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Le rituel de la concélébration eucharistique (1963)

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Ephemerides Liturgicae, 77, 1963, pp.147-168.

Mens concordet voci, pour Mgr A.G. MARTIMORT à l’occasion de ses quarante années d’enseignement et des vingt ans de la Consitution "Sacrosanctum Concilium", Desclée, 1983, pp. 279-298.

L’objet du présent rapport sera très limité [*]. Il se bornera à étudier la pratique de la concélébration eucharistique au sens où Pie XII l’a définie dans son discours aux Congressistes d’Assise, en des formules qu’il nous faut rappeler aussitôt :

Dans le cas d’une concélébration au sens propre du mot, le Christ, au lieu d’agir par un seul ministre, agit par plusieurs. Il ne suffit pas d’avoir et de manifester la volonté de faire siennes les paroles et les actions du célébrant, les célébrants doivent eux-mêmes dire sur le pain et le vin : « Ceci est mon Corps », « Ceci est mon Sang », sinon, leur célébration est de pure cérémonie [1].

Nous ne rechercherons pas comment cette forme précise de concélébration est apparue historiquement, ni comment elle peut se rattacher à la façon dont les prêtres de l’antiquité participaient à la messe de l’évêque. Prenant la concélébration ainsi définie au sens moderne du terme comme un fait d’Église qui s’impose par sa durée, par son ancienneté et par la réflexion théologique dont il a été l’objet, nous comparerons les divers rituels en usage ; nous nous demanderons si ces rituels pourraient faire l’objet d’améliorations dans le cadre de la restauration liturgique d’ensemble que doit poursuivre le Concile, et de quelle façon pourrait se concevoir la pratique de la concélébration.

La concélébration eucharistique, dans le rite romain, était jusqu’ici réservée exclusivement aux messes de consécration des évêques et d’ordination des prêtres, selon le Pontifical (can. 803). Dans le rite lyonnais, elle est pratiquée en outre le jeudi saint, par les six prêtres qui entourent l’évêque pour la consécration des saintes Huiles [2]. Mais ce sont les rites orientaux qui ont donné le plus d’éclat à la concélébration : elle constitue chez eux un acte solennel, festif, destiné à rehausser soit le mystère que l’on célèbre, soit la dignité de la personne qui préside, soit la circonstance qui réunit clergé et fidèles. Elle est pratiquée par les Russes [3], les Ruthènes [4], les Grecs catholiques [5], les Melkites [6], les Maronites [7], les Coptes catholiques [8]. Les Grecs orthodoxes ont une forme de célébration commune qui ne vérifie pas la définition donnée ci-dessus, puisque les paroles essentielles n’y sont prononcées que par le président [9]. Chez les Syriens Unis, les Syriens Jacobites et les Malankares (tant dissidents qu’unis) ainsi que chez les Éthiopiens, on pratique parfois ce qu’on a appelé chez nous « messe synchronisée », plusieurs prêtres célébrant avec ensemble soit à des autels différents soit au même autel, mais consacrant des matières eucharistiques distinctes [10]. Enfin les Syriens Orientaux (Nestoriens ou Chaldéens Unis) ainsi que les Coptes dissidents ne connaissent aucun de ces usages : quelque nombreux que soit le clergé réuni autour de l’autel, un seul prononce l’anaphore, bien que tous participent à l’ensemble de la célébration [11].

1. LE RITUEL DE LA CONCÉLÉBRATION DANS LES RITES ORIENTAUX

Nous ne donnerons que des indications sommaires sur l’usage des Maronites et des Coptes catholiques, chez qui d’ailleurs la concélébration semble avoir été introduite postérieurement et à l’imitation du rite byzantin. C’est donc à ce dernier que nous prêterons le plus d’attention.

Voici ce qui est prescrit aux Maronites par le Synode du Mont-Liban de 1736, cap. 13, n. 18 :

ut quando plures sacerdotes simul eucharistiam consecrare et integram missam conficere volunt, paramentis sacris ornati sint, totam liturgiam, sive elevata, sive submissa voce, prout in rubrica praescribitur, dicant, nihil penitus omittentes ; verba consecratoria morose, distincte et attente proferant, ita ut alter alterum non praeveniat ; ac demum corpus et sanguinem Domini, unus post alterum percipiat, quemadmodum in rubricis missalis adnotatur. Hoc modo concelebrantes, oneri atque obligationi tam pro vivis quam pro defunctis missam celebrandi eleemosynisque eam ob causam receptis satisfacere declaramus. Id tamen non passim ab illis fieri permittimus, sed in solemnioribus tantum festis vel in exsequiis defunctorum, cadavere praesente, aut in anniversariis eorum. Si quis autem aliquid substantiale omiserit, aut habitu sacerdotali caruerit sciât a se missam célébra tam non fuisse, née eleemosynis pro missa collatis satisfecisse [12].

Les Coptes catholiques ont pratiquement reproduit ces mêmes prescriptions dans leur Synode du Caire de 1898 :

Quem morem retineri permittimus in solemnioribus tantum missis, interdicentes ne id in missis privatis unquam fiat. Quando plures sacerdotes ita concelebrant, praescribimus sub gravi ut omnes sacris paramentis sint ornati atque singuli totam liturgiam sive elata, sive submissa voce pronuntient, nihil ex eo omittentes. Curent ut verba consecrationis ita distincte et attente proferant ut alter alterum non praeveniant. Demum communionis tempore corpus et sanguinem Domini unus post alterum percipiat [13].

Les conditions de la concélébration dans ces deux rites sont donc identiques. Elle est réservée aux messes solennelles, à l’exception des messes des jours ordinaires. Tous les concélébrants doivent obligatoirement être revêtus des mêmes vêtements qu’ils portent quand ils célèbrent seuls. On insiste évidemment sur la prononciation simultanée des paroles de la consécration ; on rappelle l’exigence de la communion sous les deux espèces, chacun se communiant lui-même. Mais on demande en outre, au moins dans le principe, que tous les concélébrants disent toute la liturgie, c’est-à-dire tout ce qui, dans chaque rite, est attribué au prêtre.

Cette législation se réfère, de la meilleure foi du monde, à l’antique discipline de chacune de ces deux Églises. Cependant, les historiens estiment qu’au contraire il s’agit là d’une évolution récente [14], imposée par la théologie occidentale et sans doute inspirée de l’exemple des Byzantins et Melkites Catholiques, chez qui la concélébration formulée est attestée depuis le début du XVIIe siècle [15].

Byzantins et Melkites catholiques ont un cérémonial très détaillé de la concélébration formulée, décrit tant dans l’Euchologion et le Hiératikon que dans le Typicon [16]. Les Russes, catholiques ou orthodoxes, utilisent le Cinovnik (Pontifical) de 1896 ; les Ruthènes, l’Ordo celebrationis de 1953 et le Liturgicon de 1952 de l’édition Vaticane.

Les concélébrants revêtent tous leurs vêtements après les prières de la Porte, et ils entourent l’autel en un ou deux cercles, suivant leur nombre. Parmi les concélébrants, il doit y avoir un président. C’est l’évêque, lorsque celui-ci officie, mais à son défaut, c’est le plus ancien ou le plus digne des prêtres. A vrai dire, la liturgie épiscopale solennelle exige toujours la présence d’un certain nombre de concélébrants. C’est elle que nous prendrons comme norme de la présente description.

On remarquera que, dans la liturgie byzantine, comme en général, dans les rites orientaux, les fonctions ont mieux conservé leur diversité : en sorte que l’on ne voit pas le ou les célébrants dire des paroles ou chanter des formules destinées aux diacres, au chœur, au peuple. Ce sont donc uniquement les paroles et gestes propres au célébrant que le rituel de la concélébration doit harmoniser.

Pour ce qui est des actions et des gestes, ils sont accomplis par tous lorsqu’ils constituent une démarche collective (par exemple la procession de la petite entrée), surtout lorsqu’il s’agit des gestes de la consécration du pain et du vin, ou enfin lorsque ce sont des gestes exprimant les sentiments personnels (métanies, signes de croix, etc.). Les autres sont accomplis par un seul des célébrants, généralement le célébrant principal, sauf pour la proscomidie ou préparation des oblats, celle-ci ne doit pas être faite par l’évêque, mais par un des prêtres.

