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G*lias et le retour de la messe en latin

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Série d’article paru sur le site de la revue G*lias. Nous ne donnerons pas le lien.

Sommaire

  Motu proprio: G*lias publie les deux textes officiels dans leur intégralité - le 7 juillet  
  Le retour de la messe en latin - le 7 juillet  
  Motu proprio : un ’révisionnisme’ de saison - le 5 juillet  
  Y-a-t-il encore un épiscopat en France? - le 5 juillet  
  ’Summorum pontificum’ pour la libéralisation de la messe en latin - le 5 juillet  
  Retour de la Messe en latin: vade retro Vatican II - le 28 juin  
  Patience! La messe en latin arrive: les précisions du cardinal Bertone- 5 avril 2007  
  Le Motu proprio sur la messe en latin bientôt disponible - 23 mars 2007  
  Traditionnelle vraiment?- 21 octobre 2006  
  Les évêques grognent - 21 octobre 2006  
  Le retour de la messe en latin - 14 octobre 2006  
  La messe en latin officiellement de retour en novembre - 6 octobre 2006  

Motu proprio: G*lias publie les deux textes officiels dans leur intégralité - le 7 juillet

G*lias publie dans son intégralité le "Motu Proprio" de Benoît XVI concernant la "libéralisation" de la messe en latin ainsi que le document à destination des évêques qui l’accompagne. Avant de lire ce texte, G*lias propose à ses lecteurs son commantaire. L’EGLISE DE FRANCE FACE AU MOTU PROPRIO Les évêques de France sont plongés dans l’embarras, tout comme le journal « la Croix ». Ils n’osent réagir franchement et frontalement car le texte est un véritable décret qui a force de loi. De nombreux prélats français, américains et allemands s’inquiètent non pas tant d’une libéralisation de principe (en fait difficile à contester dans une modernité où l’on ne peut plus supporter des interdits archaïques et où chacun choisit sa spiritualité et sa liturgie, un peu en libre service) que des répercussions et de l’arrogance confortée de certains milieux traditionalistes. Au plan idéologique, cette décision constitue bien entendu un camouflet et un signe de rejet de l’interprétation ouverte et progressiste de Vatican II. Paradoxalement, G*lias conteste moins la libéralisation de l’ancien rite (en vertu d’un principe « libéral ») que la conformité obligatoire du rite de Paul VI à un modèle rigide, qui devrait être plus indicatif que coercitif. Un liturgiste aussi peu suspect de progressisme que le Père Louis Bouyer nous apprend que, dans les premiers siècles, l’officiant composait les prières à partir de canevas et que la créativité n’a donc en soi rien d’incongru en liturgie. En effet, ce motu proprio n’est pas seulement ni d’abord une concession aux intégristes mais un serrage de vis d’ensemble. Il insiste sur la continuité entre la liturgie actuelle et la liturgie tridentine. Ce qui à notre avis est le plus discutable, tant du point de vue du fait que de notre souhait éventuel. S’il y a eu un Concile et une réforme de cette ampleur c’est bien pour changer les choses, créer un appel d’air. S’il s’était simplement agi de répéter les choses à l’identique, tout cela était inutile. De plus, une enquête précise nous montre qu’une poignée seulement de fidèles est vraiment nostalgique de l’ancienne messe. Certes, les gens regrettent souvent telle tradition locale qui leur évoque leur enfance ou une « ambiance » plus sacrée, avec l’odeur de l’encens par exemple. Néanmoins, ces éventuelles nostalgies auraient été plus opportunément satisfaites par un saupoudrage ponctuel de la liturgie avec telle tradition ancienne ou folklorique. Ce qui se fait en Italie ou pratiquement personne ne souhaite un retour à l’ancienne messe, désuète, trop longue et trop compliquée. Pour le moment, les évêques à l’instar de Mgr Olivier de Berranger, évêque de Saint Denis en France, lancent un appel au calme : « ne nous disputons pas autour de l’eucharistie ». Cet irénisme de façade dissimule mal une vraie inquiétude et une grande perplexité.

Le retour de la messe en latin - le 7 juillet

Le motu proprio tant attendu, tant espéré et tant redouté est désormais disponible dans son texte définitif que nous publions in extenso. La mesure principale de ce texte, qui est un décret ayant force de loi et non pas simplement un document de réflexion, un "fervorino", une exhortation apostolique est l’instauration d’un double rite latin : l’ancien et le nouveau. Benoît XVI suit là la solution proposée jadis par le liturgiste allemand Klaus Gamber, cité comme une référence par l’Abbaye bénédictine du Barroux.

Aucun prêtre de tradition latine ne sera contraint à célébrer l’un ou l’autre de ces rites. En ce sens, les progressistes réfractaires comme les inconditionnels de l’ancienne liturgie y trouveront d’une certaine manière des portes de sortie.

Contrairement à la restriction souhaitée par le cardinal Francis Arinze, pourtant conservateur, préfet de la congrégation pour le culte divin, aucun numerus clausus ne sera nécessaire pour une célébration publique de l’ancienne messe, étant entendu que la célébration privée est libre de toute manière.

Le Pape porte l’accent sur le fait que l’ancienne liturgie n’a jamais été abolie. Il tranche ainsi un débat qui divise les canonistes et les historiens. Il rejoint la position déjà maintes fois exprimée par le cardinal autrichien Alfons Stickler, qui fait autorité dans les milieux traditionalistes.

Le texte se veut une une condamnation d’une rare dureté des "excès" qui ont suivi le Concile. Dans l’esprit de Joseph Ratzinger, manifestement, le missel de Paul VI dans son état actuel, s’il n’est pas hérétique, n’est pourtant pas satisfaisant. Le Pape n’a pas oublié en route son vieux projet de réforme de la réforme, dans un sens traditionnel.

Les intégristes, traditionalistes et conservateurs de tout poil jubilent. Les évêques sont perplexes mais n’affronteront pas ouvertement l’autorité du Pape, en raison également de la forte influence à la base de certains groupes favorables à l’ancienne liturgie.

Ce jour est, du point de vue de l’histoire de l’Eglise du temps présent aussi significatif sinon plus que celui de l’élection au trône de Pierre de Joseph Ratzinger. Le catholicisme entre décidément dans une nouvelle période. L’autorité souveraine semble définitivement rompre avec la politique de compromis qui fut celle de Paul VI, puis en partie encore celle de Jean Paul II alors même qu’une visée restauyratrice se dessinait de plus en plus nettement.

Les conciliaires du centre, comme le journal "LA Croix", se trouvent dorénavant dans une situation particulièrement délicate. Ils ne pourront plus nous faire prendre des vessies pour des lanternes. C’est un catholicisme pur et dur que le Pape impose à tous, adeptes de la messe de Saint Pie V ou défenseurs d’une interprétation conservatrice et très stricte de l’actuelle liturgie.

Mardi prochain 10 juillet, un texte d’une importance capitale sortira : une déclaration de la congrégation pour la doctrine de la foi rappellant que la seule Eglise du Christ est l’Eglise catholique. Un point final est ainsi écrit à un débat de l’après-Concile. Peut-être aussi à l’utopie d’un oecuménisme audacieux et novateur.

Nous n’irons pas jusqu’à parler d’une victoire posthume de Mgr Marcel Lefebvre. Par contre, nous sommes à présent convaincus que la porte à un certain esprit du Concile est définitivement fermée à Rome et qu’il faudrait un véritable miracle pour qu’elle s’ouvre à nouveau.

