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Appelés à célébrer

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jeudi 30 septembre 2004.


Note du Webmestre : la réception de l’instruction "Redemptionis Sacramentum" par un évêque catholique...

Editoriaux de Mgr Léonard parus sur le site du diocèse de Namur

APPELES A CELEBRER

Editorial du 30/09/2004

Quelques conseils pratiques

Comme annoncé antérieurement, je voudrais, en quelques articles, relever quelques points qui méritent notre attention en vue de célébrer de manière toujours plus digne le grand sacrement de l’Eucharistie. L’ensemble de ces divers articles sera une petite contribution personnelle à l’année pastorale dans laquelle nous entrons ce mois-ci : "Appelés à célébrer".Elle coïncide avec l’année de l’Eucharistie décrétée par Jean-Paul II. Dans sa très belle encyclique "L’Église vit de l’Eucharistie", celui-ci avait annoncé, au § 52, qu’il demanderait à la Congrégation pour le Culte Divin de publier un texte très concret sur certains points pratiques de liturgie méritant aujourd’hui une spéciale attention de notre part. C’est ce vœu qu’a réalisé, le 25 mars 2004, la publication de l’Instruction "Le sacrement de la rédemption". De nature disciplinaire, cette Instruction n’est évidemment pas un grand texte habité par un souffle puissant. Il rappelle sobrement quelques points à observer fidèlement et dénonce brièvement quelques abus à éviter avec soin. Si l’on trouve regrettable que Rome publie de tels textes, la plainte doit remonter plus haut, en direction des dérapages ou négligences qui rendent, malheureusement, de tels textes nécessaires.

Dans son Préambule et dans son premier chapitre, l’Instruction rappelle tout d’abord que le Mystère de l’Eucharistie est trop grand pour que quelqu’un puisse se permettre de le traiter à sa guise (cf. § 11). L’Église elle-même n’a pas un pouvoir de maîtrise sur l’Eucharistie qui lui vient du Seigneur. Aucun évêque, aucun prêtre, aucune équipe liturgique ne peut se comporter en propriétaire de la liturgie. Mais il appartient au Siège Apostolique de Rome et, dans certaines limites, à l’Évêque diocésain, non pas de régenter arbitrairement la liturgie, mais d’en gouverner l’exercice en fidélité à la Tradition qui vient du Seigneur et des Apôtres.

Conformément à ce que rappelle l’Instruction (§§19-25), j’ai donc le devoir d’attirer l’attention sur les quelques points où, selon mon expérience, nous avons à corriger des abus plus ou moins graves. Corrélativement, les fidèles du diocèse ont le droit que leur évêque intervienne publiquement en ces matières et leur garantisse, grâce à la collaboration des prêtres (cf. §§ 29-33) et des équipes liturgiques, des célébrations conformes à ce que l’Église a voulu et établi par souci de fidélité au Seigneur (§§ 12 et 24). Je vous demande donc d’accueillir avec bienveillance les quelques remarques ou mises au point que je vous confierai aimablement dans ces pages.

Le fil conducteur de l’Instruction est le souci d’une juste participation active de l’assemblée à la liturgie, en tenant compte de ce que l’Eucharistie a, certes, la dimension conviviale d’un banquet sacré, mais aussi et surtout une dimension sacrificielle (cf. § 38). Ce qui nous y réunit n’est pas seulement un repas rituel, mais d’abord l’offrande du sacrifice de la croix. Chacun est invité à participer activement, selon sa mission propre, à une liturgie qui a simultanément ce double aspect convivial et sacrificiel (cf. § 40). Je ne vais pas retenir ici tous les points traités par l’Instruction, mais seulement ceux qui concernent certaines pratiques ayant cours dans notre diocèse. Je ne suivrai pas non plus l’ordre adopté par l’Instruction, mais celui de la célébration. Enfin, en guise de conclusion de ces articles, je terminerai par quelques rappels, absents de l’Instruction "Redemptionis Sacramentum", destinés à mieux vivre l’aspect convivial de nos célébrations eucharistiques.

