétien — que le même magistère soutient et dirige — manifeste donc par lui-même et d’une façon tout à fait certaine, et exempte de toute erreur, que ce privilège est une vérité révélée par Dieu et contenue dans le dépôt divin, confié par le Christ à son Épouse, pour qu’elle le garde fidèlement et le fasse connaître d’une façon infaillible [133], le magistère de l’Église, non point certes par des moyens purement humains, mais avec l’assistance de l’Esprit de vérité [134] et à cause de cela sans commettre absolument aucune erreur, remplit la mission qui lui a été confiée de conserver à travers tous les siècles, dans leur pureté et leur intégrité, les vérités révélées ; c’est pourquoi il les transmet, sans altération, sans y rien ajouter, sans y rien supprimer. « En effet, comme l’enseigne le Concile du Vatican, le Saint-Esprit ne fut pas promis aux successeurs de Saint-Pierre pour que, Lui révélant, ils enseignent une doctrine nouvelle, mais pour que, avec son assistance, ils gardent religieusement et exposent fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi » [135]. C’est pourquoi, de l’accord universel, du magistère ordinaire de l’Église, on tire un argument certain et solide servant à établir que l’Assomption corporelle au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie — laquelle, en ce qui concerne la « glorification » céleste elle-même du corps virginal de la Mère de Dieu, ne pouvait être connue par les forces naturelles d’aucune faculté de l’âme humaine — est une vérité révélée par Dieu, et par conséquent elle doit être crue fermement et fidèlement par tous les enfants de l’Église. Car, ainsi que l’affirme le même Concile du Vatican, « on doit croire de foi divine et catholique toutes les choses contenues dans la parole de Dieu écrite ou transmise, et que l’Église propose à notre foi par son magistère ordinaire ou universel, comme des vérités révélées par Dieu » [136] .

13. Des témoignages, des indices, des traces multiples de cette foi commune de l’Église ont apparu au cours des siècles, depuis l’antiquité, et cette même foi s’est manifestée dans une lumière plus vive de jour en jour.

14. En effet, sous la direction et la conduite de leurs pasteurs, les fidèles ont appris par la Sainte Écriture que la Vierge Marie a mené au cours de son pèlerinage ici-bas, une vie de soucis, d’angoisses et de souffrances ; ils ont su, de plus, que s’est réalisée la prédiction du saint vieillard : qu’un glaive acéré lui transperça le cœur au pied de la croix de son divin Fils, notre Rédempteur. Les fidèles ont également admis sans peine que l’admirable Mère de Dieu, à l’imitation de son Fils unique, quitta cette vie. Mais cela ne les a aucunement empêchés de croire et de professer ouvertement que son corps si saint ne fut jamais soumis à la corruption du tombeau et que cet auguste tabernacle du Verbe divin ne fût pas réduit en pourriture et en poussière. Bien plus, éclairés par la grâce divine, et poussés par leur piété envers Celle qui est la Mère de Dieu et aussi notre très douce Mère, ils ont contemplé dans une lumière chaque jour plus vive l’admirable harmonie et concordance des privilèges que Dieu, dans son infinie Providence, a accordés à cette sainte associée de notre Rédempteur, privilèges si élevés que nulle autre créature, en dehors de Marie, sauf la nature humaine de Jésus-Christ, n’atteignit jamais pareil sommet.

15. Cette même croyance est clairement attestée par d’innombrables églises consacrées à Dieu en l’honneur de la Vierge Marie dans son Assomption ; elle l’est aussi par les images sacrées exposées dans les églises à la vénération des fidèles et représentant aux yeux de tous ce singulier triomphe de la Bienheureuse Vierge. En outre, des villes, des diocèses, des régions furent placés sous la protection et le patronage spéciaux de la Vierge, Mère de Dieu, élevée au ciel. Pareillement, des Instituts religieux approuvés par l’Église furent créés, qui portent le nom de ce privilège de Marie. On ne doit pas non plus passer sous silence que dans le rosaire mariai, dont le Siège apostolique recommande tant la récitation, est proposé à la méditation un mystère ayant trait, comme chacun sait, à l’Assomption au ciel de la Bienheureuse Vierge.

16. Mais cette foi des pasteurs de l’Église et des fidèles s’est manifestée d’une façon universelle et plus éclatante lorsque, depuis les temps anciens, en Orient, comme en Occident, furent célébrées des solennités liturgiques en l’honneur de l’Assomption. Les Pères et Docteurs de l’Église, en effet, n’ont jamais manqué de puiser là un lumineux argument, attendu que la liturgie sacrée, ainsi que tous le savent, « étant aussi une profession des vérités célestes, soumises au magistère suprême de l’Église, elle peut fournir des preuves et des témoignages de grande valeur pour décider de quelque point particulier de la doctrine chrétienne [137] ».

17. Dans les livres liturgiques où l’on trouve la fête, soit de la Dormition, soit de l’Assomption de Sainte Marie, il y a des expressions en quelque sorte concordantes pour attester que lorsque la Sainte Vierge, Mère de Dieu, quitta cet exil pour les demeures éternelles, il arriva pour son corps sacré, par une disposition de la divine Providence, ce qui était en harmonie avec sa dignité de Mère du Verbe incarné, et avec les autres privilèges qui lui avaient été accordés. Ces expressions, pour en donner un remarquable exemple, se lisent dans le Sacramentaire, que Notre prédécesseur d’immortelle mémoire, Adrien I, envoya à l’empereur Charlemagne. Il y est dit, en effet : « Vénérable est pour nous, Seigneur, la fête de ce jour, en lequel la Sainte Mère de Dieu subit la mort temporelle, mais cependant ne put être humiliée par les liens de la mort, elle qui engendra de sa chair, ton Fils, Notre-Seigneur » [138].