Christian Terras

Motu proprio : un ’révisionnisme’ de saison - le 5 juillet

Mgr Marcel Lefebvre partageait avec ses adversaires une analyse globalement identique du concile, mieux de "l’évènement conciliaire", ce que le futur cardinal Yves Congar présenta un peu vite comme "la révolution d’octobre" de l’Eglise, mais non sans une part de vérité.

En effet, il semble difficile de nier qu’au-delà de la matérialité des textes, de la sédimentation des rédactions. des compromis finaux, un véritable tournant s’est dessiné. déjà préparé (comme tous les tournants, car c’est la route qui tourne) mais nous conduisant dans une autre direction.

Sans cette volonté d’une autre approche. d’une sensibilité plus modeste et plus fine à la fois, d’une rupture avec l’arrogance d’un intransigeantisme défensif qui combat, d’une volonté de dialoguer, d’écouter, de se laisser instruire. on se demande à quoi bon un tel concile ? A notre sens, là réside précisément lapone évidente des interprétations minimalisantes de Vatican II, qui tentent de noyer le poisson.

Vatican II ne se limite pas aux textes toujours de compromis et donc mi-chèvre mi-chou qui se trouvent dans les recueils. L’inspiration véritable va bien entendu au-delà ; se limiter â la lettre, c’est tuer le concile. l’enterrer... Un corps sans âme n’intéresse personne. Le courant lelebvrisle ne se trompe pas de cible.

En revanche, nos restaurateurs, plus adroitement, entreprennent une relecture du concile qui le neutralise. Ils panent du vrai concile, d’un concile à la lumière de la Tradition, ou " in chiave mariologica " : autrement dit, un concile qui n’a rien à dire, ne donne pas envie. n’ouvre pas un chemin d’espérance, de partage, de fraternité et de vie.

L’enjeu des manoeuvres des négociations avec les courants intégristes, des critiques acerbes adressées aux historiens de l’École de Bologne se trouve là. Les prochains temps seront décisifs. L’interprétation ouverte du concile comme un évènement, un tournant, une nouvelle inspiration, une conversion du regard laissera-t-elle hélas la place à sa négation même, une sorte de Concile châtré, épisode fade parmi d’autres. accumulation ennuyeuse de textes doctrinaux indigestes ou convenus, qui n’empêche plus de dresser haut l’étendard menaçant d’une restauration intransigeante.

Au fond pour Joseph Ratzinger le concile aura simplement marqué une parenthèse regrettable. que des naïfs auront cru « enchantée ».

La page est tournée.

L’habileté de Benoît XVI entend précisément se mesurer à cet objectif qui est le sien : tourner cette page sans que cela ne se remarque de trop.

Romano Libero

Y-a-t-il encore un épiscopat en France? - le 5 juillet

La publication imminente du Motu Proprio relatif à la célébration de la messe selon les anciens livres liturgique indispose profondément les évêques de France. Ces derniers, hormis une petite poignée d’entre eux (sans doute NN SS Cattenoz, Ginoux ou Centène), sont vraiment opposés au retour de la messe de Saint Pie V, même sous une forme très limitée. Pourtant ils sont prêt à passer sous les fourches caudines de la soumission à l’autorité pontificale ("Roma locuta est, causa finita est).

Dans le passé, leurs stratégies ont davantage compliqué que simplifié les choses. De sorte que beaucoup, à Rome, y compris dans les rangs de prélats libéraux, estiment que l’affaire Lefebvre et les querelles autour de la liturgie tiennent en bonne part à la maladresse et à l’esprit cassant des évêques trop gallicans d’esprit et très cléricaux. Jean XXIII, alors encore Angelo Roncalli, avait ce mot qui en dit long : "les français aiment les guerres de religion".

L’Eglise de France jouit un peu partout dans le monde d’une réputation ambivalente. D’une part, l’histoire intellectuelle du catholicisme de notre pays, le dynamisme pastoral audacieux d’avant le Concile, le génie de précurseur de jadis ont acquis à notre Eglise gallicane une réputation d’avoir très largement cuit le pain de la chrétienté. Des théologiens comme Congar ou Chenu demeurent des références. En même temps, la médaille a toujours son revers, A force de bien voir les problèmes, on peut négliger de chercher des solutions pratiques. Pour beaucoup à Rome, le durcissement continu de l’archevêque Lefebvre n’a fait que pousser jusqu’au bout une logique très présente en France. En outre, l’épiscopat a opposé à la rigidité intégriste une sorte de conformisme de gauche, en maniant également l’argument d’autorité comme une matraque. Il fallait plutôt, de notre point de vue, approfondir le swens de la réforme liturgique et en poursuivre la trajectoire. Tout en prenant conscience des enjeux des querelles françaises car certaines débats liturgiques nous renvoient bel et bien à une conception globale de Dieu, de l’homme et du monde. A condition de déplacer enfin la question d’un argument d’autorité à une mise en perspective dans la dialogue et la confrontation.

L’enlisement des conflits idéologiques semble bien constituer hélas une particularité de notre espace hexagonal. La dramatisation indignée par les évêques des critiques que G*lias a pu leur faire et continue à leur adresser, semble bien elle aussi significative d’un manque de souplesse et d’une moindre faculté à prendre de la distance.

L’épizscopat français succombe souvent à la tentation de trancher de façon cassante et autoritaire ; il paraît toujours mal tolérer l’indépendance des uns et des autres qui ne se laissent pas enfermer dans des cases formatées d’avance. L’irritation des évêques face aux intégristes s’explique en partie par leur sentiment que ces derniers leur échappent et qu’ils ne peuvent les contrôler.

En même temps, comme c’est également parfois le cas dans les familles, le dictateur au foyer s’affirme en réalité très peu face à une autorité extérieure. L’attitude de nos évêques à l’endroit de Rome, consiste à se soumettre de façon presque systématique, lors même qu’au fond le clivage est évident à tous, tout en traînant ensuite les pieds mais sans remplir leur fonction qui seraient de permettre le développement d’une alternative par rapport au pur et simple alignement sur la ligne de Rome. Contre mauvaise fortune bon coeur.

Il est vrai sans doute que la France connaît en général des pesanteurs administratives, une difficulté récurrente à prendre le plus court chemin pour atteindre un objectif. On pouvait jusqu’alors se consoler d’avoir un pays où les choses ne sont pas simples en considération de cet esprit critique frondeur et libre que l’on associe souvent au siècle des lumières. Or notre épiscopat nous donne le pitoyable spectacle à la fois d’une toile d’araignée de complications auxquelles Nosseigneurs ne parviennent pas à remédier et d’une soumission déplorable aux positions conservatrices de Rome.

Trois affaires récentes en donnent une triste confirmation.

En premier lieu, les évêques ont fini par laisser tomber Tony Anatrella depuis que de lourdes accusations sont portées contre lui. Pourtant, Rome continue à accorder sa confiance -en fait avec des pincettes, et de façon très relative, à cet étrange prêtre et thérapeute. Comme si le Vatican n’avait que faire du jugement pastoral et doctrinal des évêques.

En deuxième lieu, alors que de fortes inquiétudes portent sur le fonctionnement sectaire de mouvements de type charismatique, l’épiscopat semble comme se débiner et se contente de transmettre le dossier à Rome. Sans doute en raison du soutien et de la haute estime avec laquelle certains de ces nouveaux mouvements sont considérés au sommert de la hiérarchie, car ils sont fer de lance d’une restauration déjà bien engagée. Le coût humain peut pourtant être très important. Le contre-témoignage risque d’être un jour vivement dénoncé.