La première chose que les fidèles perçoivent au début de la messe, c’est le vêtement du célébrant et la présence des acolytes. En certains lieux, on a perdu à tort l’usage de la chasuble portée par le prêtre au-dessus de l’aube et de l’étole. Il importe de le redécouvrir (cf. § 123), car, en enveloppant le célébrant, la chasuble rappelle opportunément que le prêtre n’agit pas en tant que personne privée, mais seulement dans la mesure où il est revêtu du sacerdoce de Jésus-Christ, notre seul Grand Prêtre. Quand plusieurs prêtres concélèbrent, le célébrant principal portera donc toujours la chasuble, tandis que les prêtres concélébrants pourront se contenter de l’aube et de l’étole s’il n’y a pas de chasubles disponibles (cf. § 124). En ce qui concerne les acolytes, filles et garçons sont les bienvenus, mais on veillera à ce que les garçons ne soient pas exclus, car plus d’une vocation sacerdotale est née du contact direct avec la célébration de la messe (cf. § 47).

En même temps, les fidèles perçoivent la musique et le chant qui accompagnent l’entrée ainsi que leur propre position liturgique. Le chapitre de la musique et du chant liturgiques (cf. § 57) mériterait à lui seul de longs développements qui n’ont pas leur place ici. Quant aux positions liturgiques, en lesquelles s’exprime une part notable de la "participation active" des fidèles à la liturgie (cf. § 40), qu’il suffise de rappeler que, sauf problèmes personnels de santé, les fidèles sont debout depuis le début de la célébration jusqu’à la première lecture (et donc jamais assis durant le Kyrie et le Gloria !) ; assis durant les lectures jusqu’à l’Alleluia exclusivement (ou l’acclamation équivalente durant le Carême), où tous se lèvent pour acclamer l’Évangile ; assis durant l’homélie ; debout pour le Credo et la Prière universelle ; assis durant l’offertoire ; debout à partir de l’invitation "Prions ensemble au moment..." jusque après la communion (et donc jamais assis pendant la Préface, ni entre la consécration et le Pater, ni avant la communion !) ; à genoux, si possible, pendant la consécration ; assis pendant le temps de recueillement après la communion ; et enfin debout depuis l’oraison finale jusqu’à la sortie.

Il convient de réagir à l’habitude qui se répand de remplacer les textes de l’ordinaire de la messe (spécialement le Gloria, le Credo et le Sanctus) par des compositions poétiques qui, parfois, n’ont plus qu’un lointain rapport avec les textes liturgiques (cf. § 59). Les responsables du chant auront à cœur de ne retenir que les compositions musicales, nombreuses, qui respectent le texte commun à toute l’Église. Le problème est particulièrement grave concernant le Credo, où s’exprime la foi commune à toutes les confessions chrétiennes. C’est donc aussi un geste à grande portée œcuménique de n’utiliser dans la liturgie que le Credo de Nicée-Constantinople ou le Symbole des Apôtres, voire, à l’occasion, la Profession de foi, sous forme de questions et réponses, utilisée à la Veillée pascale (cf. § 69). Nous aurons grand profit à abandonner les autres compositions, parfois de très mauvais goût.

