Textes de la Messe |
Office |
Dom Guéranger, l’Année Liturgique |
Bhx Cardinal Schuster, Liber Sacramentorum |
Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique |
Ant. ad Introitum. Ps. 47, 10-11. | Introït |
Suscépimus, Deus, misericórdiam tuam in médio templi tui : secúndum nomen tuum, Deus, ita et laus tua in fines terræ : iustítia plena est déxtera tua. | Nous avons reçu, ô Dieu, votre miséricorde au milieu de votre temple : comme votre nom, ô Dieu, votre louange s’étend jusqu’aux extrémités de la terre, votre droite est pleine de justice. |
Ps. ibid., 2. | |
Magnus Dóminus, et laudábilis nimis : in civitate Dei nostri, in monte sancto eius. | Le Seigneur est grand et très digne de louange : dans la cité de notre Dieu, sur sa sainte montagne. |
V/.Glória Patri. | |
Oratio. | Collecte |
Largíre nobis, quǽsumus,Dómine, semper spíritum cogitándi quæ recta sunt, propítius et agéndi : ut, qui sine te esse non póssumus, secúndum te vívere valeámus. Per Dóminum. | Nous vous en prions, Seigneur, accordez-nous, dans votre bonté, la grâce de penser et d’agir toujours selon la justice : afin que, ne pouvant exister sans vous, nous puissions conformer notre vie à votre volonté. |
Léctio Epístolæ beáti Pauli Apóstoli ad Romános. | Lecture de l’Épître du Bienheureux Apôtre Paul aux Romains. |
Rom. 8, 12-17. | |
Fratres : Debitóres sumus non carni, ut secúndum carnem vivámus. Si enim secúndum carnem vixéritis, moriémini : si autem spíritu facta carnis mortificavéritis, vivétis. Quicúmque enim spíritu Dei aguntur, ii sunt fílii Dei. Non enim accepístis spíritum servitútis íterum in timóre, sed accepístis spíritum adoptiónis filiórum, in quo clamámus : Abba (Pater). Ipse enim Spíritus testimónium reddit spirítui nostro, quod sumus fílii Dei. Si autem fílii, et herédes : herédes quidem Dei, coherédes autem Christi. | Mes frères : nous ne sommes point redevables à la chair pour vivre selon la chair. Car si vous vivez, selon la chair, vous mourrez ; mais si, par l’Esprit, vous faites mourir les œuvres du corps, vous vivrez ; car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu. En effet, vous n’avez point reçu un Esprit de servitude, pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu un Esprit d’adoption, en qui nous crions : Abba ! Père ! Cet Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ. |
Graduale. Ps. 30, 3. | Graduel |
Esto mihi in Deum protectórem, et in locum refúgii, ut salvum me fácias. | Soyez-moi un Dieu protecteur et une maison de refuge afin que vous me sauviez. |
V/. Ps. 70, 1. Deus, in te sperávi : Dómine, non confúndar in ætérnum. | O Dieu, j’ai espéré en vous ; Seigneur : que je ne sois pas à jamais confondu. |
Allelúia, allelúia. V/.Ps. 47, 2. | |
Magnus Dóminus, et laudábilis valde, in civitáte Dei nostri, in monte sancto eius. Allelúia. | Le Seigneur est grand, et digne de toute louange, dans la cité de notre Dieu, sur sa sainte montagne. Alléluia. |
+ Sequéntia sancti Evangélii secúndum Lucam. | Suite du Saint Évangile selon saint Luc. |
Luc. 16, 1-9. | |
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis parábolam hanc : Homo quidam erat dives, qui habébat víllicum : et hic diffamátus est apud illum, quasi dissipásset bona ipsíus. Et vocávit illum et ait illi : Quid hoc audio de te ? redde ratiónem villicatiónis tuæ : iam enim non póteris villicáre. Ait autem víllicus intra se : Quid fáciam, quia dóminus meus aufert a me villicatiónem ? fódere non váleo, mendicáre erubésco. Scio, quid fáciam, ut, cum amótus fúero a villicatióne, recípiant me in domos suas. Convocátis itaque síngulis debitóribus dómini sui, dicébat primo : Quantum debes dómino meo ? At ille dixit : Centum cados ólei. Dixítque illi : Accipe cautiónem tuam : et sede cito, scribe quinquagínta. Deínde álii dixit : Tu vero quantum debes ? Qui ait : Centum coros trítici. Ait illi : Accipe lítteras tuas, et scribe octogínta. Et laudávit dóminus víllicum iniquitátis, quia prudénter fecísset : quia fílii huius sǽculi prudentióres fíliis lucis in generatióne sua sunt. Et ego vobis dico : fácite vobis amicos de mammóna iniquitátis : ut, cum defecéritis, recípiant vos in ætérna tabernácula. | En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples cette parabole : Il était un homme riche qui avait un intendant ; celui-ci lui fut dénoncé comme dissipant ses biens. Il l’appela et lui dit : "Qu’est-ce que j’entends dire de toi ? Rends compte de ton intendance, car tu ne pourras plus être intendant." Or l’intendant se dit en lui-même : "Que ferai-je, puisque mon maître me retire l’intendance ? Bêcher, je n’en ai pas la force ; mendier, j’en ai honte. Je sais ce que je ferai pour que, quand je serai destitué de l’intendance, (il y ait des gens) qui me reçoivent chez eux." Ayant convoqué chacun des débiteurs de son maître, il dit au premier : "Combien dois-tu à mon maître ?" Il dit : "Cent mesures d’huile." Et il lui dit : "Prends ton billet, assieds-toi vite et écris : cinquante." Ensuite il dit à un autre : "Et toi, combien dois-tu ?" Il dit : "Cent mesures de froment." Et il lui dit : "Prends ton billet et écris : quatre-vingts." Et le maître loua l’intendant malhonnête d’avoir agi d’une façon avisée. C’est que les enfants de ce siècle sont plus avisés à l’égard de ceux de leur espèce que les enfants de la lumière. Et moi je vous dis : « Faites-vous des amis avec la Richesse malhonnête, afin que, lorsqu’elle viendra à manquer, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels ». |
Credo | |
Ant. ad Offertorium. Ps. 17, 28 et 32. | Offertoire |
Pópulum húmilem salvum fácies, Dómine, et óculos superbórum humiliábis : quóniam quis Deus præter te, Dómine ? | Vous sauverez, Seigneur, l’humble peuple, et vous humilierez les yeux des superbes : car qui donc est Dieu, sauf vous, Seigneur ? |
Secreta. | Secrète |
Súscipe, quǽsumus, Dómine, múnera, quæ tibi de tua largitáte deférimus : ut hæc sacrosáncta mystéria, grátiæ tuæ operánte virtúte, et præséntis vitæ nos conversatióne sanctíficent, et ad gáudia sempitérna perdúcant. per Dóminum. | Recevez, nous vous en supplions, Seigneur, les biens que nous vous offrons après les avoir reçus de votre largesse, afin que par la vertu et l’opération de votre grâce, ces mystères sacro-saints nous sanctifient dans la conduite de la vie présente et nous fassent parvenir aux joies éternelles. |
Præfatio de sanctissima Trinitate ; non vero in feriis, quando adhibetur Missa huius dominicæ, sed tunc dicitur præfatio communis. | Préface de la Sainte Trinité ; mais les jours de Féries, où l’on reprend la Messe de ce Dimanche, on dit la Préface Commune . |
Ant. ad Communionem. Ps. 33, 9. | Communion |
Gustáte et vidéte, quóniam suávis est Dóminus : beátus vir, qui sperat in eo. | Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux : Bienheureux l’homme qui espère en lui. |
Postcommunio. | Postcommunion |
Sit nobis, Dómine, reparátio mentis et córporis cæléste mystérium : ut, cuius exséquimur cultum, sentiámus efféctum. Per Dóminum. | Que ce céleste mystère nous soit, ô Seigneur, une cause de renouvellement spirituel et corporel, en sorte qu’en le célébrant, nous en ressentions les effets. |
Nota Bene : Si les dimanches après la Pentecôte, à partir du 7ème, tombent à partir du 29 juillet (avant 1960, ou à partir du 1er août (après 1960), l’antienne des 1ères Vêpres et les deux premiers nocturnes sont pris dans les lectures des dimanches d’août.
AUX PREMIÈRES VÊPRES.
