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Commentaires liturgiques de la fête de saint Laurent

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Sommaire

  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique  

On trouvera les textes de la messe et de l’Office ici

On pourra se reporter aussi aux textes liturgiques et commentaires de la vigile et du jour Octave

Arrêté avec le Pape Sixte II et les autres diacres de l’Église Romaine le 6 août 258, Laurent ne fut pas exécuté immédiatement, mais soumis à la torture, il mourut 4 jours plus tard. Son culte est attesté dès le siècle suivant.

Sa fête était l’objet d’un culte exceptionnel dans la Ville Sainte, le second après les saints Apôtres (d’où la célébration d’une vigile) et d’une Octave.

« Laurent, diacre du pape Sixte II, fut mis à mort quatre jours après son évêque, le 10 août 258. Sa déposition sur la via Tiburtina est attestée par le Depositio Martyrum de 354 et son natale annoncé au martyrologe hiéronymien. La fête de saint Laurent appartient depuis les origines au sanctoral romain. Le sacramentaire de Vérone lui consacre 14 formulaires de messe.

La popularité du diacre qui, selon sa Passio, fut brûlé vif sur le gril après avoir distribué aux pauvres les biens de l’Église, l’emporta rapidement sur celle du pape Sixte II lui-même. Au IXe siècle, 10 églises portaient son nom à Rome et il en avait 31 au XIIe. Il est le premier saint dont le nom ait été donné à une église intra muros. Mais son culte avait largement dépassé les limites de la Ville. Selon saint Léon le Grand Rome est devenue « aussi célèbre grâce à Laurent, que Jérusalem avait été glorifiée par Étienne » [1]. Augustin se plaint toutefois du petit nombre des fidèles venus pour célébrer sa fête : Beati Laurentii illustre martyrium est, sed Romae, non hic ; tantam enim video vestram paucitatem [2]. Il est vrai qu’il avoue ensuite sa fatigue, tant la chaleur est grande. Dans la procession des martyrs représentée à Saint-Apollinaire-le-Neuf de Ravenne saint Laurent est le seul à être vêtu de pourpre, les autres étant en blanc, ce qui « témoigne de la gloire et de la précellence du martyr romain » [3]. Au rite byzantin on célèbre, le 10 août, Laurent et Xyste en même temps. A Constantinople la synaxe avait lieu « à leur martyrion », c’est-à-dire dans la basilique Saint-Laurent » [4].

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

« Autrefois la mère des faux dieux, du Christ aujourd’hui l’Épouse, à cette heure par Laurent la victoire s’attache, ô Rome, à ton nom. Triomphatrice des rois superbes, ton empire s’imposait aux nations ; mais à ta gloire manquait, ayant réduit la barbarie, d’avoir aussi dompté les impures idoles. Victoire de sang, mais non plus tumultueuse, comme celles d’un Camille, d’un César ; combat de la foi qui s’immole à elle-même, et par la mort détruit la mort. De quelle voix, par quelles louanges célébrer cette mort ? Sur quel mode chanterons-nous dignement un pareil martyre [5] ? »

Ainsi débute le poème sublime où Prudence a consacré les traditions qui de son temps, si rapproché encore de la grande lutte, entouraient d’une incomparable auréole le front du diacre romain. C’était l’heure où l’éloquence enchanteresse de saint Ambroise redisait elle-même la rencontre de Sixte et du lévite au chemin du martyre [6]. Avant l’abeille de Milan, avant le chantre des Couronnes, Damase, Pontife suprême, consignait pour la postérité, dans ses monumentales inscriptions dignes de la majesté des temps du triomphe, cette victoire de Laurent par la seule foi que le poète exaltait dans des strophes immortelles [7].

Rome multipliait les démonstrations en l’honneur de l’invincible athlète qui, sur le gril ardent, avait prié pour sa délivrance. Non contente d’insérer son nom au Canon sacré, elle entourait l’anniversaire de sa naissance au ciel des mêmes privilèges de solennité, de vigile et d’octave, que celui des glorieux Apôtres ses fondateurs. Sur son sol empourpré du sang de bien d’autres témoins du Christ, chaque pas du lévite autrefois, chaque souvenir de Laurent, voyait surgir une église attestant la gratitude spéciale de la cité reine. Parmi tant de sanctuaires rappelant à divers titres sa mémoire bénie, celui qui gardait le corps du martyr prenait place à la suite des églises du Latran, de Sainte-Marie de l’Esquilin, de Pierre au Vatican, de Paul sur la voie d’Ostie : Saint-Laurent-hors-les-murs complétait le nombre des Basiliques majeures qui sont l’apanage réservé du Pontife romain, comme étant l’expression de sa juridiction universelle et immédiate sur toutes les Églises, comme représentant les patriarcats de Rome, d’Alexandrie, d’Antioche, de Constantinople, de Jérusalem, entre lesquels se divise l’univers. Ainsi, par Laurent, la Ville éternelle achevait de se montrer pour ce qu’elle est, le centre du monde et la source de toute grâce.

De même que Pierre et Paul sont la richesse, non de Rome seule, mais de la terre, Rome vit donc aussi Laurent acclamé comme l’honneur du monde ; ennoblie par son héroïsme, l’humanité régénérée personnifia en lui le courage des autres martyrs. Au commencement de ce mois, Étienne même se levait du lieu où il s’était couché dans la mort, pour venir confondre ses honneurs de Protomartyr avec la gloire du diacre de Sixte II dans la communauté d’une seule tombe. Le triomphe, comme la lutte de tous, parut atteindre en lui au dernier sommet : bien que la persécution dût avoir encore de terribles retours et multiplier pendant un demi-siècle les hécatombes, la victoire de Laurent fut considérée comme le coup qui frappait le paganisme au cœur ; l’enfer s’était heurté, pour sa perte, à un amour plus inflexible que ses feux [8].

« Le démon, dit Prudence, avait pressé dans une lutte acharnée le témoin de Dieu ; il tombait lui-même percé de coups, et demeurait à jamais terrassé. Cette mort du saint athlète fut la vraie mort des temples ; alors Vesta vit déserter le palladium, sans pouvoir le venger. Tous ces Quintes, coutumiers des superstitions que Numa jadis avait instituées, se pressent, ô Christ, en tes parvis, et chantent des hymnes à ton martyr. Lumières du sénat, Luperques et Flamines baisent le seuil des Apôtres et des Saints. Nous y voyons d’illustres familles, patriciens et nobles matrones, offrir en vœu leur clarissime lignée, gage de chères espérances. Le pontife, au front naguère ceint de bandelettes, s’enrôle sous le signe de la Croix ; la vestale Claudia visite, ô Laurent, ton sanctuaire » [9].

Ne soyons pas étonnés si, du haut des sept collines, la solennité de ce jour remplit aussitôt l’univers des échos de sa triomphante allégresse. « Autant il serait impossible à Rome de rester cachée, proclame saint Augustin, autant il l’est que la couronne de Laurent se dérobe aux yeux » [10]. « . En Orient comme en Occident, à Byzance comme à Rome, peuples et princes fondaient des temples à son honneur. En retour, au témoignage de l’évêque d’Hippone, « ses bienfaits ne pouvaient se compter [11], montrant quel était son mérite : qui l’a prié, sans être exaucé [12] ? »

Nous donc aussi, conclurons-nous avec Maxime de Turin, « dans cette dévotion concordante du monde célébrant partout le triomphe du bienheureux Laurent [13], comprenons que c’est une chose sainte et qu’il plaît à Dieu que nous honorions, dans la ferveur de nos âmes, la naissance au ciel de celui dont les flammes radieuses répandent aujourd’hui sur l’Église universelle du Christ un éclat de victoire. Pour son insigne pureté d’âme qui le fit lévite, pour la plénitude de sa foi qui lui valut la dignité du martyre, c’est justement que nous l’exaltons comme presque l’égal des Apôtres » [14].

LES PREMIÈRES VÊPRES.

Laurent est entré dans la lice du martyre, il a confessé le nom du Seigneur Jésus-Christ. L’Église ouvre par cette Antienne les premières Vêpres de la fête ; et en effet, à l’heure où nous sommes, Laurent a vu s’abaisser devant lui les barrières de l’arène. Il a jeté aux puissants son défi d’une sublime ironie ; le sang de ses veines a déjà coulé.

Mandé le jour même du martyre de Sixte II à la barre du préfet de Rome, Cornélius Sécularis [15], il avait obtenu de ce magistrat le délai nécessaire à l’héroïque fraude qu’il méditait comme réponse aux prétentions du fisc. Valérien, négligeant dans ses édits de persécution les membres obscurs de la communauté chrétienne, avait décrété la dissolution de celle-ci par l’interdiction des assemblées, la mort des chefs et la confiscation. Delà simultanément, au 6 août, la dispersion des fidèles réunis au cimetière de Prétextât, l’exécution du Pontife, et la comparution du premier diacre sommé de livrer les trésors dont le pouvoir n’ignorait pas qu’il était le gardien.

« Reconnais, dit le préfet, ma juste et paisible demande. On assure que, dans vos orgies, c’est la coutume de vos pontifes, la règle et la loi de leur culte, de faire dans des coupes d’or les libations ; on dit que dans des vases d’argent fume le sang des victimes, que des chandeliers d’or soutiennent les flambeaux dans vos mystères nocturnes. Et puis, grand est parmi vous le soin des frères : s’il en faut croire la renommée, on vend pour eux ses terres, on en retire des milliers de sesterces ; le fils déshérité par ses saints parents gémit dans la pauvreté, le patrimoine s’enfouit pieusement dans les réduits de vos temples. Remets-nous ces richesses immenses, honteux butin prélevé par vos prestiges sur la crédulité ; le bien public le réclame : pour les besoins du fisc, pour la solde de l’armée, rends à César ce qui est à César ».

Sans trouble aucun, comme prêt à obéir, Laurent répond avec douceur : « Je ne le nie pas, notre Église est opulente ; Auguste même, ni personne au monde, ne l’égale en richesse. Je révélerai tout, je te montrerai les trésors du Christ. Je demande seulement quelque trêve, qui me permette de tenir mieux ma promesse ; car il me faut inventorier toutes choses, compter chaque pièce, en noter la valeur ».

