Accueil - Etudes - Divers

Histoire de la fête de la Visitation

Version imprimable de cet article Version imprimable Partager


Histoire liturgique de la fête de la Visitation dans la liturgie Romaine

Bibliographie

BÄUMER S., Histoire du Bréviaire, tome II, Paris, Letouzey, 1905.

Breviarium Romanum ex decreto sacrosancti Concilii Tridentini restitutum S.Pii V Pontificis maximi iussu editum Pii Papæ X auctoritate recognitum, Romæ, Pustet, 1916.

CAMPANA E., Maria nel culto cattolico, vol. I, Torino-Roma, Marietti, 1933.

CAPELLE B., Les fêtes mariales, in MARTIMORT G.-A., L’Eglise en prière, Paris, Desclée, 1961.

Congregatio pro Cultu Divino, Collectio Missarum de Beata Maria Virgine, editio typica, Romæ, T.P.V., 1987 (abrégé CM).

Consilium ad exsequendam Constitutionem de sacra Liturgia, (schemata 233, de Missali 39) , Ordo lectionum pro dominicis, feriis et Festis Sanctorum, manuscripti instar, Romæ, T.P.V., 1967.

CUVA A., Maria SS. nella storia della salvezza : dall’Innario della « Liturgia Horarum », in Virgo Fidelis, miscellanea di studi mariani in onore di Don Bertetto, Bibliotheca « Ephemerides liturgicæ », collection « Subsidia » 43, Rome, C.L.V., 1988.

DUBOIS M.-M., Petite somme mariale, Paris, Bonne Presse, 1957.

DU MANOIR H., Maria, études sur la sainte Vierge, tome I, Paris, Beauchesne, 1949.

GUERANGER P., L’année liturgique, Le temps après la Pentecôte, tome III, Paris-Poitiers, Oudin, 1910.

JOUNEL P., Le renouveau du culte des Saints dans la liturgie romaine, Bibliotheca « Ephemerides liturgicæ », collection « Subsidia » 36, Rome, C.L.V., 1986.

JOUNEL P., Le culte de Marie in MARTIMORT G.-A., L’Eglise en prière, tome IV, Paris, Desclée, 1983.

La Liturgie des heures, II, Carême - Temps pascal, Paris, Cerf-Desclée- DDB- Mame, 1979, pp. 1718.

LENTINI A., Te decet Hymnus, l’innario della « Liturgia Horarum », Roma, T.P.V., 1984.

LIPPE R., Missale Romanum Mediolani 1474, vol. II, a collation with other editions printed before 1570, London, 1907 (HBS 33).

Liturgia horarum iuxta ritum Romanum, officium divinum ex decreto sacrosancti œcumenici Concilii Vaticani II instauratum auctoritate Pauli PP. VI promulgatum, tomus II, Romæ, T.P.V., 1972, (abrégé LH).

Missale Parisiense anno 1738 publici iuris factum, curantibus Cuthbert Johnson et Anthony Ward, bibliotheca « Ephemerides Liturgicæ » - subsidia, instrumenta liturgica Quarreriensa, Supplementa 1, Roma, CLV, 1993.

Missale Romanum, ex decreto sacrosancti œcumenici Concilii Vaticani II instauratum auctoritate Pauli PP. VI promulgatum, Romæ, T.P.V., 1970, (abrégé MR).

Missale Romanum, ex decreto sacrosancti Concilii Tridentini restitutum summorum Pontificum cura recognitum, Turonibus, Mame, 1962, (abrégé MR*).

Missel Romain, Paris, Desclée-Mame, 1974.

Ordo lectionum Missæ, Romæ, T.P.V., 1969.

OURY G.-M., Marie, Mère de l’Eglise dans l’année liturgique, Paris, Alsatia, 1965.

RIGHETTI M., Manuale di storia liturgica, vol. II, Milano, Àncora, 1946.

SARTOR D., Visitazione, in Nuovo Dizionario di Mariologia, Milano, Paoline, 1985.

SCHUSTER H., Liber Sacramentorum, notices historiques et liturgiques sur le Missel Romain, tome VII, Bruxelles, Vromant, 1931.

INTRODUCTION

Bien qu’entrée tardivement dans le calendrier romain, la fête de la Visitation de Notre-Dame à sa cousine Elisabeth plonge ses racines dans le récit évangélique de saint Luc et l’événement des temps de l’Enfance a vite trouvé, tant chez les Pères que chez les artistes chrétiens, un écho bien mérité.

Ce mystère de la Visitation est autant celui du Magnificat (c’est-à-dire du chant d’action de grâces de Marie et du cantique de la nouvelle Alliance jailli du cœur de l’Israël racheté) que celui de Marie, portant l’Enfant dans son sein, qui vient auprès d’Elisabeth pour lui apporter son aide charitable [1] et donner au monde en médiatrice la Grâce dont elle est toute remplie.

HISTORIQUE

1-UN MYSTERE DU TEMPS D’AVENT

Le mystère de la Visitation que nous raconte l’Évangile selon saint Luc devait nécessairement trouver sa place au temps de l’Avent et c’est là que presque partout l’Église le célébra jusqu’au XIIIè siècle aussi bien en Orient qu’en Occident. Les Jacobites d’Antioche lui consacre par exemple le Vè dimanche d’Avent, le VIè commémorant la Nativité du Précurseur.

En Occident c’est le vendredi des Quatre-Temps d’Avent qui fut réservé à la commémoration du mystère depuis le VIè siècle : on y faisait en effet lecture de l’Évangile de la Visitation [2], mais il ne s’agissait que d’une simple mémoire et la liturgie du jour ne médita pas plus le mystère. La collecte du troisième dimanche de l’Avent, la première et la cinquième oraison du samedi des Quatre-Temps considéraient la venue du Sauveur dans notre chair comme une visitation : « gratiæ tuæ visitationis illustra. » [3] , « concede propitius ut ex tua visitatione consolemur. » [4] , « pietatis tuæ visitatione consolemur. » [5] . Mais l’affaiblissement de l’esprit liturgique ainsi que le développement des dévotions médiévales pour des mystères considérés jusque là comme secondaire firent qu’au XIIIè siècle une fête particulière, destinée à mettre en valeur ce mystère, apparut en Occident.

2-DES ORIGINES ORIENTALES ?

