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Commentaires liturgiques du Samedi Saint

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Sommaire

  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Ces commentaires concernent la célébration du Samedi Saint avant la réforme de Pie XII. Seul Dom Pius Parsch, en fin de page, donne un commentaire succinct de la Vigile Pascale reformatée®.

On trouvera les textes liturgiques de la cérémonie ici.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

A l’OFFICE DE LA NUIT.

Les cérémonies particulières que pratique la sainte Église à l’Office des Ténèbres, ayant été expliquées ci-dessus, et ne présentant aucune différence dans ces trois jours, il est inutile d’en transcrire ici de nouveau les détails et les explications. Le lecteur les trouvera, en tête de L’Office de la nuit du Jeudi saint.

AU PREMIER NOCTURNE.

Le premier Psaume (4) est un de ceux que l’Église emploie chaque jour dans l’Office des Complies, parce qu’il exprime la confiance avec laquelle Le chrétien se livre au sommeil. Aujourd’hui il est destiné à rappeler le repos du Christ dans le sépulcre, où il dort assuré de son prochain réveil.

Le deuxième Psaume (14) célèbre le bonheur réservé à l’homme juste, et le repos qui sera sa récompense, après son labeur. L’Église en fait l’application au Christ, le Juste par excellence, qui a passé en faisant le bien.

Le troisième Psaume (15), composé par David, durant son exil, au temps de Saul, est une prophétie de la résurrection du Messie ; et il fut cité, en cette qualité, aux Juifs par saint Pierre, le jour de la Pentecôte. Celui qui parle dans ce divin Cantique dit que sa chair reposera dans l’espérance, et que le Seigneur ne lui laissera point éprouver la corruption du tombeau. Ces circonstances, qui ne se vérifient pas en David, n’ont rapport qu’au Christ.

Les Leçons du premier Nocturne continuent d’être empruntées aux Lamentations de Jérémie.

La première a rapport au Christ. Elle exprime sa fidélité à Dieu et sa touchante résignation. Les soufflets qu’il reçut durant sa Passion, y sont prédits.

La deuxième Leçon reprend le ton de l’élégie sur les malheurs de Jérusalem. La gravité des crimes de cette cité ingrate y est exprimée dans les termes les plus énergiques.

La troisième Leçon est formée d’une partie de la prière que Jérémie adresse à Dieu pour le peuple Juif, après l’avoir vu emmener en captivité. Rien n’égale la désolation du tableau qu’elle retrace des infortunes auxquelles est en proie la nation déicide.

AU DEUXIÈME NOCTURNE.

Le quatrième Psaume (23) annonce déjà l’entrée triomphante que doit faire au ciel le Fils de Dieu, lorsqu’il se sera réveillé du sommeil de la tombe.

Le cinquième Psaume (26) que l’Église a chanté hier pour exprimer le sentiment de confiance qui n’a point abandonné le Messie, durant les épreuves de sa Passion, revient aujourd’hui pour annoncer sa prochaine délivrance. L’Église ne choisit plus pour Antienne le Verset où le Christ se plaint des faux témoins qui ont déposé contre lui ; elle insiste sur celui où il montre l’espérance d’être bientôt arrivé dans la terre des vivants.

Le sixième Psaume (29) annonce que le divin captif de la mort ne tardera pas à sortir des lieux sombres. Le Prophète nous montre le deuil se prolongeant encore jusqu’au soir, et l’allégresse qui doit éclater au matin.

L’Église continue de lire, au deuxième Nocturne, les Enarrations de saint Augustin sur les Psaumes prophétiques de la Passion du Sauveur.

AU TROISIÈME NOCTURNE.

Le septième Psaume (53) que l’Église chantait hier, en songeant aux poursuites des Juifs contre le Messie, revient aujourd’hui pour annoncer que le triomphe du Fils de David ne tardera pas à éclater, parce que Dieu a pris en main sa cause.

Le huitième Psaume (75) a été employé par l’Église le Jeudi saint ; il exprimait la prochaine vengeance de Dieu sur les ennemis de son Fils. Il reparaît aujourd’hui, et nous montre le Messie endormi d’un sommeil de paix en Sion. Tout à l’heure il va sortir du tombeau. A leur réveil, ses adversaires qui croyaient le tenir en leur puissance, vont se trouver les mains vides. La terre tremblera, et le Seigneur se lèvera pour être la terreur de ses adversaires et le salut des humbles, qui reconnaîtront sa fidélité à ses paroles.

Le neuvième Psaume (87), qui hier faisait partie de l’Office de la nuit, est employé de nouveau aujourd’hui. On y entend le Christ demander à son Père qu’il daigne le retirer d’entre les morts. Assez longtemps il a été plongé dans les ténèbres du tombeau ; il est temps qu’il revienne à la vie.

Au troisième Nocturne, la sainte Église continue de lire, dans l’Épître aux Hébreux, la doctrine de saint Paul sur la vertu du sang divin. L’Apôtre explique comment le Testament du Christ en notre laveur n’a pu avoir d’effet que par sa mort.

A LAUDES.

Le premier Psaume des Laudes est le Miserere (50).

Le deuxième Psaume (91), indiqué par son titre au Psautier comme devant être chanté le jour du sabbat, célèbre la magnificence du Seigneur en ses ouvrages, la vanité des desseins des pécheurs, le triomphe assuré du juste par excellence, la bienheureuse espérance de ceux qui le suivent. [1]

Le troisième Psaume (63) est celui-là même dont saint Augustin nous donne au nom de l’Église le commentaire officiel dans les Leçons du deuxième Nocturne, en ces jours du Vendredi et du Samedi saints.

Le cantique d’Ézéchias, que l’Église emploie le Mardi à Laudes, est substitué aujourd’hui à celui du Deutéronome qui est propre au Samedi, mais qui n’aurait aucune relation avec le mystère de ce jour. Ézéchias implorant de Dieu, sur sa couche, le retour à la vie, est le type du Christ dans le tombeau, suppliant son Père de le rendre promptement à la lumière du jour.

Le dernier Psaume (150) des Laudes est aussi le dernier du Psautier, résumant dans la louange le dernier mot de toutes choses.

Après le Verset, on chante le Cantique Benedictus, sous l’Antienne suivante : « Les femmes étaient assises près du tombeau ; elles se lamentaient, elles pleuraient le Seigneur. »

Après la répétition de cette Antienne, le chœur chante, sur un mode mélodieux et touchant, les paroles suivantes que l’Église répète, en ces jours, à la fin de tous ses Offices ; mais aujourd’hui elle ne se borne plus à annoncer la mort du Christ. Elle complète le discours de l’Apôtre, en ajoutant le reste du texte, dans lequel est prédite la gloire de l’Homme-Dieu, vainqueur des ombres du tombeau.

« Le Christ s’est fait obéissant pour nous jusqu’à la mort, et à la mort de la Croix ; C’est pourquoi Dieu l’a exalté, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom. »

On dit ensuite à voix basse Pater noster, suivi du Miserere, qui est récité à deux chœurs. Enfin celui qui préside prononce pour conclusion l’Oraison suivante : « Daignez, Seigneur, jeter un regard sur votre famille ici présente, pour laquelle notre Seigneur Jésus-Christ a bien voulu être livré aux mains des méchants, et souffrir le supplice de la Croix : Lui qui vit et règne avec vous, dans les siècles des siècles. Amen. »

AU MATIN.

La nuit a passé sur le sépulcre où repose le corps de l’Homme-Dieu. Mais si la mort triomphe au fond de cette grotte silencieuse, si elle tient dans ses liens celui qui donne la vie à tous les êtres, son triomphe sera court. Les soldats ont beau veiller à l’entrée du tombeau, ils ne retiendront pas le divin captif, quand il prendra son essor. Les saints Anges adorent, dans un respect profond, le corps inanimé de celui dont le sang va « pacifier le ciel et la terre [2] ». Ce corps séparé de l’âme pour un court intervalle est demeuré uni au Verbe divin ; l’âme qui a cessé un moment de l’animer, n’a point non plus perdu son union avec la personne du Fils de Dieu. La divinité reste unie même au sang épanché sur le Calvaire, et qui doit rentrer dans les veines de l’Homme-Dieu, au moment de sa prochaine résurrection. Nous aussi, approchons de ce tombeau, et vénérons à notre tour la froide dépouille du Fils de Dieu. Nous comprenons maintenant les effets du péché. « C’est par le péché que la mort est entrée dans le monde et qu’elle a passé dans tous les hommes [3]. » Jésus, « qui n’a point connu le péché [4] », a cependant permis à la mort d’étendre jusque sur lui son empire, afin d’en diminuer pour nous les horreurs et de nous rendre, en ressuscitant, cette immortalité que le péché nous avait ravie. Adorons dans toute notre reconnaissance ce dernier anéantissement du Fils de Dieu. Il avait daigné, dans son incarnation, prendre « la forme d’esclave [5] » ; en ce moment, il est descendu plus bas encore. Le voilà sans vie et glacé dans un tombeau ! Si ce spectacle nous révèle l’affreux pouvoir de la mort, il nous montre bien plus encore l’immense et incompréhensible amour de Dieu pour l’homme. Cet amour n’a reculé devant aucun excès ; et nous pouvons dire que si le Fils de Dieu s’est abaissé outre mesure, nous avons été d’autant plus glorifiés par ses abaissements. Qu’elle nous soit donc chère cette tombe sacrée qui doit nous enfanter à la vie ; et après avoir rendu grâces au Fils de Dieu de ce qu’il a daigné mourir pour nous sur la Croix, remercions-le aussi d’avoir accepté pour nous l’humiliation du sépulcre.

Descendons maintenant dans Jérusalem, et visitons humblement la Mère des douleurs. La nuit aussi a passé sur son cœur affligé ; et les scènes lamentables de la journée n’ont cessé d’assiéger sa mémoire. Le fils de sa tendresse a été foulé sous les pieds des hommes, elle a vu couler son sang par torrents ; et maintenant il est dans le tombeau, comme le dernier des mortels ! Que de larmes a versées déjà la fille de David durant ces longues heures ; et son fils ne lui est pas rendu encore ! Près d’elle, Madeleine, toute brisée des secousses qu’elle a ressenties dans les rues de Jérusalem et sur le Calvaire, éclate en sanglots, muette de douleur. Elle aspire au lever du jour suivant pour retourner au tombeau, et revoir les restes de son cher maître. Les autres femmes, moins aimées que Madeleine, mais cependant chères à Jésus, elles qui ont bravé les Juifs et les soldats pour l’assister jusqu’à la fin, entourent avec discrétion l’inconsolable mère, et songent aussi à soulager leur propre douleur, en allant avec Madeleine lorsque le Sabbat sera écoulé, de poser dans le sépulcre le tribut de leur amour et de leurs parfums.

Jean, le fils d’adoption, le bien-aimé de Jésus, pleure sur le Fils et sur la mère. D’autres apôtres, des disciples, Joseph d’Arimathie, Nicodème, visitent tour à tour cette maison de deuil. Pierre, dans l’humilité de son repentir, n’a pas craint de reparaître aux regards de la Mère de miséricorde. On s’entretient à voix basse du supplice de Jésus, de l’ingratitude de Jérusalem. La sainte Église, dans l’Office de cette nuit, nous suggère quelques traits des entretiens de ces hommes qu’une si terrible catastrophe a ébranlés jusqu’au fond de l’âme. « C’est donc ainsi, disent-ils, que meurt le juste, et personne ne s’en émeut ! Il a disparu devant l’iniquité ; semblable à l’agneau, il n’a pas ouvert la bouche ; il a été enlevé au milieu des angoisses ; mais son souvenir est un souvenir de paix [6]. »

Ainsi parlent ces hommes fidèles, pendant que les femmes, en proie à leur douleur, songent aux soins des funérailles. La sainteté, la bonté, la puissance, les douleurs et la mort de Jésus, tout est présent à leur pensée ; mais sa résurrection qu’il a annoncée et qui ne doit pas tarder, ne leur revient pas en souvenir. Marie seule vit dans cette attente certaine. L’Esprit-Saint dit de la femme forte : « Durant la nuit, sa lampe ne s’éteint jamais [7] » ; cette parole s’accomplit aujourd’hui en la Mère de Jésus. Son cœur ne succombe pas, parce qu’elle sait que bientôt la tombe doit rendre son fils à la vie. La foi de la résurrection du Sauveur, cette foi sans laquelle, comme dit l’Apôtre, notre religion serait vaine [8], est, pour ainsi dire, concentrée dans l’âme de Marie. La Mère de la Sagesse conserve ce dépôt précieux ; et de même qu’elle a tenu dans ses chastes flancs celui que le ciel et la terre ne peuvent contenir, ainsi aujourd’hui, par sa croyance ferme et constante aux paroles de son fils, elle résume en elle-même toute l’Église. Sublime journée du Samedi qui, au milieu de toutes ses tristesses, vient encore ajouter aux grandeurs de Marie ! La sainte Église en garde à jamais le souvenir ; et c’est pour cela que, désirant consacrer à sa grande Reine un jour spécial chaque semaine, elle lui a dédie pour toujours le Samedi.

Mais l’heure est venue de se rendre à la maison de Dieu. Les cloches ne retentiront pas encore ; mais les mystères de la sainte Liturgie qui doivent remplir cette matinée n’en appellent pas moins les fidèles aux plus touchantes émotions. Conservons le souvenir de celles que nous venons de ressentir au sépulcre et aux pieds de la Mère des douleurs, et disposons nos âmes aux saintes jouissances que la foi nous prépare.

L’OFFICE DU MATIN. [9]

De toute antiquité, la journée d’aujourd’hui, comme celle d’hier, s’est passée sans l’offrande du divin Sacrifice. Hier, l’Église ne la célébrait pas, parce que l’anniversaire de la mort du Christ lui semblait remplir de ses souvenirs le jour tout entier, et qu’une sainte terreur lui interdisait d’appeler sur ses autels la victime du Calvaire. La même raison la porte à se priver aujourd’hui encore de la célébration du Sacrifice. La sépulture du Christ est la suite de sa Passion ; et pendant que son corps repose inanimé dans le tombeau, il ne convient pas de renouveler le divin mystère dans lequel il est offert glorieux et ressuscité. L’Église grecque elle-même qui, dans le cours du Carême, affecte de ne pas jeûner le Samedi, imite l’Église latine, en étendant à cette journée ses plus austères pratiques ; elle s’abstient même de célébrer aujourd’hui la Messe des Présanctifiés.

Depuis environ huit siècles, une modification importante s’est introduite, en ce jour, dans les Églises de l’Occident, relativement à la célébration de la Messe. On n’a pas dérogé à la coutume antique qui omet au Samedi saint l’offrande du Sacrifice ; mais on a cru devoir anticiper à cette journée la Messe qui se célébrait durant la nuit prochaine, vers l’heure de la résurrection du Sauveur. L’adoucissement du jeûne a amené insensiblement ce changement dans la Liturgie. Dans les premiers siècles, les fidèles veillaient toute la nuit à l’Église, en attendant le moment où le Christ triomphant de la mort s’échappa du sépulcre. Ils prenaient part en même temps, comme témoins, à l’administration solennelle du Baptême conféré aux catéchumènes ; fonction sublime dans laquelle se manifestait le passage de la mort spirituelle à la vie de la grâce. De toutes les Veilles saintes de l’année, aucune n’était fréquentée avec autant d’affluence et d’enthousiasme ; mais on comprend aisément qu’elle dut perdre une grande partie de son intérêt, lorsque le christianisme ayant triomphé partout où il avait été prêché, il n’y eut plus d’adultes à baptiser. Les Orientaux ont continué cependant jusqu’à nos jours à suivre l’antique tradition ; mais dans l’Occident, à partir du XIe siècle, on a peu à peu anticipé l’heure de la Messe nocturne de la Résurrection, jusqu’à ce qu’enfin on l’ait définitivement avancée jusqu’au matin même du Samedi saint. Durand de Mende, qui écrivait son Rational des divins Offices vers la fin du XIIIe siècle, atteste que, de son temps, quelques Églises à peine étaient restées fidèles à la coutume primitive ; et elles ne tardèrent pas à se réunir à la pratique générale de l’Église latine.

Il résulte de cette modification une sorte de contradiction entre le mystère de cette journée et le service divin que l’on y célèbre. Le Christ est encore dans le tombeau, et l’on célèbre sa résurrection ; les heures qui précèdent la Messe sont encore données à la tristesse, et dès le milieu du jour l’allégresse pascale a déjà rempli les cœurs des fidèles. Nous nous conformerons à ces formes actuelles de la sainte Liturgie, entrant ainsi dans l’esprit de l’Église, qui a jugé à propos de donner à ses enfants, dès aujourd’hui, un avant-goût des joies chrétiennes qui devront éclater demain. Nous allons d’abord tracer le plan de l’auguste fonction qui va s’accomplir ; nous en exposerons ensuite toutes les parties.

L’administration du Baptême aux catéchumènes est le grand objet de cette vaste cérémonie ; elle est le point central auquel tout aboutit. Les fidèles doivent donc l’avoir sans cesse présente à la pensée, s’ils veulent suivre avec intelligence et utilité ce drame aussi sacré qu’imposant. Il y a d’abord la bénédiction du feu nouveau et de l’encens ; vient ensuite l’inauguration du Cierge Pascal. Elle est suivie des lectures prophétiques, qui font corps avec ce qui précède et ce qui suit. Quand elles sont achevées, a lieu le départ pour le Baptistère, où se fait la bénédiction de l’eau. La matière du baptême étant préparée, les catéchumènes reçoivent le sacrement de la régénération. La Confirmation leur est ensuite administrée par l’Évêque. Aussitôt après, commence le divin Sacrifice en l’honneur de la Résurrection du Christ, et les néophytes y participent aux saints Mystères. Enfin, l’Office joyeux des Vêpres vient promptement terminer la plus longue et la plus laborieuse fonction que l’Église latine ait à accomplir dans tout le cours de son Cycle liturgique. Pour donner au lecteur la clef de ce magnifique ensemble, nous remonterons avec lui mille ans en arrière ; et nous supposerons qu’il prend part à la Veille solennelle du Samedi saint, dans quelqu’une des antiques églises de l’Italie ou des Gaules.

A Rome, la Station est à Saint-Jean-de-Latran, l’Église mère et maîtresse ; et le sacrement de la régénération est administré dans le Baptistère de Constantin. Les grands souvenirs du IVe siècle planent encore aujourd’hui sur ces antiques sanctuaires ; chaque année y voit célébrer le baptême de quelque adulte ; et une nombreuse ordination ajoute encore par ses pompes aux splendeurs de la plus grande journée liturgique que Rome ait à célébrer dans l’année.

LA BÉNÉDICTION DU FEU NOUVEAU ET DE L’ENCENS.

Mercredi dernier, les catéchumènes furent convoqués pour aujourd’hui à l’heure de tierce (neuf heures du matin). C’est le dernier Scrutin.

Les prêtres y président ; on demande le Symbole à ceux qui ne l’ont pas rendu encore.

L’Oraison Dominicale et les attributs bibliques des quatre Évangélistes ayant été répétés aussi, l’un des prêtres congédie les aspirants au baptême, après leur avoir recommandé de se maintenir dans le recueillement et la prière.

A l’heure de None (trois heures de l’après-midi), l’Évêque se rend avec tout le clergé à l’Église, et c’est à ce moment que commence la Veille du Samedi saint. Le premier rite à accomplir est la bénédiction du feu nouveau, dont la lumière doit éclairer la fonction durant toute la nuit qui va suivre. Dans les premiers siècles, c’était l’usage, chaque jour, de tirer le feu d’un caillou avant les Vêpres, pour en allumer les lampes et les cierges, durant cet office ; et cette lumière brûlait dans l’église jusqu’aux Vêpres du jour suivant. L’Église de Rome pratiquait cet usage avec une plus grande solennité le Jeudi saint, au matin ; et ce jour-là le feu nouveau recevait une bénédiction spéciale. D’après un renseignement donné par le Pape saint Zacharie dans une lettre à saint Boniface, Archevêque de Mayence au VIIIe siècle, on allumait trois lampes avec ce feu, et on les tenait dans un lieu secret, où elles étaient entretenues avec soin. C’était à ces lampes que l’on empruntait la lumière pour la nuit du Samedi saint. Dès le siècle suivant, sous le Pape saint Léon IV, qui était sur le Saint-Siège en 847, l’Église de Rome avait fini par étendre même au Samedi saint l’usage des autres jours de l’année, qui consistait à tirer d’un caillou le feu nouveau.

Le sens de cet usage symbolique, qui ne se pratique plus qu’en ce jour dans l’Église latine, est aussi profond qu’il est facile à saisir. Le Christ a dit : « Je suis la Lumière du monde [10] » ; la lumière matérielle est donc la figure du Fils de Dieu. La Pierre est aussi l’un des types sous lesquels le Sauveur du monde apparaît dans les Écritures. « Le Christ est la Pierre angulaire », nous disent d’un commun accord saint Pierre [11] et saint Paul [12] qui ne font que lui appliquer les paroles de la prophétie d’Isaïe [13]. Mais en ce moment l’étincelle vive qui s’échappe de la pierre présente un symbole plus complet encore. C’est Jésus-Christ s’élançant hors du sépulcre taillé dans la roche, à travers la pierre qui en ferme l’entrée.

Il est donc juste que ce feu mystérieux, appelé à fournir la lumière au Cierge pascal, et plus tard à l’autel lui-même, reçoive une bénédiction particulière, et qu’il soit accueilli avec triomphe par le peuple chrétien. Dans l’église, toutes les lampes ont été éteintes ; autrefois même, les fidèles éteignaient le feu dans leurs maisons, avant de se rendre à l’église ; et il ne se rallumait dans toute la cité que par la communication de ce feu qui avait reçu la bénédiction, et qui était confié ensuite aux fidèles comme un gage de la divine Résurrection. N’oublions pas de remarquer ici un nouveau symbole non moins expressif que les autres. L’extinction de toute lumière en ce moment figure l’abrogation de la loi ancienne, qui a pris fin au moment où le voile du Temple s’est déchiré ; et l’arrivée du feu nouveau représente la publication miséricordieuse de la loi nouvelle que Jésus-Christ, Lumière du monde, vient apporter, en dissipant toutes les ombres de la première alliance.

L’importance du mystère du feu nouveau est telle que Dieu a daigné, durant plusieurs siècles, opérer chaque année, en ce jour, un prodige dans l’Église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, pour produire la présence de ce feu sous les yeux du peuple fidèle rassemblé. Le clergé et le peuple se tenaient en silence devant le saint tombeau, attendant la manifestation de la faveur céleste. Tout à coup, l’une des lampes éteintes qui étaient suspendues au-dessus de ce monument sacré de la victoire du Christ, s’allumait d’elle-même. Sa lumière, après avoir servi à allumer les autres lampes et les flambeaux de l’église, était communiquée aux fidèles, qui s’en servaient avec foi pour renouveler le feu dans leurs habitations. Ce prodige annuel paraît avoir commencé à se manifester à Jérusalem, après la conquête de cette ville par les Sarrasins ; afin qu’il servit aux yeux de ces infidèles comme d’un signe de la divinité de la religion chrétienne. Il est attesté unanimement par les historiens contemporains, qui nous ont laissé le récit des événements du royaume latin de Jérusalem ; et lorsque le Pape Urbain II vint en France pour y prêcher la première croisade, entre autres motifs qui devaient rendre cher aux chrétiens de l’Occident l’honneur du sépulcre du Christ, il ne manqua pas d’insister sur ce prodige de chaque année comme attesté par tous les pèlerins de la ville sainte. Lorsque le Seigneur, dans les desseins de son impénétrable justice, eut abandonné de nouveau au pouvoir des infidèles la ville où se sont accomplis les mystères de notre salut, le prodige cessa, et ne s’est plus renouvelé depuis. On connaît les scènes grossières et sacrilèges qui souillent, tous les ans, L’Église du Saint-Sépulcre, lorsque, sous les yeux d’un peuple ignorant et enthousiaste, le clergé grec cherche en ce jour à reproduire, par une supercherie odieuse, le miracle qui a cessé depuis tant de siècles.