18. Ce qu’indique dans sa sobriété verbale habituelle la liturgie romaine, est exprimé avec plus de détails et de clarté dans les autres livres de l’ancienne liturgie, tant orientale qu’occidentale. Le Sacramentaire Gallican, pour apporter un seul exemple, qualifie ce privilège de Marie d’« inexplicable mystère, d’autant plus admirable qu’il est exceptionnel parmi les hommes, par l’Assomption de la Vierge ». Et, dans la liturgie byzantine, l’Assomption corporelle de la Vierge Marie est reliée plus d’une fois, non seulement à la dignité de Mère de Dieu, mais encore à ses autres privilèges, à un titre particulier à sa maternité virginale, faveur qu’elle doit à un singulier dessein de la divine Providence : « Dieu, le Roi de l’univers, t’a accordé des choses qui dépassent la nature, car, de même qu’il te garda vierge lorsque tu enfantas, de même il préserva ton corps de la corruption du tombeau et le glorifia par une divine translation » [139].

19. Cependant, le fait que le Siège apostolique, héritier de la mission confiée au Prince des apôtres de confirmer les frères dans la foi rendit, en vertu de son autorité, de plus en plus solennelle cette fête, a porté l’esprit des fidèles à considérer chaque jour davantage la grandeur du mystère qui était commémoré. C’est pourquoi la fête de l’Assomption, du rang honorable qu’elle obtint dès le commencement parmi les autres fêtes mariales, fut élevée au rang des fêtes les plus solennelles de tout le cycle liturgique. Et Notre prédécesseur, saint Serge I, prescrivant la litanie ou procession stationnale pour les quatre fêtes mariales, énumère ensemble les fêtes de la Nativité, de l’Annonciation, de la Purification et de la Dormition de la Vierge Marie [140]. Plus tard, saint Léon IV eut à cœur de faire célébrer encore avec plus de solennité la fête déjà établie sous le titre d’Assomption de la Bienheureuse Mère de Dieu ; à cet effet, il en institua la vigile, puis il prescrivit des prières pour son octave ; et lui-même, heureux de profiter de cette occasion, entouré d’une immense foule, tint à participer à la célébration des solennités [141]. Enfin, on déduit très clairement l’obligation, remontant à une date ancienne, de jeûner la veille de cette solennité, des déclarations de Notre prédécesseur saint Nicolas Ier, au sujet des principaux jeûnes « que la Sainte Église romaine reçut en tradition et qu’elle observe encore » [142].

20. Vu que la liturgie catholique n’engendre pas la foi catholique, mais plutôt en est la conséquence, et que, comme les fruits d’un arbre, en proviennent les rites du culte sacré, les Saints Pères et les grands Docteurs, à cause de cela même, n’y puisèrent pas cette doctrine comme d’une source première dans les homélies et discours qu’ils adressaient au peuple ; mais ils en parlaient plutôt comme d’une chose déjà connue des fidèles et par eux acceptée. Ils l’ont mise en plus grande lumière. Ils en ont exposé le fait et le sens par des raisons plus profondes, mettant surtout en un jour plus lumineux ce que les livres liturgiques très souvent touchaient brièvement et succinctement : à savoir que cette fête rappelait non seulement qu’il n’y eut aucune corruption du corps inanimé de la Bienheureuse Vierge Marie, mais encore son triomphe remporté sur la mort et sa « glorification » céleste, à l’exemple de son Fils unique Jésus-Christ.

21. C’est pourquoi saint Jean Damascène, qui demeure parmi tant d’autres, le héraut par excellence de cette vérité dans la tradition, lorsqu’il compare l’Assomption corporelle de l’auguste Mère de Dieu avec tous les autres dons et privilèges, proclame avec une puissante éloquence : « Il fallait que Celle qui avait conservé sans tache sa virginité dans l’enfantement, conservât son corps sans corruption même après la mort. Il fallait que Celle qui avait porté le Créateur comme enfant dans son sein, demeurât dans les divins tabernacles. Il fallait que l’Épouse que le Père s’était unie habitât le séjour du ciel. Il fallait que Celle qui avait vu son Fils sur la croix et avait échappé au glaive de douleur en le mettant au monde, l’avait reçu en son sein, le contemplât encore siégeant avec son Père. Il fallait que la Mère de Dieu possédât tout ce qui appartient à son Fils et qu’elle fût honorée par toute créature comme la Mère de Dieu et sa servante » [143].

22. Cette voix de saint Jean Damascène répond fidèlement à celle des autres qui soutiennent la même doctrine. Car on trouve des déclarations non moins claires et exactes dans tous ces discours que les Pères de la même époque ou de la précédente ont tenus généralement à l’occasion de cette fête. C’est pourquoi, pour en venir à d’autres exemples, saint Germain de Constantinople estimait que l’incorruption du corps de la Vierge Marie, Mère de Dieu, et son élévation au ciel, non seulement convenaient à sa maternité divine, mais encore à la sainteté particulière de son corps virginal : « Tu apparais, comme il est écrit, en splendeur ; et ton corps virginal est entièrement saint, entièrement chaste, entièrement la demeure de Dieu ; de sorte que, de ce fait, il est ensuite exempt de tomber en poussière ; transformé dans son humanité en une sublime vie d’incorruptibilité, vivant lui-même et très glorieux, intact, et participant de la vie parfaite » [144]. Un autre écrivain des plus anciens déclare : « A titre donc de très glorieuse Mère du Christ, le Sauveur notre Dieu, Auteur de la vie et de l’immortalité, elle est vivifiée, dans une incorruptibilité éternelle de son corps, par Celui-là même qui l’a ressuscitée du tombeau et l’a élevée jusqu’à lui, comme lui seul la connaît » [145].