En troisième lieu, les évêques restent très attachés aux nouveautés de la réformes liturgique mais finissent par les brader en définitive, par instinct légitimiste à l’égard du Saint Siège. L’archevêque de Toulouse, Mgr Robert Le Gall,, un bénédictin, illustre à sa façon cette posture intellectuelle. Il vient en effet de déclarer, au sujet du motu proprio : "nous ne souhaitions pas ce document ; mais nous accepterons ce que le Pape demande et ferons de notre mieux pour aller dans le sens qu’il demande".

Depuis que le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux est à sa tête, à la rondeur souriante, notre épiscopat semble chercher un consensus quitte à gommer toute aspérité du discours et toute réaction un peu vive.

Dans un livre récent, sur lequel nous reviendrons de façon détaillée, Mgr Maurice Gaidon, évêque émérute de Cahors, nous livre son témoignage. Nos propres vues sont souvent aux antipodes de celles de Mgr Gaidon. Pour autant, il y a comme un leitmotiv récurrent sous sa plume qui ne nous semble pas éloigné de ce que nous voulons dire : les évêques ne s’expriment pas, ne disent pas ce qu’il pensent ; familièrement "s’écrasent".

Loin de nous la nostalgie ou le désir d’un épiscopat caractériel, pointilleux ou encore davantage dénué du sens pratique qui favorise la résolution des biens des conflits et évite de prétendues impasses. Nous aimerions pourtant un épiscopat qui joue cartes sur table.

Le motu proprio légitimant l’ancienne liturgie se trouve au croisement d’enjeux idéologiques et d’enjeux anthropologiques. Le fond du problème n’est pas de ménager la susceptibilité des évêques qui ont peur que leurs troupes leur échappent. Si tel devait d’ailleurs être le cas, ce ne serait pas forcément un drame d’ailleurs ! Il est toujours bon de bousculer les vieux réflexes cléricaux.

Au point de vue du fond, on ne le soulignera jamais assez, la querelle liturgique nous renvoie à une vision d’ensemble de Dieu, de l’homme et du monde, en particulier dans l’espace culturel hexagonal. Il n’est évidemment pas certain que tous ceux qui regrettent l’ancienne liturgie pour des raisons purement esthétiques ou parce qu’elle leur rappelle leur enfance, leur jeunesse, soient conscients de ces enjeux idéologiques. Pour autant, ils demeurent en arrière-fond de l’ensemble des épisodes et des controverses et semblent incontournables. La réforme liturgique avait au moins le mérite de placer davantage en valeur les dimensions fraternelles et communautaires, car l’eucharistie est avant tout un repas de l’amour. L’ancienne liturgie est porteuse d’une sacralité plus suggestive, dont on peut toutefois se demander jusqu’où elle est chrétienne et évangélique ; ne serait-elle pas davantage paîenne ? La catégorie du sacré n’’est-elle d’ailleurs pas ambigüe ? Le message chrétien ne privilégie-t-il pas le saint ?

Nous aurions espéré que les évêques s’engagent de façon plus claire dans un tel débat. Il ne suffit pas de chercher à noyer le poisson ; en effet, dans l’eau, le poisson grandit. Un abcès non traité devient de plus en plus menaçant.

D’autres aspects sont impliqués dans cette controverse politique. Une dimension politique car souvent l’ancienne messe est le drapeau cultuel de revendications très réactionnaires. Une dimension anthropologique : le cardinal Joseph Ratzinger faisait remarquer avec raison qu’un rite ne s’invente pas, ne peut être produit par des bureaucrates, ne saurait être mis en forme à partir d’une élaboration toute cérébrale. L’éthnologie nous apprend au contraire qu’il n’a de prégnance et de vitalité que s’il jaillit spontanément d’une existence partagée, comme le fruit d’un long développement autonome. Les analyses de Maurice Gruau, ethnologue du sacré et prêtre du clergé de Sens, peu suspect de sympathie à l’endroit des courants intégristes, mériteraient d’être considérées avec attention. Dans un sens analogue, Jean-Marie Rouart, auteur d’un livre original "chrétien et libertin" pose aussi la question de l’attractivité d’un rite en soi plus pur et théologiquement plus conforme au mystère chrétien mais à certains titres moins porteur de souvenirs et d’évocations subconscientes : qu’on nous pardonne l’adjectif familier moins "bandant", surtout à notre époque de zapping et d’images fortes ; sans même parler des décibels.

Un véritable débat sur la réforme liturgique aurait mérité de voir le jour. Il nous aurait sans doute réservé des surprises (pour ma part je pense que les évolutions liturgiques sont idéologiquement plus sympathiques mais qu’elles n’ont vraiment accroché les sens...) et nous aurait peut-être conduit à envisager non pas un triste retour en arrière mais à laisser la vie inventer des formes nouvelles et parlantes. En mettant en cause des rigidités récurrentes, inhérentes à la fois à un conservatisme doctrinal coincé qui n’exalte pas l’homme mais l’écrase face à une majesté divine qui a très peu à voir avec l’Evangile d’un côté et , de l’autre, à une épure cérébrale et ennuyeuse, à moins que des ajouts extérieurs, comme on le constate dans des messes africaines ou des messes des jeunes, viennent donner un peu de vie et de couleur.

Il y a une quinzaine annéees, pour faire face loyalement aux divergences qui ébranlaient le catholicisme américain, le cardinal Joseph Bernardin invita les uns et les autres à l’échange et au dialogue. Or, en France, nos évêques semblent confondre la volonté de dialogue avec une occultation des points d’achoppement et de conflit. Le dialogue est d’autant plus riche que chacun exprime sa position, aussi contrastée qu’elle puisse être. Nos évêques semblent osciller entre deux stratégies d’évitement, cultivées souvent simultanément. Laisser entendre, sans que cela soit crédible, que tout le monde est en fait d’accord et pense la même chose ; casser brutalement la confiance avec ceux qui deviennent suspects et indésirables. A notre avis, il faudrait au contraire ouvrir un espace de dialogue, toujours plus vaste, sans prétendre forcément à une fausse unanimité de vues, sans se faire illusion sur un quelconque baiser Lamourette, réconciliation générale et illusoire.

Cela supposerait bien entendu un sens assumé du pluralisme non pas conçu comme une calamité ou une menace mais une chance et une richesse. Ce qui supposerait sde rompre avec un dogmatique cassant comme avec un conformiste tout aussi castrateur et sclérosé, de gauche, de droite ou même de l’hyper centre (ce qui caractérise justement les positions de nos épiscopes). Hélas, nous en sommes loin. Il faut se couler dans le moule, sinon...

L’épiscopat français bénéficie à présent d’un nouveau siège parisien qui lui assure pignon sur rue. Dans un article récent de la Croix, Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Chambéry et dont on dit qu’il pourrait devenir le prochain Vice-Président de l’épiscopat en automne, tente de relativiser l’importance de l’image ainsi donnée en soulignant, ce qui est vrai, mais exprimé en pur jargon clérical, que la vraie présence de l’Eglise de France est ailleurs. Les bons sentiments et les paroles pieuses ne sauraient pourtant dispenser nos évêques de prendre et d’assumer des positions convaincues et convaincantes. Avec plus de liberté, de franchise et d’accueil d’une diversité pazrfois dérangeante mais vivace et féconde. G*lias

’Summorum pontificum’ pour la libéralisation de la messe en latin - le 5 juillet

La Lettre apostolique sous forme de Motu Proprio que Benoît XVI s’apprête à publier en vue de libéraliser l’usage de la messe et des livres liturgiques selon le rite préconciliaire de 1962 portera le nom de "Summorum pontificum", a appris sources vaticanes I.Media, l’Agence partenaire de l’Apic à Rome. Ce document très attendu du côté des fidèles traditionalistes et craint par un certain nombre d’évêques sera publié le 7 juillet prochain.