Psaumes, capitule et hymne : 1ères Vêpres du Dimanche per annum
V/. Vespertína orátio ascéndat ad te, Dómine. | V/. Que la prière du soir s’élève vers vous, Seigneur. |
R/. Et descéndat super nos misericórdia tua. | R/. Et que votre miséricorde descende sur nous. |
Ad Magnificat Ant. Exaudísti, Dómine, * oratiónem servi tui, ut ædificárem templum nómini tuo. | Ant. au Magnificat Seigneur, vous avez exaucé * la prière de votre serviteur, en m’accordant de bâtir un temple à votre nom [1]. |
Magnificat | |
Oratio | Prière |
Largíre nobis, quǽsumus,Dómine, semper spíritum cogitándi quæ recta sunt, propítius et agéndi : ut, qui sine te esse non póssumus, secúndum te vívere valeámus. Per Dóminum. | Nous vous en prions, Seigneur, accordez-nous, dans votre bonté, la grâce de penser et d’agir toujours selon la justice : afin que, ne pouvant exister sans vous, nous puissions conformer notre vie à votre volonté. |
A MATINES
1er Nocturne
Introduction des Matines et psaumes du 1er nocturne du Dimanche per annum en été
Lectio i | 1ère leçon |
De libro tértio Regum. | Du troisième livre des Rois. |
Cap. 9, 1-5. | |
Factum est autem cum perfecísset Sálomon ædifícium domus Dómini et ædifícium regis et omne quod optáverat et volúerat fácere, appáruit ei Dóminus secúndo, sicut apparúerat ei in Gábaon. Dixítque Dóminus ad eum : Exaudívi oratiónem tuam et deprecatiónem tuam, quam deprecátus es coram me ; sanctificávi domum hanc, quam ædificásti, ut pónerem nomen meum ibi in sempitérnum ; et erunt óculi mei et cor meum ibi cunctis diébus. Tu quoque, si ambuláveris coram me sicut ambulávit pater tuus in simplicitáte cordis et in æquitáte, et féceris ómnia quæ præcépi tibi et legítima mea et iudícia mea serváveris, ponam thronum regni tui super Israël in sempitérnum, sicut locútus sum David, patri tuo dicens : Non auferétur vir de génere tuo de sólio Israël. | Après que Salomon eut achevé de construire le Temple du Seigneur, le palais royal et tout ce qu’il lui plut de construire, le Seigneur apparut une seconde fois à Salomon comme il lui était apparu à Gabaon. Le Seigneur lui dit : « J’exauce la prière et la supplication que tu m’as présentées. Je consacre cette Maison que tu as bâtie, en y plaçant mon Nom à jamais ; mes yeux et mon cœur y seront toujours. Pour toi, si tu marches devant moi comme a fait ton père David, dans l’innocence du cœur et la droiture, si tu agis selon tout ce que je te commande et si tu observes mes lois et mes ordonnances, je maintiendrai pour toujours ton trône royal sur Israël, comme je l’ai promis à ton père David quand j’ai dit : Il ne te manquera jamais un descendant sur le trône d’Israël. |
R/. Præparáte corda vestra Dómino, et servíte illi soli : * Et liberábit vos de mánibus inimicórum vestrórum. | R/. Préparez vos cœurs pour le Seigneur et ne servez que lui seul [2] : * Et il vous délivrera de la main de vos ennemis. |
V/. Convertímini ad eum in toto corde vestro, et auférte deos aliénos de médio vestri. | V/. Convertissez-vous au Seigneur de tout votre cœur, et ôtez d’au milieu de vous les dieux étrangers. |
* Et liberábit vos de mánibus inimicórum vestrórum. | * Et il vous délivrera de la main de vos ennemis. |
Lectio ii | 2e leçon |
Cap. 9, 6-9. | |
Si autem aversióne avérsi fuéritis vos et fílii vestri non sequéntes me nec custodiéntes mandáta mea et cæremónias meas quas propósui vobis, sed abiéritis et coluéritis deos aliénos et adoravéritis eos ; áuferam Israël de superfície terræ quam dedi eis, et templum quod sanctificávi nómini meo proíciam a conspéctu meo, erítque Israël in provérbium et in fábulam cunctis pópulis, et domus hæc erit in exémplum : omnis qui transíerit per eam stupébit et sibilábit et dicet : Quare fecit Dóminus sic terræ huic et dómui huic ? Et respondébunt : Quia dereliquérunt Dóminum Deum suum, qui edúxit patres eórum de terra Ægýpti, et secúti sunt deos aliénos et adoravérunt eos et coluérunt eos ; idcírco indúxit Dóminus super eos omne malum hoc. | Mais si vous m’abandonnez, vous et vos fils, si vous n’observez pas les commandements et les lois que je vous ai proposés, si vous allez servir d’autres dieux et leur rendez hommage, alors je retrancherai Israël du pays que je lui ai donné ; ce Temple que j’ai consacré à mon Nom, je le rejetterai de ma présence, et Israël sera la fable et la risée de tous les peuples. Ce Temple sublime, tous ceux qui le longeront seront stupéfaits ; ils siffleront et diront : Pourquoi le Seigneur a-t-il fait cela à ce pays et à ce Temple ? et l’on répondra : Parce qu’ils ont abandonné le Seigneur leur Dieu qui avait fait sortir leurs pères du pays d’Égypte, qu’ils se sont attachés à d’autres dieux et qu’ils leur ont rendu hommage et culte, voilà pourquoi le Seigneur leur a envoyé tous ces maux ». |
R/. Deus ómnium exaudítor est : ipse misit Angelum suum, et tulit me de óvibus patris mei [3] ; * Et unxit me unctióne misericórdiæ suæ. | R/. C’est le Seigneur qui exauce les prières de tous, lui-même a envoyé son Ange et m’a retiré du milieu des brebis de mon père ; * Et il m’a oint de l’onction de sa miséricorde. |
V/. Dóminus, qui erípuit me de ore leónis, et de manu béstiæ liberávit me. | V/. C’est le Seigneur qui m’a arraché de la gueule du lion, et des griffes de la bête féroce [4]. |
* Et unxit me unctióne misericórdiæ suæ. | * Et il m’a oint de l’onction de sa miséricorde. |
Lectio iii | 3e leçon |
Cap. 9, 10-14. | |
Explétis autem annis vigínti postquam ædificáverat Sálomon duas domos, id est domus Dómini et domum regis (Hiram rege Tyri præbénte Salomóni ligna cédrina et abiégna et aurum iuxta omne quod opus habúerat), tunc dedit Sálomon Hiram vigínti óppida in terra Galilǽæ. Et egréssus est Hiram de Tyro ut vidéret óppida, quæ déderat ei Sálomon, et non placuérunt ei, et ait : Hǽcine sunt civitátes, quas dedísti mihi, frater ? Et appellávit eas terram Chabul usque in diem hanc. Misit quoque Hiram ad regem Salomónem centum vigínti talénta auri. | Au bout des vingt années pendant lesquelles Salomon construisit les deux édifices, le Temple du Seigneur et le palais royal, (Hiram, roi de Tyr, lui avait fourni du bois de cèdre et de genévrier, et de l’or, tant qu’il en avait voulu), alors le roi Salomon donna à Hiram vingt villes dans le pays de Galilée. Hiram vint de Tyr pour voir les villes que Salomon lui avait données, et elles ne lui plurent pas ; il dit : « Qu’est-ce que ces villes que tu m’as données, mon frère ? » et, jusqu’à ce jour, on les appelle : « le pays de Kabul ». Hiram envoya au roi 120 talents d’or. |
R/. Dóminus, qui erípuit me de ore leónis, et de manu béstiæ liberávit me, * Ipse me erípiet de mánibus inimicórum meórum. | R/. Le Seigneur qui m’a arraché de la gueule du lion, et délivré des griffes de la bête féroce [5], * Lui-même m’arrachera aux mains de mes ennemis. |
V/. Misit Deus misericórdiam suam et veritátem suam : ánimam meam erípuit de médio catulórum leónum. | V/. Dieu a envoyé sa miséricorde et sa vérité, et il a arraché mon âme du milieu des petits des lions [6]. |
* Ipse me erípiet de mánibus inimicórum meórum. Glória Patri. * Ipse me erípiet de mánibus inimicórum meórum. | * Lui-même m’arrachera aux mains de mes ennemis. Gloire au Père. * Lui-même m’arrachera aux mains de mes ennemis. |
2nd Nocturne
Psaumes du 2nd nocturne du Dimanche per annum
Lectio iv | 4e leçon |
Ex libro sancti Augustíni Epíscopi de Civitáte Dei. | Du livre La Cité de Dieu, de saint Augustin, évêque. |
Liber 17, cap. 8, sub medio | |
Facta est quidem nonnúlla imágo rei futúræ étiam in Salomóne, in eo quod templum ædificávit, et pacem hábuit secúndum nomen suum (Sálomon quippe pacíficus est Latíne), et in exórdio regni sui mirabíliter laudábilis fuit. Sed eádem sua persóna per umbram futúri prænuntiábat étiam ipse Christum Dóminum nostrum, non exhibébat. Unde quædam de illo ita scripta sunt, quasi de ipso ista prædícta sint, dum Scriptúra sancta étiam rebus gestis prophétans, quodámmodo in eo figúram delíneat futurórum. | Une certaine image de l’avenir se voit aussi en Salomon, car il bâtit le temple, il vécut en paix, selon le présage de son nom, - Salomon en effet signifie Pacifique - et, au début de son règne, il fut au-dessus de toute louange. Sa personne, comme une ombre de l’avenir, précède et annonce le Christ notre Seigneur, sans le montrer en toute clarté. Plusieurs épisodes écrits à propos de Salomon semblent prédits du Christ lui-même. L’Écriture sainte dans ses récits du passé prophétise, elle esquisse, pour ainsi dire, la figure des évènements futurs. |
R/. Percússit Saul mille, et Davíd decem míllia : * Quia manus Dómini erat cum illo ; percússit Philisthǽum, ct ábstulit oppróbrium ex Israel. | R/. Saül en a tué mille et David dix mille [8] : * Car la main du Seigneur était avec lui ; il a frappé le Philistin, et enlevé l’opprobre d’Israël [9]. |
V/. Nonne iste est David, de quo canébant in choro, dicéntes : Saul percússit mille, et David decem millia ? | V/. Celui-ci n’est-il pas David pour lequel on chantait dans les chœurs, en disant : Saül en a tué mille et David dix mille [10] ? |
* Quia manus Dómini erat cum illo ; percússit Philisthǽum, ct ábstulit oppróbrium ex Israel. | * Car la main du Seigneur était avec lui ; il a frappé le Philistin, et enlevé l’opprobre d’Israël. |
Lectio v | 5e leçon |
Nam præter libros divínæ históriæ, ubi regnásse narrátur, Psalmus étiam septuagésimus primus título nóminis eius inscríptus est. In quo tam multa dicúntur, quæ omníno ei conveníre non possunt, Dómino autem Christo aptíssima perspicuitáte convéniunt : ut evidénter appáreat, quod in illo figúra qualiscúmque adumbráta sit, in isto autem ipsa véritas præsentáta. | Car, outre les livres historiques inspirés qui racontent le règne de Salomon, le psaume 71 porte son nom en titre. Tant de passages de ce psaume ne sauraient nullement convenir à Salomon, ils conviennent cependant au Seigneur Christ avec une transparente clarté. Aussi apparaît-il à l’évidence qu’en Salomon une figure imprécise se voile d’ombre, tandis que dans le Christ, la vérité elle-même se découvre. |
R/. Montes Gélboë, nec ros nec plúvia véniant super vos, * Ubi cecidérunt fortes Israël. | R/. Montagnes de Gelboé, que ni pluie ni rosée ne viennent sur vous [11], * Où les forts d’Israël sont tombés. |