23. Comme cette fête liturgique se célébrait chaque jour en plus de lieux et avec une piété plus considérable, les pasteurs de l’Église et les orateurs sacrés, d’un nombre toujours croissant, estimèrent qu’il était de leur devoir d’exposer clairement et ouvertement le mystère que rappelle cette fête et de déclarer qu’il est très lié avec les autres vérités révélées.

24. Parmi les théologiens scolastiques, il n’en manqua pas qui, voulant approfondir les vérités divinement révélées et désirant offrir cet accord parfait qui se trouve entre la raison théologique et la foi catholique, pensèrent qu’il fallait reconnaître que ce privilège de l’Assomption de la Vierge Marie s’accorde d’une façon admirable avec les vérités divines que nous livrent les Saintes Lettres.

25. En partant de là par voie de raisonnement, ils ont présenté des arguments variés qui éclairent ce privilège marial, et le premier, pour ainsi dire, de ces arguments, déclaraient-ils, est le fait que Jésus-Christ, à cause de sa piété à l’égard de sa Mère, a voulu l’élever au ciel. Et la force de ces arguments s’appuyait sur l’incomparable dignité de sa maternité divine et de toutes les grâces qui en découlent, à savoir : sa sainteté insigne qui surpasse la sainteté de tous les hommes et des anges : l’intime union de la Mère avec son Fils, et ce sentiment d’amour privilégié dont le Fils honorait sa très digne Mère.

26. Souvent ainsi, des théologiens et des orateurs sacrés se présentent qui, suivant les traces des Saints Pères [146], pour illustrer leur foi en l’Assomption, usant d’une certaine liberté, rapportent des événements et des paroles qu’ils empruntent aux Saintes Lettres. Pour Nous en tenir à quelques citations qui sont sur ce sujet le plus souvent employées, il y a des orateurs qui citent la parole du psalmiste : « Lève-toi, Seigneur, au lieu de ton repos, toi et l’arche de ta majesté [147] ; et ils envisagent l’« Arche d’alliance » faite de bois incorruptible et placée dans le temple de Dieu, comme une image du corps très pur de la Vierge Marie, gardé exempt de toute corruption du sépulcre et élevé à une telle gloire dans le ciel. De la même façon, en traitant de cette question, ils décrivent la Reine entrant triomphalement dans la cour des cieux et siégeant à la droite du divin Rédempteur [148] ; ainsi ils présentent l’Épouse du Cantique « qui monte du désert comme une colonne de fumée exhalant la myrrhe et l’encens » pour ceindre la couronne [149]. Ils proposent ce qui précède comme des images de cette Reine du ciel, cette Épouse céleste qui, en union avec son Époux divin, est élevée à la cour des cieux.

27. Et de plus, les Docteurs scolastiques, non seulement dans les diverses figures de l’Ancien Testament, mais aussi dans cette Femme revêtue de soleil que contempla l’Apôtre Jean dans l’île de Patmos [150], ont vu l’indication de l’Assomption de la Vierge Mère de Dieu. De même, des passages du Nouveau Testament, ils ont proposé avec un soin particulier à leur considération ces mots : « Salut pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes » [151], alors qu’ils voyaient dans le mystère de l’Assomption le complément de cette surabondante grâce accordée à la Bienheureuse Vierge, et cette bénédiction unique en opposition avec la malédiction d’Ève.

28. C’est pourquoi, au début de la théologie scolastique, cet homme très pieux, Amédée, évêque de Lausanne, affirme que la chair de la Vierge Marie est restée sans corruption — car on ne peut croire que son corps ait vu la corruption — puisqu’il a, en effet, été uni de nouveau à son âme et conjointement avec elle, dans la cour céleste, couronné de la gloire d’En-Haut. « Elle était, en effet, pleine de grâce et bénie entre les femmes » [152]. Seule, elle a mérité de concevoir le vrai Dieu de vrai Dieu, que vierge elle a mis au monde, que vierge, elle a allaité, le pressant sur son sein, et qu’elle a servi en toute chose d’une sainte obéissance [153].

29. Parmi les saints écrivains qui, à cette époque, se sont servis des textes et de diverses similitudes ou analogies des Saintes Écritures pour illustrer ou confirmer la doctrine de l’Assomption, objet d’une pieuse croyance, le Docteur évangélique saint Antoine de Padoue occupe une place à part. C’est lui, en effet, qui, le jour de l’Assomption, expliquait ces paroles du Prophète Isaïe : « Je glorifierai le lieu où reposent mes pieds » [154], affirma d’une façon certaine que le divin Rédempteur a orné de la plus haute gloire sa Mère très chère, dont il avait pris sa chair d’homme. « Par là, vous savez clairement, dit-il, que la Bienheureuse Vierge dans son corps, où fut le lieu où reposèrent les pieds du Seigneur, a été élevée (au ciel). » C’est pourquoi le Psalmiste sacré écrit : « Lève-toi, Seigneur, au lieu de ton repos, toi, et l’arche de ta majesté. » De la même façon, comme il l’affirme lui-même, que Jésus-Christ est ressuscité en triomphant de la mort, et monté à la droite de son Père, ainsi pareillement « est ressuscitée aussi l’Arche de sa sanctification lorsqu’en ce jour, la Vierge Mère a été élevée dans la demeure céleste » [155].

30. Au moyen âge, alors que la théologie scolastique était dans tout son éclat, saint Albert le Grand, après avoir réuni, pour en établir la preuve, divers arguments fondés sur les Saintes Lettres, les textes de la tradition ancienne et enfin la liturgie et le raisonnement théologique, comme on dit, conclut ainsi : « Pour toutes ces raisons, et ces témoignages qui font autorité, il est clair que la Bienheureuse Mère de Dieu a été élevée en âme et en corps au-dessus des chœurs des anges. Et nous croyons que cela est vrai de toutes façons » [156]. Dans le sermon qu’il prononça le saint jour de l’Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie, en expliquant ces paroles de l’Ange la saluant : « Ave, gratia plena »..., le Docteur universel, comparant à Ève la Très Sainte Vierge, soutient clairement et expressément qu’elle fut exempte de la quadruple malédiction qui frappa Ève [157].

