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2ème jour dans l’Octave de l’Épiphanie (7 janvier, avant 1955)

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Sommaire

  Textes de la Messe avant 1955   
  Office avant 1955   
  Dom Guéranger, l’Année Liturgique  
  Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique  

Deuxième jour dans l’Octave de l’Épiphanie, supprimée en 1955 ; lectures patristiques de St Augustin et de St Grégoire le Grand.

Textes de la Messe avant 1955

die 7 ianuarii
le 7 janvier
De II Die infra Octavam Epiphaniæ
Le 2ème jour dans l’Octave de l’Épiphanie
Semiduplex
Semidouble
Missa dicitur ut in Festo, præfatione et Communicántes de Epiphania et dicitur Credo.Messe comme le jour de la Fête avec préface et Communicántes de l’Épiphanie. On dit le Credo.

Office avant 1955

A MATINES.

Invitatoire. Le Christ nous est apparu, * Venez, adorons-le.

Au premier nocturne.

De l’Épître aux Romains. Cap. 9, 1-16.

Première leçon. Je dis la vérité dans le Christ, je ne mens pas, ma conscience me rendant témoignage par l’Esprit-Saint, qu’il y a une grande tristesse en moi, et une douleur continuelle dans mon cœur. Car je désirais ardemment d’être moi-même ana-thème * à l’égard du Christ, pour mes frères, qui sont mes proches selon la chair, qui sont les Israélites auxquels appartiennent l’adoption des enfants, la gloire, l’alliance, la loi, le culte et les promesses ; dont les pères- sont ceux de qui est sorti, selon la chair, le Christ même qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans tous les siècles. Ainsi soit-il.
R/. Les dons précieux que les Mages offrirent au Seigneur en ce jour sont au nombre de trois, et ils renferment en eux des mystères divins : * Par l’or est signifiée la puissance royale ; par l’encens, le souverain sacerdoce, et par la myrrhe, la sépulture du Seigneur. V/. Les Mages ont vénéré l’Auteur de notre salut dans son berceau ; et, de leurs trésors, ils lui ont offert des présents mystiques. * Par l’or.

Deuxième leçon. Non que la parole de Dieu soit restée sans effet ; mais tous ceux qui descendent d’Israël ne sont pas Israélites ; ni ceurt qui appartiennent à la race d’Abraham ne sont pas tous ses enfants ; mais « c’est en Isaac que sera ta postérité. i> C’est-à-dire, ce ne sont pas les enfants selon la chair qui sont enfants de Dieu ; mais ce sont les enfants de la promesse qui sont comptés dans la postérité. Car voici, les termes de la promesse : « En ce temps, je viendrai, et Sara aura un fils. » Et non seulement elle, mais aussi Rebecca, qui eut (deux fils) à la fois d’Isaac, notre père.
Les autres répons comme au jour de l’Épiphanie.

Troisième leçon. Car avant qu’ils fussent nés, ou qu’ils eussent fait ni aucun bien, ni aucun mal (afin que le décret de Dieu demeurât ferme selon son élection), non à cause de leurs œuvres, mais par la volonté de celui qui appelle, il lui fut dit : « L’aîné servira sous le plus jeune, » selon qu’il est écrit : « J’ai aimé Jacob, et j’ai haï Esaü ». Que dirons-nous donc ? Y a-t-il en Dieu de l’injustice ? Nullement. Car il dit à Moïse : « J’aurai pitié de qui j’ai pitié, et je ferai miséricorde à qui je ferai miséricorde. » Cela ne dépend donc ni de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde.

Au deuxième nocturne.

Sermon de saint Augustin, Évêque.

Quatrième leçon. Les Mages sont venus d’Orient pour adorer l’Enfant de la Vierge. C’est le jour où ils lui rendirent cet hommage, que nous célébrons aujourd’hui : c’est à sa mémoire que nous offrons le tribut d’un discours qui est pour nous une dette en cette solennité. Ce jour brilla d’abord pour les Mages, il nous est ramené chaque année par ta fête de l’Épiphanie. Ils étaient les prémices de la gentilité ; nous en sommes le peuple. Nous avons été instruits par la langue des Apôtres ; ils le furent, eux, par une étoile, interprète des cieux. Les mêmes Apôtres, comme d’autres cieux, nous ont raconté la gloire de Dieu.