L’histoire de la liturgie nous apprend qu’il faut souvent chercher en Orient l’origine des fêtes du Seigneur et de Marie qui ornent le calendrier romain ; bien que la liturgie byzantine ne connaisse pas de fête commémorant le mystère de la Visitation de Marie à sa cousine Élisabeth, toutes les études s’accordent pourtant à dire que c’est en Orient que les latins trouvèrent l’inspiration de cette fête. En effet, l’Église de Constantinople célèbre une grande fête mariale le 2 juillet : la déposition du Vêtement de la Théotokos à l’église des Blakhernes [6]. Ces reliques avaient été rapportées de Jérusalem à Constantinople par un patrice du nom de Galbios en 472, l’Empereur Léon I fit construire une église pour les conserver et celle-ci fut consacrée en 473. Dissimulées lors de l’invasion des Avars en 619, les reliques furent solennellement restituées aux Blakhernes le 2 juillet de la même année et fêtées à cette date depuis lors [7]. Mais cette fête n’est pas seulement l’expression d’une vénération des précieuses reliques conservées à Byzance, elle est surtout l’occasion d’exprimer la confiance dans le secours de la Mère de Dieu. Marie est à cette occasion appelée "le refuge des hommes" et son vêtement est considéré comme un "abri sûr" et un "manteau protecteur". Cette fête, l’équivalent de ce qui sera en Occident ou dans les pays slaves la fête du Patronage de Marie ou de Marie-Auxiliatrice, est aussi l’occasion habituelle d’un miracle depuis le début du XIè siècle. On comprend que les Croisés de passage puis les Latins établis à Byzance depuis 1204 aient été marqués par cette fête sans équivalent en Occident et inspirèrent la création d’une fête mariale le même jour, mais cette fête ne pouvait pas, bien-sûr, avoir le même sens pour l’Église Romaine : les reliques de Constantinople étaient bien loin.

D’autres Églises orientales signalent au 2 juillet la fête de la Visitation, mais il s’agit d’ajouts récents datant du rattachement de ces Églises à l’Église Romaine [8].

3-APPARITION DE LA FETE EN OCCIDENT

Une fois la nouvelle apportée en Occident par les Croisés que Constantinople vénérait à un titre particulier la Mère de Dieu le 2 juillet, ce jour va prendre aussi en Occident une connotation mariale.

La place du mystère de la Visitation dans les récits évangéliques de l’Enfance devait amener tôt ou tard l’Église latine à faire de celui-ci l’objet d’une fête. La Visitation est peut-être moins une fête de la Vierge que la célébration liturgique de l’un des moments importants de l’œuvre rédemptrice [9].

C’est le culte fervent porté à la Vierge par le nouvel Ordre des Franciscains qui va lancer cette fête puisqu’en 1263, le chapitre général présidé par saint Bonaventure introduit, outre les fêtes de sainte Anne et de sainte Marthe, la Conception de Marie (le 8 décembre) et sa Visitation (le 2 juillet) au calendrier de l’Ordre [10]. C’est cet Ordre qui est reconnu comme fondateur de la fête, et dans tous les cas comme son plus solide propagateur en Occident [11], les hypothèses attribuant l’origine de la fête au diocèse du Mans ou au rit Mozarabe semblent aujourd’hui abandonnée [12].

On sait l’influence qu’eurent les livres liturgiques franciscains dans l’Europe médiévale grâce à l’immense diffusion de l’Ordre, il n’est donc pas étonnant que la fête fût adoptée par de nombreux diocèses là où se trouvaient les Mineurs. Mais c’est sans grand souci d’uniformité que les différentes Églises l’adoptèrent puisqu’on la trouve célébrée le 1 avril à Avranches, le 2 à York, le 28 à Prague, le 27 juin à Paris et le 8 juillet à Reims [13]. De même le rit sous lequel fut adoptée la célébration fut bien différent selon les endroits : rit simple, double, de première classe, avec ou sans octave voire avec vigile jeûnée.

4-QUELQUES QUESTIONS

Mais comment la fête byzantine du 2 juillet s’est-elle transformée en célébration du mystère évangélique et pourquoi la Visitation trouva-t-elle sa place le 2 juillet ?

Les Croisés avaient donné l’idée d’établir, à l’instar des byzantins, une fête mariale le 2 juillet, l’objet de la fête ne pouvant être le même qu’à Constantinople, c’est la proximité du 24 juin qui influença la dévotion franciscaine : le 2 juillet n’est-il pas le lendemain de l’Octave de la Nativité du Précurseur et comment mieux conclure une octave commencée par le chant du Benedictus [14] si ce n’est par le chant du Magnificat faisant de cette octave une seule journée liturgique selon l’esprit de l’Octave de la Nativité du Seigneur. Mais pourquoi placer la fête de la Visitation si loin de l’Annonciation ? En fait, si ces deux mystères ont entre eux des rapports indéniables, la Visitation semble en posséder de plus grands encore avec la naissance du Baptiste, la fête entendant commémorer non seulement la venue de Marie mais aussi sa demeure près d’Elisabeth jusqu’à la circoncision de son fils puisque les trois mois de séjour à Aïn Karim et son départ après ces trois mois sont la seule précision temporelle apportée par l’Évangile [15]. Lorsque les papes établiront la fête pour l’Église universelle, ils sanctionneront ce choix, contrairement à ce qu’avaient fait les différents diocèses qui adoptèrent la fête au XIVè et au XVè siècles avant les interventions pontificales et conciliaires.

5-EXTENSION À L’ÉGLISE UNIVERSELLE

Parmi les évêques qui se montreront les plus enthousiastes à accueillir la nouvelle célébration, il faut compter Jean Jenstein de Prague (1348-1400) [16] qui non seulement l’adopta lors du synode diocésain du 16 juin 1386 mais aussi composa pour elle un office spécial qui eut beaucoup de succès dans les pays alémaniques [17]. C’est cet évêque qui demanda au Pape Urbain VI l’extension universelle de la fête. Ce Pape, à la suite de Jenstein, comprit que l’aide de Marie, dont la visitation à Elisabeth fut féconde en grâce, était nécessaire pour résoudre les graves difficultés qui assaillaient l’Église (le Grand Schisme d’Occident avait débuté en 1378). Le 6 avril 1389, après avoir consulté le collège des cardinaux, il décréta donc l’institution de la fête de la Visitation de la Vierge Marie pour l’Église universelle (c’est-à-dire en fait pour les diocèses de son obédience). Il décède malheureusement le 9 octobre avant que la bulle soit promulguée et c’est son successeur Boniface IX qui le fit, de nouveau à la demande de l’évêque de Prague présent à Rome à l’occasion du jubilé de 1390, par la bulle Superni benignitate Conditoris (le document publié en 1390 porte la date du couronnement de Boniface IX, c’est-à-dire le 9 novembre 1389 [18]) pourvoyant la fête d’une vigile jeûnée et d’une octave et lui accordant toutes les indulgences prévues par Urbain IV pour la solennité de la Fête-Dieu [19]. Le document pontifical ne faisait pas mention des textes liturgiques à utiliser pour la célébration, ce qui entraîna une floraison de textes variés. La décision de Boniface IX ne pouvait valoir bien-sûr que pour une partie de l’Église à cause de la division due au Grand Schisme et c’est pour cette raison que la fête ne se diffusa que lentement.