"Summorum pontificum" (en français, ‘…des plus grands pontifes’) est l’incipit (début du texte) du Motu Proprio de Benoît XVI libéralisant l’usage de la messe dite "de saint Pie V". Les deux premiers mots de cette lettre apostolique donnent son nom au document pontifical qui sera rendu public par le Vatican le 7 juillet prochain. Il sera accompagné d’une longue lettre du pape faisant part de ses motivations pour cette publication que certains évêques, en France particulièrement, voient d’un mauvais oeil. Par ce texte, le pape entend étendre à l’Eglise tout entière la possibilité de célébrer la messe selon les livres liturgiques promulgués le 23 juin 1962, durant le pontificat de Jean XXIII, juste avant le Concile Vatican II et la réforme qui a suivi, en 1969 et 1970. Il fera de ce rite préconciliaire “une forme extraordinaire de l’unique rite romain“, celui postconciliaire dit "de Paul VI". Outre le rituel de la messe, le document devrait donc concerner également les sacrements du baptême, du mariage, de la confirmation et de l’onction des malades, ainsi que la célébration des obsèques. Si le latin est la langue d’usage du rite tridentin, l’utilisation de la langue vernaculaire devrait être autorisée pour les lectures liturgiques. Le nouveau document mettra fin à l’exigence de requérir une dispense (appelée ‘indult’) à l’évêque diocésain en vue de pouvoir célébrer la messe selon le rite de 1962. Il devrait autoriser la célébration dans les paroisses diocésaines d’une seule messe selon la forme préconciliaire par dimanche et jour de fête, excepté durant le Triduum pascal. ‘Summorum pontificum’ devrait en outre encourager à la création de ‘paroisses personnelles’ dans les diocèses où seul le rite tridentin sera alors célébré.

L’évêque local ne devrait alors pouvoir intervenir qu’en cas de litige entre un de ses prêtres et un groupe de fidèles. Si nécessaire, il pourra aussi s’adresser à la commission pontificale Ecclesia Dei chargée de trancher en dernière instance.

Ce nouveau Motu Proprio abrogera celui promulgué par Jean Paul II Par conséquent, le nouveau Motu Proprio abrogera celui promulgué par Jean Paul II en juillet 1988, Ecclesia Dei adflicta, ainsi que le document de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements d’octobre 1984, Quattuor abhinc annos, approuvé par le pape et accordant aux évêques diocésains la possibilité d’user d’un indult pour la célébration de la messe en rite tridentin.

Le pape devrait par ailleurs préciser qu’il ne s’agit pas d’un retour en arrière mais d’un geste généreux en vue de mettre à la disposition de l’ensemble des fidèles les immenses trésors spirituels, culturels et esthétiques liés à l’ancienne liturgie.

Benoît XVI semble ainsi accorder la priorité à ce dossier qu’il connaît sur le bout des doigts. Ainsi, dans son ouvrage Ma vie, souvenirs (Editions Fayard, 1998), le cardinal Joseph Ratzinger reconnaissait après coup avoir été “consterné de l’interdiction de l’ancien missel“. Dans Le sel de la terre (Cerf, 1999), il confiait que “l’on devrait accorder beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le souhaitent le droit de conserver l’ancien rite“.

Dès 1986, une commission cardinalice à laquelle participait le cardinal Ratzinger avait souhaité faciliter la célébration de la messe selon le rite de 1962. En tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal allemand - féru de liturgie depuis son plus jeune âge - avait suivi la genèse de la séparation des fidèles intégristes avec Rome. Le Saint-Siège avait alors tenté par tous les moyens de les garder dans le giron de l’Eglise catholique jusqu’à ce que Mgr Lefebvre commette un acte de désobéissance “grave“, le 30 juin 1988, en ordonnant quatre évêques sans l’approbation du pape. Ils avaient alors été excommuniés. La rencontre avec Mgr Fellay

Le Motu Proprio Ecclesia Dei de Jean Paul II du 2 juillet 1988 les déclarait schismatiques, mais ouvrait cependant la voie à la réintégration dans l’Eglise catholique des membres de la fraternité qui le souhaiteraient, encourageant les évêques à une utilisation “large et généreuse“ de l’indult. Une Commission du même nom fut aussi créée afin de faciliter la pleine communion ecclésiale “des prêtres, séminaristes, communautés religieuses ou religieux individuels ayant eu des liens avec la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre et désirant rester unis au successeur de Pierre dans l’Eglise catholique en conservant leurs traditions spirituelles et liturgiques“.

Au début de son pontificat, en août 2005, Benoît XVI avait souhaité rencontrer Mgr Bernard Fellay, le supérieur de la Fraternité Saint-Pie X fondée par Mgr Lefebvre. Puis, en février 2006, le pape avait convoqué au Vatican les chefs de dicastères de la curie romaine pour une réunion à huis clos essentiellement consacrée au sort de cette fraternité et des fidèles traditionalistes.

C’est au printemps 2006 qu’était clairement apparue la possibilité que le pape publie un décret visant à faciliter le retour vers l’Eglise catholique des fidèles intégristes s’inscrivant dans la lignée de Mgr Marcel Lefebvre. Le 8 septembre de la même année, le pape autorisait la création de l’Institut du Bon Pasteur pour réunir cinq prêtres issus de la Fraternité Saint-Pie X et quelques séminaristes. Après l’autorisation élargie de la célébration dans le rite de saint Pie V, une des deux exigences du côté des intégristes demeurera : celle de la levée des excommunications de 1988. Ensuite, un dialogue théologique pourrait voir le jour sur un autre fossé qui sépare Rome et cette frange traditionaliste autour de certains ‘fruits’ du Concile Vatican II comme l’œcuménisme, le dialogue interreligieux et la liberté religieuse. Mais, du côté de Rome, ces ‘fruits’ ne sont pas négociables. Cependant, ce nouveau document souhaite aller bien au-delà des seuls fidèles de la Fraternité Saint-Pie X. Il concerne les fidèles traditionalistes au sens large, ceux qui n’ont pas rejetés le Concile Vatican II mais restent attachés à la liturgie traditionnelle.

Source APIC

Retour de la Messe en latin: vade retro Vatican II - le 28 juin

Le pape a donc décidé, après plusieurs mois de réflexion, de promulguer son motu proprio, un document pour la « libéralisation » de la liturgie romaine.

Le contenu du document concerne la « libéralisation » totale du rite tridentin - selon les rubriques de 1962 - le mettant sur le même plan que le rite conciliaire (« protestant » pour les traditionalistes) : la « nouvelle » liturgie sera définie « rite ordinaire » alors que celle traditionaliste sera définie « rite extraordinaire », sans aucune limitation par quelque prêtre catholique que ce soit.

Dans le décret (déjà signé par Benoît XVI en septembre dernier mais en attente à cause notamment du « trouble » des évêques de France), le pape exprime - entre autres - le désir que les églises principales célèbrent au moins une messe tridentine dominicale. Une décision d’importance donc qui confirme que la réintégration des disciples « historiques » de Mgr Lefebvre (les abbés Laguérie et Aulagnier dans le cadre de l’Institut du Bon Pasteur) n’est que le signe avant coureur d’un ralliement général à venir de l’ensemble de la famille intégriste. Le cardinal Castrillon de Hoyos qui a en charge le dossier des négociations avec la Fraternité St Pie X ne vient-il pas de rappeler que les discussions continuent et qu’il espère les voir déboucher à moyen terme sur un véritable accord. Mais au fait quel est le diagnostic des tenants d’un retour à la liturgie ancienne ? La volonté restauratrice dans le domaine liturgique s’appuie en réalité sur la conviction que le déclin de la pratique et la poussée de sécularisme tiendraient en bonne part, sinon essentiellement, à la mutation trop rapide, pour certains, une “dévastation”, de la liturgie catholique. Cette thèse a été amplement développée, même si c’est avec des variantes considérables, à la fois par les intégristes de Mgr Lefebvre, par des liturgistes comme Mgr Klaus Gamber (dont le cardinal Ratzinger a été proche de certains points de vue) et par certains représentants du catholicisme le plus conservateur, comme jadis le cardinal Giuseppe Siri.