V/. Omnes montes, qui estis in circúitu eius, vísitet Dóminus ; a Gélboë autem tránseat. | V/. Que le Seigneur visite toutes les montagnes qui sont alentour, mais qu’il passe loin de Gelboé. |
* Ubi cecidérunt fortes Israël. | * Où les forts d’Israël sont tombés. |
Lectio vi | 6e leçon |
Notum est enim quibus términis regnum conclúsum fúerit Salomónis : et tamen in eo Psalmo légitur, ut ália táceam : Dominábitur a mari usque ad mare, et a flúmine usque ad términos orbis terræ ; quod in Christo vidémus impléri. A flúmine quippe dominándi sumpsit exórdium, ubi baptizátus a Ioánne, eódem monstránte, cœpit agnósci a discípulis, qui eum non solum magístrum, verum étiam Dóminum appellavérunt. | On sait, en effet, quelles limites bornaient le royaume de Salomon, et cependant, pour ne rien dire d’autre, on lit dans ce psaume : « Il étendra sa seigneurie de la mer à la mer, du Fleuve jusqu’au bout de la terre » [12]. Or, nous voyons ces paroles réalisées dans le Christ. Sa seigneurie prit son départ du fleuve, où il est baptisé par Jean qui le désigne. Ses disciples commencent à le reconnaître ; ils l’appellent non seulement Maître, mais Seigneur. |
R/. Ego te tuli de domo patris tui, dicit Dóminus, et pósui te páscere gregem pópuli mei : * Et fui tecum in ómnibus, ubicúmque ambulásti, firmans regnum tuum in ætérnum. | R/. C’est moi qui t’ai tiré de la maison de ton père, dit le Seigneur, et t’ai établi pour pasteur du troupeau de mon peuple [13] : * Et j’ai été avec toi dans tous les lieux où tu as marché, affermissant ton royaume pour toujours. |
V/. Fecíque tibi nomen grande, iuxta nomen magnórum, qui sunt in terra : et réquiem dedi tibi ab ómnibus inimícis tuis. | V/. J’ai rendu ton nom grand comme le nom des grands qui sont sur la terre et je t’ai donné le repos du côté de tous tes ennemis. |
* Et fui tecum in ómnibus, ubicúmque ambulásti, firmans regnum tuum in ætérnum. Glória Patri. * Et fui tecum in ómnibus, ubicúmque ambulásti, firmans regnum tuum in ætérnum. | * Et j’ai été avec toi dans tous les lieux où tu as marché, affermissant ton royaume pour toujours. Gloire au Père. * Et j’ai été avec toi dans tous les lieux où tu as marché, affermissant ton royaume pour toujours. |
3ème Nocturne
Psaumes du 3ème nocturne du Dimanche per annum
Lectio vii | 7e leçon |
Léctio sancti Evangélii secundum Lucam. | Lecture du saint Évangile selon saint Luc. |
Cap. 16, 1-9. | |
In illo témpore : Dixit Iesus discípulis suis parábolam hanc : Homo quidam erat dives, qui habébat víllicum, et hic diffamátus est apud illum quasi dissipásset bona ipsíus. Et réliqua. | En ce temps-là : Jésus dit à ses disciples cette parabole : Il était un homme riche qui avait un intendant ; celui-ci lui fut dénoncé comme dissipant ses biens. Et le reste. |
Homilía sancti Hierónymi Presbýteri. | Homélie de saint Jérôme, prêtre. |
Comment. in Matt. cap. 6 | |
Si dispensátor iníqui mammónæ, dómini voce laudátur, quod de re iníqua sibi iustítiam præparárit ; et passus dispéndia dóminus laudat dispensatóris prudéntiam, quod advérsus dóminum quidem fraudulénter, sed pro se prudénter égerit : quanto magis Christus, qui nullum damnum sustinére potest, et pronus est ad cleméntiam, laudábit discípulus suos, si in eos qui creditúri sibi sunt, misericórdes fúerint ? | L’intendant de richesses malhonnêtes reçoit un éloge de la bouche de son maître pour s’être préparé une sorte de justice avec le fruit même de sa malhonnêteté, et le maître lésé loue la prudence de l’intendant parce qu’en portant préjudice à son maître, il a, dans son intérêt personnel, agi prudemment. Le Christ ne peut subir aucun dommage et toujours incline à la clémence. Combien plus ne louera-t-il pas ses disciples s’ils ont exercé la miséricorde à l’égard de ceux qui croiront en lui ? |
R/. Peccávi super númerum arénae maris, et multiplicáta sunt peccáta mea ; et non sum dignus vidére altitúdinem cæli præ multitúdine iniquitátis meæ : quóniam irritávi iram tuam, * Et malum coram te feci. | R/. J’ai péché, et mes péchés se sont multipliés au-dessus du nombre du sable de la mer, et à cause de la multitude de mon iniquité je ne suis pas digne de regarder en haut le ciel : parce que j’ai excité votre colère [14], * Et commis le mal en votre présence. |
V/. Quóniam iniquitátem meam ego cognósco : et delíctum meum contra me est semper, quia tibi soli peccávi. | V/. Parce que je connais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi, car j’ai péché contre vous seul [15]. |
* Et malum coram te feci. | * Et commis le mal en votre présence. |
Lectio viii | 8e leçon |
Dénique post parábolam íntulit : Et ego vobis dico, Fácite vobis amícos de iníquo mammóna. Mammóna autem non Hebræórum, sed Syrórum lingua divítiæ nuncupántur, quod de iniquitáte colléctæ sint. Si ergo iníquitas bene dispensáta vértitur in iustítiam ; quanto magis sermo divínus, in quo nulla est iníquitas, qui et Apóstolis créditus est, si bene fúerit dispensátus, dispensatóres suos levábit in cælum ? | Après la parabole, le Seigneur ajoute : « Et moi je vous dis : Faites-vous des amis avec le mammon malhonnête ! » Ce n’est pas l’hébreu, mais le syriaque qui appelle « mammon » malhonnête les richesses parce qu’elles s’amassent par des procédés malhonnêtes. Si donc un bien mal acquis, mais adroitement distribué, peut se changer en justice, la parole divine qui, elle, n’a rien de malhonnête et qui a été confiée aux Apôtres, n’élèvera-t-elle pas jusqu’au ciel ceux qui l’administrent, pourvu que ce soit à bon escient ? |
Répons [16] | |
R/. Duo Séraphim clamábant alter ad álterum : * Sanctus, sanctus, sanctus Dóminus Deus Sábaoth : * Plena est omnis terra glória eius. | R/. Deux Séraphins se criaient l’un à l’autre [17] : * Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées : * Toute la terre est pleine de sa gloire. |
V/. Tres sunt qui testimónium dant in cælo : Pater, Verbum, et Spíritus Sanctus : et hi tres unum sunt. | V/. Ils sont trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit-Saint ; et ces trois sont une seule chose [18]. |
* Sanctus, sanctus, sanctus Dóminus Deus Sábaoth : Glória Patri. * Plena est omnis terra glória eius. | * Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées : Gloire au Père. * Toute la terre est pleine de sa gloire. |
Lectio ix | 9e leçon |
Quam ob rem séquitur : Qui fidélis est in mínimo, hoc est, in carnálibus ; et in multis fidélis erit, hoc est, in spirituálibus. Qui autem in parvo iníquus est, ut non det frátribus ad uténdum, quod a Deo pro ómnibus est creátum ; iste et in spirituáli pecúnia dividénda iníquus erit, ut non pro necessitáte, sed pro persónis doctrínam Dómini dívidat. Si autem, inquit, carnáles divítia, quæ labúntur, non bene dispensátis ; veras æternásque divítias doctrínæ Dei quis credet vobis ? | On comprend la suite : Celui qui est fidèle pour très peu de chose, ce qui veut dire pour le plan charnel, sera fidèle aussi pour beaucoup, ce qui veut dire pour le plan spirituel. Mais celui qui est malhonnête pour très peu qui ne met pas au service de ses frères ce que Dieu a créé pour tous, celui-là sera malhonnête aussi dans le partage des richesses spirituelles, car il ne dispensera pas la doctrine selon les besoins, mais selon les personnes. « Or, dit le Seigneur, si vous ne dispensez pas bien les richesses matérielles et caduques, qui donc vous confiera les vraies et éternelles richesses de la doctrine divine ? » |
Te Deum | |
A LAUDES.
Psaumes, capitule et hymne : Laudes du Dimanche per annum en été
V/. Dóminus regnávit, decórem índuit. | V/. Le Seigneur a régné, il revêt la beauté [19]. |
R/. Induit Dóminus fortitúdinem, et præcínxit se virtúte. | R/. Le Seigneur se revêt de force, il s’est ceint de puissance [20]. |
Ad Bened. Ant. Ait dóminus víllico : * Quid hoc áudio de te ? redde ratiónem villicatiónis tuæ, allelúia. | Ant. au Benedictus Le maître dit à l’économe : * Qu’est-ce que j’entends dire de toi ? Rends compte de ton intendance [21]. |
Benedictus | |
Oratio | Prière |
Largíre nobis, quǽsumus,Dómine, semper spíritum cogitándi quæ recta sunt, propítius et agéndi : ut, qui sine te esse non póssumus, secúndum te vívere valeámus. Per Dóminum. | Nous vous en prions, Seigneur, accordez-nous, dans votre bonté, la grâce de penser et d’agir toujours selon la justice : afin que, ne pouvant exister sans vous, nous puissions conformer notre vie à votre volonté. |
AUX DEUXIÈMES VÊPRES.
Psaumes, capitule et hymne : Vêpres du Dimanche per annum
V/. Dirigátur, Dómine, orátio mea. | V/. Que ma prière soit dirigée, Seigneur [22]. |
R/. Sicut incénsum in conspéctu tuo. | R/. Comme un encens en votre présence. |
Ad Magnificat Ant. Quid fáciam, * quia dóminus meus aufert a me villicatiónem ? Fódere non váleo, mendicáre erubésco. Scio quid fáciam, ut, cum amótus fúero a villicatióne, recípiant me in domos suas. | Ant. au Magnificat Que ferai-je, * puisque mon maître me retire l’intendance ? Bêcher, je n’en ai pas la force ; mendier, j’en ai honte. Je sais ce que je ferai pour que, quand je serai destitué de l’intendance, il y ait des gens qui me reçoivent chez eux [23]. |
Magnificat | |
Oratio | Prière |
Largíre nobis, quǽsumus,Dómine, semper spíritum cogitándi quæ recta sunt, propítius et agéndi : ut, qui sine te esse non póssumus, secúndum te vívere valeámus. Per Dóminum. | Nous vous en prions, Seigneur, accordez-nous, dans votre bonté, la grâce de penser et d’agir toujours selon la justice : afin que, ne pouvant exister sans vous, nous puissions conformer notre vie à votre volonté. |
Ce Dimanche était appelé, au moyen âge, le sixième et dernier dimanche après le Natal des Apôtres ou la fête de saint Pierre, dans les années où Pâques atteignait son dernier terme en avril. Il n’était au contraire que le premier de la série dominicale ainsi dénommée, lorsque Pâques suivait immédiatement l’équinoxe du printemps.
Nous avons vu qu’en raison du même mouvement si variable imprimé à toute la dernière partie du cycle liturgique par la date de la Solennité des solennités, cette semaine pouvait être déjà la deuxième de la lecture des livres Sapientiaux, quoique le plus souvent on doive y continuer encore celle des livres des Rois. Dans ce dernier cas, c’est l’ancien temple élevé par Salomon le Pacifique à la gloire de Jéhovah qui attire aujourd’hui l’attention de la sainte Église ; et les chants de la Messe sont alors, comme nous le verrons, en parfaite harmonie avec les lectures de l’Office de la nuit.