31. Le Docteur angélique, à la suite de son remarquable Maître, bien qu’il n’ait jamais traité expressément la question, chaque fois cependant qu’incidemment il y touche, maintient constamment en union avec l’Église catholique que le corps de Marie a été élevé au ciel avec son âme [158].

32. Le Docteur séraphique, entre beaucoup d’autres, se déclare dans le même sens. Pour lui, il est tout à fait certain que Dieu, de la même façon qu’il a gardé Marie, la Très Sainte, exempte de la violation de son intégrité virginale et de sa pureté virginale, soit quand elle a conçu, soit quand elle enfanta, ainsi Dieu n’a pas permis en aucune façon que son corps fût réduit à la corruption ou réduit en cendres [159]. En interprétant ces paroles de la Sainte Écriture et les appliquant en un certain sens accomodatice à la Bienheureuse Vierge : Quae est ista, quae ascendit de deserto, deliciis affluens, innixa super dilectum suum. « Quelle est celle-ci qui monte du désert, pleine de délices, appuyée sur son bien-aimé [160] ? », il raisonne ainsi : « De là encore, il résulte qu’elle s’y trouve en corps... Car, en effet, sa béatitude ne serait pas consommée si elle ne s’y trouvait pas en personne, mais c’est l’union (du corps et de l’âme) qui la constitue ; il est évident qu’en tant que suivant cette union, c’est-à-dire en son corps et en son âme, elle s’y trouve : sans quoi, elle n’aurait pas la jouissance béatifique achevée » [161].

33. A une époque plus tardive de la théologie scolastique, soit au XVe siècle, saint Bernardin de Sienne, reprenant d’une manière générale, et étudiant de nouveau avec soin tout ce que les théologiens du Moyen Age avaient déclaré et discuté sur cette question, ne se contenta pas de rapporter les principales considérations que les docteurs du temps passé avaient proposées, mais il en ajouta de nouvelles. A savoir la ressemblance de la divine Mère et de son divin Fils pour ce qui touche à la noblesse et à la dignité de l’âme et du corps — à cause de cette ressemblance, nous ne pouvons pas même penser que la Reine du Ciel soit séparée du Roi du Ciel — demande que Marie « ne puisse se trouver que là où est le Christ » [162], et, d’autre part, il est conforme à la raison et convenable que de même que pour l’homme, ainsi le corps et l’âme de la femme arrivent à la gloire éternelle dans le ciel ; et, enfin, puisque l’Église n’a jamais recherché les restes de la Bienheureuse Vierge et ne les a jamais proposés au culte du peuple. Il y a là un argument qu’on peut offrir, « comme une preuve sensible » [163].

34. En des temps plus récents, ces déclarations des Saints Pères et Docteurs que nous avons rapportées furent d’un usage commun. Embrassant cette unanimité des chrétiens dans la tradition des siècles antérieurs, saint Robert Bellarmin s’écrie : « Et qui pourrait croire, je vous prie, que l’arche de la sainteté, la demeure du Verbe, le temple de l’Esprit-Saint se soit écroulé ? Mon âme répugne franchement même à penser que cette chair virginale qui a engendré Dieu, lui a donné le jour, l’a allaité, l’a porté, ou soit tombée en cendres ou ait été livrée à la pâture des vers » [164].

35. De la même façon, saint François de Sales, après avoir soutenu qu’on ne peut mettre en doute que Jésus-Christ a accompli à la perfection le commandement divin qui prescrit aux fils d’honorer leurs parents, se pose cette question : « Qui est l’enfant qui ne ressuscitast sa bonne mère s’il pouvoit et ne la mist en paradis après qu’elle seroit décédée [165] ? » Et saint Alphonse écrit : « Jésus n’a pas voulu que le corps de Marie se corrompît après sa mort, car c’eût été un objet de honte pour lui si sa chair virginale était tombée en pourriture, cette chair dont lui-même avait pris la sienne » [166].

36. Mais comme ce mystère, objet de la célébration de cette fête, se trouvait déjà mis en lumière, il ne manqua pas de Docteurs qui, plutôt que de se servir des arguments théologiques qui démontrent qu’il convient absolument et qu’il est logique de croire à l’Assomption au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie en son corps, tournaient leur esprit et leur cœur à la foi de l’Église, Épouse mystique du Christ qui n’a ni tache ni ride [167], et que l’Apôtre appelle « la colonne et la base de la vérité » [168] ; appuyés sur cette foi commune, ils pensaient que l’opinion contraire était téméraire pour ne pas dire hérétique. Du moins, saint Pierre Canisius, comme tant d’autres, après avoir déclaré que le mot même d’Assomption signifie « glorification » non seulement de l’âme, mais encore du corps, et que l’Église, déjà au cours de nombreux siècles, vénère et célèbre avec solennité ce mystère marial de l’Assomption, remarque ce qui suit : « Ce sentiment prévaut déjà depuis des siècles ; il est ancré au cœur des pieux fidèles et confié ainsi à toute l’Église. Par conséquent, on ne doit pas supporter d’entendre ceux qui nient que le corps de Marie a été élevé dans le ciel, mais on doit les siffler, à l’occasion, comme des gens trop entêtés, et par ailleurs téméraires, et comme des gens imbus d’un esprit plus hérétique que catholique » [169].

37. A la même époque, le Docteur excellent qui professait cette règle en mariologie que « les mystères de grâce opérés par Dieu dans la Vierge ne doivent pas se mesurer aux règles ordinaires, mais à la toute-puissance divine, étant supposée la convenance de ce dont il s’agit et que cela ne soit pas en contradiction avec les Saintes Écritures ou inconciliable avec le texte sacré » [170], en ce qui concerne le mystère de l’Assomption, fort de la foi commune de l’Église tout entière, il pouvait conclure que ce mystère doit être cru avec la même fermeté d’âme que l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, et déjà il affirmait que ces vérités pouvaient être définies.