Quant aux paroles, chaque prêtre devrait théoriquement, selon Benoît XIV, dire toutes les prières sacerdotales. Cependant, la concélébration ne produit pas l’impression pénible et lourde que l’on ressent à une messe latine d’ordination, et ceci pour plusieurs motifs. D’abord, parce que les rubriques du Hiératikon sont beaucoup plus souples, et limitent en fait le nombre de prières à dire simultanément ; notamment, seul le premier célébrant prononce les bénédictions en dehors de l’anaphore. Ensuite, il faut se rappeler que les prières sacerdotales de la messe byzantine sont à peu près toutes invariables et donc peuvent donc être dites par cœur. Surtout, la nature « symphonique » de la célébration est bien sauvegardée : certaines formules sont dites par tous à voix basse (μυστικως), d’autres sont chantées par un seul : c’est le cas des saluts au peuple, réservés au président, des ekphonèses, distribuées tour à tour à chacun des célébrants ; d’autres enfin sont chantées par tous, en particulier les paroles de la consécration.

Le P. Raes a montré naguère que la concélébration du rite byzantin telle que nous venons de la décrire ne remontait sans doute pas plus haut que la fin du XVIe ou le début du XVIIe siècle et qu’elle avait été introduite sous l’influence de la théologie occidentale, ceci même chez les Russes séparés du Saint-Siège [17]. Mais l’innovation apportée à cette époque a consisté seulement dans le fait que l’on a obligé tous les concélébrants à dire l’anaphore. Avant ce changement [18] et là où ce changement n’a pas été accepté (c’est-à-dire chez les Byzantins qui ne sont ni catholiques ni russes [19]), l’anaphore était ou est dite par le seul célébrant principal, mais on appelait tout de même le rite et on l’appelle concélébration, bien que ce ne soit pas au sens propre du terme selon la terminologie précisée par Pie XII. Elle consiste en ce que tous les prêtres sont parés, qu’ils participent à l’action selon ce caractère symphonique dont nous venons de parler, chacun ayant son rôle, qu’ils y communient, et qu’ils ne célèbrent pas personnellement ce jour-là d’autres messes. Or cette forme de concélébration s’est développée et fixée au cours des âges, selon une tradition ininterrompue, en sorte que le changement - si important pour la théologie moderne -, consistant à faire dire à tous les prêtres le texte de l’anaphore, n’était que l’ultime étape d’une évolution homogène. Ceci explique pourquoi le rite byzantin semble toujours offrir la réalisation la plus satisfaisante de la concélébration.

2. LA MESSE ÉPISCOPALE DU JEUDI SAINT À LYON

On s’étonnera peut-être que nous fassions une place importante à la concélébration du rite lyonnais, réduite à une seule église locale et à un seul jour de l’année. C’est qu’elle est le reste d’un usage qui a été jadis un peu plus considérable et qui entend se rattacher à la vieille concélébration romaine des prêtres cardinaux autour du pape.

En effet, si l’Église de Lyon est seule à l’avoir conservée, c’est qu’elle est seule à avoir gardé ses particularités liturgiques en face de l’uniformisation massive qui s’est produite au XIXe siècle. C’est ainsi que la concélébration du jeudi saint est attestée à Chartres au XIIIe siècle, et s’y est maintenue jusqu’en 1846 ou 1847, comme en font foi de nombreux documents et témoignages [20]. Pour Reims, un Pontifical du XIIIe siècle la décrit déjà, et Dom de Vert l’indique comme toujours pratiquée au début du XVIIIe siècle [21]. A Sens, nous la voyons proposée par un pontifical du XIVe siècle [22]. Dom de Vert énumère un certain nombre d’autres églises dans lesquelles de son temps, la messe était concélébrée le jeudi saint : Paris, Toul, Bourges et Blois ; à Blois l’usage était évidemment récent, puisque cette église n’était cathédrale que depuis quelques années : il était inspiré de celui de Chartres dont le diocèse nouveau était un démembrement [23] ; pour Paris, Toul et Bourges, il ne m’a pas été possible de vérifier l’ancienneté du rite [24].

Dans ces diverses églises, la concélébration obéissait aux règles suivantes. Elle est, faut-il le dire, présidée par l’évêque du lieu, et il n’est pas envisagé qu’un autre évêque tienne sa place.

Sauf à Reims, les concélébrants sont en nombre fixe et restreint, réduits à n’être que des représentants symboliques du presbyterium, ou même considérés comme des dignitaires privilégiés. A Lyon, six prêtres entourent l’archevêque ; à Chartres également ; à Sens, à Bourges et à Blois, il n’y en avait que deux. Mais toujours ils sont revêtus des ornements de la messe, la chose est expressément décrite par les rubriques.

Lorsque l’évêque est à sa cathedra, les prêtres s’assoient sur le banc traditionnel, de chaque côté de celle-ci, d’ailleurs cela n’a pas besoin d’être précisé, puisque à toute messe solennelle de l’évêque diocésain il y a des prêtres parés, même s’ils ne doivent pas concélébrer effectivement. A l’autel, les rubriques de Lyon les placent « ad cornua » : ils se font face, placés trois devant chacun des côtés étroits de l’autel ; ailleurs, il semble qu’ils fussent placés aux côtés de l’évêque, sur la même ligne et comme ne faisant qu’un avec lui.

La plupart des cérémoniaux prescrivent aux concélébrants de dire tout ce que dit l’évêque ; à Lyon, la rubrique maintenue dans le missel du Cardinal de Bonald suppose que chaque groupe de trois prêtres lit ensemble sur un même livre : « missam legunt cum pontifice et sic ad thronum cum sedent, omnia legunt aut dicunt submissa voce cum pontifice sicut in ordinatione ». Dans les anciens pontificaux de Sens et Reims, on énumère avec plus de précision encore chaque formule, d’où il apparaît que prières présidentielles, saluts au peuple, apologies et prières privées, tout est dit simultanément par tous :

Qui presbyteri... cum praelato ad altare accedant dicendo : Confiteor Deo, etc [25]. Stans autem pontifex et presbyteri cum caeteris in ordine ante altare, dicunt Confiteor Deo omnipotenti, etc... Deinde incipiat pontifex Gloria in excelsis cum presbyteris... Quo finito dicat pontifex cum presbyteris : Pax vobis, Oremus, Deus a quo et Judas... Perlecto evangelio dicat pontifex cum presbyteris : Dominus vobiscum, Oremus... Inclinati ante altare, pontifex et presbyteri persequuntur secreta Missae, dicentes : In spiritu humilitatis... [26].

Cette méthode est parfois appliquée aux gestes. A Chartres, les concélébrants, au témoignage de Dom de Vert, « se tournent ensemble vers le peuple et disent ensemble Dominus vobiscum, ont chacun un missel devant soit sur l’autel, font les bénédictions comme l’évêque » [27] ; selon le même auteur, « l’Ordinaire de Vienne de 1524 porte en termes exprès que les prêtres concélébrants doivent également faire les signes de croix ou bénédictions avec l’archevêque » [28]. Le Pontifical de Sens prévoyait aussi que les prêtres se retournent vers le peuple avec l’archevêque, qu’ils fassent les signes de croix et inclinations comme lui, « non tamen Corpus Christi levabunt, sed solus praelatus » [29].

Les liturgistes qui ne sont pas familiers avec le problème de la concélébration pourraient être séduits par des règles aussi claires. En réalité, on se heurte à de nombreuses inconséquences, et surtout la récitation simultanée de tout par tous les concélébrants aboutit vite à une impasse. C’est ainsi qu’à un salut prononcé par plusieurs, le peuple répondrait « Et cum spiritu tuo » au singulier ; le Pax vobis dit par les prêtres selon la rubrique de Reims leur fait usurper un privilège de l’évêque. Lorsqu’il s’agit de formules chantées, tous les concélébrants chanteront-ils ensemble ? C’est ce qu’on faisait à Chartres et à Blois : ils chantaient ensemble la Préface et le Pater [30] ; au contraire à Paris, selon Dom de Vert, « l’archevêque chante seul ce qui doit être récité à notes et les archidiacres se contentent de le prononcer en même temps à voix basse, se faisant répondre par des ministres particuliers » [31]. A l’exception des « ministres particuliers » qui rompent dangereusement l’unité de la célébration, la même pratique s’observe à Toul, Bourges, Reims, Sens : les concélébrants disent « submissa voce » ce que chante l’évêque [32].