Gonflé de joie, dévorant l’or en espérance, le juge convient d’un délai de trois jours. Laurent cependant parcourt la ville, convoquant, rassemblant boiteux, aveugles, infirmes de toutes sortes, mendiants des places publiques, légions que nourrit l’Église leur mère mieux que personne, le diacre les connaît. Il les compte, écrit leurs noms, les dispose en longue file. Puis, le jour dit, retournant au juge : « Viens avec moi, dit-il ; admire les richesses sans pareilles du sanctuaire de notre Dieu ! »

Ils arrivent : de l’essaim à l’aspect repoussant s’élève le bruit des prières. « Pourquoi frémir ? dit Laurent au préfet ; est-ce donc là vil spectacle, ou qu’on doive mépriser ? La vraie richesse, c’est la lumière et le genre humain : ils sont les fils de la lumière, ceux-ci que la débilité de leurs membres garde de l’orgueil et des passions ; bientôt, dépouillant leurs ulcères au palais de l’éternelle vie, ils brilleront d’admirables splendeurs sous leurs robes de pourpre et leurs couronnes d’or. Voilà donc l’or que je t’avais promis, que le feu n’atteint pas, que le voleur ne saurait ravir. Maintenant, de peur que tu ne croies que le Christ est pauvre, j’y veux ajouter les perles de choix, les pierres aux mille feux, ornement du temple ; vois ces vierges sacrées, ces veuves qui ne connurent point de second hymen : c’est le collier sans prix de l’Église, l’ornement de son noble front, sa parure d’épousée, les joyaux qui ravissent le Christ. Voilà nos richesses ; reçois-les : elles embelliront la ville de Romulus, augmenteront les trésors du prince ; toi-même en seras plus riche » [16].

Une lettre du Pape saint Corneille, écrite quelques années avant ces événements, nous fait connaître que le nombre des veuves et des pauvres assistés par l’Église de Rome s’élevait à plus de quinze cents [17]. En les produisant devant le magistrat, Laurent savait qu’il n’exposait que lui-même, la persécution de Valérien, comme nous l’avons observé, se détournant des petits et frappant à la tête. Mais, dans cette admirable scène, la Sagesse s’était complue à mettre en présence du brutal césarisme la faiblesse méprisée qui devait l’emporter sur sa toute-puissance.

On était au 9 août 258. « La flagellation, le chevalet, la torture avaient été la première réponse du préfet furieux, en attendant l’épreuve suprême qu’il réservait à celui dont la noblesse d’âme venait de donner à sa cupidité une leçon si fière ; saint Damase l’atteste, lorsqu’en plus des flammes il constate « les coups, les bourreaux, les tourments, les chaînes, dont Laurent triompha » [18].

On ne saurait donc rejeter sur ce point l’autorité de la notice qu’Adon de Vienne inséra, au IXe siècle, dans son Martyrologe, en l’empruntant d’une source plus ancienne. Comme le prouve la conformité des expressions, c’est en partie à cette même source que l’Antiphonaire grégorien avait dès auparavant puisé les Antiennes et les Répons de la fête.

Indépendamment des détails qui nous sont connus par le témoignage de Prudence et des Pères, il est fait allusion dans cet Office aux conversions opérées par Laurent prisonnier et à la guérison des aveugles, qui parut être le don spécial du saint diacre dans les jours précédant son martyre.

Le disque embrasé de l’astre du jour a disparu derrière les monts Vaticans. La brise du soir ramène le mouvement sur les sept collines, où les ardeurs du soleil d’août semblaient avoir arrêté toute vie. Détaché du chevalet vers le milieu du jour, Laurent seul s’est interdit le repos. Meurtri et sanglant, il a baptisé dans sa prison les recrues gagnées au Christ par le spectacle de sa vaillance au milieu des tourments ; il les confirme dans la foi, les élève elles-mêmes à l’intrépidité du martyre, quand soudain l’heure décisive vient à sonner pour lui. Tandis que Rome court aux plaisirs, le préfet ramène au combat les bourreaux dont l’épuisement n’a pu, quelques heures plus tôt, servir à point sa vengeance.

Entouré de leur sinistre escouade : « Sacrifie aux dieux, dit-il au valeureux diacre ; ou cette nuit entière verra ton supplice. — Ma nuit, répond Laurent, n’a point d’ombres, et tout y resplendit pour moi de lumière ». Et comme on le frappait sur la bouche avec des pierres, il souriait et disait : « Je vous rends grâces, ô Christ ! »

On apporta alors un lit de fer à trois barreaux, et le bienheureux, dépouillé de ses vêtements, fut étendu sur ce gril ; et l’on plaça dessous des charbons ardents. Tandis qu’on l’y retenait avec des fourches de fer, il dit : « Je m’offre à Dieu en sacrifice de suave odeur ». Or, les bourreaux ne cessaient d’activer le feu et de renouveler les charbons, en le maintenant avec leurs fourches. Le saint dit alors : « Apprends, malheureux, quelle est la puissance de mon Dieu ; car tes charbons me sont un rafraîchissement ; mais ils seront pour toi l’éternel supplice. J’en atteste le Seigneur : accusé, je n’ai point nié ; interrogé, j’ai confessé le Christ ; sur les charbons, je lui rends grâces ». Et, son visage rayonnant d’une beauté céleste : « Oui ; je vous rends grâces, Seigneur Jésus-Christ, qui avez daigné me fortifier ». Levant les yeux sur le juge : « Voilà un côté cuit à point ; retourne-moi sur l’autre, et mange ! » Puis, revenant à la glorification du Seigneur Dieu : « Je vous rends grâces de ce que j’ai mérité d’entrer dans votre demeure » [19]. Et comme il allait rendre l’âme, se souvenant de l’Église, reprenant vie à la pensée de Rome immortelle, sa prière s’exhala ainsi dans l’extase : « O Christ, Dieu unique, ô splendeur, ô vertu du Père, ô ouvrier de la terre et des cieux dont la providence éleva ces remparts, toi qui plaças le sceptre de Rome au sommet des choses : tu voulus que le monde se soumît à la toge, pour rassembler sous d’uniques lois les nations divisées de mœurs, de coutumes, de langage, de génie, de sacrifices. Voici que tout entier le genre humain s’est rangé sous l’empire de Remus ; dissentiments et dissonances se fondent en son unité : souviens-toi de ton but, qui fut d’enlacer d’un même lien sous l’empire de ton nom l’immensité de l’univers. Christ, pour tes Romains, fais chrétienne la ville appelée par toi à ramener les autres à l’unité sacrée. Tous les membres en tous lieux s’unissent en ton symbole ; l’univers dompté s’assouplit : puisse s’assouplir sa royale tête ! Envoie ton Gabriel guérir l’aveuglement des fils d’Iule, et qu’ils connaissent quel est le Dieu véritable. Je vois venir un prince, un empereur serviteur de Dieu ! Il ne souffrira plus que Rome soit esclave ; il fermera les temples, il les scellera d’éternels verrous ».

Ainsi finit sa prière, et avec le dernier souffle de sa voix s’envola son âme. De nobles personnages, conquêtes de l’admirable liberté du martyr, enlevèrent son corps ; l’amour du Dieu très haut, envahissant soudain leur âme, en avait chassé les anciennes folies. Dès ce jour se refroidit le culte des dieux infâmes ; la foule fut plus rare dans les temples ; on courut aux autels du Christ. Ainsi Laurent, dans le combat, n’avait point ceint son flanc d’un glaive ; mais, arrachant le fer à l’ennemi, il en avait retourné contre lui la pointe [20].

L’Église, dont la reconnaissance est à la hauteur des services rendus, ne pouvait mettre en oubli cette nuit glorieuse. Aux temps où la religion de ses fils répondait à la sienne, elle les convoquait au coucher du soleil, dans la soirée du 9 août, pour un premier Office nocturne.

Sur l’heure de minuit, commençaient de secondes Matines, lesquelles étant terminées, une première Messe, dite de la nuit ou du premier matin [21], complétait cette assistance des chrétiens autour du saint diacre pendant les heures qu’avait duré sa lutte triomphante. O Dieu, vous avez éprouvé mon cœur et l’avez visité dans la nuit ; vous m’avez scruté par le feu, et l’iniquité ne s’est point trouvée en moi : Seigneur, ayez égard à ma justice, écoutez ma prière [22]. Quelle grandeur dans ce chant d’Introït couronnant une telle nuit, et consacrant sur terre, à l’aurore du 10 août, l’instant même où Laurent fit son entrée dans le sanctuaire éternel, pour remplir son office à l’autel des cieux !

Plus tard on conserva longtemps aux Matines de cette fête, en quelques églises, un usage qui signalait également les Matines de la Commémoration de saint Paul. Il consistait à faire précéder d’un Verset particulier la reprise de chaque Antienne des Nocturnes. Le labeur tout spécial du Docteur des nations et de Laurent dans le champ de l’apostolat et celui du martyre, leur avait, disent les docteurs de la sainte Liturgie, mérité cette distinction entre tous autres [23].

La comparaison de la dureté du supplice du saint diacre sur ses charbons et de la tendresse de cœur qui, trois jours auparavant, lui faisait verser des larmes en quittant Sixte II, avait vivement frappé nos pères. Aussi donnèrent-ils le gracieux nom de larmes de saint Laurent à la pluie périodique d’étoiles filantes qui caractérise, pour le peuple comme pour les savants, la nuit du 10 août. La piété populaire, qui aime à trouver dans les phénomènes de la nature l’occasion d’élever plus haut sa pensée, eut rarement d’inspiration plus touchante. A LA MESSE.

Le diacre suivant son pontife a pénétré au delà du voile ; lévite fidèle, il s’est rangé dans sa force près de l’arche de l’alliance éternelle. Il admire les splendeurs de ce tabernacle non fait de main d’homme [24], dont celui de Moïse était une si faible image, dont l’Église même ici-bas, entourée d’ombres, laisse à peine soupçonner la magnificence.