Les traditionalistes espèrent donc qu’une restauration conservatrice en liturgie suscitera l’effet inverse. Les gens retrouvant le chemin de leur paroisse, ils misent sur la force d’attraction d’une sacralité à l’ancienne. A notre avis, il y a là une grave erreur de perspective. Sans doute, la mutation interne de l’Eglise et surtout du culte a pu surprendre et troubler. On connaît la réaction du Président Georges Pompidou qui déplorait cette évolution. Mais le maintien figé d’une liturgie d’un autre âge aurait accéléré encore, plus globalement, le processus de sécularisation.

Quel que soit le jugement porté sur la réforme liturgique au plan esthétique ou historique, force est de constater qu’elle aura certainement limité l’hémorragie. En effet, comme se plaît à le souligner le cérémoniaire (en sursis) du Pape, Mgr Piero Marini, sans cette réforme les grandes messes très populaires de Jean Paul II, surtout hors de Rome, n’auraient pas été possibles.

Remplacer Madonna par Chopin dans des discothèques contribuerait plus à les vider qu’à les remplir. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne puisse pas et ne doive pas y avoir aussi des salles de concerts. Néanmoins, une liturgie élitiste (en latin) ne mobiliserait pas un nombre important de fidèles et en revanche en ferait fuir beaucoup d’autres. De plus, les partisans d’une restauration liturgique semblent ignorer ce que des spécialistes comme Dom Nocent, Mgr Martimort, Dom Vaggagini, Mgr Magrassi et même un historien du culte aussi peu suspect de progressisme que Dom Oury, moine de Solesmes, n’ont cessé d’établir : la messe actuelle est plus authentiquement traditionnelle que l’ancienne.

Enfin, et nous touchons là le point fondamental, névralgique il est vrai, la cause de la baisse de la pratique tient d’abord à une évolution de la société et des moeurs, au fond quelle que soit la liturgie en vigueur. Célébrer en français n’a certainement pas endigué un déclin de la pratique qui correspondait finalement au passage d’un monde à un autre. Revenir aujourd’hui à une liturgie confinée et incompréhensible ne ferait en revanche qu’accélérer un processus plus large, plus englobant.

Au fond, nos critiques acharnés de la réforme liturgique n’ont semble-t-il pas vu que l’Eglise vivait dans une époque donnée et ne pouvait en faire abstraction. A moins de préférer devenir une réserve de personnages anachroniques, un conservatoire de pierres tombales en marbre, tentations qu’en deux mille ans de christianisme l’Eglise aura toujours surmontée.

Christian Terras

Patience! La messe en latin arrive: les précisions du cardinal Bertone- 5 avril 2007

Le cardinal Tarcisio Bertone, salésien, Secrétaire d’État, lors d’un entretien récent avec l’hebdomadaire « le Figaro Magazine » a formulé un certain nombre de précisions, en particulier relatives aux vues de Benoît XVI sur la liturgie.

Pour Son Éminence, « Le Saint-Père demande donc aux évêques, aux prêtres et aux fidèles une véritable application des textes du Concile, par exemple par l’emploi du latin et du grégorien, que la réforme de Paul VI n’a jamais proscrits, mais bien au contraire, voulait conserver à leur juste place ».

Cette remarque est évidemment fondamentale : elle tend à réfuter l’interprétation édulcorée de la Croix et de la plupart des évêques français qui semblent ne pas savoir lire. L’insistance sur le latin est absolument centrale dans la pensée de Benoît XVI et dans ses actes écrits.

Pour le cardinal Bertone, « l’’application des grandes orientations du concile a malheureusement pu connaître des traductions plus ou moins erronées conduisant à des appauvrissements notables. »

A nouveau, il s’agit d’une indication très claire de la perspective : une vraie restauration et une correction de trajectoire. Son Éminence ajoute : « Il est vrai que les abus doivent être combattus, car une partie du peuple chrétien a pu s’éloigner de l’Eglise en raison de ces errements. Les erreurs ne sont pas dans les textes du concile, mais dans les comportements de ceux qui ont prétendu interpréter à leur propre guise la réforme liturgique de Vatican II. »

Au sujet du motu proprio, le cardinal se montre également très précis : « tant pour ne pas perdre le grand patrimoine liturgique donné par saint Pie V que pour accéder au souhait des fidèles qui veulent assister à des messes selon ce rite, dans le cadre du missel publié en 1962 par le pape Jean XXIII, avec son calendrier propre, il n’y a aucune raison valable de ne pas donner aux prêtres du monde entier le droit de célébrer selon cette forme. » Là encore, la position de Benoît XV I est formulée on ne peut plus clairement.

Cet entretien nous semble d’une importance absolument capitale. Le Pape et la Curie savent bien qu’outre une opposition feutrée, ils rencontrent en France une tentative de ménager la chèvre et le chou, de faire prendre des vessies pour des lanternes. Il est pourtant manifeste que Joseph Ratzinger entend bien faire un pas considérable dans le sens d’une reprise en main en matière liturgique et même d’un certain retour à la liturgie tridentine.

Dont acte.

G*lias depuis des mois ne cessent de rendre à César ce qui est à César. S’il y a bien un reproche que l’on ne peut faire à Rome ou au Vatican, c’est de laisser planer le doute sur l’intention réelle à l’œuvre.

Les catholiques sont confrontés à un choix : accepter (et éventuellement encourager) la restauration en cours ou opposer une certaine résistance.

Il est également possible, conscience d’un homme libre, de l’accepter éventuellement à certains égards et de la combattre sur d’autres points. Ainsi, d’apprécier l’ancienne liturgie mais d’estimer dépassé voire intolérable le rigorisme concernant, par exemple les divorcés remariés. Ce serait une grave erreur de croire que l’ensemble des français partage une sorte de cohérence idéologique de type progressiste ou conservatrice. Les personnes réagissent souvent d’abord en fonction d’une expérience personnelle (d’accueil, ou esthétique) et non d’une sorte de vision d’ensemble. Et de façon parfois très contradictoire. Ce constat peut être fait également en matière politique : on peut apprécier le progressisme sociétal de Ségolène Royal et le libéralisme économique de Nicolas Sarkozy. D’où la complexité du débat et de l’analyse.

Par contre – et c’est en cela que le texte de Mgr Bertone me semble vraiment important – la ligne de ce Pontificat est clairement celle d’une restauration de type « traditionnel », et ce à tous les niveaux.

Les évêques ont le dos au mur. Soit, ils l’acceptent, mais alors qu’ils le disent clairement. Soit, il la contestent, mais alors pourquoi se taisent-ils (quelles sont les raisons d’une telle auto-censure ? La peur ? L’hésitation ?)

Le cardinal Ricard quittera sa charge de président des évêques de France. Homme affable, porté par nature au compromis, il s’est trouvé au cœur du cyclone. Avec le temps, les choses devraient se décanter.