Outre le feu nouveau, la sainte Église bénit aussi de l’encens aujourd’hui. Cet encens représente les parfums que Madeleine et les autres saintes femmes ont préparés pour embaumer le corps du Rédempteur. Il est en cinq larmes ou grains ; et nous verrons tout à l’heure l’emploi auquel il est destiné. L’Oraison que l’Évêque prononce sur cet encens nous apprend déjà les rapports qu’il doit avoir avec la lumière ; en même temps qu’elle nous instruit sur la puissance de ces divers éléments sacrés contre les embûches des esprits de ténèbres.

L’Évêque et son cortège sortent de l’Église pour se rendre au lieu où est la crédence, sur laquelle sont déposés le feu nouveau et l’encens. Ce feu représente le Christ, ainsi que nous venons de le dire ; or, le tombeau du Christ, le lieu d’où il doit ressusciter, est situé hors des portes de Jérusalem. Les saintes femmes et les Apôtres devront sortir de la ville pour se rendre au sépulcre et constater la résurrection.

Le Pontife, étant arrivé en présence des symboles, bénit d’abord le feu. L’Évêque bénit ensuite l’encens.

Après ces Oraisons, un Acolyte met dans l’encensoir quelques charbons du feu bénit. L’Évêque avant jeté de l’encens sur ces charbons, fait fumer l’encensoir sur le feu et sur l’encens mystérieux, après les avoir d’abord aspergés de l’eau sainte. Un autre Acolyte allume un cierge aux charbons du feu nouveau ; c’est ce cierge qui doit introduire dans l’Église la lumière nouvelle. En même temps, le Diacre revêt une dalmatique de couleur blanche qui vient contraster avec le pluvial violet de l’Évêque. Cette parure de joie s’expliquera bientôt par la fonction toute d’allégresse dont le Diacre est charge. En attendant, il prend dans sa main droite un roseau, au haut duquel est fixé un cierge en trois branches. Ce roseau est un souvenir de la Passion du Sauveur et de la faiblesse de la nature humaine qu’il a daigné s’unir par l’incarnation ; il est surmonté d’un triple cierge qui est appelé à signifier la glorieuse Trinité à laquelle participe le Verbe incarne.

Le cortège sacré rentre dans l’église. Après avoir fait quelques pas, le Diacre incline le roseau, et l’Acolyte qui porte la lumière nouvelle allume une des trois branches du cierge. Le Diacre alors se met à genoux, et tous imitent son exemple. Élevant dans les airs la lumière qu’il vient de recevoir, il chante d’un ton de voix ordinaire : « La lumière du Christ ! » Toutes les voix répondent : « Rendons grâces à Dieu ! ».

Cette première ostension de la lumière proclame la divinité du Père qui nous a été manifestée par Jésus- Christ. « Nul ne connaît le Père, nous dit-il, sinon le Fils, et celui à qui il aura plu au Fils de le révéler [14]. » On se relève, et on continue d’avancer dans l’église. A l’endroit marqué, le Diacre incline une seconde fois le roseau, et l’Acolyte allume la seconde branche du cierge. Le Diacre observe les mêmes cérémonies que la première fois, en chantant d’un ton de voix plus élevé.

Cette seconde ostension de la lumière annonce la divinité du Fils, qui s’est montré lui-même aux hommes dans l’Incarnation, et leur a révélé son égalité de nature avec le Père. On se relève encore, et l’on arrive en face de l’autel. Le Diacre incline encore le roseau, et l’Acolyte allume la troisième branche du cierge. Alors le Diacre chante une dernière fois, mais sur un ton de voix toujours plus éclatant.

Cette troisième ostension proclame la divinité du Saint-Esprit qui nous a été révélée par Jésus-Christ, lorsqu’il a donne à ses Apôtres le précepte solennel que l’Église se dispose à accomplir en cette nuit même : « Enseignez toutes les nations et baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit [15]. » C’est donc par le Fils, qui est « la Lumière du monde », que les hommes ont connu la glorieuse Trinité dont le Pontife va demander la confession aux catéchumènes, avant de les plonger dans la fontaine sacrée, et dont le cierge à trois branches doit rappeler le mystère durant toute cette sainte fonction.

Tel est le premier emploi du feu nouveau : annoncer les splendeurs de la Trinité divine.

Maintenant il va servir à la gloire du Verbe incarné, en donnant son complément au magnifique symbole qui doit désormais attirer nos regards. L’Évêque est monté à son trône ; le Diacre, ayant déposé le roseau, vient s’agenouiller à ses pieds, demandant la bénédiction pour le solennel ministère qu’il va remplir. Le Pontife lui adresse ces paroles : « Que Le Seigneur soit dans votre cœur et sur vos lèvres ; afin que vous accomplissiez comme il convient la proclamation de la Pâque ». Le Diacre se relève et se dirige vers l’ambon. Les clercs qui portent le roseau surmonté du cierge à trois branches et les cinq larmes d’encens, l’accompagnent. Sur l’ambon s’élève une colonne de marbre, et cette colonne est surmontée d’une colonne de cire : c’est le Cierge pascal.

LE CIERGE PASCAL.

Le soleil descend à l’horizon, et bientôt il aura cédé la place aux ombres de la nuit. La sainte Église a préparé, pour luire avec éclat durant la longue Veille qui déjà commence, un flambeau supérieur en poids et en grosseur à tous ceux que l’on allume dans les autres solennités. Ce flambeau est unique ; il a la forme d’une colonne ; et il est appelé à représenter le Christ. Avant qu’il ait été allumé, son type est dans la colonne de nuée qui couvrit le départ des Hébreux, au sortir de L’Égypte ; sous cette première forme, il figure le Christ dans le tombeau, inanimé, sans vie. Lorsqu’il aura reçu la flamme, nous verrons en lui la colonne de feu qui éclaire les pas du peuple saint ; et aussi la figure du Christ tout radieux des splendeurs de sa résurrection. La majesté de ce symbole est si grande, que la sainte Église emploie toutes les magnificences de son langage inspire, pour exciter à son endroit l’enthousiasme des fidèles. Dès le commencement du Ve siècle, on voit le Pape saint Zozime étendre à toutes les églises de la ville de Rome le privilège de bénir aujourd’hui ce Cierge, bien que le baptême ne fût conféré qu’au seul Baptistère du Latran. Le but de cette concession était de mettre tous les fidèles à portée de jouir des saintes impressions que ce grand rite est appelé à produire. C’est dans la même intention que la cérémonie du Cierge pascal peut s’accomplir aujourd’hui dans toutes les églises, même dans celles qui ne possèdent pas de fonts baptismaux. L’annonce de la Pâque retentit au milieu des éloges que le Diacre prodigue à ce Cierge glorieux ; et c’est en célébrant le divin flambeau dont celui-ci est l’emblème, qu’il remplit sa noble fonction de héraut de la Résurrection de l’Homme-Dieu. Seul vêtu de blanc, à cette heure où le Pontife lui-même porte encore les couleurs du deuil quadragésimal, il fait éclater sa voix dans la bénédiction du Cierge, avec une liberté qui d’ordinaire n’est pas accordée au Diacre en présence du Prêtre, et moins encore de l’Évêque. Les interprètes de la sainte Liturgie nous enseignent que le Diacre représente en ce moment Madeleine et les autres saintes femmes qui eurent l’honneur d’être initiées les premières par le Christ lui-même au mystère de sa résurrection, et lurent chargées par lui, malgré l’infériorité de leur sexe, d’annoncer aux Apôtres qu’il était sorti du tombeau, et qu’il les précéderait en Galilée.

Mais il est temps d’examiner les accents torts et mélodieux de ce chant sacré qui vient faire battre nos cœurs, et nous donner un avant-goût des allégresses que nous réserve cette nuit merveilleuse. Le Diacre débute par un exorde lyrique.

Puis le Diacre s’interrompt, et prenant successivement les cinq grains d’encens, il les enfonce dans le Cierge, et les y dispose de manière à figurer une croix. Le nombre de ces grains d’encens ainsi insérés dans la masse du Cierge, représente les cinq plaies du Christ sur la croix ; en même temps que leur emploi signifie celui des parfums que Madeleine et ses compagnes avaient préparés, pendant que le Christ reposait dans le tombeau. Jusqu’ici, comme nous l’avons dit plus haut, le Cierge pascal est le symbole de l’Homme-Dieu que sa résurrection n’a pas encore glorifié.

Après avoir repris le chant, le Diacre s’interrompt de nouveau, et prenant des mains de l’Acolyte le roseau qui porte la triple lumière, il allume le Cierge pascal à une des branches. Cette action symbolique signifie l’instant de la résurrection du Christ, lorsque la vertu divine vint tout à coup ranimer son corps, en lui réunissant l’âme sainte que la mort en avait séparée. Désormais le flambeau sacré, image du Christ-Lumière, est inauguré ; et la sainte Église se réjouit dans la pensée de revoir bientôt son céleste Époux, triomphant de la mort.

A ce moment, on allume avec le feu nouveau les lampes qui sont suspendues dans l’église. Cette illumination n’a lieu que quelque temps après celle du Cierge pascal, parce que la connaissance de la résurrection du Sauveur ne s’est répandue que successivement, jusqu’à ce qu’enfin elle ait éclairé tous les fidèles. Cette succession nous avertit aussi que notre résurrection sera la suite et l’imitation de celle de Jésus-Christ, qui nous ouvre la voie par laquelle nous devons rentrer en possession de l’immortalité, après avoir comme lui traversé le tombeau.

Le Diacre ayant terminé cette prière, se dépouille de la dalmatique blanche, et après avoir revêtu la couleur violette, revient auprès du Pontife. Alors commencent les lectures puisées dans les livres de l’Ancien Testament, et qui doivent occuper l’attention des fidèles durant une partie de cette nuit.

LES LECTURES.

Le flambeau de la résurrection répand maintenant sa lumière du haut de l’ambon par toute l’église, et son éclat réjouit saintement le cœur des fidèles. Après cet imposant prélude d’une scène qui s’annonce avec tant de grandeur, tout l’intérêt se réunit désormais sur les heureux catéchumènes dont nous suivons, depuis quarante jours, l’instruction et le progrès dans la foi et les bonnes œuvres. Ils sont en ce moment rassemblés sous le portique extérieur de l’Église.

Des prêtres accomplissent sur eux les rites préparatoires au baptême qui ont été institués par les Apôtres, et sont remplis d’un sens si profond. D’abord les prêtres tracent sur le front de chacun d’eux le signe de la croix ; puis, imposant la main sur sa tête, ils adjurent Satan de sortir de cette âme et de ce corps, et de céder la place au Christ. A l’exemple du Sauveur, ils touchent de leur salive les oreilles et les narines du néophyte, en disant aux oreilles : « Ouvrez-vous ; » aux narines : « Respirez la douceur des parfums. » Le néophyte reçoit ensuite l’onction de l’Huile des Catéchumènes sur la poitrine et entre les épaules ; mais avant cette cérémonie, qui doit le désigner déjà comme l’athlète de Dieu, le prêtre l’a fait renoncer à Satan, à ses pompes et à ses œuvres.

Ces rites s’accomplissent d’abord sur les hommes, ensuite sur les femmes. Les enfants des fidèles, quoique en bas âge, sont admis à leur rang, selon leur sexe ; et si, parmi les catéchumènes, il en est qui soient atteints de maladie, et cependant aient voulu se faire porter à l’église pour recevoir, en cette nuit, la grâce de la régénération, les prêtres prononcent sur eux une touchante Oraison, dans laquelle on demande à Dieu qu’il daigne les secourir et confondre la malice de Satan.

Cet ensemble de rites, qui se nomme la Catéchisation, exige un long temps, à raison du grand nombre des aspirants au baptême. C’est pour cette raison que l’Évêque s’est rendu à l’église dès l’heure de None et que l’on a commencé si tôt la grande Veille. Afin de tenir attentive toute l’assemblée, durant les heures nécessaires à l’accomplissement de tous les rites, on lit du haut de l’ambon les passages des Écritures les plus analogues à cette solennelle circonstance. Cet ensemble de lectures complète le cours d’instruction dont nous avons suivi le développement, durant tout le Carême.

Les Leçons qui doivent être lues s’élèvent jusqu’au nombre de douze ; et dans l’Église de Rome, où on les lit successivement en latin et en grec, leur nombre équivaut à vingt-quatre. Afin de ranimer l’attention et de résumer la doctrine et les sentiments des Prophètes, une Oraison vient après chaque Leçon servir d’expression aux vœux de la sainte Église. De temps en temps, des Cantiques empruntés à l’Ancien Testament et amenés par les lectures elles-mêmes, réunissent toutes les voix sur le mode touchant et mélodieux des Traits. Les aspirants au baptême sur lesquels les rites de la Catéchisation sont accomplis, ont la liberté d’entrer dans l’église, et d’y occuper leur place ordinaire. Ils achèvent de se préparer au bain sacré, en écoutant les Lectures, et en s’unissant aux Prières. Toutefois l’ensemble de la fonction présente encore un aspect de gravité austère : on sent que l’heure désirée n’a pas sonné encore. De fréquentes génuflexions, la couleur sombre des parements sacrés continuent de faire contraste avec la splendeur du Cierge mystérieux, qui répand silencieusement sa lumière sur l’assemblée sainte, encore émue des accents de triomphe que le Diacre a fait retentir, et avide de voir arriver l’heure où le Christ va ressusciter dans ses néophytes. PREMIÈRE PROPHÉTIE. Genèse. Chap. I.

Cette première lecture retrace le récit de la création, l’Esprit de Dieu porté sur les eaux, la lumière séparée des ténèbres, l’homme crée à l’image de Dieu. L’œuvre de Dieu avait été troublée et déformée par la malice de Satan. Le moment est venu où elle va revivre dans toute sa beauté. L’Esprit-Saint se prépare à opérer la régénération par les eaux, le Christ-Lumière va sortir des ombres du tombeau, et la ressemblance de Dieu reparaître en l’homme purifié par le sang de son Rédempteur, nouvel Adam descendu du ciel, pour rétablir dans ses droits l’ancien qui avait été formé de la terre.

Après la lecture, l’Évêque dit : « Prions ». Le Diacre s’adressant à l’assemblée : « Fléchissons les genoux. » Puis le Sous-Diacre : « Levez-vous. »

L’Évêque dit alors cette Oraison : « O Dieu, qui avez créé l’homme d’une manière admirable, et l’avez racheté d’une façon plus admirable encore ; donnez-nous, s’il vous plaît, de résister par la vigilance de l’esprit aux attraits du péché, afin que nous méritions d’arriver aux joies éternelles. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. »

DEUXIÈME PROPHÉTIE. Genèse. Chap. V.

Le récit du déluge fait l’objet de la deuxième lecture. Nous y voyons Dieu faisant servir à sa justice les eaux qui, par Jésus-Christ, vont devenir l’instrument de sa miséricorde ; l’arche, figure de l’Église, asile de salut pour ceux qui ne veulent pas périr sous les flots vengeurs ; le genre humain se régénérant par une seule famille qui représentait les disciples du Christ, d’abord faibles en nombre, et bientôt répandus par toute la terre.

« O Dieu, puissance invariable et lumière éternelle, jetez un regard favorable sur les merveilles de votre Église, et daignez opérer le salut du genre humain par l’effet de votre éternelle résolution ; en sorte que le monde entier éprouve et voie que ce qui était abattu est relevé, que ce qui était envieilli est renouvelé, et que tout est rétabli dans son intégrité première par celui qui est le commencement de tout : notre Seigneur Jésus-Christ votre Fils. Amen. »

TROISIÈME PROPHÉTIE. Genèse. Chap. XXII.

La foi ferme et courageuse d’Abraham, Père des croyants, est offerte ici pour modèle à nos catéchumènes. Ils y reçoivent une leçon sur la dépendance dans laquelle l’homme doit vivre à l’égard de Dieu, et sur la fidélité qu’il doit lui garder. L’obéissance d’Isaac retrace celle dont le Fils de Dieu vient de nous donner le gage dans le sacrifice du Calvaire. Le bois porté sur les épaules du fils d’Abraham jusque sur la montagne, rappelle le souvenir de la croix.

« O Dieu, souverain Père des fidèles, qui, répandant par toute fa terre la grâce de l’adoption, y multipliez les enfants de la promesse ; et qui, par le sacrement conféré dans la Pâque, rendez père des nations, selon votre serment, Abraham votre serviteur : accordez à vos peuples d’entrer dignement dans la grâce de votre appel. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. »

QUATRIÈME PROPHÉTIE. Exode. Chap. XIV.

C’est ici le grand symbole du Baptême. Le peuple de Dieu, échappé au dur esclavage de Pharaon, trouve son salut dans les eaux, tandis que l’Égyptien y est englouti. Les catéchumènes, après avoir traverse la fontaine baptismale, vont en sortir affranchis de la servitude de Satan, laissant leurs péchés submergés pour jamais dans les eaux qui sont devenues leur salut.

Après cette lecture, la sainte Église entonne le Cantique de Moïse, qui fut chanté sur les bords de la mer Rouge, par sa sœur Marie, assistée du chœur des jeunes filles d’Israël, à la vue des cadavres flottants des Égyptiens.

« O Dieu, qui nous faites revoir de nos jours vos antiques merveilles, en opérant pour le salut de toutes les nations, par l’eau de la régénération, ce que vous opérâtes autrefois par la puissance de votre bras, en délivrant un seul peuple de la persécution des Égyptiens ; faites que le monde tout entier parvienne à la dignité des enfants d’Abraham et aux honneurs du peuple d’Israël. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. »

CINQUIÈME PROPHÉTIE. Isaïe. Chap. LIV.

Le plus sublime des Prophètes, Isaïe, invite nos catéchumènes à s’approcher des eaux, pour y étancher leur soif ; il les engage à venir apaiser leur faim par le mets le plus délicieux ; il vante l’héritage que le Seigneur leur a préparé, et rassure leur pauvreté, en promettant que le Dieu souverainement riche les comblera gratuitement de tous ses biens.

« Dieu tout-puissant et éternel, multipliez, pour la gloire de votre nom, cette postérité que vous avez promise à la loi de nos pères ; et par une adoption sainte, augmentez le nombre des enfants de la promesse ; afin que votre Église connaisse que vous avez déjà accompli au milieu d’elle, en grande partie, ce que les premiers saints ont connu devoir arriver. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. »

SIXIÈME PROPHÉTIE. Baruch. Chap. III.

Dans ce beau passage du prophète Baruch, Dieu rappelle à nos élus du saint Baptême leurs égarements passés qui les rendaient indignes du pardon ; mais, dans sa miséricorde toute gratuite, il a daigné répandre sur eux sa divine Sagesse, et ils sont venus à lui. Le Seigneur leur parle ensuite de tous ces hommes de la gentilité, riches, puissants et industrieux, qui ont laissé leur nom dans les annales de la terre. Ils ont péri, et leur sagesse mondaine avec eux. Le peuple nouveau que le Seigneur se forme aujourd’hui ne s’égarera pas ainsi. Il aura la vraie Sagesse en partage. Dieu avait autrefois parlé mystérieusement à Jacob ; mais cette parole ne parvint pas à tous les hommes : aujourd’hui il est venu en personne sur la terre ; il a habité avec nous ; voilà pourquoi le peuple qu’il se crée aujourd’hui lui demeurera fidèle.

« O Dieu, qui multipliez sans cesse votre Église par la vocation des Gentils, daignez accorder votre continuelle assistance à ceux que vous allez purifier dans l’eau du baptême. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. »

SEPTIÈME PROPHÈTE. Ézéchiel. Chap. XXXVII.

Cette lecture a pour objet de proclamer devant les catéchumènes le grand dogme de la résurrection des corps, pour lequel l’esprit superbe et sensuel de la gentilité avait tant de répugnance. C’est le moment de rappeler la promesse que Dieu a daigné nous faire à ce sujet, quand l’heure est proche où le Christ, sortant du tombeau, va nous en montrer en sa personne le gage et l’accomplissement. Nos catéchumènes sont aussi figurés par ces ossements arides que le souffle du Seigneur va faire revivre tout à l’heure ; et qui, par toute la terre, vont lui former, cette nuit même, un grand peuple.

« O Dieu, qui par les pages des deux Testaments, nous mettez en état de célébrer dignement le Mystère Pascal, donnez-nous de comprendre les desseins de votre miséricorde ; afin que les grâces que nous recevons en cette vie nous soient un motif d’espérer fermement les biens futurs. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. »

HUITIÈME PROPHÉTIE. Isaïe. Chap. IV.

Les sept femmes délivrées de l’opprobre et purifiées de leurs souillures, représentent ici les âmes des catéchumènes sur lesquelles la miséricorde du Seigneur va descendre. Elles désirent porter le nom de leur libérateur ; ce désir sera exaucé. Tous ceux qui remonteront de la fontaine sacrée s’appelleront Chrétiens, nom formé de celui du Christ. Elles se reposeront désormais sur la montagne sainte, à l’abri des orages. Ce séjour de lumière et de rafraîchissement que leur promet le prophète est l’Église, où elles habiteront avec l’Époux céleste.

Après cette lecture, on chante un Trait emprunté aussi à Isaïe, dans lequel le Prophète célèbre les faveurs que le Christ a prodiguées à son Église, qui est sa Vigne chérie, l’objet de son amour et de tous ses soins.

« O Dieu, qui avez déclaré par la bouche de vos saints Prophètes que, dans les enfants de votre Église, c’est vous qui semez la bonne semence et qui cultivez le plant choisi, en tous lieux de votre empire ; accordez à vos peuples qui sont désignés dans vos Écritures sous le nom de Vignes et de Moissons, d’arracher par votre secours les ronces et les épines, afin de produire des fruits en abondance. Par Jésus-Christ notre Seigneur, Amen. »

NEUVIÈME PROPHÉTIE. Exode. Chap. XII.

C’est par le sang de l’Agneau figuratif que le peuple d’Israël a été protégé contre le glaive de l’Ange exterminateur, qu’il a pu sortir de l’Égypte et se mettre en marche vers la terre promise ; c’est par le sang de l’Agneau véritable dont ils seront marqués, que nos catéchumènes vont être délivrés des terreurs de la mort éternelle et de la servitude de Satan. Bientôt ils prendront part au festin où l’on mange la chair de cet Agneau divin ; car nous touchons ù la Pâque du Seigneur, et ils doivent la célébrer avec nous.

« Dieu tout-puissant et éternel, qui vous montrez admirable dans la disposition de toutes vos œuvres : faites comprendre à ceux que vous avez rachetés, que la création du monde qui a eu lieu au commencement n’est pas une plus grande merveille que l’immolation du Christ, notre Pâque, qui a signalé la dernière partie des temps. Lui qui vit et règne avec vous dans les siècles des siècles. Amen. »

DIXIÈME PROPHÉTIE. Jonas. Chap. III.