Viennent ensuite les lectures de la liturgie de la Parole. On veillera avec soin à ne jamais y introduire des lectures étrangères à la Bible, et ce sous aucun prétexte. Si l’on jugeait profitable de partager l’un ou l’autre texte non biblique particulièrement parlant, ce devrait être uniquement à titre de méditation, à un moment adapté, et jamais comme une lecture mise sur le même pied que les lectures bibliques. C’est, en effet, la Parole de Dieu en sa Révélation qui nous réunit dans la liturgie, et non l’un ou l’autre texte qui nous plairait dans telle ou telle tradition religieuse ou poétique. Il faudra aussi corriger la mauvaise habitude qui s’est installée, ici ou là, d’omettre l’une des trois lectures de la messe dominicale. C’est justement l’un des plus beaux acquis de la réforme liturgique d’avoir élargi la lecture de l’Écriture Sainte à la messe. Ce n’est pas pour la réduire maintenant ! Il est particulièrement dangereux d’omettre systématiquement les lectures de l’Ancien Testament, comme si les Écritures juives du Premier Testament ne faisaient pas partie de la Révélation chrétienne ! Les responsables du chant veilleront également à ce que le chant qui suit la première lecture soit le psaume de méditation prévu par la liturgie et non une quelconque pièce de chant sans grand rapport avec cette lecture (cf. § 62).

Au cours de la messe, la lecture ou le chant de l’Évangile seront toujours faits par un ministre ordonné, évêque, prêtre ou diacre. De même, l’homélie sera toujours prononcée par un ministre ordonné (cf. §§ 63-64). Si un laïc doit intervenir pour une information ou un témoignage, cette intervention se situera au mieux entre l’oraison finale et la bénédiction, au moment habituellement prévu pour les annonces (cf. § 74).

Ayant achevé ainsi ce qui concerne la liturgie de la Parole, je vous parlerai, la prochaine fois, de ce qui concerne la liturgie eucharistique.

QUELQUES CONSEILS POUR PROGRESSER DANS LA LITURGIE EUCHARISTIQUE

Editorial du 31/10/2004

L’éditorial précédent a été consacré à la Liturgie de la Parole. Celle-ci se conclut avec la Prière universelle. Elle se déroule habituellement très bien. Il faut seulement veiller, lors des messes de mariage ou de funérailles, à ce qu’elle reste une prière adressée à Dieu et ne se transforme pas en message d’adieu au défunt ou en télégramme de vœux adressé aux nouveaux mariés. Il suffit de demander aux intervenants de veiller à ce que chaque intention puisse logiquement se terminer par la formule : « Prions le Seigneur ».

Après la Prière universelle, commence la Liturgie eucharistique proprement dite. Vient tout d’abord la préparation des dons. Il peut paraître superflu de rappeler qu’en ce qui concerne le pain à consacrer il doit s’agir de pain de froment, sans levain. Quelques très rares abus invitent cependant à signaler rapidement ce point (cf. § 48). Il faut donc proscrire l’usage de pain de froment ordinaire, fermenté, ainsi que le pain auquel on a ajouté des fruits, du sucre ou du miel (du genre « cramique », comme on dit en Belgique). Le plus judicieux est donc d’utiliser, comme cela se fait habituellement, des hosties fabriquées de manière professionnelle, de préférence les plus épaisses, qui évoquent mieux que les toutes fines la réalité du signe du pain. On encouragera l’usage par le célébrant d’une ou de plusieurs grandes hosties, qui pourront être fractionnées au moment de la communion. On veillera aussi à ce qu’un nombre significatif de petites hosties soient consacrées au cours de la messe à laquelle on communiera, au lieu d’être prises, sans nécessité, dans la Sainte Réserve (cf. § 49). Dans certains monastères et dans les communautés néocatéchuménales, on utilise volontiers du pain de froment, azyme, plus épais et souple. Cela fonctionne très bien dans ces communautés, bien formées à cela et soucieuses de bien gérer, après la communion, les particules qui demeurent dans la patène. Dans les assemblées ordinaires, mieux vaut utiliser les hosties habituelles, qui ont l’avantage de ne guère laisser de miettes.

Les récipients qui contiennent les hosties et le vin et, après la consécration, accueilleront le Corps et le Sang du Seigneur ne seront pas, sauf cas d’extrême nécessité, des récipients ordinaires. Ils doivent être réservés à l’usage liturgique. On évitera donc soigneusement les corbeilles ou les verres d’usage commun. On accordera une préférence résolue aux patènes, coupes ou calices en métal noble. Si l’on utilise des récipients en terre cuite, il devra s’agir d’objets vraiment solides et dotés d’une valeur artistique (cf. § 117). Si d’autres dons que le pain et le vin sont présentés à l’offertoire, on veillera, outre une certaine sobriété, à ce que ces dons ne soient pas disposés sur l’autel lui-même.