Après le rétablissement de l’unité au Concile de Constance, toutes les Églises n’avaient pas encore mis en application la bulle papale et les Pères du Concile de Bâle pensèrent qu’une nouvelle promulgation de la fête s’imposait. Grâce à l’habileté d’Ænéas Piccolomini, le futur Pie II [20], ce concile déjà profondément divisé et source de division promulgua à nouveau la fête le 1 juillet 1441 dans sa 43è session [21] en faisant composer de nouveaux textes liturgiques par Thomas de Corcellis [22]. Malgré cela la fête ne s’étendit que progressivement : Avignon l’adopta en 1447, différents patriarcats orientaux (ceux de Syrie, des Maronites et des Coptes) le firent en 1451 à la suite du Concile de Florence et à des dates différentes de celle du 2 juillet. La lenteur avec laquelle les Églises adoptèrent la fête amena Nicolas V à faire paraître bulle Romanorum gesta Pontificum le 26 mars 1451 reprenant celle de Boniface IX et donc confirmant à nouveau la fête pour toute l’Église latine. En 1475 Sixte IV dispense la vigile du jeûne et fait composer de nouveaux textes liturgiques. Rouen accepte la fête la même année, les Cisterciens en 1476, Spire en 1478 avec la même solennité que la Fête-Dieu, la congrégation de Cluny en 1480 en même temps que la province de Cantorbéry.

À la veille du Concile de Trente, la Visitation était célébrée dans toute l’Église latine, mais, déjà, petit à petit, l’octave tombait en désuétude, aussi bien à Rome qu’ailleurs, et il avait totalement disparu au temps de Pie V.

6-LA REFORME TRIDENTINE

La réforme du Missel et du Bréviaire décidée par le Concile entraîna le rejet de très nombreuses compositions médiévales et on peut dire que l’office et la messe de la Visitation en furent parmi les principales victimes puisque, mutatis mutandis, tout le formulaire liturgique adopté en 1568 par saint Pie V fut celui de la Nativité de Marie au 8 septembre [23], et , qui plus est, la fête fut réduite au rang de double. Seules les leçons des deuxième et troisième nocturnes et les lectures de la messe furent propres à la fête.

Clément VIII (1592-1605) entrepris une nouvelle réforme du bréviaire. Ainsi des antiennes et des répons propres furent donnés à l’office de même que de nouvelles leçons pour le troisième nocturne. Il éleva aussi la fête au rang de double-majeur, rit qu’il venait de créer [24]. L’office et la messe ne devaient plus connaître de changement. Le Pape Pie IX (1846-1878) éleva la fête au rang de double de seconde classe par le décret Quam sanctissimum du 31 mai 1850 en action de grâce pour la libération de Rome par les armées françaises le 2 juillet 1849 [25].

Le nouveau code des rubriques de Jean XXIII n’apporta aucun changement si ce n’est la suppression des premières vêpres et celle de la dénomination de rit double.

7-LA REFORME LITURGIQUE DE VATICAN II

« Transfertur (festum Visitationis) nunc in ultimam diem mensis maii, inter sollemnitates Annuntiationis Domini et Nativitatis S. Ioannis Baptistæ, quo aptius consentiat narrationi evangelicæ. » [26] : c’est ainsi que le nouveau Calendrier Romain publié à la suite de la réforme liturgique présente le déplacement de la fête de la Visitation du 2 juillet au 31 mai dans un souci de conformité avec le texte évangélique.

Mais pourquoi le 31 mai ? Le texte évangélique nous indique que Marie se rendit en toute hâte (« cum festinatione » [27]) chez Elisabeth et qu’elle y demeura trois mois (« Mansit autem Maria cum illa mensibus tribus » [28]), vraisemblablement jusqu’à la naissance voire la circoncision du Précurseur : il eut donc été plus logique de placer cette fête juste à la suite de l’Annonciation du Seigneur, mais l’importance de la Visitation n’est pas telle que sa commémoration vienne charger un temps déjà bien occupé par l’incidence mobile de la Pâque [29]. Tout ceci explique le compromis du 31 mai qui entraîne comme conséquence le déplacement de la fête de Marie-Reine au 22 août et celui du Cœur Immaculé de Marie au samedi qui suit la solennité du Sacré-Cœur. Le conformisme au texte évangélique valait-il la peine de tous ces bouleversements ? on comprend les nombreuses critiques qui s’élevèrent contre ce changement de date qui semblait en plus rompre le lien avec la solennité du Précurseur et faire disparaître l’octave de celle-ci, d’autant plus que le prétexte de clore le mois de Marie par une célébration mariale ne valait guère puisque depuis Pie XII, Marie était déjà célébrée sous son titre royal le 31 mai...

La réforme liturgique met fin à la situation qui perdurait depuis 1570 et qui voyait privée la Visitation d’une messe propre. La messe actuelle [30] possède en effet des oraisons nouvelles inspirées des missels de Braga et de Paris [31] et des textes scripturaires plus riches (l’Évangile ne s’arrête plus au premier verset du Magnificat) et présentant mieux les différentes facettes du mystère. Si le nouvel office [32] écarte les deux lectures patristiques du précédent pour un commentaire du Magnificat par le moine anglais Bède de Jarrow [33], il se fait surtout remarquer par ses trois hymnes propres particulièrement belles dont l’une remonte au premier temps de la fête.

LA MESSE

1-LA MESSE DU PAPE URBAIN VI

Les oraisons

Les trois oraisons semblent être des textes propres composés spécialement pour la nouvelle fête [34]. La collecte rappelle dans sa première partie le mystère célébré (la charité qui pousse Marie portant son Fils et inspirée par le Saint-Esprit à porter visite à sa cousine Elisabeth), la seconde partie est commune.

La secrète et la postcommunion semblent marquées par les circonstances ( « in nostris necessitatibus », « ab eiusdem visitationis gratia nullatenus excidamus »), la première demande une visitation spirituelle de Marie pour ceux qui se confient à la providence divine, la seconde demande plus expressément à Dieu que l’instauration de la fête fasse que tous restent fidèles à la grâce (et comment ne pas penser dans cette dernière partie de l’oraison à la situation de l’Église à cette période ?).

Les antiennes

L’introït est celui des grandes fêtes mariales (Gaudeamus omnes in Domino). Le graduel est celui de la Nativité de Marie, l’Alléluia comporte des versets propres : « In Maria benignitas per sæcula commendatur dum visitans Elisabeth ut subdita parabatur », « Spes datur omni populo Mariam mox montane videri hanc Elisabeth humiliter visitare » ou encore Lc 1, 48. L’antienne de l’offertoire est tirée du psaume 44 au verset 10 comme pour le Commun des Vierges non Martyres. L’antienne de communion est la traditionnelle Beata viscera Mariæ.