Ninive est la gentilité couverte de crimes et aveuglée par toutes les erreurs. Dieu a eu pitié d’elle et lui a envoyé les Apôtres au nom de son Fils. A leur voix, elle a abjuré son idolâtrie et ses vices, elle a fait pénitence ; et le Seigneur s’est mis à choisir ses élus dans le sein même de cette cité abandonnée. Nos catéchumènes étaient enfants de Ninive ; et bientôt ils vont être comptés au nombre des enfants de Jérusalem. La grâce du Seigneur et les œuvres de leur pénitence ont prépare cette merveilleuse adoption.

« O Dieu, qui avez réuni tant de nations diverses dans la confession de votre nom, donnez-nous la volonté et le pouvoir de faire ce que vous commandez ; afin que, au sein de votre peuple qui est appelé à la gloire éternelle, tous soient unis par une même foi et par la même sainteté dans les œuvres. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. »

ONZIÈME PROPHÉTIE. Deutéronome. Chap. XXXI.

La sainte Église, par la lecture de ce passage de Moïse, avertit les catéchumènes de la grandeur des obligations qu’ils sont près de contracter avec Dieu. La grâce de régénération va leur être conférée sur la promesse solennelle qu’ils feront de renoncer à Satan, l’ennemi de Dieu. Qu’ils se montrent fidèles à cette promesse, et qu’ils n’oublient jamais que Dieu est le vengeur de la foi violée.

Après cette lecture, on entonne les premières strophes du sublime Cantique que Moïse récita en présence d’Israël, avant de quitter la terre ; et dans lequel il exprime avec tant de vigueur les châtiments que Dieu exerce sur ceux qui ont osé rompre l’alliance qu’il avait daigné contracter avec eux.

« O Dieu qui êtes la grandeur des humbles et la force des justes ; vous qui, par Moïse votre saint serviteur, avez voulu instruire votre peuple dans ce sacré Cantique, qui est tout à la fois une répétition de votre loi et une instruction pour nous : faites éclater votre puissance sur toutes les nations que vous avez sanctifiées par vos mystères ; apaisez les craintes, répandez la joie : afin que les péchés étant effacés par votre miséricorde, la menace de vos vengeances se transforme en une assurance de salut. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. »

DOUZIÈME PROPHÉTIE. Daniel. Chap. III.

Une dernière instruction est offerte à nos catéchumènes, avant qu’ils descendent à la fontaine du salut. Il faut qu’ils sachent à quoi ils s’engagent en donnant leurs noms à la milice du Christ. Peut-être un jour seront-ils appelés à confesser leur Dieu devant les puissances de la terre. Sont-ils résolus à souffrir les tourments, à mourir plutôt que de trahir sa cause ? N’y a-t-il pas eu, plus d’une fois, des apostats dans les rangs de ceux dont le baptême avait le plus réjoui l’Église ? Il leur est donc nécessaire de connaître les épreuves qui peuvent les attendre. La sainte Église va relire en leur présence l’histoire des trois jeunes Juifs qui, plutôt que d’adorer la statue du roi de Babylone, préférèrent se laisser jeter dans une fournaise ardente. Depuis la publication de la loi chrétienne, des millions de martyrs ont imité leur exemple. A chaque pas, dans les Catacombes romaines, des peintures retracent l’image de ces trois héros du vrai Dieu. La paix a été rendue à l’Église ; mais le monde est toujours l’ennemi de Jésus-Christ, et qui sait si Julien l’Apostat ne doit pas succéder à Constantin ?

Après cette dernière lecture, l’Évêque prononce l’Oraison, à l’ordinaire ; mais le Diacre n’avertit point l’assemblée de se mettre à genoux. L’Église omet la génuflexion à cet endroit, pour apprendre aux catéchumènes combien ils doivent détester l’idolâtrie des Babyloniens, qui fléchirent le genou devant la statue de Nabuchodonosor.

« Dieu tout-puissant et éternel, unique espérance du monde.qui par la voix de vos Prophètes avez annoncé les mystères qui s’accomplissent en notre temps ; daignez accroître encore l’ardeur des vœux de votre peuple : parce que nul de vos fidèles ne peut faire de progrès dans les vertus, si vous ne l’inspirez vous-même. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. »

LA BÉNÉDICTION DE L’EAU BAPTISMALE.

Durant ces longues lectures, ces prières et ces chants, le soleil a dès longtemps disparu, et la nuit a avancé dans son cours. Toutes les préparations sont achevées, et le moment est venu de se mettre en marche vers le Baptistère. Déjà sept Sous-Diacres s’y sont rendus pendant les lectures prophétiques, et y ont fait entendre la Litanie, répétant ses invocations d’abord sept fois, puis cinq fois, enfin trois fois. Le cortège sacré se dirige vers le lieu où est l’eau. C’est un édifice détaché de l’église, construit en rotonde ou de forme octogone. Au centre est un vaste bassin où l’on descend et d’où l’on remonte par plusieurs marches. Des canaux y amènent une eau pure, qu’un cerf en métal y verse par sa bouche. Au-dessus de la fontaine s’élève une coupole, au centre de laquelle plane l’image de l’Esprit-Saint, les ailes étendues, fécondant les eaux. Une balustrade entoure le bassin, afin que l’enceinte demeure libre pour les baptises, et pour leurs parrains et marraines, qui seuls v pénétreront avec l’Évêque et ses prêtres. A peu de distance, on a dresse deux tentes, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes ; c’est là que se retireront un moment les nouveaux baptises, au sortir de la fontaine, pour s’essuyer et changer d’habits.

Voici l’ordre de la marche vers le Baptistère. Le Cierge pascal, représentant la colonne lumineuse qui dirigea Israël, à travers les ombres de la nuit, vers la mer Rouge, dans les flots de laquelle il devait trouver son salut, s’avance d’abord à la tête du corps des catéchumènes. Ceux-ci viennent à la suite, avant à leur droite, les hommes leur parrain, les femmes leur marraine ; car c’est sur la présentation d’un chrétien de son sexe que chacun d’eux est admis à la régénération. Deux Acolytes portent, l’un le saint Chrême, l’autre l’Huile des Catéchumènes : et à la suite du clergé, l’Évêque s’avance entouré de ses ministres. Cette marche s’accomplit à la lueur des flambeaux ; les étoiles brillent au ciel de tout leur éclat, et les airs retentissent de chants mélodieux. On répète les strophes du Psaume dans lequel David, soupirant après son Dieu, compare son ardeur à celle du cerf qui aspire à l’eau de la fontaine. Le cerf, dont l’image a été placée dans le Baptistère, est la figure de l’ardent catéchumène.

On arrive bientôt au lieu du baptême : et l’Évêque, en présence de la fontaine dont les eaux limpides appellent ses bénédictions, prononce d’abord l’Oraison suivante, dans laquelle il emploie, à son tour, la comparaison du cerf altéré, pour exprimer devant Dieu l’ardeur de son nouveau peuple vers la vie nouvelle dont le Christ est la source. Il dit : « Dieu tout-puissant et éternel, regardez favorablement la dévotion de ce peuple qui va prendre une nouvelle naissance, et aspire, comme le cerf, à la fontaine de vos eaux salutaires ; daignez faire que la soif que lui inspire sa foi sanctifie les âmes et les corps, dans le mystère sacré du Baptême. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. »

La bénédiction de l’eau pour le baptême est d’institution apostolique ; et l’antiquité de cette pratique nous est attestée par les plus grands docteurs, entre-autres par saint Cyprien, saint Ambroise, saint Cyrille de Jérusalem, et saint Basile. Il est juste, en effet, que cette eau, instrument de la plus divine des merveilles, soit entourée de tout ce qui peut, en glorifiant Dieu qui a daigné l’associer à ses desseins de miséricorde sur l’humanité, la glorifier elle-même à la face du ciel et de la terre. Les chrétiens sont sortis de l’eau ; ils sont, comme disaient nos pères des premiers siècles, les heureux Poissons du Christ ; rien donc d’étonnant qu’ils tressaillent de joie, en présence de l’élément auquel ils doivent la vie, et qu’ils rendent à cet élément des honneurs qui se rapportent à l’auteur même des prodiges de grâce qui vont s’opérer. La prière dont le Pontife va se servir pour bénir l’eau nous ramène au berceau de notre foi, par la noblesse et l’énergie du style de sa rédaction, par l’autorité de son langage, et par les rites antiques et primitifs dont elle est accompagnée. Elle est sur le mode pompeux de la Préface, et empreinte d’un lyrisme inspiré. Le Pontife prélude par une simple Oraison, a la suite de laquelle éclate l’enthousiasme de la sainte Église, qui, pour s’assurer de l’attention de tous ses enfants, provoque leurs acclamations, et les avertit de tenir leurs cœurs en haut : Sursum corda !

Puis le Pontife s’arrête un moment, et plongeant sa main dans les eaux, il les divise en forme de croix, montrant par ce signe que c’est par la vertu de la Croix qu’elles ont acquis le pouvoir de régénérer les âmes. Jusqu’à la mort du Christ sur la croix, cette puissance merveilleuse leur était seulement promise ; il fallait l’effusion du sang divin pour qu’elle leur fût conférée c’est ce sang qui opère dans l’eau sur les âmes, avec la vertu de l’Esprit-Saint que le Pontife rappellera tout à l’heure.

Après les paroles, par lesquelles l’Évêque demande à Dieu qu’il daigne éloigner de ces eaux l’influence des esprits mauvais qui cherchent à infecter toute la création, il étend la main sur elles et les touche. Le caractère auguste du Pontife et du Prêtre est une source de sanctification ; et le contact de leur main sacrée opère déjà à lui seul sur les créatures, quand il s’exerce en vertu du sacerdoce de Jésus-Christ qui réside en eux.

En prononçant les paroles suivantes, l’Évêque bénit par trois fois les eaux de la fontaine, en produisant sur elles le signe de la croix : « Je te bénis donc, créature d’eau, par le Dieu vivant, par le Dieu véritable, parle Dieu saint ; par le Dieu qui, au commencement, te sépara de la terre d’une seule parole, et dont l’Esprit était porté sur toi. »

Ici l’Évêque, nous montrant les eaux appelées déjà à féconder le Paradis terrestre, qu’elles parcouraient en quatre fleuves, les divise encore avec sa main, et les répand vers les quatre parties du monde qui plus tard devaient recevoir la prédication du saint baptême. Il accomplit ce rite si expressif, en proférant les paroles qui suivent : « Par le Dieu qui te fit jaillir de la fontaine du Paradis, et te divisa en quatre fleuves, en te commandant d’arroser toute la terre ; qui dans le désert t’enleva ton amertume, et te restituant ta douceur, te rendit potable, et qui plus tard te fit sortir de la pierre pour apaiser la soif de son peuple. Je te bénis aussi par Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui, à Cana de Galilée, par un signe admirable de son pouvoir, te changea en vin ; qui marcha sur toi à pied sec ; qui fut baptisé en toi par Jean, dans le Jourdain ; qui te fit sortir, avec le sang, de son côté ouvert ; et qui commanda à ses disciples de baptiser en toi ceux qui croiraient, leur disant Allez, enseignez toutes les nations, et baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. »

A ce moment, l’Évêque suspend le mode triomphant de la Préface, et prononce les paroles qui vont suivre sur un ton plus simple. Après avoir marqué les eaux du signe de la croix, il invoque sur elles l’action fécondante de l’Esprit-Saint.

L’Esprit-Saint porte un nom qui signifie Souffle ; il est le souffle divin, ce vent violent qui se lit entendre dans le Cénacle. Le Pontife exprime ce divin caractère de la troisième personne divine, en soufflant trois fois sur les eaux de la fontaine en forme de croix ; puis il continue, sans reprendre encore le mode de la Préface.

Prenant ensuite le Cierge pascal, il en plonge l’extrémité intérieure dans le bassin. Ce rite exprime le mystère du baptême du Christ dans le Jourdain, au jour où les eaux reçurent les arrhes de leur divin pouvoir. Le Fils de Dieu était descendu dans le fleuve, et l’Esprit-Saint reposait sur sa tête en forme de colombe. Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement les arrhes qui sont données ; l’eau reçoit véritablement la vertu promise, par l’action des deux divines personnes. C’est pour cela que l’Évêque, reprenant le ton de la Préface, s’écrie en plongeant dans l’eau le Cierge mystérieux, symbole du Christ, sur lequel plane la céleste Colombe : « Que la vertu du Saint-Esprit descende sur toute l’eau de cette fontaine. »

Après ces paroles, le Pontife retire le Cierge de l’eau, puis le replongeant plus avant, il répète d’un ton de voix plus élevé : « Que la vertu du Saint-Esprit descende sur toute l’eau de cette fontaine. »

Ayant encore retiré le Cierge, il le plonge une troisième fois jusqu’au fond du bassin, chantant d’une voix plus éclatante encore ces mêmes paroles : « Que la vertu du Saint-Esprit descende sur toute l’eau de cette fontaine. »

Cette fois, avant de retirer le Cierge de l’eau, l’Évêque se penche sur la fontaine ; et, pour unir dans un symbole visible la puissance de l’Esprit-Saint à la vertu du Christ, il fait une nouvelle insufflation sur les eaux, non plus en forme de croix, mais en traçant avec son souffle cette lettre de l’alphabet grec, ψ qui est la première du mot Esprit en cette langue ; puis il reprend sa solennelle prière par ces paroles : « Qu’elle donne la fécondité à cette eau, et la rende capable de régénérer. »

On enlève alors le Cierge pascal de la fontaine, et l’Évêque termine.

Après que le peuple a répondu Amen, un des Prêtres asperge rassemblée avec l’eau de la fontaine, et un des clercs inférieurs vient y plonger un vase qu’il retire plein de cette eau, et qui est destiné pour le service de l’église et pour l’aspersion des maisons des fidèles.

Les prières de la bénédiction de l’eau sont achevées ; et cependant la sainte Église n’a pas accompli encore, en faveur de cet élément, tout ce qu’elle a résolu de faire. Jeudi dernier, elle a été mise de nouveau en possession des grâces de l’Esprit-Saint par le don des Huiles sacrées ; et elle veut aujourd’hui honorer la fontaine du salut, en épanchant dans ses eaux les précieuses liqueurs dont le renouvellement a été accueilli avec tant de joie. Le peuple fidèle apprendra à vénérer toujours davantage la source purifiante du salut des hommes, dans laquelle se réunissent tous les symboles de l’adoption divine. L’Évêque, prenant l’ampoule qui contient l’Huile des catéchumènes, en répand sur les eaux, disant ces paroles : « Que cette fontaine soit sanctifiée et rendue féconde par l’infusion de l’huile du salut, pour donner la vie éternelle à ceux qui renaîtront de son sein. Amen. »

Puis, prenant le vase du Saint-Chrême, il en verse aussi dans la fontaine, en disant : « Que l’infusion du Chrême de notre Seigneur Jésus-Christ et du Saint-Esprit Consolateur s’opère au nom de la sainte Trinité. Amen. »

Enfin, tenant dans sa main droite le Chrême et dans sa main gauche l’Huile des catéchumènes, il verse des deux fioles à la fois sur les eaux, et dit en accomplissant cette libation sacrée qui exprime la surabondance de la grâce baptismale : « Que le mélange du Chrême de sanctification et de l’Huile d’onction avec l’Eau baptismale s’opère, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. »

Après ces paroles, l’Évêque étend avec la main les Huiles saintes sur la surface de l’eau, afin qu’elle participe tout entière à ce dernier degré de sanctification ; et après avoir essuyé ses mains, il se retire un moment à l’écart, pour dépouiller ceux des vêtements sacrés qui pourraient gêner son action dans l’administration du baptême.

LE BAPTÊME.

Le Pontife reparaît bientôt au bord de la fontaine sacrée, et l’on appelle successivement les élus. Ils s’avancent un à un, conduits, les hommes par le parrain, et les femmes par la marraine. L’Évêque se place sur une estrade d’où il domine la fontaine. Le catéchumène, dépouillé de ses habits en la partie supérieure, descend les degrés du bassin et pénètre dans l’eau, à portée de la main du Pontife. Alors celui-ci, élevant la voix, l’interroge : « Croyez-vous, lui dit-il, en Dieu Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ? — J’y crois, répond le catéchumène. — Croyez-vous en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui est né et a souffert ? —J’y crois. — Croyez-vous au Saint-Esprit, la sainte Église catholique, la communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair et la vie éternelle ? — J’y crois. » Après avoir reçu la confession de la foi, le Pontife adresse à l’élu cette demande : « Voulez-vous être baptisé ? — Je le veux, » répond l’élu. Alors le Pontife, étendant la main sur la tête du catéchumène, la plonge par trois fois dans les eaux de la fontaine, en disant : « Je vous baptise, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. »

Trois fois l’élu a disparu entièrement sous les eaux ; elles se sont refermées au-dessus de lui, et le dérobaient à tous les regards. Le grand Apôtre nous explique cette partie du mystère. Les eaux ont été pour l’élu le tombeau où il s’est trouvé enseveli avec le Christ ; et comme le Christ, il en sort rendu à la vie. La mort qu’il vient de subir est la mort au péché ; la vie qu’il possède désormais est la vie de la grâce [16]. Le mystère complet de la résurrection de l’Homme-Dieu se reproduit ainsi dans le chrétien baptisé. Mais avant que l’élu sorte de l’eau, un rite profond vient compléter en lui la ressemblance avec le Fils de Dieu. Jésus était encore dans les eaux du Jourdain, lorsque la divine Colombe descendit sur sa tête ; avant que le néophyte soit sorti de la fontaine, un prêtre répand aussi sur sa tête le Chrême, don de l’Esprit-Saint. Cette onction indique dans l’élu le caractère royal et sacerdotal du chrétien qui, par son union avec Jésus-Christ son chef, participe, dans un certain degré, à la Royauté et au Sacerdoce de ce divin Médiateur. Comblé ainsi des faveurs du Verbe éternel et de l’Esprit-Saint, adopté par le Père qui voit en lui un membre de son propre Fils, le néophyte sort de la fontaine par les degrés du bord opposé, semblable à ces brebis du divin Cantique qui remontent du lavoir où elles ont purifié leur blanche toison [17]. Le parrain l’attend sur le bord ; il lui donne la main pour remonter, et s’empresse de le couvrir d’un linge et d’essuyer l’eau sainte qui ruisselle de ses membres.

L’Évêque continue sa noble fonction ; autant de fois qu’il plonge un pécheur dans les eaux, autant de fois un juste renaît de la fontaine. Mais il ne peut continuer longtemps d’opérer à lui seul un ministère dans lequel les prêtres peuvent le suppléer. Lui seul peut conférer aux néophytes l’auguste sacrement qui doit les confirmer par le don de l’Esprit-Saint ; et s’il attendait pour exercer ce pouvoir divin le moment où tous les catéchumènes auront été régénérés, on arriverait au grand jour avant d’avoir accompli tous les mystères de cette sainte nuit. Il se borne donc à conférer par lui-même le saint baptême à quelques élus, hommes, femmes et enfants, et laisse aux prêtres le soin de recueillir le reste de la moisson du Père de famille. Dans le baptistère, est un lieu spécial appelé Chrismarium, parce que c’est là que le Pontife doit conférer le sacrement du Chrême ; il s’y rend, et monte sur le trône qui lui a été préparé. On le revêt de nouveau des ornements sacrés qu’il avait déposés pour descendre à la fontaine ; et tout aussitôt on amène à ses pieds les néophytes qu’il vient de baptiser, et successivement ceux qui sont régénérés par le ministère des prêtres. Il remet à chacun d’eux une robe blanche qu’ils porteront jusqu’au Samedi suivant, et il leur dit : « Recevez le vêtement blanc, saint et immaculé ; et portez-le au tribunal de notre Seigneur Jésus-Christ pour avoir la vie éternelle. » Les néophytes, ayant reçu cet éloquent symbole, se retirent sous les tentes qui ont été dressées dans le Baptistère ; ils y dépouillent leurs vêtements trempés d’eau, en prennent d’autres qui leur ont été préparés, et avec l’aide de leurs parrains ou de leurs marraines, se revêtent pardessus de la robe blanche qu’ils ont reçue de l’Évêque. Ils retournent alors au Chrismarium, où le sacrement de la Confirmation va leur être conféré solennellement par le Pontife.

LA CONFIRMATION.

Jeudi, au milieu des solennités de la consécration du Chrême, le Pontife rappelait à Dieu lui-même, dans un langage sublime, que lorsque les eaux eurent accompli leur ministère, en purifiant la terre, la Colombe parut sur le monde renouvelé, portant en son bec le rameau d’olivier qui annonçait la paix et le règne de celui qui a emprunté à l’Onction le nom sacré qu’il porte à jamais. Nos néophytes, purifiés aussi dans l’eau, attendent maintenant aux pieds du Pontife les faveurs de la divine Colombe, et le gage de paix dont l’olive est le symbole.

Déjà le Chrême sacré a été répandu sur leur tète ; mais il n’était alors que le signe de la dignité à laquelle ils venaient d’être élevés A ce moment, il ne signifie plus seulement la grâce, il l’opère dans les âmes ; mais il n’est pas au pouvoir du Prêtre de donner cette onction qui confirme le chrétien ; elle réclame la main sacrée du Pontife, de qui seul aussi procède la consécration du Chrême.

Devant lui sont rangés les néophytes : les hommes d’un côté, les femmes de l’autre ; les enfants entre les bras de leurs parrains et de leurs marraines. Les adultes appuient leur pied droit sur le pied droit de ceux qui leur ont servi de père ou de mère, marquant par ce signe d’union la filiation de la grâce dans l’Église.

A la vue de ce troupeau tendre et fidèle réuni autour de lui, le Pasteur se réjouit dans son cœur, et se levant bientôt de son trône, il s’écrie : « Que l’Esprit-Saint descende en vous, et que la vertu du Très-Haut vous garde de tout péché ! » Puis imposant les mains, il appelle sur eux l’Esprit aux sept dons, à qui seul appartient de confirmer dans les néophytes les grâces qu’ils ont reçues dans les eaux delà divine fontaine.

Conduits parleurs répondants, ils s’approchent ensuite du Pontife, les uns après les autres, saintement avides de recevoir la plénitude du caractère de chrétien. L’Évêque ayant plongé son pouce dans le vase qui contient le Chrême, marque chacun d’eux au front du sceau ineffaçable, en disant : « Je vous marque du signe de la Croix, et je vous confirme du Chrême du salut, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » Et donnant sur leur joue un léger soufflet, qui était chez les anciens le signe de l’affranchissement d’un esclave, il les introduit dans la liberté complète des enfants de Dieu, en leur disant : « La paix soit avec vous ! » Les ministres du Pontife entourent la tête des nouveaux confirmés d’une bandelette destinée à garantir de tout contact profane la partie du front qui a reçu l’impression du Chrême sacré. Le néophyte doit garder durant sept jours ce bandeau, et ne le déposer qu’avec la robe blanche dont il vient de se revêtir.