Enfin, au terme de la préparation des dons, il n’y a pas de raison d’omettre le lavement des mains comme cela se fait en quelques paroisses ou communautés. Au-delà de son éventuelle utilité pratique, ce geste exprime la pureté intérieure avec laquelle le célébrant doit commencer la liturgie eucharistique, ainsi que l’indique la prière qui accompagne ce geste.

Pour la préface comme pour les diverses oraisons, on pourra se servir, à l’occasion, des textes proposés par certaines revues liturgiques. Ils ont l’avantage de se référer aux textes bibliques du dimanche. Mais cette référence n’est pas indispensable, la messe n’étant pas une activité didactique visant à l’assimilation d’un thème. Par ailleurs, rien n’égale la beauté, concise et sobre, des oraisons et préfaces du missel. Le choix offert est tellement large qu’on pourra toujours y trouver ce qui convient.

Par contre, il faut être particulièrement intransigeant concernant les Prières eucharistiques proprement dites. Le missel en usage pour la Belgique francophone en comporte dix, à savoir les quatre classiques, communes à l’Eglise universelle, et six autres adaptées à des circonstances particulières (réconciliation, rassemblements d’envergure, messes avec de nombreux enfants). Le bien commun de la foi et du trésor de l’Eucharistie exige qu’on s’en tienne à ces dix prières approuvées, en renonçant fermement aux autres textes en circulation et, par-dessus tout, aux compositions privées. Toute autre pratique constitue un abus grave, dommageable à l’unité de l’Eglise (cf. § 51).

Parmi les dix prières eucharistiques reconnues, et spécialement parmi les quatre prières de base, l’habitude s’est installée, en de nombreuses paroisses, de ne jamais plus utiliser la première, le Canon romain, et la quatrième, qui est pourtant splendide, elle aussi, avec sa préface propre. Il est vrai que leur emploi entraîne une durée d’une ou deux minutes supplémentaires. Est-ce une raison suffisante pour les abandonner ?

Concernant la Prière eucharistique, je dois signaler un abus rarissime dans notre diocèse, mais particulièrement grave, celui qui consiste à faire dire par toute l’assemblée, ou par une partie de celle-ci, des passages de la Prière eucharistique en alternance avec le prêtre, voire même, parfois, la totalité de la Prière eucharistique, la consécration y comprise (cf. § 52). Cet abus gravissime est lourd de conséquences, car il revient à gommer le rôle spécifique du prêtre dans la présidence de l’Eucharistie. Cela porte atteinte à une structure essentielle de l’Eglise catholique - comme aussi de l’Eglise orthodoxe -, à savoir la nécessité du ministère ordonné pour « représenter », pour « rendre présent » le Christ célébrant lui-même l’Eucharistie « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ». C’est donc un total contresens d’estimer que le rôle spécifique du prêtre, seul habilité à proclamer la Prière eucharistique, constitue un abus de pouvoir. Il s’agit simplement de reconnaître que, dans sa mission propre, le prêtre rend présent à la communauté le Christ, Tête de l’Eglise qui est son Corps. D’ailleurs, l’assemblée est loin d’être passive pendant la Prière eucharistique. Outre la communion profonde de la prière, elle dialogue avec le prêtre au début de la préface, chante le « Sanctus » ainsi que l’anamnèse après la consécration, avant de s’unir par l’ « Amen » final à la doxologie (« Par lui, avec lui et en lui... ») par laquelle le prêtre conclut la Prière eucharistique. De plus, dans les messes d’enfants, des acclamations sont prévues durant la Prière eucharistique. On peut les utiliser aussi dans les messes d’adultes, tout comme on peut chanter également deux « invocations à l’Esprit Saint » (ou épiclèses), l’une qui précède la consécration et l’autre qui la suit, la première étant dirigée vers les dons (le pain et le vin) et la seconde vers le peuple rassemblé par l’Eucharistie (cf. § 54).