Cinquième leçon. O mystère étonnant ! Il était couché dans une crèche, et d’Orient il amenait les Mages ; il était caché au fond d’une étable, et proclamé du haut du ciel, afin qu’ainsi proclamé dans le ciel on le reconnût dans l’étable, ce qui a donné à ce jour le nom d’Épiphanie, qu’on peut traduire en latin par manifestatio, manifestation. Ce jour met à la fois en relief la grandeur et l’humilité du Christ ; car les astres révélaient au loin dans le ciel sa grandeur, afin que ceux qui le cherchaient le trouvassent dans un étroit réduit, sous l’apparence de la faiblesse, avec des membres de nouveau-né, enveloppé des langes, de l’enfance. En cet état, il fut adoré par les Mages, et redouté des méchants.

Sixième leçon. Car le roi Hérode le craignit, lorsqu’il eut entendu les Mages, encore à la recherche de ce petit Enfant, dont le ciel leur avait attesté la naissance. Que sera son tribunal où il sera assis comme juge, si .le berceau où il repose, enfant muet encore, a fait trembler des rois superbes ? Combien les rois sont mieux inspirés, quand, au lieu de chercher, comme Hérode, à le mettre à mort, ils sont heureux de l’adorer comme les Mages ; maintenant surtout qu’il a souffert, pour ses ennemis et de la part de ses ennemis, la mort que l’ennemi désirait lui donner, et qu’en la subissant il a tué la mort dans son propre corps ! Si un roi impie l’a craint quand il prenait encore le sein de sa mère, que les rois aient donc pour lui une crainte pieuse, maintenant qu’il est assis à la droite du Père.

Au troisième nocturne.

Lecture du saint Évangile selon saint Matthieu. Cap. 2, 1-12.
En ce temps-là : Jésus étant né à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, voici que des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem, disant : "Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?". Et le reste.

De l’Homélie de saint Grégoire, Pape.

Septième leçon. Ayant appris la naissance de notre Roi, Hérode recourt à la ruse ; et, de crainte de se voir priver d’un royaume terrestre, demande qu’on vienne lui annoncer où l’enfant a été trouvé, Il feint de vouloir aller l’adorer, afin de lui ôter la vie, s’il le peut découvrir. Mais que peut la malignité humaine contre un dessein de Dieu ? Car il est écrit : « Il n’y a pas de sagesse, il n’y a pas de prudence, il n’y a pas de conseil contre le Seigneur. » L’étoile qui avait apparu aux Mages, leur sert de guide : ils trouvent le Roi nouveau-né, ils offrent leurs présents, et ils sont avertis pendant leur sommeil, de ne pas retourner auprès d’Hérode. Et il arrive ainsi qu’Hérode ne peut trouver Jésus qu’il cherche. De qui ce prince est-il l’image, sinon des hypocrites qui, cherchant le Seigneur avec déguisement, ne méritent jamais de le trouver ?

Huitième leçon. Il faut remarquer en passant, que les hérétiques priscillianistes croient que chaque homme naît sous l’influence de certaines constellations, et qu’à l’appui de leur erreur, ils invoquent l’exemple de la nouvelle étoile qui apparut lorsque le Seigneur vint au monde, s’imaginant que cette étoile était son destin. Mais si nous examinons les paroles de l’Évangile, qui dit au sujet de cette étoile : « Jusqu’à ce qu’elle vint et s’arrêta au-dessus du Heu où était l’enfant » ; nous voyons que ce ne fut pas l’enfant qui courut à l’étoile, mais l’étoile à l’enfant ; et, si l’on peut s’exprimer ainsi, que l’étoile ne fut point le destin de l’enfant ; mais l’enfant qui apparut, le destin de l’étoile.

Neuvième leçon. Mais qu’elle reste loin du cœur des fidèles, la pensée de dire que le destin soit quelque chose. Car la vie des hommes, seul le Créateur qui l’a produite, la gouverne. L’homme n’a pas été fait à cause des étoiles, mais les étoiles à cause de l’homme, et dire qu’une étoile est le destin d’un homme, serait affirmer que l’homme est au-dessous de ce qui a été créé pour le servir. Certes, lorsque Jacob en naissant, tenait par la main le pied de son frère aîné, cet aîné n’était .pas encore entièrement venu au monde, que déjà sort frère commençait à naître ; et cependant, bien qu’ils soient nés le même jour et au même moment, il n’y eut guère de ressemblance entre la vie de l’un et celle de l’autre.