A Lyon où le rite a l’avantage d’être toujours pratiqué, la rubrique précise : « omnia legunt aut dicunt submissa voce cum pontifice ut in ordinatione » et encore « bene advertat pontifex quod secretas [33] morose dicat et aliquantulum alte, ita ut sex presbyteri possint secum omnia dicere, et praesertim verba consecrationis quae dici debent eodem momento quo dicuntur per Pontificem ». Mais les prêtres ne reproduisent pas les gestes du célébrant principal, sinon la génuflexion aux trois élévations ; de plus la coutume actuelle de la Primatiale, coutume dont je ne puis vérifier l’ancienneté, restreint heureusement la récitation commune aux prières qui se disent à l’autel, c’est-à-dire à partir de l’offertoire : pendant toute la première partie de la messe, les prêtres parés se comportent comme à un pontifical ordinaire. De cette façon l’usage rejoint, sciemment ou non, la façon dont se comportaient les cardinaux à la messe papale, mais nous reviendrons tout à l’heure sur ce point.

A Lyon, au moins selon les rubriques modernes et dans l’usage actuel, les concélébrants communient à genoux sur le marchepied de l’autel et sous une seule espèce :

Postquam pontifex se communicaverit et totum sanguinem sumpserit, accedunt ante altare sex presbyteri concelebrantes ; quibus dispositis et genuflexis in supremo gradu, pontifex ponit sex hostias super patenam, quam accipiens per medium ad concelebrantes se convertit, et sine Confiteor nec Misereatur nec Indulgentiam néc Ecce Agnus Dei singulos communicat sub una tantum specie, cuilibet dicens Corpus Domini nostri Jesu Christi custodiat te in vitam aeternam [34]. Quilibet respondet Amen : et priusquam communionem sumat, manum pontificis hostiam tenentem osculatur.

Ainsi réduite, la communion risque bien d’avoir été tardivement influencée par le rituel des ordinations, auquel nous avons déjà vu plus haut les rubriques lyonnaises se référer. A Sens, le Pontifical du XIVe siècle mentionnait la communion au calice d’une simple allusion [35]. A Reims, la communion du pontife seul ayant eu lieu avant la consécration du saint-chrême et la bénédiction de l’huile des catéchumènes, les prêtres, les diacres et les clercs communiaient aussitôt après cette cérémonie sous les deux espèces ; l’évêque avait pris soin de réserver dans le calice la quantité nécessaire de vin consacré, que l’on consommait intégralement puisqu’on n’en gardait pas pour le vendredi saint [36] : mais, comme on l’aura vite remarqué, cette rubrique, qui n’est pas spéciale à la concélébration, était classique depuis le Pontifical romano-germanique pour l’Ordo du jeudi saint, là où la communion sous les deux espèces n’avait pas été encore abolie. Mais pourquoi les diverses églises dont nous venons de décrire le rituel pratiquaient-elles la concélébration à la messe du jeudi saint ? A cette question, la réponse était classique, puisqu’on la trouve dans plusieurs pontificaux du moyen âge et que Guillaume Durand de Mende la reproduit dans son Rationale [37] :

Mos est Romanae ecclesiae uti in consecratione corporis et sanguinis domini assint presbiteri et simul cum pontifice verbis et manibus conficiant. Oportet ut simili modo simul cum episcopo oleum presbiteri conficiant.

C’est une citation d’Amalaire en son Liber officialis ; mais le liturgiste carolingien avait précisé encore davantage :

At quia in ipsa periocha concluditur consecratio huius olei, oportet ut simili modo, sicut et cetera, cum pontifice presbiteri oleum conficiant [38].

Autrement dit, selon Amalaire, à Rome, le canon de la messe est concélébré par les prêtres avec l’évêque ; et comme la bénédiction de l’huile des infirmes se place à l’intérieur du canon (periocha), il est naturel qu’elle soit prononcée à la fois par l’évêque et par les prêtres comme le prescrivait la rubrique du Sacramentaire d’Hadrien. La concélébration eucharistique est donc considérée par Amalaire comme un usage romain habituel, dont la concélébration pour l’huile n’est qu’une application particulière. Mais en revanche, l’adoption par les églises franques du rituel romain de la bénédiction des saintes Huiles a entraîné, comme conséquence logique, l’introduction chez elles de la concélébration eucharistique qu’elles n’avaient pas coutume de pratiquer.

On a, il est vrai, récusé le témoignage d’Amalaire [39]. Cependant, son texte a été recopié à Rome même, semble-t-il, à la fin du XIe siècle, alors que s’ébauchait le Pontifical Romain [40]. D’ailleurs, de l’usage romain de la concélébration, des témoignages directs existent, mais pas précisément pour le jeudi saint. Depuis l’Ordo 3, dès l’époque carolingienne, jusqu’au Liber politicus du chanoine Benoît, au milieu du XIIe siècle, il y a une indéniable continuité [41]. Cependant, le présent travail n’a pas pour but de discuter de l’origine et de l’ampleur d’une institution dont l’existence ne fait pas de doute malgré les difficultés de détail que laissent les documents [42] : car de toute façon, le Liber politicus, qui a fait loi pour la liturgie papale au point que le missel de la Curie du XIIIe siècle s’y réfère constamment, nous assure de l’usage romain au XIIe siècle. D’ailleurs, ce qui nous importe ici c’est de savoir comment était agencé le rite de la concélébration.

Elle ne commençait qu’à l’offertoire : jusque là tout se passe comme à toute messe papale, l’ensemble du clergé étant paré et chacun se plaçant suivant son ordre. A l’offertoire, nous dit Benoît,

Tune VII cardinales ascendunt ad altare cum libris, III ex una parte et IIIIor ex alia parte. Et pontifex a diaconis sustentatus intrat ad altare in canone ad sanctificandum hostiam cum cardinalibus [43].

C’est donc exactement la physionomie de l’actuelle messe lyonnaise, sauf qu’il y avait un prêtre concélébrant de plus, et que les livres étaient individuels. Décrite à propos de la fête de Noël au milieu des autres particularités de la messe papale, il semble donc que la concélébration ait lieu chaque fois que l’évêque de Rome célèbre solennellement : cela correspond sans doute aux mêmes dates que les quatre énumérées dans l’Ordo 3 : Pâques, Pentecôte, Saint-Pierre, Noël. Mais dans l’Ordo 3, le nombre de concélébrants était illimité : c’étaient tous les prêtres cardinaux ; ils entouraient l’autel ; il était précisé que le pape devait se faire entendre davantage, et que, semble-t-il, il faisait seul les gestes. Mais chose qui ne se pratiquait plus au XIIe siècle, les concélébrants de l’Ordo 3 tenaient chacun en mains, sur un corporal, trois pains que l’archidiacre leur avait présentés à l’offertoire : serait-ce la continuation de l’usage signalé au VIe siècle par le Liber pontificalis, selon lequel devant les vingt-cinq prêtres cardinaux debout, on tenait des patènes pendant l’eucharistie ? [44] Reproduisons d’ailleurs en entier le texte de l’Ordo 3 :

In diebus autem festis, id est pascha, pentecosten, sancti Petri, natalis Domini, per has quatuor sollemnitates habent colligendas presbyteri cardinales unusquisque tenens corporalem in manu sua et venit archidiaconus et porregit unicuique eorum oblatas tres. Et accedente pontifice ad altare, dextra levaque circumdant altare et simul cum illo canonem dicunt, tenantes oblatas in manibus, non super altare, ut vox pontificis valentius audiatur, et simul consecrant corpus et sanguinem Domini, sed tantum pontifex facit super altare crucem dextra levaque [45].

3. LA CONCÉLÉBRATION DE L’ORDINATION ÉPISCOPALE

La concélébration de l’évêque ou des évêques nouvellement consacrés avec le principal consécrateur est attestée dès le Pontifical d’Apamée (fin XIIe s.) : « rediens ad altare, perficit missam cum ipso », y est-il dit après l’offrande des cierges, des pains et de l’ampoule de vin [46]. Selon la remarque de M. Andrieu, la coutume pouvait être déjà ancienne à Rome ; sans la mentionner, les rubriques antérieures ne l’excluent pas [47].