Cependant au milieu de tous ces sublimes mystères, les heures de la nuit se sont succédé ; et le moment approche de célébrer, par un sacrifice de joie, l’instant suprême où le Christ va sortir du tombeau. Il est temps que le Pasteur reconduise au temple saint son heureux troupeau qui vient de prendre un si glorieux accroissement. Il est temps de donnera ces chères brebis la nourriture divine à laquelle elles ont droit désormais. Les portes du Baptistère s’ouvrent, et la procession se met en marche vers la Basilique. Le Cierge pascal, colonne de feu, précède l’essaim des néophytes, dont les robes blanches reçoivent les premiers rayons de l’aurore. Le peuple fidèle suit le Pontife et le clergé, qui rentrent triomphants dans l’église. Durant la marche, on chante de nouveau le cantique de Moïse, après le passage de la mer Rouge. L’Évêque se rend au Secretarium, où il se revêt des habits sacrés, tout resplendissants de la pompe pascale ; et durant cet intervalle, les chantres exécutent la dernière Litanie, dont les invocations se répètent trois fois. Dans la liturgie actuelle, on ne chante plus qu’une seule fois la Litanie, dans tout le cours de cette Fonction ; elle accompagne le retour du clergé au chœur, après la bénédiction des Fonts, et les invocations ne s’y répètent que deux fois. Dans les églises qui ne possèdent pas de Fonts baptismaux, on chante cette Litanie après l’Oraison qui suit la douzième Prophétie ; et jusqu’à l’invocation qui commence par le mot Peccatores, le Célébrant et ses ministres se tiennent prosternés sur les marches de l’autel, implorant la bénédiction céleste pour les néophytes que l’Église enfante aujourd’hui, sur les divers points de la terre.

LA MESSE.

La Litanie solennelle tire à sa fin ; et déjà le chœur des chantres est arrivé au cri d’invocation qui la termine : Kyrie eleison ! Le Pontife s’avance du Secretarium vers l’autel, avec la majesté des plus grands jours. A sa vue, les chantres prolongent la mélodie sur les paroles de supplication, et les répètent trois fois, trois fois ils y ajoutent la prière au Fils de Dieu : Christe eleison ! Et enfin trois fois l’invocation à l’Esprit-Saint : Kyrie eleison ! Pendant qu’ils exécutent ces chants, l’Évêque a présenté à Dieu, au pied de l’autel, ses premiers hommages et offert l’encens au Très-Haut ; en sorte que l’Antienne ordinaire, qui porte le nom d’Introït, n’a point été nécessaire pour accompagner la marche sacrée du Secretarium à l’autel.

La Basilique commence à s’illuminer des premières lueurs de l’aurore ; et l’étoile du matin qui, selon les paroles du Diacre, est venue mêler sa clarté à la flamme du Cierge pascal, pâlit déjà devant l’astre du jour, figure du divin Soleil de justice. L’assemblée des fidèles, partagée en diverses sections, les hommes sous la galerie à droite, les femmes sous la galerie à gauche, a reçu dans ses rangs les nouvelles recrues. Près des portes, la place des catéchumènes est vide ; et sous les nefs latérales, aux places d’honneur, on distingue les néophytes à leur robe blanche, à leur bandeau, au cierge allumé qu’ils tiennent dans leurs mains.

L’encensement de l’autel est terminé. Tout à coup, ô triomphe du Fils de Dieu ressuscité ! La voix du Pontife entonne avec transport l’Hymne Angélique : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ; et sur la terre paix aux hommes de bonne volonté ! » A ces accents, les cloches, muettes depuis trois jours, retentissent en volée dans le Campanile aérien de la Basilique ; et l’enthousiasme de notre sainte foi fait palpiter tous les cœurs. Le peuple saint continue avec ardeur le Cantique céleste ; et lorsqu’il est achevé, l’Évêque résume dans l’Oraison suivante les vœux de toute l’Église en faveur de ses nouveaux enfants : « Dieu, qui illuminez cette nuit sacrée des splendeurs de la Résurrection du Seigneur, conservez dans ces nouveaux enfants de votre famille l’Esprit d’adoption que vous leur avez donné ; afin que, renouvelés de corps et d’esprit, ils vous servent dans la pureté. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. »

Après la Collecte, le Sous-Diacre monte à l’ambon de l’Épître, et lit les imposantes paroles que le grand Apôtre adresse aux néophytes en ce moment même où ils viennent de ressusciter avec Jésus-Christ.

Cette lecture si brève, mais dont tous les mots sont si profonds, étant achevée, le Sous-Diacre descend de l’ambon, et vient s’arrêter devant le trône de l’Évêque. Après avoir salué la majesté du Pontife par une profonde inclination, il prononce d’une voix éclatante ces paroles qui retentissent dans toute la Basilique, et vont réveiller de nouveau l’allégresse dans toutes les âmes : « Vénérable Père, je vous annonce une grande joie : c’est l’Alléluia ! » L’Evêque se lève, et plein d’un feu divin, il chante Alléluia ! sur un mode joyeux. Le chœur répète après lui Alléluia ! et deux fois encore l’échange de ce cri céleste a lieu entre le chœur et le Pontife, A ce moment, toutes les tristesses passées s’évanouissent ; on sent que les expiations de la sainte Quarantaine ont été agréées par la majesté divine, et que le Père des siècles, par les mérites de son Fils ressuscité, pardonne à la terre, puisqu’il lui rend le droit de faire entendre le cantique de l’éternité. Le chœur ajoute ce verset du Roi-Prophète, qui célèbre la miséricorde de Jéhovah : « Célébrez le Seigneur, parce qu’il est bon ; parce que sa miséricorde est à jamais. »

Il manque cependant quelque chose encore aux joies de cette journée. Jésus est sorti du tombeau ; mais à l’heure où nous sommes, il ne s’est pas encore manifesté à tous. Sa sainte Mère, Madeleine et les autres saintes femmes, sont seules à l’avoir vu ; ce soir seulement, il se montrera à ses Apôtres. Nous sommes donc encore à l’aurore de la Résurrection ; c’est pourquoi l’Église exprime une dernière fois la louange du Seigneur, sous la forme quadragésimale du Trait.

Pendant que le chœur chante ce cantique de David sur un mode qui retient encore quelque accent de tristesse, le Diacre se dirige vers l’ambon, d’où il doit faire entendre les paroles du saint Évangile. Les Acolytes ne l’accompagnent pas avec leurs flambeaux ; mais le thuriféraire le précède avec l’encens. C’est encore ici une allusion aux événements de cette grande matinée. Les femmes soin venues au tombeau avec des parfums ; mais la foi de la résurrection ne brillait pas dans leurs âmes. L’encens figure leurs parfums ; l’absence des flambeaux signifie que cette foi n’était pas encore en elles.

Après la lecture de l’Évangile, le Pontife n’entonne point le majestueux Symbole de la foi. La sainte Église le réserve pour la Messe solennelle qui réunira de nouveau le peuple fidèle. Elle suit heure par heure les phases du divin mystère, et veut rappeler en ce moment l’intervalle qui s’écoula avant que les Apôtres, qui devaient annoncer partout la foi de la résurrection, lui eussent eux-mêmes rendu hommage.

Après avoir donne le salut au peuple, le Pontife se prépare à offrir à la majesté divine le pain et le vin qui vont servir au Sacrifice ; et par une dérogation à l’usage observé dans toutes les Messes, le chœur des chantres n’exécute pas la solennelle Antienne connue sous le nom d’Offertoire. Chaque jour, cette Antienne accompagne la marche des fidèles vers l’autel, lorsqu’ils vont présenter le pain et le vin qui doivent leur être rendus, dans la communion, transformés au corps et au sang de Jésus-Christ. Mais la fonction s’est déjà beaucoup prolongée ; si l’ardeur des âmes est toujours la même, la fatigue des corps se fait sentir, et les petits enfants que l’on tient à jeun pour la communion annoncent déjà par leurs cris la souffrance qu’ils éprouvent. Le pain et le vin, matière du divin Sacrifice, seront aujourd’hui fournis par l’Église ; et les néophytes n’en viendront pas moins s’asseoir à la table du Seigneur, bien qu’ils n’aient pas présenté eux-mêmes le pain et le vin à la barrière sacrée. Après avoir fait l’offrande, et encensé le pain et le vin préparés, puis l’autel lui-même, le Pontife résume les vœux de l’assistance dans la Secrète, qui est suivie de la Préface pascale.

Le Canon s’ouvre, et le mystère divin s’opère. Rien n’est changé dans l’ordre des cérémonies sacrées, jusqu’au moment qui précède la Communion. C’est un usage qui remonte aux temps apostoliques, que les fidèles, avant de participer au corps et au sang du Seigneur, se donnent mutuellement le baiser fraternel, en prononçant ces paroles : « La paix soit avec vous ! » A cette première Messe pascale, on omet cette touchante coutume. Ce n’est qu’au soir du jour de sa résurrection que Jésus adressa ces mêmes paroles à ses disciples rassemblés. La sainte Église, pleine de respect pour les moindres circonstances de la vie de son céleste Époux, aime à les retracer dans sa conduite. C’est par le même motif qu’elle omet aujourd’hui le chant de l’Agnus Dei, qui, du reste, ne date que du VIIe siècle, et qui présente à sa troisième répétition ces paroles : « Donnez-nous la paix ».

Mais le moment est venu auquel les néophytes vont, pour la première fois, goûter le pain de vie et boire le breuvage céleste que le Christ a institues à la dernière Cène. Initiés par l’eau et l’Esprit-Saint, ils ont désormais le droit de s’asseoir au banquet sacré ; et la tunique blanche qui les couvre annonce assez que leur âme a revêtu la robe nuptiale exigée des convives au festin de l’Agneau. Ils s’approchent du saint autel avec joie et respect. Le Diacre leur donne le corps du Seigneur, et leur présente ensuite le calice du sang divin. Les petits enfants sont admis aussi ; et le Diacre, plongeant son doigt dans la coupe sacrée, fait tomber dans leur bouche innocente quelques gouttes de la divine liqueur. Enfin, pour montrer que, dans ces premières heures de leur baptême, tous sont « semblables à de tendres enfants qui viennent de naître, » comme parle le prince des Apôtres, on donne à tous, après la Communion sainte, un peu de lait et un peu de miel, symboles de l’enfance, et en même temps souvenir de la terre promise par le Seigneur à son peuple.

Enfin, tout étant accompli, l’Évêque achève les prières du Sacrifice, en demandant au Seigneur l’esprit de concorde entre tous les frères qu’une même Pâque a réunis dans la participation aux mêmes mystères. La même Église les a portés dans son sein maternel, la même fontaine les a enfantés à la vie ; ils sont les membres d’un même Chef divin ; le même Esprit les a marqués de son sceau, le même Père céleste les réunit dans son adoption. Le signal ayant été donné par le Diacre au nom du Pontife, l’assemblée se sépare, et les fidèles, sortant de l’Église, se retirent dans leurs maisons, en attendant que l’heure du Sacrifice solennel les rassemble de nouveau, pour célébrer avec plus de pompe encore la fête des fêtes, la Pâque de la Résurrection.

LES VÊPRES.

Dans les siècles où l’Église célébrait la grande Veille de Pâques, dont nous venons de donner la description, le Samedi saint n’avait pas l’Office de Vêpres. La Veille commençait vers l’heure de None, et se poursuivait, comme on l’a vu, jusqu’aux premières heures de la matinée du lendemain. Ce ne fut que plus tard, lorsque la coutume eut autorisé l’anticipation de la Messe de la nuit de Pâques à la matinée du Samedi saint, que l’on songea à disposer un Office des Vêpres pour ce dernier jour de la Semaine sainte. La matinée étant entièrement remplie par les grands rites que nous avons exposés, l’Église résolut d’adopter pour cet Office une forme très brève, et empreinte en même temps du caractère joyeux qui convient après le retour de l’Alléluia. Ces Vêpres furent disposées de manière à faire corps avec la Messe. On les entonne après la Communion, et la Postcommunion sert pour conclure à la fois la Messe et les Vêpres. C’est cette même Oraison qui terminait autrefois la grande Veille pascale, et que nous avons rappelée tout à l’heure.

Le Célébrant encense l’autel à l’ordinaire pendant le Cantique évangélique ; et lorsque l’Antienne a été répétée, il chante à l’autel l’Oraison suivante : « Répandez sur nous, Seigneur, l’Esprit de votre charité ; afin que ceux qui ont été nourris par vous dans le mystère pascal conservent désormais entre eux, par votre secours, une pareille concorde. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen. »

L’Oraison terminée, le Diacre, en donnant aux fidèles le signal de se retirer, ajoute à la formule ordinaire deux Alléluias ; et cette pratique s’observe à la fin de toutes les Messes, jusqu’à samedi prochain inclusivement.

La Messe se conclut par la bénédiction du Célébrant, et par la lecture accoutumée de l’Évangile de saint Jean.

Telle est la fonction de ce grand jour, qui n’a presque rien perdu sous le rapport des prières et des cérémonies, mais qui néanmoins, avec l’anticipation actuelle des heures et l’absence de la célébration du baptême, avait besoin d’être rapprochée, comme nous l’avons fait, des usages de l’antiquité, pour recouvrer toute sa grandeur et toute sa signification.

Dans le courant de l’après-midi, selon l’usage des lieux, le Curé visite toutes les maisons de sa paroisse, et les asperge avec l’eau baptismale qui a été tirée des Fonts, avant l’infusion de l’Huile sainte. Cette pieuse coutume, qui s’exerce peu dans nos contrées, rappelle le commandement que Dieu fit à son peuple, en la première Pâque, de sanctifier par le sang de l’Agneau leurs maisons pour le passage de l’Ange ; et elle attire sur nos demeures une protection particulière de Dieu.

LE SOIR.

La description des pompes baptismales nous a distraits de la pensée du Christ renfermé dans le tombeau ; cependant l’heure de sa résurrection n’est pas arrivée ; et il nous est utile de méditer quelques instants encore sur le mystère des trois jours durant lesquels l’âme du Rédempteur demeura séparée de son corps. Ce matin nous sommes allés visiter le sépulcre au sein duquel repose la dépouille mortelle du Fils de Dieu ; nous avons adoré ce sacré corps, auquel Madeleine et ses compagnes se préparent à aller rendre demain, dès le grand matin, de nouveaux devoirs. En ce moment, il convient d’offrir nos hommages à l’âme sainte de Jésus. Elle n’habite point le tombeau où son corps est étendu ; suivons-la dans les lieux où elle réside, en attendant qu’elle vienne ranimer les membres sacrés dont la mort l’a séparée pour un temps. Au centre de la terre s’étendent quatre vastes régions où nul homme vivant ne pénétrera jamais ; la révélation divine nous a seule renseignés sur leur existence. La plus éloignée de nous est l’enfer des damnés, séjour épouvantable où Satan et ses anges sont voués, avec les réprouvés de la race humaine, aux flammes vengeresses de l’éternité. C’est l’affreuse cour du prince des ténèbres, au sein de laquelle il ne cesse de former contre Dieu et contre son œuvre des plans pervers et sans cesse déjoués. Plus près de nous est le limbe où sont détenues les âmes des enfants qui sortirent de ce monde avant d’avoir été régénérés. Selon la doctrine la plus autorisée dans l’Église, les hôtes de ce séjour ne souffrent aucun tourment, et quoiqu’ils ne soient point appelés à voir jamais l’essence divine, ils ne sont pas incapables d’un bonheur naturel et proportionné à leurs désirs. Une troisième région au-dessus de celle qu’habitent les âmes de ces enfants, est le lieu des expiations où les âmes sorties de ce monde avec le don de la grâce achèvent de purifier leurs souillures, pour être admises à la récompense éternelle. Enfin, plus près de nous encore, est le limbe où le peuple entier des saints qui sont morts depuis le juste Abel jusqu’au moment où le Christ a expiré sur la croix, est retenu captif sous les ombres. Là sont nos premiers parents, Noé, Abraham, Moïse, David, les Prophètes anciens ; Job, le saint Arabe, et les autres justes de la gentilité ; les saints personnages dont la vie tient déjà à celle du Christ : Joachim, père de Marie, et Anne sa mère ; Joseph, l’Époux de la Vierge et le Père nourricier de Jésus ; Jean, son précurseur, avec ses vertueux parents Zacharie et Élisabeth.

Jusqu’à ce que la porte du ciel ait été ouverte par le sang rédempteur, aucun juste ne peut monter vers Dieu. Au sortir de ce monde, les âmes les plus saintes ont dû descendre dans les entrailles de la terre. Mille endroits de l’Ancien Testament désignent les enfers comme le séjour des justes qui ont le mieux servi et honoré Dieu ; et c’est seulement dans le Nouveau qu’il est parlé du Royaume des Cieux. Cette demeure temporaire ne connaît cependant pas d’autres peines que celles de l’attente et de la captivité. Les âmes qui l’habitent sont pour toujours dans la grâce, assurées d’un bonheur sans fin ; elles supportent avec résignation cette relégation sévère, suite du péché ; mais elles voient avec une joie toujours croissante approcher le moment de leur délivrance.

Le Fils de Dieu ayant accepté toutes les conditions de l’humanité, et ne devant triompher que par sa résurrection, et n’ouvrir les portes du ciel que par son Ascension, son âme, séparée du corps par le glaive de la mort, devait descendre aussi dans ces lieux bas de la terre, et partager un moment le séjour des justes exilés. « Le Fils de l’homme, avait-il dit, sera trois jours dans le cœur de la terre [18]. » Mais autant son entrée dans ces lieux sombres devait être saluée par les acclamations du peuple saint, autant devait-elle déployer de majesté, et montrer la force et la gloire de l’Emmanuel. Au moment où Jésus a rendu sur la croix son dernier soupir, le limbe des justes s’est vu tout à coup illuminé des splendeurs du ciel. L’âme du Rédempteur unie à la divinité du Verbe est descendue en un instant au milieu de ces ombres, et du lieu de l’exil elle a fait un paradis. C’est la promesse du Christ mourant au voleur repentant : « Aujourd’hui tu seras avec moi en Paradis. »

Qui pourrait dire le bonheur des justes, à ce moment attendu depuis tant de siècles ; leur admiration et leur amour à la vue de cette âme divine qui vient à la fois partager et dissiper leur exil ? Quels regards de bonté l’âme de Jésus arrête sur cet immense troupeau d’élus que quarante siècles lui ont fourni, sur cette portion de son Église qu’il a acquise par son sang, et à qui les mérites de ce sang divin furent appliqués par la miséricorde du Père, avant même qu’il fût verse ! Nous qui, au sortir de ce monde, avons l’espoir de monter vers celui qui est allé nous préparer une place dans les cieux [19], unissons-nous aux joies de nos pères, et adorons la condescendance de notre Emmanuel, qui daigne s’arrêter trois jours dans ces demeures souterraines, pour ne laisser rien dans les destinées, même passagères, de l’humanité, qu’il n’ait accepté et sanctifié.

Mais, dans cette visite aux lieux infernaux, le Fils de Dieu vient aussi manifester son pouvoir. Sans descendre substantiellement au séjour de Satan, il y fait sentir sa présence ; et il faut à ce moment que le superbe prince de ce monde fléchisse le genou et s’humilie. Dans ce Jésus qu’il a fait crucifier par les Juifs, il reconnaît maintenant le propre Fils de Dieu. L’homme est sauvé, la mort est détruite, le péché est effacé ; désormais ce n’est plus au sein d’Abraham que descendront les âmes des justes : c’est au ciel, avec les Anges fidèles, qu’elles s’élèveront pour y régner avec le Christ, leur divin Chef. Le règne de l’idolâtrie va succomber ; les autels sur lesquels Satan recevait l’encens de la terre sont ébranlés et crouleront partout. La maison du fort armé est forcée par son adversaire divin ; ses dépouilles lui sont enlevées [20] ; la cédille de notre condamnation est arrachée au serpent, et la croix qu’il avait vu s’élever pour le Juste, avec tant de joie, a été pour lui, selon l’énergique expression de saint Antoine, comme un hameçon meurtrier que l’on présente sous un appât au monstre marin qui meurt en se débattant, après l’avoir avale.

L’âme de Jésus fait sentir aussi sa présence aux justes qui soupirent dans les feux de l’expiation. Sa miséricorde allège leurs souffrances et abrège le temps de leur épreuve. Plusieurs d’entre eux voient finir leurs peines durant ces trois jours, et se joignent à la foule des saints, pour entourer de leurs vœux et de leur amour celui qui ouvre les portes du ciel. Il n’est pas contraire à la foi chrétienne de penser, avec de doctes théologiens, que le séjour de l’Homme-Dieu dans la région voisine du limbe des enfants leur apporta aussi quelque consolation ; et qu’ils connurent alors qu’un jour ils reprendront leurs corps, et verront s’ouvrir pour eux une demeure moins sombre et plus riante que celle où la divine justice les retient captifs jusqu’au jour du grand jugement.

Nous vous saluons et nous vous adorons, âme de notre Rédempteur, durant ces heures que vous daignez passer avec nos pères, dans les entrailles de la terre. Nous glorifions votre bonté ; nous admirons votre tendresse envers vos élus dont vous avez daigné faire vos frères. Nous vous rendons grâces d’avoir humilié notre redoutable ennemi ; daignez l’abattre toujours sous nos pieds. Mais, ô Emmanuel, assez longtemps vous avez habité la tombe, il est temps de réunir votre âme à son corps. Le ciel et la terre attendent votre résurrection, et déjà votre Église impatiente de revoir son Époux a prononcé l’Alléluia ! Sortez du sépulcre, auteur de la vie ! Triomphez de la mort et régnez à jamais.

Le Missel ambrosien nous donnera, pour terminer cette journée et ce volume, l’une de ses plus belles pièces liturgiques. C’est la Préface pour la bénédiction du Cierge pascal, dans laquelle le mystère de cette dernière nuit est traite avec une onction touchante et un accent poétique digne d’un si grand sujet.