Saluons donc une dernière fois avant sa chute le splendide monument de l’ancienne alliance. A la veille des événements qui se préparent, l’Église veut rendre cet hommage au glorieux et divin passé qui l’a précédée. Entrons avec elle dans les sentiments des chrétiens de Juda ses premiers-nés, lorsqu’instruits du prochain accomplissement des prophéties, ils quittèrent Jérusalem par l’ordre d’en haut. Ce fut un moment solennel que celui où la petite troupe d’élus, en qui seule survivait la foi d’Abraham et l’intelligence des destinées du peuple hébreu, se retourna sur le chemin de l’émigration pour contempler, dans un long regard d’adieu, la cité de ses pères. Prenant à l’Orient la route du Jourdain, au delà duquel l’attendait le refuge préparé par Dieu aux restes d’Israël [24], elle dut s’arrêter sur la pente du mont des Oliviers qui, dominant la ville, allait bientôt la dérober à ses yeux. Moins de quarante ans auparavant, au même endroit, l’Homme-Dieu s’était assis[Marc, XIII, 1-3.[]], promenant une dernière fois, lui aussi, son regard divin sur la ville et le temple. De cette place devenue sacrée, que vénèrent encore aujourd’hui les pèlerins, Jérusalem apparaissait dans sa magnificence. Relevée depuis longtemps de ses anciennes ruines, les princes de la race d’Hérode, favoris des Romains, l’avaient encore agrandie ; elle se montrait aux yeux de nos fugitifs plus complète et plus belle qu’elle ne l’avait jamais été dans les périodes antérieures de son histoire. Rien au dehors n’annonçait encore la cité maudite. Toujours assise comme une reine forte et puissante au milieu des montagnes que le Psalmiste avait chantées [25], couronnée de tours [26] et pleine de palais, elle enchâssait dignement dans la triple enceinte de ses murailles achevée par les derniers rois, les plus nobles cimes des monts de Judée comme de l’univers : Sion et ses augustes souvenirs ; le Golgotha, colline obscure et pauvre que n’illuminait point encore la gloire du saint tombeau, mais dont déjà, à cette heure même, l’attraction puissante et vengeresse jetait une première fois sur cette terre les légions d’Occident ; Moriah enfin, la montagne sacrée du vieux monde, servant de base au temple sans rival dont la possession faisait de Jérusalem la plus illustre des villes de tout l’Orient pour les gentils eux-mêmes [27].
« Au lever du soleil, lorsque de loin sur la sainte montagne apparaissait le sanctuaire dominant de plus de cent coudées les deux rangées de portiques qui formaient sa double enceinte ; quand le jour versait ses premiers feux sur cette façade d’or et de marbre blanc ; quand scintillaient les mille aiguilles dorées qui surmontaient son faîte : il semblait, dit Josèphe, que ce fût une montagne de neige, s’illuminant peu à peu et s’embrasant aux feux rougeâtres du matin. L’œil était ébloui, l’âme surprise, la piété éveillée ; le païen même se prosternait [28] ». Venu en conquérant ou comme curieux, c’était en pèlerin qu’en des temps meilleurs il reprenait sa route. Il gravissait plein d’une religieuse émotion la pente de Moriah, et pénétrait par la porte d’or dans les galeries somptueuses qui formaient l’enceinte extérieure du temple. Mêlé dans le parvis des gentils à des hommes de toute race, l’âme absorbée par la sainteté de ce lieu où l’on sentait que vivaient toujours pures les antiques traditions de l’humanité, il assistait de loin, lui profane, aux pompes divinement ordonnées du culte hébreu. La blanche colonne de la fumée des victimes s’élevait devant lui comme l’hommage de la terre au Dieu créateur et sauveur ; des parvis intérieurs arrivait à son oreille l’harmonie des chants sacrés, portant jusqu’au ciel l’ardente prière des siècles de l’attente et l’expression inspirée des espérances du monde ; et lorsque, du milieu des chœurs lévitiques et des phalanges sacerdotales vaquant au ministère du sacrifice et de la louange, le pontife au front duquel brillait la lame d’or s’avançait, portant l’encensoir, et s’engageait seul au delà des voiles mystérieux qui fermaient le sanctuaire : l’étranger qui entrevoyait quelque chose de ces symboliques splendeurs s’avouait vaincu, et il reconnaissait la grandeur incomparable de ce Dieu sans image dont la majesté dépassait tellement les vaines idoles des nations. Les princes d’Asie, les plus grands rois, tenaient à honneur de subvenir par leurs dons personnels et aux frais du trésor de leurs empires à la dépense du lieu saint [29]. On vit les généraux romains et les césars eux-mêmes continuer sur ce point les traditions de Cyrus [30] et d’Alexandre [31]. Auguste voulut que, chaque jour, un taureau et deux agneaux fussent offerts en son nom aux prêtres juifs et immolés sur l’autel de Jéhovah pour le salut de l’empire [32] ; ses successeurs avaient maintenu la fondation ; et le refus que firent les sacrificateurs de recevoir désormais les offrandes impériales marqua, dit Josèphe, le début de la guerre [33].
Mais si jusqu’à la fin la majesté du temple en imposa tellement aux profanes eux-mêmes, il était des émotions que le juif fidèle pouvait seul ressentir à son aspect, en ces derniers jours de l’existence de la nation. Héritier de la foi soumise des patriarches, il n’ignorait pas assurément que les privilèges prophétiques de sa patrie n’étaient que l’annonce pour le monde entier de grandeurs plus réelles et plus stables ; il comprenait sans nul doute que l’heure était venue, pour les enfants de Dieu, de ne plus confiner leurs hommages dans les limites resserrées d’une montagne ou d’une ville [34] ; il savait que le vrai temple de Dieu s’élevait à l’heure même sur toutes les collines de la gentilité [35], embrassant dans son immensité les multiples rivages de cette terre qu’avait pénétrée de ses flots le sang parti du Calvaire. Et toutefois, qui ne comprendrait les angoisses de son patriotisme au moment où Dieu s’apprête à consommer, au milieu de la terre épouvantée, le retranchement terrible [36] du peuple ingrat qui fut la part de son héritage [37] ? Qui ne s’associerait à la douleur de Jacob en ces justes, pareils dans leur petit nombre aux épis échappés à la faux du moissonneur [38], et quittant la ville sainte devenue la cité maudite ? Certes, elles étaient bien légitimes les larmes qui tombaient des yeux de ces vrais Israélites abandonnant pour toujours à la dévastation et à la ruine leurs foyers, leur patrie, ce temple surtout qui, si longtemps, avait consacré la gloire d’Israël et formé le titre authentique de la noblesse de Juda parmi les nations [39].
Indépendamment de sa prééminence au temps des prescriptions figuratives, Jérusalem n’avait-elle pas été d’ailleurs le théâtre des plus augustes mystères de la loi de la grâce ? Et n’était-ce pas en son temple que Dieu, selon l’expression des prophètes, avait manifesté l’ange de l’alliance [40] et donné la paix [41] ? L’honneur de ce temple n’est plus l’exclusif apanage d’un peuple isolé, depuis que le désiré de toutes les nations l’a rempli par son arrivée de plus de gloire que n’avaient fait tous les siècles de l’attente et de la prophétie [42]. C’est à son ombre que Marie, le trône futur de la Sagesse éternelle, prépara dans son âme et sa chair au Verbe divin un plus auguste sanctuaire que celui dont les murailles lambrissées de cèdre et chargées d’or abritaient son enfance. C’est là qu’à l’âge de trois ans, elle franchit joyeuse les quinze degrés qui séparaient le parvis des femmes de la porte orientale, offrant à Dieu l’hommage si pur de son cœur immaculé. Ici donc, sur la cime de Moriah, commença dans leur reine ce long défilé des vierges consacrées, qui, jusqu’à la fin des temps, viendront après elle offrir au Roi leur amour [43]. Là encore, le sacerdoce nouveau prit son point de départ et son modèle en la divine Mère présentant au Très-Haut la victime du monde, fruit nouveau-né de ses chastes entrailles. Dans cette demeure faite de mains d’hommes, dans ces salles où siègent les docteurs, la Sagesse s’est assise sous les traits de l’enfance, instruisant les dépositaires de la Loi par ses questions sublimes et ses divines réponses [44]. Partout, dans ces parvis, le Verbe incarné répandit des trésors de bonté, de puissance, de céleste doctrine. Tel de ces portiques fut le lieu préféré des promenades du fils de l’homme [45], et l’Église naissante en fit le rendez-vous de ses premières assemblées [46].
Véritablement donc ce lieu est saint d’une sainteté non pareille, saint pour le juif du Sinaï, saint plus encore pour le chrétien, juif ou gentil, qui trouve ici la fin de la Loi dans l’accomplissement des figures [47]. L’Église rappelait à bon droit, celte nuit, la parole du Seigneur disant à Salomon : « J’ai sanctifié cette maison que vous avez bâtie, pour y établir mon Nom à jamais ; mes yeux et mon cœur y seront attachés dans toute la suite des jours [48] ».
Comment donc de sinistres présages viennent-ils jeter aujourd’hui l’effroi parmi les gardiens de la sainte montagne ? Des apparitions étranges, des bruits effrayants, ont banni de l’édifice sacré le calme et la paix qui conviennent à la maison du Seigneur. A la fête de la Pentecôte, les prêtres remplissant leur ministère ont entendu dans le saint lieu comme l’agitation d’une grande multitude et des voix nombreuses s’écriant toutes ensemble : « Sortons d’ici ! » Une autre fois, au milieu de la nuit, la porte d’airain massif qui fermait le sanctuaire du côté de l’Orient, et que vingt hommes à peine peuvent ébranler, s’est ouverte d’elle-même [49]. O temple, ô temple, dirons-nous avec les témoins de ces menaçants prodiges [50], pourquoi t’agiter ainsi ? Pourquoi te détruire toi-même ? Hélas ! Ton sort nous est connu ; Zacharie l’a prédit, lorsqu’il disait : « Liban, ouvre tes portes, et que le feu dévore tes cèdres [51] ! »
Dieu, à coup sûr, n’a point oublié les engagements de sa bonté toute-puissante. Mais n’oublions pas davantage le terrible et juste avertissement qui suivait sa promesse au fils de David : « Si vous abandonnez mes voies, vous et vos fils, j’exterminerai Israël de la terre que je lui ai donnée ; je rejetterai de ma face ce temple que je m’étais consacré, et Israël sera le proverbe et la fable de tous les peuples ; cette maison passera en exemple, elle sera l’objet de la stupéfaction et des sifflets de quiconque la verra [52] ! ».
Âme chrétienne, devenue pour Dieu par la grâce un temple [53] plus magnifique, plus saint, plus aimé que celui de Jérusalem, instruisez-vous à la lumière des divines vengeances, et méditez la parole de ce Dieu Très-Haut dans Ézéchiel : « La justice du juste ne le sauvera point, du jour qu’il aura fait le mal. Quand bien même je lui aurais promis la vie, si, confiant dans sa justice, il opère l’iniquité, toutes ses justices seront oubliées, et il mourra dans le péché qu’il a commis [54] ».
A LA MESSE.
L’Introït rappelle la gloire de l’ancien temple et de la montagne sainte. Mais plus grande encore est la majesté de l’Église qui porte, en ce moment, le Nom et la louange du Très-Haut jusqu’aux extrémités de la terre, mieux que ne l’avait jamais fait ce temple qui était sa figure.
Non seulement nous sommes par nous-mêmes incapables de toute bonne œuvre, mais la pensée même du bien surnaturel ne peut se produire en nous sans le secours de la grâce. Or le plus sûr moyen d’obtenir un secours si nécessaire, est de reconnaître humblement devant Dieu le besoin absolu que nous en avons, comme le fait l’Église dans la Collecte.
ÉPÎTRE.