A LAUDES

Ant. au Bénédictus De l’Orient * les Mages vinrent à Bethléem adorer le Seigneur ; et ayant ouvert leurs trésors, ils lui offrirent des dons précieux : de l’or, comme au souverain Roi ; de l’encens, comme au vrai Dieu ; de la myrrhe pour sa sépulture, alléluia.

AUX DEUXIÈMES VÊPRES.

Ant. au Magnificat Les Mages, voyant l’étoile.* se réjouirent d’une grande joie, et, entrant dans la maison, ils offrirent au Seigneur de l’or, de l’encens et de la myrrhe, alléluia.

Dom Guéranger, l’Année Liturgique

Une solennité aussi importante que celle de l’Épiphanie ne pouvait manquer d’être décorée d’une Octave. Cette Octave n’est inférieure en dignité qu’à celles de Pâques et de la Pentecôte ; et son privilège est supérieur à celui de l’Octave de Noël, qui admet les fêtes des rites double et semi-double, tandis que l’Octave de l’Épiphanie ne cède qu’à une fête Patronale de première classe. Il paraît même, d’après d’anciens Sacramentaires, que, dans l’antiquité, le lendemain et le surlendemain de l’Épiphanie étaient fêtes de précepte, comme les deux jours qui suivent les solennités de Pâques et de la Pentecôte. On connaît encore les Églises Stationnales où le clergé et les fidèles de Rome se rendaient en ces deux jours.

Afin d’entrer de plus en plus dans l’esprit de l’Église, pendant cette glorieuse Octave, nous contemplerons chaque jour le Mystère de la Vocation des Mages, et nous nous rendrons avec eux dans la sainte retraite de Bethléhem, pour offrir nos dons au divin Enfant vers lequel l’étoile les a conduits.

Mais quels sont ces Mages, sinon les avant-coureurs de la conversion des peuples de l’univers au Seigneur leur Dieu, les pères des nations dans la foi au Rédempteur venu, les patriarches du genre humain régénéré ? Ils apparaissent tout à coup en Bethléhem, au nombre de trois selon la tradition de l’Église, conservée par saint Léon, par saint Maxime de Turin, par saint Césaire d’Arles, par les peintures chrétiennes qui décorent les Catacombes de la ville sainte, dès l’âge des persécutions.

Ainsi se continue en eux le Mystère déjà marqué par les trois hommes justes des premiers jours du monde : Abel, immolé comme figure du Christ ; Seth, père des enfants de Dieu séparés de la race de Caïn ; Enos, qui eut la gloire de régler le culte du Seigneur.

Et ce second Mystère des trois nouveaux ancêtres du genre humain, après les eaux du déluge, et desquels toutes les races sont sorties : Sem, Cham et Japhet, fils de Noé.

Enfin, ce troisième Mystère des trois aïeux du peuple choisi : Abraham, Père des croyants ; Isaac, nouvelle figure du Christ immolé ; Jacob, fort contre Dieu dans la lutte, et père des douze Patriarches d’Israël.

Mais tous ces hommes, sur lesquels reposait cependant l’espoir du genre humain, selon la nature et selon la grâce, ne furent que les dépositaires de la promesse ; ils n’en saluèrent que de loin, comme dit l’Apôtre, l’heureux accomplissement [1]. Les nations ne marchèrent point à leur suite vers le Seigneur ; plus vive la lumière apparaissait sur Israël, et plus profond devenait l’aveuglement des peuples. Les trois Mages, au contraire, n’arrivent à Bethléhem que pour y annoncer et y précéder toutes les générations qui vont suivre. En eux, la figure arrive à la réalité la plus complète par la miséricorde du Seigneur, qui, étant venu chercher ce qui avait péri, a daigné tendre les bras à tout le genre humain, parce que le genre humain avait péri tout entier.

Considérons-les encore, ces heureux Mages, investis du pouvoir royal, comme il sera facile de le prouver bientôt ; considérons-les figurés par ces trois Rois fidèles qui sont la gloire du trône de Juda, et maintiennent dans le peuple choisi les traditions de l’attente du Libérateur, en combattant l’idolâtrie : David, type sublime du Messie ; Ézéchias, dont le bras courageux disperse les faux dieux, Josias, qui rétablit la loi du Seigneur que son peuple avait oubliée.