PRÉFACE.
Vere, quia dignum et justum est, æquum et salutare, nos tibi semper hic, et ubique gratias agere, Domine sancte, Pater omnipotens, æterne Deus. Qui populorum Pascha cunctorum, non pecudum cruore, nec adipe, sed Unigeniti tui Domini nostri Jesu Christi sanguine, corporeque dedicasti ; ut supploso ritu gentis ingratæ, legi gratia succederet, et una victima, per semetipsam tuæ Majestati semel oblata, mundi totius expiaret offensam.Il est digne et juste, équitable et salutaire que nous vous rendions de continuelles actions de grâces, ici et en tout lieu, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, qui avez consacré la Pâque à laquelle vous conviez tous les peuples, non par le sang et la graisse des agneaux, mais par le sang et par le corps de votre Fils unique Jésus-Christ Notre-Seigneur. En abolissant le rite d’une nation ingrate, vous avez fait succéder la grâce à la loi ; et une victime unique offerte une seule fois et par elle-même à votre Majesté, a suffi à la réparation des offenses du monde entier.
Hic est Agnus lapideis præfiguratus in tabulis : non abductus e gregibus, sed evectus e cœlo : non pastore indigens, sed Pastor bonus ipse tantummodo : qui animam suam pro suis posuit ovibus, et rursus assumpsit ; ut nobis et humilitatem divina dignatio, et spem resurrectio corporalis ostenderet. Qui coram tondente se non vocem queruli balatus emisit, sed evangelico proclamavit oraculo, dicens : Amodo videbitis Filium hominis sedentem ad dexteram Majestatis. Ipse nobis et te reconciliet, Pater omnipotens, et pari tecum Majestate fultus indulgeat.C’est là cet Agneau figuré sur les tables de pierre ; non tiré d’un troupeau, mais venu du ciel ; non conduit par un pasteur, mais lui-même le bon et unique Pasteur qui a donné sa vie pour ses brebis, et qui l’a reprise de nouveau ; la bonté divine nous donnant en lui la leçon de l’humilité et l’espérance de la résurrection pour nos corps. Cet agneau ne fit point entendre son bêlement plaintif à celui qui le tondait ; mais il prononça alors cet oracle évangélique : Un jour vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la Majesté divine. Qu’il daigne donc nous réconcilier avec vous, Père tout-puissant ; et qu’il nous soit propice lui-même dans sa Majesté égale à la vôtre.
Nam quæ patribus in figura contingebant, nobis in veritate proveniunt. Ecce jam ignis columna resplendet, quæ plebem Domini beatæ noctis tempore ad salutaria fluenta præibat : in quibus persecutor mergitur, et Christi populus liberatus emergit. Nam Sancti Spiritus unda conceptus, per Adam natus ad mortem, per Christum regignitur ad vitam. Solvamus igitur voluntarie celebrata jejunia, quia Pascha nostrum immolatus est Christus ; nec solum corpore epulemur Agni, sed etiam inebriemur et sanguine. Hujus enim tantummodo cruor non creat piaculum bibentibus, sed salutem. Ipso quoque vescamur et Azymo, quoniam non desolo pane vivit homo, sed de omni verbo Dei. Siquidem hic est Panis, qui descendit e cœlo, longe præstantior illo quondam mannæ imbre frugifluo, quo tunc Israel epulatus interiit. Hoc vero qui vescitur corpore, vitas perennis possessor existit.Voici maintenant que s’accomplit pour nous en réalité ce qui arriva en figure à nos pères. Déjà resplendit la colonne de feu qui guida, durant la nuit sacrée, le peuple du Seigneur vers les eaux dans lesquelles il devait trouver son salut ; vers ces eaux qui engloutissent le persécuteur, et du sein desquelles le peuple du Christ remonte délivré. Conçu de nouveau dans l’eau fécondée par le Saint-Esprit, le fils d’Adam, né pour la mort, renaît à la vie par le Christ. Hâtons-nous donc de rompre notre jeûne solennel ; car le Christ notre Pâque a été immolé. Non seulement nous sommes conviés au festin du corps de l’Agneau, mais nous devons encore nous enivrer de son sang. Ce breuvage n’est point imputé à crime pour ceux qui le boivent, mais il est en eux le principe du salut. Nourrissons-nous aussi de celui qui est l’Azyme ; car l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole de Dieu. Le Christ est le pain descendu du ciel, bien supérieur à celui qui pleuvait du ciel dans la manne, et dont Israël fit son festin pour mourir ensuite. Celui dont ce corps sacré est l’aliment devient possesseur de l’éternelle vie.
Ecce vetera transierunt : facta sunt omnia nova. Nam Circumcisionis Mosaicæ mucro jam scabruit, et Jesu Nave acuta lapidum obsolevit asperitas ; Christi vero populus insignitur in fronte, non inguine : lavacro, non vulnere : Chrismate, non cruore.Les choses anciennes ont disparu, tout est devenu nouveau : le couteau de la circoncision mosaïque est émoussé, et le rude tranchant de la pierre employée par Josué est hors d’usage. C’est au front et non en secret, que le peuple du Christ reçoit sa marque glorieuse ; c’est par un bain et non par une blessure, par le Chrême et non par le sang.
Decet ergo in hoc Domini Salvatoris nostri vespertinæ Resurrectionis adventu ceream nos adolere pinguedinem, cui suppetit candor in specie, suavitas in odore, splendor in lumine : quæ nec marcescenti liquore defluit, nec offensam tetri nidoris exhalat. Quid enim magis accommodum, magis festivum, quam ut Jesseico flori floreis excubemus et tædis ? Præsertim cum et Sapientia de semetipsa cecinerit : Ego sum flos agri, et lilium convallium. Ceras igitur nec pinus exusta desudat, nec crebris sauciata bipennibus cedrus illacrymat ; sed est illis arcana de virginitate creatio ; et ipsæ transfiguratione nivei candoris albescunt. Eamdem vero papyrum liquida fontis unda producit : quæ instar insontis animæ nullis articulatur sinuata compagibus ; sed virginali circumsepta materie fit hospitalis ignibus alumna rivorum.Il convient donc, en cette nuit de la résurrection de notre Seigneur et Sauveur, d’allumer un flambeau dont la blancheur flatte les regards, dont le parfum réjouisse l’odorat, dont l’éclat illumine, dont la matière ne cause pas de dégoût, dont la flamme n’exhale pas une noire fumée. Quoi, en effet, de plus convenable, de plus joyeux, que de célébrer les veilles de la nuit en l’honneur de celui qui est la fleur de Jessé, avec des torches dont la matière est empruntée aux fleurs ? La Sagesse a chanté, parlant d’elle-même : Je suis la fleur des champs et le lis des vallons. La cire n’est point une sueur arrachée au pin par le feu ; elle n’est point une larme enlevée au cèdre par les coups répétés de la hache ; sa source est mystérieuse et virginale ; et si elle éprouve une transformation, c’est en prenant la blancheur de la neige. Devenue liquide par la fusion, sa surface est unie comme le papyrus ; pareille à l’âme innocente, aucune division ne vient la briser, et sa substance, toujours pure, descend en ruisseaux pour devenir l’aliment de la flamme.
Decet ergo adventum Sponsi dulcatis Ecclesiam luminaribus opperiri : et largitatem sanctitatis acceptam quanta valet devotionis dote, pensare : nec sanctas interpolare tenebris excubias ; sed tædam sapienter perpetuis præparare luminibus : ne, dum oleum candelis adjungitur, adventum Domini tardo prosequamur obsequio : qui certe in ictu oculi, ut coruscus, adveniet.Il convient que l’Église attende l’arrivée de son Époux à la lueur de si doux flambeaux, et qu’elle reconnaisse par ses démonstrations le don si abondant de sainteté qu’elle en a reçu. Il convient que les ténèbres n’aient aucune part dans une si sainte veille, et que cette Vierge sage prépare son flambeau, pour préluder à l’éternelle lumière ; de peur que si nous avions encore à verser l’huile dans nos lampes, nous ne fussions tardifs dans nos hommages, à l’avènement du Seigneur qui doit arriver en un clin d’œil, et semblable à l’éclair.
Igitur in hujus diei vespere cuncta venerabilis sacramenti plenitudo colligitur : et, quæ diversis sunt præfigurata, vel gesta temporibus, hujus noctis curriculo devoluta supplentur. Nam primum hoc vespertinum lumen, sicut illa dux Magorum stella, præcedit. Deinde mysticas regenerationis unda subsequitur, velut dignante Domino fluenta Jordanis. Tertio resurrectionem Christi vox apostolica Sacerdotis annuntiat. Tum ad totius mysterii supplementum, Christo vescitur turba fidelium. Quæ summi Sacerdotis, et Antistitis tui Ambrosii oratione sanctificata et meritis, resurrectionis Dominicæ diem, Christo in omnibus prosperante, suscipiat.Le soir de ce jour recueille à lui seul la plénitude des plus augustes mystères. Tout ce qui fut figuré ou accompli en divers temps est rassemblé dans la solennité de la nuit qui va suivre. Ce flambeau du soir ouvre d’abord la fête, semblable à l’étoile qui conduisit les Mages. La fontaine mystérieuse de régénération parait ensuite, semblable au Jourdain, théâtre de la miséricorde du Seigneur. Vient après la voix apostolique du prêtre, annonçant la Résurrection du Christ. Enfin, pour complément du mystère tout entier, la foule des fidèles se nourrit de la chair du Sauveur. Rendue sainte par la prière et les mérites de votre grand Prêtre et Pontife Ambroise, qu’elle reçoive donc, par le secours du Christ, toutes les faveurs du grand jour de la résurrection.

Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum

DANS LA JOURNÉE.

Collecte au Latran pour les Catéchumènes.

Le samedi pascal comportait dans l’antiquité un jeûne si rigoureux qu’il se prolongeait du vendredi soir jusqu’à l’aurore de la résurrection. A Rome, les enfants eux-mêmes n’en étaient pas dispensés. C’est pour cette raison qu’on ne célébrait pas aujourd’hui le banquet eucharistique, puisque toute l’Église était comme dans la pieuse attente de l’arrivée de la nuit sacrée où l’on solenniserait le mystère de la résurrection du Christ.

Le Samedi saint de grand matin, au Latran, l’archidiacre faisait fondre de la cire ; il y répandait du chrême, la bénissait et la versait en de petits moules ovales sur lesquels était imprimée l’image du mystique Agneau de Dieu. Ces Agnus Dei étaient ensuite distribués aux fidèles à la messe du samedi in Albis, comme eulogies et souvenirs de la solennité pascale.

Hors de Rome, là où était en vigueur l’ancien rite du Lucernaire du soir et de la bénédiction du cierge pascal, la cire dont se tiraient les Agnus Dei était précisément celle qui restait du grand cierge destiné à éclairer l’ambon dans la nuit de Pâques. Toutefois Rome consentit plus tard seulement à adopter ce rite du Lucernaire pascal et pour s’adapter à l’usage répandu depuis le Ve siècle, de distribuer au peuple des Agnus Dei de cire, elle en attribua la confection à l’archidiacre.

Il faut remarquer en effet qu’à Rome, à la différence des autres Églises, ces eulogies papales étaient sans relation avec le cierge pascal. Durant le bas moyen âge, la signification et l’efficacité de ces Agnus Dei furent décrites dans les vers léonins suivants :

Hymnus Hymne
Balsamus et munda cera cum chrismatis unda,
ConficiuntAgnum, quod munus do tibi magnum.
Fonte velut natum, per mystica sanctificatum.
Fulgura desursum pellit et omne malignum.
Peccatum frangit, ut Christi sanguis et angit,
Pregnans servatur, simul et partus liberatur.
Munera fert dignis, virtutem destruit ignis,
Portatus munde, de fluctibus eripit undæ.
Morte repentina servat, Satanæque ruina,
Si quis honorat eum retinet super hostem trophæum.
Parsque minor tantum, tota valet integra quantum.
Agnus Dei, miserere mei ;
Qui crimina tollis, miserere nobis.
Le baume et la cire pure joints à la liqueur du chrême,
Composent l’Agneau que je t’offre comme un don précieux.
Comme né de la fontaine, sanctifié par des mystères,
Il éloigne la foudre et tout mal.
Il brise le péché, et le détruit, tout comme le fait le sang du Christ,
Il conserve la mère, et lui vaut une heureuse délivrance.
Il apporte des dons à ceux qui en sont dignes, il détruit la force du feu ;
Porté dignement, il arrache aux flots de l’onde.
Il préserve de la mort subite, et des malheurs sataniques ;
Si quelqu’un l’honore, il aura la victoire sur l’ennemi.
Un fragment vaut autant que l’Agnus entier.
Agneau de Dieu, ayez pitié de moi ;
Vous qui effacez les péchés, ayez pitié de nous.

Dans les siècles plus rapprochés de nous, la bénédiction des Agnus Dei fut réservée aux pontifes romains, qui ont l’habitude de l’accomplir solennellement au commencement de leur pontificat, puis tous les cinq ans.

Selon les Ordines Romani, le Samedi saint, vers l’heure de tierce, les catéchumènes se réunissaient une avant-dernière fois au Latran dans la basilique du Sauveur. Les garçons se rangeaient à droite, et les filles à gauche.

Le prêtre commençait par tracer sur leur front le signe de la rédemption ; puis, imposant les mains sur la tête de chacun, il récitait l’exorcisme : Nec te lateat, Satana, qui fait encore partie du rituel baptismal pour les adultes.

Après l’injonction faite à Satan de se retirer et de faire place à l’Esprit Saint, pour évoquer le souvenir du Sauveur qui, d’un peu de salive et au commandement : Ephpheta guérissait les aveugles, les sourds et les muets, le prêtre touchait, de son doigt humecté de salive, le nez et les oreilles des catéchumènes, leur disant encore à chacun : « Ouvre-toi à la grâce du Saint-Esprit. Et toi, démon, va-t’en, car le jugement de Dieu est imminent. »

Dans l’antiquité, alors que le monde demeurait en grande partie corrompu et idolâtre, le baptême des adultes comportait vraiment une conversion décisive à Dieu, et était le résultat d’une lutte suprême entre l’âme et le démon. L’âme voulait s’affranchir de la servitude honteuse de Satan, qui, par les séductions du vice et la force des passions, faisait tout pour ne pas laisser échapper sa proie. L’instant où le catéchumène descendait dans la piscine baptismale était le moment décisif de la lutte ; aussi, à l’imitation de ce qu’avaient coutume de faire les athlètes dans le stade, où, avant de commencer à lutter, ils oignaient d’huile leurs membres, la sainte Mère Église oignait ses athlètes avec l’huile bénite des catéchumènes, afin de les fortifier pour le combat.

Le moment était solennel. A la demande du Pontife : « Renonces-tu à Satan ? » chacun des aspirants, l’index tendu vers l’Occident, région des ombres, du couchant et des ténèbres nocturnes, disait : « Je renonce à toi, ô Satan, à ta gloire, à tes œuvres. » Puis, se tournant vers l’Orient, le candidat prononçait la formule sainte de sa consécration : « Je me dédie à toi, ô Lumière incréée. »

Après une nouvelle imposition des mains du prêtre et un nouvel exorcisme, venait la cérémonie très solennelle de la redditio Symboli, dans laquelle les catéchumènes devaient faire leur profession de foi chrétienne, selon la formule qui leur avait été précédemment expliquée par le Pontife, dans la station in aperitione aurium, le mercredi précédant le dimanche de la Passion. Les Ordines Romani qui nous décrivent les rites de l’initiation chrétienne en usage au VIIIe siècle simplifient beaucoup ici la cérémonie, et font réciter le Credo — et c’est là la première destination liturgique du symbole : une formule prébaptismale de foi catholique — par le prêtre seul ; pendant qu’il imposait les mains sur les aspirants. Mais saint Augustin, nous décrivant dans ses Confessions [21] la conversion du rhéteur Victorin, nous dit qu’à Rome il était d’usage que les catéchumènes eux-mêmes, chacun à son tour, récitassent le symbole à l’ambon, en présence du peuple, déclarant ainsi publiquement leur foi.

Quand arriva le tour de Victorin, ajoute le saint, les prêtres par égard à la célébrité de sa réputation, lui offrirent de recevoir en particulier sa profession de foi, lui épargnant ainsi cette comparution en public ; mais le pieux converti ne voulut pas accepter cette exception faite en sa faveur, observant que, de même qu’autrefois il n’avait pas éprouvé de difficulté à tenir publiquement école d’éloquence, ainsi ne pouvait-il se dispenser maintenant d’annoncer devant la multitude du peuple sa foi chrétienne.

Il monta donc à l’ambon. En le voyant, la foule poussa un cri de joie et d’admiration tout ensemble : Victorin ! Victorin ! Et Victorin, intrépide à l’ambon, récita au milieu de l’émotion de l’assemblée son Credo, ce Credo qui, sur ses lèvres et en ce moment, revêtait une signification spéciale, puisqu’il représentait une nouvelle victoire de la folie de la Croix sur tout l’orgueil de la sagesse charnelle. C’était une nouvelle apologie du christianisme, un triomphe de la Foi.

Après une dernière prière, les catéchumènes étaient congédiés : Catechumeni recedant. Filii charissimi, revertimini in locis vestris, expectantes horam qua possit circa vos Dei gratia baptismum operari [22].

De même que le Christ, durant toute la journée du sabbat, avait reposé dans le sépulcre, ainsi, en ce même jour, les fidèles, jeûnant et priant, avaient coutume d’attendre que l’astre des nuits apparût au ciel, pour se rendre alors au baptistère apostolique de la via Salaria ou du Vatican, où, primitivement, l’on administrait le baptême.

Dans les anciens Ordines on ne parle pas d’Office divin le Samedi saint. Outre un mobile de sage discrétion, eu égard au jeûne et aux fatigues de la vigile pascale qui allait commencer, il semblait, tant que le Christ était retenu dans le sépulcre, que la prière privée s’adaptait mieux au pieux symbolisme de cette attente. Le psautier nous apprend très heureusement à pénétrer ce mystère, puisqu’un grand nombre de psaumes décrivent précisément les sentiments de Jésus qui, dans l’obscurité de la tombe, supplie le Père de lui accorder le triomphe de sa résurrection.

Au soir de la parascève, le terrible artisan, qui avait accompli son œuvre réparatrice pour trente deniers, — et qui, par la bouche de Jérémie avait même défié Israël de trouver quelque chose à reprendre à son travail et à l’équité du salaire, — cet artisan inflexible s’était pourtant étendu sur son lit de repos, et les disciples, portant son cadavre au tombeau, avaient chanté, selon le rituel funéraire des Hébreux, le beau psaume : Qui habitat in adiutorio Altissimi, avec le verset fatidique : In pace, in idipsum dormiam et requiescam [23].

Maintenant l’humiliation et le sacrifice devaient être complets, et tandis que l’âme de Jésus annonçait la Rédemption déjà accomplie aux trépassés se trouvant dans les Limbes, son corps, à l’égal d’un grain de blé déposé dans le sein de la terre, devait subir l’humiliation du tombeau ; personne ne pourrait, de la sorte, douter de la vérité de sa mort, et, par suite, de sa résurrection future. Bien plus, pour exclure toute possibilité de doute, tous les amis de Jésus sont éloignés de sa tombe, et les Juifs sont eux-mêmes chargés par la sagesse de Dieu d’exécuter la reconnaissance juridique des faits qui se déroulent à l’intérieur de la caverne sépulcrale. Le Sanhédrin y appose donc ses sceaux, et place ses gardes en faction afin que personne n’ose toucher, d’aucune façon, à ce tombeau... Mais quoi ?... A l’aube du troisième jour, le Christ ressuscite triomphant de la mort ; les apôtres, et, durant plus de dix-neuf siècles l’Église, le prêchent vraiment vivant à toutes les nations croyantes, qui, grâce à la foi, ont part, elles aussi, à sa résurrection. Et Israël ? Tandis que l’humanité tout entière, en une Pâque sans fin, célèbre son propre triomphe sur la mort et sur l’enfer, la Synagogue se tient encore, en armes, au sépulcre du Crucifié, prête à mettre la main à l’épée si le Christ osait briser les sceaux du Sanhédrin et sortir libre de sa tombe.

Le temps où Jésus demeure au tombeau désigne fort bien celui de notre vie présente, qui n’est qu’une attente de notre future et complète résurrection. Maintenant, nous commençons à ressusciter à la grâce, et c’est pourquoi cette nuit, célébrant la solennité pascale, nous ne disons pas la Pâque du Christ, mais bien Pascha nostrum immolatus est, notre Pâque a été immolée. Toutefois la fête n’est pas complète ; trop de choses demeurent en nous inertes dans le sépulcre de la nature corrompue, ou sont encore enveloppées dans les ombres de l’ignorance. La Foi cependant nous soutient, et l’espérance se porte garante pour nous aussi. Mais, en attendant, nous devons nous résigner à passer, dans une pieuse attente, notre mystique Samedi saint. Cette résurrection partielle de l’âme nous est accordée comme par anticipation — de même que la discipline ecclésiastique actuelle anticipe la célébration de la résurrection de Jésus au dernier jour du Carême. Mais il s’agit d’un simple acompte. Il demeure toujours vrai qu’aujourd’hui c’est le temps de la passion et du carême. Elle viendra, elle viendra, la Pâque véritable et complète dans sa plus vaste signification. Et quand ? Lorsque le Christ, lui aussi, cessera d’offrir quotidiennement, par la main de ses prêtres, les mystères eucharistiques commémorant sa mort, et inaugurera sur l’autel du ciel une liturgie nouvelle, celle de l’universelle et éternelle Pâque de résurrection.

LA VEILLÉE SACRÉE

Station au Latran
(primitivement à Saint-Pierre).

Avant-hier, le Christ crucifié s’est revêtu pour nous de malédiction ; il est mort sur un gibet d’infamie, abandonné comme un coupable à l’inexorable justice de Dieu, non moins qu’à la rage de l’enfer et à la haine de ses ennemis. Il est mort, et avec lui est morte toute l’humanité ; comme elle mourut une première fois à la sainteté et à l’innocence originelle à cause du péché d’Adam, ainsi, dans le Christ et par le Christ, elle meurt maintenant au péché et à l’ancienne Loi, se rendant, par le moyen de la foi, solidaire de l’expiation et du sacrifice de Jésus.

Et pourtant le moment est enfin arrivé où cette pauvre humanité brisée, meurtrie, déchirée dans le divin Crucifié, mais qui a toutefois donné à Dieu une satisfaction proportionnée à son erreur, va être réintégrée dans son ancien honneur. Sur la croix, Jésus s’abandonne et se livre au Père. Le Père agrée cette offrande et, recevant dans son cœur ce don, — un froid cadavre, tout couvert de crachats et de blessures, — il le réchauffe et lui communique sa vie. Jésus ressuscite à l’aube du troisième jour, mais comme il avait associé à son expiation toute l’humanité, ainsi unit-il à son triomphe son corps mystique tout entier, sur lequel il répand, en qualité de Chef, la gloire de sa résurrection.

Il est donc mort comme l’enseigne l’Apôtre, à cause de nos péchés, et il est ressuscité pour en détruire les effets, nous restituant, avec la grâce et la justice, le droit à la gloire. La Pâque de Jésus est donc notre Pâque, puisque, si au soir de la Parascève nous sommes tous morts en lui sur la Croix, cette nuit, en lui encore, nous ressuscitons à une vie nouvelle selon Dieu.

C’est là le motif pour lequel l’Église, spécialement en Occident, a réservé à la fête pascale, dès l’antiquité la plus reculée, l’administration solennelle du baptême, par lequel, comme l’explique saint Paul, nous descendons dans la piscine comme pour y être ensevelis avec le Christ, et de là, ressusciter à l’image de sa sainteté, à une vie nouvelle de grâce.

Il y a donc un lien intime entre le baptême et la fête de Pâques ; aussi l’Église, dans la solennelle liturgie de cette semaine, entrelace-t-elle et fond ensemble ces deux concepts, ces deux résurrections, pour chanter les gloires d’une unique Pâque, celle de Jésus Chef et de son corps mystique.

Une ancienne tradition orientale rapportait que la venue finale du Christ — laquelle, grâce à la résurrection universelle des corps, peut vraiment être regardée comme l’achèvement et la plénitude de la Pâque chrétienne — devait arriver durant la nuit anniversaire de la résurrection du Seigneur. C’est pourquoi le peuple se réunissait dans l’église et veillait en attente de la Parousie ; après minuit, rien n’étant apparu du ciel, on en concluait que cette année encore le monde ne finirait pas, et l’on célébrait la Pâque.

Quoi qu’il en soit, l’usage de passer en prière la nuit du samedi au dimanche pascal est fort ancien. Tertullien en parle comme d’une loi dont on ignore l’institution, et de laquelle personne ne pouvait s’exempter. Ce ne fut que dans le bas moyen âge que la cérémonie fut anticipée définitivement et célébrée l’après-midi, et plus tard, avancée même jusqu’à la matinée du samedi saint.