Dans l’état actuel de l’usage, on peut dire que le rite de cette concélébration est, à quelques détails près, satisfaisant à partir de l’offertoire. Le nouvel évêque se tient « ad cornu altaris », s’il est seul : s’ils sont nombreux, ce qui est le cas lorsque le pape procède lui-même à des sacres, ils entourent l’autel. La rubrique ajoute : « ibi stans..., ante se habens missale suum, simul cum consecratore dicit et facit omnia prout in missali ». Heureusement la pratique interprète cette rubrique pour lui enlever sa rigueur géométrique : le consacré dit « à voix médiocre » tout ce que le principal célébrant chante [48] ; il ne se tourne pas vers le peuple, n’encense pas, ne se lave pas les mains, mais il fait les signes de croix, inclinations, génuflexions et baisers à l’autel, ce qui n’est pas toujours très logique ; il n’y a pas lieu cependant d’en instituer la critique, car une réforme du missel entraînerait plus généralement une réduction des gestes du célébrant. Pour la communion, le célébrant principal « priusquam se purificet, communicat consecratum ante se in eodem cornu, capite inclinato stantem et non genuflectentem, prius de corpore, tune de sanguine ; deinde purificat se, postea consecratum » ; ces rubriques sont bonnes, et tout au plus pourrait-on désirer trois perfectionnements : tout d’abord que le consacré, recevant la patène, se communie lui-même à l’espèce du pain, en posant les coudes sur l’autel, quitte à purifier ensuite ses doigts ; puis que le calice de la purification soit distinct ; enfin que le calice du précieux sang soit présenté par le diacre, comme c’était la pratique ancienne même en dehors de la messe papale [49]. L’usage du chalumeau est demeuré traditionnel depuis l’antiquité, au moins quand les concélébrants sont nombreux.

De même serait-il souhaitable qu’après la communion on n’assiste pas à ce chasse-croisé prescrit par la rubrique : tandis que le prêtre assistant transfère du côté de l’évangile au côté de l’épître le missel du président, le consacré change lui aussi de côté et passe au coin de l’évangile, ce qu’heureusement on ne peut pas faire quand il y a de nombreux consacrés.

Mais c’est le cérémonial de toute la partie précédant l’offertoire qui est très mauvais et choquant. L’élu et les coconsécrateurs qui l’assistent semblent se désintéresser complètement de la messe qui se célèbre : dès la fin des prières du bas de l’autel, ils se retirent dans une chapelle latérale. L’usage a même introduit une aggravation de la rubrique : au lieu d’utiliser une chapelle, on dresse un autel portatif dans le sanctuaire de façon à faire mieux voir ce spectacle lamentable. Tandis que le célébrant principal encense l’autel, qu’on chante le Kyrie et le Gloria, on habille le futur évêque ; encore est-ce aujourd’hui moins mal, puisque selon le décret du 4 décembre 1952, il doit avoir mis à l’avance les bas et les sandales, alors que jadis on les lui mettait à ce moment-là et il disait toutes les prières de la préparation, Quam dilecta, avec ses psaumes, ses versets et ses oraisons ! Ensuite le candidat « stans in medio [altari] medius inter episcopos assistentes, detecto capite legit totum officium missae usque ad Alléluia... nec vertit se ad populum cum dicit Dominus vobiscum ut in aliis missis fïeri solet ». Le même manège reprend, après le sacre : revenu à son autel particulier, on lave les mains du nouvel évêque, on lui essuie la tête et on le peigne ; ensuite il lit l’alléluia, l’évangile, le Credo, l’antienne de l’offertoire, sans se soucier autrement de la messe qui se chante dans l’église. Nous sommes loin d’Innocent III qui recommandait « ne dividatur mysterium unitatis » à propos des sacres épiscopaux [50].

Ces rubriques sont choquantes à notre époque, depuis que les fidèles ont appris à participer activement à la liturgie selon les exhortations pressantes du Saint-Siège. Elles ne sont pas dues, comme on aurait pu le croire, à Guillaume Durand : son Pontifical fournirait d’ailleurs bon nombre de rubriques excellentes le jour où l’on voudrait réformer l’ensemble de la cérémonie du sacre. La chapelle ou l’autel pour l’élu apparaît au XVe siècle, par exemple dans le Pontifical de Metz [51] ; c’est le développement d’une rubrique peu cohérente du Pontifical d’Apamée et de la recension longue du Pontifical romain du XIIIe siècle qui, après la confession et pendant l’Introït, faisait revenir l’élu « ad locum ubi fuerat indutus » [52]. Mais pour que disparaisse un usage aussi mauvais, il faut qu’on redonne à la célébration de la messe pontificale tout son caractère antique de manifestation hiérarchique commune, et peut-être aussi que l’on cesse de réduire les consécrations d’évêques à de pauvres messes basses comme on le voit trop en certains pays et surtout à Rome.

4. LA CONCÉLÉBRATION DE L’ORDINATION PRESBYTÉRALE

La concélébration de l’ordination presbytérale a donné lieu à de telles vicissitudes de rubriques qu’il serait grandement désirable qu’un inventaire historique de ces rubriques soit institué. Malheureusement, Victor Leroquais n’a pas eu son attention attirée de leur côté ; Mgr Andrieu n’a pas relevé les variantes d’un grand nombre de ces pontificaux qu’il décrit, sans doute parce qu’ils sont tardifs, mais quelques sondages montrent que c’est justement dans les pontificaux italiens des XIVe et XVe siècles qu’on trouverait peut-être l’explication de certaines étrangetés du Pontifical romain moderne. Dans l’état actuel des connaissances, contentons-nous de poser des jalons provisoires dans l’évolution de ces rubriques [53].

Martène, qui avait vu beaucoup de manuscrits, dont à la vérité très peu représentaient l’usage de l’Italie, déclare n’avoir rencontré la concélébration des prêtres nouvellement ordonnés à la messe de l’évêque que dans quatre manuscrits [54] et conclut : « videtur usus ille proprius fuisse ecclesiae Romanae, a qua post Concilium Tridentinum aut paulo ante ad alias etiam transiit ecclesias » [55]. En fait la diffusion en a été beaucoup plus ancienne grâce au Pontifical de Durand de Mende, mais il n’est pas douteux que c’est bien de Rome qu’elle est partie.

La première mention rubricale contrôlable se trouve dans la recension longue et dans la recension mixte du Pontifical de la Curie romaine, donc vers 1245-1250, ce qui ne veut pas dire que le rite ait été introduit à ce moment-là : saint Albert le Grand en 1260, saint Thomas d’Aquin avant 1256, en témoignent dans leurs Commentaires des Sentences, comme étant l’usage de certaines églises [56]. Voici cette rubrique :

Qua oblatione facta, presbyteri vadunt ad altare ad standum a dextera et laeva altaris cum missalibus suis et dicunt totum submissa voce sicut si celebrarent [57].

La première partie de cette rubrique était pratiquement identique à celle du vieil Ordo 3 concernant la concélébration des prêtres cardinaux ; la mention « cum missalibus suis » correspond à la précision qu’on lisait dans le Liber politicus de Benoît : les nouveaux prêtres étaient donc invités à se comporter comme le faisaient les cardinaux à la messe des grandes fêtes. Comme eux, ils commencent la concélébration à l’offertoire seulement, et ce point restera acquis de façon définitive : on n’a jamais obligé les nouveaux prêtres, heureusement, à dire en privé le dernier verset des chants intercalaires, l’évangile, le Credo et l’antienne d’offertoire. La formule dicunt totum submissa voce est en fait l’équivalent de ce que prescrivait jadis l’Ordo 3 : « ut vox pontifias valentius audiatur », et elle deviendra classique dans les rubriques de la concélébration [58]. Reste l’énigmatique sicut si celebrarent : attesté par des manuscrits qui, à la vérité, sont tous postérieurs à l’an 1300, on n’a cependant aucun motif de mettre en doute sa présence dans le texte dès le pontificat d’Innocent IV. Faut-il y voir déjà une manifestation de la guerre que la scolastique décadente va faire à la concélébration et dont Albert le Grand puis Durand de Saint-Pourçain seront les animateurs ? Ou est-ce seulement, au contraire, une explication de leur rôle de célébrants : « comme s’ils présidaient », ou « comme s’ils célébraient seuls » ?

De toute façon, les critiques nominalistes n’ont pas prévalu contre la doctrine d’Innocent III et de saint Thomas. Au contraire, la concélébration des nouveaux prêtres s’est répandue et précisée. Répandue, car le Pontifical de Durand, composé vers 1294, l’a propagée dans ses rubriques : « et ordinati, si velint, habeant libros coram se, dicentes tacite canonem et quecumque de missa dixerit ordinator » [59] ; l’incise si velint me semble devoir être entendue, non pas d’une faculté laissée à chaque ordinand en particulier, mais d’un usage à constater ou à décider par chaque église locale. On remarquera que Durand insiste sur le fait que les prêtres disent le canon et tout ce que dit le Pontife : rubrique qui passera dans le Pontifical moderne, et qui va expressément à rencontre de la tendance hostile qui aurait voulu les empêcher de dire l’essentiel. Le Pontifical Paris 948 (Mayence, milieu XIVe siècle) offre, par rapport au texte original de Durand, une variante curieuse : « et statuantur sacerdotes ordinati per circuitum altaris ut videant et faciant signa conjunctis manibus quae episcopus faciat in canone et ultra » [60]. Enfin, le Pontifical de 1485 tranchera définitivement les hésitations en ajoutant pour l’évêque une recommandation qui est passée dans le Pontifical actuel :

qui tamen (pontifex) bene advertat quod secretas morose dicat et aliquantulum alte, ita ut ordinati sacerdotes possint secum omnia dicere et praesertim verba consecrationis quae dici debent eodem momento [61].