Toute messe est célébrée dans la communion avec l’Eglise diocésaine locale et avec l’Eglise universelle. D’ailleurs, un prêtre ne célèbre l’Eucharistie en paroisse que pour remplacer l’évêque, successeur des Apôtres, empêché, par la force des choses, de célébrer lui-même partout. C’est pourquoi, conformément à une tradition très ancienne, on n’omettra jamais de mentionner dans la Prière eucharistique le nom propre du Pape et celui de l’Evêque diocésain, voire aussi de son auxiliaire. Faire autrement porte atteinte à la communion de l’Eglise, essentielle pour la célébration de l’Eucharistie (cf. § 56).

Je conclus ainsi les remarques à propos de la première partie de la Liturgie eucharistique proprement dite. La fois prochaine, il sera question des points qui concernent la communion et la conclusion de la messe.

QUELQUES CONSEILS POUR MIEUX VIVRE LA COMMUNION A LA MESSE

Editorial du 21/11/2004

Je poursuis aujourd’hui la série de quelques articles consacrés à des points concrets de liturgie. Vous pouvez aussi, en cette matière, vous inspirer du « Guide pratique pour les célébrations », publié par les Evêques de Belgique et envoyé récemment aux principaux acteurs de la pastorale.

J’en viens cette fois à ce qui concerne le rite de la communion. Il est immédiatement précédé par le baiser de paix et la fraction du pain eucharistique. Le baiser de paix est un geste liturgique où s’exprime la communion, voire la réconciliation des fidèles rassemblés. Il ne s’agit pas d’une séance de bisous tous azimuts... Idéalement, le baiser de paix devrait partir des célébrants à l’autel et, de là, se propager aux fidèles, qui sont invités à le communiquer à leurs voisins. Il n’est pas nécessaire que le prêtre descende lui-même dans l’assemblée et la parcoure tout entière. Il est encore moins requis que le nombre de baisers de paix échangés soit égal à la factorielle mathématique du nombre d’assistants... Il faut trouver le bon équilibre entre la raideur et l’expansion débordante (cf. § 72).

La fraction du pain est un rite éloquent à vivre avec beaucoup de soin. Il exprime que, si nombreux que nous soyons, nous avons part au même pain qui est le Corps du Christ. D’où l’intérêt d’avoir une grande hostie à diviser en un bon nombre de particules. Pour rappel, la fraction du pain ne doit pas avoir lieu au moment de la consécration (cf. § 55). Ce n’est pas parce qu’on dit : « il prit le pain, le bénit, le rompit, etc. » qu’il faut, à ce moment, rompre une première fois le pain. La messe n’est pas un mime de la Dernière Cène. Semblablement, c’est une « fausse bonne idée » d’installer les fidèles, le Jeudi Saint, autour d’une grande table. La messe n’est pas un décalque du dernier repas de Jésus. Celui-ci était d’ailleurs tout sauf un pique-nique convivial. C’était un repas ritualisé, où les convives étaient disposés à l’antique, allongés sur des banquettes, sans vis-à-vis. Vouloir reproduire cela n’a aucun sens liturgique.

Le prêtre et les autres concélébrants éventuels communient d’abord au Corps du Christ et au Saint Sang (cf. § 97). Certains jugent parfois que c’est un manque de courtoisie par rapport aux fidèles... Mais le rite de la communion n’a rien à voir avec notre étiquette de table ! Si les célébrants communient les premiers, c’est en raison de leur ministère sacerdotal de présidence. Il n’y a donc aucune raison de procéder à l’inverse.