La plus ancienne description de la veillée pascale nous est fournie par le martyr Justin dans son Apologie ; le baptême suivi de la messe doit, d’après son texte, représenter précisément les rites que nous retraçons, puisqu’ils succédaient à un jeûne solennel et public, non seulement des catéchumènes, mais de toute la communauté chrétienne ; jeûne qui, à cette époque, ne pourrait être identifié qu’avec le jeûne précédant la solennité de la résurrection du Seigneur.

A l’époque classique de la sainte liturgie à Rome, c’est-à-dire après le temps de saint Grégoire, toute la cérémonie de la vigile de Pâques se déroulait magnifiquement au Latran, ainsi que nous la décrivent les plus anciens Ordines Romani. A l’origine pourtant, le baptême à Rome était mis en relation avec Pierre, puisqu’on l’administrait dans le cimetière ad Nymphas ubi Petrus baptizabat [24], entre la voie Nomentane et la voie Salaria, ou dans le sanctuaire apostolique ad Catacumbas, et plus particulièrement dans le baptistère damasien à Saint-Pierre. C’est en effet à ce dernier que, selon toute probabilité, l’on doit rapporter l’inscription lue et recopiée dans les anciens recueils romains, et que nous avons déjà citée ailleurs : Auxit Apostolicæ geminatum Sedis honorem [25]. L’importance de ces vers réside dans le lien qu’ils établissent entre le baptême romain et les Princes des apôtres Pierre et Paul. Ce siège, dit le poète anonyme, est déjà célèbre parce que fondé par les deux Chefs du Collège apostolique ; mais le Christ a voulu l’exalter encore plus, car celui à qui Il confia la porte du royaume céleste, jouit aussi dans ce temple de la seconde clef, qui ouvre les vestibules du ciel.

La cérémonie qui va se dérouler sous nos yeux, et qui exprime en des couleurs si suggestives et si vives une sainte et terrible réalité, nous voulons dire la résurrection du Christ et de l’Église, se compose de trois parties distinctes : d’abord l’office de la vigile, auquel sert de prélude le rite de la bénédiction du lucernaire, puis le baptême et enfin la messe. A l’origine, sauf le baptême, l’habituelle pannuchis qui, au IIIe siècle, sanctifiait, chaque semaine, la nuit du samedi au dimanche, ne devait pas comprendre des rites bien différents de ce que le Missel romain actuel prescrit pour la vigile pascale. Bien plus, avant que la piété monastique eût créé, vers le Ve siècle, le type de l’office nocturne contenu dans nos Bréviaires, l’antiquité chrétienne la plus reculée, en ses ordinaires veillées dominicales et aux anniversaires des martyrs dans les cryptes des cimetières et les Titres urbains, ne connaissait d’autre forme d’office vigilial que celle qui a servi de modèle pour la rédaction de la solennelle préparation liturgique à la fête de Pâques ; il se trouve ainsi que la cérémonie actuelle du Missel in Vigiliis Paschæ représente et conserve intact le type de l’office nocturne primitif selon l’usage romain.

La première partie de la cérémonie actuelle a pour objet la bénédiction du feu et du cierge pascal. Elle constitue une altération de la primitive Eucharistia lucernaris, et, comme telle, elle est tout à fait étrangère à l’antique tradition liturgique du Siège apostolique, au point d’être absente des plus anciens Ordines Romani. Le mérite de l’avoir introduite à Rome revient à cette espèce de compromis entre les usages gallicans et la liturgie romaine qui fut conclu durant la première période carolingienne ; en sorte que le résultat de cette fusion, grâce aux nouveaux dominateurs francs, finit par obtenir droit de cité même dans la Ville aux sept collines.

Pour l’Eucharistia lucernaris, en tant qu’elle se rapporte en particulier à cette première partie de la liturgie romaine de la vigile pascale, il faut observer que toute la bénédiction actuelle du feu, avec ses quatre collectes de rechange, quelque inspirées et émouvantes qu’elles soient vraiment, représente une curieuse équivoque dans l’interprétation de la rubrique et de la terminologie médiévale. Il n’y était, en effet, question ni de feu ni de brasier, et moins encore de larmes d’encens, l’objet du rite sacré était le Lucernaire ou le fait d’allumer, au début de la sainte veillée, le cierge qui devait brûler à côté du lutrin, comme une sorte de poétique sacrifice de lumière, la cire se détruisant comme pour rendre hommage à Celui qui est lumière de lumière, et qui, venu dissiper les ténèbres du monde, entend être précisément ce claritatis tuæ ignem [26] dont parle la première oraison, c’est-à-dire ce lumen quod a te sanctificatum atque benedictum est [27]. Bien plus, la collecte elle-même que maintenant la rubrique du Missel attribue à la bénédiction des grains d’encens, se rapporte en réalité au nocturnum splendorem [28], qui doit briller, afin que arcana luminis tui admixtione refulgeat [29]. En un mot, il s’agit du cierge pascal, dont les fidèles des premiers temps, comme nous l’apprend Ennodius et comme l’atteste encore la prière elle-même du Missel, avaient coutume d’emporter chez eux de petits fragments à titre d’eulogies : In quocumque loco ex huius sanctificationis mysterio aliquid fuerit deportatum, expulsa diabolica fraudis nequitia, virtus tuæ maiestatis assistat [30].

Il subsiste encore quelque chose de cet usage. De nos jours en de nombreux endroits de l’Italie, le peuple conserve une grande dévotion pour les fragments, non plus du cierge pascal, mais de la cire du Lumen Christi que l’on enferme dans de petits sachets de soie pour être suspendus au cou des enfants. Nous ne savons comment la pensée s’est à ce point écartée du cierge de la vigile, qu’elle a fini par aboutir aux larmes résineuses de l’encens, alors que les mots incensum, incensi sacrificium, incensum lucernæ exprimaient sans aucun doute, dès le Ve siècle, et visaient le rite de l’allumage du cierge qui, placé auprès de l’ambon, devait éclairer l’église durant ces saintes veilles.

Le triple cierge que le diacre allume au chant des mots : Lumen Christi, paraît être un autre rite de rechange pour le Lucernaire. Peut-être, de la lointaine liturgie hispanique, est-il venu à Rome par l’intermédiaire des rits gallicans.

Suit une troisième formule de l’Eucharistia lucernaris, mais cette fois elle est classique, et on l’a attribuée à saint Augustin. En tout cas, elle date au moins du IVe siècle, alors que commença toute cette floraison de compositions liturgiques en forme d’anaphores, dont le Sacramentaire léonien nous conserve ça et là de curieux exemples.

Saint Jérôme déplore l’inspiration presque profane que plusieurs diacres de son temps donnaient au præconium pascal, citant Virgile à propos des abeilles laborieuses et chastes. De tels thèmes furent développés durant plusieurs siècles encore, à l’occasion de la vigile de Pâques ; le rouleau de l’Exsultet de Bari, du XIIIe siècle, en est la preuve. La formule romaine se distingue par sa sobriété et son onction. Elle n’est pas dépourvue d’élan lyrique, et parfois l’inspiration en est si véhémente qu’elle semble transporter l’auteur dans les régions les plus sublimes de la mystique chrétienne, par exemple quand il veut établir les avantages qui ont résulté, pour l’humanité, de la présente économie de la rédemption du monde, perdu jadis par le péché. Sans doute, le plan actuel choisi par Dieu pour atteindre sa glorification grâce à Jésus, Sauveur du genre humain, est, entre tous, le plus digne de la Divinité, le plus glorieux pour le Christ, le plus utile pour nous. En ce sens, l’on peut dire avec l’Église : O felix culpa, o certe necessarium Adæ peccatum [31], puisque, dans la sagesse de Dieu, ces maux ont été précisément les causes occasionnelles d’un si grand bien. Partant, un esprit étroit, qui s’arrête au simple concept du péché et de l’offense de Dieu, et n’étend pas ses considérations à tout le plan grandiose de la réparation du monde — Dieu sachant tirer du mal le plus grand bien — peut seul trouver à redire à cette formule. Prise en dehors de son contexte, elle surprendrait sans doute une âme pieuse — et c’est ainsi qu’à Cluny on la supprima — mais entendue au sens qui ressort de toute la composition, elle exprime avec vérité le cri d’enthousiasme et de gratitude qui jaillit de l’âme croyante, quand elle contemple le mystère de sa rédemption. De même, en face du Jugement dernier de Michel-Ange, dans la chapelle Sixtine, un esprit sentant moins fortement que le grand artiste le frémissement du Dies iræ, dies illa, pourra-t-il trouver exagérée et étrange toute cette scène, où, devant le Juge redoutable, il semble que tremble même sa Divine Mère ! Pour comprendre certains puissants effets du génie, il faut d’abord les ressentir et cela est vrai par-dessus tout pour la sainte liturgie ; pour bien la goûter, il est nécessaire de la vivre en son âme.

VIGILE DE PÂQUES.

I. L’ « Eucharistia lucernaris ».

Le prêtre salue le peuple et récite plusieurs formules euchologiques de rechange, qui, primitivement, se rapportaient au cierge allumé au début de la vigile et, plus tard seulement, ont été appliquées à la bénédiction du feu.

La première prière s’inspire du fameux hymne lucernaire de Prudence, où l’étincelle jaillie de la pierre s’élève jusqu’à symboliser notre âme, qui tire du Christ, pierre mystique, le feu de la charité et la vie de la grâce : « O Dieu qui par votre Fils, pierre angulaire, avez accordé à vos fidèles le feu de votre splendeur, sanctifiez pour nos usages cette flamme nouvellement tirée du silex, et faites que cette solennité pascale nous enflamme à ce point de célestes désirs, que nous puissions arriver avec un cœur pur à la fête éternelle de votre lumière. Par le même Seigneur, etc. »

La prière suivante elle aussi, plutôt qu’au feu, s’applique à la bénédiction de la lumière du soir, selon le rite primitif : « O Seigneur Dieu, Père tout-puissant, lumière indéfectible, qui êtes l’auteur de toute autre lumière ; Vous qui avez illuminé le monde entier, bénissez aussi cette lumière déjà consacrée et sanctifiée par Vous, afin que sa flamme nous réchauffe et que nous méritions d’être éclairés par les rayons de votre splendeur. Et comme vous éclairâtes (la route de) Moïse sortant d’Égypte, ainsi illuminez nos sens et notre cœur, pour que nous méritions d’arriver à la vie et à la lumière éternelle. Par le Christ, etc. »

L’équivoque liturgique et le désordre que nous trouvons dans ces collectes de rechange prouvent une fois de plus qu’elles n’appartiennent pas à la primitive tradition liturgique romaine, et représentent des interpolations étrangères qui, toutes vénérables qu’elles soient, défigurent néanmoins la solennelle simplicité de cette sorte d’édifice que constitue la liturgie de l’Église de Rome : « Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, daignez coopérer avec nous, tandis qu’en votre nom, en celui de votre Fils unique, notre Seigneur Jésus-Christ, et du Saint-Esprit, nous bénissons cette flamme. Aidez-nous contre les traits embrasés de l’adversaire et éclairez-nous par votre céleste grâce. Vous qui vivez, etc. »

La dernière prière, qui maintenant se récite pour la bénédiction des grains d’encens que l’on fixe ensuite en forme de croix dans le cierge pascal, représentait primitivement elle aussi une autre formule de rechange pour la bénédiction de la lumière du soir. L’équivoque s’est introduite très tardivement, causée par le mot incensum, qui, à l’origine, signifiait la lumière du cierge, et, par la suite, désigna la résine parfumée : « Que votre abondante bénédiction, Seigneur tout-puissant, descende sur ce cierge ; Vous, invisible régénérateur, allumez ce flambeau nocturne, afin que ses rayons symboliques éclairent le sacrifice qui est offert en cette nuit, et qu’en outre, partout où sera introduite une parcelle de ce cierge sacré, soient éloignées toute fraude et malice de Satan, et qu’on ressente la puissance de votre majesté. Par le Christ, etc. »

Cette prière fait allusion à l’ancien usage de partager parmi le peuple les restes du cierge pascal, en guise d’eulogie ou d’objet bénit. A Rome, au VIIe siècle, comme nous l’avons dit, l’archidiacre, le matin du samedi saint, faisait un mélange de cire fondue et d’huile bénite, et, au moyen d’un moule, y découpait de petits disques portant gravée l’image de l’Agnus Dei. Ces objets étaient distribués aux fidèles durant l’octave de Pâques, pour qu’ils les fissent brûler dans leurs demeures en cas de maladie ou de tempête. C’est là l’origine de ce qu’on appelle les Agnus Dei, que bénit maintenant, à des époques déterminées, le Souverain Pontife lui-même.

Après la lecture des quatre premières formules de cette Eucharistia lucernaris, qui actuellement sont récitées par le prêtre sur le seuil de l’église, devant un brasier allumé et un plateau contenant les grains d’encens, le diacre se revêt de la blanche dalmatique pascale, et le cortège s’avance processionnellement vers l’autel. Pour éclairer la route, — car tel est le sens primitif de la cérémonie, — le diacre allume successivement, les trois cierges placés à l’extrémité d’un roseau, disant chaque fois, comme dans le rit mozarabe du Lucernaire quotidien : « La lumière du Christ. » R/. : « Rendons grâces à Dieu. »

A Rome, au VIIIe siècle, avant que le clergé entrât dans l’église pour la célébration de la vigile, on allumait le cierge sur l’ambon, et l’on commençait la lecture des Prophètes. A une époque postérieure, le diacre, après avoir demandé la bénédiction du prêtre, saluait le peuple et chantait lui-même la collecte qui servait comme de préambule à la bénédiction du cierge ou, ainsi que l’on disait, sa sanctificatio. Après la collecte, venait le chant de la splendide prière eucharistique, désignée aussi sous le nom général de préface. Les Sacramentaires en contiennent différentes formules, mais roulant toutes, depuis le temps de saint Jérôme, sur le même thème obligé, car le concept en est toujours identique.

C’est au diacre qu’il appartient d’allumer le cierge pour la veillée. Par suite le chant qui, à l’occasion de la vigile pascale, accompagne le rite symbolique de cette soirée du sabbat lui est également réservé. Il est inutile de dire que ce rite du lucernaire provient lui aussi des traditions de la Synagogue.

Le Diacre : « De grâce, Seigneur, bénissez-moi. » Le Prêtre : « Que le Seigneur soit dans votre cœur et sur vos lèvres, afin que vous accomplissiez dignement et comme il convient, la proclamation de sa Pâque. Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » Suit la fameuse formule d’Eucharistia lucernaris. Cette composition diaconale a un caractère tout particulier et la tradition liturgique voulait que le texte en fût lu sur un rouleau de parchemin, que le diacre déroulait peu à peu du haut de l’ambon. Il était généralement historié, mais les scènes étaient peintes à l’envers du texte pour être vues du peuple à mesure que le lecteur déroulait le volumen.

A un moment, le diacre fixe dans le cierge, en forme de croix, les cinq grains d’encens. Puis il poursuit : « A l’occasion de cette nuit, accueillez, ô Père saint, le sacrifice nocturne de cette lumière que vous offre la sainte Église, vous présentant solennellement, par la main des lévites, le cierge provenant du travail des abeilles... Et maintenant que nous connaissons les significations de cette colonne, voici qu’à l’honneur de Dieu elle s’allume au moyen de l’étincelle enflammée. » Il est évident qu’il y a ici une lacune, puisque le sens présente une coupure. On a en effet supprimé tout ce qui était dit ici de la chasteté des abeilles et de leur amour du travail, passage que nous trouvons dans d’autres Exsultet, hors de Rome.

II. Les saintes Vigiles.

Quand a pris fin l’Eucharistia lucernaris (qui correspondait en partie, comme heure canonique et comme signification, au prélude des vêpres), commencent immédiatement les Vigiles, lesquelles, durant les trois premiers siècles à Rome, consistaient exclusivement en une série de lectures scripturaires, séparées par des collectes et par le chant responsorial des psaumes. Plus tard seulement l’influence monastique a donné à l’Office divin un plan et un type tout différent.

Une très ancienne tradition réservait aussi à l’office du matin le chant d’une série d’odes prophétiques, passées de la Synagogue à l’Église. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, dans la veillée pascale, après les lectures, les chants responsoriaux ne sont pas empruntés au Psautier mais à l’antique recueil des Odes matutinales. En somme, la vigile pascale décrite dans le Missel Romain a une importance capitale, puisqu’elle conserve encore, presque intact, le type primitif de la vigile dominicale romaine, suivie du sacrifice eucharistique, selon l’usage en vigueur aux premiers siècles de l’Église.

Saint Grégoire réduisit à six le nombre des lectures ; mais quelque temps après, l’antique tradition duodénaire du Sacramentaire Gélasien, si répandu en Italie et en France, prévalut à Rome également.

Les collectes qui suivent les lectures sont remarquables : avec la brièveté du style lapidaire, elles font ressortir leur signification mystique, en les mettant en relation avec le baptême.

La première leçon est tirée de la Genèse (I, 1-31 et II, 1-2) ; l’œuvre de la création y est décrite. Le monde est le chef-d’œuvre de la sagesse de Dieu, et tout ce qui a l’être est beau, parce qu’il est sorti de ses mains. Par suite le monde est comme un temple immense que Dieu lui-même a élevé à sa propre gloire ; et nous qui nous servons, par concession de Dieu, des créatures inférieures, nous le devons faire avec de grands égards et avec respect, usant d’elles toujours pour la fin que Dieu s’est proposée en nous les concédant.

Les Saints aimaient toutes les créatures, parce qu’ils reconnaissaient en elles une certaine fraternité — rappelons-nous « le frère feu, le frère loup, le frère soleil », de saint François — par rapport à Dieu qui est notre commun Père. Quand, d’autre part, l’Écriture met dans la bouche du Seigneur les paroles : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance », les saints Pères expliquent que cette image et cette ressemblance ont une signification très profonde et très exacte, puisqu’on les peut entendre de l’élévation de la créature raisonnable à l’état surnaturel au moyen de la grâce. Celle-ci élève intrinsèquement la nature créée et lui confère, autant qu’il est possible à une créature, une sublime conformité avec la nature divine. C’est en ce sens que l’apôtre saint Pierre nous déclare Divinæ naturæ consortes [32].

Après la lecture, toute l’assemblée, à l’invitation du diacre, ployait les genoux et se recueillait pour méditer quelques instants ; puis le prêtre prenait la parole et récitait la collecte. Le Diacre : « Fléchissons les genoux. » R/. : « Levez-vous. »

« O Dieu qui avez merveilleusement créé l’homme, et plus merveilleusement encore l’avez racheté ; faites qu’à l’attrait sensible du péché nous opposions le refus de l’esprit, afin d’arriver aux joies éternelles. Par notre Seigneur, etc. » On peut comparer la rédemption à une seconde création, puisque par elle l’homme, qui s’était livré comme esclave au démon, est rendu à sa première dignité de fils de Dieu. Les appâts dont Satan se sert pour nous attirer au péché sont spécialement les sens ; mais la raison, illuminée par la foi, dissipe le charme et la fascination de cette fantasmagorie sensible.

La seconde lecture (Gen., V, VI, VII et VIII) est en intime relation avec la première, et, par suite, avec l’œuvre de la Rédemption. Comme au début Dieu avait tiré du néant l’univers, ainsi maintenant, au moyen de l’arche de Noé qui abrite les réserves de la création, il le renouvelle. Saint Pierre donne une explication profonde de ce symbolisme de l’arche qui flotte sur les eaux du déluge universel : elle figure l’Église, c’est-à-dire la société de tous ceux qui, grâce à l’eau du baptême, sont élus pour constituer le temple spirituel du vrai Dieu. De même que l’arche de Noé renouvela la vie du monde entier, ainsi maintenant le saint baptême submerge un état de choses désormais intolérable et y met fin, en inaugurant le Testament Nouveau de paix et d’amour.

Après la lecture vient la collecte suivante, qui est d’une profondeur de doctrine ascétique vraiment digne de l’âge d’or de la liturgie romaine. En général, et il faut le dire une fois pour toutes, les collectes qui, en cette veillée pascale, servent de conclusion aux lectures, sont parmi les plus admirables de la liturgie et pourraient servir de thème à tout un traité d’ascèse sur l’œuvre de la Rédemption humaine. « O Dieu, force immuable et lumière éternelle, regardez avec bonté le mystère sacré de votre Église, et par votre action continuelle et paisible, conduisez à bonne fin l’œuvre du salut humain. Que le monde entier voie et expérimente en lui-même que vous le relevez de toute la profondeur de son abaissement, que vous le rajeunissez de toute sa vieillesse, et que vous le rendez à son intégrité première par Celui qui est principe de tout, Jésus-Christ, notre Seigneur, qui vit et règne, etc. »

Il n’y a pas en Dieu succession de plans. Artiste génial, il a conçu le monde d’un seul jet, à ce point que saint Augustin lui dit : mutans opera, sed non mutans consilium [33]... Tout l’ensemble des choses entre donc dans un plan unique et magnifique, où se manifeste la gloire de la bonté de Dieu.

La troisième lecture (Gen., XXII, 1-19) traite d’Abraham sacrifiant Isaac, et, par sa foi, méritant la grâce de devenir le prototype et le patriarche d’un peuple innombrable de croyants, auquel il transmettra en héritage sa propre bénédiction. Ce peuple descendra d’Abraham, non par une génération charnelle, comme la nation juive, mais par les mérites de la foi en Celui auquel le patriarche chaldéen avait cru, adorant de loin le Christ qui devait venir.

Le sacrifice d’Isaac, fils premier-né d’Abraham, symbolise aussi celui de Jésus, que l’Éternel livre à la mort pour l’amour de nous. Jésus, comme Isaac, accepte par obéissance volontaire ; il se laisse donc charger sur les épaules le bois du sacrifice, et il gravit la montagne.

La collecte suivante explique le lien symbolique qui existe entre la lecture et la régénération pascale du monde au moyen de la foi et du baptême sacramentel : « O Dieu, souverain Père des fidèles, vous qui, répandant largement la grâce de votre adoption, multipliez sur toute la terre les enfants de votre promesse ; vous qui, au moyen du Sacrement pascal, avez fait que votre serviteur Abraham devînt père de tous les peuples, selon ce que vous lui promîtes avec serment ; ah ! faites que ces mêmes peuples puissent maintenant arriver dignement à la grâce d’être appelés par vous (à faire partie de la famille chrétienne). Par notre Seigneur, etc. »

La quatrième lecture, tirée de l’Exode (XIV, 24-31 et XV, 1) a été placée ici, soit pour servir de préambule au Cantique de Moïse, qui autrefois faisait partie de la collection des Odes à chanter dans l’Office matutinal, soit parce que le passage prodigieux des Israélites à travers la mer Rouge est l’un des symboles du saint baptême. Cet épisode faisait partie de tout ce cycle scripturaire évoqué dans les prières judaïques, qui a fourni leur première inspiration tant au rédacteur de notre Commendatio animæ, qu’aux artistes des catacombes. La mer Rouge symbolise le baptême chrétien dans la mort sanglante de Jésus. En ces eaux sont submergés le démon et le péché, tandis qu’au contraire le nouveau peuple croyant en sort sain et sauf et rajeuni.