38. Tous ces arguments et considérations des Saints Pères et des théologiens s’appuient sur les Saintes Lettres comme sur leur premier fondement. Celles-ci nous proposent, comme sous nos yeux, l’auguste Mère de Dieu dans l’union la plus étroite avec son divin Fils et partageant toujours son sort. C’est pourquoi il est impossible de considérer Celle qui a conçu le Christ, l’a mis au monde, nourri de son lait, porté dans ses bras et serré sur son sein, séparée de lui, après cette vie terrestre, sinon dans son âme, du moins dans son corps. Puisque notre Rédempteur est le Fils de Marie, il ne pouvait certainement pas, lui qui fut l’observateur de la loi divine le plus parfait, ne pas honorer, avec son Père éternel, sa Mère très aimée. Or, il pouvait la parer d’un si grand honneur qu’il la garderait exempte de la corruption du tombeau. Il faut donc croire que c’est ce qu’il a fait en réalité.

39. Il faut surtout se souvenir que, depuis le IIe siècle, les Saints Pères proposent la Vierge Marie comme une Ève nouvelle en face du nouvel Adam et, si elle lui est soumise, elle lui est étroitement unie dans cette lutte contre l’ennemi infernal, lutte qui devait, ainsi que l’annonçait le Protévangile [171], aboutir à une complète victoire sur le péché et la mort, qui sont toujours liés l’un à l’autre dans les écrits de l’Apôtre des Nations [172]. C’est pourquoi, de même que la glorieuse Résurrection du Christ fut la partie essentielle de cette victoire et comme son suprême trophée, ainsi le combat commun de la Bienheureuse Vierge et de son Fils devait se terminer par la « glorification » de son corps virginal ; car, comme le dit ce même Apôtre, « lorsque ce corps mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole qui est écrite : la mort a été engloutie dans sa victoire » [173].

40. C’est pourquoi l’auguste Mère de Dieu, unie de toute éternité à Jésus-Christ, d’une manière mystérieuse, par « un même et unique décret » [174] de prédestination, immaculée dans sa conception, Vierge très pure dans sa divine Maternité, généreuse associée du Divin Rédempteur qui remporta un complet triomphe du péché et de ses suites, a enfin obtenu comme suprême couronnement de ses privilèges d’être gardée intacte de la corruption du sépulcre, en sorte que, comme son Fils, déjà auparavant, après sa victoire sur la mort, elle fut élevée dans son corps et dans son âme, à la gloire suprême du ciel où Reine, elle resplendirait à la droite de son fils, Roi immortel des siècles » [175].

41. Alors, puisque l’Église universelle, en laquelle vit l’Esprit de vérité, cet Esprit qui la dirige infailliblement pour parfaire la connaissance des vérités révélées, a manifesté de multiples façons sa foi au cours des siècles, et puisque les évêques du monde entier, d’un sentiment presque unanime, demandent que soit définie, comme dogme de foi divine et catholique, la vérité de l’Assomption au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie — vérité qui s’appuie sur les Saintes Lettres et ancrée profondément dans l’âme des fidèles, approuvée depuis la plus haute antiquité par le culte de l’Église, en parfait accord avec les autres vérités révélées, démontrée et expliquée par l’étude, la science et la sagesse des théologiens, — nous pensons que le moment, fixé par le dessein de Dieu dans sa Providence, est maintenant arrivé où nous devons déclarer solennellement cet insigne privilège de la Vierge Marie.

42. Nous, qui avons confié Notre pontificat au patronage particulier de la Très Sainte Vierge, vers qui Nous Nous réfugions en tant de vicissitudes des plus tristes réalités, Nous qui avons consacré à son Cœur Immaculé le genre humain tout entier en une cérémonie publique, et qui avons éprouvé souvent sa très puissante assistance, Nous avons une entière confiance que cette proclamation et définition solennelle de son Assomption apportera un profit non négligeable à la société humaine, car elle tournera à la gloire de la Très Sainte Trinité à laquelle la Vierge Mère de Dieu est unie par des liens tout particuliers. Il faut, en effet, espérer que tous les fidèles seront portés à une piété plus grande envers leur céleste Mère ; que les âmes de tous ceux qui se glorifient du nom de chrétiens, seront poussées au désir de participer à l’unité du Corps mystique de Jésus-Christ et d’augmenter leur amour envers Celle qui, à l’égard de tous les membres de cet auguste corps, garde un cœur maternel. Et il faut également espérer que ceux qui méditent les glorieux exemples de Marie se persuaderont de plus en plus de quelle grande valeur est la vie humaine si elle est entièrement vouée à l’accomplissement de la volonté du Père céleste et au bien à procurer au prochain ; que, alors que les inventions du « matérialisme » et la corruption des mœurs qui en découle menacent de submerger l’existence de la vertu et, en excitant les guerres, de perdre les vies humaines, sera manifesté le plus clairement possible, en pleine lumière, aux yeux de tous, à quel but sublime sont destinés notre âme et notre, corps ; et enfin que la foi de l’Assomption céleste de Marie dans son corps rendra plus ferme notre foi en notre propre résurrection, et la rendra plus active.

43. Ce Nous est une très grande joie que cet événement solennel arrive, par un dessein de la Providence de Dieu, alors que l’Année Sainte suit son cours, car ainsi nous pouvons, pendant la célébration du très grand Jubilé, orner le front de la Vierge Mère de Dieu de ce brillant joyau et laisser un souvenir plus durable que l’airain de Notre piété très ardente envers la Mère de Dieu.