Et si nous voulons un autre type de ces pieux voyageurs qui accourent, du fond de la Gentilité, pour saluer le Roi pacifique, en lui apportant des présents, les saints livres nous offrent la reine de Saba, figure de la Gentilité, qui, sur la renommée de la profonde sagesse de Salomon, dont le nom est le Pacifique, arrive en Jérusalem, avec ses chameaux tout chargés d’or, d’aromates et de pierres précieuses, et vénère, dans une de ses plus imposantes figures, la Royauté du Messie.

C’est ainsi, ô Christ, que durant cette nuit profonde que la justice de votre Père avait laissé s’étendre sur le monde coupable, des éclairs de grâce sillonnaient le ciel, et promettaient des jours plus sereins, lorsque le Soleil de votre justice se serait enfin levé sur les ombres de la mort. Mais le temps de ces ombres funestes est passé pour nous ; nous n’avons plus à vous contempler dans ces types fragiles et d’une lumière vacillante. C’est vous-même, ô Emmanuel, que nous possédons pour jamais. Le diadème qui brillait sur le front de la reine de Saba n’orne point notre tête ; mais nous n’en sommes pas moins accueillis à votre berceau. Vous avez convié des pâtres à entendre les premiers les leçons de votre doctrine : tout fils de l’homme est appelé à former votre cour ; devenu enfant, vous avez mis à la portée de tous les trésors de votre infinie sagesse. Quelle reconnaissance doit être la nôtre pour ce bienfait de la lumière de la Foi, sans laquelle nous ignorerions tout, croyant savoir toutes choses ! Que la science de l’homme est petite, incertaine et trompeuse, auprès de celle dont vous êtes la source si près de nous ! Gardez-nous toujours, ô Christ ! Ne permettez pas que nous perdions l’estime de la lumière que vous faites briller à nos jeux, en la tempérant sous le voile de votre humble enfance. Préservez-nous de l’orgueil qui obscurcit tout, et qui dessèche le cœur ; confiez-nous aux soins de votre Mère Marie ; et que notre amour nous fixe à jamais près de vous, sous son œil maternel.

Chantons maintenant, avec toutes les Églises, les Mystères de la glorieuse Épiphanie, et ouvrons la série de nos cantiques pour ce jour, par cette belle Hymne dans laquelle Prudence célèbre l’Etoile immortelle dont l’autre n’était que la figure.

HYMNE.
O vous qui cherchez le Christ, levez les yeux en haut ; là, vous apercevrez le signe de son éternelle gloire.
Une étoile, qui surpasse en beauté et en lumière le disque du soleil, annonce qu’un Dieu vient de descendre sur la terre, dans une chair mortelle.
Cet astre n’est point un de ces flambeaux de la nuit, qui rayonnent autour de la lune : seul, il semble présider au ciel et marquer le cours du temps.
Les deux Ourses qui brillent au Nord ne se couchent jamais ; cependant elles disparaissent souvent sous les nuages :
L’Astre divin brille éternellement ; cette Etoile ne s’efface jamais ; la nuée dans son cours ne vient jamais couvrir d’ombre son brillant flambeau.
Qu’elle pâlisse, la comète, messagère de tristesse ; et que l’astre enflammé des vapeurs produites par le Sinus, soit vaincu par le flambeau d’un Dieu.

Nous réunissons ici trois solennelles Oraisons empruntées au Sacramentaire Grégorien.

ORAISONS.

O Dieu, qui illuminez toutes les nations, accordez à vos peuples de jouir d’une paix perpétuelle, et répandez dans nos cœurs cette lumière éclatante que vous avez allumée dans lame des trois Mages.

Dieu tout-puissant et éternel, splendeur des âmes fidèles, qui avez consacré par les prémices des Gentils cette solennité de leur élection, remplissez le monde de votre gloire, et par l’éclat de votre lumière, apparaissez aux peuples qui vous sont soumis.

Faites, ô Dieu tout-puissant, que le Sauveur envoyé par vous, qui s’annonce par un nouvel astre au ciel, et descend pour le salut du monde dans la solennité présente, se lève aussi sur nos cœurs pour les renouveler à jamais. Par Jésus-Christ notre Seigneur. Amen.

La Séquence que nous donnons ci-après est empruntée à nos anciens Missels Romains-Français.