Le Docteur des nations continue de former à la vie chrétienne les nouvelles recrues que sa voix puissante et celle de ses collègues dans l’apostolat, dispersés par le monde, amène chaque jour plus nombreuses aux fontaines du salut. Bien que se maintenant attentive aux événements qui se précipitent dans la Judée, l’Église, en effet, n’en réserve pas moins toujours ses sollicitudes les plus maternelles pour le grand œuvre de l’éducation des enfants qu’elle engendre à l’Époux. C’est ainsi que, pendant qu’Israël suit jusqu’au bout la voie fatale du reniement, une autre famille se forme et grandit qui prend sa place devant Dieu, et dédommage le Seigneur, par sa docilité, des amertumes dont l’abreuvèrent ses premiers fils. Les prétentions jalouses du peuple ancien, ces contradictions dont le Christ se plaint dans le Psaume [55], n’ont point pris fin encore, et déjà l’Homme-Dieu, grâce à l’Église, est devenu la tête des nations.
Rien n’égale la fécondité de l’Épouse, sinon la puissance de sanctification qu’elle déploie, au milieu d’éléments si divers, pour présenter dès les premiers jours à son Seigneur et roi un empire affermi dans l’unité de l’amour, une génération toute céleste et toute pure dans l’intelligence et la pratique parfaite des vertus. Assurément l’Esprit sanctificateur agit lui-même directement sur les âmes des nouveaux baptisés ; néanmoins, ineffable harmonie du plan divin ! Depuis que le Verbe s’est fait chair et qu’il s’est associé dans l’œuvre du salut des hommes une Épouse toujours visible ici-bas, l’opération invisible de l’Esprit qui procède du Verbe n’arrive point à son terme normal sans la coopération et l’intervention extérieure de cette Épouse de l’Homme-Dieu. Non seulement l’Église est la dépositaire des formules toutes-puissantes et des rites mystérieux qui font du cœur de l’homme une terre renouvelée, dégagée des ronces et prête à fructifier au centuple ; c’est elle encore qui, sous les mille formes de son enseignement, distribue la semence dans les sillons du Père de famille [56]. S’il revient à l’Esprit une admirable part dans cette fécondité et cette vie sociale de l’Église, son rôle près des élus considérés individuellement consiste surtout à faire valoir en eux les énergies divines des sacrements qu’elle confère, et à développer les germes de salut que sa parole dépose en leurs âmes.
Aussi sera-ce, dans tous les siècles, une mission importante et sublime que celle de ces hommes, chefs des églises particulières, docteurs privés ou directeurs des âmes, qui représenteront, près des fidèles isoles, la Mère commune ; ils fourniront véritablement pour elle à l’Esprit divin les éléments sur lesquels doit porter son action toute-puissante. Mais aussi, malheur au temps dans lequel les dispensateurs de la parole sainte ne laisseraient plus tomber sur les âmes, avec des principes diminués ou faussés, qu’une semence atrophiée ! L’Esprit n’est point tenu de suppléer par lui-même à leur insuffisance ; et il ne le fera pas d’ordinaire, respectueux qu’il est de l’ordre établi par l’Homme-Dieu pour la sanctification des membres de son Église.
La Mère commune vient d’ailleurs magnifiquement à l’aide de ces délaissés dans sa Liturgie, qui renferme toujours, soutenues de la force même du Sacrifice et vivifiées par les grâces du Sacrement d’amour, la règle très sûre des mœurs et les plus sublimes leçons des vertus. Mais pour cela faut-il encore que ces pauvres âmes, trop habituées souvent à regarder comme la voie royale de la perfection la vie chétive qu’elles se sont faite, comprennent quelle place il convient de laisser au pain sans force et à l’eau appauvrie dont elles se nourrissent [57], en présence des intarissables et authentiques trésors du sein maternel. « O vous tous qui avez soif, dirait le prophète, venez donc à la source vive. Pourquoi dépenser vos richesses à ce qui ne peut vous nourrir, et vos sueurs à ce qui ne peut vous rassasier ? Bien plutôt, sans argent ni dépense, sans échange d’aucune sorte, achetez et mangez, abreuvez-vous de vin et de lait : en m’écoutant, nourrissez-vous de la bonne nourriture, et que votre âme se délecte et s’engraisse [58] ». S’il est une remarque, en effet, qui doive attirer l’attention non moins que la reconnaissance du chrétien en quête de lumières au sujet de la voie qui conduit au ciel, c’est bien assurément que l’Église ait pris soin de choisir elle-même, au milieu du trésor des Écritures, et de rassembler dans le plus usuel de tous les livres les passages pratiques qu’elle sait mieux que personne sans doute convenir à ses fils. A cette école de la sainte Liturgie, de son livre de Messe, le fidèle humblement et pieusement attentif ne sera point exposé à voir s’affaiblir ou vaciller jamais la lumière. « C’est ici le chemin, lui dira son guide avec autorité ; prenez-le sans crainte, et ne vous écartez ni à droite, ni à gauche [59] ». L’Église, faut-il s’en étonner ? l’emportera toujours, dans la conduite des âmes, sur les plus profonds des docteurs et les plus saints mêmes de ses fils.
Qu’on réunisse les quelques lignes empruntées comme Épîtres, dans ces trois derniers dimanches, à la lettre de saint Paul aux Romains ; et qu’on dise si, indépendamment de leur infaillible vérité garantie par l’Esprit-Saint lui-même, il est possible de trouver ailleurs une aussi admirable exposition des bases de la morale révélée. La clarté, la simplicité d’expression, la véhémence chaleureuse de l’exhortation apostolique, le disputent, dans ce peu de paroles, à l’ampleur de la doctrine et à la portée des considérations que l’on y voit empruntées aux plus sublimes aspects du dogme chrétien. Jésus-Christ, fondement du salut, sa mort et son glorieux tombeau devenus dans le baptême le point de départ de l’homme régénéré, sa vie en Dieu modèle de la nôtre ; la honte passée de nos corps asservis, la fécondité sanctifiante des vertus remplaçant dans nos membres la désastreuse germination des vices ; aujourd’hui enfin les droits de l’esprit sur la chair, et ses devoirs contre elle s’il tient à garder sa juste prééminence, si l’homme veut maintenir la liberté qu’il a recouvrée par la grâce de l’Esprit d’amour et se montrer, comme il l’est en toute vérité, le fils de Dieu, le cohéritier du Christ : telles sont les splendides réalités illuminant pour nous désormais de leurs célestes rayons la loi de la vie dont on vit par L’Esprit-Saint dans le Christ Jésus [60] ; tels se produisent, en face du monde, les axiomes de la science du salut qui doit remplacer à la fois les impuissances de la loi juive et la stérile morale de la philosophie.
Car c’est une vérité qu’il convient de retenir aussi, comme étant l’idée-mère de toute cette sublime épître aux Romains : l’impuissance, la stérilité pour la justice complète et le bien absolu, sont la part trop certaine de l’humanité non relevée par la grâce. L’expérience l’a prouvé, saint Paul le déclare, les Pères bientôt l’affirmeront unanimement, et l’Église le définira dans ses conciles. L’homme peut arriver, il est vrai, par les seules forces de sa nature tombée, à la possession de certaines vérités et à la pratique de quelque bien ; mais il ne parviendra jamais, sans la grâce, à connaître et moins encore à observer les préceptes de la loi simplement naturelle dans leur ensemble.
De Jésus donc, de Jésus seul vient toute justice. Non seulement la justice surnaturelle, qui suppose l’infusion de la grâce sanctifiante dans l’âme du pécheur, est de lui tout entière ; mais encore cette justice naturelle dont les hommes se parent si volontiers, et qu’ils prétendent leur tenir lieu de tout le reste, échappe à quiconque n’adhère point au Christ par la foi et l’amour. Que les adeptes de l’indépendance de l’esprit humain exaltent leur morale et vantent leurs vertus ; nous chrétiens, nous ne savons qu’une chose que nous tenons de notre mère l’Église : l’honnête homme, c’est-à-dire l’homme véritablement en règle avec tous les devoirs que lui impose sa nature, ne se trouve point ici-bas sans le secours très spécial de l’Homme-Dieu rédempteur et sauveur. Avec saint Paul, soyons donc fiers de l’Évangile [61] ; car il est bien la vertu de Dieu, non seulement pour sauver l’homme et justifier l’impie [62], mais encore pour donner la justice agissante et parfaite aux âmes avides de droiture. Le juste vit de la foi, dit l’Apôtre, et sa justice croît avec elle [63] ; sans la foi en Jésus, la prétention d’arriver par soi et ses œuvres à la consommation de tout bien n’engendre que la stérilité de l’orgueil et n’attire que des maux [64]. Les Juifs en font aujourd’hui la triste expérience. Fiers de leur loi qui leur donnait une lumière plus grande qu’aux nations [65], et voulant établir sur elle seule leur propre justice, ils ont méconnu celui qui était la fin de la loi, la source de toute justice véritable [66] ; ils ont repoussé le Christ qui leur apportait, avec la délivrance du mal antérieur [67], la connaissance du précepte et la force de l’accomplir [68] ; ils sont restés dans leur iniquité, ajoutant faute sur faute au péché d’origine, thésaurisant pour le jour de colère [69]. Or voilà qu’à cette heure même s’accomplit la prédiction d’Isaïe, mettant les paroles suivantes dans la bouche des restes d’Israël que nous accompagnons aujourd’hui dans leur fuite : « Si le Seigneur des armées n’eût réservé quelques rejetons de notre race, nous aurions été comme Sodome et Gomorrhe [70] ».
« Que dirons-nous donc, s’écrie l’Apôtre [71] ? sinon que les nations, qui ne cherchaient point la justice, ont trouvé et saisi la justice, mais la justice qui vient de la foi ; Israël au contraire, « poursuivant la loi de la justice, ne l’a point rencontrée. Pourquoi, cela ? parce qu’il n’a point voulu la tenir de la foi, et s’est conduit comme s’il pouvait l’obtenir par les œuvres. Ils ont bronché contre la pierre d’achoppement, selon qu’il est écrit : Voici que je pose en Sion une pierre d’achoppement et de scandale, et quiconque croira en celui qui est cette pierre ne sera point confondu [72] ».
Le Graduel semble exprimer les sentiments des chrétiens juifs contraints de quitter leurs villes, et priant Dieu d’être lui-même désormais leur protecteur et leur lieu de refuge. Le Verset chante de nouveau les grandeurs anciennes du Seigneur en Jérusalem et sur la montagne où fut son temple.
ÉVANGILE.