Suit le fameux cantique composé par Moïse lorsque le peuple hébreu fut sorti de la mer Rouge. La main de Dieu s’est montrée terrible avec les Égyptiens idolâtres et obstinés, tandis qu’elle a été d’une tendresse vraiment maternelle vis-à-vis du peuple qui s’abandonnait à elle.

La collecte qui suit met en évidence le contenu symbolique de la narration précédente, laquelle, grâce à cette signification spirituelle, revêt un caractère d’éternelle actualité. Nous voulons dire que les scènes scripturaires qu’on lit ici ne sont pas seulement le récit historique de faits passés, mais symbolisent ce qui, dans un sens bien plus élevé et plus réel, se vérifie encore de nos jours, en faveur du peuple chrétien : « O Dieu, dont les miracles resplendissent de nos temps comme autrefois, car ce que votre droite opéra alors en faveur d’un seul peuple qui devait être délivré de la persécution égyptienne, vous l’accomplissez aujourd’hui en faveur de toutes les nations au moyen de l’eau régénératrice ; ah ! faites que l’humanité tout entière puisse arriver à la grâce de la filiation d’Abraham et à la dignité d’appartenir à la race d’Israël. Par notre Seigneur, etc. »

La cinquième lecture est tirée d’Isaïe (LIV, 17 et LV, 1-11) et se rapporte à la vocation des Gentils, grâce à la foi et au bain baptismal. Pour arriver à un si grand bien, la justice légale et la parenté charnelle avec Israël ne sont pas nécessaires, comme dans l’Ancien Testament ; il suffit d’une foi vive dans le Christ Rédempteur, guide et maître universel de tous les peuples. La mission du Saint-Esprit, méritée par le Divin Crucifié, sera décisive et fructueuse, à l’égal de la pluie et de la rosée qui descend pour rafraîchir et féconder les champs. Jésus élevé de terre sur la croix attirera tout le monde à Lui.

Dans la collecte on insiste sur les relations existant entre l’Ancien et le Nouveau Testament. L’Ancien était une consolante promesse. Le Nouveau, par l’universalité de la filiation messianique, en est le splendide accomplissement : « Dieu tout-puissant et éternel, multipliez pour l’honneur de votre Nom ce que vous avez promis à la foi de nos Pères ; et par votre sainte adoption, augmentez les fils de la promesse, afin que tout ce que les saints d’autrefois espérèrent fermement devoir arriver, votre Église maintenant le reconnaisse comme déjà en grande partie accompli. Par notre Seigneur, etc. »

La sixième lecture est tirée de Baruch (III, 9-38) et elle est parmi les pages les plus profondes de la Bible. C’est comme un examen de conscience fait avec soin. Qu’a gagné Israël à marcher à la suite de la puissance, de la gloire, de la civilisation païenne ? Celle-ci s’est écroulée ; ses représentants ont donné la preuve de leur impuissance à résoudre les problèmes les plus pressants pour l’esprit humain, tandis qu’Israël est appelé à tirer sa sagesse spirituelle de Celui-là même à qui la création obéit en tremblant. Il est descendu pour converser parmi les hommes, et il a confié à l’Église, symbolisée par la race d’Israël, le dépôt de la révélation.

La collecte insiste sur le caractère cosmopolite de la famille d’Israël selon l’esprit. Ce caractère était mis en évidence par le fait qu’à Rome, au moment où toutes ces formules étaient rédigées, les catéchumènes qui descendaient dans la vasque baptismale étaient réellement les représentants des nations les plus variées de la terre : « O Dieu qui multipliez votre Église en appelant sans cesse à elle de nouveaux peuples ; faites que tous ceux que vous purifiez maintenant dans les eaux du baptême, soient aussi toujours défendus par votre protection. Par notre Seigneur, etc. »

La septième lecture décrit la tragique vision d’Ézéchiel (XXXVII, 1-14). Israël est mort, et ses ossements sont disséminés sur un vaste champ. Il se lamente sur sa condition actuelle, mais le Seigneur est fidèle dans l’accomplissement de ses promesses. Par l’entremise du Prophète, il donnera mouvement, esprit et vie à ces squelettes, et en suscitera une armée immense qui formera le nouveau peuple de sa prédilection, le peuple de Dieu. Cette transformation a un sens entièrement spirituel. Dieu réparera les ruines de Sion au moyen des Gentils, qui, au baptême, recevront la grâce du Saint-Esprit et formeront la race spirituelle d’Abraham. Cette résurrection mystique des peuples par l’effusion du don du Paraclet figure à son tour le miracle de la finale résurrection des morts.

La collecte exprime l’accord des deux Testaments pour faire du mystère de la rédemption pascale comme le point central de toute la présente économie divine en vue du salut du monde. C’est pourquoi Pâques est la plus grande de toutes les solennités de l’année et le point de départ qui engage le développement du cycle de la liturgie chrétienne tout entier. « O Dieu qui, au moyen des Livres des deux Testaments, nous enseignez à célébrer le Sacrement Pascal ; faites que nous pénétrions dans les secrets de votre miséricorde, afin que les dons présents dont nous jouissons fortifient notre espérance d’obtenir aussi la récompense future. Par notre Seigneur, etc. »

Dans la huitième lecture, empruntée à Isaïe (IV, 1-6) et qui sert d’introduction à la célèbre Ode matutinale tirée des chants du même prophète, il est question du rejet de l’Ancien Pacte et de la promulgation du Nouveau. Le Seigneur punira Israël prévaricateur à ce point que les hommes venant à manquer, sept femmes proposeront à un seul homme de les prendre pour épouses, sans s’obliger pour autant à assurer leur subsistance. Quand le royaume d’Israël sera détruit et que les nations commenceront à se fiancer à un unique époux, Jésus-Christ, Dieu restaurera, au sens spirituel, les ruines de l’ancien empire de Juda. Il effacera les souillures de ceux qui croiront en lui, et les purifiera dans le feu du Saint-Esprit. Ainsi sont annoncés en termes exprès le Baptême et la Confirmation chrétienne.

Suit le cantique d’Isaïe (V, 1, 2, 7), apostrophe à la vigne du Seigneur, vigne stérile et ingrate, qui, aux soins du vigneron qui la cultivait, a répondu en produisant des épines et des fruits d’amertume. Cette vigne de réprobation est la maison d’Israël. « O Dieu qui, par la bouche de vos saints prophètes, avez annoncé que dans le cœur de chacun des fils de votre Église, répandus dans le monde entier, vous jetteriez la semence de la grâce divine, les cultivant comme autant de palmiers choisis ; accordez au peuple que vous avez vous-même comparé à la vigne et à la moisson, qu’ayant extirpé la désolation des ronces et des épines, il puisse produire une abondante récolte. Par notre Seigneur, etc. »

Dans la neuvième lecture (Ex. XII, 1-11) sont décrits les rites mosaïques de l’immolation de l’agneau et du repas pascal. L’agneau symbolise Jésus lavant dans son sang les péchés du monde. L’agneau est immolé puis servi au cours d’un banquet religieux, pour signifier notre incorporation et notre union au Rédempteur par le moyen du Sacrement. La posture des Hébreux, tandis qu’ils mangeaient l’agneau, était celle de gens prêts à entreprendre un long voyage, parce que l’Eucharistie est le viatique de notre pèlerinage mortel, pour traverser la terre et arriver au ciel. « Dieu tout-puissant et éternel qui vous montrez admirable dans la disposition de toutes vos œuvres, faites que les âmes rachetées par vous comprennent que l’ordre établi au début de la création n’est point plus merveilleux que notre Pâque, laquelle fut immolée au terme des siècles, c’est-à-dire Jésus-Christ, notre Seigneur, etc. »

La dixième lecture, du livre de Jonas (III, 1-10) est identique à celle de la messe du lundi après le dimanche de la Passion. Comme Jésus lui-même eut à le faire remarquer dans l’Évangile, Jonas est le symbole du Sauveur enseveli dans les entrailles de la terre et revenu ensuite à la vie et à la lumière. Jonas prêche la pénitence aux Ninivites, et ceux-ci prêtant foi à la parole du Prophète, s’imposent un jeûne collectif auquel devront participer non seulement la population, mais même les bêtes de somme. Cette forme paradoxale est propre à l’esprit sémite ; toutefois elle nous révèle que non seulement l’individu mais aussi la société, comme telle, et en corps, doit exprimer sa dévotion à Dieu. La sainte liturgie accomplit admirablement ce devoir.

Le chrétien ne doit jamais oublier les relations qui l’unissent au Christ et à son corps mystique qui est l’Église. L’exagération de l’individualisme dans la piété appartient aux protestants. Le catholique, tout en ne négligeant rien pour sa préparation personnelle à la grâce de Dieu, se sanctifie dans l’Église, par l’Église et avec l’Église, et cela surtout au moyen du culte liturgique.

Suit la collecte, où est mise en relief l’unité mystique de l’Église, dans une foi identique et dans un même amour, sans barrière de nationalités ni division de castes. Précisément parce qu’elle est catholique, l’Église ne peut être nationale. « O Dieu, qui avez uni les diverses nations dans l’unique confession de votre Nom, donnez-nous la grâce de vouloir et de pouvoir tout ce que vous nous commandez, afin que le peuple choisi par vous pour obtenir l’éternité bienheureuse nourrisse en son cœur une unique foi, et, dans ses œuvres, s’inspire d’une identique piété. Par notre Seigneur, etc. »

La onzième lecture (Deut., XXXI, 22-30) contient comme le testament de Moïse, dans lequel il renie le peuple juif à cause de ses infidélités envers le Seigneur. Il fait cette protestation dans une forme très solennelle, en présence des anciens et les menace de toutes sortes de maux. Mais de quel horrible crime s’était donc rendu coupable le peuple juif ? Toute cette scène est symbolique. Moïse déclare savoir que l’infidélité arrivera après sa mort, bien plus : in extremo tempore, c’est-à-dire aux derniers âges du monde, quand les Hébreux renieront Jésus-Christ, le Prophète par excellence, annoncé par Moïse en personne, qui avait ordonné à Israël de l’écouter comme il l’avait écouté lui-même.

Suit le célèbre cantique de Moïse (Deut., XXXII) qui, dans la liturgie hébraïque, était justement destiné à la solennité sabbatique. Moïse prend le ciel et la terre à témoin de ses malédictions, pour n’être pas solidaire d’un peuple qui va consommer un déicide. « O Dieu qui élevez les humbles et soutenez les bons, vous qui, au moyen des mélodies du Cantique sacré de votre fidèle serviteur Moïse avez voulu instruire votre peuple, en sorte que cette seconde promulgation de la loi nous servît aussi de règle ; exercez votre puissance en faveur de tous les peuples appelés par vous à la grâce ; accordez-leur la joie, calmez leurs terreurs, afin que, dans votre miséricorde, pardonnant à tous leurs péchés, ce qui fut annoncé comme un châtiment devienne une occasion de salut. Par notre Seigneur, etc. »

Vient la douzième lecture, avec l’histoire des trois jeunes gens jetés dans la fournaise de Babylone en punition de leur refus d’adorer la statue d’or de Nabuchodonosor (Dan., III, 1-24). Cette scène était très familière aux artistes des catacombes qui la reproduisaient sur les arcosolia et sur les sarcophages. Elle symbolisait la force héroïque des martyrs chrétiens. « Dieu éternel et tout-puissant, unique espérance de l’humanité, qui, par les prédictions de vos prophètes, avez annoncé les mystères s’accomplissant de nos jours ; augmentez dans votre bonté la dévotion de votre peuple, puisque tout accroissement de la vertu de vos fidèles ne peut venir que de votre inspiration. Par notre Seigneur, etc. »

Tandis que l’on descend au baptistère — c’est le mot consacré par la tradition romaine représentée par le Missel : le baptistère papal de la voie Salaria, et sans doute aussi celui du Vatican se trouvaient à un niveau assez bas — on chante le psaume suivant (XLI, 2-4) : « Comme le cerf aspire à la source d’eau, ainsi mon âme a soif de vous, Seigneur. V/. Mon âme est assoiffée du Dieu vivant. Quand viendrai-je et paraîtrai-je devant Dieu ? V/. Les larmes furent ma nourriture jour et nuit, tandis qu’on me répétait continuellement : Où est ton Dieu ? »

Le symbolisme de l’eau, qui figure la grâce intérieure, est fort commun dans l’antiquité. De même que l’eau lave, rafraîchit, féconde la terre, ainsi la grâce du Saint-Esprit produit spirituellement tous ces effets dans l’âme.

Après le psaume, suivant un usage de l’antiquité, le prêtre chante une collecte où est expliquée la signification spirituelle du psaume lui-même. Dans les anciens psautiers, on trouve très souvent cette sorte d’oraisons, mais dans le Missel il ne subsiste que celle qui suit ici le psaume XLI : « Dieu éternel et tout-puissant, regardez favorablement la dévotion du peuple qui attend sa renaissance, à l’égal d’un cerf aspirant à la source d’eau ; accordez-lui que la même soif de la sainte Foi, grâce au Sacrement du baptême, sanctifie les âmes et les corps. Par notre Seigneur, etc. »

Ici se termine le rite de la vigile. L’aurore, heure de la résurrection du Christ, s’est levée. Il est donc temps d’administrer aux catéchumènes le saint Baptême.

III. Bénédiction de la fontaine baptismale.

Après une collecte d’introduction, l’anaphore consécratoire des saintes eaux baptismales commence aussitôt.

Pendant la prière, le prêtre divise l’eau en forme de croix, comme pour la féconder par le contact de ses mains consacrées, ainsi qu’autre fois l’Esprit de Dieu se posait sur les eaux du chaos primitif. Puis il étend à nouveau sa main sur les eaux, comme pour les exorciser. Il trace trois signes de croix sur l’eau et la divise l’eau en forme de croix, pour rappeler le fleuve qui, jailli de l’Éden, se divisait en quatre branches.

Le prêtre souffle trois fois en forme de croix sur les eaux, comme autrefois l’Esprit Saint soufflait sur les eaux primitives et plonge trois fois le cierge pascal dans l’eau, selon un rite qui apparaît à Rome vers le VIIIe siècle.

Avec l’eau bénite de la fontaine baptismale, les prêtres aspergent le peuple et les habitations des fidèles. Pendant ce temps on verse dans la fontaine l’huile des catéchumènes, rite qui n’a rien d’antique ni de primitif dans la liturgie romaine et qui s’introduisit peu à peu lorsque les catéchumènes adultes ne se présentant plus, la notion exacte de la signification spéciale de l’huile qui porte leur nom vint à s’effacer.

On verse dans l’eau baptismale le saint Chrême, pour exprimer la grâce de l’Esprit Saint qui la féconde.

Une troisième fois, on verse ensemble le chrême et l’huile des catéchumènes.

Le baptême est alors administré selon le rite habituel.

A l’origine, sans doute parce que le baptême était ordinairement conféré aux adultes, la confirmation (dont le nom même indique l’étroite relation qu’elle a avec le baptême) et la première Communion suivaient immédiatement le sacrement de la Régénération spirituelle. Par la suite, à mesure que la société devint chrétienne, et que l’on présenta au baptême presque exclusivement des nouveau-nés, l’administration des sacrements qui marquent la virilité chrétienne fut retardée jusqu’à un âge plus mûr.

Dans les Ordines Romani du VIIIe siècle, il est prescrit que le Pape, après avoir baptisé lui-même quelques catéchumènes, remette les autres au clergé, et se retire dans l’oratoire contigu dédié à la sainte Croix, pour y consignare avec le saint Chrême, les néophytes, à mesure qu’ils remontent de la fontaine. On sait que, selon l’ancien usage romain, il faut distinguer une double onction de chrême : la première (chrismatio) était faite par un prêtre sur la tête du néophyte à peine sorti des fonts baptismaux ; la seconde, au contraire (consignatio chrismalis), était accomplie par le Pape lui-même sur le front du néophyte et était proprement le Sacrement de la Confirmation.

Durant toute cette longue cérémonie, la grande masse du peuple demeurait dans l’église avec les clercs inférieurs et la schola des chantres. Elle ne s’était pas transportée au baptistère où elle n’aurait pu trouver place ; et d’ailleurs les convenances ne l’auraient pas permis, le baptême étant administré alors par immersion. Pour ce motif on tendait voiles et rideaux, usant d’une souveraine réserve pour que la pudeur chrétienne ne puisse être offensée.

Pour employer saintement le temps, la foule des fidèles chantait trois fois les litanies, de manière cependant que chaque invocation fût répétée d’abord sept fois, puis cinq fois, et enfin trois fois. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui encore, lorsque la procession revient du baptistère, on chante les litanies en répétant deux fois chaque invocation.

Le texte de ces litanies, inséré dans le Missel, est un peu plus bref que celui fixé pour les Rogations. Outre la grande liberté liturgique qui, en fait de litanies, régna dans l’Église jusqu’au XIIIe siècle, la raison en est que les litanies des Rogations sont un vrai chant populaire processionnel à refrains, et qui, pour cette raison, peut être allongé en proportion du trajet à parcourir ; tandis qu’au contraire ces litanies du samedi saint, qu’aujourd’hui encore les ministres sacrés récitent, prosternés devant l’autel, sont une vraie et propre supplicatio litanica et donc, normalement, pas trop longue.

IV. Le Sacrifice dans la Nuit Pascale.

Le samedi saint nous conserve encore sans trop d’altérations le type primitif de la messe matinale qui, dans les trois premiers siècles, mettait fin à la vigile dominicale. L’on peut même dire que l’office vigilial du dimanche per annum a pris naissance de la solennelle vigile pascale, la seule qui fût de caractère vraiment général et obligatoire pour tous les fidèles sans distinction au temps de Tertullien.

La messe n’a pas d’introït comme non plus, d’ailleurs, les autres messes de vigiles, du moins à l’origine, car l’introït est, à Rome, d’introduction très postérieure et remonte seulement au temps de Célestin Ier environ, quand la messe eut cessé d’être ordinairement précédée par l’office de la Vigile. Ceci explique qu’aujourd’hui, après la prière litanique, le prêtre chante immédiatement la collecte, qui est comme la conclusion naturelle de tout le précédent rite vigilial. Ce qui suit n’a plus un caractère catéchétique, mais formellement eucharistique. Comme d’autre part, depuis le VIe siècle au moins, on oublia les relations d’origine qui existent entre les douze leçons de la vigile et les deux petites lectures tirées des épîtres et de l’Évangile (celles-ci représentant la dernière forme des prières vigiliales qui, dans l’antiquité, précédaient la messe), à une époque postérieure, mais en tout cas, antérieurement au VIIe siècle, on voulut ajouter à la collecte les deux lectures habituelles de l’Apôtre et de l’Évangile.

Après l’hymne matutinal Gloria in excelsis qui avait, à Rome, un sens pascal caractérisé, on chante la collecte, qui devrait, conformément à sa signification primitive, servir de conclusion à la prière litanique.

A Rome, toute la liturgie pascale a un caractère éminemment baptismal. Ce sont les néophytes qui, grâce au bain sacré, sont admis à ressusciter avec le Christ. Aussi, pour bien comprendre l’esprit de la liturgie durant cette semaine, il faut avoir toujours présent à l’esprit ce lien qui unit la Pâque du Christ se levant du sépulcre, avec la Pâque de l’Église qui sort de la fontaine baptismale, ressuscitée spirituellement à une nouvelle vie : « O Dieu qui faites resplendir cette nuit très sainte de l’éclat de la résurrection de notre Seigneur, conservez dans les nouveaux enfants de votre famille cet Esprit d’adoption que vous leur avez conféré ; afin que, renouvelés dans le corps et dans l’esprit, ils puissent vous servir en toute pureté. »

La lecture est empruntée à la lettre de saint Paul aux Colossiens (III, 1-4). La vie chrétienne est à la fois mort, et vie en Jésus-Christ : Mort à la nature corrompue, résurrection à la grâce, en sorte que le fidèle, ressuscité avec le Christ, doit nourrir des goûts et des désirs célestes.

Durant de longs siècles, l’Alléluia fut tellement propre à la solennité pascale, qu’à Rome, au temps de Sozomène, c’était une formule de malédiction que de souhaiter à quelqu’un de ne pas arriver à entendre le chant alléluiatique de la future fête de Pâques. Saint Augustin atteste que de son temps on répétait l’Alléluia durant les cinquante jours qui aboutissent à la Pentecôte. A Rome, ce fut probablement saint Grégoire le Grand qui étendit ce chant à tous les dimanches hors du Carême. Il est toutefois possible qu’au IVe siècle, même à Rome, l’Alléluia suivît le chant de l’Évangile, comme chez les Grecs, et que saint Grégoire l’ait fait exécuter après l’Épître, à cause de ses homélies évangéliques. Quoi qu’il en soit, il est certain que l’Alléluia que le prêtre entonne aujourd’hui si solennellement, aurait sa place logique et naturelle, plutôt qu’après l’Épître, à la suite du récit évangélique de la résurrection du Sauveur. C’était là sans doute sa place primitive et spéciale durant la solennelle vigile pascale.

« Alléluia, louez Le Seigneur » (trois fois). « Célébrez le Seigneur qui est bon, parce que sa miséricorde est éternelle. »

Suit le psaume alléluiatique 116, qui, à Rome, se chante toujours, en toutes les pannuchis dominicales. « Louez le Seigneur, tous autant que vous êtes, ô Gentils ; toutes les nations, louez-le ensemble. Parce que sa bonté prévaut sur nous, et la vérité du Seigneur est éternelle. »

A l’Évangile, on ne porte pas de lumières ; les liturgistes du moyen âge ont attribué à ce rite un sens symbolique. Quelle que soit son origine, le cierge pascal, qui se dresse à côté de l’ambon, dispensait cette nuit d’autres lumières.

La péricope évangélique est tirée de saint Matthieu (XXVIII, 1-7). Au lever de l’aurore du dimanche après le sabbat pascal, les pieuses femmes, disciples du Sauveur, vont à son sépulcre pour accomplir avec plus de soin l’embaumement du cadavre de Jésus, qu’on avait dû hâter dans la soirée de la Parascève, à cause de la proximité du repos sabbatique.

Elles trouvent renversée la pierre qui fermait l’ouverture de la grotte sépulcrale, et entrées à l’intérieur, elles apprennent d’un ange que le Crucifié est ressuscité. Ce ne sont point les apôtres, mais de simples femmes qui, sans tenir compte ni de la colère du sanhédrin, ni des soldats qui gardent la tombe, ni de la pierre qui fermait la caverne, rendues hardies par leur foi et leur amour, forment le dessein courageux de parachever l’embaumement de Jésus. Souvent Jésus, pour confondre nos jugements humains, se sert des instruments les moins adaptés et fait trouver au milieu du peuple, en des âmes simples, des vertus que l’on chercherait à grand-peine parmi ceux qui occupent les places les plus élevées dans la hiérarchie.

Ainsi les Apôtres reçurent-ils des femmes la première annonce de la résurrection du Seigneur. D’ailleurs, cette préférence, donnée à la fidélité aimante de la femme, était juste. Elle avait été la première à pleurer, elle devait être la première à recouvrer la joie. Elle avait porté à Adam l’annonce de la mort, elle devait être pour l’Église le premier héraut de la résurrection.

On ne chante pas d’offertoire, parce que la messe de la vigile pascale est beaucoup plus ancienne que l’introduction de ce chant à Rome ; mais on prépare sur le corporal l’hostie et le calice, et l’on accomplit les rites et les encensements habituels sur les oblations.