SÉQUENCE.
Chantons au Seigneur la glorieuse Épiphanie ;
Jour où les Mages adorent le vrai Fils de Dieu.
La Chaldée et la Perse accourent vénérer sa puissance infinie.
Tous les Prophètes l’avaient célébré, annonçant sa venue pour le salut des nations.
Sa majesté s’est inclinée jusqu’à prendre la forme d’esclave.
Dieu avant les siècles et les temps, il s’est fait homme en Marie.
C’est Celui dont Balaam a prophétisé : « Une brillante étoile sortira de Jacob,
« Et écrasera les armées des princes de la région de Moab, dans sa puissance souveraine. »
Les Mages lui apportent d’illustres présents, de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Par l’encens ils proclament un Dieu, par l’or un grand Roi, par la myrrhe un homme mortel.
En songe, un Ange les avertit de ne pas retourner près d’Hérode, devenu inquiet pour sa couronne.
Il tremblait à la naissance du nouveau Roi, craignant de perdre son trône.
Les Mages, sous la conduite de l’étoile qui brillait devant eux, prennent aussitôt la route qui les reconduit dans leur patrie, et méprisent les commandements d’Hérode.
Ce prince, saisi au cœur d’une violente colère, donne ses ordres pour ne pas laisser impunie la pieuse fraude des Mages, et commande aussitôt qu’ils soient privés de la vie.
Que cette assistance joigne donc sa voix de louanges au souffle vibrant de l’orgue ;
Qu’elle offre au Christ Roi des rois des dons précieux et pleins de mystères ;
Demandant qu’il daigne protéger tous les royaumes de l’univers, dans les’ siècles des siècles Amen.

Saint Éphrem nous fournit cette Hymne gracieuse sur la Nativité du Sauveur.

HYMNE.
Le Fils étant né, Bethlehem retentit de cris de jubilation. Ces Esprits qui toujours veillent, descendus du ciel, chantent en chœur ; et l’éclat de leurs voix couvrirait le tonnerre. Excités par ces nouveaux concerts, les hommes qui étaient dans le silence, accoururent : ils viennent, à leur tour, interrompre la nuit par la louange du nouveau-né Fils de Dieu.
« Fêtons, disaient-ils, l’enfant qui rend Ève et Adam à leur jeunesse première. » Les bergers arrivèrent, apportant le tribut de leurs troupeaux, un lait doux et abondant, une chair délicate et pure, et des chants harmonieux.
Ainsi firent-ils leurs partages : les chairs à Joseph, le lait à Marie, au Fils les chants de louange. A l’Agneau pascal un agneau que sa mère allaitait encore, un premier-né au Premier-né, une victime à la Victime, un agneau du temps à l’Agneau de l’éternelle vérité.
Admirable spectacle ! Un agneau est offert à l’Agneau ! Quand on le présenta au Fils unique, le fils de la brebis fit entendre son bêlement. L’agneau terrestre rendait grâces au divin Agneau, de ce que, par son avènement, il sauverait les troupeaux de l’immolation sanglante, et de ce que la Pâque nouvelle, instituée par le Fils de Dieu, viendrait bientôt remplacer l’antique Pâque.
Les bergers l’adorèrent aussi, et saluèrent, en prophétisant, le Prince des Pasteurs. « La verge de Moïse, dirent-ils, Pasteur universel, glorifie ton sceptre ; et Moïse, qui a porté cette verge, célèbre ta grandeur ; mais il gémit du changement opéré dans son troupeau ; il se désole de voir ses agneaux changés en loups, ses brebis transformées en dragons et en bêtes féroces. Ce malheur arriva dans l’affreuse solitude du désert, quand, furieuses et pleines de rage, ces brebis s’attaquèrent à leur Pasteur.
« Enfant divin, les bergers viennent t’offrir leurs actions de grâces, à toi qui as su réunir les loups et les agneaux dans la même Bergerie. Enfant plus ancien que Noé, et aussi né plus tard que ce patriarche, c’est toi qui, dans l’Arche, au milieu de l’agitation des flots, as mis la paix entre les êtres qu’elle transportait.
« David ton aïeul venge la mort d’un agneau par la mort du lion : toi, ô fils de David, tu as exterminé le loup caché qu’avait tué Adam, cet agneau rempli de simplesse, qui faisait entendre ses bêlements dans le Paradis. »

L’Église Grecque nous donne, à la louange de la Vierge-Mère, ce beau chant de saint Joseph l’Hymnographe :