Les divers termes de la parabole qui nous est proposée sont faciles à saisir, et renferment une doctrine profonde. Dieu seul est riche par nature, parce qu’à lui seul appartient en propre le domaine direct et absolu sur toutes choses : elles sont à lui, parce qu’il les a faites [73]. Mais en envoyant son Fils dans le monde sous une forme créée, il l’a constitué par cette mission dans le temps l’héritier des ouvrages sortis de ses mains [74], comme il l’était déjà des trésors mêmes de la nature divine par le fait de sa génération éternelle. L’homme riche de notre Évangile, c’est donc le Seigneur Jésus portant dans son humanité unie au Verbe le titre d’hérédité universelle [75] qui l’établit sur tous les biens, créés ou non, finis ou infinis, du Dieu très-haut. C’est à lui qu’appartiennent les cieux chantant sa gloire [76] et fiers de former pour un temps [77] son vêtement de lumière [78], l’océan qui proclame sa puissance au sein des tempêtes [79] et abat docile à ses pieds la fureur de ses flots [80], la terre enfin lui présentant l’hommage de sa plénitude [81]. L’herbe et les fleurs de la prairie, les fruits variés, la fertile beauté des champs [82], les oiseaux du ciel comme les poissons qui peuplent les fleuves ou parcourent les sentiers des mers [83], les grands troupeaux comme l’insecte ignoré, comme la bête fauve qui se dérobe dans la profondeur des forêts ou sur les montagnes [84] : tout est sien, tout est soumis à son empire. A lui aussi appartiennent en pleine possession l’argent et l’or [85], et l’homme même, qui ne serait que son esclave à jamais, s’il n’avait daigné miséricordieusement le diviniser et l’appeler en part de ses biens éternels. Au lieu d’esclaves, il a voulu avoir en nous des frères ; et, retournant de ce monde à son Père devenu le nôtre par sa grâce [86], il nous a envoyé l’Esprit-Saint comme le témoin de la filiation divine en nos âmes [87], comme le gage de l’hérédité sacrée qui nous assure le ciel [88]. Biens ineffables du siècle futur, héritage sans pareil, dont la grandeur fait tressaillir l’Homme-Dieu lui-même dans le psaume célébrant sa résurrection glorieuse ! Nous ses membres et ses cohéritiers, nous avons le droit de dire avec lui : « Le cordeau du partage est tombé pour moi sur une part merveilleuse. Splendide est en effet mon héritage ; car c’est Dieu même qui m’est échu en possession. Béni soit le Seigneur qui m’a donné de le comprendre [89] ! »
Toutefois, pour arriver à la jouissance des richesses éternelles, une épreuve nous est imposée : il faut que nous fassions valoir ici-bas le domaine visible du Christ. Notre fidélité dans la gestion de ces biens inférieurs, confiés en des proportions si variées aux soins des fils d’Adam pendant les jours de leur exil, marquera la mesure des récompenses sans fin qui nous attendent. Divine convention, ineffable accord de justice et d’amour ! de ses biens l’Homme-Dieu a fait deux parts : il nous assure la pleine propriété de la part éternelle, seule vraiment grande, seule capable de satisfaire nos aspirations infinies ; pour l’autre, qui en elle-même ne mériterait point d’attirer le regard d’êtres appelés à contempler la divine essence, il dédaigne d’y attacher nos âmes et se refuse à nous communiquer sur elle les droits d’un domaine absolu. La vraie propriété des biens du temps reste donc à lui seul ; la possession qu’il octroie des richesses de la terre d’épreuve aux futurs cohéritiers de son éternité, demeure soumise à mille restrictions durant leur vie, et révèle à la mort son caractère essentiellement précaire : elle ne suit point les hommes au delà du tombeau.
Un jour vient pour l’insensé, comme pour le sage, où l’on doit lui redemander son âme [90], où le riche, traduit comme le pauvre dans la nudité du jour de sa naissance [91] en présence du seul Maître, entendra la parole : Rendez-moi compte de votre administration. La règle du jugement, à cette heure terrible, sera celle-là même que nous a révélée le Seigneur en personne, lorsqu’il disait dans les jours de sa vie mortelle : « Il sera réclamé beaucoup à qui l’on a donné beaucoup ; et il sera demandé plus à qui l’on aura confié davantage [92] ». Malheur alors au serviteur qui s’était cru maître, à l’économe qui, méconnaissant son mandat, s’est plu à dissiper vainement des biens dont il n’était que le dispensateur [93] ! Il comprend, à la lumière de l’éternité, l’erreur de son fol orgueil ; il pénètre l’injustice souveraine d’une vie, honnête peut-être selon le monde, mais passée tout entière sans tenir compte des intentions de celui qui lui confia ces richesses dont il était si fier. Dépossédé sans retour, il ne peut réparer ses torts par une administration plus conforme à l’avenir aux volontés du maître du monde. S’il pouvait du moins se reformer laborieusement un héritage, ou trouver assistance près de ceux qui vécurent avec lui sur terre ! Mais au delà du temps le travail cesse ; et ses mains vides, devenues impuissantes, ne recueilleraient que la honte en s’ouvrant pour demander l’aumône, au pied du tribunal redoutable où chacun craint à bon droit de ne pouvoir se suffire à lui-même [94].
Heureux donc si, dès ce monde, la voix des menaces divines qui retentit en mille manières [95] parvient à réveiller sa conscience ; si, comme l’économe de notre Évangile, il profite du temps qui lui reste, et se dit avec Job : Que ferai-je, quand Dieu se lèvera pour le jugement ? Lorsqu’il m’interrogera, que lui répondrai-je [96] ?
Celui même qui doit être son juge lui indique miséricordieusement, aujourd’hui, le moyen de parer la peine qu’ont encourue ses malversations. Qu’il imite l’habileté de l’économe infidèle, et il sera loué pleinement : non seulement, comme lui, à cause de sa prudence ; mais parce qu’en disposant ainsi pour les serviteurs de Dieu des richesses mises en ses mains, loin de frustrer le Seigneur de toutes choses, il ne fait que rentrer dans ses intentions. Quel est en effet l’économe fidèle autant que prudent, établi par le Seigneur sur sa famille, sinon celui qui pourvoie les membres de cette famille, en temps opportun, de froment [97] et d’huile [98] ? Corporelle ou spirituelle, l’aumône nous assure des amitiés puissantes pour l’heure du grand dénuement, au jour où la terre doit manquer à notre vie défaillante ; car c’est aux pauvres qu’appartient le royaume des cieux [99] ; si nous employons les richesses de la vie présente à abriter et soulager leur misère ici-bas, ils ne manqueront pas de nous recevoir à leur tour dans leurs maisons, qui sont les tabernacles éternels.
Tel est le sens direct et obvie de la parabole qui nous est proposée. Mais si nous voulons pénétrer complètement l’intention pour laquelle l’Église choisit aujourd’hui ce passage de l’Évangile, il nous faut recourir à saint Jérôme qui s’en est fait l’interprète officiel dans l’Homélie de l’Office de la nuit. Poursuivons avec lui la lecture évangélique : Celui qui est fidèle dans les petites choses, continue le texte sacré, c’est aussi dans les grandes, et celui qui est injuste dans les petites choses le sera dans les grandes ; si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses iniques et trompeuses, qui vous confiera les biens véritables [100] ? Or Jésus parlait ainsi, observe saint Jérôme, devant les scribes et les pharisiens qui le tournaient en dérision, voyant bien que la parabole était contre eux. L’infidèle dans les petites choses, c’est en effet le Juif jaloux, qui, dans le domaine restreint de la vie présente, refuse à ses frères l’usage des biens créés pour tous. Si donc, est-il dit à ces scribes avares, vous êtes convaincus de malversation dans la gestion de richesses fragiles et passagères, qui pourrait vous confier les vraies, les éternelles richesses de la parole divine et de l’enseignement des nations [101] ? Demande redoutable, que le Seigneur laisse aujourd’hui en suspens sur la tête des infidèles dépositaires de la loi des figures. Mais combien, dans peu, la réponse sera terrifiante !
En attendant, l’humble troupe des élus de Juda, laissant ces endurcis à la vengeance que précipite leur démence orgueilleuse, poursuit sa route dans la confiance assurée qu’elle garde en son sein les promesses de Sion. L’Antienne de l’Offertoire célèbre sa foi et son espérance.
C’est de Dieu lui-même que nous tenons les dons qu’il agrée de nos mains dans sa bonté ; les Mystères sacrés qui transforment l’oblation n’en obtiennent pas moins pour nous par sa grâce, comme le dit la Secrète, la sanctification de la vie présente et les joies de l’éternité.
L’espérance que l’homme met en Dieu ne saurait le tromper ; il en a pour gage la suavité du banquet divin.
L’aliment céleste a la vertu de renouveler et nos âmes et nos corps ; obtenons d’éprouver la plénitude de ses divins effets.
Au VIIIe siècle, l’introït de ce dimanche fut adapté à la fête de l’Hypapante ou de la Purification, où les Orientaux célèbrent la rencontre de Siméon et de l’enfant Jésus dans la cour du Temple. —Tel semble en effet avoir été le sens primitif de la fête, même à Rome. — Le verset du psaume exécuté à la Communion aujourd’hui est le même que chez les Orientaux, qui le chantent habituellement durant la distribution des saints Mystères. Il est à remarquer que cet usage semble antérieur à l’institution, chez les Latins, de la psalmodie durant la Communion.
Le verset d’introït est tiré du psaume 47 : « Entre les murailles de votre temple, ô Seigneur, nous avons attendu votre grâce. Votre nom, ô Dieu, et votre louange jusques aux confins de la terre. Votre droite est pleine de justice ». Aucun lieu au monde ne peut circonscrire la divine gloire et sa miséricorde. Toutefois tenant compte de la nature humaine et du caractère social qui unit tous les fils d’Adam, Dieu a disposé, dans l’économie présente, que les fidèles obtiendraient les fruits de la rédemption non isolément et directement, mais dans une société surnaturelle et divine, qui est l’Église. En cette immense société, que nous pouvons comparer à un organisme, ou plus précisément au corps humain, comme le fait saint Paul, les véhicules de la vie surabondante de la divinité, les artères de la grâce, sont constitués par des signes exactement déterminés, les sacrements et les sacramentaux, au moyen desquels nous sont communiqués tous les trésors de la rédemption du Christ. C’est pourquoi nous devons chercher ici, de préférence, dans la liturgie de l’Église, les moyens de sanctification, la nourriture essentielle de notre piété catholique, à quoi devront très utilement être coordonnés tous les autres actes de dévotion privée, intime et personnelle, par lesquels l’âme se dispose et se prépare à la grande liturgie des sacrements.
La collecte nous prémunit contre le péril de rendre stériles nos prières, par défaut de rectitude d’intention dans la demande. Les impies demandent parfois à Dieu la satisfaction de leurs mauvais désirs, et c’est de l’un d’eux qu’il est écrit au psaume 108 : Et oratio eius fiat in peccatum. D’autres, par défaut de préparation et de sérieux, ne savent que dire à Dieu dans la prière et se comportent si irrévérencieusement que la Sagesse les compare à des gens qui tentent le Seigneur. D’autres, dans la prière, ne savent pas s’élever au-dessus de leurs petits intérêts égoïstes de cupidité, d’ambition, de jalousie ; à ceux-là, Dieu dit, comme aux deux fils de Zébédée : Nescitis quid petatis. Pour que Dieu accueille notre prière, il faut qu’elle nous soit vraiment utile, et la grâce seule nous est vraiment utile, elle qui nous dispose à la gloire. Prions donc, mais que notre prière s’inspire de la règle de l’oraison telle que Jésus nous l’a donnée : Sic ergo vos orabitis. Demandons au Père céleste sa gloire et l’accomplissement de sa volonté, et tout le reste nous sera donné par surcroît.