Et cependant, aujourd’hui, l’Église tressaille d’une sainte fierté dans son exil ; car le ciel lui doit en ce jour un éclat nouveau, une sainteté plus grande. Elle s’avance, triomphante elle aussi, vers l’autel de la terre qui n’est qu’un même autel avec celui des deux ; ayant suivi toute cette nuit du regard et du cœur son noble fils, elle ose chanter comme siennes cette beauté, cette sainteté, ces magnificences de la patrie, dont il semble qu’un rayon soit descendu jusqu’à elle au moment où le voile se soulevait pour lui donner entrée au Saint des Saints.

L’Introït, comme son Verset, est tiré du Psaume XCV. L’épreuve du gril embrasé n’est sans doute pas celle qui attend notre faiblesse. Mais d’autres feux nous assaillent, qui seraient l’aliment de la flamme éternelle, si nous ne savions les éteindre en ce monde même. L’Église demande pour nous à cette fin, dans la fête du bienheureux Laurent, force et prévoyance.

ÉPÎTRE.

Il a répandu l’aumône avec profusion sur le pauvre ; sa justice demeurera à jamais. L’Église Romaine aime à revenir sur l’application de cette parole du Psaume CXI à son grand archidiacre. Hier déjà, l’Introït et le Graduel de Vigile y puisaient l’inspiration de leurs mélodies ; l’harmonieux écho s’en répercutait à travers les Répons delà nuit glorieuse, et jusque dans le Verset des Laudes triomphantes. Le même texte, cité par le Docteur des nations dans sa seconde lettre aux fidèles de Corinthe, est aujourd’hui la raison du choix de l’Épître qu’on vient de lire, et d’où sont également empruntés les Capitules des différentes Heures.

Cette insistance nous montre assez que, pour l’Église, le point de départ des grâces de choix qui valurent à Laurent la gloire de son incomparable martyre est dans la fidélité vaillante et allègre avec laquelle il distribua aux membres souffrants de Jésus-Christ l’or dont il avait la garde. Telle est l’unité des glorieuses scènes auxquelles il nous a été donné d’assister durant ces trois jours, telle la loi d’économie surnaturelle qui préside aux largesses de l’Esprit-Saint : Celui qui sème avec parcimonie moissonnera comme il sème, et celui qui sème en bénédictions moissonnera des bénédictions.

Observons-le du reste avec l’Apôtre : le mérite qui touche Dieu, et l’amène à multiplier ses faveurs, réside moins dans l’œuvre elle-même que dans l’esprit qui l’anime ; Dieu aime celui qui donne avec joie. Noblesse de cœur, tendresse exquise, dévouement qui s’oublie, héroïsme fait de simplicité autant que de courage, bonne grâce souriante jusque sur les charbons : c’est là tout ce que fut Laurent dans sa vie avec Dieu, avec son père Sixte II, avec les petits, comme en face de la mort et des puissants. Le dénouement de cette vie ne fit que le montrer dans les plus grandes choses ce qu’il avait été dans les moindres [25]. Rarement, au reste, l’accord entre la nature et la grâce se rencontra plus parfait que dans le jeune diacre ; et si le don du martyre est si grand que nul en ce monde ne le saurait mériter, on peut dire pourtant que le sien, dans la grandeur toute spéciale dont le Seigneur voulut l’entourer, manifesta l’évolution normale et comme spontanée des germes de choix déposés par l’Esprit-Saint dans sa riche nature.

Les paroles du Psaume XVI, qui fournissaient autrefois à la Messe de la nuit son admirable Introït, se retrouvent au Graduel et au Verset de la Messe du jour. Le Verset alléluiatique rappelle les miracles opérés par Laurent sur des aveugles, et qui doivent nous porter à implorer de lui la guérison de l’aveuglement spirituel plus terrible que l’autre.

ÉVANGILE.

Écoutons saint Augustin commenter en cette fête même l’Évangile que nous venons d’entendre : « Votre foi reconnaît le grain tombé en terre, et qui s’est multiplié dans la mort. Votre foi le connaît, dis-je, ce grain mystérieux, parce que lui-même habite en vos âmes. Que ce soit de lui-même en effet que le Christ ait ainsi parlé, nul chrétien ne doute. Mais voici donc que, lui mort et multiplié, nombre de grains ont été répandus en terre : parmi lesquels le bienheureux Laurent, dont c’est aujourd’hui le jour de semence. Et de ces grains jetés par le monde tout entier, quelle abondante moisson est sortie : nous le voyons, c’est notre joie, c’est nous-mêmes ; si toutefois sa grâce nous marque pour le grenier. Car n’appartient pas au grenier tout ce qui se trouve dans la moisson. La même pluie en effet, utile et nourrissante, fait croître et le froment et la paille. A Dieu ne plaise qu’on serre l’un et l’autre ensemble au grenier, quoique l’un et l’autre ensemble ait crû au champ, quoique l’un et l’autre ensemble ait été foulé dans l’aire. C’est maintenant le temps de choisir. Avant le vannage, épurons les mœurs : nous sommes sur l’aire, où le grain est encore dans la période de séparation, où le van n’est pas définitivement intervenu. Écoutez-moi, grains sacrés, que je ne doute pas être ici ; car en douter, ce serait n’en pas être moi-même ; écoutez-moi, dis-je : bien plutôt, écoutez par moi le premier grain. N’aimez pas vos âmes dans ce siècle ; gardez-vous de les aimer, si vous les aimez, afin de les garder en ne les aimant pas ; car en ne les aimant pas, vous les aimez plus. Celui qui aime sa vie en ce monde la perdra » [26].

Ainsi Laurent, pour s’être en ce monde traité en ennemi et perdu, s’est retrouvé dans l’autre. Serviteur du Christ par le titre même de son diaconat, qui signifie service, il a suivi l’Homme-Dieu, selon la recommandation de notre Évangile, suivi à l’autel, à l’autel de la Croix. Mais, tombé avec lui en terre, il s’est aussi multiplié en lui ; selon la doctrine de l’évêque d’Hippone, nous-mêmes, qu’éloignent de lui les espaces et les temps, sommes pourtant la moisson qui, pour une part, germe de lui toujours. Puisons dans cette pensée le sentiment d’une reconnaissance profonde envers le saint diacre ; et mettons d’autant plus de zèle à nous associer d’ici-bas aux honneurs dont l’entoure le Père céleste aujourd’hui, pour avoir servi son Fils.

L’Offertoire reprend sous une nouvelle mélodie les paroles d’Introït ; c’est l’écho de la terre à l’harmonie des cieux. Cette beauté, cette sainteté qui relèvent si magnifiquement le ministère de la louange à l’autel éternel, doivent déjà, sous la foi, resplendir en l’âme des ministres de l’Église, comme elles faisaient en Laurent, mortel encore, aux regards ravis des Anges.

A ce moment des Mystères, Laurent offrait autrefois les dons ; ses mérites sont maintenant le suffrage dont l’Église se réclame en les présentant.

Laurent a dignement rempli son service auguste à la table du Seigneur ; celui pour lequel il s’est dépensé tient l’engagement qu’il prenait dans l’Évangile, en l’appelant à résider pour jamais où il est lui-même.

Rassasiés au banquet sacré dont Laurent fut le dispensateur, nous demandons que l’hommage de notre propre service attire sur nous, par son intercession, l’augmentation de la grâce.

LES SECONDES VÊPRES.

A peine Laurent avait-il eu, le matin, remis son âme vaillante au Créateur, qu’on entoura de linceuls et d’aromates ses restes plus précieux que l’or sortant du creuset. Comme Étienne le premier des Martyrs, comme Jésus leur Roi, il vit d’illustres personnages ambitionner l’honneur de prodiguer leurs soins à sa dépouille sacrée. Dans la soirée du 10 août [27], les nobles convertis dont parle Prudence courbèrent leur tête sous l’auguste fardeau, et l’emportant sur la voie Tiburtine, ils l’ensevelirent avec un grand deuil au cimetière de Cyriaque. L’Église de la terre pleurait son illustre fils ; mais celle du ciel laissait déjà déborder le triomphe, et chaque retour du glorieux anniversaire allait donner l’allégresse au monde.

L’Office des secondes Vêpres ne diffère de celui des premières que par le dernier Psaume, le Verset et l’Antienne de Magnificat. Ce Psaume, que l’Église chante pour tous les Martyrs, est le CXVe. Il exprime merveilleusement l’effusion reconnaissante de Laurent à cette heure : sa foi, qu’il a confessée, l’a fait triompher de la souffrance et des embûches ; il a rempli de son propre sang le calice dont il avait la garde, vrai diacre en cela, serviteur de l’autel de Dieu, fils de l’Église, servante elle aussi du Seigneur ; et maintenant que ses liens sont brisés, il inaugure son service éternel dans l’assemblée des Saints, au milieu de toi, à Jérusalem. Les Grecs font écho, dans leurs Menées, aux hommages qui s’élèvent de l’Occident vers le triomphateur de ce jour.

MENSIS AUGUSTI DIE X In Matutino.

Diacre du Verbe, beau de sa beauté, livrant sa vie pour son amour, c’est à bon droit qu’avec lui maintenant il règne, enivré de sa gloire et de sa félicité.

Fort sous l’armure de la vérité et de la piété contre les attaques impies des tenants de l’erreur, tu as par ta foi et tes sages paroles détruit pour toujours l’arsenal du mensonge.

L’œil fixe sur Dieu et sa beauté, ô Laurent, tu as méprisé de la terre et les plaisirs et les tourments, homme admirable !

Le Christ, notre vrai diacre en tant que dispensateur des biens qui nous viennent du Père, s’était révélé à toi ; pour être son diacre à lui dans un plein retour, tu as été à lui par le sang, ô digne d’envie !

Comme un soleil fortuné qui se lève à l’Occident, prodige admirable ! Tu as éclairé l’Église entière de tes feux, merveilleux Martyr, et tous les hommes se sont réchauffés aux ardeurs de ta foi : c’est pourquoi nous te glorifions tous.