DIE II JANUARII.
Pour réunir le monde inférieur au monde supérieur et céleste, le seul Dieu de toutes choses est entré au sein de la Vierge ; ayant apparu avec une chair semblable à la nôtre et détruit le mur de séparation, il lui a substitué la paix entre Dieu et l’homme, et a donné la vie et la divine rédemption.
Vierge très sainte ! tu es demeurée chaste après l’enfantement ; car tu nous as produit le Dieu Verbe devenu semblable à nous, mais sans péché.
Guéris les plaies de mon cœur, ô jeune Mère ! Dirige les mouvements de mon âme dans la voie de la rectitude et du bonheur : que je fasse, ô Vierge, la volonté de Dieu.
Salut, Mère unique de Celui qui a daigné adopter notre chair ! Salut, toi qui relevas le monde tombé, ô immaculée ! Salut, toi qui dissipes les ennuis ! Salut, toi qui sauves les fidèles ! Salut, trône sublime de Dieu !
Les Prophètes aux divines paroles, repassant dans leur esprit la profondeur de ton mystère, ô Vierge, l’annoncèrent aux siècles futurs par la lumière du divin Esprit. Nous, qui avons le bonheur de voir accomplis leurs oracles, nous croyons.
O jeune Vierge ! plus admirable que tous les miracles, tu as enfanté Celui qui est avant tous les siècles, qui s’est rendu semblable à nous par sa grande miséricorde, afin de sauver ceux qui chantent : Béni es-tu, Dieu de nos pères !
Les générations humaines, répétant tes paroles, t’appellent bienheureuse , Mère fortunée ! Elles chantent avec mélodie : Créatures du Seigneur, bénissez-le.
O Vierge ! amie des bons, rends pure mon âme dépravée par la malice du péché ; car c’ est toi qui as enfanté Celui qui est le Dieu bon et le Seigneur.
Les Chérubins sont saisis d’étonnement, toute la nature céleste est émue de respect. Le Fils que tu enfantas d’une manière incompréhensible, ô immaculée ! il est devenu semblable à nous par son ineffable miséricorde ; il a été baptisé selon la chair, et nous célébrons tous aujourd’hui avec transport sa divine Épiphanie.

Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique

De l’or au Roi, de l’encens au vrai Dieu et de la myrrhe pour sa sépulture.

1. La prière des Heures. — L’Office nous offre -au cours de la semaine une grande abondance de considérations sur le mystère de la fête. Au second Nocturne nous lisons un passage d’un sermon d’Épiphanie de saint Augustin. Il est très instructif de voir comment ce Père de l’Église conçoit la fête. Il ne connaît comme mystère de la fête que l’adoration des Mages : « Pour les Mages ce jour se leva une fois avec sa lumière, pour nous la commémoration annuelle de ce jour est venue. Les Mages étaient les prémices des Gentils, nous sommes le peuple des Gentils. Pour nous c’est la langue des Apôtres qui nous a instruits, quant à eux, ils ont été instruits par l’étoile qui était comme la langue du ciel. A nous, les Apôtres, comme d’autres cieux, ont raconté la gloire de Dieu (nous voyons ici que dès le temps de saint Augustin le ps. 18 était déjà chanté en l’honneur des Apôtres) Grand mystère ! Le Sauveur était couché dans sa Crèche et cependant il amenait les Sages de l’Orient. Il était caché dans l’étable et il fut reconnu dans le ciel, afin que Celui qui était reconnu dans le ciel fût manifesté dans l’étable. Ainsi l’Épiphanie, c’est-à-dire la manifestation du Seigneur, établit sa gloire et son abaissement. Celui qui, dans les profondeurs du ciel, était signalé comme le Très-Haut par le signe des étoiles est trouvé dans l’étroite demeure comme un faible enfant né avec des membres enfantins, enveloppé de langes enfantins, afin que les Sages l’adorent et que les méchants le craignent. »

Au troisième Nocturne nous lisons un passage d’un sermon d’Épiphanie du pape saint Grégoire le Grand (ce sermon fut fait dans l’église liturgique par excellence, à Saint-Pierre). Ce sermon, divisé en quatre parties, est, à part quelques légères omissions, lu tout entier au bréviaire.