44. C’est pourquoi, après avoir adressé à Dieu d’incessantes et suppliantes prières, et invoqué les lumières de l’Esprit de vérité, pour la gloire du Dieu Tout-Puissant, qui prodigua sa particulière bienveillance à la Vierge Marie, pour l’honneur de son Fils, Roi immortel des siècles et vainqueur de la mort et du péché, pour accroître la gloire de son auguste Mère et pour la joie et l’exultation de l’Église tout entière, par l’autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul, et par la Nôtre, Nous proclamons, déclarons et définissons que c’est un dogme divinement révélé que Marie, l’Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste.

45. C’est pourquoi, si quelqu’un — ce qu’à Dieu ne plaise — osait volontairement nier ou mettre en doute ce que Nous avons défini, qu’il sache qu’il a fait complètement défection dans la foi divine et catholique.

46. Et pour que Notre définition de l’Assomption au ciel de la Vierge Marie dans son corps parvienne à la connaissance de l’Église universelle, Nous voulons que Nos lettres apostoliques présentes demeurent pour en perpétuer la mémoire, ordonnant que les copies qui en seront faites, ou même les exemplaires qui en seront imprimés, contresignés de la main d’un notaire public, et munis du sceau d’une personne constituée en dignité ecclésiastique, obtiennent foi absolument auprès de tous, comme le feraient les présentes Lettres elles-mêmes si elles étaient exhibées ou montrées.

47. Qu’il ne soit permis à qui que ce soit de détruire ou d’attaquer ou contredire, par une audacieuse témérité, cet écrit de Notre déclaration, décision et définition. Si quelqu’un avait la présomption d’y attenter, qu’il sache qu’il encourrait l’indignation du Dieu Tout-Puissant et des bienheureux apôtres Pierre et Paul.

48. Donné à Rome, près de Saint-Pierre, l’année du très saint Jubilé mil neuf cent cinquante, le premier novembre, en la fête de tous les Saints, de Notre pontificat la douzième année.

[1] Cf. Pierre Jounel, Le Culte des Saints dans les Basiliques du Latran et du Vatican au douzième siècle, École Française de Rome, Palais Farnèse, 1977.

[2] L. Duchesne, Le Liber Pontificalis, tome 1er, p. 376. Un siècle plus tard, le pape Adrien 1er fit exécuter un parement d’autel habentem adsumptionem sanctae Dei genetricis pour Sainte-Marie-Majeure (ibid., p. 500).

[3] A. Chavasse, Le sacramentaire gélasien, pp. 390-397.

[4] Pour le texte P.L. 30, col. 122-142. Pour son étude on trouvera une bibliographie dans la Clavis Patrum latinorum, editio altéra 1961, Coll. Sacris erudiri, p. 144, n° 633, epistola 9. La pensée de Paschase Radbert est identique à celle d’Usuard, mais Usuard lui-même n’a fait que reproduire, en l’abrégeant, un long développement qu’ Adon a inséré au 8 septembre (MA 594).

[5] On sait par le prologue au Supplément ajouté par Alcuin au Sacramentaire grégorien, que le texte primitif ne comportait pas l’Assomption (cf. éd. LIETZMANN, p. xix). D’autre part, l’Assomption est une des quatre fêtes mariales que le pape Serge Ier (687-701) dotera d’une procession.

[6] De gloria martyrum I, 4 ; PL 71 col. 708.

[7] Elles ne font pas partie du Grégorien primitif : cf. note 1.

[8] LIETZMANN, op. cit., p. 88, n. 147.

[9] Antienne de Magnificat aux secondes Vêpres.

[10] Marc, XVI, 5.

[11] Ibid. 8.

[12] Johan. XX, 17.

[13] Cant. VIII, 5.

[14] Deuxième Répons des Matines, ex Cant. VI, 8.

[15] Introït et Offertoire de la Messe, première Antienne de l’Office, Versets et Répons.

[16] Cant. IV, 8.

[17] Apoc. XII, 1.

[18] Antienne de Magnificat aux premières Vêpres.

[19] Premier Répons des Matines, ex Cant. V, 12, et Eccli. L, 8.

[20] Esther. IV, 11.

[21] Ibid XV, 13.

[22] Ibid. 9.

[23] Ibid. II, 15.

[24] Ibid. 17.

[25] Ibid. XV, 5-7.

[26] III Reg. X, 1-13 ; II Paralipom. IX, 1-12.

[27] III. Reg. 1, 19.

[28] Ephrem. in Natal. Dom. Sermo IV.

[29] Arnold. Carnotensis, De laudibus Mariæ.

[30] Ephrem. in Natal. Dom. Sermo VIII.

[31] Cant. IV, 7-8.

[32] Psalm VIII, 6-8.

[33] Rupert. in Cant Lib. III, c. IV.

[34] Psalm CXVIII, 108.

[35] Petr Dam vel melius Nicol. Claravall. Sermo in Assumpt B. M. V.

[36] Cap. Alma mater, De sent, excommunicat. in VIe.

[37] Mansi, XV, 403.

[38] Spécialement dans l’Ant. de Magnificat aux IIes Vêpres, que nous avons citée plus haut.

[39] Pseudo-HIERONYMUS, De Assumpt. B. M. V. I.

[40] Ibid. VIII.

[41] Ibid. XIV.

[42] Pseudo-HIERONYMUs, De Assumpt B. M. V. II.

[43] Missale gothicum, Missa in Adsumpt. S. Mariae Matris D. N.

[44] Ibid. Contestatio.

[45] Ibid. Collectio post nomina.

[46] Caesarii Heisterbac. De S. Maria, cap. XXXVII.

[47] Hae sunt festivitates m anno quae per omnia servari debent... De assumptione sanctae Mariae interrogandum reliquimus. Capitulare Caroli Magni, I, 158 ; cui pro festo admittendo responsum a Ludovico Pio, Capit. II, 33, ex can. XXXVII concilii Mogunt. anni 813.