Le passage de l’épître de saint Paul aux Romains (8, 12-17) décrit les caractéristiques de la régénération chrétienne : l’Esprit Saint, la confiance filiale dans la prière, la dignité d’enfants de Dieu, qui nous vaut le droit d’être admis à participer à l’héritage de Dieu et de son Premier-Né Jésus. Tout cela pourtant à condition de ne pas vivre selon les inclinations de la nature corrompue, mais, dans l’Esprit de Jésus crucifié, d’immoler cette nature sans frein, en sorte qu’on ne vive plus pour soi, mais pour celui qui pour nous est mort sur la Croix et qui est ressuscité.
Le graduel est celui qui a déjà été exécuté le quatrième lundi de Carême. Le premier verset est tiré du psaume 30 : « Soyez pour moi, ô Seigneur, un Dieu de protection et un lieu de refuge pour me sauver ». Comme l’observe Clément d’Alexandrie, Dieu se montre à nous tel que nos dispositions l’exigent. Celui qui nourrit une douce confiance en Dieu aura en lui un aimable protecteur et un refuge dans tous les périls et les tentations, alors que, comme l’enseigne l’Apôtre : venit ira Dei super filios diffidentiae.
C’est pourquoi, au second verset du graduel de ce jour, tiré du psaume 70, on ajoute : « O Seigneur ! j’ai espéré en vous — qui pourra jamais l’affirmer si énergiquement, sans se reprocher d’avoir parfois placé sa confiance en soi-même, dans ses amis, dans les puissants ? Seul Jérémie pouvait dire : diem hominis non desideravi, tu scis. — Seigneur, faites que dans l’éternité je ne sois pas confondu ».
C’est très justement qu’il est dit ici : dans l’éternité, car Dieu ne déroule pas dans le temps l’accomplissement du plan magnifique du salut ; aussi ne devons-nous pas nous promettre en ce monde ce que Dieu nous réserve seulement dans l’autre. Sur cette terre, il ne nous a assuré ni la vie, ni la santé, ni les richesses, ni les honneurs. Bien plus, il n’a pas même assuré tout cela à son fils Premier-Né, Jésus. Personne ne peut donc se promettre ce que l’Évangile ne promet point. La promesse est pour l’avenir, pour le Ciel. C’est là par conséquent que nous devons placer nos espérances.
Le verset alléluiatique (on sait que la série de ces versets pour les dimanches de l’année est un peu incertaine dans la tradition grégorienne : Alléluia, quale volueris, notent les anciens manuscrits) s’accorde aujourd’hui, comme il est de règle d’ailleurs, avec le psaume d’introït. « Grand est le Seigneur, et très digne de louange dans la cité de notre Dieu, sur sa sainte montagne ». Toute la terre est à Dieu, mais pour nous donner un signe sensible de sa puissance, Il se complaît particulièrement à opérer des prodiges dans son saint temple : jadis, chez les Hébreux, dans la seule Jérusalem et sur la colline de Sion ; — aujourd’hui partout où l’Église catholique lui dédie une demeure et un autel.
Dans la lecture évangélique de saint Luc (16, 1-9), par la parabole de l’économe infidèle, le Sauveur nous enseigne la nécessité de l’aumône faite aux pauvres, et l’efficacité des prières des Saints au profit des mourants. Ce concept était très délicatement exprimé par les anciens, quand, sur les arcosolia des cimetières souterrains de Rome, ils représentaient parfois les Saints dans l’attitude d’avocats du défunt devant le tribunal de Dieu, ou bien introduisant leurs clients dans les demeures célestes. Il n’est donc pas tout à fait exact de dire que les biens matériels ne servent de rien pour ce royaume de béatitude. Ils peuvent profiter à l’âme mais à condition que l’argent soit échangé selon le cours de ce bienheureux royaume. De quelle manière ? Comme l’ont fait les saints ; comme, par exemple, fit saint Laurent quand in caelestes thesauros manus pauperum deportaverunt les biens matériels.
Servons-nous de ceux-ci pour nous créer des amis pour l’éternité. C’est la conclusion de la lecture évangélique de ce jour. Toutes les œuvres de charité, tant spirituelle que corporelle, sont recommandables, mais ce qui est particulièrement conseillé, ce sont les suffrages en faveur des pauvres âmes du Purgatoire, afin que, nous devant de jouir plus tôt de la vision béatifique, elles, à leur tour, puissent plaider notre cause au tribunal de Dieu, et, après notre mort, nous recevoir avec elles dans les célestes tabernacles.
Le verset de l’offertoire, tiré aujourd’hui du psaume 17, est identique à celui du vendredi précédant le dimanche de la Passion. « Vous secourez le peuple malheureux et opprimé, et faites abaisser les yeux superbes, car quel autre pourra se glorifier de sa puissance sinon vous, ô Seigneur ? » Voilà la raison pour laquelle Dieu donne son secours aux malheureux et abat les orgueilleux. Ceux-ci lui dérobent sa gloire et se l’attribuent. Or, rien ne s’oppose au but principal pour lequel Dieu créa l’univers, autant que cet orgueil, vraie luxure de l’esprit, qui frustre le Créateur de la louange due à Lui seul.
La secrète rappelle au Seigneur que les dons que nous allons lui offrir représentent eux aussi une grâce de sa part, — « de tuis donis ac datis », comme s’expriment toutes les anciennes anaphores, même orientales, — parce que c’est Lui qui nous les a accordés. Nous le supplions donc, afin que l’efficacité des saints Mystères serve à sanctifier notre vie terrestre de telle sorte qu’après celle-ci nous obtenions la vie bienheureuse de gloire dans le ciel. C’est là précisément le fruit spécial que nous promet l’Eucharistie. Grâce à ce Sacrement, nous faisons revivre la sainteté de Jésus Rédempteur, humilié, patient et crucifié, pour faire revivre en son temps la gloire de sa résurrection.
L’antienne durant la distribution au peuple des saints Mystères, reproduit exactement le texte du chant primitif de communion, né chez les Orientaux, et imité plus tard par les Latins. Il y a toutefois cette différence entre les deux rits : dans le Romain, l’antienne pour la Communion est empruntée indifféremment à toutes les parties du Psautier, tandis que les Orientaux, au moins depuis le temps de saint Cyrille de Jérusalem, réservent exclusivement pour la distribution de la Communion ce verset du psaume 33 : « Goûtez et voyez comme le Seigneur est doux ; bienheureux celui qui met son espérance en Lui ».
Le Prophète invite d’abord à goûter les délices de l’esprit, car ainsi que l’observe fort bien saint Grégoire le Grand, il existe cette différence entre les délices matérielles et celles de l’âme, que les délices matérielles sont désirées tant qu’on ne les a pas, mais à peine y goûte-t-on, elles causent la satiété ; celles de l’esprit, au contraire, ne sont pas désirées de celui qui ne les a pas expérimentées et appréciées. Quand on les a goûtées, on y puise un immense désir d’y revenir, désir qui fait languir d’amour l’âme voyageuse — c’est la faim et la soif de justice dont parle l’Évangile, — laquelle, au ciel seulement, dans la claire vision de Dieu, pourra se rassasier : Satiabor cum apparuerit gloria tua.
La collecte d’action de grâces demande que les saints Mystères eucharistiques deviennent pour nous un remède, non seulement de l’âme, mais aussi du corps. Il ne peut en être autrement. L’humanité du Verbe est comme une source abondante, répandant alentour la richesse de ses eaux. Quiconque s’en approche se trouve rafraîchi, tout comme le narre le saint Évangile au sujet de ceux qui s’efforçaient de toucher au moins les vêtements du Sauveur, quia virtus de illo exibat et sanabat omnes.
Le divin Sacrement a de plus un contact intime avec notre corps mortel : la chair divine, le sang virginal lui donnent une garantie assurée de sa résurrection future. Ce germe d’immortalité, que le Corps sacré de Jésus dépose dans notre enveloppe mortelle, non seulement sert à apaiser en nous les ardeurs de la concupiscence et des passions, mais, selon la foi des croyants et les dispositions divines, il est parfois un remède très efficace même contre les maladies corporelles.
Enfants de lumière.
1. La messe (Suscepimus). — Le dimanche est un jour pascal, le jour du Seigneur. C’est avec cette impression que nous entrons dans le « temple » (Intr.).
Nous voyons devant nous la « Majesté du Seigneur », le Seigneur rayonnant de gloire ; nous nous rappelons avec reconnaissance la grâce pascale, Il la miséricorde » ; nous louons la « grandeur du Seigneur » dans la « ville de Dieu », sur la « montagne » mystique de l’autel.
L’Introït est donc une fois encore une véritable « entrée » dans le drame de la messe. L’oraison est entièrement dans la ligne des pensées principales. Elle nous montre, dans la rectitude de la foi et de l’action, la vie des enfants de Dieu. Elle nous fait avouer notre incapacité personnelle et nous propose, comme but, la vie selon la volonté de Dieu. C’est une oraison suggestive et pleine de pensées.
Saint Paul est notre prédicateur dans l’Épître. Le chapitre VIII est le point culminant de l’Épître aux Romains. Il y traite de la transformation de notre âme par le Saint-Esprit. Il montre cette transformation en opposant l’homme charnel et l’homme spirituel. L’homme charnel est celui qui est attaché aux biens d’ici-bas, dont toutes les tendances sont dirigées vers ce qui est terrestre — l’intendant infidèle est un homme charnel. Le chrétien, par contre, est un homme spirituel ; le Saint-Esprit demeure en lui et le guide. Celui en qui habite le Saint-Esprit est enfant et héritier de Dieu, frère et co-héritier du Christ. La vie divine exige donc d’abord la mort de l’homme charnel en nous ; c’est alors la vie sous la conduite du Saint-Esprit. C’est là encore un joyeux message qui doit retentir à nos oreilles pendant toute la semaine. Les quelques phrases de l’Épître résument toute notre grandeur, toute notre richesse : le Saint-Esprit demeure en nous Dieu est notre Père, le Christ est notre frère, le ciel et sa béatitude sont notre héritage. Que pouvons-nous désirer de plus ?
Au Graduel, nous mettons toute notre confiance dans le Christ. Le verset de l’Alléluia nous présente encore une véritable image pascale : le Seigneur ressuscité et glorifié.
L’Évangile (la parabole de l’intendant infidèle) présente des difficultés aux exégètes. Il faut avoir devant les yeux le point de comparaison. Le Christ loue l’intendant infidèle non pas de sa fraude, mais de sa prudence et de l’activité qu’il met à assurer son avenir terrestre. Cette activité des enfants du monde (l’intendant infidèle est le type des enfants du monde) dans leurs plans terrestres doit nous servir de modèle quand il s’agit pour nous d’atteindre notre fin éternelle. Nous portons en nous des forces puissantes que nous devons employer pour l’éternité. Imitons la prudence des enfants du siècle.