En tout cas, il doit être clair pour tout le monde que l’Eglise catholique en Europe occidentale se trouve à la croisée des chemins.

Elle ne pourra pas les emprunter tous à la fois. Joseph Ratzinger a choisi l’un d’entre eux. Il entend conforter les catholiques qui ont fait le même choix. Indirectement il met en cause ceux qui en ont fait un autre ou tentent, en vain, de brouiller les pistes.

Des recompositions pourraient voir le jour.

L’orientation de ce Pontificat n’en demeure pas moins très clairement située.

LeSacristain

Le Motu proprio sur la messe en latin bientôt disponible - 23 mars 2007

A vos missels St Pie V !

Nos informations concernant la publication imminente du motu proprio qui permettrait un usage beaucoup plus large du rite pré-conciliaire nous donnent à penser qu’elle pourrait avoir lieu avant Pâques.

Le document sera en effet publié avant la fin du carême : en tout cas, le Pape Benoît y serait résolu. Mgr Malcolm Ranjith, le secrétaire de la Congrégation pour le culte divin a toujours bien spécifié que le document se trouvait à présent entre les mains du Pape lui-même qui choisira le moment le plus opportun. Rome redoute certainement une levée de boucliers, se faisant d’ailleurs peut-être des illusions sur la détermination réelle de ceux qui y sont opposés.

Le « motu proprio » ne consisterait pas en une remise en cause de la réforme de Paul VI mais en une reconnaissance du droit pour tout prêtre de célébrer en privé la messe tridentine. En outre, le texte octroierait à des groupes de fidèles le véritable droit de voir célébrer une messe selon son rite : ce qui contraindrait en quelque sorte les évêques rétifs. On sait qu’il y eut longtemps un bras de fer à Nanterre entre Mgr François Favreau puis Mgr Gérard Daucourt et un groupuscule de traditionalistes peu nombreux mais déterminés qui obtinrent finalement gain de cause. Un vicaire épiscopal spécial leur a même été donné, le Père Yvon Aybram. Actuellement, un tel bras-de-fer se poursuit entre le groupe traditionaliste rémois et Mgr Thierry Jordan, archevêque. Ce dernier a été un temps secrétaire du cardinal Villot à Rome et partage avec son ancien maître spirituel à Rome une aversion viscérale pour le lefebvrisme. Il était en outre chargé par l’épiscopat français de « recycler » sans trop de bienveillance les jeunes ecclésiastiques sortis d’Ecône.

Ce « motu proprio » changerait complètement la donne : il transformerait une concession (ce que l’évêque de Metz, Mgr Pierre Raffin, appelait une « parenthèse miséricordieuse » en un véritable droit). Au plan ecclésiologique, ce « motu proprio » devrait susciter de très vives critiques. En effet, il réduit la responsabilité de l’évêque, garant de la communion authentique pour une Eglise particulière.

Il est assez probable que ce « motu proprio « favorise ainsi le développement des communautés ayant recours désormais à l’indult. En outre, la commission « Ecclesia Dei » verrait ses pouvoirs grandir. Dès lors que dans un diocèse un groupe ne trouve pas de prêtre disposé à célébrer la messe à sa demande, elle pourrait imposer une solution et sans doute envoyer un prêtre de son choix. A terme, l’idée caressée par Mgr Perl serait celle de la création d’ un ordinariat pouvant incardiner des prêtres ce qui permettrait aussi d’accueillir des ecclésiastiques gyrovagues. Pour l’anecdote, Mgr Perl pourrait ainsi coiffer la mitre et devenir une sorte d’évêque universel des traditionalistes.

Un autre « monsignore » dont le nom revient également pour ce ministère épiscopal éventuel auprès des traditionalistes, Rudolf Michael Schmitz, du diocèse de Cologne et de l’Institut du Christ Roi Souverain (créé par Mgr Gilles Wach) a laissé également entendre qu’une solution très avantageuse pour les traditionalistes serait bientôt trouvée. Dans un entretien accordé à la revue « Enjoy », Schmitz affirme que ce document devrait permettre à tout prêtre de célébrer en public selon le rite tridentin (et donc non seulement en privé).

Ce « motu proprio » aurait dû paraître dès la fin janvier. Ce sont les oppositions d’un certain nombres de prélats qui ont incité Benoît XVI à prendre patience. Parmi les opposants à ce « motu proprio » on cite en particulier les cardinaux Karl Lehmann, Jean-Pierre-Ricard (car pressés par ses confrères de l’épiscopat français, lui-même y étant plutôt favorable), Jean-Marie Lustiger, Godfreed Danneels, Giovanni Battista Re pour ne citer que les principaux. L’opposition ou non à ce projet ne recoupe pas toujours les critères habituels de conservatisme. Ainsi, Mgr André Vingt-Trois, l’archevêque de Paris serait-il très hostile au projet même s’il se classe plutôt parmi les conservateurs. D’autres prélats, comme Mgr Angelo Bagnasco, archevêque de Gênes et président de la conférence épiscopale italienne, y sont au contraire acquis.

Réimpression de l’ancien missel en cours…

Un autre indice de la publication très proche désormais de ce texte serait donné par la décision de maisons éditrices italiennes de … réimprimer l’ancien missel selon le rite de Saint Pie V. De manière implicite, lors d’un entretien accordé au mensuel « Inside the Vatican » (de tendance conservatrice et très romaine), l’archevêque Ranjith a reconnu que ce sont les réticences de beaucoup d’évêques qui ont retardé le projet, même si à l’origine ce sont également elles qui à l’avis du Pape rendaient nécessaires un prise de position d’autorité de la part de Rome. Pour Joseph Ratzinger, comme pour le cardinal Alfons Maria Stickler, la messe de Saint Pie V n’ayant jamais été interdite, il n’y a pas besoin de l’autoriser : il s’agit simplement de reconnaître un droit qui existe déjà. En fait, ce « motu proprio » entend d’abord remédier au problème posé par des évêques qui selon Mgr Ranjith exerceraient un abus de pouvoir.

La coexistence de deux étapes du même et unique rite Romain constituerait sans doute une exception. ¿De fait, s’il y a de nombreux rites dans l’Eglise catholique, et s’ils peuvent coexister, il n’existe en général qu’une « étape » de chacun d’eux (même s’il y a des variantes). Ne peuvent ainsi coexister des strates diverses, par exemple un livre liturgique du XVIIIe siècle et un autre du XXe pour le même rite. D’où, l’opposition du courant dit de Solesmes à la coexistence de deux missels qui représentent deux versions du même rite romain, la dernière ayant remplacé celle de Saint Pie V. Cette position est défendue par l’archevêque bénédictin de Toulouse, Mgr Robert LeGall et par Mgr Raffin, déjà cités. A Rome par le cérémoniaire du Pape, Mgr Piero Marini, et par les anciens secrétaires « évincés » de la Congrégation pour la liturgie, Mgr Francesco Pio Tamburrino et Mgr Domenico Sorrentino.

La riposte des défenseurs des deux rites, Mgr Ranjith et même….Joseph Ratzinger s’inspire en particulier d’une thèse du liturgiste Klaus Gamber. Pour ce dernier, en raison de l’importance des changements introduits, il ne s’agit pas d’une nouvelle version du même unique rite romain mais d’un nouveau rire, le « rite moderne » différent du rite traditionnel. Par conséquent, leur cohabitation est tout-à-fait possible, légitime et même souhaitable.

Dans l’optique pourtant de Joseph Ratzinger, qui demeure celle d’une « réforme de la réforme », à long terme, il serait de parvenir à un unique rite romain, sans doute plus proche de l’ancien rite que du nouveau.