En ce qui concerne la communion des fidèles, ce sont les ministres ordonnés, évêques, prêtres et diacres, qui en sont les ministres ordinaires (cf. § 88). Il ne faut recourir à des ministres extraordinaires (personnes consacrées ou laïcs) que s’il y a une véritable nécessité, en raison du grand nombre de fidèles. Les ministres extraordinaires ne peuvent s’improviser tels, ils doivent avoir été formés et députés à cet effet. En quelques endroits, il arrive qu’au moment de la communion les ministres ordonnés demeurent vissés sur leur chaise tandis que ce sont des laïcs qui distribuent la sainte communion. Il importe de redresser cette pratique aberrante là où elle existe (cf. § 157-158).

On a affaire à un abus plus grave encore lorsque la sainte communion n’est pas distribuée, mais que circule dans l’assemblée une patène ou une corbeille où chacun se sert (cf. § 94). On perd ainsi gravement le sens du ministère ordonné, grâce auquel Jésus donne le pain de vie aux apôtres pour que ceux-ci le distribuent à la foule.

Il reste encore beaucoup de progrès à accomplir pour que la communion de fidèles se passe dans la dignité et la beauté. Je constate cependant, au fil des années, une certaine amélioration. On veillera tout d’abord à respecter la juste liberté des fidèles. On acceptera que ceux-ci communient debout ou à genoux, dans la main ou sur la langue, selon leur choix (cf. § 90-92). Si les fidèles communient dans la main, on rappellera, de temps en temps, la manière juste de le faire. Les mains doivent être posées l’une sur l’autre avec dignité. On exigera avec fermeté et douceur que les personnes communient sur place, en se tenant immobiles un instant, et non pas en se retournant ou en marchant vers leur place (cf. § 92). On veillera avec un soin plus vigilant encore à ce que les communiants n’emportent pas l’hostie à leur place, ce qui donne lieu parfois à de graves abus (cf. § 105). Si certains demandent une hostie à emporter, on s’assurera, si la personne n’est pas connue ou n’est pas députée à ce ministère, que son intention est bien de porter, immédiatement après, la communion à un malade et non de garder l’hostie chez soi. On n’acceptera pas de déposer la communion dans un morceau de papier ou un mouchoir. Il doit s’agir d’une pyxide ou d’un objet analogue, ayant une certaine dignité. Pour l’expliquer, il suffit de donner rendez-vous à la personne à la sortie de la messe.

La communion sous les deux espèces est rarement recommandée dans une grande assemblée (cf. § 100-102). Il vaut mieux la réserver pour des groupes relativement restreints. La meilleure manière de procéder est alors que chacun boive à la coupe ou aux coupes prévues à cet effet, en évitant de verser le Saint Sang d’une coupe dans l’autre (cf. § 105). La communion par intinction, où les fidèles trempent eux-mêmes l’hostie dans le Saint Sang, devrait également, si on la juge vraiment indiquée, être réservée à de petits groupes bien formés. Dans de grandes assemblées, je constate avec douleur qu’elle conduit souvent à de graves manques de respect. Le geste est, la plupart du temps, si rapide et si désinvolte que des gouttes de Saint Sang sont répandues, puis piétinées. Il vaut mieux que ce soit le prêtre lui-même qui, tenant la coupe, prenne les hosties dans la patène tenue par un autre ministre ordinaire ou extraordinaire et, trempant délicatement l’hostie dans le Saint Sang, la dépose sur la langue des communiants (cf. § 103-104). Fait avec soin, ce geste est très beau. Certains craignent d’y voir un retour à l’ancienne manière de communier. En fait, il s’agit surtout d’une manière de faire pleinement respectueuse du Seigneur. Par surcroît, ce geste occasionnel peut être vécu en solidarité avec nos frères d’Orient, qui communient toujours de la sorte, et avec tous ceux qui, en Occident également, communient, très majoritairement, de cette manière au Corps du Christ.