On insérera même plus tard au Pontifical romain la précision :

Presbyteri, ante communionem non dicunt confessionem, nec datur eis absolutio, quia concelebrant Pontifici ; propterea si non sint alii ordinati, confessio et absolutio praedictae omittuntur.

Chose curieuse : au fur et à mesure que la réalité de la concélébration s’est affirmée de façon plus vigoureuse, sa manifestation rituelle s’est amenuisée tellement qu’elle provoque aujourd’hui un douloureux étonnement et réclame une urgente réforme de ses rubriques. C’est sur deux points que s’est produite surtout la déformation. Le premier concerne la place occupée par les concélébrants et leur attitude : le Pontifical de 1485, suivi presque mot à mot par le Pontifical moderne, en décide de la manière suivante :

Presbyteri vero ordinati retro [Pont. mod. : post] pontificem, vel hinc et inde ubi magis commodum erit, in terra genuflexi... [62].

Rubrique que les cérémoniaires et la Congrégation des Rites ont interprétée de la façon la plus stricte, excluant même que les prêtres se lèvent quand le chœur et le peuple sont debout (par exemple durant le chant de la Préface) et parfois pour le dernier évangile si, la messe étant lue, l’évêque reste à l’autel ! Or cette rubrique est très tardive, puisque le Pontifical romain du milieu du XIIIe siècle plaçait les concélébrants, comme nous l’avons vu, « ad altare, ad standum a dextera et laeva altaris », et ce Pontifical a continué d’être utilisé en Italie et ailleurs aux XIV et XVe siècles ; le Pontifical de Jean Barozzi, évêque de Bergame, daté de 1451, ajoute de même au texte de Guillaume Durand, qui ne la comportait pas mais ne l’excluait pas, la précision : ordinati stant prope altare [63]. Il faudrait donc revenir à cette dernière formule ; le fait pour les nouveaux prêtres d’être aujourd’hui derrière le pontife, à genoux, et dans les moments même où toute l’assemblée est debout, alors que les ministres de l’évêque sont également debout à l’autel, donne une bien pauvre idée de leur rôle de concélébrants pourtant si affirmé par les rubriques. Quelle a pu être l’origine de cette anomalie ? Faut-il la rapprocher de la prescription des Rubricae generales du missel (heureusement supprimée en 1960) qui maintenait inexorablement à genoux tout le temps de la messe même au temps pascal les assistants d’une messe privée ? C’est peu vraisemblable puisque le Pontifical suppose que la messe d’ordination est chantée. Faut-il y voir plutôt une manifestation de la piété peu éclairée de la fin du XVe siècle, ou une recherche de commodité des ordinands, là où ils étaient trop nombreux pour être tous appuyés à l’autel ? Je ne saurais le dire, mais voilà une réforme qui s’impose.

La deuxième déformation grave concerne la communion, et il faut avouer qu’elle a été sévèrement relevée et critiquée par tous les grands auteurs, depuis Jean Morin jusqu’à Catalani : « laïco more genuflexi sub una specie communicant », soulignent-ils en se répétant. Mais il s’agit d’une déformation ancienne, imputable partiellement à Guillaume Durand. En effet, le Pontifical du temps d’Innocent IV, qui avait donné à la concélébration une forme si explicite, n’avait cependant pas cru devoir modifier les rubriques de la communion usitées dans toute messe papale, d’autant que le pape quittant l’autel avant la communion, il est évident que les nouveaux prêtres l’avaient également quitté : la concélébration, pour eux comme pour les cardinaux, consistait à dire avec le pape les prières ad altare, c’est-à-dire de l’offertoire à la fraction seulement. D’où la rubrique :

Post communionem vero pontificis, ante perfusionem, ordinati, facta confessione et osculata dextera pontificis, sacram communionem recipiant de manu pontificis, recipiendo osculum pacis ab eo, presbiteri scilicet et diaconi. Sanguinem autem recipient de manu diaconi qui cantavit evangelium. Et redeunt ad loca sua circa altare [64].

Ils communiaient donc debout et sous les deux espèces, comme d’ailleurs ceux qui n’étaient pas concélébrants, et les divers détails énumérés sont si traditionnels depuis l’antiquité que je n’hésite pas à en souhaiter le rétablissement : baiser de paix après la présentation de l’espèce du pain par l’évêque (comme cela se fait toujours pour la communion du diacre, du sous-diacre et des dignités) ; présentation du calice par un diacre. Un seul point aurait fait difficulté : « facta confessione », c’est d’ailleurs celui que le pontifical moderne a corrigé en précisant que les nouveaux prêtres étaient communiés avant le Confiteor des autres communiants, et d’ailleurs la suppression du Confiteor pour la communion des fidèles en 1960 rend caduque l’anomalie.

En réalité, la communion sous les deux espèces était déjà à cette date, comme aujourd’hui, une particularité de la messe papale ; le même Pontifical précise en effet :

Si alius a papa ordinationem faciat, communicabunt omnes sacerdotes primo, diaconi secundo et subdiaconi tertio, de corpore Domini tantum et non de sanguine, prout plenius habes in Ordinario de officio missae.

C’est ainsi que la communion sous l’espèce du vin a disparu de cette concélébration, ne laissant qu’un seul souvenir : bien qu’elle n’ait plus sa raison d’être, les nouveaux ordonnés boivent l’ablution de vin qui était l’accompagnement obligé de la communion au calice.

D’autre part, Durand de Mende a constaté que le baiser de paix ne se pratiquait pas en France, et a donné ainsi occasion à son abandon même dans les rubriques du Pontifical romain [65]. Il a en outre ajouté un détail qui, mal interprété, a provoqué une suite désastreuse. Pour baiser la main du pontife avant de recevoir la communion, les ordinands devaient, selon Durand, fléchir le genou, ce qui est normal d’ailleurs : « quilibet, priusquam communicet flexis genibus, manum pontificis hostiam tenentis osculetur » [66]. Mais ce geste ne devait sans doute pas se prolonger, en sorte que les ordinands recevaient l’eucharistie debout, comme probablement les fidèles. Cependant la fin du XIIIe siècle est précisément l’époque où semble se développer la communion à genoux [67]. La rubrique de Durand n’aura guère à être retouchée pour que les nouveaux prêtres soient tenus de communier à genoux :

Is autem qui communicatur, flexis genibus, osculetur primum manum pontificis, postea hostiam sumat.

dit l’Ordo 14 dans l’état du texte que Mabillon a publié [68]. Celui-ci d’ailleurs ne semble envisager la concélébration que pour le sacre des évêques, et reproduit à peu près la rubrique de Durand sur la communion des ordinands.

Durand avait ajouté encore une autre précision malencontreuse, mais dont le Pontifical moderne a supprimé l’inconvénient. Il fait employer pour tous les ordinands la formule Corpus Domini.

Au fond, toutes les difficultés du rite de la communion des prêtres concélébrants viennent de ce que le Pontifical du XIIIe siècle, et à sa suite Durand, l’Ordo 14 et le Pontifical de 1485 n’avaient pas tiré les conséquences logiques de la concélébration, comme on l’a fait aisément pour le sacre des évêques. Cela tient surtout à ce que la communion du clergé, si semblable à celle du célébrant jusqu’au milieu du XIIIe siècle, s’en est progressivement distinguée par l’attitude à genoux, la suppression de l’espèce du vin, la confession et le formulaire. Cette évolution a été trop insensible pour qu’on en prenne aussitôt une vive conscience ; c’est pourquoi il a fallu attendre le Pontifical moderne pour qu’une réaction ait lieu, supprimant la confession et le formulaire pour les prêtres ; la même réaction aujourd’hui s’accentuera, espérons-le, pour rétablir la communion des nouveaux prêtres debout et sous les deux espèces quia concelebrant Pontifia.

5. PERSPECTIVES D’AVENIR

Des divers usages que nous avons décrits et commentés, tantôt pour les louer, tantôt pour les critiquer, il apparaît assez facile de dégager un cérémonial de la concélébration homogène au rite romain, fondé en tradition et parfaitement réalisable aujourd’hui.