Les lectures

L’Épître est du Cantique des Cantiques sans doute à cause de son début expressif « Ecce iste veniet saliens in montibus, transiliens colles...Surge, amica mea, speciosa mea et veni. » [35] qui fait écho à l’ « Exsurgens Maria abiit in montana cum festinatione » de l’Évangile [36].Le Cantique des Cantiques est le texte de l’Ancien Testament qui sera le plus utilisé dans la liturgie de la fête. Le texte évangélique proclamé dans cette messe, selon les témoins que nous possédons, s’arrête soit au verset 47 (à l’imitation de l’Évangile proclamé au Vendredi des Quatre-Temps d’Avent [37]) soit au verset 56 à la fin du récit proprement dit de la Visitation.

2-LA MESSE DE SIXTE IV

Les oraisons

Les trois oraisons du formulaire [38] se distinguent par leur richesse et leur dimension ecclésiale prononcées. Elles considèrent, d’une certaine manière, l’Église en Elisabeth et le Peuple de Dieu en Jean-Baptiste selon une typologie peu usitée de nos jours.

La collecte rappelle d’abord le mystère de l’Incarnation par une formule lapidaire, puis celui de la sanctification du Précurseur par l’Esprit Saint. Elle demande pour l’Église de Dieu de pouvoir engendrer à son Époux comme fils adoptifs ceux qu’elle a régénérés par le baptême. La secrète reprend le même thème de l’Église Mère et place le « Peuple fidèle » dans son sein, demandant pour lui la même action de l’Esprit que pour le Précurseur. La postcommunion est plus commune et demande simplement pour l’Église de profiter des mérites de Marie et d’Elisabeth pendant son pèlerinage sur cette terre.

Les antiennes

Les antiennes sont soit tirées du livre de l’Ecclésiastique soit du texte évangélique. Les versets du livre sapientiel concernent bien-sûr le Christ mais il est probable qu’ils furent utilisés en renvoyant à l’image de Marie selon l’usage liturgique jusqu’à la dernière réforme.

L’introït est composé de deux versets [39] qui nous rappellent que le Christ est la source de toute grâce et de toute vie et qui par leurs premiers mots (« Transite ad me ») semblent nous proposer de rendre au Christ la première visite que celui-ci fit à l’humanité représentée par Elisabeth et Jean. Le graduel [40] reprend le symbole de l’eau, du fleuve, pour la grâce qui vient irriguer nos âmes comme l’Esprit vint réjouir le Baptiste dans le sein d’Elisabeth. Ces deux chants veulent mettre en relief l’action rédemptrice du Christ dans le mystère de la Visitation : pour la première fois la grâce du Christ se communique aux hommes.

L’alléluia, l’offertoire et l’antienne de communion sont tirés du texte évangélique [41].

Les lectures

L’Épître est un extrait du livre de l’Ecclésiastique [42] (de ce même extrait était déjà tiré l’introït) qui, bien qu’étant une éloge de la sagesse divine personnifiée, fut souvent appliqué à Marie à cause du texte latin qui comporte de nombreux ajouts par rapport aux LXX et notamment le célèbre « ego mater pulchræ dilectionis ... et sanctæ spei. ». Selon les témoins que nous avons, l’Évangile prend la leçon courte.

3-LA MESSE DU MISSEL TRIDENTIN

De cette messe, il n’y a guère à dire, si ce n’est qu’elle reprend mutatis mutandis celle du 8 septembre. Seules les lectures sont propres : elles sont semblables à celles de la messe d’Urbain VI, l’Évangile prenant la leçon courte [43].

4-LA MESSE DANS LE MISSEL DE 1970

Les oraisons

Les trois oraisons proposées par le nouveau missel [44] contrastent par leur richesse avec le formulaire précédent. La collecte provient du Missel de Braga [45], on y retrouve dans la première partie des éléments de la collecte d’Urbain VI. elle y résume donc l’objet de la célébration du jour et nous rappelle que la véritable louange ne peut se faire que sous le souffle du Saint-Esprit. De même, elle nous indique que Marie ne s’est pas contentée de son « fiat », mais qu’elle continue d’agir conformément à la volonté du Père exprimée par l’Esprit [46]. Il faut déplorer la faiblesse de la traduction française [47] qui écarte deux termes important du texte latin : cum ipsa.

L’oraison sur les oblats et la postcommunion sont celles du Missel Parisien de 1738 [48], légèrement retouchées [49]. La première focalise l’action de la Vierge comme un grand acte d’amour envers le prochain accueilli favorablement par Dieu et la seconde reprend le thème de la louange et de l’action de grâce en demandant pour les chrétiens qui viennent de communier la même joie face au Seigneur que celle que manifesta le Précurseur lorsqu’il tressailli dans le sein d’Elisabeth.

Les antiennes

Les antiennes sont nouvelles. L’introït est un verset du psaume 65 placé dans la bouche de Marie qui appelle les fidèles à venir l’écouter raconter les merveilles de Dieu, ce n’est pas le premier emploi de ce verset psalmique pour cette célébration puisqu’on le retrouve au 6è répons des matines de l’office composé sous Clément VIII. L’antienne de communion reprend deux versets du Magnificat [50].

Le nouveau Graduel Romain propose quant à lui un choix différent [51] donnant un introït festif (le traditionnel Gaudeamus omnes in Domino que l’on trouve dans la messe d’Urbain VI) et reprenant les graduel, alléluia et offertoire de l’ancienne messe. Seule l’antienne de communion est semblable à celle du Missel.

Les lectures (Ordo lectionum provisoire de 1967)

Ce premier projet [52] de Lectionnaire proposait comme première lecture un choix entre deux textes : Soph 3, 14-17 avec comme titre De iubilatione filiæ Sion et Ephes 5, 18-21 intitulé Hortatio ad lætitiam et gratiarum actionem (il était décidé que la lecture du Cantique des Cantiques serait réservée à l’Office). Le psaume responsorial était tiré du psaume 32 avec pour refrain « Exsultate, iusti, in Domino ; cantate ei canticum novum. ». Le verset de l’alléluia était double et venait du récit évangélique (Lc 1, 45 + 11, 28). L’Évangile était inchangé (et s’arrêtait donc toujours au premier verset du Magnificat !). Ce choix donnait à toute la liturgie de la parole une dimension de louange car l’ensemble de la liturgie de la Parole faisait écho au cantique de Marie, on pouvait déplorer que ce mystère pourtant si riche ne soit vu que sous ce côté.