Dans la collecte de préparation à l’anaphore consécratoire, on supplie le Seigneur d’accueillir favorablement les prières de son peuple avec l’offrande des hosties, en sorte que, initié au Sacrement pascal par le Baptême et par la Communion, il trouve dans celle-ci un remède efficace pour l’éternité.

Dans le texte de l’anaphore, avant les diptyques où se lisent les noms des apôtres et des évêques de Rome, on insère la mention suivante : « ... célébrant la nuit très sacrée de la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ selon son humanité, et vénérant avant tout la mémoire de la glorieuse et toujours Vierge Marie, Mère du même Jésus-Christ, notre Dieu et Seigneur ; vénérant en outre, etc. » Le Sacrifice eucharistique qui aujourd’hui vient comme parfaire le rite de l’initiation chrétienne, est offert d’une façon spéciale pour les néophytes. C’est pourquoi, dans la prière que le Pape Innocent Ier aurait appelée Commendatio oblationum, on commémore en ce jour les nouveaux baptisés. Tenant les mains ouvertes sur les oblations, le prêtre dit : « Nous vous prions donc, Seigneur, d’accueillir favorablement cette offrande de notre collège sacerdotal, et de toute votre famille ; nous vous la présentons aussi au nom de ceux que vous avez daigné régénérer au moyen de l’eau et du Saint-Esprit, leur accordant la rémission des péchés ; afin que, etc. »

On ne récite ni l’Agnus Dei, ni le psaume de la Communion, qui sont d’origine postérieure. L’absence du verset : Dona nobis pacem doit avoir contribué, durant le bas moyen âge, à faire supprimer avant la Communion le baiser de paix que, selon le rit romain, on échangeait toujours avant de s’approcher de la sainte Table.

Plus tard, quand toute cette messe vigiliale fut anticipée à l’après-midi du samedi saint, on lui joignit étrangement les vêpres, en sorte que, après avoir célébré durant plusieurs heures consécutives, la nuit de la Résurrection du Seigneur, le rite actuel nous ramène tout d’un coup en arrière d’au moins douze heures. Le fait est devenu encore plus sensible depuis que, à force d’avancer la vigile pascale, on en est arrivé à l’anticiper jusqu’au matin du jour précédent. Toutes ces stratifications successives sont relevées ici, faut-il le dire, simplement pour leur intérêt historique, sans que cela implique la moindre critique contre le rite actuel de l’Église : aucun de ses enfants, en effet, ne pourrait oser blâmer la prudente condescendance de cette tendre mère.

Après la Communion, on chante en guise de vêpres : Ant. « Alléluia, alléluia, alléluia. » Ps. « Louez le Seigneur, vous tous ô Gentils, etc. » Ant. « Alléluia, etc. » Le capitule, l’hymne et le verset étant omis, le prêtre entonne immédiatement l’Antienne suivante : « Dans la nuit du samedi *, à l’aube du jour suivant, Marie de Magdala et l’autre Marie allèrent voir le tombeau. Alléluia. »

Suit le cantique évangélique : Magnificat, durant lequel s’accomplit comme à l’ordinaire, l’encensement de l’autel et du chœur. Puis on répète le chant de l’antienne ; pour finir, en guise de collecte vespérale, le prêtre récite l’antique prière eucharistique : « Répandez en nous, Seigneur, l’Esprit de votre amour, afin que, rassasiés par le Sacrement pascal, nous soyons aussi établis par votre bonté dans une concorde mutuelle. Par notre Seigneur, etc. »

L’Esprit de dilection est un des fruits de la sainte Communion. Il nous pousse à nous unir intimement tant au Christ personnel qu’au Christ mystique qui est l’Église, de façon à étouffer en nous tous les germes d’égoïsme désordonné qui nous font rechercher quæ sua sunt, et à ne plus vivre que de l’esprit de l’Église.

La Vigile pascale est le symbole de l’attente du divin Juge. Celui-ci nous a avertis qu’il viendra, tel un voleur, la nuit. Et comme l’affaire qui est en jeu, le salut de notre âme, importe plus pour nous que quoi que ce soit au monde, aucune précaution n’est de trop quand il s’agit de nous bien disposer à ce redoutable moment d’où dépend notre éternité.

Les anciens, durant la vigile pascale, s’attendaient à l’accomplissement de la parousie tant désirée du Rédempteur. Nous ne savons pas quand elle arrivera ; nous savons seulement que ce sera au moment où le monde y pensera le moins. Mais ce n’est pas la seule parousie qui sera soudaine et pour laquelle il nous faut être toujours en attente. Durant la journée chrétienne, Jésus vient à nous si souvent, à l’improviste, avec ses grâces ! Prenons garde à ne pas les laisser échapper. Elles ne reviennent plus, si nous avons manqué d’y correspondre. Une bonne occasion que Dieu nous offre et que nous laissons fuir est comme un précieux trésor, flottant tout près de notre barque. Si nous ne le saisissons pas immédiatement, le courant l’emportera au loin, et nous ne le retrouverons que dans l’océan de l’éternité.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

Les matines du Samedi Saint. — C’est la troisième partie de la grande trilogie. Voici quelle est l’action : Le Christ est couché dans son tombeau ; l’Église s’assied près de ce tombeau et fait entendre sa plainte funèbre. Il repose dans la paix après son dur combat ; nous voyons sur son corps les traces de ses grandes souffrances. Alors qu’hier les répons étaient des plaintes sorties de la bouche de Jésus, ce sont d’ordinaire, aujourd’hui, des plaintes de l’Église. Les Lamentations respirent déjà l’espérance ; tout est, aujourd’hui, plus calme, plus clair. Vers la fin, cependant, les matines reviennent à une impression de tristesse profonde.

Cela ne doit pas nous étonner : les matines, en effet, doivent exprimer le deuil de l’Église privée de son Époux. Les blessures mortelles sont encore visibles sur le divin cadavre et crient continuellement vengeance contre Israël infidèle ; les ennemis de Jésus sont encore pleins de rage ; par le mensonge et la calomnie, ils essaient d’effacer jusqu’au souvenir du Seigneur ; Marie et les disciples sont encore plongés dans le deuil, et l’Église doit avouer douloureusement que beaucoup de ses enfants quittent le Golgotha, le cœur froid et sec, pour s’en retourner chez eux. Quand on pense à tout cela, il semble que les blessures du grand Mort recommencent à saigner.

Aux Matines, à la différence des deux jours précédents, on remarque un progrès dans l’action. Ce progrès est marqué, surtout, par les antiennes et les psaumes correspondants. Les répons ne suivent pas l’action. On pourrait peut-être distinguer six actes dans ce drame. Pendant que l’Église est assise près du tombeau, six tableaux passent devant ses yeux :
- 1er Tableau : Le repos du tombeau (Ier Nocturne) : « Dans la paix je m’endors et me repose ». « Il se reposera sur la montagne sainte ». « Mon corps repose dans l’espérance » (Psaumes).
- 2e Tableau : L’entrée de l’âme de Jésus dans les Limbes (IIe Nocturne) : « Levez-vous, portes éternelles, que le Roi de gloire fasse son entrée !!) (Ps. 23).
- 3e Tableau : L’espérance de la Résurrection : « Je crois que je verrai le Seigneur dans la terre des vivants ». « Tu as tiré mon âme des enfers » (Ps. 26, 29).
- 4e Tableau : Le sceau apposé sur le tombeau : Les leçons du second nocturne.
- 5e Tableau : Jésus vainqueur de ses ennemis (me Nocturne, Ps. 53, 75).
- 6e Tableau (retour à l’impression fondamentale) : Tristesse profonde et plainte : « Comme un homme sans secours livré aux morts » (Ps. 87) ; en outre, les répons l, 2, 3,4, 5, 6, 7 ; le dernier répons nous donne l’image finale du Samedi Saint : Jésus au tombeau et les gardes autour de sa tombe.

Remarquons encore que, dans ces matines, les antiennes jouent un grand rôle, et que certains psaumes ont été choisis non pas à cause de leur contenu complet, mais à cause d’un seul verset, comme, par exemple, les psaumes 4, 14, 23. L’action se poursuit sans arrêt jusqu’au seuil de la Résurrection. Et au moment où nous attendrions le joyeux alléluia, elle revient à la plainte funèbre, comme si l’Église voulait nous dire : Arrêtez, revenez en arrière, le Seigneur est encore au tombeau.

Il y a dans ces matines un charme tout particulier que l’on peut éprouver quand on vit vraiment ces matines. Ce charme tient peut-être en partie à ce mélange de tristesse, d’espérance et de joie contenue.

Les cérémonies du Samedi Saint.

STATION A SAINT-JEAN DE LATRAN

Le Samedi Saint est le Jour sacré du repos du Seigneur ; on pourrait l’appeler le second sabbat après la création. La liturgie l’appelle Sabbatum sanctum — le saint Sabbat. Ce jour est et devrait être le jour le plus silencieux de l’année liturgique. On ne devrait y célébrer aucune fonction liturgique. Réjouissons-nous que cela soit aujourd’hui possible de nouveau. Le Souverain Pontife Pie XII, par son décret du 8 février 1951, a rétabli l’ancienne célébration de la nuit de Pâques et réglé le rite de cette célébration. Il a fait de nouveau de ce jour le plus silencieux de l’année. Nous pouvons considérer cette nouveauté en partie comme le fruit de nos efforts durant bien des années. Il y a vingt-cinq ans que nous frappions à la porte du Père de la chrétienté et aujourd’hui nous sommes exaucés. Dans la précédente édition de notre ouvrage, nous écrivions encore : « La grande tâche du renouveau liturgique sera de rendre au monde catholique sa seconde nuit sainte, la nuit de Pâques, la « mère de toutes les vigiles » comme l’appelle saint Augustin. L’absence d’esprit et de sens liturgiques des quatre derniers siècles nous a ravi la plus sainte de toutes les nuits, l’esprit liturgique de notre siècle réparera ce défaut.

Nous allons maintenant exposer et décrire la liturgie du Samedi Saint d’après le nouveau rite. Avant de décrire la célébration de la nuit pascale elle-même, il nous faut parler des modifications apportées à l’office des heures du Samedi Saint. Le premier changement réside dans le fait que les matines qui étaient habituellement chantées le soir du Vendredi Saint en grande solennité doivent être récitées non plus la veille, mais le matin du Samedi Saint.

L’Office des heures, le seul office de la journée, doit être réparti à l’heure convenable (hora competenti) au cours de la journée, sans solennité. Donc dès le matin on récitera matines et laudes. Aux laudes il y a déjà une modification. Après l’antienne « Christus factus est obediens » on ne récite plus comme les jours précédents le psaume Miserere, mais on ajoute immédiatement une nouvelle Oraison : « Accordez-nous, Dieu Tout-Puissant, à nous qui célébrons à l’avance, par une pieuse attente, la résurrection de votre Fils que nous obtenions la gloire de sa résurrection ».

Cette Oraison termine aujourd’hui toutes les, heures qui doivent être récitées également à l’heure fixée (sans le psaume 50). Les Vêpres sont dites l’après-midi. (Ce sont les Vêpres du Jeudi Saint) avec une Ire antienne ainsi modifiée : « Aujourd’hui je suis très opprimé, mais demain je me débarrasserai de mes liens » et avec une nouvelle antienne de Magnificat : « Les princes des prêtres et les pharisiens firent garder le sépulcre par des gardes et scellèrent la pierre ». Jadis les Vêpres étaient jointes à la Communion de la messe de la vigile, à présent elles sont célébrées l’après-midi. Les Complies aussi sont récitées de la même manière.

Toute la journée est donc un jour silencieux qui n’est interrompu que par l’office des heures.

La nouvelle Vigile Pascale.

Dans la nuit du samedi au dimanche de Pâques, on célèbre la nuit pascale. On commence vers dix heures de sorte que la messe solennelle de la vigile puisse commencer à minuit. L’autel qui, depuis le Jeudi Saint, était dénudé, est recouvert de nappes, mais les cierges ne seront allumés que plus tard avec le feu nouveau. Entre-temps, à la porte de l’église, on a tiré du feu de la pierre et allumé les charbons. Le prêtre, revêtu des ornements violets, bénit le feu nouveau, en disant : « Dieu, qui par votre Fils, véritable pierre angulaire, avez allumé en vos fidèles le feu de votre lumière, sanctifiez ce feu nouveau tiré de la pierre et qui doit servir à notre usage, et faites-nous la grâce d’être tellement enflammés de célestes désirs, durant ces fêtes de Pâques, que nous puissions par la pureté de nos cœurs, arriver à ces fêtes éternelles où nous jouirons d’une lumière sans fin. » Le feu est aspergé trois fois avec de l’eau bénite. L’acolyte prend des charbons bénits et les met dans l’encensoir. Le prêtre y dépose de l’encens et encense le feu. Un cierge est allumé au feu nouveau.

Le clergé se présente ensuite à la porte de l’église ; l’acolyte porte le cierge pascal devant le prêtre. Ce cierge est bénit avec de solennelles cérémonies. Le prêtre trace sur le cierge pascal des signes symboliques qui doivent signifier que le cierge représente le Sauveur ressuscité. Le prêtre trace avec un stylet une croix sur le cierge pascal et dit en traçant la barre verticale : « Le Christ hier et aujourd’hui », puis en traçant la barre horizontale « le commencement et la fin ». Il trace ensuite au-dessus et au-dessous de la croix les lettres grecques alpha et omega. Dans les quatre angles de la croix il écrit les chiffres de l’année (par exemple 1952) et dit à chacun de ces chiffres : « A Lui les temps », « et l’éternité », « à Lui la gloire et l’empire », « pour tous les siècles, éternellement Amen ». Ensuite le diacre présente au prêtre les cinq grains d’encens qui sont aspergés à trois reprises avec de l’eau bénite puis encensés. Ces grains d’encens représentent les plaies transfigurées du Ressuscité, c’est ce qu’expriment clairement les paroles du prêtre, lorsqu’il les enfonce dans le cierge pascal : « Que par ses saintes plaies glorieuses, le Christ Notre-Seigneur nous garde et nous conserve. Amen. » Puis le diacre présente le cierge bénit au prêtre qui allume le cierge pascal, en disant : « Que la lumière du Christ ressuscitant glorieusement dissipe les ténèbres du cœur et de l’esprit ». Le prêtre bénit ensuite le cierge pascal allumé en disant cette Oraison : « qu’une effusion abondante de votre bénédiction se répande sur ce cierge allumé, nous vous en prions, Dieu tout-puissant, et régénérateur invisible, allumez vous-même ce feu qui doit nous éclairer pendant cette nuit, afin que le sacrifice offert cette nuit reçoive les impressions secrètes de votre lumière et qu’en tout lieu où l’on portera l’une des choses que nous bénissons ici, les artifices et la malice du démon soient expulsés et la puissance de votre majesté y réside.

Alors on éteint toutes les lumières de l’église, afin qu’elle soit éclairée par le cierge pascal. A présent a lieu avec le cierge pascal, à travers l’église, une procession solennelle qui constitue un des moments les plus impressionnants de toute la cérémonie. A l’entrée de l’église le diacre, portant la dalmatique blanche, héraut pascal, reçoit le cierge pascal allumé. La procession se compose ainsi : le thuriféraire, le sous-diacre portant la croix et les deux acolytes, le diacre avec le cierge pascal, le prêtre, le clergé et les servants, ensuite des délégations des fidèles. Le diacre s’arrête à trois reprises dans l’église, élève le cierge pascal, reste debout et chante chaque fois Lumen Christi. La première fois, le prêtre allume son cierge au cierge pascal, la seconde fois le clergé fait de même et la troisième fois c’est le tour des fidèles. A chaque fois, tous s’agenouillent et chantent Deo gratias. Finalement, tous les assistants ont allumé leurs cierges au cierge pascal. Toute l’église est illuminée de centaines de cierges. Le diacre pose alors le cierge pascal devant l’autel sur un petit chandelier. Tous gagnent leurs places et écoutent debout (comme pour l’évangile) leur cierge allumé à la main, l’hymne pascal, premier hommage au Ressuscité. Le diacre demande la bénédiction du prêtre qui dit : « Que le Seigneur soit dans ton cœur et sur tes lèvres, pour que tu annonces dignement et comme il convient la proclamation pascale ». Le diacre encense le livre et le cierge pascal, en en faisant le tour. Alors, le diacre chante le célèbre Exultet que nous ne cessons pas d’admirer. Vers la fin de l’Exultet il faut noter un petit changement. Autrefois on y nommait l’empereur romain et on priait pour lui, à présent cette oraison est étendue à tous les chefs d’état : « Jetez également un regard sur ceux qui ont autorité pour nous gouverner, et par l’inexprimable vertu de votre miséricorde paternelle, orientez leurs pensées vers la justice et la paix, afin que leurs efforts d’ici-bas les fassent parvenir à la patrie céleste avec tout votre peuple ».

Après l’Exultet, le diacre ôte la dalmatique blanche, les cierges des fidèles sont éteints, tous s’assoient et l’ancienne vigile se célèbre devant le cierge pascal. Autrefois il y avait douze leçons ; elles sont maintenant réduites à quatre, on a choisi, en plus de la première, celles qui sont suivies d’un Trait. Ière Leçon : Genèse 1,1-2,2 (l’œuvre des six jours) ; 2e Leçon, Exode 14,24-15,1 (Passage de la mer Rouge) avec le cantique de Moïse. 3e Leçon, Isaïe 4,1-6 (Splendeur du royaume messianique) avec le cantique de la vigne. 4e Leçon, Deutéronome 31,22-3 (dernière exhortation de Moïse à garder la fidélité envers Dieu avec le célèbre cantique de Moïse. A la fin de chaque Leçon, tous se lèvent pour l’Oraison. Le prêtre dit : « Prions ! » Le diacre ajoute : « Fléchissons les genoux ! » (Il invite à prier en silence). Au bout d’un instant, le diacre dit : « Levez-vous ! » A présent seulement le prêtre récite à haute voix l’oraison.

Après les Leçons a lieu la bénédiction de l’eau baptismale qui, d’après les nouvelles rubriques, est encadrée par les litanies des saints. On commence par l’invocation des Saints, puis a lieu la bénédiction de l’eau, non pas aux fonts baptismaux, mais au milieu de l’église, sous les yeux des fidèles ; ensuite a lieu la cérémonie nouvelle, la rénovation des promesses baptismales, en langue vulgaire. Les fidèles pendant ce temps portent leur cierge allumé ; puis à la fin ils peuvent recevoir l’aspersion de l’eau bénite. Songeons à la profonde impression que produirait cette cérémonie, si des adultes recevaient le baptême et faisaient leur première communion.

On chante ensuite la seconde partie des litanies des Saints tandis que le clergé se rend à la sacristie pour revêtir les ornements blancs. Le cierge pascal est placé sur le grand chandelier de l’ambon — pour y brûler durant quarante jours comme image du Ressuscité. La messe n’a que quelques modifications, mais très significatives. Il n’y a ni prières au bas de l’autel ni dernier évangile, donc disparaissent les parties de la messe qui n’ont été introduites que dans le bas moyen âge et ne sont pas essentielles. Après la Communion sont supprimées les Vêpres en abrégé comme nous l’avons remarqué plus haut.

Tel est le nouvel office de la nuit pascale dont les chrétiens amis de la liturgie ont le droit de se réjouir de tout cœur.

[1] Avant le psautier de saint Pie X : « Le deuxième Psaume(42), composé par David en exil, exprime son ardent désir de revoir sa patrie, et l’espérance qu’il a du retour ; c’est la figure du Christ au tombeau, aspirant à la lumière. »

[2] Coloss. I, 20. 3.

[3] Rom. V, 12.

[4] II Cor. V, 21.

[5] Philipp. II, 7.

[6] Répons VIe de l’Office de la nuit.

[7] Prov. XXXI, 18.

[8] I Cor. XV, 17.

[9] Avant la réforme de Pie XII, l’Office de la Vigile Pascale se célébrait dans la matinée du Samedi Saint.

[10] Johan. VIII, 12.

[11] I Petr. II, 6.

[12] Ephes. 11, 20.

[13] Isai. XXVIII, 16.

[14] Matth. XI, 27.

[15] Matth. XXVIII, 19.

[16] Rom. VI, 4.

[17] Cant. IV, 2.

[18] Matth. XII. 40.

[19] Johan. XIV, 2.

[20] Matth. XII, 29.

[21] Confess., lib. VII, 11.

[22] Que les catéchumènes se retirent. Fils très chers, retournez chez vous, attendant l’heure où la grâce de Dieu pourra opérer en vous le baptême.

[23] Ps. 9 : « Qui demeure à l’abri du Très-Haut » et Ps. 4 : « En paix, je me couche et je m’endors. »

[24] ad Nymphas là où Pierre baptisait.

[25] Le Christ a accru le double honneur du Siège Apostolique. Cf. Liber Sacramentorum, t. Ier, p. 32, et t. II, ch. Ier, p. 18 :

Sumite perpetuam sancto de gurgite vitam ;
Cursus hic fidei, mors ubi sola perit.
Roborat hic animos divino fonte lavacrum,
et dum membra madent, mens solidatur aquis.
Auxit apostolicæ geminatum sedis honorem
Christus, et ad cœlos hanc dedit esse viam ;
Nam cui siderei commisit limina regni,
Hic habet in templis altera claustra poli.
Puisez dans l’eau sainte la vie éternelle :
Ici la foi prend son cours, où seule périt la mort ;
Ici le bain jaillissant d’une source divine fortifie les âmes,
Et l’onde qui baigne les membres affermit l’esprit.
Le Christ a accru le double honneur du Siège apostolique
Et Il lui a donné d’être la voie menant aux cieux ;
Ainsi celui à qui Il confia l’entrée du royaume divin,
Garde dans ce temple une autre porte du ciel.
Le sens de l’épigraphe n’est pas parfaitement clair. Le double honneur conféré au Siège apostolique est évidemment l’évangélisation, le martyre et le sépulcre des deux Princes des Apôtres. Le privilège, par suite, concédé en plus à l’Église romaine, serait cette circonstance, que le Porte-Clefs du ciel gardât une seconde porte du paradis dans son propre baptistère. Pourtant, afin que ce dernier privilège puisse constituer un honneur spécial pour le Siège apostolique, il ne suffit pas que le Baptême ouvre d’une façon quelconque la porte du Paradis — toutes les églises du monde avaient aussi leur baptistère, — mais il est requis que ce Baptême soit en relation historique spéciale avec l’apôtre Pierre, lequel aurait, ou inauguré lui-même le baptistère, — si l’épigraphe se rapporte au cimetière ad nymphas beati Petri ubi baptizabat, — ou bien il l’aurait consacré soit par son martyre, soit encore parce que les Pontifes, ses successeurs, l’administrent en son nom ; toutes circonstances qui se vérifient au Vatican, dans le baptistère damasien.

[26] Le feu de votre splendeur.

[27] Cette lumière que vous avez sanctifiée et bénite

[28] Splendeur nocturne

[29] Qu’il brille par ses rayons mystérieux de votre lumière

[30] qu’en tout lieu où le mystère de cette bénédiction sera apporté, les ruses de la malice diabolique soient déjouées et que là aussi la puissance de votre majesté éclate.

[31] O bienheureuse faute, ô vraiment nécessaire péché d’Adam.

[32] Participants de la nature divine.

[33] Changeant toute chose, mais au dessein immuable. Cf. Confession, Lib. I, cap. 4.