Dans certaines assemblées occasionnelles (funérailles, mariages, etc.), il sera parfois judicieux de rappeler avec délicatesse que personne n’est jamais obligé de communier et que la communion n’est pas un rite de convenance auquel chacun devrait participer par bienséance, comme lorsqu’on défile à l’offrande lors des enterrements.

Dans quelques rarissimes paroisses, j’ai assisté à un rite farfelu. Au lieu de bénir les petits enfants qui ne sont pas encore en âge de communier, un acolyte leur présente, un peu comme l’équivalent du Corps du Christ, un biscuit ou un bonbon. Cela revient, évidemment, à suggérer une confusion très dommageable dans l’esprit des tout-petits (cf. § 96).

Enfin, on veillera à laisser après la communion de fidèles un temps suffisant de recueillement pour intérioriser le don reçu. Ce n’est donc pas le moment de faire aussitôt les annonces, lesquelles prennent mieux leur place entre l’oraison finale et la bénédiction. La fois prochaine, je parlerai de quelques questions plus générales, orientées vers une manière plus chaleureuse et conviviale de célébrer l’Eucharistie.

POUR DES CELEBRATIONS DIGNES ET CHALEUREUSES

Editorial du 05/12/2004

À travers les trois éditoriaux précédents, je me suis permis récemment d’attirer votre attention sur quelques points où nous pouvons progresser dans notre manière de vivre la liturgie. Je chercherai à diffuser largement ces conseils afin qu’ils soient bien connus de tous. Ils rejoignent ceux qui sont contenus dans le Guide pratique pour les célébrations publié par les Évêques de Belgique.

Pour conclure, je voudrais simplement vous inviter aujourd’hui à souligner le caractère authentiquement festif de vos célébrations. Une vraie messe doit nous aspirer vers le haut. Elle doit nous entraîner à la rencontre du Seigneur. Elle n’a donc de sens vrai que si elle nous permet de communier en profondeur à la croix glorieuse de Jésus, mort et ressuscité pour donner la vie à son peuple. Autrement dit, la messe n’est pas une fête quelconque, mais une fête liturgique. Et le repas eucharistique n’est pas un pique-nique fraternel, mais un banquet sacré. Nous y recevons en nourriture Celui qui s’est offert en sacrifice pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Ne l’oublions jamais.

Mais, en même temps, cherchons à ce que nos célébrations soient vraiment fraternelles et vivantes. La plupart des chrétiens pratiquants ne consacrent à l’Eucharistie qu’une heure par semaine. Il faut que cette heure passée ensemble avec le Seigneur nous fasse le plus de bien possible. Permettez-moi de faire quelques suggestions à ce propos.

Dans nos églises, il est bon que règne une atmosphère de recueillement et de silence avant, pendant et après les offices. Mais cela ne doit pas nous empêcher de prendre le temps de nous saluer comme des frères et sœurs dans la foi en arrivant à l’église ou en la quittant. Veillons aussi à bien nous rassembler pour la célébration. Finissons-en avec ces assemblées éparses, où les fidèles s’installent « plic-ploc » dans l’église et, de préférence, vers le fond. Cela tue la participation. Le comble est que, parfois, on place les enfants et adolescents au premier rang, en laissant derrière eux un grand vide. Il ne faut pas alors s’étonner qu’ils désertent dès que cela leur est possible. Une communauté qui n’est pas soudée et vivante est condamnée à disparaître.

N’oublions pas non plus de prier avec notre corps en respectant les positions prévues par la liturgie, debout ou assis, voire à genoux, selon les moments. De même, cherchons à obtenir que les fidèles disent bien ensemble les réponses ou les prières qui leur reviennent et participent activement au chant. Certes, les chorales doivent avoir veillé pour cela à choisir des chants de qualité, capables d’être repris par une foule, soit en leur entier soit par leur refrain. Mais si ces conditions sont réunies, qu’on y aille de tout son cœur, sachant que chanter, c’est prier deux fois. Rien n’est plus triste qu’une assemblée dispersée ou qu’une assemblée qui ne chante pas.