Considérons encore que, dans l’esprit de la liturgie, — nous participons pendant toute la journée au mystère des Mages. C’est ce que nous indiquent les antiennes des Heures, particulièrement celles de Laudes et de Vêpres. A Prime : la grande manifestation de Celui qui a été engendré avant l’étoile du matin ; à Tierce : la marche des Mages sous la conduite de l’étoile ; à Sexte : la marche d’offrande des Mages ; à None : la visite des Mages à l’Enfant-Dieu. Les antiennes de Benedictus et de Magnificat sont tous les jours différentes. Au lever du soleil, l’Église chante : « De l’Orient, les Mages sont venus vers Bethléem pour adorer le Seigneur et ils ouvrirent leurs trésors et offrirent de grands présents : de l’or au Roi, de l’encens au vrai Dieu et de la myrrhe pour sa sépulture. Alléluia » (Ant. Ben.). Elle chante au coucher du soleil : « Quand les Mages virent l’étoile, ils eurent une grande joie ; et ils entrèrent dans la maison et ils offrirent au Seigneur de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Alléluia ». (Ant. Magn.).

2. La Messe. — Il est conforme à l’esprit d’une Octave de méditer chaque jour avec soin quelques parties de la messe de la fête. C’est ce que nous ferons. Considérons aujourd’hui l’Introït. Pour bien comprendre un Introït, il faut l’examiner dans toute son étendue, avec le psaume entier et y voir l’accompagnement de l’entrée du prêtre. Le psaume 71 est celui qui convient spécialement à la messe de l’Épiphanie, il domine toute la messe. Le chrétien devrait l’étudier et le préparer avant la fête. Dans ce psaume on chante le royaume du Roi céleste. Ce royaume possède deux caractéristiques : c’est un royaume de paix et de justice. Ce royaume est illimité dans le temps et dans l’espace. Il est facile de voir que ces pensées conviennent parfaitement à notre fête où nous célébrons la fondation du royaume du Christ. On insiste particulièrement sur ces versets : « Les rois de Tharsis et des îles lointaines apporteront des présents, les rois d’Arabie et de Saba se hâteront avec leurs dons, tous les rois de la terre l’adoreront, toutes les nations le serviront. » Ce sont précisément ces versets qui ont fait des Mages, des rois (ils forment aussi la seconde antienne, on les appelle versus ad repetendum). L’antienne de l’Introït commence par ecce : — voici. L’Église indique du doigt l’Évêque qui fait son entrée. Sous la figure du célébrant, apparaît le Roi pacifique qui fait son entrée dans sa ville dont la maison de Dieu est le symbole. La liturgie prévoit donc le dramatique déploiement de la procession à travers l’église. Remarquons quelle réalisation présente il y a dans cet Ecce (de même que dans la répétition de Hodie : — aujourd’hui), Ecce advenit — ces mots nous les connaissons depuis l’Avent. Nous avons attendu avec un désir ardent, pendant quatre semaines, le « Roi qui doit venir ». Aujourd’hui notre attente est comblée : le voici. Il est là... Et avec quelle beauté est exprimée cette pensée de la royauté et avec quelles fières paroles ! Dominator, Dominus, le Souverain, le Seigneur, kyrios. « Il porte dans sa main (comme un globe impérial) la royauté et la puissance et l’empire du monde (dont l’empire romain n’était qu’une faible image). Nous sommes ainsi, dès cette ouverture, au cœur du drame : le Roi se tient au milieu de nous.

Mais l’entrée du prêtre présente encore un autre symbole. Avec le célébrant, ce n’est pas seulement le Roi qui fait son entrée ce sont aussi les trois Rois qui s’approchent de Bethléem « la maison du pain », l’autel qui signifie le Christ. Nous tirons ce second symbolisme du versus ad repetendum. Nous ne devons pas être surpris de voir le prêtre réunir ces deux symboles ; à la messe il est souvent tour à tour représentant de l’Église et du Christ, il est le médiateur qui réunit en lui-même les -deux acteurs du drame : Dieu et les hommes. Voilà les considérations profondes que nous offre l’Introït.

3. Symbolisme des présents des Mages. — A ce sujet, la liturgie entre, au cours de la semaine, dans de longs développements :
« Trois présents précieux ont été apportés aujourd’hui par les Mages au Seigneur,
Et ils sont remplis d’une signification mystérieuse :
Dans l’or se manifeste la puissance du Roi, Que l’encens te fasse penser au grand-prêtre,
Et la myrrhe à la sépulture du Seigneur » (Rép.).