Demandons aux anciennes Liturgies leur tribut à la gloire du saint Martyr. Le Sacramentaire Léonien nous donne cette Préface, dont la noble brièveté laisse toute leur fraîcheur aux sentiments de l’Église Mère pour son glorieux fils. « Perfectis gaudiis expleatur oblatio... Gratias tibi, Domine, quoniam sanction Laurentium Martyrem tuum, te inspirante diligimus : Que parfaites soient les joies de ce jour !... Grâces soient à vous, Seigneur, de ce que par vous nous aimons Laurent, votre saint Martyr ! » Telle est l’inspiration des autres formules qui précèdent ou suivent au môme lieu, dans l’Action sacrée, celle que nous donnons ici.

PRÉFACE.
Vere dignum. Tuam misericordiam deprecantes, ut mentibus nostris beati Laurentii Martyris tui tribuas jugiter suavitatem, qua et nos amemus ejus meritum passionis, et indulgentiam nobis semper fidelis ille Patronus obtineat.Il est vraiment juste de vous glorifier, ô Dieu ; et, en même temps, nous supplions votre miséricorde d’accorder à nos âmes constamment la suavité du bienheureux Laurent, votre Martyr : ainsi aimerons-nous à repasser le mérite de ses tourments ; ainsi toujours ce protecteur fidèle nous obtiendra le pardon.

Le Missel dit gothique, qui représente, comme on le sait, la Liturgie de nos Églises de France avant Pépin et Charlemagne, est bien en ce jour à l’unisson des sentiments de l’Église Mère.

MISSA S. LAURENTI MART.
Deus, fidelium tuorum Salvator et rector, omnipotens sempiterne Deus, adesto votis solemnitatis hodiernæ ; et Ecclesiæ gaudiis de gloriosa Martyris tui passione beati Laurenti conceptis, benignus adspira : augeatur omnium fides tantæ virtutis ortu ; et corda lætantium supplicio Martyrum igniantur : ut apud misericordiam tuam illius juvemur merito, cujus exsultamus exemplo. Per Dominum.Dieu Sauveur et guide de vos fidèles, Dieu tout-puissant, éternel, dans la solennité de ce jour soyez propice à nos vœux ; secondez bénignement les joies que l’Église a conçues dans la glorieuse passion du bienheureux Laurent votre Martyr ; que s’accroisse la foi de tous, au lever d’une vertu si grande ; que les cœurs tressaillant s’embrasent au supplice des Martyrs : afin que nous soit en aide auprès de votre miséricorde le mérite de celui dont l’exemple excite en nous l’allégresse. Par Jésus-Christ.
IMMOLATIO MISSAE.
Vere dignum et justum est, omnipotens sempiterne Deus, tibi in tanti Martyris Laurenti laudis hostias immolare : qui hostiam viventem hodie in ipsius Levitæ tui beati Laurenti Martyris ministerio per florem casti corporis accepisti. Cujus vocem per hymnidicum modolamini Psalmi audivimus canentis atque dicentis : Probasti cor meum , Deus, et visitasti noctem, id est in tenebris sæculi : igne me examinasti ; et non est inventa in me iniquitas. O gloriosa certaminis virtus ! o inconcussa constantia confitentis ! Stridunt membra viventis super craticulam imposita, et prunis sævientibus anhelantis, incensum suum in modum thymiamatis divinis naribus exhibent odorem. Dicit enim Martyr ipse cum Paulo : Christi bonus odor sumus Deo. Non enim cogitabat quomodo in terra positus, a passionis periculo liberaretur, sed quomodo inter Martyres in cœlis coronaretur. Per Christum.Il est véritablement digne et juste, Dieu tout puissant, éternel, de vous immoler les hosties de la louange en la solennité d’un si grand Martyr ; car aujourd’hui, Laurent votre bienheureux Lévite accomplissant son ministère, vous l’avez reçu comme une hostie vivante en la fleur de son chaste corps. Nous avons entendu sa voix entonnant l’hymne sacré du Psaume mélodieux qui disait : O Dieu, vous avez éprouvé mon cœur, et l’avez visité dans la nuit, c’est-à-dire dans les ténèbres de ce siècle ; vous m’avez scruté par le feu, et l’iniquité ne s’est point trouvée en moi. O glorieuse vertu que celle qui parait en cette lutte ! ô inébranlable constance de cette confession ! Sur le gril ardent ces membres où réside la vie sifflent et se tordent ; cette poitrine haletante n’aspire que le feu des charbons qui la brûlent : ce pendant, comme un suave encens, monte à Dieu la fumée d’holocauste. Comme Paul, le Martyr dit aussi : Nous sommes pour Dieu la bonne odeur du Christ. Il ne cherchait pas en effet comment, habitant de cette terre, il échapperait au danger de souffrir, mais comment, citoyen des cieux, il serait couronné parmi les Martyrs. Par Jésus-Christ.

Bornons-nous à emprunter pour aujourd’hui aux Mozarabes cette unique prière :

CAPITULA.
Domine Jesu Christe, qui beatissimum Laurentium igne charitatis tuæ ardentem, et cupiditatum et passionum incendia fecisti evincere : dum et aurum calcat et flammam, et in pauperum erogationem munificus et in combustionem sui corporis reperitur devotus ; da nopis obtentu suffragii illius, ut vapore Spiritus Sancti accensi flammas superemus libidinis, et igne concrememur omnimodæ sanctitatis : quo inter Sanctos illos sors nostra inveniatur post transitum, pro quibus nunc tibi dependimus famulatum.Seigneur Jésus-Christ, c’est par vous que le très bienheureux Laurent, brûlant du feu de votre charité, a triomphé des ardeurs de la cupidité et de la souffrance, foulant aux pieds l’or et la flamme, libéral dans ses dons aux pauvres comme zélé pour livrer son corps aux charbons : en considération de son suffrage, faites qu’embrasés de la chaleur de l’Esprit-Saint, nous surmontions les flammes des passions et soyons consumés par les feux de toute sainteté ; ainsi, après le passage de cette vie, notre partage sera avec les Saints mêmes pour lesquels maintenant nous vous rendons hommage et service.

Adam de Saint-Victor couronnera la journée par une de ses admirables Séquences.

SÉQUENCE.
Prunis datum
Admiremur,
Laureatum
Veneremur
Laudibus Laurentium ;
Veneremur
Cum tremore,
Deprecemur
Cum amore
Martyrem egregium.
Sur ses charbons
Laurent paraît,
méritant le laurier
que signifiait son nom :
admirons-le,
vénérons-le
dans nos louanges ;
vénérons
avec tremblement l’illustre Martyr,
implorons-le avec amour.
Accusatus
Non negavit ;
Sed pulsatus
Resultavit
In tubis ductilibus,
Cum in pœnis
Voto plenis
Exsultaret
Et sonaret
In divinis laudibus.
Accusé,
il ne se déroba pas,
mais frappé
résonna
comme font les trompettes retentissantes :
ainsi, dans les tortures,
objet de ses vœux,
tressaillait-il,
résonnait-il
en divines louanges.
Sicut chorda musicorum
Tandem sonum dat sonorum
Plectri ministerio ;
Sic, in chely tormentorum,
Melos Christi confessorum
Dedit hujus tensio.
Comme la corde
rend sous l’archet
sa mélodie,
ainsi, tendu sur la lyre des tourments,
il fit monter vers Jésus-Christ
sa confession harmonieuse.
Deci, vide
Quia fide
Stat invictu
Inter ictus
Minas et incendia :
Spes interna,
Vox superna
Consolantur
Et hortantur
Virum de constantia.
Vois, tyran,
comme par la foi
il demeure invincible
parmi les coups,
les menaces et les flammes :
une intime espérance,
une voix d’en haut
le consolent,
affermissent
son courage.
Nam thesauros quos exquiris
Per tormenta non acquiris
Tibi, sed Laurentio.
Hos in Christo coacervat,
Hujus pugna Christus servat,
Triumphantis præmio.
Car les trésors que tu recherches,
ce n’est pas à toi, mais à Laurent
que tes tourments les acquièrent :
il les entasse dans le Christ ;
pour son combat, le Christ les lui garde
comme récompense de triomphe.
Nescit sancti nox obscurum,
Ut in pœnis quid impurum
Fide tractet dubia ;
Neque cæcis lumen daret,
Si non eum radiaret
Luminis præsentia.
La nuit du saint ignore l’ombre,
rien dans sa peine dont le mélange
puisse laisser quelque doute à sa foi :
rendrait-il la lumière aux aveugles,
si la lumière elle-même
ne l’inondait pas ?
Fidei confessio
Lucet in Laurentio :
Non ponit sub modio,
Statuit in medio
Lumen coram omnibus.
Juvat Dei famulum
Crucis suæ bajulum,
Assum quasi ferculum,
Fieri spectaculum
Angelis et gentibus.
C’est la foi dont la confession
resplendit en lui ;
la lumière, il la place,
non sous le boisseau,
mais au milieu devant tous.
Rôti comme un aliment,
il plaît au serviteur de Dieu,
au porteur de sa croix,
d’être donné en spectacle
aux Anges et aux nations.
Non abhorret prunis volvi,
Qui de carne cupit solvi
Et cum Christo vivere ;
Neque timet occidentes
Corpus, sed non prævalentes
Animam occidere.
Il ne craint pas d’être roulé sur les charbons,
celui qui désire être affranchi de la chair
et vivre avec le Christ ;
il ne redoute pas ceux
qui tuent le corps,
mais ne peuvent tuer l’âme.
Sicut vasa figulorum
Probat fornax, et eorum
Solidat substantiam,
Sic et ignis hunc assatum
Velut testam solidatum
Redditper constantiam.
Comme la fournaise
éprouve le travail des potiers,
endurcit la substance :
ainsi le feu, cuisant le martyr,
en fait par la constance
un vase affermi.
Namcum vetus corrumpatur,
Alter homo renovatur
Veteris incendio ;
Unde nimis confortatus
Est athletæ principatus
In Dei servitio.
Quand le vieil homme en effet
se dissout, un autre se répare
au bûcher qui consume l’ancien ;
c’est ainsi qu’au service de Dieu
s’est fortifiée merveilleusement
la puissance de l’athlète.
Hunc ardorem
Factum foris
Putat rorem
Vis amoris
Et zelus Justitiæ ;
Ignis urens,
Non comburens,
Vincit prunas
Quas adunas
O minister impie.
L’ardeur
dont on l’entoure
n’est que rosée
pour son puissant amour
et son zèle de justice ;
un feu brûlant,
non consumant,
surmonte
tes brasiers assemblés,
ministre impie.
Parum sapis
Vim sinapis,
Si non tangis,
Si non frangis ;
Et plus fragrat
Quando flagrat
Thus injectum ignibus.
Sic arctatus
Et assatus,
Sub labore,
Sub ardore,
Dat odorem
Pleniorem
Martyr de virtutibus.
Si tu ne le prends,
si tu ne le brises,
le grain de sénevé
a peu de saveur ;
c’est lorsqu’il brûle
sur les charbons,
que l’encens exhale mieux son parfum :
ainsi pressé,
ainsi brûlé,
le Martyr plus pleinement,
sous ce labeur,
sous ces ardeurs,
livre l’arôme
de ses vertus.
O Laurenti, laute nimis,
Rege victo rex sublimis,
Regis regum fortis miles,
Qui duxisti pœnas viles
Certans pro Justitia ;
Qui tot mala devicisti
Contemplando bona Christi,
Fac nos malis insultare,
Fac de bonis exsultare
Meritorum gratia.
Amen
O Laurent, fortuné à l’excès,
roi magnifique ayant vaincu le roi du monde,
fort chevalier du Roi des rois,
tu réputas pour rien la souffrance
dans ton combat pour la justice ;
tu as surmonté tant de maux
en contemplant les biens du Christ :
par la grâce de tes mérites,
fais-nous mépriser le mal,
fais-nous mettre au bien notre joie.
Amen.