La concélébration ne se conçoit, dans l’Église latine, qu’autour de l’évêque diocésain et sous sa présidence : elle trouve sa place normale à l’intérieur de la messe où celui-ci est entouré de son clergé paré. Cependant, il ne me semblerait pas contraire à cette tradition que l’on admette également le clergé paré et la concélébration autour d’un dignitaire, délégué de l’évêque.

Les concélébrants revêtent tous les ornements qu’ils mettraient s’ils célébraient seuls la messe (s’il y avait des évêques concélébrants, ils seraient donc revêtus de tous les pontificaux). Ce point ne connaît d’exception ni en Orient ni en Occident ; on ne devrait accepter aucune dérogation ; c’est d’ailleurs l’occasion d’avertir que la concélébration serait une chose très exigeante du point de vue de la qualité des choses et de l’organisation matérielle. Imaginer, comme on l’a fait dans diverses revues, des rites au rabais, serait dégrader la concélébration au moment même où l’on en souhaiterait l’établissement.

Jusqu’à l’offertoire, comme nous l’avons souligné, les concélébrants entourent l’évêque à sa cathedra, selon ce que prescrit le Caeremoniale pour les chanoines parés, et ils ne se comportent ni plus ni moins qu’eux. Seul le célébrant principal salue le peuple, chante l’oraison, bénit le diacre, entonne le Gloria et le Credo. On écoute en silence l’épître, les chants intermédiaires, l’évangile.

A l’offertoire, les concélébrants vont à l’autel avec l’évêque, et se placent debout, tout autour de l’autel ; si le nombre l’exige, ils forment deux cercles autour de l’autel, en haut et plus bas, mais dans ce cas, aucun ministre ne doit se placer ni passer devant eux, sauf l’un des diacres, lorsqu’il doit venir servir l’évêque ou s’occuper du calice.

Il m’avait semblé naguère que, même à l’autel, il valait mieux limiter à l’essentiel les formules dont la récitation commune était exigée. J’avais donc indiqué, lors de la session internationale d’études liturgiques de 1954 au Mont César, qu’à mon avis les concélébrants se contenteraient de dire Quam oblationem, Qui pridie, Simili modo, Unde et memores, Supra quae, Supplices, ce groupe de prières formant un bloc homogène attesté dans son ensemble par saint Ambroise dans son De sacramentis. Les diverses prières d’intercession qui précèdent ou qui suivent ce groupe eussent été dites par l’évêque seul, mais à voix assez haute pour que les concélébrants s’y unissent. De même les concélébrants se seraient unis par la seule audition aux paroles chantées : préface, Pater, (auquel on joindrait le Libera), Pax Domini. Pareillement, ils auraient écouté la secrète dite à haute voix par l’évêque. Quant aux prières privées de l’offertoire ou de la communion, ils auraient pu soit s’y unir mentalement, soit les dire privément, mais sans qu’aucun synchronisme s’impose.

Je demeure persuadé que cette façon de faire serait l’idéal, qu’elle est satisfaisante du point de vue théologique comme du point de vue liturgique. Mais comme il faut être réaliste, je reconnais volontiers que la mentalité latine n’est guère préparée à l’admettre. Il vaut mieux ne pas accumuler les objections et difficultés. Aussi reprendrais-je volontiers les rubriques de la consécration épiscopale ou la coutume vivante de Lyon, prévoyant pour les concélébrants la récitation à voix médiocre de tout ce que dit le célébrant principal depuis l’offertoire jusqu’à la communion ; pour les parties chantées, l’évêque chante seul, les autres concélébrants récitent à voix basse.

Il paraît préférable de ne faire accomplir les gestes que par le célébrant principal (sauf, peut-être, benedixit des deux consécrations).

Pour la communion, les concélébrants viendraient successivement à la droite de l’évêque, feraient la génuflexion, baiseraient la main de l’évêque, recevraient le pain consacré, puis le baiser de paix ; ensuite le premier diacre leur présenterait le calice consacré, après quoi ils se rendraient à la crédence boire une ablution. On pourrait se servir, selon l’usage, de chalumeaux.

Si la communion sous l’espèce du vin rebutait certains, ou si l’on voulait que depuis le début de la messe jusqu’à la fin les concélébrants récitent tout en synchronisme, je n’hésite pas à dire qu’il vaudrait mieux que la concélébration n’ait pas lieu.

Plus délicat est le problème des conditions auxquelles la concélébration devrait être soumise quant à ses dates, au nombre et à la qualité des concélébrants.

Les liturgistes font volontiers remarquer que la concélébration est, de soi, une chose rare et un peu exceptionnelle, comme elle l’a toujours été en Occident et comme elle l’est en principe, sinon en pratique, chez les Orientaux. Il y a trois cas où, avant tout elle s’imposerait : dans le cas des co-consécrateurs du sacre épiscopal, dans le cas des prêtres de la messe chrismale du jeudi saint, dans le cas d’une grande manifestation d’Église, où quelques prêtres entourant le célébrant exprimeraient l’universalité de la catholica. La messe chrismale du jeudi saint serait l’occasion la plus sûre et commode pour une telle évolution de discipline : il suffirait d’étendre à l’Église universelle l’usage lyonnais, en tenant compte seulement de la différence des rites, et l’on enlèverait à cette messe chrismale l’affreuse tristesse qu’elle comporte depuis 1956 ; par paradoxe, parce qu’on y a supprimé la communion, on l’a condamnée à être désolée et désertée alors qu’on voulait lui donner de l’éclat : le seul rite où des prêtres entourent leur évêque sera-t-il celui où ils ne peuvent s’unir pleinement à sa messe, alors qu’ils y communiaient jadis ?

Le nombre et la qualité des concélébrants exigent aussi sérieuse réflexion. Tout d’abord on ne peut imaginer la multiplication indéfinie du nombre, sous peine de rendre la célébration impossible : le théologien s’inquiétera de la récitation en commun, le cérémoniaire aura souci du minimum requis de dignité, d’ensemble, de place, de vêtements, etc. Ce qui veut dire que la concélébration ne résoudra pas seule le problème de la présence de milliers de prêtres à un Congrès. C’est la pratique des ordinations qui donne une indication de chiffre maximum fondée sur l’expérience : on ne pourra jamais dépasser soixante à quatre-vingts concélébrants dans un sanctuaire exceptionnellement vaste. Généralement, douze à vingt-cinq sera le chiffre le meilleur : vingt-cinq était le nombre de prêtres cardinaux dans l’antiquité : douze est le minimum requis pour la consécration des Saintes Huiles. Il faut donc demeurer toujours à l’intérieur d’un numerus clausus ; en outre les concélébrants doivent être nommément agréés par le célébrant principal, puisque l’intention de consacrer doit être commune et non pas seulement juxtaposée : il faut que l’évêque sache que tel et tel sont concélébrants, et les admette. Mais on devrait éviter que la chose devienne un « privilège », l’apanage des Dignités ou des chanoines, sans quoi on aboutirait au même résultat qu’avec le clergé paré prévu au Cérémonial, c’est-à-dire à la désuétude.

La plupart du temps, les liturgistes ont considéré la concélébration comme un pis aller. L’histoire les conduisait à préférer la réunion de tous les prêtres autour de la prière de l’évêque, celui-ci étant seul à prononcer l’eucharistie, tous communiant de sa main et se refusant ce jour-là à la célébration privée : cet idéal est celui que la Tradition a cherché à maintenir le jeudi saint. Mais le cas du jeudi saint montre à quel point cet idéal est chimérique : tantôt on a dû justifier la communion des prêtres ce jour-là à la messe d’un unique célébrant par des considérations allégoriques qui ne procèdent pas d’une saine théologie ; plus souvent les prêtres s’évadent de la célébration commune au moyen de divers subterfuges. Une transformation beaucoup plus profonde des mentalités serait donc nécessaire, et même aussi une réforme plus grande des rites, pour qu’on retrouvât la pleine manifestation d’unité qui enchantait saint Ignace d’Antioche, saint Léon et tous les saints de l’antiquité. C’est pourquoi la concélébration, telle que nous l’avons décrite et étudiée, nous paraît une voie plus sûre, plus immédiatement pratique et plus conforme à l’évolution de la piété sacerdotale. C’est ce qui la fait désirer de façon si générale, surtout depuis que les obscurités théologiques dont on l’accablait ont été résolues.

[*] II a été lu en août 1960 à Munich au cours de la Session internationale d’études liturgiques qui a précédé le congrès eucharistique. A dessein, nous n’y changeons pratiquement rien et ne faisons aucun état des travaux et débats auxquels a donné lieu la Constitution De sacra liturgia du Concile Vatican II.