[48] Propositio J. Morcelli : Non tenemur credere sub pœna peccati mortalis quod Virgo fuit assumpta in corpore et anima, quia non est articulas fidei ; qualificatur : Ut jacet, temeraria, scandalosi, impia, devetionis populi ad Virginem diminutiva, falsa et haeretica ; ideo revocanta publice.

[49] Psalm. XV, 10.

[50] Liber pontific., in Sergio I.

[51] Niceph. Call. Hist. eccl. Lib. XVII, cap. 28.

[52] Benedict. XIV, De festis B. M. V. c. VIII.

[53] Nilles, Kalendarium utriusque Eccl. orientalis et occidentalis.

[54] Andr. Cret. Oratio XIII, in Dormitionem Deiparae, II.

[55] Allusion au Concordat de 1802 et à la réduction du nombre de fêtes d’obligation en France.

[56] Greg. Turon. De gloria Martyr IV.

[57] Inter opera Hildefonsi Tolet. De Assumptione B. M. Sermo IV.

[58] Joan. Damasc. in Dormitionem B. M. Homilia I.

[59] Joan. Damasc. in Dormitionem B. M. Homilia III.

[60] Petr. Dam. Opusc XXXIV, Disputat, de variis apparit. et miraculis, cap. 3.

[61] Liber pontifie, in Sergio I.

[62] Imago SS. Salvatoris acheropita, quae servatur in oratorio dicto Sancta Sanctorum.

[63] Museum italic. II, Ordo roman, XI.

[64] Hittorp. Ordo Rom.

[65] Aujourd’hui Sainte Françoise-Romaine.

[66] Archivio della Compagnia di Sancta Sanctorum.

[67] Petr. Venerab. De miraculis II, XXX.

[68] Marangoni, Istoria dell’oratorio di Sancta Sanctorum, p. 127.

[69] Liber pontific. in Leone IV.

[70] Raynald. ad an. 1239.

[71] Cant. III, 6.

[72] Bossuet, Premier Sermon sur l’Assomption.

[73] D. Guéranger, Essai historique sur l’abbaye de Solesmes, suivi de la description de l’église abbatiale, avec l’explication des monuments qu’elle renferme, p. 113.

[74] Dionys. Areopagit. De divinis Nomin. cap. III, § II.

[75] D. Guéranger, ubi supra.

[76] Psalm. XXIII, 8, 10.

[77] Isai. LXIII, 1.

[78] Cant. VI, 9.

[79] Ibid. III, 6.

[80] Cant. VIII, 5.

[81] Gen. III, 15.

[82] Psalm. XXIII, 7.

[83] Judith. XIII, 13 ; Luc. I, 51.

[84] Judith, XIII, 15.

[85] II Reg. VI, 12-19.

[86] Cant. VIII, 10-12.

[87] Psalm. CXXVI.

[88] Isai. XI, 1-3.

[89] Thom. Aqu. Sermo in Assumpt. B. M. V.

[90] Thomasii Capitulare Evangeliorum.

[91] Luc. XI, 27, 28.

[92] Ibid. 11, 19.

[93] Bruno Ast. Homil. CXVII, In Assumpt. S. M V.

[94] Isai. LIII, 8.

[95] Bern in Assumpt. B. M. V. Sermo I.

[96] Philip. IV, 7.

[97] Johan. XIV, 28.

[98] Jusqu’à ce que St Pie X ne transfère la fête de St Hyacinthe au 17, en fixant celle de St Joachim au 16 août.

[99] 25 Mars 1650.

[100] J.-B. Pitra, Analecta Spicilegio Solesmensi parata, I, LXX, ex Anthologio.

[101] Radulph. De canon observ. Prop. XIII.

[102] Eph. II, 6.

[103] Gen. II, 18.

[104] Psalm. XLIV, 10.

[105] Joan. Damasc in Dormit. B. M. Homil. I.

[106] Bernard. Sermo IV in Assumpt.

[107] Job. XIX, 23-21.

[108] Apoc. XII, 1.

[109] Ibid. 14.

[110] Bernard. Sermo V in Assumpt.

[111] Cod. 451, f° 318.

[112] Le cucullum des anciens était un large capuchon, sous lequel, la nuit surtout, les gens en quête d’un mauvais coup pouvaient se cacher.

[113] L’image conservée habituellement dans l’oratoire papal de Saint-Laurent au Latran, et qu’on portait en triomphe dans la Ville, lors des occasions les plus solennelles.

[114] Primitivement, lors des processions mariales à Rome, on portait en triomphe les images les plus vénérées de la Ville ; mais peu à peu celle de la basilique Libérienne sur l’Esquilin devint la plus importante et la plus chère à la dévotion populaire.

[115] L’usage liturgique d’asperger de baume et de parfums les saintes images, les croix et les reliques des saints, remonte à la plus haute antiquité et provient du rite classique en vertu duquel, dans des circonstances déterminées, on versait des aromates à l’intérieur des tombeaux.

[116] Les origines de cette école musicale à Rome doivent remonter au moins au Ve siècle. Mais le fait qui nous semble le plus remarquable est sa persistance dans la Ville, même après que l’empire byzantin eut depuis longtemps disparu. Pour l’histoire du chant Grégorien, cette double école musicale, grecque et latine à Rome, doit être comparée avec la très célèbre école du monastère de Saint-Gall où nous trouvons au IXe siècle des éléments musicaux byzantins fort importants et fort nombreux.

[117] L’usage de répéter le Kyrie plusieurs centaines de fois était très commun dans les anciennes liturgies, et l’on connaît plusieurs actes pontificaux en vertu desquels la fondation ou la dotation d’une église ou d’un monastère entraîne pour le clergé ou pour les moines l’obligation quotidienne de réciter cent, deux cents ou trois cents fois le Kyrie pour l’âme du fondateur.