Plus réservé et pessimiste que les traditionalistes dits ralliés à Rome, Mgr Bernard Fellay, le Supérieur de la Fraternité Saint Pie X exprime la crainte que le laps de temps ne devienne interminable.

Traditionnelle vraiment?- 21 octobre 2006

L’ancien missel était trop marqué par une théologie inhumaine et peut-être paiënne du sacrifice, en tout cas pré-évangélique.

La messe selon le rit de Saint Pie V est quelquefois qualifiée de l’épithète "traditionnelle".

Les intégristes de la fraternité Saint Pie X ne cessent d’ailleurs de se gargariser de cet adjectif pour justifier leurs préférences.

Mgr Marcel Lefebvre parlait même de la "messe de toujours".

Le sens de l’histoire n’a jamais été son fort.

EN réalité, les livres liturgiques ne font que codifier une évolution vivante, marquée souvent au départ par le tâtonnement et l’improvisation.

De fait, dans les premiers temps de l’Eglise, le célébrant ne lisait pas une prière eucharistique sur un missel mais inventait. Cette créativité liturgique n’a peut-être pas toujours porté les fruits escomptés. Par contre, sur le fond, cette libération par rapport au texte lu et par rapport au strict respect des rubriques constitue un gage de...vraie fidélité à l’intention des origines ; donc à la tradition.

Les historiens du culte sont généralement d’avis que les livres liturgiques actuels sont plus riches et plus traditionnels que le fameux missel de 1962 sur lequel se polarisent les intégristes. Surtout, en bonne théologie, ces textes parviennent à un meilleur point d’équilibre entre différents aspects, revalorisant la dimension d’assemblée participative, de communion et de repas.

L’image du Dieu de majesté, courroucé et sévère, devant lequel l’homme s’écrase, ainsi véhiculé par les textes et les rites est-il si conforme que cela au Dieu de l’Evangile ?

Il se pourrait bien que les intégristes cultivent une notion idéologique et fausse de la notion de tradition, identifiée bien à tort avec certains accents intransigeants à certaines périodes données.

Au fond, ils se plaisent à faire le tri, à retenir les éléments qui leur conviennent (ce qu’ils font grief aux "modernistes" de faire !). Paul VI lui-même en 1976 reprochait à Mgr Lefebvre une notion erronée de la tradition. Par la suite, le défunt cardinal Pierre Eyt, archevêque de Bordeaux n’eut de cesse de mettre en lumière les nombreuses déviances de la vision intégriste.

Si des catholiques présentent une vision frelatée de la tradition, il s’agit bien de ceux qui l’enferment dans le lit de Procuste de leur propre étroitesse mentale.

G*lias dénonce à juste titre l’intention idéologique fanatique et intolérante dont la référence à la messe est d’abord un drapeau .

Par ailleurs, nos "traditionalistes" seraient également bien inspirés de changer de nom. Ce qu’ils défendent, idole dérisoire de leur sclérose d’esprit, n’a rien de la vraie tradition, laquelle en fait est une marche incertaine et fraternelle, souvent itinérance sur une ligne de crête, à la suite de Jésus et au fil des âges. Christian Terras, Romano Libero

Les évêques grognent - 21 octobre 2006

L’épiscopat français est loin de faire preuve d’un enthousiasme débordant au sujet du projet de libéralisation du rite tridentin.

Dans la Vie de jeudi 19 octobre, Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême exprime déjà son mécontentement et regrette le manque, pour le moins, d’information donnée par le Vatican.

Il conclut en ces termes : " si jamais on voulait, de manière autoritaire, imposer un biritualisme, on serait dans une situation grave et préoccupante".

DANS un autre registre, plus argumenté nous semble-t-il, mais non moins décidé, Mgr Robert LeGall, archevêque de Toulouse et président de la commission épiscopale française de la liturgie soutient quant à lui que "libéraliser ce "rite extraordinaire", même si son but est d’apaiser les esprits, risque donc d’exacerber les oppositions".

L’Institut du Bon Pasteur a implanté un Séminaire à Courtalain , dans le diocèse de Chartres . Or, l’évêque du lieu, Mgr Michel Pansard, n’en a pas été prévenu. Il a publié un communiqué pour y exprimer son indignation.

Ces positions ne sont pourtant pas unanimes. L’évêque de Vannes , Mgr Raymond Centène, qui célèbre régulièrement le rite tridentin auquel il demeure personnellement attaché, semble au contraire très favorable à l’initiative de Rome . De même, l’évêque de Fréjus-Toulon , Mgr Dominique Rey, qui a lui-même ériger une paroisse traditionaliste sur son territoire.

L’archevêque-évêque de Lille, Mgr Gérard Defois, adopte en quelque sorte une position intermédiaire, en tout cas plus nuancé. Nous le citons : "Cette liturgie a formé des générations de chrétiens et possède une vraie grandeur. Le problème n’est pas là. Il réside dans la vision du monde souvent véhiculée par ceux qui s’en font les défenseurs, dans leur refus d’une adaptation de l’Eglise à la société moderne, dans leur lecture intégraliste de l’avangile du Christ Roi qui confond le règne de Dieu avec celui des hommes. Il peut y avoir des collusions intellectuelles entre certains courants extrémistes politiques et des légitimations religieuses. "

Et le prélat d’ajouter, au sujet de la réconciliation avec les disciples de Mgr Lefebvre : "la réconciliation ne peut se faire au prix d’un trait tiré sur un Concile qui fait partie de la tradition dogmatique de l’Eglise".

Il est vrai que diplomatie épiscopale oblige , Mgr Gérard Defois rajoute ensuite : "Quoiqu’il en soit, je suis très à l’aise avec la théologie de Benoît XVI et lui fait toute ma confiance".

G*lias

Le retour de la messe en latin - 14 octobre 2006

La rumeur circulait depuis déjà quelques temps. Le Pape semblait en effet disposé à redonner droit de cité à l’ancien missel dit de Saint Pie V, improprement évoqué sous l’intitulé trop vague de "messe en latin".

Nous nous permettons de succomber au même amalgame bien conscient par ailleurs du caractère rapide. De fait, s’il existe une version en latin du missel actuel de Paul VI, elle est très rarement célébrée sinon dans des lieux de prestige (abbaye de Solesmes, basiliques majeures de Rome, cathédrales en Allemagne...).

LA querelle autour de l’interdiction effective de l’usage de l’ancien missel, de sa légitimité et de son opportunité, semble très complexe.

Elle divise liturgistes et canonistes.

Pour certains d’entre eux, le fait que Paul VI ait effectivement promulgué un nouveau missel de remplacement constitue un vraie abrogation de l’ancien. C’est la thèse défendue par exemple par Dom Guy-Marie Oury, liturgiste et théologien du courant de Solesmes (nouvele messe en latin).

Selon d’autres, comme le cardinal de curie Alfons Maria Stickler, l’ancien missel de Pie V n’a jamais été abrogé dans les formes : il reste donc valable encore aujourd’hui.

Certains, comme le défunt Mgr Klaus Gamber, un historien bavarois proche de Joseph Ratzinger, se sont même demandés si le Pape avait seulement le droit d’abolir un rite (de même que le Pape, en bonne théologie, ne saurait, par exemple, supprimer l’épiscopat).

En 1984, pour tenter un rapprochement avec les intégristes, le Pape Jean Paul II avait concédé un indult aux traditionalistes (une autorisation) dans certains cas et avec l’accord de l’évêque du lieu.