Trois fois heureux le Romain, qui t’honore au lieu où tes ossements reposent ! il se prosterne en ton sanctuaire ; pressant de sa poitrine la terre, il l’arrose de ses larmes et y répand ses vœux. Nous que séparent de Rome Alpes et Pyrénées, à peine pouvons-nous soupçonner de combien de trésors elle est pleine, combien son sol est riche en sépultures sacrées. Privés de ces biens, ne pouvant voir de près les traces du sang, nous contemplons le ciel de loin. O saint Laurent, c’est là que nous allons chercher le souvenir de tes souffrances ; car tu as deux palais pour demeure : celui du corps en terre, celui de l’âme au ciel. Le ciel, ineffable cité qui te fait membre de son peuple, qui, dans les rangs de son éternel sénat, place à ton front la couronne civique ! A tes pierreries resplendissantes, on dirait l’homme que Rome céleste élit pour perpétuel consul ! Tes fonctions, ton crédit, ta puissance paraissent, aux transports des Quirites exaucés dans leurs requêtes à toi présentées. Quiconque demande est entendu ; tous prient en liberté, formulent leurs vœux ; nul ne remporte avec lui sa douleur.

« Sois toujours secourable à tes enfants de la cité reine : qu’ils aient pour ferme appui ton amour de père ; qu’ils trouvent en toi la tendresse et le lait du sein maternel. Mais parmi eux, ô toi l’honneur du Christ, écoute aussi l’humble client qui confesse sa misère et avoue ses fautes. Je me sais indigne, je le reconnais, indigne que le Christ m’exauce ; mais protégé par les Martyrs, on peut obtenir le remède à ses maux. Écoute un suppliant : dans ta bonté, délie mes chaînes, affranchis-moi de la chair et du siècle » [28].

DEUXIÈME JOUR DANS L’OCTAVE

Comme le remarque saint Léon en la glorieuse solennité dont l’Octave commence, si nul n’est bon pour lui seul, si les faveurs de la Sagesse ne profitent point seulement à celui qu’elle honore, nul n’est plus sage que le Martyr, aucune éloquence ne vaut la sienne pour instruire le peuple de Dieu. C’est dans ce très excellent genre d’enseignement [29] que, nous dit aujourd’hui même l’Église, « Laurent a illuminé le monde de la lumière de ses feux, échauffé les cœurs des chrétiens de l’ardeur des flammes dont il brûlait. La foi s’allume, la dévotion éclate en nos âmes au spectacle de ses combats ; le persécuteur n’attise pas contre moi ses brasiers, mais il m’embrase du désir du Sauveur » [30]. Si d’ailleurs, et ce n’est point théorie pure que de le rappeler en nos temps, si, comme l’observe saint Augustin dans l’Homélie de l’Office de la nuit, « les circonstances en arrivent à placer un homme dans l’alternative de transgresser un précepte divin ou de sortir de cette vie, il doit lui aussi savoir mourir pour l’amour de Dieu plutôt que de vivre par son offense » [31]. La morale ne change pas, ni non plus la justice de Dieu, qui récompense en tous temps ses fidèles, comme en tous siècles il châtie les lâches.

Le Missel mozarabe fait ressortir éloquemment les grandeurs du martyre de saint Laurent dans cette formule si belle qui précède la Consécration, au jour de la fête.

POST SANCTUS.
Hosanna in excelsis : vere dignum et justum est, omni quidem tempore, sed præcipue in honorem Sanctorum tuorum, nos tibi gratias, consempiterna Trinitas et consubstantialis et cooperatrix omnium bonorum Deus, et pro beatissimi Martyris tui Laurentii celeberrimo die, laudum hostias immolare. Cujus gloriosum passionis triumphum, anni circulo revolutum, Ecclesia tua læta concelebrat : Apostolis quidem tuis in doctrina supparem : sed in Domini confessione non imparem. Qui niveam illam stolam Leviticam, martyrii cruore purpureo decoravit : cujus cor in igne tuo, quem veneras mittere super terram, ita flammasti : ut ignem istum visibilem non sentiret : et appositas corpori flammas mentis intentione superaret : ardentemque globum fide validus non timeret.Hosannah au plus haut des cieux ! Il est vraiment digne et juste en tout temps, mais principalement dans les solennités de vos Saints, que nous vous rendions grâces, Trinité coéternelle et consubstantielle et coopératrice de tous biens. En ce très illustre jour de votre bienheureux Martyr Laurent, nous vous immolons donc, ô Dieu, les hosties de la louange. Toute votre Église célèbre dans la joie, au retour de cet anniversaire, le glorieux triomphe de son martyre. Se rapprochant de vos Apôtres en l’enseignement, il ne fut point au-dessous dans la confession du Seigneur. Il releva de la pourpre du martyre la blanche neige de sa robe de lévite. Le feu que vous êtes venu répandre sur la terre avait tellement embrasé son cœur, qu’il ne sentait pas ce feu visible et surmontait par la vigueur de l’esprit les flammes entourant son corps, sans nul crainte en sa vaillante foi des charbons ardents.
Quique craticulæ superpositus, novum sacrificium tibi semetipsum castus minister exhibuit : et veluti super aram holocausti more decoctus, saporem Domino suavitatis ingessit. In quo incomparabilis Martyr præcordiis pariter ac visceribus medullisque liquescentibus desudavit, ac defluentia membra torreri invicta virtute patientiæ toleravit. In quo extensus ac desuper fixus, subjectis jacuit ac pependit incendiis : et holocaustum pietatis cruda coxit impietas : quæ sudorem liquescentium viscerum bibulis vaporibus suscepit. Supra quam velut super altare corpus suum, novi generis sacrificium celebrandum minister imposuit : et Levita prædicandus ipse sibi Pontifex et hostia fuit. Et qui fuerat minister Dominici corporis, in offerendo semetipsum officio functus est sacerdotio.Sur le gril, ministre chaste il s’offrit à vous lui-même, sacrifice nouveau. Autel d’holocauste, saveur suave pour le Seigneur ! Avec une invincible patience, le cœur, les entrailles, les moelles en ébullition, s’écoulant en ruisseaux, l’incomparable Martyr laissait ses membres torréfiés se dissoudre. Étendu et fixé sur le gril, gisant suspendu sur la flamme, c’était l’holocauste de piété dont une froide impiété se faisait l’instrument, humant la sueur embrasée des chairs fondues. Mais le vrai ministre de ce sacrifice d’un nouveau genre, celui qui véritablement plaçait sur l’autel son corps, c’était l’admirable Lévite, à la fois pour lui-même pontife et hostie. Lui qui avait été ministre du Corps du Seigneur, en s’offrant lui-même fit office de prêtre.
Tuam igitur Domine in eo virtutem, tuamque potentiam prædicamus. Nam quis crederet corpus fragili compage conglutinatum, tantis sine te sufficere conflictibus potuisse ? quis incendiorum æstibus humana æstimaret membra non cedere : nisi flagrantior a te veniens interiorem hominem lampas animasset : cujus potentia factum est, ut læta rore suo anima, coctione proprii corporis exsultaret : dum versari se Martyr præcipit, et vorari : ne et paratam coronam uno moriendi genere sequeretur : et sic lenitate cruciatuum vitalis tardaret interitus, non existeret gloriosus coronatus. Per te Dominum qui es Salvator omnium et Redetnptor animarum.C’est pourquoi, Seigneur, nous exaltons en lui votre vertu et votre puissance. Qui, en effet, croira qu’un corps, inconsistant et fragile assemblage, eût pu sans vous suffire à tant d’assauts ? Qui estimera que des membres humains n’eussent point cédé à ces feux dévorants, sans que partant de vous une plus vive flamme ne fût venue ranimer l’homme intérieur ? Mais, par cette vertu, l’âme joyeusement pénétrée de la divine rosée tressaillait de sentir son corps aux charbons, le Martyr voulait se voir retourné et mangé : un seul genre de mort ne lui semblait pas suffire à la couronne préparée ; il craignait que la modération des tourments ne retardât cette mort qui donnait la vie, que la couronne en fût moins glorieuse à recevoir de vos mains, ô Seigneur qui êtes le Sauveur de tous et le Rédempteur de nos âmes.