Comme pour faire écho à l’avant-messe, nous mettons encore une fois face à face les deux images opposées : le Seigneur exauce le peuple qui s’humilie — et il abaisse les yeux orgueilleux (Offert.). C’est avec ces pensées d’humilité que nous nous rendons à l’Offrande. La secrète, par exception, est assez longue. Que doit être la messe pour nous ? Elle doit sanctifier notre conduite actuelle et nous guider vers les joies éternelles.
L’antienne de communion est un morceau vénérable. Dans les premiers siècles, les fidèles, en se rendant à la table sainte, chantaient toujours le psaume 33. Ce psaume avait été choisi à cause du verset : Goûtez et voyez comme le Seigneur est doux... (En grec, doux se dit chrestos, qui se prononce comme Christos, Christ. D’où le jeu de mot qui permettait de donner au verset le sens suivant : « Voyez que c’est le Christ (Chrestos), le Seigneur ! »). Nous demandons encore une fois le « renouvellement du corps et de l’âme » (Postc.) afin que, cessant d’être des hommes charnels, nous devenions des hommes spirituels.
2. Les chants. — Les chants psalmodiques ne prennent vie et ne deviennent pleinement intelligibles que lorsqu’ils sont mis en liaison avec l’action qui les accompagne. Quand retentit l’Introït, le prêtre fait son entrée, revêtu de ses ornements de fête, accompagné des acolytes ; il traverse l’Église pour se rendre à l’autel Il est le symbole du « Seigneur très grand » qui entre « dans la ville de notre Dieu » (l’Église), s’avance vers « sa sainte montagne » (l’autel) et nous fait « recevoir sa miséricorde » (la grâce du sacrifice). Quelle puissante impression ne fait pas alors l’Introït, qui ne serait, autrement, qu’un assemblage de versets inintelligibles !
Comme nous distinguons ensuite nettement les deux chants intermédiaires ! Le Graduel est une supplication ardente et pleine de confiance (Le ps. 30 fut la prière du Christ mourant). Dans le symbolisme liturgique, le Graduel est une prière sans joie, un écho de l’Épître. Quant au verset de l’Alléluia, il annonce de nouveau le « Seigneur très grand » alors que le diacre se rend processionnellement à l’ambon pour chanter l’Évangile. Le diacre et l’Évangile symbolisent l’apparition du Christ et cela nous fait mieux comprendre le verset de l’Alléluia. Enfin, au moment de la communion, les fidèles s’avancent en longues rangées vers la table sainte pendant que le chœur chante le ps. 33, le cantique de communion de la primitive Église, et que la communauté tout entière répète après chaque verset l’antienne : « Goûtez et voyez comme le Seigneur est doux », Cette antienne, répétée peut-être dix ou quinze fois par la communauté, fait une profonde impression. Cela me semble de plus en plus évident, nous ne comprendrons bien le missel que lorsque nous en viendrons à la participation active du peuple à la célébration de la messe.
3. Le pont d’or. — La liturgie traite trois grands thèmes pendant les dimanches après la Pentecôte. Le premier est la grâce baptismale ; nous sommes des baptisés et nous devons renouveler sans cesse la grâce du baptême ; chaque dimanche est un jour de baptême, une petite fête de Pâques. Le second thème occupe l’Église dans les derniers dimanches après la Pentecôte : c’est la préparation au retour du Seigneur. Le troisième thème se trouve précisément au stade actuel de l’évolution, c’est-à-dire au milieu du temps après la Pentecôte. Nous pouvons le désigner brièvement ainsi : le combat des deux mondes, Nous sommes établis dans le royaume de Dieu, mais nous sommes toujours combattus par le royaume du monde. Dans notre âme le triste héritage d’Adam continue son action dans notre nature corrompue. Nous hésitons, tant que nous sommes vivants, entre les deux royaumes.
Ces trois thèmes caractérisent assez bien toute la vie chrétienne et nous montrent le chrétien réel. Au baptême, il a reçu un précieux trésor. L’Épître d’aujourd’hui nous l’indique en peu de mots : nous sommes les enfants de Dieu ; nous avons le droit d’appeler Dieu notre Père ; le Saint-Esprit a fait de nous ses temples et nous sommes les cohéritiers et les frères de Jésus-Christ. Cependant, le baptême ne nous pas fait entrer dans un pays de cocagne où nous pourrions vivre sans peine ni souci. Non ; l’Église nous envoi dans la vie rude, elle nous envoie au combat. Il nous faut défendre la terre sainte de notre âme contre l’ennemi, il nous faut apprendre à connaître l’ennemi pour le vaincre. Ce combat dure toute la vie. Notre Mère l’Église est, pour ainsi dire, notre maîtresse d’armes qui nous apprend les règles du combat ; elle est en même temps notre forteresse et notre bouclier dans le combat contre la nature inférieure. La messe du dimanche nous donne la force qui vient à notre secours dans les combats de la vie ; cette force nous délivre des embûches de l’ennemi, nous rend courage et persévérance dans le combat. Que produit, en effet, la messe ? Elle nous encourage au combat en nous faisant entendre la parole de Dieu dans l’avant-messe ; elle nous confère la force même de Dieu dans le sacrifice proprement dit. Nous ne sommes, par nous-mêmes, que de pauvres créatures et nous ne pourrions pas soutenir le combat. Mais, au Saint-Sacrifice, un autre combat pour nous, et le plus fort (le Christ) est vainqueur du fort. Tel est le sens du sacrifice de la messe : nous nous unissons au divin héros, au Christ ; sa victoire est notre victoire, son triomphe est notre triomphe. Telle est la force merveilleuse qui nous rend invincibles.
Alors, nous sommes mûrs pour entrer dans la suite du divin héros, du divin Roi, Jésus-Christ. Pendant les derniers dimanches après la Pentecôte, l’Église nous fait contempler avec espérance et désir notre fin dernière. Tel est le pont d’or qui étend ses arches au-dessus de notre vie.
[1] III Reg. 8, 20.
[2] I Reg. 7, 3.
[3] Ps. 151 apocr.
[4] I Reg. 17, 37.
[5] I Reg. 17, 37.
[6] Ps. 56, 4.
[7] Lundi : 10, 1-11
Mardi : 11, 1-12
Mercredi : 11, 26-43
Jeudi : 12, 1-16
Vendredi : 14, 5-12
Samedi : 18, 21-27.
[8] I reg. 18, 7.
[9] Luc. 1, 66.
[10] I Reg. 17, 26 & 21, 11.
[11] 2 Reg. 1, 21.
[12] Ps. 71, 8.
[13] 2 Reg. 7, 8.
[14] Prière de Manassé, apocr.
[15] Ps. 50, 5-6.
[16] Ce répons, le 8ème de la Fête de la Sainte Trinité, est repris tous les dimanches après la Pentecôte.
[17] Is. 6, 3.
[18] I. Jn. 5, 7.
[19] Ps. 92, 2.
[20] Le Seigneur a régné, il s’est revêtu de gloire, lorsqu’en ressuscitant des morts il s’est adjoint le chœur des Saints : Le Seigneur s’est revêtu de force, parce qu’il a détruit l’empire du démon, et l’a ceinte autour de ses reins, lorsqu’il est remonté vers son Père, entouré de la multitude des Anges. (S. Jérôme). Selon S. Augustin, notre Seigneur se couvrit de gloire et de beauté dans ses souffrances, de force dans l’ignominie, et, quand il se ceignit d’un linge retombant devant lui (præcinxit se), pour laver les pieds de ses Apôtres, sa puissance éclata dans son humilité.
[21] Luc. 16, 22.
[22] Ps. 140, 2.
[23] Luc. 16, 3.
[24] Isai. X, 20-23.
[25] Psalm. CXXIV, 2.
[26] Psalm. CXXI, 7.
[27] Plin. Hist. nat. V, 15.
[28] Jos. De bell. V, 5, traduit par de CHAMPAGNY.
[29] II Mach. III, 2-3.
[30] I Esdr. VI, 4.
[31] Jos. Antiq. XI, 5.
[32] Philo, Légat.
[33] Jos. De bell. 11, 17.
[34] Jean. IV, 21, 23.
[35] Isai. 11,2.
[36] Ibid. X, 23.
[37] Deut. XXXII, 9.
[38] Isai. XVII, 5.
[39] Deut. IV, 6-8.
[40] Malach. III, 1.
[41] Agg. II, 10.
[42] Agg. II, 8, 10.
[43] Psalm. XLIV, 15, 16.
[44] Luc. II, 46, 47.
[45] Jean. X, 23.
[46] Act. III, 11 ; V, 12.
[47] Rom. X, 4.
[48] III Reg. XI, 3.
[49] Jos. De bell. VI, 5.
[50] Talmud cité p. Dr. Sepp, 2 è p. VI, 02.
[51] Zach. XI, 1.
[52] III Reg. IX, 6-8.
[53] I Cor. III, 16-17.
[54] Ezech. XXXIII, 12, 13.
[55] Psalm. XVII, 44-46.
[56] Luc. VIII, 11.
[57] Isai. III, 1 ; XXX, 20.
[58] Isai. LV, 1-2.
[59] Ibid. XXX, 21.
[60] Rom. VIII, 2.
[61] Rom. I, 16.
[62] Ibid. IV, 5.
[63] Ibid. I, 17.
[64] Ibid. 18.
[65] Ibid. 11, 17-20.
[66] Ibid. X, 3-4.
[67] Ibid. III, 25.
[68] Ibid. VIII. 3-4.
[69] Rom. II, 5.
[70] Isai. I, 9.
[71] Rom. IX, 30-33.
[72] Isai. VIII, 14 ; XXVIII, 16.
[73] Psalm. XXIII, 2 ; LXXXVIII, 12.
[74] Ps. VIII, 6-8.
[75] Heb. 1, 2 ; II, 8.
[76] Psalm. XVIII, 2, 6.
[77] Psalm. CI, 27.
[78] Ps. CIII, 2.
[79] Ps. XCII, 4.
[80] Marc, IV, 39-40.
[81] Ps. XXIII, 1.
[82] Ps. XLIX, II.
[83] Ps VIII, 9.
[84] Ps. XLIX, 9-10.
[85] Agg. II, 9.
[86] Jean. XX, 17.
[87] Rom. VIII, 10.
[88] Eph. I, 14.
[89] Psalm. XV, 5-7.
[90] Luc. XII, 20.
[91] Job. I, 21.
[92] Luc. XII, 48.
[93] Ibid. 42.
[94] Matth. XXV, 9.
[95] Psalm. XCIV, 8.
[96] Job. XXXI, 14.
[97] Luc. XII, 42.
[98] II Esdr. V, 11.
[99] Matth. V, 3.
[100] Luc. XVI, 10-11.
[101] Hier. Ep. ad Algasiam, cap. VI.