[118] Après la période macabre où Rome médiévale vit papes et antipapes égorgés, étranglés en prison, empoisonnés ou traînés, au milieu des huées, à travers les rues de la Ville, le règne des trois Othons qui se succédèrent sur le trône impérial put représenter, aux yeux des Romains, l’âge d’or de la paix, la restauration de l’antique Imperium universel, le rêve de tous les temps. Le poète participe à ces espérances et se réjouit du règne du jeune Othon III.

[119] Malgré les taches qui ternirent la gloire d’Othon III, tous les historiens nous attestent sa profonde piété et la protection qu’il accorda à la papauté, aux églises et aux monastères. En suivant son itinéraire, il n’est pas rare de le retrouver dans les abbayes de Farfa, de Subiaco, de Ravenne, etc., où parfois il passait en jeûnes et en exercices de pénitence le Carême tout entier.

[120] « Comment la mort l’aurait-elle en proie à dévorer ? Comment aurait-elle été enfouie au sein de la terre ? Comment la corruption envahirait-elle ce corps où la vie est venue s’incarner ? », leçon 6 des Matines avant 1950. Orat. II de dormit, b. Mariæ.

[121] Nous savons que suivant la condition de toute chair, elle a quitté ce monde. Secrète de la Messe de l’Assomption avant 1950.

[122] ‘A subi un moment la mort, et cependant n’a pu être retenue par les liens de la mort’.

[123] P. L., LXXVIII, col. 1052. ‘Une fois montés à Sainte-Marie, le Seigneur Pontife préparé chante la Messe, bénit le peuple fatigué ; tous se retirent’.

[124] Parad. XXXII, 85.

[125] La sainte Mère de Dieu subit la mort temporelle, mais néanmoins ne put être retenue par les liens de la mort.

[126] Haeres., XIX, c. 11.

[127] Avant 1950.

[128] Rom. 8, 28.

[129] Gal. 4, 4.

[130] Cf. Hentrich-Von Moos, Petitiones de Assumptione corporea B. Virginis Mariae in Caelum definienda ad S. Sedem delatae, 2 volumes, Typis Polyglottis Vaticanis, 1942.

[131] Act. 20, 28.

[132] Bulle Ineffabilis Deus, Acta Pii IX, pars 1 , Vol. 1, p. 615.

[133] Concile du Vatican, Constitution Dei Filius, c. 4.

[134] Jean. 14, 26.

[135] Concile du Vatican, Constitution Pastor Aeternus, c. 4.

[136] Ibid., Dei Filius, c. III.

[137] Encyclique Mediator Dei, Acta Apostolicae Sedis, XXXIX, 541.

[138] Sacramentorum Gregorianum.

[139] Menaei Totius Anni.

[140] Liber Pontificalis.

[141] Ibid.

[142] Responsa Nicolai Papae I ad Consulta Bulgarorum.

[143] S. Jean Damascène, Encomium in Dormitionem Dei Genitricis Semperque Virginis Mariae, hom. II, n. 14 ; cf. également ibid., n. 3.

[144] S. Germain de Constantinople, In sanctae Dei Genitricis Dormitionem, sermon I.

[145] Encomium in Dormitionem Sanctissimae Dominae Nostrate Deiparae Semperque Virginis Mariae, attribué à S. Modeste de Jérusalem, n. 14.

[146] Cf. S. Jean Damascène, op. cit., Hom. II, n. 11 ; et aussi l’Encomium attribué à saint Modeste.

[147] Ps. 131, 8.

[148] Ps. 44, 10-14.

[149] Cant. 3, 6 ; cf. 4, 8 ; 6, 9.

[150] Ap. 12, 1 et seq., IV.

[151] Luc. 1, 23

[152] Luc. 1, 28.

[153] Amédée de Lausanne, De Beatae Virginis Obitu, Assumptione in Caelum Exaltatione ad Filii Dexteram.

[154] Is. 61,13.

[155] S. Antoine de Padoue, Sermones dominicales et in solemnitatibus, In Assumptione S. Mariae Virginis sermo.

[156] S. Albert le Grand, Mariale, q. 132.

[157] S. Albert le Grand, Sermones de Sanctis, sermon XV in Annuntiatione B. Mariae ; cf. également Mariale, q. 132.

[158] St. Thomas d’Aquin, Summa Theol., I, lla ; q. 27, a. 1 ; q. 83, a. 5, ad 8 ; Expositio Salutationis Angelicae ; In Symb. Apostolorum Expositio, a. S ; In IV Sent., d. 12, q. 1, a. 3, sol. 3 ; d. 43, q. 1, a. 3, sol. 1, 2.

[159] S. Bonaventure, De Nativitate B. Mariae Virginis, Sermon V.

[160] Cant. 8, 5.

[161] S. Bonaventure, De Assumptione B. Mariae Virginis, sermon 1.

[162] S. Bernardin de Sienne, in Assumptione Beatae Mariae Virginis, sermon 11.

[163] Ibid.

[164] S. Robert Bellarmin, Contiones habitae Lovanii, n. 40, De Assumptione B. Mariae Virginis.

[165] Œuvres de S. François de Sales, sermon pour la fête de l’Assomption.

[166] S. Alphonse de Liguori, Les Gloires de Marie, Part. 2, d. 1.

[167] Eph. 5, 27.

[168] I Tim. 3, 15.

[169] S. Pierre Canisius, De Maria Virgine.

[170] Suarez, In Tertiam Partem D. Thomae, q.27, a. 2, disp. 3, seq. 5, n. 31.

[171] Gen. 3, 15.

[172] Rom. 5-6 ; I Cor. 15, 21-26, 54-57.

[173] I Cor. 15, 54.

[174] Bulle Ineffabilis Deus, doc. cit., p. 599.

[175] I Tim. 1, 17.