Les lectures (Ordo lectionum Missæ de 1969)

Le Lectionnaire actuel [53] a conservé la lecture de Sophonie et le même alléluia réduit à Lc 1, 45. L’Évangile donne enfin tout le texte du Magnificat et le verset final du récit du mystère (« Mansit autem... »). Mais les changements apportés donnent à la fête une autre coloration. Tout d’abord la lecture de Sophonie reçoit un nouveau titre : Rex Israël Dominus in medio tui. À ce titre fait écho le nouveau psaume responsorial tiré du livre du prophète Isaïe (Is 12, 2-3, 4bcd, 5-6 ; refrain Is 12, 6b), le refrain nous renvoie au texte de Sophonie : « Magnus in medio tui Sanctus Israël. » et certains versets du Prophète sont plus souvent associés à la fête du Sacré-Cœur qu’à une célébration mariale (« haurietis aquas in gaudio de fontibus salutis ») : ces textes orientent notre méditation de manière nettement christologique et nous rappelle qu’avant d’être une occasion de célébrer Marie, la fête de la Visitation est d’abord la commémoraison d’un moment important de l’œuvre de notre Sauveur.

Ensuite comme le Lectionnaire provisoire de 1967, celui de 1969 propose une deuxième lecture mais qui présente une tonalité différente : c’est un extrait de l’Épître aux Romains qui invite au service fraternel.

5-LA MESSE DE LA COLLECTIO MISSARUM DE B.M.V.

La Collectio Missarum de Beata Maria Virgine [54], publiée à l’occasion de l’année mariale 1987, peut être considérée comme un appendice du Missel Romain rénové [55] au même titre que l’étaient les Missæ pro aliquibus locis du Missel précédent. Pour les célébrations mariales du temps de l’Avent, on y trouve un formulaire de messe pour la Visitatio Beatæ Mariæ Virginis [56] dont l’origine n’est pas indiquée. On ne sait s’il s’agit d’une composition récente ou d’une messe tirée d’un propre religieux comme beaucoup de messes de cet ouvrage.

Les antiennes d’entrée et de communion sont toutes deux de l’Évangile selon saint Luc, la première est le début du Benedictus, la seconde est tirée du Magnificat. Les oraisons sont nouvelles pour la liturgie romaine. La Collecte nomme Marie « Arche de la nouvelle alliance » et porte un point de vue plus missionnaire sur la fête considérant le don fait par Marie à la maison d’Elisabeth et demandant pour nous la grâce, tout en vivant en sainteté, de porter le Christ à nos frères. L’oraison sur les oblats nous place sous le regard de l’Esprit Saint et nous fait méditer son œuvre en Marie. La Postcommunion reprend dans une perspective beaucoup plus large la dimension missionnaire de la collecte.

Ce qui caractérise surtout ce formulaire liturgique, c’est la présence d’une préface propre présentée sous le titre Sancta Maria beata ob fidem in promissam salutem [57]. Le corps de la préface reprend les thèmes traditionnels : Marie est bienheureuse car elle a cru, elle est proclamée Mère du Seigneur et accomplit son service fraternel. La conclusion de la préface débute par le rappel du Magnificat avant de conclure de manière habituelle.

La critique qui pourrait être faite à ce formulaire serait de trop restreindre l’objet de la fête à Marie qui pourtant n’est à cette occasion que le moyen dont se sert son Fils pour accomplir les premières démarches de sa vie terrestre [58].

L’OFFICE

1-LES OFFICES JUSQU’AU BRÉVIAIRE ROMAIN DE 1568

Le grand nombre et la diversité des offices composés pour la fête de la Visitation du XIVè au XIVè siècles nous empêcherait de les étudier en détail. Nous avons déjà mentionné l’office composé par Jean Jenstein de Prague. L’office rythmé [59] composé par le cardinal bénédictin anglais Adam Easton sur ordre d’Urbain VI [60] n’eut guère de succès et Boniface IX le remplaça par celui de la Nativité de Marie avec les changements nécessaires Le pape Sixte IV fit composer un nouvel office mis en appendice du Bréviaire Romain mais qui, semble-t-il, ne fut utilisé que par les Ermites de saint Augustin de Santa Maria del Popolo [61].

2-L’OFFICE DE 1568

La commission chargée de la réforme du bréviaire écarta résolument les offices existants et imposa un office sans rapport particulier avec le mystère célébré. Cet office, comme nous l’avons vu précédemment, reprenait à l’imitation de celui de Boniface IX celui de la Nativité de Marie, au 8 septembre, seules les leçons des nocturnes des matines lui étaient propres. Celles du premier nocturne ( Ego flos campi , Cant. 2, 1-17) sont empruntées au deuxième jour de l’octave de l’Assomption, celles du deuxième sont d’une homélie de saint Bède (Accepto Virginis consensu) et celles du troisième de saint Jean Chrysostome (Cum ad nos advenisset) tiré de la compilation de Métaphraste et considéré aujourd’hui comme apocryphe [62].

3-L’OFFICE DE CLÉMENT VIII

Clément VIII demanda à un Minime, le frère Ruiz de la Visitation, de préparer un nouvel office. Furent changés : les antiennes des psaumes pour vêpres et laudes (toutes prises au récit évangélique) , le verset-répons de ces mêmes heures, l’antienne des cantiques des premières vêpres et de laudes (celle des deuxièmes vêpres étant tirée du commun), les répons des leçons de matines (seuls les 7è et 8è répons tirés de l’office de la Nativité sont conservés, le 2d et le 5è sont tirés du commun, les autres sont composés pour la fête à partir du Cantique des Cantiques ou du texte évangélique). Pour le deuxième nocturne, on eut désormais l’homélie assignée jadis au troisième, et pour le troisième une homélie de saint Ambroise (Contuendum est) tirée de son commentaire sur l’Évangile selon saint Luc [63].

La commission de réforme du bréviaire réunie par Benoît XIV proposa pour remplacer l’homélie apocryphe de saint Jean Chrysostome un texte de saint Bernard [64], mais cette réforme n’aboutit pas. Le formulaire réformé par Clément VIII resta donc en vigueur jusqu’à la promulgation de la Liturgia Horarum.

Cet office marque bien la joie et l’allégresse mystique propres à cette fête par le balancement incessant entre le Cantique par excellence de l’Ancien Testament et celui du Nouveau. La vivacité des répons tirés du Cantique des Cantiques (répons 1 et 3) fait écho à la profondeur du texte du Magnificat et achève de situer la fête dans un climat contemplatif que lui confère leur étonnante fraîcheur [65].

4-L’OFFICE DE LITURGIA HORARUM

Le nouvel office proposé pour la fête de la Visitation comporte beaucoup de pièces nouvelles et se fait remarquer par sa richesse même s’il semble avoir perdu en partie la fraîcheur et l’aspect contemplatif qui marquaient l’office précédent. De celui-ci ont été conservé les antiennes des grandes heures et les deux répons de l’office des lectures (les anciens 3è et 6è répons, tirés du texte évangélique ; les répons tirés du Cantique ont malheureusement été écarté, n’auraient-ils pas pu être placés aux laudes et aux vêpres à la place de deux répons pris au Commun ?). Le texte de la première lecture est toujours du Cantique des Cantiques mais a été modifié (2, 8-14 ; 8, 6-7 au lieu de 2, 1-17). On retrouve comme lecture patristique un texte de Bède le vénérable commentant le Magnificat.