Après le schisme de Mgr Lefebvre, Rome avait insisté sur une " application large " de cet indult . Cela valait de façon toute particulière pour des communautés très marquées comme les abbayes bénédictines du Barroux, de Fontgombault ou Randol, ainsi que pour des groupes de prêtres d’un profil analogue comme la fraternité Saint Pierre ou l’Institut du Christ.

Une frange importante de l’épiscopat demeure très hostile à une extension de ce droit.

A la Curie romaine même de très nombreux prélats sont vivement opposés à cette évolution. On sait par exemple que les cardinaux Giovanni Battista Re ou Mario Pompedda combattent vivement la tentative déjà récurrente de mettre sur un pied d’égalité l’ancienne messe et la messe actuelle.

Il est important de souligner que l’opposition à une telle légitimation de la fixation traditionaliste sur les anciens livres liturgiques n’est de loin pas seulement le fait des courants progressistes mais également de bien des prélats d’orientation modérée sinon conservatrice.

En France, ce n’est pas un hasard, c’est l’évêque de Metz, Mgr Pierre Raffin, dominicain de stricte observance, qui est récemment monté au créneau. De même, jadis, Dom Robert LeGal, abbé de Kergonan, devenu depuis archevêque de Toulouse, a -t-il critiqué sévèrement les complaisances du cardinal Ratzinger envers les thèses de Mgr Gamber.

En Italie, l’un des cardinaux les plus hostiles à l’ indult a toujours été Mgr Giacomo Biffi, archevêque ultra-conservateur de Bologne. Ce n’est semble-t-il pas non plus un hasard.

Ironie des choses et des positions, au cours des années soixante dix, la thèse d’une libéralisation de l’ancien messe était plutôt défendue par des théologiens d’avant-garde comme Yves Congar ou Hans Küng. Non en raison de quelque connivence secrète avec leurs contraires mais par esprit de libéralisme.

Ce paradoxe, intéressant à relever, ne saurait nous faire oublier que l’enjeu ultime de l’opposition entre les deux rites est proprement théologique et ne se réduit aucunement à un jeu de contrastes esthétiques ni à une simple querelle de détails.

Nombre de défenseurs de l’ancienne messe, et en particulier les têtes pensantes, comme les hiérarques de la fraternité Saint Pie X, en font une question de principe et de fond. En effet, les textes anciens insistent davantage sur le sacrifice et l’écrasement de l’homme devant Dieu alors que la nouvelle messe se montre plus sensible à la dimension communautaire de repas.

Mgr Marcel Lefebvre réclamait déjà de Paul VI la pleine égalité des deux messes. Le Pape Montini se garda alors de suivre l’avis de son confesseur, le futur cardinal Paolo Dezza qui l’incitait à légiférer en ce sens.

Il se montrait en effet lucide sur la tendance des intégristes à en faire un " drapeau ", comme l’écrivit un jour le cardinal croate Franjo Seper. Romano Libero

La messe en latin officiellement de retour en novembre - 6 octobre 2006

Fidèles du Peuple de Dieu, dépoussiérez vos missels du début de siècle dernier ;

Prêtres du Concile Vatican II, ressortez vos soutanes (s’il vous en reste), la Sainte Eglise Catholique a une surprise pour vous.

Dans quelques semaines, le pape promulguera un document pour la « libéralisation » de la liturgie romaine.

La date de publication du décret est prévue courant novembre prochain. Le contenu du document concernera la « libéralisation » totale du rite tridentin - selon les rubriques de 1962 - le mettant sur le même plan que le rite conciliaire (« réformé » pour les traditionalistes) : la « nouvelle » liturgie sera définie « rite ordinaire » alors que celle traditionaliste sera définie « rite extraordinaire », sans aucune limitation par quelque prêtre catholique que ce soit. DANS le décret (déjà signé par Benoît XVI en septembre dernier), le pape exprime - entre autres - le désir que les églises principales célèbrent au moins une messe tridentine dominical. Une décision d’importance donc qui confirme - s’il avait besoin - que la réintégration des disciples « historiques » de Mgr Lefebvre (les abbés Laguérie et Aulagnier dans le cadre de l’Institut du Bon Pasteur) n’est que le signe avant coureur d’un ralliement général à venir de l’ensemble de la famille intégriste.

Le cardinal Castrillon de Hoyos qui a en charge le dossier des négociations avec la Fraternité St Pie X ne vient-il pas de rappeler que les discussions continuent et qu’il espère les voir déboucher à moyen terme sur un véritable accord.

Mais au fait quel est le diagnostic des tenants d’un retour à la liturgie ancienne ?

La volonté restauratrice dans le domaine liturgique s’appuie en réalité sur la conviction que le déclin de la pratique et la poussée de sécularisme tiendrait en bonne part, sinon essentiellement, à la mutation trop rapide, pour certains, une "dévastation", de la liturgie catholique. Cette thèse a été amplement développpée, même si c’est avec des variantes considérables, à la fois par les intégristes de Mgr Lefebvre, par des liturgistes comme Mgr Klaus Gamber (dont le cardinal Ratzinger a été proche de certains points de vue) et par certains représentants du catholicisme le plus conservateur, comme jadis le cardinal Giuseppe Siri.

Les traditionalistes espèrent donc qu’une restauration conservatrice en liturgie suscitera l’effet inverse. Les gens retrouvant le chemin de leur paroisse. Ils misent sur la force d’attraction d’une sacralité à l’ancienne.

A mon avis, il y a là une grave erreur de perspective.

Sans doute, la mutation interne de l’Eglise et surtout du culte a pu surprendre et troubler. On connaît la réaction du Président Georges Pompidou qui déplorait cette évolution. Mais le maintien figé d’une liturgie d’un autre âge aurait accéléré encore, globalement, le processus de sécularisation.

Quel que soit le jugement porté sur la réforme liturgique au plan esthétique ou historique, force est de constater qu’elle aura certainement limité l’hémorragie. En effet, comme se plaît à le souligner le cérémoniaire du Pape, Mgr Piero Marini, sans cette réforme les grands messes très populaires de Jean Paul II, surtout hors de Rome, n’auraient pas été possibles. Remplacer Madonna par Chopin dans des discothèques contribuerait plus à les vider qu’à les remplir. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne puisse pas et ne doive pas y avoir aussi des salles de concerts. Néanmoins, une liturgie élitiste (en latin) ne mobiliserait pas un nombre important de fidèles et par contre en ferait fuir beaucoup d’autres.

De plus, les partisans d’une restauration liturgique semblent ignorer ce que des spécialistes comme Dom Nocent, Mgr Martimort, Dom Vaggagini, Mgr Magrassi et même un historien du culte aussi peu suspect de progressisme que Dom Oury, moine de Solesmes n’ont cessé d’établir : la messe actuelle est ...plus authentiquement traditionnelle que l’ancienne.

Enfin, et nous touchons là le point fondamental, névralgique il est vrai, la cause de la baisse de la pratique tient d’abord à une évolution de la société et des moeurs, au fond quelle que soit la liturgie en vigueur.

Célébrer en français n’a certainement pas endigué un déclin de la pratique qui correspondait finalement au passage d’un monde à un autre. Revenir aujourd’hui à une liturgie confinée et incompréhensible ne ferait par contre qu’accélerer un processus plus large, plus englobant. Au fond, nos critiques acharnés de la réforme liturgique n’ont semble-t-il pas vu que l’Eglise vivait dans une époque donnée et ne pouvait en faire abstraction.

A moins de préferer devenir une réserve de personnages anachroniques, un conservatoire de pierres tombales en marbre, tentations qu’en deux mille ans de christianisme l’Eglise aura toujours surmontée.

Christian Terras, Romano Libero,