Bhx cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

Station à Saint-Laurent.

Après celle des Princes des Apôtres, cette fête est la plus grande de l’antique liturgie romaine. Le terrible martyre souffert par le célèbre Archidiacre impressionna fortement les générations qui lui succédèrent immédiatement, et pour lesquelles Laurent devint à Rome ce qu’avait été Étienne à Jérusalem.

Le cadavre calciné du martyr fut déposé en paix par le prêtre Justin dans le cimetière de Cyriaque, dans l’Ager Veranus. Sur ce sol, le généreux empereur Constantin érigea une riche basilique ; mais comme le sépulcre de saint Laurent se trouvait au milieu des autres cubicula et des cryptes souterraines, le vainqueur de Maxence, voulant épargner le cimetière, ouvrit seulement un escalier de communication entre la basilique et l’hypogée du Saint. Cet escalier à deux rampes est mentionné non seulement par le Liber Pontificalis dans la biographie de Silvestre, mais aussi dans une épigraphe locale, que nous avons déjà rapportée ailleurs : Ad mesa beati martyris Laurentii, descindentibus in cripta, parte dextra [32].

Sur la tombe du martyr, Damase plaça l’inscription suivante :

VERBERA • CARNIFICES • FLAMMAS • TORMENTA • CATENAS
VINCERE • LAVRENTII • SOLA • FIDES • POTVIT
HAEC • DAMASVS • CVMVLAT • SVPPLEX • ALTARIA • DONIS
MARTYRIS • EGREGIVM • SVSPICIENS • MERITVM
Les coups, les bourreaux, les flammes, le chevalet, les chaînes,
Seule la foi de Laurent pouvait les surmonter.
Damase suppliant dépose sur cet autel ses offrandes, Tout pénétré d’admiration pour les mérites du grand Martyr.

Toutefois, cette église constantinienne apparut bientôt trop petite pour le grand nombre de fidèles qui affluaient chaque jour à la tombe du vaillant Archidiacre. Sixte III entreprit alors la construction d’une nouvelle et plus vaste basilique (basilica maior), mais orientée en sens inverse, c’est-à-dire avec la porte du côté de la voie Tiburtine, et l’abside adhérente à l’abside constantinienne. Ce second édifice est mentionné, non seulement dans la biographie du Pape fondateur, mais aussi dans quelques inscriptions du Ve siècle :

IN • BASILICA • MAIORE • AD • DOMNVM • LAVRENTIVM [33]

Le Martyrologe Hiéronymien mentionne la dédicace qui en fut faite le 4 novembre : Dedicatio basilicae sanctorum Xysti, Hippolyti et Laurentii.

Pendant ce temps, la crypte ad corpus du martyr, humide et obscure, était devenue elle aussi peu sûre en raison de la pression des terres de la colline qui pesaient sur ses côtés. Pour y remédier, Pelage II nivela toutes les galeries cimitérales environnantes, isolant la tombe du martyr, et érigeant, sur l’emplacement de l’antique basilique constantinienne, une nouvelle église qui reçut le titre de nova, ou speciosior [34]. L’abside de l’édifice constantinien fut cependant conservée et les colonnes antiques furent utilisées pour le nouvel édifice. Une inscription, qui a été reconstituée au sommet de l’arc triomphal, rappelle l’histoire de ces travaux exécutés durant la période orageuse de l’invasion lombarde :

DEMOVIT • DOMINVS • TENEBRAS • VT • LVCE • CREATA
HIS • QVONDAM • LATEBRIS • SIC • MODO • FVLGOR • INEST
ANGVSTOS • ADITVS • VENERABILE • CORPVS • HABEBAT
HIC • VBI • NVNC • POPVLVM • LARGIOR • AVLA • CAPIT
ERVTA • PLANITIES • PATVIT • SVB • MONTE • RECISO
ESTQVE • REMOTA • GRAVI • MOLE • RVINA • MINAX
PRAESVLE • PELAGIO • MARTYR • LAVRENTIVS • OLIM
TEMPLA • SIBI • STATVIT • TAM • PRETIOSA • DARI
MIRA • FIDES • GLADIOS • HOSTILES • INTER • ET • IRAS
PONTIFICEM • MERITIS • HAEC • CELEBRASSE • SVIS
TV • MODO • SANCTORVM • CVI • CRESCERE • CONSTAT • HONORES
FAC • SVB • PAGE • COLI • TECTA • DICATA • TIBI
Le Seigneur écarta les ténèbres et créa la lumière pour que celle-ci resplendît même en ce lieu qui fut jadis un lieu caché.
L’entrée était trop étroite pour introduire au corps du Saint ; tu y vois maintenant une salle spacieuse et capable de contenir plus de monde.
Une partie de la colline ayant été aplanie, on obtint un espace plus large, et on écarta le danger d’un éboulement des terres.
Pelage étant Pape, le martyr Laurent voulut que ce temple somptueux lui fût érigé.
Vraiment admirable fut la foi du Pontife qui, entouré des glaives et de la fureur de ses ennemis, eut le mérite de terminer les travaux.
Et vous, ô Dieu, à l’honneur de qui profite le culte des saints, faites que désormais nous vénérions en paix le sanctuaire qui vous est consacré.

Sous l’arc de triomphe se déroulent ces vers :

MARTYRIVM • FLAMMIS • OLIM • LEVITA • SVBISTI
IVRE • TVIS • TEMPUS • LVX • BENERANDA • REDIT
Autrefois tu soutins, ô Lévite, le supplice du feu ;
c’est donc à bon droit que la lumière inonde maintenant ton sanctuaire.

Les différentes messes en l’honneur de saint Laurent : Confessio et pulchritudo, etc., font toutes allusion à cette basilique speciosior de Pelage II, tandis que l’autre, maior, de Sixte III fut généralement désignée par la suite comme dédiée à la sainte Vierge. C’est ainsi que Léon IV prescrivit la station à Saint-Laurent pour l’octave de l’Assomption, et que, à l’autre messe stationnale in agro Verano, le troisième dimanche de Carême, l’Évangile contient les louanges de Notre-Dame.

Les deux sanctuaires de Saint-Laurent demeurèrent en cet état jusqu’aux temps d’Honorius III. Sous ce pape, la basilique maior, qui était sans doute en mauvais état, fut démolie avec l’abside et le transept de la basilique pélagienne. Les nefs de la speciosior devinrent alors comme une sorte de chœur derrière l’autel de Saint-Laurent ; en avant de celui-ci, le pape Honorius construisit un nouveau temple avec un portique qui, maintenant, occupent en partie l’emplacement de la basilique constantinienne et en partie celui de la basilique de Sixte III. Au siècle dernier, Pie IX y fit exécuter de grandioses restaurations, et, imitant l’exemple de ses anciens prédécesseurs Zosime, Sixte III et Hilaire, il voulut être enseveli près du saint Archidiacre.

L’histoire du sanctuaire sépulcral de saint Laurent — qui, jusqu’à ces derniers siècles, était au nombre des basiliques patriarcales de la Ville, avec préséance sur Sainte-Marie-Majeure — vaut à elle seule tout un traité sur l’importance et la popularité du culte du martyr à Rome. Nous devons ajouter d’autre part que, tandis qu’à Constantinople Pulchérie érigeait un sanctuaire au Staurophore de l’Église romaine, celle-ci, en distribuant avec une certaine générosité des fragments du gril de fer de saint Laurent, fournissait l’occasion d’élever des églises et des cathédrales en l’honneur du martyr, en Italie, en Afrique, dans les Gaules et en Espagne.

Cependant la Ville éternelle était à la tête de toutes les autres dans la dévotion à saint Laurent. Partout où la tradition avait localisé quelque épisode de son martyre, s’élevait bientôt un temple pour en consacrer le souvenir. Sur le Viminal, sancti Laurentii in Formoso, ubi assatus est [35] ; — comme nous l’apprend au VIIe siècle l’Itinéraire d’Einsiedeln ; — Saint-Laurent in Fonte, où l’Archidiacre aurait baptisé un de ses geôliers ; Saint-Laurent in Miranda, à l’endroit sans doute où il fut jugé ; Saint-Laurent in Damaso, où étaient, dès l’antiquité, les archives de l’Église romaine ; Saint-Laurent in Lucina, où il aurait habité ; Saint-Laurent supra Clementem, près de Sainte-Marie in Domnica, où il aurait exercé son ministère de charité ; Saint-Laurent près du titre de Cyriaque, où il aurait subi son interrogatoire. En outre, au Vatican, au Latran, dans les divers quartiers de la Ville s’élevèrent, durant le haut moyen âge, un grand nombre d’églises dédiées à saint Laurent, une quarantaine au moins, en sorte que les Apôtres Pierre et Paul eux-mêmes n’en ont pas autant.

Le gril de saint Laurent est conservé maintenant encore dans le vieux Titre de Saint-Laurent in Lucinis, où, en 366, Damase fut élu Pontife, et où il apposa une de ces inscriptions qui portent son nom.

Une autre gracieuse épigraphe fut composée par le Pontife des Martyrs pour sa nouvelle basilique de Saint-Laurent in Damaso, près du théâtre de Pompée, là où son père et lui avaient passé, au milieu des archives papales, leur longue et glorieuse carrière ecclésiastique.

NON • MIRVM • EST • FALLAX • NIMIVM • QVOD • FLAMMA • MINATVR
MARTYRIS • ET • CORPVS • NIL • NOCITVRA • CREMAT
NAMQVE • DOCET • FIDEI • MAGNAM • SINE • VINDICE • POENA
AD • CAELVM • MEDIIS • IGNIBVS • ESSE • VIAM
HVNC • ETENIM • FRVITVR • MARTYR • LAVRENTIVS • IGNEM
AT • MERITIS • SVMMIS • NE • MORIATVR • AGIT
Vaine et apparente est la menace du feu, lequel a bien brûlé
le corps, mais n’a pu vraiment nuire au martyr.
La flamme enseigne donc que la foi, même au milieu du bûcher,
sait s’ouvrir une voie large vers le ciel, sans crainte d’aucun châtiment.
Laurent martyr soutint le tourment de ce feu,
mais par ses mérites, il survit à la mort elle-même.