Les principales nouveautés de cet office sont les trois hymnes et les lectures brèves.

L’hymne [66] Veni, præcelsa Domina attribuée à l’Office des lectures est d’un auteur inconnu du XIVè siècle, elle fut modifié à cause de certaines expressions considérées comme excessives non du point de vue de la théologie catholique mais qui pourraient engendrer quelques difficultés [67] (« Veni, Salvatrix sæculi » est par exemple devenu « Veni, iuvamen sæculi »). La première strophe fait mention du mystère célébré et la dernière, de nouvelle composition, rappelle la louange rendue par Marie au Père dans son Magnificat. Chaque strophe commence par un impératif suggestif « Veni » : le chrétien demande à Marie de venir à nouveau visiter son peuple afin de l’aider et la cinquième strophe rappelle le motif premier de l’institution universelle de la fête (« reduc fluctus errantium / ad unitatem fidei »). Cette hymne se trouvait aussi comme séquence pour la messe de la Visitation dans certains missels d’ordres religieux [68].

À laudes, on trouve une hymne elle aussi anonyme mais plus tardive puisque du XVIè siècle. Cette hymne (Veniens, mater inclita) appelle encore la venue de Marie pour que l’Église reçoive d’elle le Christ. Comme dans l’hymne précédente, la dernière strophe, nouvelle elle aussi, rappelle le mystère de louange célébré en ce jour. Enfin, on trouve à vêpres une hymne nouvelle d’A.Lentini (Concito gressu) qui reprend entièrement tout le mystère de la fête : l’amour du prochain illustré par la sollicitude de Marie pour Elisabeth, la gloire que toutes les nations reconnaîtront à Marie et la médiation de celle-ci pour notre salut.

La lecture brève de laudes, tirée du livre de Joël (Joël 2 27-28a) rappelle la promesse de la présence de Dieu parmi son peuple et le dernier verset nous renvoie au cri de joie prophétique d’Elisabeth à l’arrivée de Marie. Les lectures des heures du jour renvoie pour tierce (Iudt 13, 31) et sexte (Tob 12, 6) à Marie et pour none (Sap 7, 27-28) à la prophétie d’Elisabeth autant qu’à Marie elle-même. La lecture de la première épître de saint Pierre (1Petr 5, 5b-7) des vêpres renvoie au Magnificat et au service du prochain et nous parle de la « visitatio » du Seigneur aux derniers temps.

5-LA VERSION FRANÇAISE DE LITURGIA HORARUM

L’édition française de la Liturgie des heures nous propose un formulaire remanié pour la Fête de la Visitation [69]. Ce formulaire nous donne deux hymnes (ou plutôt deux stances) propres : l’un pour les Laudes, l’autre pour l’Office des Lectures et pour Vêpres, Une stance qui remplace les deux répons de l’Office des Lectures, un invitatoire propre, des antiennes et des répons légèrement retouchées. Les trois stances (“Vierge Marie, messagère d’une joie nouvelle”, “Bienheureuse es-tu, Marie”, “Émerveillée de la promesse”) sont tirées de l’œuvre de la Commission Francophone Cistercienne. La première, hymne des Lectures et des Vêpres, nous plonge en plein Avent (“racine de Jessé...la vérité germe de la terre...”), la seconde, répartie entre les deux répons des Lectures exalte l’humilité de Marie en reprenant son Magnificat. La troisième, aux Laudes, énumère les raisons qu’a le Peuple chrétien de bénir Marie. Ces trois stances se ressemblent beaucoup et nous donnent une impression de richesse moindre que l’office latin, dont l’Hymnaire latin-français permet de profiter.

CONCLUSION

Depuis le XIVè siècle, l’Église a, dans sa liturgie eucharistique, considéré le mystère de la Visitation selon différents points de vue : l’œuvre de la Rédemption qui s’accomplit (cette dimension est présente dans les quatre formulaires propres mais beaucoup plus marquée dans ceux de Sixte IV et de la Collectio Missarum), la charité qui anime Marie (collecte d’Urbain VI, oraison sur les oblats de Paul VI, collecte et préface de la messe de la Collectio Missarum), la louange rendue à Dieu par Marie et par son Église (les deux messes actuelles)... La messe d’Urbain VI résonne des appels de l’Église déchirée à l’intercession de Marie, les formulaires de la liturgie rénovée rentrent plus profondément dans le mystère : chaque époque marque bien-sûr de son empreinte la liturgie. L’Office divin peut, par son ampleur, mieux exposer à notre méditation le contenu d’un mystère. L’office du bréviaire de 1568 avait profondément appauvri la liturgie de la fête de la Visitation ; par l’intervention de Clément VIII, celle-ci s’enrichit de textes propres plus à même de nourrir la prière des chrétiens ; enfin, cet enrichissement s’accrut encore plus avec la Liturgia Horarum par l’introduction d’hymnes riches et de textes bibliques variés.

Quand Marie, partant en hâte pour visiter Elisabeth, est saluée par celle-ci du nom de bienheureuse pour avoir cru au salut promis, tandis que le Précurseur tressaillait au sein de sa mère, l’union de la Mère de Dieu avec son Fils dans l’œuvre du salut apparaît manifeste [70]. Le mystère de la Visitation où Marie paraît la véritable arche d’alliance [71] est en premier lieu un mystère du Christ qui vient à la rencontre de l’humanité, mais la Vierge y tient une place essentielle et il est juste que la célébration qui commémore ce mystère soit avant tout une célébration mariale.

« Surge, Domine, in requiem tuam, tu et arca sanctificationis tuæ » [72]

APPENDICE

A-ORAISONS DE LA MESSE D’URBAIN VI [73]

Collecte

Omnipotens sempiterne Deus, qui ex abundantia charitatis beatam Mariam Virginem filio tuo fecundatam ad salutationem beatæ Elisabeth inspirasti : præsta quæsumus, ut per eius Visitatione donis cælestibus repleamur, et ab omnibus adversitatibus eruamur.

Secrète

O.s.D., qui curam de omnibus in te confitentibus habes : præsta quæsumus, ut per oblationem quam tibi offerimus Visitationem spiritualem beatæ Mariæ Virginis in nostris necessitatibus sentiamus.

Postcommunion

O.s.D, qui commemorationem Visitationis beatæ Mariæ Matris Dei fieri voluisti : præsta quæsumus, ut per hoc sacrificium quod sumpsimus, ab eiusdem Visitationis gratia nullatenus excidamus.

B-ORAISONS DE LA MESSE DE SIXTE IV [74]

Collecte

Deus, cuius Unigenitus utero adhuc Virginis clausus, Ioannem Baptistam Maria salutante Spiritu Sancto priusquam nasceretur implevit : da Ecclesiæ tuæ, ut quos spirituali regeneratione concepit, purificatos tibi filios pariat adoptionis.