[1] AAS, 48, 1956, p. 718 ; EL 70, 1956, p. 403.

[2] P. MARTIN, Une survivance de la concélébration dans l’Église occidentale : la messe pontificale lyonnaise du jeudi saint, LMD 35, 1953, pp. 72-74. M. Martin est maître de cérémonies de la Primatiale ; on trouvera dans son article la référence aux livres liturgiques officiels ; il a bien voulu non seulement me les communiquer, mais me donner, sur l’usage effectif et coutumier, plusieurs précisions dont je ferai état et dont je le remercie vivement.

[3] A. RAES, La concélébration dans les rites orientaux, LMD 35,1953, pp. 36-41, d’après le Činovnik (Pontifical) de 1798 et le Trebnik (Rituel) de Pierre Moghila, Kiev, 1646 ; J. M. HAUSSEES, De concelebratione eucharistica dans Periodica... 17,1928, p. 104*, d’après le Cinovnik de 1897.

[4] A. RAES, Ibid., p. 44 ; Acta et decreta synodi provincialis Ruthenorum Galiciae habitae Leopoli anno 1891, Rome, 1896, pp. 39-40 ; Ordo celebrationis, Rome, 1953, pp. 102-113.

[5] Hieratikon, Rome, 1950, pp. 265-272 : Hieratikon sylleitourgon ; BENOIT XIV Demandatum, 24 décembre 1743 et Allatae sunt, 26 juillet 1755 dans P. GASPARRI, Fontes iuris canonici, t. 1er, Typis Vaticanis, 1923, p. 799 et t. 2, 1924, p. 472 ; A. RAES, Ibid., pp. 41-45.

[6] A. COUTURIER, Cours de liturgie grecque-melkite, t. 3, Gabalda, 1930, pp. 226-235,256- 274, 322-323 ; J. M. HANSSENS, De concelebratione eucharistica dans Periodica, 17, 1928, 96*.

[7] Synode du Mont-Liban, 1736, MANSI, t. 38, col. 125-126 ; P. DAOU, Notes sur les origines de la concélébration dans le rite maronite, OCP 6, 1940, pp. 233-238.

[8] Synodus Alexandrina Coptorum habita Cairi in Aegypto anno 1898,Rome, 1899,p. 107.

[9] A. RAES, op. cit., pp. 30-36 ; M. HANSSENS, op. cit., pp. 101*-103*.

[10] Pour les Syriens-Unis, Synode de Scharfé de 1888, éd. de Rome, 1897, p. 112 ; pour les autres églises du rite syrien : A. RAES, op. cit., pp. 46-47 ; pour les Éthiopiens, Abba TEKLE-MARYAM SEMHARAY SELIM, Règles spéciales de la messe éthiopienne, Rome, École typograph. Pie X, 1936, pp. 12-13 (en appendice dans La messe éthiopienne du même auteur, Ibid., 1937).

[11] A. RAES, op. cit., pp. 25-28 ; Pseudo GEORGES d’ARBÈLE, Expositio officiorum, tract. 4, cap. 20, trad.R. H. CONNOLLY (CSCO 76), pp. 45-47 ; NARSAIDENISIBE, Homel. 17, trad. R. H. CONNOLLY (Testi e Studi 8, 1), pp. 4, 11-12, 27.

[12] Réf. indiquée note 7.

[13] Réf. indiquée note 8.

[14] A. RAES, op. cit., pp. 29-30, 45, 46.

[15] P. ARCUDIUS, Concordia ecclesiae occidentalis et orientalis, lib. 6, cap. 11, Paris, 1626, p. 476, et A. RAES, op. cit., pp. 4243.

[16] Pour les Byzantins catholiques de langue grecque, nous nous référons au Hieratikon édité en 1950 par la Congrégation orientale, où le Sylleitourgikon occupe les pages 265-272. Pour les Melkites, voir A. COUTURIER, op. cit. (ci-dessus note 6), qui se fonde en outre sur le Typikon publié en 1909 à Beyrouth par le Synode de Aïn-Traz.

[17] A. RAES, op. cit., pp. 39-40, 44.

[18] Textes décrits ibid., pp. 31-36.

[19] Les livres liturgiques des Grecs orthodoxes sont signalés par A. RAES, op. cit., p. 30.

[20] Y. DELAPORTE, L’Ordinaire chartrain du XIIIe siècle, Chartres, 1953 (Société archéologique d’Eure-et-Loir, Mémoires, t. 19), pp. 47, 108, 261-264.

[21] Rouen, Bibl. munic., ms. 370, publié par H. MENARD = PL 78, 327-331. - C. DE VERT, Explication simple, littérale et historique des cérémonies de l’Église, 2e éd., t. 1e, Paris, Delaulne, 1709, p. 339.

[22] E. MARTÈNE, De antiquis eccl. Ritibus, Lib. 4, cap. 22, § 3, ordo 6, éd. Venise, t. 3, pp. 92-93. De ce pontifical, Martène avait une copie faite par Duchesne ; c’est probablement celui dont la Bibliothèque Municipale de Sens possède une autre copie du xvii siècle : ms. 11, V. LEROQUAIS, Pontificaux, t. 2, pp. 334-336.

[23] C. DE VERT, op. cit., pp. 362-363.

[24] C. DE VERT, Ibid., et p. 339, ne cite comme document liturgique que le « nouveau cérémonial de Paris », édité en 1703. Les Ordinaires médiévaux décrits par J. Dufrasne, dans sa thèse non imprimée de l’Institut de liturgie, ne semblent pas mentionner la concélébration ; il est vrai que ces livres, destinés à régler la conduite de ceux qui participent des stalles du chœur à l’office et à la messe, précisent rarement les actions du célébrant et de ses ministres dans le sanctuaire. Mais une étude systématique des Ordinaires reste à faire sur ce point ; il est surtout regrettable que V. Leroquais ne se soit pas préoccupé de ce problème dans sa description des Pontificaux.

[25] Pontifical de Sens, MARTÈNE, op. cit., p. 92.

[26] L’énumération des incipit continue jusqu’au Per quem haec omnia, et reprend après la bénédiction de l’huile des infirmes : Pontifical de Reims (= Rouen, ms. 370), PL 78, 328-329. Il semble que seul l’évêque prononce la bénédiction propre à l’usage gallican, qui précède la fraction.

[27] C. DE VERT, op. cit., p. 362.

[28] Ibid., p. 362.

[29] MARTÈNE, op. cit., p. 92.

[30] C. DE VERT, op. cit., p. 362.

[31] Ibid., p. 363, cf. p. 339.

[32] Pour Sens, MARTÈNE, Ibid. ; pour les autres villes, C. DE VERT, op. cit., p. 339 et 363.

[33] Secretas, ce sont toutes les prières dites à voix basse et non pas seulement la ou les secrètes ; cfr. Pontificale romanum, De Ordinibus, rubriques citées plus loin, p. 289.

[34] Contrairement à cette rubrique, l’archevêque les communie sans rien dire, selon la réponse 3274 ad II donnée par la SRC pour les ordinations, et pour le même motif, car les prêtres ont dit la formule au moment de la communion de l’évêque.

[35] MARTÈNE, op. cit., p. 93 : « deinde dicat orationes quae sequuntur, et communicet, et sanguis penitus consummetur, Corpus vero Domini usque in diem parasceves servetur. Ipso vero communicato, communicet illos qui secum assistunt in altari, et post reponat Corpus Domini in loco suo servandum usque in crastinum ».

[36] PL 78, 329 C et 331 A.

[37] Lib. 6, c. 74, n. 8, éd. de Lyon, 1551, f. 206r, 1e col.

[38] AMALAIRE, Liber officialis, lib. 1, c. 12, éd. HANSSENS, t. 2, p. 75. Je ne m’explique pas comment M. ANDRIEU, OR V, p. 37 et p. 212, attribue ce texte à Bède le Vénérable.

[39] Je n’ai pas compris sur quoi se fonde H. SCHMIDT, Hebdomada sancta, p. 763, pour dire de ce témoignage d’Amalaire : « notitia... erronea dicenda est, nam est contra evidentiam documentorum ». Les documents n’affirment pas la concélébration à Rome le jeudi saint, mais ne la nient pas.