En ce jour, comme nous l’avons déjà dit, on célébrait autrefois deux messes : l’une dans l’hypogée ad corpus, et l’autre dans la basilique supérieure.

C’est ainsi que les Sacramentaires distinguent en ce jour une prima missa, d’une autre missa publica avec lectures et collectes différentes. Notre Missel actuel a conservé seulement la seconde messe.

IN PRIMA MlSSA « DE NOCTE ».

Station dans la basilique constantinienne, ou de Pelage II.

Les collectes sont les suivantes :

Prière. — « Excitez, Seigneur, dans votre Église, l’Esprit auquel fut docile le bienheureux lévite Laurent, afin que nous aussi, remplis du même Esprit, nous nous efforcions d’aimer ce qui fut l’objet de son amour, accomplissant en même temps ce qu’il nous enseigna » [36].

La première lecture, selon le Comes de Würzbourg, était celle de notre Missel actuel pour le Commun In virtute [37], de même en partie l’Évangile : Qui amat patrem aut matrem [38].

Sur les oblations. — « Que la sainte prière de Laurent vous fasse accepter, Seigneur, notre sacrifice ; qu’il vous soit agréable, par l’intercession de celui en l’honneur de qui il vous est, en ce jour, solennellement offert ».

Nous empruntons au Léonien la préface suivante : Vere dignum... in die solemnitatis hodiernae, qua beati Laurentii hostiam tibi placitam casti corporis glorioso certamine suscepisti. Prunis namque superposita stridebant membra viventia ; nec tamen erat poena patientis, sed piae confessionis incensum. Neque terrenno liberari cruciatu Martyr optabat, sed coronari deprecabatur in caelis. Per, etc [39].

Après la Communion. — « Nous vous demandons, ô Dieu tout-puissant, que ceux que vous venez de combler des dons célestes, vous les preniez, par les prières de votre bienheureux martyr Laurent, sous votre continuelle protection ».

IN MISSA PUBLICA.

Station dans la basilique « maior ».

L’introït confessio et pulchritudo est le même que pour la station à Saint-Laurent in Formoso, le premier jeudi de Carême. L’antienne contient une allusion délicate à la beauté de la basilica speciosior, où se trouvait en effet la confession de saint Laurent.

Prière. — « Faites, Seigneur, que s’éteigne en nous l’ardeur des passions. Vous qui avez donné au bienheureux Laurent la force de surmonter le tourment du feu ». Dans un beau discours prononcé à l’occasion de cette fête en présence du peuple romain réuni dans l’Agro Verano, saint Léon observe que le feu extérieur qui brûlait saint Laurent était moins vif que celui de l’amour divin qui le consumait au dedans. Ce dernier l’empêchait d’être attentif à l’autre. C’est ainsi que nous triompherons nous-mêmes de nos passions, si notre cœur brûle de l’amour de Dieu et de la vertu.

La première lecture est tirée de la IIe épître aux Corinthiens (IX, 6-10). L’Apôtre qui avait déjà précédemment ordonné des collectes en faveur des églises de la Judée, éprouvées par la famine, détermine maintenant les conditions dans lesquelles ces collectes se feront. Les offrandes devront être volontaires, car autrement elles ressembleraient à un impôt, et Dieu n’exige pas de tributs pécuniaires. En outre, elles devront être inspirées par un cœur généreux et qui se confie à la divine Providence, parce que l’aumône est comme la semence qu’on dépose dans le champ du royaume céleste. Le Dieu qui, d’un grain de blé pourri en terre, fait surgir la tige et germer les épis, multipliera en ce monde et dans l’autre le fruit de l’aumône qui lui est faite en la personne de ses pauvres.

Cette institution divine de la bienfaisance chrétienne fut, dès le début, organisée dans l’Église et prit un caractère officiel. A ce sublime ministère de charité furent destinés les diacres, entre lesquels se distingua, à Rome, saint Laurent. Le fruit des aumônes du saint Archidiacre est admirablement représenté par la grâce de son glorieux martyre.

Le répons-graduel, tiré du psaume 16, où il est question du feu de la tribulation qui éprouve la vertu, comme l’or dans le creuset, est appliqué aujourd’hui à saint Laurent, qui subit la torture du gril embrasé. Ps. 16. « Vous avez mis mon cœur à l’épreuve, Seigneur ; Vous l’avez visité durant la nuit. Vous m’avez éprouvé dans le creuset, et Vous ne m’avez pas trouvé en faute ».

Le verset alléluiatique fait allusion à la guérison miraculeuse de l’aveugle Crescention, opérée par le saint lévite. « Le lévite Laurent a bien agi, lui qui, par le signe de la Croix, rendit la lumière aux aveugles ».

La lecture évangélique (Ioan. XII, 24-26.) est la même que le Ier février pour St Ignace ; elle traite des qualités requises de celui qui veut servir le Christ. Le mot latin minister a la même signification que le nom grec de diacre, d’où l’allusion au digne diaconat de Laurent.

L’antienne pour l’offertoire, où est fait l’éloge de la beauté du sanctuaire du Seigneur, est identique à celle de l’introït. On voit par là que la basilique speciosior de Pelage II suscitait vraiment l’enthousiasme de la piété romaine et était digne de son saint Archidiacre.

Sur les oblations. — « Recevez, Seigneur, nos pieuses offrandes, et, par les mérites du bienheureux Laurent, faites qu’elles nous méritent votre secours afin que nous obtenions ainsi le salut éternel ».

Aujourd’hui tous les Sacramentaires assignent une préface propre. Nous citons ici l’une des plus belles du recueil Léonien : ... Vere dignum : Quamvis enim Sanctorum tuorum, propagante te, Domine, toti orbi data sit gloria ; de beati tamen solemnitate Laurentii peculiarius prae coeteris Roma laetatur, cuius nascendo civis, sacer Minister, dedicatum Nomini tuo munus est proprium. Qui per tuam gratiam, commissae sibi dispensationis exsecutor egregius, ut ad Martyrium perveniret emeruit pro praemio, et quo coelestis existeret, consecutus est passionem. Per etc [40]. On voit par ce texte que la tradition romaine primitive voulait que saint Laurent fût né à Rome et non en Espagne. Saint Damase, le grand propagateur du culte de saint Laurent, pensait de même.

L’antienne pour la Communion (Ioan. XII, 26) est tirée de la lecture de l’Évangile de ce jour, et contient une délicate allusion au ministère du diacre. Dans le Missel on la trouve aussi le 29 novembre, pour saint Saturnin.

Après la Communion. — « Fortifiés par le don céleste, nous vous demandons humblement, Seigneur, que le Sacrement que nous venons de vous offrir comme l’hommage de notre adoration, soit pour nous un accroissement de votre grâce salutaire ». Le Sacrifice eucharistique de la Messe est la synthèse de toute notre religion. Par lui nous adorons Dieu et nous lui rendons grâces ; par lui nous honorons les saints, nous soulageons les défunts, nous obtenons des grâces pour nous et pour toute l’Église ; nous réparons nos pertes spirituelles quotidiennes, nous nous incorporons au Christ et nous avons part avec Lui à la résurrection glorieuse.

Selon les Ordines Romani, jusque durant le bas moyen âge le Pape se rendait aujourd’hui avec toute sa cour à Saint-Laurent ; il y célébrait les vêpres et y passait la nuit, afin d’assister au vigiles, comme pour la solennité des Princes des Apôtres.

L’Ordo Romanus attribué à Jacques Gaetani au XIVe siècle prescrit que, soit à Rome, soit ailleurs, si le Pape se trouve à proximité d’une église quelconque dédiée à saint Laurent, on supprime le consistoire pour la vigile et pour la fête ; qu’on chante les vesperi papales solemnes... et detur potus —l’habituelle libation de vin, dernier souvenir à Rome des antiques agapes chrétiennes.

Dans le Patriarchium du Latran, un des plus insignes oratoires (l’unique qui subsiste encore de l’ancien palais épiscopal du Pape) était dédié à saint Laurent, et Léon III y déposa un grand nombre de saintes reliques. Le Pape s’y dépouillait des vêtements sacrés après la Messe, et y récitait les prières d’action de grâces. Delà vient qu’aujourd’hui encore, ces prières, dans notre Missel, contiennent une collecte en l’honneur de saint Laurent, titulaire de la chapelle pontificale,

Dom Pius Parsch, Le guide dans l’année liturgique

« Des coups du bourreau, des flammes, des tortures, des chaînes,
Seule la foi de Laurent a triomphé de tout.
Damase suppliant charge cet autel de présents,
Dans l’admiration des mérites de l’illustre martyr » [41].

1. Saint Laurent. — Le jeune diacre héroïque compte parmi les saints les plus populaires de l’Église romaine ; la fête de saint Laurent était autrefois la plus grande fête de l’année après celle de saint Pierre et de saint Paul. « De l’orient à l’occident, écrit le pape saint Léon, lorsque resplendissent les flambeaux des lévites, Rome est aussi illustrée par Laurent que l’a été Jérusalem par Étienne ».

A défaut d’actes authentiques, nous possédons sur le martyre de ce saint un grand nombre de témoignages d’une haute antiquité. Laurent était disciple de Sixte II, qui, gagné par ses éminentes qualités et surtout par son innocence, en fit son premier diacre. Laurent avait ainsi le privilège d’être le premier assistant du pape à l’autel, et était, même, chargé de l’administration des biens de l’Église et du soin des pauvres.