Il est essentiel pour la vérité de la liturgie que chacun y exerce les fonctions qui lui reviennent. C’est ainsi qu’il revient aux laïcs d’intervenir pour les lectures bibliques autres que l’Évangile, pour la Prière universelle, pour la procession d’offrandes, sans oublier le service si précieux des acolytes (§ 43-47). Tout cela demande, bien sûr, une formation, spécialement pour les lecteurs et lectrices, qui doivent apprendre à lire lentement, posément, avec cœur et en se servant judicieusement du micro. Dans quelques paroisses, je constate que c’est encore parfois le prêtre qui fait lui-même les lectures ! C’est tout à fait contre-indiqué. Là où il y en a, on honorera le ministère liturgique des diacres, ce qui suppose que ceux-ci aient accordé le soin nécessaire à leur formation en la matière. La liturgie sera d’autant plus belle que chacun sera appelé à y participer selon sa responsabilité ou sa mission propre.

Les interventions musicales de qualité sont les bienvenues pour souligner la dimension festive de nos célébrations. Mais elles seront toujours conçues de telle manière qu’elles n’apparaissent pas comme un spectacle ou une représentation qui attirent l’attention sur eux-mêmes. Elles doivent s’incorporer à la célébration sans se faire valoir pour elles-mêmes. De ce point de vue, les soi-disant « danses liturgiques » ou « chorégraphies liturgiques », introduites parfois dans notre rite latin appellent de nettes réserves. Dans d’autres cultures, spécialement en Afrique, elles s’incorporent naturellement à la célébration et ne sont en aucune manière perçues comme un « extra » s’ajoutant à la célébration. Et personne ne songerait, après leur exécution, à applaudir les danseurs et danseuses. Par contre, dans notre culture occidentale, elles se présentent inévitablement comme un ingrédient extérieur, injecté artificiellement dans la liturgie. Le signe en est que, parfois, ce genre de prestations suscite, une fois la danse terminée, les applaudissements de l’assemblée, ce qui révèle qu’elle a vécu la chose comme un spectacle, sympathique sans doute, mais étranger au sens liturgique authentique.

Ceci dit, rien n’empêche que, occasionnellement, au terme d’une célébration ou après une prise de parole particulièrement touchante, l’assemblée encourage par des applaudissements tel groupe ou telle personne qui était à l’honneur au cours d’une célébration. Mais cela se pratique habituellement en dehors de l’action liturgique proprement dite et, dès lors, ne porte pas atteinte à sa teneur propre.

On aura soin d’incorporer régulièrement à la Liturgie de la Parole et à la procession des offrandes, ou à d’autres moments adéquats encore, les enfants et adolescents présents dans l’assemblée, mais en veillant toujours à ce que leur participation active, si souhaitable, ne se transforme pas en spectacle. Il doit s’agir d’un élément naturellement relié à l’action liturgique. Il y a encore beaucoup d’imagination à développer en cette matière.

Après la messe, prenons le temps de nous saluer et d’échanger un peu avec nos frères et sœurs chrétiens. Un apéritif tout simple, pris ensemble, peut, en certaines circonstances, contribuer à resserrer les liens de la communauté, mais, bien sûr, de préférence pas dans l’église, sauf cas de réelle nécessité, afin d’en respecter le caractère sacré.

Il y aurait bien d’autres choses encore à dire sur ce sujet, mais vous les devinez vous-mêmes et comprenez bien où je veux en venir. En un mot comme en cent ou en mille, je vous souhaite de vivre avec profondeur et bonheur vos Eucharisties au cours de cette année « Appelés à célébrer ». Vous aurez ainsi de la joie à les célébrer ou à y participer et cela éclairera tout le reste de votre vie. C’est le vœu tout particulier que je vous adresse en cette Année de l’Eucharistie. Au seuil de 2005, je vous bénis encore de tout cœur.

+ André-Mutien,

Évêque de Namur.