[40] M. ANDRIEU, PR, pp. 100-101 estime romain l’original du pontifical Londres, Add. 17005. La citation d’Amalaire s’y trouve dans l’Ordo du jeudi saint, XXX A, 37, M. ANDRIEU, op. cit., pp. 220-221 ; elle a été reprise, non pas du Pontifical romano-germanique lui-même, mais d’une tradition assez particulière de ce dernier dont nous n’avons qu’un seul exemplaire provenant de Passau = Vindob. 1817. Voyez M. ANDRIEU, OR I, p. 388 et OR V, p. 212, n. 70, variante 9 (la variante n’est pas relevée par VOGEL-ELZE, Le Pontifical romano-gemanique du Xe siècle (= Studi e Testi, 227), p. 70.

[41] Noter la citation faite par le cardinal Deusdedit, prouvant que l’Ordo de la concélébration se trouvait dans les exemplaires du pontifical romano-germanique usité à Rome au xie siècle : M. ANDRIEU, OR II, pp. 121-122. Il faut ajouter l’affirmation d’Innocent III, d’autant plus intéressante à notre avis, qu’elle vient seulement pour illustrer la thèse théologique de la convenance de la concélébration : « Consueverunt autem presbyteri cardinales Romanum circumstare pontificem et cum eo pariter celebrare. Cumque consummatum est sacrificium, de manu eius communionem recipere, significantes apostolos, qui cum Domino pariter discumbentes sacram de manu eius eucharistiam acceperunt, et in eo quod ipsi concelebrant, ostendunt apostolos tunc a domino ritum hujus sacrificii didicisse », De sacro altaris mysterio, lib. 4, cap. 25, PL 217, 874. Mais il y a aussi le curieux texte du Liber pontificalis, dans la notice de saint Zéphyrin, éd. L. DUCHESNE, t. 1er p. 139.

[42] Les difficultés visent l’Ordo 3 : celui-ci est en effet un ensemble composite de six suppléments à l’Ordo 1, dont quatre sont évidemment non romains ; malgré cela M. ANDRIEU,OR II, p. 124 et 127 estime ne pouvoir mettre en doute le caractère romain du premier, qui décrit la concélébration. L’authenticité semble également contrôlée par l’utilisation qu’en fait l’Ordo 4, Ibid., p. 163.

[43] FABRE-DUCHESNE, Le liber censuum de l’Église romaine, t. 2, Paris, Fontemoing, 1905, p. 146.

[44] Ci-dessus, note 40, Sur ce texte, commentaire de L, DUCHESNE, LP, t. 1er, pp. 139- 140. Cf. aussi J. M. HANSSENS, Periodica, 17, 1928, p. 114*.

[45] M. ANDRIEU, OR II, p. 131.

[46] M. ANDRIEU, PR, I, p. 151.

[47] M. ANDRIEU, Le sacre épiscopal d’après Hincmar de Reims, RHE 48, 1953, p. 67.

[48] J. HAEGY, Cérémonial de la consécration des évêques, 5e éd., Gabalda, 1924, p. 71.

[49] II suffirait de reprendre les rubriques du Pontifical de Durand qui, pour cette fois, sont excellentes : « Consecratus... de manu consecratoris sacram hostiam recipit, ipse tamen genua coram illo non flectit sicut faciunt ceteri ordinandi, ymo, si loci dispositio permittit, consecratus seu consecrati stantes circa cornua altaris, sicut concelebrando missam steterunt, possunt ibidem, stantes supra illud, communicare. Subsequenter, diacono calicem porrigente, communicent de eodem sanguine. Postea pontifex abluit digitos cum vino super calicem et de ipso vino iterum abluit os, de quo etiam ad abluendum os consecratus seu consecrati sumere debent ». M. ANDRIEU, PR III, pp. 388-389.

[50] Décrétale de 1202, POTTHAST, n. 1735 ; A. FRIEDBERG, Corpus iuris...,t. 2,col. 73.

[51] M. ANDRIEU, PR III, p. 380 (variantes M). J. CATALAN :, Pontificale, 2e éd., t. P, p. 297 déclare : « recens videtur esse institutum ». Nous manquons de bons inventaires pour l’Italie.

[52] M. ANDRIEU, PR I, pp. 144 et 150 ; PR II, p. 357.

[53] Notre matériel se limite donc aux pontificaux collationnés par Mgr Andrieu, dont il donne la liste au début du texte de chacun des trois volumes de son édition, au Pontifical romain de 1485, au Pontifical moderne, aux extraits publiés par MARTÈNE, De antiquis Ecclesiae ritibus, lib. 1, cap. 8, art. 9 et art. 11, et un extrait de Vat. Lat. 1145 publié par J. M. HANSSENS, dans Periodica, 16, 1927, p. 184*. Après avoir lu ces diverses éditions, on ne trouve rien de plus dans MORIN, BONA, CATALANI.

[54] II s’agit des mss. Bibl. Nat. Lat. 948,951,1219 et 18038. Ce dernier est un pontifical de Paris du XV siècle, qui donne peu de détails. Martène a publié le n. 948 dont nous allons reparler ; le n. 951 est utilisé par ANDRIEU, PR III, le n. 1219 par ANDRIEU, PR II.

[55] E. MARTÈNE, De antiquis Ecclesiae ritibus, t. II, éd. Venise 1788, p. 24.

[56] S. ALBERT LE GRAND, De eucharisna distinctiones, Dist. VI, tract. 4, c. 2, nn. 15-16, constate que « cum episcopus celebrat ordines, omnes sacerdotes de novo ordinati circa altare in quo célébrat episcopus disponuntur et omnes simul cum eo signa faciunt ad corporis Dominici confectionem » (comparer avec la rubrique du Pontifical de Mayence, Bibl. Nat. Lat. 948 citée plus loin, probablement inspirée de ce texte) : mais Albert est farouchement hostile à la concélébration pour des raisons de théologie spéculative, aussi s’oppose-t-il à ce que les nouveaux prêtres disent les paroles : ils assistent et font les gestes mais seulement pour apprendre, éd. VIVES, t. 38, pp. 428-430. S. THOMAS, In IV Sent., dist. 13, q. l, a. 2, quaestiunc. 2, éd. Parme, t. 7, pp. 672-673, constate l’usage : « consuetudo quarumdam ecclesiarum in quibus novi sacerdotes simul episcopo concelebrant », mais à l’inverse de saint Albert, il le justifie théologiquement, selon le principe d’Innocent III ; il reprendra les mêmes formules dans Summa theol. III, q. 82, an. 2.

[57] ANDRIEU, PR II, p. 349. La première partie de la phrase, jusqu’à altaris, se trouve dans tous les manuscrits de la recension longue (ABPVXYZ) et dans les manuscrits suivants de la recension mixte : EFHRST ; elle a été ajoutée en marge des manuscrits JL et C, ce dernier étant ainsi le seul de la recension brève à la contenir. - La seconde partie de la phrase manque dans CEJLRST : faut-il voir là l’indice d’un stade intermédiaire dans la rédaction de la rubrique, ou une faute de copiste ?

[58] Selon la juste remarque de C. DE VERT, op. cit., t. 1er, p. 339.

[59] ANDRIEU, PR III, p. 370.

[60] MARTÈNE, op. cit., Ordo 16, p. 80. Sur cette variante et son origine probable, voir ci- dessus, note 55.

[61] F. xxxviiiv, 2e colonne. Le Pontifical moderne complète : « per ordinatos quo dicuntur per pontificem ».

[62] Ibid.

[63] Bibl. Vat.,Mss. Vatic. Lat. 1145,f. 19r,cité par J. M. HANSSENS, dans Periodica 16, 1927, p. 184*.

[64] ANDRIEU, PR II, p. 350.

[65] ANDRIEU, PR III, p. 348.

[66] Ibid.

[67] Sur ces points, P. BROWE, Mittelarterliche Kommunionriten, in Jahrbuch fur Liturgiewissenschaft, 15, 1941, pp. 42-48 ; voir aussi J. MABILLON, In ordinem Romanum commentarius praevius, PL 78, 879-886.

[68] Ibid., col. 1472. La comparaison avec les rubriques données par le même Ordo quelques lignes plus loin pour le sacre des évêques, montre bien la différence : seuls les évêques communient dès lors debout et sous les deux espèces. Mais quelle est la date du texte de cet Ordo ? Quelles sont les parties qui sont vraiment du cardinal Gaetano Stefaneschi (c. 1310) ? Car nous manquons d’une édition critique qui résoudrait ces divers problèmes : J. KÖSTERS, Studien zu Mabillons römischen Ordines, Münster, Schöningh, 1905, pp. 66-77, Je n’ai rien trouvé dans le manuscrit Toulouse 67, f. 15r et v, cité partiellement par J. MORIN, De sacris Ecclesiae ordinationibus, éd. 1695, 3e partie, p. 125.