Durant la persécution de l’empereur Valérien (253-260), Sixte II fut mis à mort avec quatre de ses diacres. Or, Laurent désirait ardemment être immolé avec le père de son âme : « Père, lui disait-il, où vas-tu sans ton fils ? Où vas-tu, prêtre, sans ton diacre ? Tu avais coutume de ne jamais offrir le sacrifice sans ton ministre ! En quoi t’ai-je déplu ? M’as-tu jamais trouvé inférieur à ma tâche ? Mets-moi de nouveau à l’épreuve et vois si je suis indigne de mes fonctions à l’église. Jusqu’à ce jour, c’est à moi que tu avais confié le soin de distribuer le sang du Seigneur ». Sixte lui répondit : « Je ne t’abandonne pas, mon fils. Un plus grand combat pour la foi t’est réservé. Je suis un faible vieillard, c’est pourquoi le Seigneur m’épargne ; mats toi, qui es jeune, un plus grand triomphe t’est destiné. Cesse de pleurer ; en trois jours tu me suivras ». L’ayant ainsi consolé, le Pontife ordonna à son diacre de distribuer les biens de l’Église aux pauvres.

Tandis que Laurent s’acquittait de cette tâche chez un certain Narisce, un aveugle appelé Crescence vint le supplier de lui imposer les mains pour le guérir. Laurent fit sur lui le signe de la croix et lui rendit la vue. En prison, il accomplira encore d’autres miracles.

On avait compris, par son entretien avec Sixte II, qu’il était administrateur des biens de l’Église. Il fut arrêté et confié à un gardien du nom d’Hippolyte. Lucilus et plusieurs autres aveugle furent guéris par lui ; Hippolyte se convertit et reçu lui-même le martyre (voir au 13 août). Sollicité par le préfet de Rome de livrer les trésors qui lui étaient confiés, Laurent demanda un délai de deux jours afin de pouvoir lui donner satisfaction. Il employa ce temps rassembler les pauvres et les malades dans la maison d’Hippolyte, puis il les présenta au préfet : « Voilà, dit-il, les trésors de l’Église ! » Le saint fut alors livré à la torture.

Tandis, qu’on le déchirait de coups, qu’on lui brûlait la peau avec des lames de fer rougies au feu : « Seigneur Jésus, suppliait-il, ayez pitié de votre serviteur », et il demandait à Dieu d’éclairer ceux qui l’entouraient. C’est alors qu’un soldat, Romanus, se convertit, en déclarant : « Je vois devant toi un jeune homme d’une éclatante beauté. Hâte-toi de me baptiser ». Ce jeune homme était un ange qui essuyait les blessures du martyr avec un linge. De retour dans la maison d’Hippolyte, Laurent y baptisa Romanus qui fut pour cela exécuté (voir au 9 août).

Vers la fin du jour, il comparut de nouveau devant le juge qui lui annonça que, cette nuit même, on allait achever son supplice : « J’honore mon Dieu et ne sers que lui seul ; c’est pourquoi je ne redoute pas vos tourments. Cette nuit sera pour moi un jour radieux et une clarté sans obscurité ». Telle fut sa réponse. Étendu sur un gril ardent, il raillait ses bourreaux : « Tu peux me tourner maintenant, dit-il au tyran ; mon corps est assez rôti de ce côté ». Il reprit bientôt après : « Me voici enfin suffisamment cuit ; tu peux manger ». On l’entendit encore rendre grâces à Dieu : « Je te remercie, Seigneur, de m’avoir, admis à ta porte ». Et Dieu l’encouragea ainsi dans ses tourments : « Mon serviteur, sois sans crainte : je suis avec toi ».

Saint Laurent acheva son martyre sur le mont Viminal et fut enseveli auprès de la voie de Tibur. — Telle fut la passion du héros chrétien dont le bréviaire romain reprend le récit dans les chants de l’office, antiennes et répons. Sur le tombeau du diacre Laurent s’élève une église dont les origines remontent à l’époque de Constantin. Saint-Laurent-hors-les-murs est une des sept basiliques patriarcales de Rome.

2. L’Office du jour. — Nous pouvons faire de cette journée une journée liturgique en l’honneur de saint Laurent. La prière des Heures est remarquablement expressive et touchante en sa simplicité.

La grande solennité a commencé hier soir, à Vêpres. L’office de matines est vraiment saisissant avec son ordonnance classique : « Le bienheureux Laurent, Martyr du Christ, a été couronné et triomphe dans le ciel : venez, adorons le Seigneur » (Invitatoire).

Entre les psaumes habituels, vont s’intercaler les antiennes historiques avec leurs dialogues si vivants qu’il nous semble les entendre de nos propres oreilles. Viennent les leçons du premier nocturne (reconnaissance du Saint pour ses souffrances) également entrecoupées de répons historiques, et, plus loin, la belle homélie de saint Léon le Grand. Nous réciterons avec une dévotion particulière le psaume XVI qui chante les souffrances de saint Laurent sur son gril : « Vous avez éprouvé mon cœur et vous l’avez visité pendant la nuit ; vous m’avez soumis à l’épreuve du feu, et l’iniquité ne s’est pas trouvée en moi » (voir encore le Graduel).

C’est joyeusement que nous quittons aujourd’hui notre couche ; nous récitons Laudes avec notre saint, et avec quelle ardeur pouvons-nous redire comme lui la prière matinale du psaume LXXII : « Dès l’aurore, j’aspire vers toi. Mon âme a soif de toi, car, pour toi, mon Dieu, ma chair se consume ! »

Passons à la messe. Quel magnifique sacrifice avec ses trois victimes : le Christ, saint Laurent, la communauté des fidèles ! Le grain de froment en est aujourd’hui le symbole (Épître et Évangile). Le grain de froment représente le Christ « mis à mort par la perfidie des Juifs, et multiplié par la foi des peuples ». Le grain de froment, c’est Laurent enseveli dans la mort, et multiplié par son intercession et son exemple. Le grain de froment c’est la sainte Eucharistie aussi : il est enfoui dans le champ de l’âme pour reparaître multiplié dans une vraie vie chrétienne. Relevons encore cette allusion : « Celui qui sème peu moissonnera peu aussi ; et celui qui sème avec abondance moissonnera de même avec abondance ».

Ma journée est commencée ; Laurent, le vaillant héros de la charité du Sauveur, est toujours à mes côtés. Que surviennent une souffrance, une tentation, une épreuve, il est là pour me dire : « Voilà qui n’est pas encore mon gril ! » Tous les jours, après la messe, nous faisons à Dieu cette prière : « Seigneur, daignez éteindre en nous l’ardeur de nos vices, vous qui avez accordé au bienheureux Laurent de surmonter le feu qui le dévorait ». (Il y avait autrefois, dans le palais du Latran, une chapelle dédiée à saint Laurent ; c’était l’endroit où le pape quittait ses vêtements sacrés et faisait son action de grâces. Ce détail explique l’origine de l’oraison récitée après la messe).

[1] Léon le Grand, Sermons, Sermon 72 In natali S. Laurentii martyris, 4, édit. R. Dolle, tome 4, Paris 1973, p. 77.

[2] Le Bienheureux Laurent est un martyr illustre, mais à Rome, non ici ; en effet je constate votre si petit nombre. Saint Augustin, Sermon 203, Sermon 2 In natali martyris Laurentii, 1, P.L. 38, col.

[3] P. Perdrizet, Le Calendrier parisien à la fin du moyen âge, Paris 1933, p. 198.

[4] Cf. Pierre Jounel, Le Culte des Saints dans les Basiliques du Latran et du Vatican au douzième siècle, École Française de Rome, Palais Farnèse, 1977.

[5] Prudent. Peristephanon, Hymn. II.

[6] Ambr. De Offic. I, 41.

[7] De Rossi, Inscript. II, 82.

[8] Cant. VIII, 6.

[9] Prudent, ubi supra.

[10] Aug Sermo 303, al. de Div. 123.

[11] Ibid.

[12] Sermo 302, al. de Div. III.

[13] Maxim. Taurin. Homil. 75.

[14] Homil. 74.

[15] Elenchus Philocal.

[16] Prudent. ubi supra.

[17] Cornelius ad Fabium Antioch.

[18] Verbera, carnifices, flammas, tormenta, catenas
Vincere Laurenti sola fides potuit.
Haec Damasus cumulat supplex altaria donis,
Martyris egregium suspiciens meritum.

[19] Adon. Martyrol.

[20] Prudent, ubi supra.

[21] De nocte, in primo mane : Sacramentar. Greg. apud H. Menard.

[22] Introït, ex Psalm XVI : Antiphonar, apud Tommasi.

[23] Beleth. CXLV ; Sicard. IX, XXXIX ; Durand. VII, XXIII.

[24] Heb. IX.

[25] Luc. XVI, 10.

[26] Aug. Sermo CCCV, al XXVI, in Nat. S. Laurent.

[27] Adon. Martyrolog.

[28] Prudent, ubi supra.

[29] Leon. Sermo in Nat. S. Laurentii.

[30] In IIo Noct. Pseudo-Aug. Sermo 30 de Sanctis.

[31] S. Aug. Tract, in Joh. 51.

[32] A l’autel du bienheureux Martyr Laurent, en descendant dans la crypte, à droite.

[33] DE ROSSI, Bullett., 1876, 22, 23.

[34] Plus belle.

[35] Où il fut brûlé.

[36] Les trois collectes de cette messe sont devenues celles du jour Octave, cf. ici.

[37] Sap. X, 10-14.

[38] Matth. X, 37-42.

[39] Il est vraiment digne… Au jour de cette solennité, où vous avez reçu comme un sacrifice qui vous plaisait le combat glorieux du corps chaste du bienheureux Laurent. Ses membres vivants crépitaient placés sur les braises ; mais l’encens n’était pas la peine de la souffrance, mais celui de la pieuse confession. Et le Martyr ne choisissait pas d’être libéré du supplice terrestre, mais il priait d’être couronné dans les cieux.

[40] Quoique la gloire de vos Saints, Seigneur, par votre action, soit donnée au monde entier, Rome se réjouit tout particulièrement de la solennité du bienheureux Laurent entre tous. D’elle il est né citoyen, il fut un ministre sacré, et son propre don consacré à votre nom. Par votre grâce, il fut le merveilleux dispensateur des biens qui lui étaient confiés, de sorte qu’il méritât la récompense de parvenir au Martyre, et là, il s’éleva aux cieux, ayant subi sa passion.

[41] Inscription du pape Damase sur le tombeau de saint Laurent.