Secrète

Suscipe, quæsumus, Domine, fidelis populi vota : ut qui te ab utero inviolatæ Virginis Præcursorem in utero sanctificasse congaudet, ipse quoque a te in utero Matris Ecclesiæ sanctificari mereatur.

Postcommunion

Sacra libantes mysteria, te Domine suppliciter deprecamur, ut Ecclesia tua, Visitationis mysteria recolens, visitantis et visitatæ meritis sublevata, ab instantibus malis et periculis eruatur.

C-ORAISONS DE LA MESSE DE 1970 [75]

Collecte Traduction française
Omnipotens sempiterne Deus, qui beatam Virginem Mariam, Filium tuum gestantem, ad visitandam Elisabeth inspirasti, præsta, quæsumus, ut, afflanti Spiritui obsequentes, cum ipsa te semper magnificare possimus. Dieu tout-puissant, tu as inspiré à la Vierge Marie, qui portait en elle ton propre Fils, de visiter sa cousine Elisabeth ; accorde-nous d’être dociles au souffle de l’Esprit afin de pouvoir nous aussi te magnifier éternellement.
Oraison sur les oblats
Maiestati tuæ, Domine, hoc nostrum gratum sit sacrificium salutare, sicut beatissimæ Unigeniti tui Matris habuisti acceptabilem caritatem. Tu as aimé, seigneur, l’empressement de la Vierge Marie ; accepte aussi avec bonté le sacrifice que nous t’offrons pour notre salut
Postcommunion
Magnificet te, Deus, ecclesia tua qui tuis fecisti magna fidelibus, et quem latentem beatus Ioannes cum exsultatione præsensit, eundem semper viventem cum lætitia in hoc percipiat sacramento. Que ton Église te magnifie, Seigneur, pour tant de merveilles ; comme Jean-Baptiste a tressailli d’allégresse en discernant le Christ avant sa naissance, qu’elle accueille avec joie dans l’eucharistie ce même Christ toujours vivant

D-TEXTES EUCHOLOGIQUES DE LA MESSE DE LA COLLECTIO MISSARUM  [76]

Collecte

Salvator hominum Deus, qui per beatam Virginem Mariam, novi fœderis arcam, salutem et gaudium domui Elisabeth attulisti, concede, quæsumus, ut afflanti Spiritui obsequentes, et nos Christum fratribus valeamus portare et te laudibus magnificare et morum sanctitate.

Oraison sur les oblats

Munera nostra, quæsumus, Domine, Spiritus ille sanctificet, qui beatam Virginem Mariam novam plasmavit creaturam, ut ex ipsa, cælesti rore perfusa, fructus oriretur salutis, Iesus Christus Filius tuus.

Préface

V. & D. Qui, propheticis Elisabeth verbis Spiritu movente prolatis, fastigium nobis sanctæ Mariæ Virginis manifestas. Beata enim ob fidem in promissam salutem, ipsa merito salutatur, et in caritatis servitio mater Domini a matre Præcursoris agnoscitur. Unde Deiparæ Virginis cantico cum exsultatione coniungimur, tuamque magnificamus humiliter maiestatem, cum angelorum sanctorumque turmis sine cessatione clamantes.

Postcommunion

Ecclesia tua, Domine, divinis instructa sacramentis et Spiritu sancto repleta, ad cunctos populos læta festinet, ut, eius verbum salutis audientes, de peracta redemptione exsultent et Christum tuum omnium gentium Salvatorem agnoscant.

E- LA MESSE DU MISSEL PARISIEN DE 1738

In festo Visitationis B. Mariæ Virginis Duplex Maius

Introitus Luc 1 ; Ps 44

Exultavit spiritus meus in Deo salutari meo ; quia respexit humilitatem ancillæ suæ. Eructavit cor meum verbum bonum : dico ego opera mea Regi.

Collecta

Adesto Ecclesiæ tuæ misericors Deus, et filios adoptionis iugiter in eius sinu purifica ; qui, Mariæ clausus utero, Joannem in sinu Elisabeth sanctificasti. Qui vivis.

Epistola

Lectio Cantici Canticorum 2 Ecce iste saliens...facies tua decora

Graduale Luc 1

Benedicta tu inter mulieres, et benedictus fructus ventris tui. Et unde hoc mihi, ut veniat mater domini mei ad me ?`

Alleluia

Beata quæ credidisti, quoniam perficientur ea, quæ dicta sunt tibi a Domino.

Evangelium Luc 1

Exsurgens...in Deo salutari meo.

Offertorium

Ut audivit salutationem Mariæ Elisabeth, exultavit in gaudio infans in utero eius, et repleta est Spiritu sancto. Alleluia.

Secreta

Missale Parisiense Missale Romanum 1970 [77]
Sicut beatissimæ Unigeniti tui Matris humilitatem gratam habuisti, Domine, ita maiestatis tuæ acceptum sit hoc nostræ servitutis sacrificium. sicut beatissimæ Unigeniti tui Matris habuisti acceptabilem caritatem. Maiestati tuæ, Domine, hoc nostrum gratum sit sacrificium salutare,

Communio

Fecit mihi magna qui potens est, et sanctum nomen eius.

Postcommunio

Missale Parisiense Missale Romanum 1970
Largire, quæsumus, Domine, fidelibus tuis, ut quem in utero latentem beatus Ioannes cum exultatione præsensit, eiusdem in hoc sacramento absconditi præsentiam cum sancta lætitia sentiamus. Magnificet te, Deus, ecclesia tua qui tuis fecisti magna fidelibus, et quem latentem beatus Ioannes cum exsultatione præsensit, eundem semper viventem cum lætitia in hoc percipiat sacramento.

[1] PAUL VI, Marialis Cultus, exhortation apostolique du 22 mars 1974, §7.

[2] Lc 1, 39-47 ( MR* : Evangelium in Feria Sexta Quatuor Temporum Adventus ).

[3] MR* : Dom. III Adventus, collecta.

[4] MR* : Sabbato Quatuor Temporum, oratio prima.

[5] MR* : Sabbato Quatuor Temporum, oratio quinta.

[6] SALAVILLE S., Marie dans la liturgie byzantine ou gréco-slave, in DU MANOIR H., Maria, études sur la sainte Vierge, tome I, Paris, Beauchesne, 1949, p. 247 à 326.

[7] SARTOR D., Visitazione, in Nuovo Dizionario di Mariologia, Milano, Paoline, 1985, p. 1476.

[8] Cf. CAMPANA E., Maria nel culto cattolico, vol. I, Torino-Roma, Marietti, 1933, p. 280-281.