« Les Mages apportèrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. L’or convient au Roi, l’encens est offert au Dieu, avec la myrrhe on embaume les cadavres. Les Mages déclarent donc Celui qu’ils adorent, avec leurs présents mystérieux : avec l’or comme leur Roi, avec l’encens comme leur Dieu, avec la myrrhe comme un Homme destiné à la mort... Offrons, au Seigneur qui vient de naître, de l’or et ainsi nous confesserons que nous croyons en lui comme au Roi qui est au-dessus de tout, offrons-lui de l’encens pour reconnaître que Celui qui est apparu dans le temps est Dieu de toute éternité, offrons-lui de la myrrhe pour confesser notre foi qui enseigne que, selon sa divinité, il est impassible, mais que, selon notre nature qu’il a prise, il a été mortel. — Ces présents des Mages, l’or, l’encens et la myrrhe, nous pouvons encore les interpréter autrement : Par l’or on peut entendre la sagesse, selon le témoignage de Salomon qui dit : un trésor désirable est placé dans la bouche du sage. Par l’encens qui est brûlé en l’honneur de Dieu, peut être exprimée la vertu de piété, car ainsi parle le Prophète : « comme la fumée d’encens, ma prière monte vers toi. » Par la myrrhe on peut entendre la mortification de notre chair. C’est pourquoi l’Église dit de ses travailleurs qui jusqu’à la fin ont combattu courageusement pour le Seigneur : “la myrrhe découle de mes mains » (Grégoire I, au bréviaire).

Cette signification mystérieuse des présents des Mages a été résumée par le prêtre Juventus (vers 330) dans le vers suivant : Thus, aurum, myrrham, Regique, Hominique, Deoque dona fuerunt (L’encens, l’or, la myrrhe, au Roi, à l’Homme, au Dieu, ils offrent ces présents (Saint Jérôme, au bréviaire).

4. Lecture d’Écriture (Rom. Chap. IX-XI) — Le royaume de Dieu que, pendant l’Avent, le Prophète Isaïe nous a montré dans une vision prophétique, nous pouvons, sous la conduite de saint Paul, le contempler dans toute sa beauté. Au chap. VIII, saint Paul a dit l’essentiel. Aux chap. IX-XI, il se débat avec le fait du rejet d’Israël, qu’il essaie de comprendre à la lumière du plan rédempteur de Dieu. Paul n’est pas un renégat, mais un ardent amour le rattache à son peuple. Comme Moïse, il serait prêt à sacrifier son propre salut pour sauver son peuple. « Je dis la vérité dans le Christ, je ne mens pas ; ma conscience me rend témoignage dans le Saint-Esprit que je porte un grand deuil et un chagrin incessant dans mon cœur. Oui, je souhaiterais même d’être séparé du Christ pour l’amour de mes frères qui me sont apparentés par la chair. Ils sont Israélites, à eux appartiennent... les promesses, à eux appartiennent les pères dont le Christ est descendu selon la chair, lui qui est Dieu au-dessus de tout. hautement loué dans l’éternité. Amen. »

Saint Paul montre alors que ce n’est pas la descendance charnelle qui décide de la justification, mais la vocation conditionnée par la grâce de Dieu. L’histoire de l’Ancien Testament lui en fournit des exemples. Ce n’est pas le premier-né Ésaü, mais le puîné Jacob qui reçut la bénédiction messianique. Avant qu’ils fussent nés et, par conséquent, avant qu’ils aient pu faire le bien et le mal, il fut dit à la mère : l’aîné servira le plus jeune, afin que demeure la prédestination de Dieu d’après son libre choix qui se fait non d’après les œuvres mais par vocation. Aussi est-il écrit : « J’ai aimé Jacob, mais j’ai haï Ésaü. » Saint Paul songeant à la prédestination divine écrit : « O homme, qui es-tu donc pour demander des comptes à Dieu ? Est-ce que la statue dit au sculpteur : pourquoi m’as-tu faite ainsi ? Est-ce que le potier n’est pas maître de son argile pour faire de la même masse un vase honorable et un vase d’abjection ? » Paul voit dans l’avenir une lueur d’espoir. Israël n’est pas entièrement rejeté. Dès que les païens, dans leur ensemble, seront venus à la foi, alors, le jour de grâce se lèvera pour Israël lui-même. « L’endurcissement d’une partie est venu sur Israël jusqu’à ce que la plénitude des païens soit rentrée. Alors Israël tout entier sera sauvé. » Cette merveilleuse issue de l’histoire du monde arrache à l’Apôtre un chant de louanges sur les desseins de Dieu : « O profondeur de la richesse de sagesse et de science de Dieu ! Combien impénétrables sont ses jugements, combien indiscernables sont ses chemins ! »

[1] Hebr. XI, 13.