[9] OURY G.-M., Marie, Mère de l’Eglise dans l’année liturgique, Paris, Alsatia, 1965, p.80. Il est à noter que dans la liturgie ambrosienne la Visitation est considérée comme Solemnitas Domini ( Cf JOUNEL P., Le culte de Marie in MARTIMORT G.-A., L’Eglise en prière, tome IV, Paris, Desclée, 1983, p 155 ; CAMPANA E., o.c., p. 282 ).

[10] CAPELLE B., Les fêtes mariales, in MARTIMORT G.-A., L’Eglise en prière, Paris, Desclée, 1961, p.755 ; Cf. WADDING L., Annales Minorum, 1263, n.15.

[11] CAMPANA E., o.c., p.283.

[12] CAMPANA E., o.c., p.284.

[13] OURY G.-M., o.c., p. 81.

[14] Lc 1, 68 ( MR* : Evangelium in Nativitate S. Ioannis Baptistæ ).

[15] CAMPANA E., o.c., p.281-282.

[16] Certains considèrent aujourd’hui cet évêque comme le véritable créateur de la fête, refusant tout rapport avec la célébration orientale du 2 juillet et les origines franciscaines de la fête, cf. SARTOR D., o.c., p. 1476-1477.

[17] CAMPANA E., o.c., p.284.

[18] SARTOR D., o.c., p. 1478.

[19] CAMPANA E., o.c., p.285.

[20] OURY G.-M., o.c., p. 82.

[21] CAPELLE B., o.c., p. 755.

[22] SARTOR D., o.c., p. 1478.

[23] BÄUMER S., Histoire du Bréviaire, tome II, Paris, Letouzey, 1905, p. 217.

[24] BÄUMER S., o. c., p. 273 et 279.

[25] CAMPANA E., o.c., p.286.

[26] Calendarium Romanum ex decreto sacrosancti œcumenici Concilii Vaticani II instauratum auctoritate Pauli PP. VI promulgatum, editio typica, Romæ, T.P.V., 1969, p. 93.

[27] Lc 1, 39.

[28] Lc 1, 56.

[29] GUILLOU E., Date liturgique de la Visitation in Fideliter 78, nov.-dec. 1990, p. 19.

[30] MR, p. 554.

[31] JOUNEL P., Le renouveau du culte des Saints dans la liturgie romaine, Bibliotheca « Ephemerides liturgicæ », collection « Subsidia » 36, Rome, C.L.V., 1986, p.135.

[32] LH, p. 1400-1409 .

[33] JOUNEL, o.c., p 239.

[34] LIPPE R., Missale Romanum Mediolani 1474, vol. II, a collation with other editions printed before 1570, London, 1907, p. 208-209 ; cf. le texte en Appendice A.

[35] Cant 2, 8-14.

[36] CAPELLE B., o.c., p. 756.

[37] Cf note 2.

[38] LIPPE R., o.c., p. 209-210 ; cf. le texte en Appendice B.

[39] Eccli 24, 26 pour l’antienne et Eccli 24, 25 pour le verset « psalmique ».

[40] Eccli 24, 40-42.

[41] Respectivement Lc 1, 44 ; Lc 1, 43.45-46 ; Lc 1, 56.

[42] Eccli 24, 22-29.

[43] Cant 2, 8-14 ; Lc , 39-47 ( MR*, Epistola et Evangelium in Visitatione B.M.V ).

[44] MR : In visitatione B.M.V.

[45] Missale Bracarense, Romæ, 1924, p. 657.

[46] SARTOR D., o.c., p. 1481.

[47] Missel Romain, Paris, Desclée-Mame, 1974 ; Cf. Appendice C.

[48] Missale Parisiense anno 1738 publici iuris factum, curantibus Cuthbert Johnson et Anthony Ward, bibliotheca “Ephemerides Liturgicæ” - subsidia, instrumenta liturgica Quarreriensa, Supplementa 1, Roma, CLV, 1993.

[49] Cf. Appendice E.

[50] Ps 65, 16 ; Lc 1, 48-49 ( MR : Antt. ad introitum et ad communionem in Visitatione B.M.V., p. 554 ).

[51] Graduale Romanum sacrosanctæ Romanæ Ecclesiæ de Tempore et de Sanctis..., Solesmis, 1979, P. 564.

[52] Consilium ad exsequendam Constitutionem de sacra Liturgia, ( schemata 233, de Missali 39 ) , Ordo lectionum pro dominicis, feriis et Festis Sanctorum, manuscripti instar, Romæ, T.P.V., 1967, P. 325.

[53] Ordo lectionum Missæ, Romæ, T.P.V., 1969, P. 223.

[54] Congregatio pro Cultu Divino, Collectio Missarum de Beata Maria Virgine, editio typica, Romæ, T.P.V., 1987 .

[55] Décret Christi mysterium celebrans de la Congrégation pour le Culte Divin du 15 août 1986, cité dans CM, p. v-vi.

[56] CM, p. 11-13.

[57] Cf. Lumen Gentium 57.

[58] OURY, o.c., p. 80.

[59] BÄUMER S., o. c., p. 77.

[60] CAMPANA E., o.c., p. 287.

[61] BÄUMER S., o. c., p. 217.

[62] BÄUMER S., o. c., p. 457.

[63] BÄUMER S., o. c., p. 279-280.

[64] BÄUMER S., o. c., p. 396.

[65] CAPELLE B., o.c., p. 756.

[66] LENTINI A., Te decet Hymnus, l’innario della « Liturgia Horarum », Roma, T.P.V., 1984, p.170-172 ; CUVA A., Maria SS. nella storia della salvezza : dall’Innario della « Liturgia Horarum », in Virgo Fidelis, miscellanea di studi mariani in onore di Don Bertetto, Bibliotheca « Ephemerides liturgicæ », collection « Subsidia » 43, Rome, C.L.V., 1988, p.263-264.

[67] Cf LENTINI A., o.c., p. 170 à la note du verset 5.

[68] BESUTTI G., sequenzie mariane del Missale Fratrum servorum sanctæ Mariæ Pal Lat 505, in Virgo Fidelis, o.c., p. 249.

[69] La Liturgie des heures, II, Carême - Temps pascal, Paris, Cerf-Desclée- DDB- Mame, 1979, pp. 1355-1361.

[70] Lumen Gentium 57.

[71] GUERANGER P., L’année liturgique, Le temps après la Pentecôte, tome III, Paris-Poitiers, Oudin, 1910, p. 502 ; CM, collecta in missa Visitationis B.M.V.

[72] Ps 131, 8

[73] LIPPE R., o.c., p. 208-209.

[74] LIPPE R., o.c., p. 209-210.

[75] Texte latin : MR ; texte français : Missel Romain, Paris, Desclée-Mame, 1974.

[76] Texte latin : CM.

[77] Les deux parties de l’oraison ont été inversée pour permettre la comparaison avec celle du Missale Parisiense.